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MIROIR ET CONNAISSANCE DANS LA POÉSIE DES TANG ... - AFEC

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<strong>MIROIR</strong> <strong>ET</strong> <strong>CONNAISSANCE</strong><br />

<strong>DANS</strong> <strong>LA</strong> <strong>POÉSIE</strong> <strong>DES</strong> <strong>TANG</strong><br />

Florence Hu-Sterk<br />

La richesse du miroir réside dans son ambivalence première.<br />

Révélateur à la fois de l'être et du paraître, emblème<br />

tant de la Vérité que de la Fausseté, cet objet en<br />

apparence futile reflète la longue histoire des métamorphoses<br />

du regard. «Je ne suis presque rien et je suis<br />

toute chose». Les poètes chinois auraient sans doute<br />

aisément trouvé la réponse à cette énigme française du<br />

XVIIe siècle 1 . Mieux cerner le symbolisme du miroir dans<br />

la poésie des Tang, c'est tenter d'esquisser le visage qui<br />

s'y mire. En outre, de l'étude du miroir, on passe subrepticement<br />

à celle du regard, et à travers lui toute une<br />

vision du monde se dessine. Ainsi, les variations de cette<br />

image révèlent la quête non seulement littéraire, mais<br />

aussi artistique, philosophique et spirituelle de la Chine<br />

des Tang.<br />

L'image du miroir peut être considérée comme faisant<br />

partie de ce que Paul Demiéville appelle «la réserve d'archétypes<br />

poétiques qui relèvent du subconscient collectif<br />

et qui vont de soi pour tout lecteur chinois» 2 . Le lecteur<br />

occidental, en revanche, se heurte à un ensemble de<br />

référents et d'allusions littéraires qui lui échappent et<br />

qui forment une véritable trame organique. Cette trame,<br />

nous allons tenter d'en éclairer la logique interne. Figure<br />

du Tout, véritable œil embrassant la réalité dans une<br />

vision synoptique, l'image du miroir dans la poésie des<br />

Tang est omniprésente dans trois grands domaines qui<br />

feront l'objet de cette étude : la connaissance de soi, ou<br />

le miroir d'identité; la connaissance de l'autre, ou le<br />

miroir d'altérité; enfin, la connaissance spirituelle.<br />

Études chinoises, vol. VI, n° 1 (1987)


30 F. HU-STERK<br />

*<br />

Mais d'abord nous voudrions apporter quelques<br />

précisions - sans lesquelles les images poétiques pourraient<br />

rester obscures - sur le miroir en tant qu'objet et<br />

sur son rôle dans la tradition politico-religieuse chinoise.<br />

Si le miroir dans la poésie peut être image, symbole,<br />

ou plus largement peut évoquer tout processus de figuration,<br />

c'est avant tout un objet bien réel. L'analyse du<br />

caractère chinois originel est révélatrice. Le caractère<br />

signifiant «miroir», jian, représentait un homme se penchant<br />

sur un «bassin» pour se voir :<br />

Voir (J œil + A homme)<br />

Voir ou se voir (un homme se penche sur<br />

un bassin pour se voir)<br />

Le miroir (addition de la clé du métal)<br />

Ce «bassin», à l'origine en terre cuite, fut fondu ensuite<br />

en bronze, d'où l'apparition de la clé du métal. Il<br />

servait sans doute à la toilette et également à conserver<br />

les aliments dans la glace 3 .<br />

On s'aperçut très vite que, même sans eau, le visage<br />

se reflétait dans le bassin; de là l'origine du miroir<br />

comme objet spécifique. Le morceau de bronze devint ultérieurement<br />

un objet plus esthétique, orné de motifs et<br />

de décorations. Et pourtant, l'image littéraire du miroir<br />

restera intimement attachée à son sens originel d'eau<br />

immobile et de miroir liquide. Les deux plus anciens<br />

miroirs en bronze découverts en Chine en 1975 et 1976<br />

dateraient d'environ quatre mille ans 4 . Le caractère jing<br />

ne fait son apparition que beaucoup plus tard. On le<br />

rencontre pour la première fois dans un texte de Mozi :<br />

«L'homme de bien ne se mire (jing) pas dans l'eau mais<br />

dans les hommes. Quand on se mire dans l'eau, on voit<br />

son visage. Quand on se mire dans les hommes, on connaît<br />

bons et mauvais présages» 5 . Xu Shen, dans le Shuo-


<strong>MIROIR</strong> <strong>ET</strong> <strong>CONNAISSANCE</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LA</strong> <strong>POÉSIE</strong> <strong>DES</strong> <strong>TANG</strong> 31<br />

wen jiezi, en donne la définition suivante : «Le miroir,<br />

c'est l'image» (jing, jing ye) 6 .<br />

Avant les Tang, les miroirs de bronze sont le plus<br />

souvent ronds. Une des faces est polie et renvoie les<br />

images, l'autre est décorée de motifs ornementaux et<br />

d'inscriptions de bon augure. Au centre du revers se<br />

trouve un bouton percé d'un trou dans lequel on peut<br />

passer un ruban ou un cordon qui permet de tenir le<br />

miroir ou de le fixer sur un support pour en faire une<br />

coiffeuse. Cela dit, bien plus que simple objet de coquetterie,<br />

le miroir était lié aux interprétations cosmologiques<br />

de l'époque 7 .<br />

Sous les Tang, les miroirs sont plus variés : ronds,<br />

carrés, polylobés. Les décors se multiplient, plus complexes,<br />

souvent incrustés d'or, d'argent ou de nacre 8 .<br />

S'inspirant des motifs qui les ornent, les poètes Tang en<br />

louent la beauté. Parmi les motifs retenus, les végétaux<br />

et les animaux occupent une place de choix. Incrustés ou<br />

gravés dans le métal, ils prennent vie sous le pinceau des<br />

poètes :<br />

Dans le pavillon, un miroir des Qin<br />

Depuis mille ans fameux.<br />

La froidure n'en fait pas tomber les<br />

fleurs de châtaignes d'eau.<br />

Fleurs de glace, même en été, restent<br />

pures... 9 .<br />

* * * * *<br />

Je crains que le dragon ne crie de tristesse *ê k $j %%![$•<br />

Et ne s'envole dans l'instant même 10 . ^^-J^M^jf<br />

Le miroir dans la tradition politico-religieuse chinoise<br />

En Chine, dès l'antiquité, le peuple est considéré<br />

comme étant le «miroir» de la conduite du souverain. Si<br />

ce dernier contribue au bien-être du peuple, son visage<br />

s'y reflète comme dans une eau claire. A l'opposé, les


32 F. HU-STERK<br />

plaintes du peuple sont le juste reflet d'un régime tyrannique.<br />

Selon Mencius, observer le peuple c'est connaître<br />

la Volonté du Ciel 11 . Or, d'après l'éthique confucéenne,<br />

le destin d'un souverain se trouvant intrinsèquement lié à<br />

ses actes, la chute d'une dynastie est la conséquence<br />

inéluctable d'un régime décadent. Très naturellement, elle<br />

sert d'avertissement à la dynastie qui lui fait suite. Ainsi,<br />

dans le Livre des Odes la dynastie Yin doit-elle prendre<br />

en considération l'exemple des dynasties antérieures,<br />

miroir de sa propre destinée : «Yin a un miroir [un<br />

exemple] peu ancien qui date du temps des Xia» 12 .<br />

De nombreux textes font référence à cette notion : le<br />

passé doit être pris comme exemple pour éviter que<br />

soient commises les mêmes erreurs. De là viennent les<br />

expressions jingjian, «avertissement», «leçon tirée des<br />

exemples du passé», jianjie, «tirer un avertissement des<br />

faits passés», ou encore jingkao, «s'examiner à la lumière<br />

du passé» 13 .<br />

C'est donc l'histoire dans son ensemble qui devient un<br />

miroir 14 . Cette conception de l'histoire-miroir qui, loin<br />

d'être coupée du présent, doit agir sur lui, est constamment<br />

présente dans les poèmes Tang. Les deux derniers<br />

vers d'un poème de Xu Yin en sont un bon exemple :<br />

J'emprunte le miroir du<br />

palais des Qin<br />

Pour démasquer les mauvais<br />

esprits des Han 15 .<br />

Cette référence constante au passé comme modèle<br />

remonte souvent jusqu'au Souverain Jaune (Huangdi), un<br />

des premiers empereurs mythiques chinois. Celui-ci est<br />

décrit avant tout comme un fondeur, le travail du métal,<br />

la fonte des miroirs symbolisant la fusion des principes<br />

yin et yang du Ciel et de la Terre 16 . Le Souverain Jaune<br />

apparaît comme le «trait d'union» par excellence entre<br />

ciel et terre, le régulateur de l'univers, celui qui harmo-


<strong>MIROIR</strong> <strong>ET</strong> <strong>CONNAISSANCE</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LA</strong> POESIE <strong>DES</strong> <strong>TANG</strong> 33<br />

nise la société sur le modèle du ciel. De nombreux poèmes<br />

Tang lui font référence sous son appellation Xuan<br />

Yuan :<br />

Combien de millénaires, ce miroir?<br />

L'Empereur Jaune l'a tenu dans Ëî $fL4-& $H<br />

sa main 17 . T •r'J<br />

Ce miroir serait-il de la main du Sou- f^rffi^f $$tf¥<br />

verain Jaune?<br />

Merveille sans pareil au monde! 18<br />

Ces poèmes sur le Souverain Jaune se rattachent bien<br />

plus au courant taoïste que confucéen; ils rejoignent le<br />

thème du «miroir mystérieux» (xuanjian) développé dans<br />

Laozi et dans les autres grands textes taoïstes. Le courant<br />

taoïste tient, en effet, une place importante dans<br />

les poèmes des Tang sur le miroir. L'influence confucéenne,<br />

cependant, n'y est pas moins sensible. Selon la conception<br />

confucéenne, une des fonctions originelles de la<br />

poésie est la formation morale et la critique politique et<br />

sociale 19 . Les confucianistes voient dans l'Histoire un<br />

modèle pour le souverain. Le souverain, quant à lui, est<br />

modèle pour le peuple et pour l'empire. L'exemple de sa<br />

conduite personnelle doit s'étendre en ondes concentriques<br />

de plus en plus larges, comme une source de lumière<br />

qui se répand du centre d'un cercle jusqu'à sa périphérie.<br />

Le miroir jouait, en tant qu'objet, un rôle rituel considérable<br />

à la cour impériale des Tang. A l'occasion des<br />

festivités, parmi les cadeaux que l'empereur offrait à ses<br />

ministres et à ses fonctionnaires figuraient des miroirs.<br />

L'empereur-poète Minghuang (r. 712-756) a consacré trois<br />

de ses poèmes à ce thème, dont l'un commence par ces<br />

vers :


34 F. HU-STERK<br />

On a forgé des miroirs d'anniversaire.<br />

Du métal cent fois poli naît la lumière.<br />

Je distribue un miroir à chaque vassal:<br />

Lorsqu'ils rencontrent leur image,<br />

ils voient leur cœur pur 20 .<br />

Un poème de Bai Juyi intitulé «Le miroir cent fois<br />

forgé» (.bailianjing) souligne l'importance des rites entourant<br />

la fonte d'un miroir offert à l'Empereur Taizong (r.<br />

627-650). Le voici dans son intégralité 21 :<br />

Le miroir cent fois forgé<br />

Les règles de fabrication ne<br />

sont pas ordinaires;<br />

Le moment et le lieu sont<br />

incroyables :<br />

C'est au milieu du fleuve, sur<br />

les vagues, dans un bateau<br />

qu'on le forge,<br />

A midi, le cinquième jour du cinquième<br />

mois 22 .<br />

Pour le polir, la poudre d'une<br />

pierre rouge et<br />

une crème d'or :<br />

Il devient lisse comme l'eau de<br />

l'étang automnal.<br />

Une fois achevé, il est offert au<br />

palais de Penglai 23 .<br />

De ses propres mains le gouverneur<br />

de Yangzhou l'emballe;<br />

Officiers et concubines du rang<br />

n'ont le droit de s'y mirer.<br />

Sur son dos vole le dragon impérial<br />

24 .<br />

Tous l'appellent le miroir du Fils<br />

du Ciel.<br />

* * * * * * * *


<strong>MIROIR</strong> <strong>ET</strong> <strong>CONNAISSANCE</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LA</strong> <strong>POÉSIE</strong> <strong>DES</strong> <strong>TANG</strong> 35<br />

J'ai entendu dire ceci sur l'em- 4$, & — •jr $J| £ j*?<br />

pereur Taizong :<br />

Taizong aimait à prendre les hom- fc Jj; ^*>X A. £^£<br />

mes comme miroir,<br />

Miroir qui reflétait le passé, le |jg •£• ^gr y*s. -£- I8L&.<br />

présent mais non les visages.<br />

Paix et périls de l'Empire sont y3 iïfcjÇrfa fè- j£ $\<br />

dans le creux de sa main.<br />

Ordres et désordres de l'Histoire "g" £ je $L % '^ *f<br />

sont suspendus dans son cœur.<br />

J'ai su alors que le Fils du ciel -^ %o ^ Jj- g»] ^f J#<br />

a un autre miroir,<br />

Qui n'est pas le bronze cent fois ^ ^J^')\\ "f 4$t#)<br />

forgé de Yangzhou.<br />

Le miroir dépasse ainsi son sens premier et revêt un<br />

symbolisme complexe. A la mort de son conseiller Wei<br />

Zheng, l'empereur Taizong en personne avait clairement<br />

exprimé ces diverses acceptions du miroir dans une formule<br />

devenue célèbre et dont s'est probablement inspiré<br />

Bai Juyi :<br />

Si l'on fabrique un miroir de bronze, on peut arranger ses<br />

vêtements et sa coiffe. Si l'on prend l'Histoire antique pour<br />

miroir, on peut connaître les grandeurs et les décadences. Si<br />

l'on prend les hommes pour miroir, on peut comprendre clairement<br />

les gains et les pertes. J'ai toujours conservé ces trois<br />

miroirs afin d'éviter de commettre des erreurs. Maintenant que<br />

Wei Zheng n'est plus, j'ai perdu un miroir 25 !<br />

Le miroir est aussi employé comme métaphore du bon<br />

gouvernement. De l'empereur jusqu'au plus petit fonctionnaire,<br />

le miroir est symbole de clairvoyance, du pouvoir<br />

de distinguer le bien du mal; de là l'expression zaojing<br />

ou «miroir critique». Plus claire encore est l'expression<br />

hengjing, littéralement, «balance et miroir», d'où le sens<br />

de «critique pour discerner le bien du mal». C'est dans<br />

ce sens qu'il convient de lire ces vers de Li Bai<br />

(702-765) :


36 F. HU-STERK<br />

Un grand pays se donne un miroir de<br />

jugement,<br />

Mesure juste des intentions du Ciel<br />

et de la Terre.<br />

De tous les hommes vertueux, pas un<br />

qui soit malveillant.<br />

Le reflet est si clair qu'il révèle<br />

le fond des sentiments... 26<br />

De par son pouvoir de clairvoyance, de discernement,<br />

l'image du miroir devient naturellement la métaphore de<br />

la justice et de l'intégrité : de là l'expression mingjing<br />

gao xuan, «clair miroir suspendu haut», qui désigne la<br />

clairvoyance du juge.<br />

Le miroir d'identité<br />

De me nommer je ne le puis,<br />

Voulez-vous voir ce que je suis,<br />

cherchez à voir ce que vous estes.<br />

Recueil des énigmes de ce temps (1655)<br />

Chez Han Feizi (mort en 233 av. J-C), on trouve déjà<br />

ces mots : «Les anciens ne pouvaient voir leur propre<br />

visage avec leurs yeux, c'est pourquoi ils se servaient<br />

d'un miroir pour se regarder... Si l'on a des yeux, mais<br />

pas de miroir, on n'a pas le moyen de mettre en ordre<br />

ses cheveux et ses sourcils. Si on perd les bons principes,<br />

on n'a pas le moyen de connaître ses erreurs» 27 .<br />

Le miroir, symbole de la vision inaltérée de la réalité,<br />

constitue un instrument privilégié de connaissance de soi<br />

puisqu'il ne fait que renvoyer l'image qui vient s'y inscrire.<br />

Ainsi laideurs physiques et morales peuvent-elles<br />

être corrigées 28 . Instrument didactique en théorie, le<br />

miroir présente cependant un caractère ambivalent :<br />

Le vin est un miroir antique dont la "/j^^ «S" àft^^.<br />

clarté


<strong>MIROIR</strong> <strong>ET</strong> <strong>CONNAISSANCE</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LA</strong> <strong>POÉSIE</strong> <strong>DES</strong> <strong>TANG</strong> 37<br />

Révèle le coeur de l'homme médiocre 29 . 0$J$ 'h A"^<br />

chante Meng Jiao; encore faut-il savoir se servir avec<br />

prudence du vin comme du miroir. Le regard porté sur le<br />

miroir peut souvent déformer la vérité plus que la<br />

révéler. La «Chanson du miroir sombre» (Hun jing ci) du<br />

poète Liu Yuxi met en garde ceux qui se mirent contre la<br />

séduction des mauvais miroirs :<br />

Le miroir sombre n'est pas de beau<br />

métal.<br />

Indifférent, il perd son éclat.<br />

La laideur souvent s'illusionne<br />

Et prétend qu'il a la brillance<br />

des autres.<br />

Elle ne voit pas ses défauts,<br />

Sa beauté naît de son propre<br />

caprice... 30<br />

MM***<br />

iftlêfàÇM<br />

A l'épreuve du miroir, le poète chinois prend conscience<br />

de lui-même comme être intemporel, avant tout<br />

éphémère. La fuite du temps observée à travers le miroir,<br />

lieu privilégié où elle s'inscrit, constitue l'un des thèmes<br />

les plus fréquemment repris. Se mirer provoque toujours<br />

une prise de conscience aiguë et soudaine du temps, prise<br />

de conscience d'autant plus forte que le miroir, objet<br />

inaltérable, lui, défie le temps. A travers le miroir, le<br />

poète se trouve confronté à la vieillesse : dans le miroir,<br />

il lit sa mort prochaine. Une série de métaphores liées<br />

les unes aux autres accompagnent le miroir du Temps.<br />

Dans la théorie dite des «cinq éléments» (wu xing),<br />

l'élément métal se trouve lié, d'après les lois des correspondances,<br />

à l'ouest, à l'automne et à la couleur<br />

blanche 31 .<br />

L'automne, saison pendant laquelle le ciel revêt en<br />

Chine une limpidité et une transparence peu communes,<br />

symbolise communément l'approche de la fin de l'année


38 F. HU-STERK<br />

ou de la vie. Dans un quatrain intitulé «En regardant le<br />

miroir un matin d'automne», Xue Ji écrit :<br />

Le cœur du voyageur craint les feuilles<br />

qui tombent.<br />

Assis dans la nuit, il écoute le vent<br />

d'automne.<br />

Au matin, il contemple son visage et<br />

ses tempes.<br />

Sa vie entière dans ce miroir 32 ...<br />

Le blanc, couleur chinoise du deuil, est dans la poésie<br />

des Tang lié au miroir. Un nombre considérable de poèmes<br />

ayant trait au miroir mentionnent cette couleur à<br />

travers la métaphore des cheveux blancs. Parfois la<br />

couleur n'est évoquée qu'indirectement par des expressions<br />

telles que «cheveux de neige» ou «givre».<br />

Le «bac à glace» originel (jian) est ainsi rappelé discrètement,<br />

comme dans ce poème de Li Bai, connotant<br />

une impression de froidure :<br />

Cheveux blancs, longs de trois mille<br />

aunes,<br />

Aussi longs : tristesse et chagrins,<br />

Dans l'éclat du miroir, d'où viennent<br />

Ces givres blancs, à l'automne 33 ?<br />

Souvent, l'accent est mis sur le contraste de la couleur<br />

des cheveux : le noir (de la jeunesse) s'oppose au<br />

blanc (de la vieillesse). Une troisième couleur, dans l'expression<br />

hong y an, «teint rose», symbolisant le visage<br />

coloré de la jeunesse, s'oppose aussi directement au<br />

blanc.<br />

L'emploi de vers parallèles fait ressortir en outre avec<br />

une force particulière le passage du temps, tels ces deux<br />

vers de Shao Ye dans un poème intitulé «En regardant le<br />

miroir» :


<strong>MIROIR</strong> <strong>ET</strong> <strong>CONNAISSANCE</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LA</strong> <strong>POÉSIE</strong> <strong>DES</strong> <strong>TANG</strong> 39<br />

Hier il reflétait l'éclat du visage, *¥ â $ &tf$<br />

Aujourd'hui c'est la soie blanche ^tf f£ fa te<br />

qu'il reflète 34 .<br />

La symétrie parfaite de ces deux vers, tant sémantique<br />

(hier/aujourd'hui, éclat du visage/soie blanche) que grammaticale<br />

(complément de temps/verbe/objet) met en évidence<br />

la rapidité tragique du temps et le changement<br />

physique qu'il entraîne. Toute la vie devient ainsi l'espace<br />

d'une seule nuit.<br />

Deux caractères reviennent constamment pour qualifier<br />

les sentiments du poète face au miroir : bei, «affliction»,<br />

et chou, «tristesse». Le caractère chou est d'autant plus<br />

significatif que, outre la clé du cœur, on retrouve dans sa<br />

graphie le caractère de l'automne.<br />

A chaque regard, quel chagrin<br />

-M-&&<br />

Mélodie amère que le luth ressent £i$?£-9b^t<br />

le premier,<br />

Visage triste que le miroir seul ^^^L^-j6*<br />

connaît 36 .<br />

Si le miroir comme image poétique sert indéniablement<br />

d'instrument d'introspection, ce regard sur soi ne se<br />

transforme jamais en complaisance. Se contempler avec<br />

contentement est une idée totalement étrangère à la<br />

conception poétique chinoise : rien de comparable au<br />

thème de Narcisse qui hante la tradition occidentale depuis<br />

Ovide. Quel poète chinois aurait pu écrire ces vers<br />

de Théophile de Viau :<br />

Je veux...<br />

Chercher des lieux secrets ou rien ne me déplaise<br />

Méditer à loisir, rêver tout à mon aise<br />

Employer toute une heure à me mirer dans l'eau 37 .


40 F. HU-STERK<br />

La poésie chinoise, comme en témoigne la légende de<br />

l'argus mâle 38 , met l'accent sur la nécessité de l'harmonie<br />

et la recherche du complémentaire :<br />

Le roi Yan Bing avait acheté un argus mâle. D voulut le faire<br />

chanter, mais en vain... Pendant trois ans, l'argus ne chanta<br />

pas. Sa femme lui dit : «J'ai entendu dire qu'il chanterait s'il<br />

voyait son semblable. Pourquoi ne pas accrocher un miroir pour<br />

qu'il y voie sa propre image?» Le roi suivit ce conseil. En<br />

voyant sa propre image, l'argus cria de tristesse et, dans un<br />

déploiement d'ailes, il disparut [mourut?] 39 .<br />

L'argus mâle symbolise la solitude extrême de<br />

l'homme, sans sa moitié complémentaire (la femelle). Se<br />

voyant dans le miroir, l'argus prend conscience de sa<br />

propre solitude. De cette histoire est peut-être née la<br />

coutume de dessiner ou de graver des argus au dos des<br />

miroirs.<br />

Sous les Tang, ce thème repris conjointement avec celui<br />

du miroir revient sans cesse pour évoquer la solitude<br />

de la séparation :<br />

Sous le support du miroir, l'argus ^ -|:i ^tQlt$ié&<br />

sans fin médite sa solitude... 40 '^'^<br />

A côté de l'étang, solitaire, danse '/^it^lN^lf'<br />

l'argus... 41<br />

Je suspends le miroir sur son support,<br />

cherchant à imiter la % £ ffiMM^Ifâ:<br />

danse de l'argus solitaire... 42<br />

La séduction du miroir, si elle existe en Chine, n'a<br />

pas été développée au point d'atteindre l'excès de Narcisse<br />

et n'a jamais entraîné une contemplation destructrice<br />

et vouée à la stérilité.


<strong>MIROIR</strong> <strong>ET</strong> <strong>CONNAISSANCE</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LA</strong> <strong>POÉSIE</strong> <strong>DES</strong> <strong>TANG</strong> 41<br />

Le miroir d'altérité<br />

Tant que nous voyons la lumière du soleil,<br />

Ainsi puissions-nous ne pas nous oublier.<br />

Inscription sur miroir de bronze<br />

Entre le miroir d'identité et le miroir d'altérité, il y a le<br />

miroir de l'amitié : à travers l'ami, ce sont nos propres<br />

erreurs qui nous sont dévoilées :<br />

Veux-tu scruter ton image, il faut<br />

un miroir brillant.<br />

Veux-tu soigner ta maladie, il faut<br />

un bon médecin.<br />

S'il n'est personne pour te voir,<br />

Comment connaître ton image et ton<br />

mal? 44<br />

La coutume d'offrir un miroir en gage d'amitié semble<br />

avoir été courante si l'on s'en réfère aux poèmes 45 .<br />

Le miroir constituait aussi un objet rituel que les<br />

jeunes époux s'offraient mutuellement lors de la cérémonie<br />

du mariage, comme gage d'amour et de fidélité 46 .<br />

Mais le motif du miroir dans la poésie amoureuse des<br />

Tang se trouve placé dans son ensemble sous le signe de<br />

la séparation. Deux thèmes ayant trait à l'absence viennent<br />

se greffer sur celui de l'argus : le «miroir à pie»<br />

(qiao jing) et le «miroir brisé» (po jing). «Autrefois,<br />

lorsque mari et femme devaient se séparer, ils brisaient<br />

un miroir. Chacun d'eux en prenait une moitié en gage de<br />

fidélité. Par la suite, si la femme avait des rapports avec<br />

un autre homme, le miroir se changeait en pie et volait<br />

jusqu'au mari. Ainsi s'expliquent les nombreuses représentations<br />

de pies au revers des miroirs» 47 .<br />

C'est à la lumière de cette légende qu'il faut lire ces<br />

deux vers de Li Bai :


42 F. HU-STERK<br />

Dans le miroir, la pie dorée vole $ tf* /^^tâ^ -j^<br />

sans arrêt,<br />

Sous le support, l'argus vert sans è f f fjf ?& Hf^-è<br />

arrêt songe à sa solitude 48 .<br />

Les exemples illustrant cette association de l'argus et<br />

de la pie sont innombrables :<br />

Dans l'éclat solitaire [du miroir],<br />

souvent on voit la trace de<br />

l'argus.<br />

Dans sa brisure, l'image de la pie<br />

revient 49 .<br />

Le «miroir brisé», autre métaphore de la séparation<br />

des époux, se fonde sur l'histoire de Xu Deyan, d'où est<br />

tirée l'expression po jing chong yuan, littéralement «le<br />

miroir brisé reprend sa forme ronde», qui signifie que les<br />

époux séparés reprennent la vie commune. On raconte<br />

qu'au Vie siècle, l'officier Xu Deyan craignait que sa<br />

femme Le Chang ne soit séparée de lui à cause des<br />

troubles politiques. C'est pourquoi il brisa un miroir en<br />

bronze, chacun d'eux gardant une moitié comme gage en<br />

attendant le jour de leurs retrouvailles. En outre, ils<br />

fixèrent que le quinze du premier mois de l'année, ils<br />

iraient vendre le miroir au marché pour s'enquérir des<br />

nouvelles l'un de l'autre. Peu de temps après, des désordres<br />

éclatèrent et le couple fut séparé pendant très longtemps.<br />

Cependant, le quinze du premier mois, Xu Deyan<br />

arriva à la ville et y rencontra un vieil homme qui vendait<br />

un miroir brisé à un prix prohibitif. Xu le réunit<br />

alors à l'autre moitié qu'il conservait et écrivit ce poème<br />

:<br />

Le miroir et vous, au loin êtes par- $>%$$• ^4$;^<br />

tis.


<strong>MIROIR</strong> <strong>ET</strong> <strong>CONNAISSANCE</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LA</strong> POESIE <strong>DES</strong> <strong>TANG</strong> 43<br />

Le miroir revient, mais vous restez<br />

au loin.<br />

A moins que ne revienne l'ombre de JMJt^^&f^<br />

Chang'e,<br />

En vain demeure l'éclat de la lune. JL


44 F. HU-STERK<br />

On ne trouve ni culte ni «idéalisation» de la femme<br />

dans la poésie chinoise du miroir sous les Tang; seulement<br />

une éternelle attente, soumise et toute silencieuse :<br />

Mon visage, hélas, n'a plus sa £p fe £ J£. ^ %J#.<br />

beauté d'an tan;<br />

Je peins mes sourcils et vous %fà $3 il fâ%s^<br />

attends... 54<br />

Le miroir spirituel<br />

Le Parfait use de son esprit comme d'un<br />

miroir : il ne reconduit pas les choses, ni<br />

ne va au devant d'elles; il y répond sans<br />

les retenir.<br />

Zhuangzi, VII, F.<br />

Miroir d'identité et miroir d'altérité se retrouvent dans<br />

le miroir spirituel, puisqu'en le scrutant, c'est par excellence<br />

une reconnaissance intime de l'Autre qui s'opère.<br />

Dès la plus haute antiquité, en Chine, le miroir a<br />

toujours été un attribut divin. Cercle parfait, symbole du<br />

principe transcendental, c'est un objet qui permet de<br />

révéler la relation que chacun entretient avec l'Un et le<br />

Multiple, le Dedans et le Dehors. L'osmose se fait naturellement<br />

entre le miroir et le cœur; la plongée du regard<br />

dans le miroir devient voyage intérieur et spirituel 55 .<br />

La tradition taoïste a joué un rôle dominant dans la<br />

formation littéraire de cette image. Zhuangzi, pour illustrer<br />

l'impassibilité et le désintéressement du sage taoïste,<br />

recourt souvent à l'image du miroir comparé à une eau<br />

dormante :<br />

Ce n'est point dans l'eau courante que se mirent les hommes,<br />

mais dans l'eau immobile : elle seule, de par son arrêt, est<br />

capable d'arrêter tous ceux qui s'y arrêtent [pour se mirer en<br />

elle]... 56<br />

En outre, cette eau est claire et offre un juste reflet :


<strong>MIROIR</strong> <strong>ET</strong> <strong>CONNAISSANCE</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LA</strong> <strong>POÉSIE</strong> <strong>DES</strong> <strong>TANG</strong> 45<br />

L'eau tranquille est si claire qu'elle illumine [ou reflète]<br />

jusqu'aux poils de la barbe et des sourcils; l'équilibre en est si<br />

juste qu'il sert de niveau à l'architecte. Si telle est la clarté<br />

de l'eau tranquille, à plus forte raison celle de l'âme 57 .<br />

Il convient de souligner le double sens des caractères<br />

zhao et ming dans cette citation. Ils possèdent à la fois<br />

le sens de «refléter» et celui d'«illuminer». Le miroir est<br />

récepteur, mais aussi source de lumière. Comme le remarque<br />

Claudel, il est toujours en quelque sorte actif et<br />

passif 58 .<br />

Si le miroir de l'eau est l'image favorite du philosophe<br />

pour faire comprendre les qualités que doit posséder<br />

l'esprit du sage, c'est que l'eau est, pourrait-on dire,<br />

«neutre». Elle n'influe en rien sur les objets qui viennent<br />

s'y refléter. Ainsi doit être l'esprit du sage, d'une transparence<br />

impersonnelle, indifférent à tout, imperturbable.<br />

Cependant, en lui vient se réfléchir l'Univers tout entier.<br />

A travers le miroir, c'est la dialectique de l'Un et du<br />

Multiple que l'on retrouve; en lui la concentration des<br />

divers points de vue se réalise : «Le cœur du Sage, parfaitement<br />

calme, est le miroir du ciel et de la terre, et il<br />

reflète les Dix mille êtres» 59 .<br />

On retrouve l'association de l'eau immobile (zhishui,<br />

dingshui) et du cœur pur dans de nombreux poèmes Tang.<br />

L'exemple de Liu Yuxi est un des plus frappants, puisqu'il<br />

reprend les termes mêmes du philosophe :<br />

Le cœur est comme l'eau immobile, 'Ù^jt ^$tf*A<br />

toujours clair quand on s'y mire.<br />

On y voit l'état de la création & j£ A fj\^ $7^<br />

entière 60 .<br />

On perçoit aussi des influences de la tradition taoïste<br />

dans les descriptions du miroir comme objet doté de<br />

pouvoirs magiques 61 . Le miroir agit sur les éléments<br />

naturels, les faisant naître à volonté (nuages, vent,<br />

pluie...). C'est avec l'élément liquide qu'il se trouve le


46 F. HU-STERK<br />

plus souvent associé. Parfois il redevient une eau qui<br />

déborde de son coffret, comme dans ce poème de Xue<br />

Feng où un paysan, craignant les mauvais sorts après<br />

avoir déterré un miroir, le vend à un certain Lingtai qui<br />

assiste à des faits étranges :<br />

Un étang de cent pieds s'installe<br />

dans sa demeure,<br />

L'eau déborde du coffret comme un<br />

jade qu'on verserait.<br />

Les enfants n'osent en regarder<br />

la profondeur et la pureté,<br />

Sur tous elle jette un éclat froid<br />

et l'on ne peut approcher.<br />

On craint réellement que foudre<br />

et tonnerre ne sortent<br />

de cet étang! 62<br />

Ces détails de l'ordre du fantastique ont leur origine<br />

dans plusieurs traités du taoïsme religieux où le miroir<br />

jouait un rôle tantôt concret, tantôt purement mental. Il<br />

s'agissait de faire apparaître des divinités que l'on interrogeait<br />

sur l'avenir 63 .<br />

En outre, le miroir possède le pouvoir d'écarter les<br />

mauvaises influences et d'effrayer les esprits. Les inscriptions<br />

gravées au revers des miroirs en bronze attestent<br />

leur rôle de talisman contre les dangers 64 . De là<br />

vient la coutume d'accrocher des miroirs à l'extérieur des<br />

maisons afin d'écarter les influences néfastes.<br />

C'est dans cette optique qu'il convient de lire ces<br />

vers du moine Ruoxu :<br />

Soudain l'on ouvre le coffret du g 1*7 V fâ *$]& fè<br />

miroir : le Phénix prend vie.<br />

On le fixe à son support : les £ ifc fë]ffi %A^^<br />

esprits et les dieux<br />

prennent peur 65 .


<strong>MIROIR</strong> <strong>ET</strong> <strong>CONNAISSANCE</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LA</strong> <strong>POÉSIE</strong> <strong>DES</strong> <strong>TANG</strong> 47<br />

On sait que le bouddhisme connaît un essor sans<br />

précédent sous les Tang. Il n'est pas surprenant qu'il<br />

vienne enrichir l'image poétique du miroir. Celle-ci n'avait<br />

été utilisée dans la Chine pré-bouddhique que pour<br />

symboliser la purification de l'esprit. Ce dernier devait<br />

percevoir la «totalité bien ordonnée», c'est-à-dire l'idée<br />

qu'on se faisait alors de l'Absolu. Avec l'introduction du<br />

bouddhisme, c'est la notion d'Absolu telle que la concevaient<br />

les philosophies indo-européennes qui apparaît en<br />

Chine 66 . Avant cela, il n'était jamais question pour<br />

l'homme «de retrouver en lui-même une pureté proprement<br />

spirituelle, un absolu intérieur. De telles notions<br />

manquaient aux Chinois de l'Antiquité» 67 .<br />

Il convient de noter l'attention toute particulière<br />

qu'attachent les bouddhistes à l'illusion afin de mettre<br />

les fidèles en garde contre l'imposture des sens. Dans la<br />

poésie des Tang, cet aspect illusoire du monde sensible<br />

est souvent traduit par ce vers :<br />

La vie entière est dans le miroir. •£ i^L-ji f^^<br />

Cependant, dans le traitement de l'image, c'est le<br />

même thème de la recherche de l'harmonie qui domine.<br />

Comme pour le sage taoïste, l'image du miroir est employée<br />

pour exprimer la totale quiétude du moine bouddhiste<br />

qui, passif, ne fait que «répondre», que «faire écho»,<br />

comme l'exprime le caractère ying.<br />

«Concentration» et «Sagesse» sont réunies.<br />

Une fois réunies, une lumière se fait,<br />

Comme un grand miroir rond,<br />

Qui reflète mais n'a pas de sentiments 68 .<br />

«A l'extase chrétienne qui est un combat dramatique<br />

entre l'âme qui veut s'unir à Dieu et le corps qui la<br />

retient prisonnière», écrit Jacques Gernet, «s'opposent les<br />

états de recueillement profond des bouddhistes où la


48 F. HU-STERK<br />

distinction du moi et de l'absolu s'abolit» 69 . Le poème<br />

suivant du moine bouddhiste Xuanjue, dans lequel l'Univers<br />

sensible (reflet de la lune dans l'eau, symbole de<br />

l'illusion universelle) n'est plus qu'une figuration de<br />

l'Univers intérieur, témoigne de cette fusion de l'être<br />

dans l'absolu :<br />

Même lune reflétée dans toutes — £j Jg- ^ — Jjjj*<br />

les eaux :<br />

Les lunes de l'eau retournent à ~-fc>? *fv $ -"" %$h<br />

la même lune.<br />

LeDharmakâyadetousles %%%&% ^$>&<br />

bouddhas me pénètre :<br />

Mon être avec Tathâgata ne fait £> 'f£if| $?-k&$k./k-qu'un.<br />

^<br />

Grâce au miroir-microcosme, l'homme peut faire l'unité<br />

en lui-même, en absorbant la diversité du monde. Sur ce<br />

point, taoïstes et bouddhistes se rejoignent. Aussi n'estce<br />

pas un hasard si certains ont rapproché le miroir du<br />

mandata, ce psychocosmogramme, support de la méditation<br />

des bouddhistes 71 .<br />

Ce même mouvement du Multiple à l'Unique que l'on<br />

trouve dans l'opposition centre/extérieur (zhong/wai),<br />

«multitude des choses»/«perle irradiante» (wanxiang senluolyike<br />

yuanguang), peut être perçu dans un autre<br />

poème de Xuanjue :<br />

Clair miroir du cœur, reflet infini, 'ZC^fcvft fftJiMl^.<br />

Pourfend le vide aux mondes sans ^ „,. *j> ,*,„-.. ^<br />

nombre, *&*flktfzl^<br />

Miroitant toutes choses, ombres, g- *, *. «p &, ^ ^<br />

lumières, % &&•&& %T<br />

Perle irradiante : ni dehors, ni __ «s «si -it -Jt *.l<br />

dedans". - « H * * * » *


<strong>MIROIR</strong> <strong>ET</strong> <strong>CONNAISSANCE</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LA</strong> <strong>POÉSIE</strong> <strong>DES</strong> <strong>TANG</strong> 49<br />

L'objectif est explicitement évoqué dans les trois derniers<br />

caractères : «Ni dedans, ni dehors» (fei nei wai); les<br />

distinctions sont abolies, l'Unité réalisée.<br />

L'emploi de vers parallèles contribue aussi à cet effet<br />

d'harmonie : la stricte correspondance, terme à terme,<br />

des caractères, tant sur le plan sémantique que syntaxique,<br />

joue le rôle d'un miroir renvoyant une image symétrique.<br />

En outre, l'absence de mots spécifiant une séparation<br />

entre le poète et le monde extérieur (absence répétée de<br />

pronoms personnels, indifférenciation fréquente entre<br />

sujet et objet) donne l'impression que l'univers extérieur<br />

et l'univers intérieur du poète se mêlent, tout en engendrant<br />

une même question : qui est regardant? Qui est<br />

regardé? Tous ces éléments contribuent à faire de la<br />

poésie chinoise des Tang une poésie dans laquelle le<br />

thème du miroir spirituel s'insère avec un grand naturel.<br />

*<br />

Contrairement à ce qui se passe dans la tradition<br />

poétique occidentale, le miroir n'apparaît pas dans la<br />

poésie chinoise «comme instrument de division, non seulement<br />

entre l'être réel qui s'y mire et son reflet, mais<br />

aussi entre la surface et la profondeur...» 73 . Marquée par<br />

les traditions gréco-latine et chrétienne, l'image du<br />

miroir en Occident souligne très souvent la séparation,<br />

ou tout au moins la distinction. Alors qu'en Chine<br />

l'existence d'un monde intelligible séparé du sensible n'a<br />

jamais été concevable, en Occident, depuis les Grecs,<br />

cette séparation est à la source de multiples oppositions<br />

(spirituel/temporel, être/devenir, Créateur/création). La<br />

pensée chinoise tend à nier l'opposition du moi et du<br />

monde et à refuser de séparer le visible du divin. Plus<br />

que simplement littéraire, le traitement poétique de<br />

l'image du miroir est lié à toute une vision du monde.


50 F. HU-STERK<br />

Puissent ces quelques réflexions de la pensée et du<br />

miroir en faire naître d'autres : dans le miroir, le jeu<br />

des reflets est infini. Consulter le miroir, c'est ouvrir sur<br />

l'espace même du mystère humain. «Miroirs, jamais encore<br />

en connaissance on n'a décrit ce qu'essentiellement vous<br />

êtes» 74 ...<br />

Florence Hu-Sterk prépare une thèse sur le thème de la musique<br />

dans la poésie des Tang<br />

NOTES<br />

1. Recueil des énigmes de ce temps, LX, Paris, Sommaville,<br />

1659, cité par J. Eymard, Le thème du miroir dans la poésie<br />

française, 1540-1815, Toulouse, Université de Toulouse-Le Mirail,<br />

1978, p. 7.<br />

2. Paul Demiéville (éd.), Anthologie de la poésie chinoise classique,<br />

Paris, Gallimard, 1962, p. 19.<br />

3. Voir à ce sujet l'article de Shirakawa Shizuka, «Kinbun<br />

tsûshaku», in Shirotsuru bijutsukan shi, 40, Kyoto, 1973, pp. 588<br />

sq. El y est question d'un récipient rond avec deux anses et deux<br />

anneaux, appelé jian, découvert dans la tombe du marquis Cai à<br />

Shouxian, Anhui, et daté de 514 av. J.-C, assez grand pour contenir<br />

un homme, et qui servait sans doute à la toilette. Zheng Xuan,<br />

sous les Han, écrit : «Le bassin qui sert de miroir est comme une<br />

jarre d'une grande ouverture; on y met de la glace pour y<br />

conserver des aliments afin de les préserver de la chaleur» (jian<br />

ru chui, da kou, yi sheng bing, zhi shiwu yu zhong, yi yu wenqï).<br />

Cf. Zhouli, «Tian guan, lingren zhu», in Shisanjing zhushu, éd.<br />

Zhonghua shuju, Pékin, 1979, vol. 1, p. 671. Voir également Chen<br />

Qiyou, «Tongjing zai gushi zhong de xiangzheng yiyi» (Les<br />

significations symboliques des miroirs de bronze dans la poésie<br />

ancienne), Zhonghua wenhua fuxing yuekan, Taibei, août 1983, II,<br />

pp. 22-28.<br />

4. Pour un résumé détaillé de l'histoire des miroirs anciens et<br />

de l'état des recherches archéologiques en Chine, voir l'étude récente<br />

de Kong Xiangxing et Liu Yiman, Zhongguo gudai tongjing<br />

(Les miroirs de bronze en Chine ancienne), Pékin, Wenhua chubanshe,<br />

1984, pp. 11-20. Voir également une série d'articles de<br />

Bernhard Karlgren dans le Bulletin of the Muséum of Far Eastern<br />

Antiquities, Stockholm : «Early Chinese Mirror Inscriptions», n° 6,<br />

1934, pp. 9-79; «Huai and Han», n"13, 1941, pp. 1-125; «Some


<strong>MIROIR</strong> <strong>ET</strong> <strong>CONNAISSANCE</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LA</strong> <strong>POÉSIE</strong> <strong>DES</strong> <strong>TANG</strong> 51<br />

pre-Han Mirrors», n° 35, 1963, pp. 161-169; «Early Chinese Mirrors<br />

Classification Scheme Recapitulated», n° 40, 1968, pp. 79-95.<br />

5. Mozi, Feigong, in Zhuzi jicheng, Shanghai, Shijie shuju,<br />

1935, vol. IV.<br />

6. Shuowenjiezi, éd. Zhonghua shuju, Pékin, 1963, p. 294.<br />

7. Dans la Chine antique, les miroirs étaient la réplique ou<br />

l'image du dais céleste, d'où les multiples décorations symboliques<br />

qui les paraient (motifs du tonnerre, des nuages, des constellations...).<br />

Les miroirs désignés sous le nom de «TLV», en raison de<br />

leur décoration rappelant ces trois lettres, constituent un exemple<br />

révélateur de la richesse symbolique de ces objets sous les Han.<br />

Sous les Tang, on retrouve les miroirs «TLV» sous un aspect<br />

légèrement différent : seule la lettre V subsiste. De nombreuses<br />

hypothèses ont été émises sur ce motif. Ce serait, selon certains,<br />

un diagramme cosmologique, sorte de schéma de l'univers en forme<br />

de mandata. D'autres l'ont rapproché des motifs du shi ou «planche<br />

de divination», qui figurent sur des reliefs Han. Voir J. Needham,<br />

Science and Civilization in China, Cambridge, Cambridge University<br />

Press, vol. m, chap. «Astronomy», pp. 302-308, et M. Loewe, Ways<br />

to Paradise. The Chinese Quest for Immortality, Londres, Allen and<br />

Unwin, 1979, chap. III.<br />

8. Cf. Liang Sh ange h un, «Gudai zhujing jishu zhi yantao»<br />

(Etudes sur la technique de la fonte des miroirs dans l'Antiquité),<br />

Daluzazhi, Taibei, vol. II, n° 11, 1951, pp. 6-9.<br />

9. Zhang Zuo, «Le miroir des Qin», in Quan Tang shi (Intégrale<br />

de la poésie des Tang), 1707, éd. Zhonghua shuju, Pékin, 1960, vol.<br />

V, p. 3196. Désormais cité comme QTS.<br />

10. Li Qunyu, «Le miroir ancien», QTS, IX, p. 6573.<br />

11. «Il est dit dans la Grande Déclaration : 'Le Ciel voit comme<br />

mon peuple voit; le Ciel entend comme mon peuple entend'. Ces<br />

paroles confirment ce que j'ai dit»; cf. Mengzi, V, ch. I, Wanzhang,<br />

5, trad. Couvreur, Cathasia, p. 552. Voir également Shangshu,<br />

partie III, ch. VIII, 6 : «Tenez les regards fixés sur les règles<br />

et les exemples admirables de votre aïeul et vous serez toujours<br />

irréprochable», in Shujing, trad. Couvreur, Cathasia, p. 160. Cf.<br />

aussi Ardelia Ripley Hall, «The Early Signifïcance of Chinese<br />

Mirrors», Journal of the American Oriental Society, 55, 1935, pp.<br />

182-183.<br />

12. Shijing, partie III,, livre m, ode 1, stance 8, trad. Couvreur,<br />

4e éd., Taizhong, Kuangchi Press, 1978, p. 378.<br />

13. On retrouve cette conception moralisante de l'Histoiremiroir<br />

dans le Zizhi tongjian (Le Miroir complet pour l'illustration<br />

du gouvernement) de Sima Guang, rédigé entre 1072 et 1084. Cette<br />

conception dialectique de l'histoire, dès les origines de la civilisation<br />

chinoise, est soulignée par Creel, The Birth of China, A<br />

Survey of the Formative Period of Chinese Civilisation, Londres,<br />

1936, p. 259. Herbert Fingarette, dans «How the Analects Portrays<br />

the Idéal of EfTicacious Authority», Journal of Chinese Philosophy,


52 F. HU-STERK<br />

8, 1981, pp. 29-58, remarque aussi que le miroir est l'image favorite<br />

pour souligner le rôle didactique de l'étude historique dans le<br />

Shying (Livre des Odes). Les caractères ze, xing, shi, que les<br />

traducteurs anglais ont rendu par les mots «model», «copy»,<br />

«imitate», «act conformably» ou même «obey», soulignent l'importance<br />

de se conformer au modèle des anciens rois (Ode Wen Wang,<br />

Chant 1, s tance 7).<br />

14. Cette idée n'est pas spécifiquement chinoise; on la retrouve<br />

dans l'Occident médiéval à travers, entre autres, l'oeuvre de l'encyclopédiste<br />

Vincent de Beauvais (XlIIe siècle) intitulée Spéculum<br />

majus - terme désignant un miroir dans lequel venait se réfléchir<br />

toute connaissance.<br />

15. Xu Yin, «Pensées», QTS, XI, p. 8146.<br />

16. Dans la préface du Bogu tulu (1107), il est écrit que «Jadis<br />

le Souverain jaune fondit du bronze, en fit des objets divins,<br />

parmi lesquels des miroirs au nombre de quinze...»<br />

17. Guanxiu, «Poème du miroir ancien», QTS, XII, p. 9313.<br />

18. Li Qunyu, «Le miroir ancien», QTS, IX, p. 6573.<br />

19. Voir James J. Y. Liu, The Art of Chinese Poetry, Chicago,<br />

Chicago University Press, 1962, pp. 65-70.<br />

20. Tang Minghuang, «A l'occasion de mon anniversaire, j'offre<br />

des miroirs à mes vassaux», QTS, I, p. 32. Voir également, p. 42,<br />

le poème qui porte le même titre.<br />

21. Bai Juyi, «Le miroir cent fois forgé», QTS, VII, p. 4700.<br />

22. Le cinquième jour du cinquième mois lunaire, «le double<br />

cinq» (wuwu), ancienne fête des eaux encore marquée par des<br />

courses de bateaux sculptés en forme de dragon.<br />

23. Penglai : une des trois îles légendaires habitées par les<br />

immortels (ici, nom d'un palais à Chang'an sous les Tang).<br />

24. Les deux caractères jiu et wu signifient littéralement «neuf»<br />

et «cinq». Dans le Yijing (Livre des mutations), il est dit que, si<br />

l'on obtenait successivement ces deux chiffres lors de la divination,<br />

l'arrivée de l'Empereur était proche (jiu wu feilong zai tian,<br />

li jian da ren). Les deux chiffres neuf et cinq symbolisent depuis<br />

la position impériale.<br />

25. Jiu Tang shu, éd. Zhonghua shuju, Pékin, 1975, VIII, p.<br />

2561, «Biographie de Wei Zheng».<br />

26. Li Bai, «Poème offert au magistrat Yang qui part prendre<br />

ses fonctions», QTS, m, p. 1791.<br />

27. Han Feizi, in Zhuzi jicheng, vol. V.<br />

28. Cette conception du miroir didactique et moral n'est pas<br />

spécifique à la tradition chinoise; on la retrouve dans l'Europe du<br />

moyen-âge et de la Renaissance. Dans le blason sur le miroir de<br />

François Béranger de la Tour d'Âlbenas (Poètes du XVIe siècle,<br />

Paris, Gallimard, La Pléiade, 1979, p. 355), on peut lire : «Sage<br />

miroir.../Qui sans faveur monstrez à l'oeil combien/Est différent le<br />

mal, de ce qu'est bien».<br />

29. Meng Jiao, «La vertu du vin», QTS, VI, p. 4200.


<strong>MIROIR</strong> <strong>ET</strong> <strong>CONNAISSANCE</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LA</strong> POESIE <strong>DES</strong> <strong>TANG</strong> 53<br />

30. Liu Yuxi, «La chanson du miroir sombre», QTS, VI, p. 3975.<br />

31. Dans la théorie dite des «cinq éléments», l'interaction de<br />

l'eau, du feu, du bois, du métal, de la terre engendre tous les<br />

phénomènes.<br />

32. Xue Ji, «En regardant le miroir un matin d'automne», QTS,<br />

H, p. 1007.<br />

33. Li Bai, «Chanson du lac Qiupu», QTS, m, p. 1724, trad.<br />

François Cheng, L'écriture poétique chinoise, Paris, Seuil, 1977, p.<br />

133.<br />

34. Shao Ye, «En regardant le miroir», QTS, IX, p. 6996.<br />

35. Ibid.<br />

36. Wang Shi, «Poème ancien sur la séparation», QTS, II, p.<br />

1015.<br />

37. «L'Elégie à une dame», citée par J. Eymard, op. cit., p. 451.<br />

38. D'après le Shuowen jiezi, op. cit., p. 79, l'argus était un<br />

oiseau divin de la famille des phénix.<br />

39. Liu Jingshu, Yiyuan, III, p. 7, in Gujin shuobu congshu,<br />

Shanghai, Guoxue fulunshe, 1915, vol. II.<br />

40. Li Bai, «Écrit à la place d'une beauté se lamentant devant<br />

son miroir», QTS, m, p. 1883.<br />

41. Zhang Wencheng, «En laissant un miroir de Yangzhou à une<br />

jeune femme», QTS, XII, p. 10220.<br />

42. Bai Juyi, «Lamentation devant un miroir», QTS, VII, p. 5334.<br />

43. Zhongguo gudai tongjing, op. cit., p. 67.<br />

44. Wang Jian, «A la recherche d'un ami», QTS, V, p. 3368.<br />

45. Voir par exemple Zhu Hua, «Offrir un miroir ancien à un<br />

ami», QTS, VIE, p. 5561.<br />

46. Yi Yuan, op. cit., VI, p. 27.<br />

47. Shen yi jing, cité dans Peiwen yunfu, éd. Guji chubanshe,<br />

Shanghai, 1983, vol. III, p. 3276.<br />

48. Li Bai, «Écrit à la place d'une beauté se lamentant devant<br />

son miroir» (cf. n. 40).<br />

49. Yao He, «Chanson du miroir», QTS, VI11, p. 5708.<br />

50. Lu Qinli (éd.), Xian Qin Han Wei Jin Nanbeichao shi<br />

(Poèmes de l'antiquité aux Dynasties du Sud et du Nord), Pékin,<br />

Zhonghua shuju, 1983, pp. 2564-2565.<br />

51. Du Mu, «Le miroir brisé», QTS, VIII, p. 6003.<br />

52. La femme «miroir de l'Univers», réunissant en elle toutes<br />

les beautés du monde, était une image répandue dans la poésie<br />

française du XVIe siècle influencée par le néo-platonisme de Marsile<br />

Ficin. Ronsard, entre autres, chante la femme cosmique en ces<br />

termes : «Et toutefois, envieux, je t'admire [miroir]/D'aller mirer<br />

le miroer où se mire,/Tout l'univers en ses yeux remiré» (Les<br />

Amours, livre I, sonnet LXXI, texte de 1578).<br />

53. Alors que dans la poésie française de très nombreux poèmes<br />

chantent la beauté physique de la femme, louée à travers ce qui<br />

était nommé au XVIe siècle le «conseiller des grâces», très rares,<br />

en Chine, sont les poèmes qui vont dans ce sens. Parmi ceux-ci,


54 F. HU-STERK<br />

on trouve par exemple la «Chanson pour une beauté» de Cui Guofu,<br />

QTS, I, p. 336.<br />

54. Chang Hao, «Pour envoyer au loin», QTS, XI, p. 9025.<br />

55. On retrouve une conception similaire du miroir divin dans<br />

la tradition occidentale. Voir Jurgis Baltrusaitis, Le miroir : révélations,<br />

science-fiction et fallacies, Paris, Seuil, 1978, ch. III.<br />

56. Zhuangzi, VII, F, trad. Demiéville, «Le miroir spirituel», in<br />

Choix d'études bouddhiques, Leyde, Brill, 1973, p. 117 (légèrement<br />

modifié).<br />

57. Zhuangzi, V, A, trad. Wieger, Les pères du système taoïste,<br />

Paris, Cathasia, 1950, p. 309.<br />

58. Paul Claudel, L'épée et le miroir, Paris, Gallimard, 1939, p.<br />

194.<br />

59. Zhuangzi, XIII, A, trad. Wieger, op. cit., p. 309.<br />

60. Liu Yuxi, «Poème écrit pour accompagner la fable du secrétaire<br />

général Niu», QTS, VI, p. 4080.<br />

61. C'est seulement à partir de la dynastie des Han que le<br />

miroir fut lui-même doté de pouvoirs merveilleux et occultes.<br />

Comme le souligne M. Granet, c'est «dans toutes les légendes relatives<br />

au fourneau, à la forge, aux cinq métaux, aux épées précieuses<br />

et magiques, au chaudron, aux miroirs, à la lune et au soleil»<br />

que l'accent taoïste peut être perçu. Cf. Danses et légendes de la<br />

Chine ancienne, Paris, PUF, 1959, pp. 609-610. Voir également<br />

Longhu laoren, «Zhu jing ge» (Chanson de la fonte du miroir),<br />

QTS, XH, pp. 9766-9767.<br />

62. Xue Feng, «Chanson du miroir ancien de Lingtai», QTS,<br />

VIII, pp. 6321-6322.<br />

63. Dans le Bao pu zi du fameux médecin des Jin Occidentaux,<br />

Ge Hong (284-364), il est écrit : «On peut se servir de miroirs<br />

magiques d'au moins neuf pouces de diamètre pour s'y mirer Si<br />

l'on se concentre sur ce qui vous préoccupe pendant sept jours et<br />

sept nuits, alors on aperçoit les Immortels... Une fois qu'ils se<br />

sont révélés, dans votre cœur (esprit) vous aurez la connaissance<br />

de ce qui se passe au-delà de mille li de distance et des événements<br />

à venir...». Voir l'étude de Max Kaltenmark, «Miroirs<br />

magiques», in Mélanges de sinologie, Paris, Institut des Hautes<br />

Etudes Chinoises, 1974, p. 6. Quelques poèmes Tang évoquent de<br />

façon directe l'utilisation du miroir comme instrument de divination.<br />

Voir, par exemple, Li Guo, «En écoutant le miroir», QTS, VII,<br />

p. 5457.<br />

64. B. Karlgren, «Early Chinese Mirror Inscriptions», Bulletin of<br />

the Muséum of Far Eastern Antiquities, 1934, Inscription n° 6, p.<br />

73.<br />

65. Ruoxu, «Le miroir ancien», QTS, XII, p. 9300.<br />

66. Paul Demiéville, «Le miroir spirituel», Choix d'études Bouddhiques,<br />

pp. 112-137.<br />

67. Ibid., p. 123. Cette différence est également soulignée par<br />

Wing-Tsit Chan : «The mirror is an important symbol for the mind


<strong>MIROIR</strong> <strong>ET</strong> <strong>CONNAISSANCE</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LA</strong> <strong>POÉSIE</strong> <strong>DES</strong> <strong>TANG</strong> 55<br />

both in Zen Buddhism and in Neo-Confucianism. The différence is<br />

that with Buddhism, external reality is to be transcended, whereas<br />

with Chuang Tzu and Neo-Confiicianists, external reality is to be<br />

responded to naturally and faithfully like a mirror objectively reflecting<br />

ail» (Source Book in Chinese Philosophy, Princeton, Princeton<br />

University Press, 1973, p. 207.)<br />

68. Bai Xiangshan ji, Pékin, Wenxue guji kanxingshe, 1954, Vol.<br />

II, p. 80. Ding, en sanscrit «samadhi», désigne l'absorption de<br />

l'esprit dans la méditation calme de la contemplation; hui signifie<br />

la sagesse, intuition suprarationnelle. On retrouve ce même emploi<br />

dans les poèmes d'inspiration taoïste.<br />

69. Jacques Gernet, Chine et Christianisme, action et réaction,<br />

Paris, Gallimard, 1982, p. 292.<br />

70. François Cheng, L'écriture poétique chinoise, op. cit., p.<br />

138. Dharmakâya signifie le corps saint, Tathàgata, le Bouddha.<br />

71. Giuseppe Tucci, Théorie et pratique du Mandala, Paris, Fayard,<br />

1974, p. 29.<br />

72. François Cheng, L'écriture poétique chinoise, p. 138.<br />

73. Chantai Chen, «Emotion et paysage : subjectivité et extériorité<br />

au sein de l'expérience poétique de la Chine», Extrême-Orient<br />

Extrême-Occident, 3, 1983, p. 99.<br />

74. Rainer Maria Rilke, «Les Sonnets à Orphée», trad. Armel<br />

Guerne, Poésie, Paris, Seuil, 1972, p. 395.<br />

INDEX <strong>DES</strong> CARACTÈRES CHINOIS<br />

1. Noms et expressions<br />

Bai Juyi &lfe%<br />

Bai lian jing ^ 0*$^<br />

Bao pu -à $&$J.-3bei<br />

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56 F. HU-STERK<br />

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<strong>MIROIR</strong> <strong>ET</strong> <strong>CONNAISSANCE</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LA</strong> POESIE <strong>DES</strong> <strong>TANG</strong> 57<br />

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Zhang Wencheng ^ iC ^<br />

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zhong, wai ^ £f»<br />

Zhu Hua ^. jt<br />

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Zhuangzi ££.3-<br />

Zizhi tongjian ^ -/£ î^. |li<br />

2. Références bibliographiques citées dans les notes<br />

(arrangées par titres)<br />

Bai Xiangshanji fafë-JjljL<br />

Bogutulu jflTg^<br />

«Gudai zhujing jishu zhi yantao» (Liang Shangchun)<br />

HanFeizi .$£#-?-<br />

JiuTangshu fèjf £<br />

«Kinbun tsûshaku» (Shirakawa Shizuka) Jfc- "^tii^^p: (fa^)^)<br />

Mengzd je, ^<br />

Mozi (Feigong) ,f-J- (##.)<br />

Quan Tang shi %rj$ %%<br />

Shangshu j|j^r


58 F. HU-STERK<br />

Shenyijing if %-4-§.<br />

Shijing %%n.<br />

Shisanjing zhushu -f" 2~ $£ v£ ifô><br />

Shujing £ gg<br />

Shuowen jiezi ft$l%$%-<br />

«Tongjing zai gushi zhong de xiangzheng yiyi» (Chen Qiyou)<br />

Xian Qui Han Wei Jin Nanbeichao shi (Lu Qinli)<br />

Yiyuan g &<br />

Zfaongguo gudai tongjing (Kong Xiangxing, Liu Yiman)<br />

Zhouli (Tianguan, Hngren zhu) ^^% ( *. f ,

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