Nouvelle Traduction. - Notes du mont Royal

Notes du mont Royal
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-* '*
/
L'ODYSSEE
DHOMERE-
Nouvelle Traduction.
PREMIERE PARTIE,
A PARIS,
Chez CLAUDE BARBIN, au Palais,
fur le fécond Perron de
la $airite Chapelle..
M. DC. LXXXI.
Avte FrivUegc dnRoy.

f\
KF.CPIÀ
b&C&i*CENS î

ARGUMENT.
OWMî la Paille
félon " : Âriftôte , eft
compofée de deux
parties, doxrt-Punê
eft^là '*vérité : l quï tùf^ert ,dt
f6ndéntént : ^ fc'-'l'aùtrç eft'-'îa
'fîdion * qui eft ®àl voSIe ingénieux
f fous lequel'on cache
cette vérité -pour 'la- rendre
plus agréable : Horace .qui a
jugé de l'Otlyflëefiir les pria.
cipes de cet admirable Philofophe,
nous a appris quelle eft
la -vérité quiy «ft nfermée4ea
• " - - - j - ' •$ tj ; :

jiRGP'MENT.
ïenurquantdans foo Epi lire à
Lollius, crue le retour dTttyâe

de hu Royaume r il a faifi»
doue» une. caufe jufte & giorieiife
de ftxi abfence , Ct'la.
faire paroèftpeen quelque for.
te-invotantaire;, HTtciribuSaf
la guenedeTroye, ilaqueMo
ttwte h Grèce fut engagée, &
en oewpf éfence jamais Hflyfie
que dans le deffiein.

JRGVMB'ÏTT..
mtt avec quelque application»
la Poétique d'Ariftote ou celle
d J Horacef 8c ilsreconnoLfiront
-bien que je ne me-.fins,pas
trompe dans-la confticution-véritable-de
ce Pocroe; • • :
C'eftpar cefeuimoyeaquc
l'on ' peut entrer dans Perdre
merveilleux de POdyflee. .
Au i. 2.3. & 4. livres Le Pocte.
dMpofe toutes choies. Il y diftribuë
à Uiyfle^ i Pénélope, à.
Telemaque, à'Antinous & à.
d'autres, quM a nommez comme
ilky a'plûj les personnages
qu'ils doivent faire danrle
lefte du Poëme..
.Au 5, la première iûée quele
Poète'donne d'Ulyfle, ju-
'ftifie Péloignement où il -fcj
trouve , "il eii où il ne peut eftreretenu
par les charmçs de Ca^;

'ARGUMENT.
ïypfo : On le reprefente affi*
fur Je bord de la mer , qu'il
confidere comme un obftacltf
qui s'oppofe àfon retour , &£
à la veiie de fa chère patrie;
Ce qui fait naiftre la penfée
de mille avantures qui luy
font arrivées dans fes- voyages
, & de toutes les difficultez
qu'il aura à furmonter
pour retourner en Ithaque, 5c
y reftablir Tordre & la paix
Au 6. après une furieufe
tempefte , il arrive au pals
des Pheaciens , où. il gagna
l'eftirae de Ta Princeffe Naufcaa,
quoy qu'il luy fuft inconnu.
Au 7. Il slntroduit prés
çVAlcinoûs Roy des Pheaciens,
8c il luy parle avec tanc
de prudence,qu'ii obtint deluy
un vaideau ,pour retourner en
ithaque. a iiij

Au g. I] o'im'ec point la ja>
*>»fie des Pbeaàa» i car û
s'excufe d'abord de prête»,
dre aux prix de leurs exercices^
y ayant eftéengagé, il
*fe de k vi&oire avec rate
grande modération.
Au 9.10. 1U &c u. R coo.
teluy-mefme les différais pénis
oùiil aeftcexpofé y & é
n'y a point d'areocuxe oit le
Poëte n'enferme quelque in,
Itruction admirable : Mais il
ne s'écarte jamais du point de
Morale, qui fert de fonde,
menr à toote h FaWe > & la
prudence eûL toujours la plia
diftinguée. Il reprefente pat
tout Ulyûè tel qu'il fe Feft
propofédés fcn premier vers,.
Au 15, Luy ayant fiât for.
monter tant d'obltacies, il le

Êiif repaflcr en Ithaque, o&
feu amence avait cauis beau**
coup de defordres*
An 14, Comme il ne ($ fait
point «mnfiiftre > ce; fige- dcu
guifemenf a» des effet s merrciL
teux* Preraiweiïiciif, il & met:
en feuxeté^&ûl ne tombe pas.
dans le roatheur cf Agamewu
non quifitctnépaf iSgiftbeà
foa retour de Troye $ c'eft
poucquay ce funeflie évene».
ment effeiouvent touché dans
l 9 Odyfféey pour faite, romain
ç«or pur i'ôppafitioa d'une
conduite trop- précipitée *
Combien 'ccèie- oTftyfle finicglée
par tes véritables hu
BÛeces de k prudence. Deplus
il tire de grands; avantzu
gcs pour iirprendre fet emiew
mis* Enfin, il .ne partage avec*
perfonae la gloire de* foa en*

T A&GVMM2ff.
freprife jufqu'à ce qifil Teiecote,-
il demeure inconnu £
fes ennemis.
Au 15. -Telentaque 'iflenr
dansbmaifoivd*£umée, od
Ulyfle eftoit arrivé' j Mai«
comme Minerve luy avoie
changé les traits de ton virage,
il n'eftoit pas reconnoiflable
: En cet eftat, il repreiènre
bien" les .véritables fagest
qui - voyent toutes chofes-f &
qui ne felaiCent pas aifémene
connoiftre.
Au 16. Bien qu'il euft. appris»
d'Eumée f & qu'il euft reconnu
luy^mefine-les.genereufes
inclinations de fen msf il differoit
néanmoins de s'en faire
connoiftre ,& il ne luy confiai
kfecretdefon retour que par
un commandement expiés* de
Minerve-

Au 17.. En l'abfence d'Eirmée
, ayant concerté les manières-
de punir lems ennemis f
Telemaquevaà-la ville, où il
rend compte a Pénélope -des
voyages de Sparte & de Pifos.
-• Au 18, Olyffe.jCbuffre les infuites
des Amans de Pénélope^
avec toute la diffimulation que
confeille la prudence, qui attend
les occafions d*cclatter à
propos. 11 eft contraint de
combatre contre Irus, & il le
dompte aifément.
Au 1$. Quoy' qu'il parle à
Penclope ,'tl ne juge pas qu'i
doive encore luy découvrir le
myftere de fon retour : Mais
n'ayant pu éviter d'eftre reconnu
par Euryclée, il luy dé.
fend de le faire connoiftre. •
. Au tof s'eftant afTuré de I*
fidélité d'Enmée & de.PMe*

fins, il box déclare ce qu'il eflL
AVL ii. Penelopeayanc pro-
)o£é L'exercice de tirer- avec
J 'arc d'UlyUe dans nu aaoneaur
8c ayant promis qu'elle ckoifiroit
le vainqueur p#Mf fous
époux t Ulyfie^feui réimporta,
la viâcdre.
«Au »u Anne de eét arc, il
tua Antinous, & il commencer
defe venger de fes.ennè«ïis#
'Au 2}, &au-i4. P^ûdopc 8ç.
Laërte teaàmoiffkm (Ilyflè^
lequel après avoir appailè la
édition "de» Ithaçien?. jouît:
en reposLcbibônheut qitfil s*efl.
procttr érpar la. prudeiice.
Pour-ce qui eft dé la coww
paraifoa des deux Po£mes.v
je croy pleuvoir Sm que s*ii:
y a plus defetidan&fflKade,
§ y a plusdedefHn dansl'CX
dyffee Homère a prapotttioo».

JtRGrMJBWT. •
me fan Me à fes &jets. île!-
••dans fllliade ce qm "y eft%
Adrilte,-Grand» Noble, plan
d*ardc«r ^ & il et dans FO-
•dyfiée, comme UJyile^ Éige^
judicieux ^ cloquent , modère
& d'une conduite admirable.
En quoy Ton ne peut allez
.admirer l'eftendujë de Ion ge«>
nie j car une penMution n'eft
Jamais plus loiiable que lors
•que ceiuy «qui la pofledea en
•mefme; temps h perfedion
qui luy eft oppoféè. Quicon*
'que ne va pas d'une extrémité
à l'autre, & ne les touche
pas toutes deux enfembie f ne
montre pas de véritable grandeur.
S'il m'eftoit permis de
croire ;qu'ayant employé du
temps à traduire ces deux

'AKGVMEWT*
-Poëmes qui .ont des .caraderesfidifferens.,
il en faftdire
ce que jîen penfe., j'avouerois
que J'admire .plus 11-
Jiade > M -que je fuis f lut
charmé de l'Odyflee.

3^C «5"C ^ C 3^5 JPC «5ns. S^B «S^Bi 991S»
Extrait dm Prhikge
• ife Roy.
P 'Ar grâce & Privilège du Roy;
donné à Paris le deuxième Janvier
16Î1. Signé par le Roy «1 fou
ConfeiL L i P.i T IT. 11 eft permis
au $ienr-CLAUDE BARBIM;
Marchand Libraire à Paris, de
faire imprimer , vendre & débiter
Les œuvres £M§mere » traduites
nouvellement fmr le Sieur DE LA
VAITII I* , en tel volume» mar-
.ge , caraâere , & autant de fois
que bon luy femblera, pendant le
iemps & efpace de ûx années coniècutives
, à commencer du jour
4}ue ladite Traduéfcion fera achevée
d'imprimer pour la première fois:
Avec defïènfes à tous Libraires,
Imprimeurs, & autres perfonnes,
de quelque qualité & condition
* 'qu , #es.loieçitf.d , impiiwei: oujfws

imprimer, ^rendre ny débiter fecHt
livre., à peine--de confifcatton des
exemplaires , deux mil livres daipeeâe,

L'ODYSSEE
D'HOMERE.
PREMIERE PARTIE,
LIVRE PREMIER.
Ani/EZ-moy, divine
Miife , de la fàgefle
de ce Héros f
qui après avoir pris la fuper-.
bc Troye, eim de Vile en
Tmwl* . A _

a L'ODYSSE'E
'• Ville, & connût les Coutumes
différentes de tant de
Peuples.
Il prenoit un extrême foin
de la confervation , & du
retour de fes Compagnons}
& fans doute il les auroit
conduits heureufement dans
leur Patrie. Mais ils attirèrent
fur eux-mefmes lajufte
colère des Dieux , ayant en.
levé les troupeaux confierez
au Soleil dans l'Ifle de Trinacrie.
, Dites-moy donc, à fille de
Jupiter, tous ces grands évenemens,
afin que je les apprenne
à la pofteritc.
Il y avoit long-temps que
les Grecs ettoient de retour

-de la guerre de Troye,, mais
fJIyile eftoit encore éloigné
de fon païs & de fa femme^
•& Peoeloppe Fattendoit avec
une impatience digne de l'amour
qu'elle confërvoit-pour
luy..
- Calypfo -, la plus belle des '
Nymphes , le retenait • prés
d'elle 5 & avoic'le deflein de
ie pi'en'dré pouf époux. Mais
enfin lorfque le temps , où
les -De-ftifis avaient marqué
fon retour fut arrivé , bien
qu'il eût encore beaucoup de
cfaofes à fouffrir i les-Dieux
néanmoins luy furent favorables
f excepté Neptune qui
s'oppofbit. toujours au bonheur,
dont il devoit jouir en
Ithaque^
Aij

4 L'ODYSSéE*
Mais pendant vn long fejour
que ce Dieu fit en Ethiopie,
où il fe plaifoit à
recevoir l'encens que luy
©ffroient ces Peuples j tous
les autres Dieux eftant ak
femblez , Jupiter parla de
la mort d'Egyfte en ççs ter.
mes ;
Vous fijavez que nous
fommes expofez tous les
jours aux injuftes accufations
des mortels. Ils nous imputent
les malheurs qui leur arrivent
j comme fi par leur
propre aveuglement , ils ne
s'y precipitoùent pas eux-mefm:s,
C'eft ainfi qu'Egyfte
violant toutes nos Loix , a ér
poufé Clytemneftre femme
4'Agameranpn,quoy qu'il ne

X>'Ho-J£ERE, Lh. 1." |
par pas ignorer à quelles extrémitez
il- fe verroit réduit
par les fuites* de cette paffion
crimiiiclle. Il drelïa des
embûches à Agamemnon, &
le tua. Ce fut en vain que
Mercure luy avoit reprefente,
qu'un jour Orefte van*,
geroit la mort de ce Roy .
Je cœur d'Egyfte fut infenfî-
Me. Ha fouttert enfin lajufte
punition de k$ crimes.
H s*eft rendit digne, dit Minerve
j de la fin maLheurem
le qu'il z eue s &• il eft bien
jufte-que l'infolence & la témérité
fbienc punies }- mais 3
ê Souverain des- Dieux' ?
mon cœur eft touché d^n
extrême déplailîr 3 quand je
confidere' les mal-heurs du
ipge & du vaillant •Olyflè.
A w

6 L'ÛD YSSl r E*'
Il y a long temps, qu'éloigné
-de fa maifon f il eft per^
fècuté de la mauvaise fortune.
Il eft preièntement dansune
Ifle oà la fille d'Atb
le retient f & ne veut pas lu y
permettre d'enfoctir. Que ne
îuy dit-elle pas tous les jours,»
four luy faire perdre le defir
qu'il a de retourner en Mit-.
que ? Cependant il aimerolt
mieux voir 9 meûne de* loin f
la fumée des maifons d'Ithaque
f que goûter les plaifirs
de llfle deficieufe de Calyp.
£o. Les chagrins & les. ennuis
de ce Prince ne voexu
cent-ils pas iroftre pitié ! car
enfin , c'eft le meuné UlyCe
qui vous a offert datas Tatr
mée des Grecs vu fi grand
nombre de facrifices. Pou*
vez-vous âme le traiter % ê

D'HOMME, Lh.L 7
le plus jufte & le plus grand_
des Dieux , comme s'il eC
tok-voftrc eonemy , & qu r M
fcaft mérité voftre colère i
Jupiter répondit qu'il n'a-'
voit pas. oublié la vertu du
divin UJyfle y qu'il eftoit le
plus làge de tout les mor*
fris , & qu'il avoit fignalé
fa pieté par un grand nombre
de viâimes, -Mais Nep.
ÎMie , reprit.il, eft toujours
en colère contre luy y depuif
• que ce Prince • créya, l'oeil de
Polypbéaie.. Ce Cyclope eft
fils d'une des plus belles M y nu
pàes de k mer 5 il mok une
force: incomparable # êc Tef~
tac .o& ' il a cité reduk a engagé
Neptune à s'oppofer act
retour dIJlyflè f. & â 'exciter
contre luy. tant deœmgeftes,
A iiij'

f L'ODYSSEV
Mais javoiie qu'il eft temps
que nous* Unifiions fes longues
courfes ,, en appaifant la co*.
1ère de Neptune. Pourra-t*il
hty feul refifter à ce que nous,
defirons i
Apres que Minerve .eut r&
mércié Jupiter 3 & que le retour
d'Ulyfle eut efté conclu^
avec le confencemenr de tou.
teTaflembleyon réfohit d'envoyer
Mercure versCalypfoî
pour luy faire fçavoir Tordre
des Dieux, fur le retour d'O.
lyfà* Minerve fe chargea du
loin de defcendre dans Tlfle
d'Ithaque ^de parler au fils
.d'Ulyfle , de luy confèUlerce
qu'il - auroic

lrffOMEIJB,LlV.L 9«
chercher des-nouvelles de foti
père 3 & de luy faire acquérir
une nouvelle gloire digne delà
naiflànce»-
Oti k. vît auffî.toff attatcher
à les pieds des ailles pluséclatantes
que for f &'en cet"
«Hat ftirprenant palier au deffus
derniers, & defcendreau-
Palais- de Pénélope. Il luy
plut de prendre la figure du*
Roy des Taphyens-& déporter
la lance -à. la main..
• Ea maifon

IO L'OBYSSE'é
extraordinaire de tous tes Hem
dUlyfTe,
Telemaque av

fi*HoMNUE, LlV.I. tt
Comme il n'y avait peribnne
5 qui réglai: les choies r le
luxe, l'abondance* la profufion
s'y trouvaient toujours.
Tous les preœndans -ne confideroient
les biens dTHyfle*
que tomme une proye deftincc
llettf ambitionf ou à leur de- 1
fauche.
Sur la fin du fepas, fe/s que
le vin • commençait à échauffer
les efprits , Phemion excellent
Muficien *chanta quelques
airs. Les' uns accommo*»
doient leurs voix i la fîenno*
les auttes danfoient 9 & répondoient
par leurs geftes êc
par les inouvemens de leurs
corps , aux difierens tons de
ion chant, i
- Teiemaqiie * ménagea: les
A ¥|

» I/OD-YSSE'B-
wtomeos de ces plaifirs, pour
parler à Minerve.. Il s'apro~
che d'elle pouc nfeftre* entendu
de pertonne.. Aimable Etranger
, luy dit-il y ne foyer
point fùrpris x_ je vous _ conjure
, de. ce que j'ay à' vous
dire :. Vous voyez, icy. toute
la maifon occupée à la, dan,*
- ce & au., chant , au lieu du.
deiiii- où* Toa devroit. eftreour
Fabfence dlJlylIè.. He*
E
isi il a. pery peutreftre dans
les* ondes s- il eft- peut-eftrè
cxpofé. maintenant en. quel*»
'que endroit de. la. terre fans
lepulture i. mais t ô Dieux,!*
ôtez-wmoy cette crainte qui
m'inquiète. : Faites. que je. le
«wyc. icy. quelque jour remettre
cette Iflfe dans "l'eftat flo.*
atiCàntiOÙ-elleaefté. On ver-
JBQû tous* c.e&, téméraires.» dif?.

fâroiftrc.Heks fje me Jatte*
.fans douce'd'une-.vainc e(pe~
rance}, lé temps ;de fon-retour
cft paflë •:. Mais vous-, chef;
Inconnu*, ,faites-moy le.plaî*
fir de me conter vos-, aventures
:. Qui-eftes-vous h dé quel
j>aïs?r- Sur. qpeLvaiffeaux élites-vous/arrivé
t; 04*: font
ceux qurvous onriiiivi r N f c^
tes. vous point- un des anciens
amis d'Ulyffèr eiLceicy lepremier-
voyage que vous. ayez.
fki&en Ithaqjie.; ' ~
ta fige* Minerve répondit*
Qu'elle commandoit aux Ta*
pliieos }v qu'elle avoir beaucoup
1 'de vaifleaux/ur là mer§
qpe Laërte l'avoit receuë aultrefois^daas*
cete'Ifle h quelle •
çroyoit • y • rrouver Uîyfle an
leïcur-de tous (çs voyages^.

14 •" •i*ÔD-tS'S-B r E-
câr 9D&A 3 je ' %ay "bien, ditcite
,- ^a # il ^ priât péri.. Ii
faut - q»*il - îok 'Kkenn ' dans^
Quelque- -pèrt f dont i ne peut?
pas àîfimeMfortir j, ta ne tous
dire que ce que les Dieux
m'iitfpfficbt.j je puis TOOS affeuréf
que vous te reverrex
t>im-toftî &lkgefle'te retirera
de tous les périls -ôà' tes
voyages root expofë/Quand
en a de la prudence &de la
jrertu f • on furmonte tour.
Mais comme je vous vois foui
les mefmes traits qull avoir,:
avant qull partîft pour la
-guerre de Troye, je vous prie
de me dire* li vous n*eiiei
pas foû fils*
• Ouy f répondît Telemaque
, je 1e fuis y & Pénélope
tue parte fouvent de luy 9

BHOMéJU, tir. L if
pour m'obliger à me rendre
digne de ma a&iftaçé. Mai*
c'eft yae cfeofe tien difficile
pourmoy , car il o'y a dan*
toute la fie

Telâtmqueluy dit que les»
uns eftoient de Samos , -lesautres
de Zacynthe , ou de
DulicMe^ que Fêfperance d*âccroiftre
leurs petits Royaumes
les avoir attirer en- Ithaque*.
pour- s'y•' rendre maiftres du
•cœur de'Pénélope f qui corni
mandotr pendant fàbfencc
d'UlyiTe , que l'on croyoit:
raorti Il apâta que leurs'dif-
' ferens interefts broiiilloieot
tout T qu'ils ne s'âceordoient
que dans vne feule choie-)
qui eftoit de defoler toute'
i f Iflè , & de piller toutes Jes^
ricrhelles de ion père- y que
JPenelope ne içavoir quel part
ti elle devoir prendre-$ qu'elle
n'6foit pas irriter-par- vu
refus ? qui-aurait de-tachetu
[es fuites, aucipi- des- pr&en*.

&'Ho.MZKE y LiVl- L -Vj
dans ; qu'en attendant toujours
le retour dtJlyfler çllc
les ménageait 5 mais qu'an
Heu de reconnoître les - égards
qu'elle avoit • dans ' fa
conduite pour ne ks pas dèflfobliger^
ils fe fèr¥oicnt de
fabfence dlHyflè', & "que
chacun, d'eux eftablifloic là
grandeur 8t fa fortune fur la
luïoe de.la miferablf Ifle d'Ithaque.
'
„ Mifwwvftâ ,pôe entendre
ces paroles, (ans eaeflxe ton,
chce. Ah 1 dk-.elie- v que le
retour ' d'EJlyflè aurait bien'.
tolfc fini- tous- ces- delordres/
Mais «ifei ^ i| dopend de-la
?olofité des- -Dieux; ' .Gèpdiu
dant j'ofçjrois vous donner, mm

1# l/IlIÀI)E,L.XV*I
-Il -y va dte'Voftre gloire de
chercher UlyCe ¥oftre père,.
Pourquoy afallez vous- pas à '
Pylos,.en demander'des nouvelles
au divin Neftor i pourquoy
ne paflez.vous pas à
Sparte 3. chez Menelas f qui
de tous les Grec« eft celuy
qui eft revenu le dernier de
la guerre? Qu'elle ioye ffauriez-vous
pas d'efperer , qull
viendra au plôtoft vanger la
iruïfie^evdAfie -Ifte , Rapprendre
-qu'il- eft -vivant 3 &/ que
vous ief reverrez • âpres-' une
fi longue aèfeocc l Si" von*
nfari appreniez pas

D'HOMEJU, Hit. I. 1$>
conduite en éloignant ces
téméraire* t. qui font ' les- auteurs
dqs ealasmitez publîques}
Oceftc a-t'H pas vangé' -
Âgameoiaoa t feras: ~ vous
.moins généreux que luy ? Je
ferois plus long-temps . avec
vous , mais ' on attend mon
retour -, je vous eu ay aCez.
dit | c*eft à vous a exécuter
ce que voftre propre gloire
TOUS cooiailesa mieux quemoj»
' ." .
Tetemaqœ vouloir l'airef-
•ter pour avoif le «»ps 4e
Juy jaure. quelque prcfeatf âc
lui téiB#§«er la recotmoit*
Jà»ce qu'il avoit des-âges i-
.T« j -qitfi en «irais. Kcëui..
•Mais ne : nTofrtigtz -pas , dit
JMioerye, à refter plus longtfppiid.
j'iiidcilmpàtNa»

m . L'ODY'SSSfe
ce de me; rendre près* de ctxxxque
f ai quitte^.- Si vous faites
ce que je vous ay die f ee me
Jfera une ehofe plus- agréable,
que le prefenf le plus cooft.
.derable que je pourrols-recelokde
vous..
• Minerve fe retira après cet
entretien , & difparut plus
promptement qu'un oiîèan
.qui sfélevé ilaplus hautere.
f
on de fak.. Tekmaque fe
ntit animé d'an- nouvel ef*
-prit. 'Cette Déeieauiî- guerrière
que gavante, lui avoit
.infpiré une Ear-dieffcr extraordinaire,
ôc un* courage tout
•héroïque. ' Le delr de vok
Uiyfle Ténlammoit d'une manière
nouvelle Y & il ne crût
pas. que celui, qui. lui a vok
f arlé ne fufr que le Prince

D'HOMèRE, LIV. I. u
des Taphiens •.: mais quelque
Divinité favorable qui avok
voulu -paroiftre fous la forme
de'cet'Eftranjrec.
Durant leur entretien Plie-'
mion avoir continué de. chanter
^ .& Pénélope fuivie de
quelques-unes de (es femmes*
cftoit entrée dans la lalle, oà
tous fes amans entendoknt
les admirables chanfons. Lors
qu'il chanta un récit des trif.
tes avanture« des Grecs § qui
avoiene eu part à la conqueue
de T-roye % lefouvenir cVDlylfë
la toucha fi fort, que-Telcmaque
rentrant dans l'aâemble
5 trouva cette Princeflè
toute en larmes. Phemioo au,,
roit• efte. pe»i de fon indifere,-.
tkm, file Princen'avoiccon*
fideré que beaucoup d'aiiu

tX L J ODYSSE r B
très grands, hommes a volent
.eu part aux aventures donc
Whemioa avoit parlé t qu'il avoit
moins conlîderë le fujet
ciefon récit, que la nouveauté
de i*air t & la beauté du
chant5 & que de tout temps
les aôions des hommes les plus-
Illuftfes ont elle expofées aux
veis des Po'êm*
-Niammmm «somme il ne
pouvoir plus fupporter les
prétentions des Amans de fa.
mère3 il-la pria de le retirer.
A peine fut-elle, fortie, qu'il
leur adreCe ce difcours : Je
ne troublerai pas, dit-il, vô~
trejoye^ mais |e vous avertis
que ce doit élire le dernier
feftin que TOUS ferez en cette
maifon. Il eft temps que
wus nous laifliez en repos, &

D*H0MERE,tlV.I. 13
je jure que je fçaurai me vanger
de ceux qui voudront malgré
moy prendre part à mes
affaires , pour avancer leurs
propres interefts. Ainfî je
prie les Dieux de m'aban.
donner , s'il eft vrai que je
n'aye pas refblu dé perdre tous
ceux qui s'oppoferont ici à mes
deflèins.
Cette nouvelle hardeiflê de
Telemaque les étonna, on fut
quelques momens fens lui ré-
)ondre : mais enfin Antinous
ui parla en ces termes :
Î
Prince, à vous entendre
parler, on ne peut pas douter
que les Dieux ne vous ayent
donné une merveilleufe éloquence.
Ceft un titre considérable
pour poflèder le

*4 • t 1 ODYSSéE
Royaume que voftre père 1
gouverné autrefois,
Eft-ce-, reprit Ëurymaque,
cet:'.Eftranger qui vous a deftinc
au • trône dans la longue
converfation que vous avez
eue avec lui ? il avoit aflèi
bonne.raine ; pourquoi n'a.
t'il voulu eftre connu- de per*
fonoe ? Vous a-t'il appris
quelques nouvelles'dTJlyfle?
Le reverra-t'on bien-tofl dans
ce 'Palais s Pourquoi s*eft-M
retiré, fans nous faire part de
cette heureufe revolutio%quc
tout le monde attend avec
une extrême impatience? '.
C*eft ainfî qu'ils fe mettaient
peu en peine de la colère de
Telemaque^ & qu'ils ne pré-voyoientpas
ce qu'ils avoient
. ' à

• i>'Ho'M£&E,Liv.L i|;
à craindre du jeune Prince,
que les confeik -de Minerve
avoient élevé, au .deflys des
, fioibleilès de fon âge. Us p^fl
ferent le reftéjduijour en pïaifirs-5
& ne fqrtirent que lors
. qùe.la rjuit .fort avancée 5 les
obligea d'aller Je delafTer -de
la fatigue, de leurs débauchesparlés
charmes & par lesdou- •
ceurs du iommeiL
Cependant Telemaque outragé
de leurs piquantes reparties
v'& '1er des .glorieux
defleins que Minerve luy avoit
infpirez 9 lèntoit fon ame -
agitée du défi* de la vengeance
de 1* efperancedé voir Ulyd
fe 5 & de lapaflîoû d'acquérir
de la gloire digne du nom qu f ii
I -portoit.
TmeJt^ B
-.. ' *****

ï6 i'O-DîSSi'i
Euryclée qui avoit efté mi*
fe près de luy par Laërtes fba
grand père, & qui avoir, eu le;
loin d'élever fon enfance, a~
voit mérite rhonnetir de fa
confidence, 8c le voyoit à
toates les heures du jour. Il
Fentretin* prefque toute la
nuit de fcs nouveaux defleins,
& le jour alloit bien-toft commencer
à par-oiftre, tors qpe le
fommeil donna un peudereljU
eheà fes inquiétudes,
'jft» d* premier livre,

B'BCSMEKE , LIT. II. 17
LODYSSEE
D'HOMERE.
L ira E 11.
•'-•M
E S Hérauts ayant:
publié une A Semblée
par l'ordre de_
Telemaque, ce jeune
Prince s'y trouva dés la
pointe du jour , avec une
magnificence extraordinaire.
Gonime il n'y en avoit point
Bij

*8 I/ODYSSE'E
eu depuis l'abfence d'Ulyfle,
on y accourut de tous coftez
avec empreflement.
On eftoit charmé de voir
Telemaque pareil à TAftre,
qui commençoit à paroiftre.
^11 y avoit en lui je ne fçai
'quoi de grand qui lui gagnoic
l'eftime publique-
Au milieu des applaudiflémens
que le peuple lui donnoit,
& des vceux que l'on
faifoit pour lui-, un Egyptien
eftabii depuis long-temps
en Ithaque , dont l'un des
fils avoit péri â la fuitte d'U-*
lyfle , & Vautre eftoit Amant
de la Reine, demanda fièrement
quel fujet on avoit eu
d'ordonner cette Aflemblée,
£c .qui eftoit celui qui s'eftoic

D'HOME£E , Liv*. IL 19
donné l'autorité d'en commander
la publication ?-
Teldbiaque fe fervant de
foccafîon favorable qu'il avoit
de • parler f répondit au
vec afleurance que c'eftotc
par fon ordre que Ton eftoit
aflemblé , qu'il eftoit temps
de remédier aux- defordres
qui troubloient fa Maifon-j
-éi de détruire les deflein»
pernicieux des • Seigneurs qui
diUîpoient les richefles d'Ulyfle
, qu'il e(peroit que les
Dieux favoriferoient le defk
qu'il avoir d'en punir les AIT--
'teurs^ qu*il eftoit réfblu de
-les chafler, & .qu'enfin il n'y
-avoit point de guerre plus
da'ngereufe que les fadions
qui caufoient la ruïne. entieie
du bien public 3 &/ la def-
B iij

jo VODYSSI'E
trnation particulière de les af^
faires#
. Il prononça ce difcôuis a*
vec une force qui eftonn» •
tout le monde ? on • voy'oit
la colère & l'indignation dam
toutes (è$ manières. Il tarifa
fon Sceptre y il mefla des' •
larmes à fes paroles } te on
eftoit dans le filence , lor^
• qu*Antinotts^ repartit en ces.
termes.
Seigneur^ ce n*eft pas fai*
ie un, bi>n ufage de la grandeur
de voftre ame & de
voftre vertu y que d'ipfnlter
. publiquement à la conduitedes
Princes qui font ici. Sont-,
ils les caufes des .defordres
dont vous vous plaignez ? Ne
doit-on pas. plïkoft les. tmptfe

D'HôMlMjilT. IL ' }I
ter à la Reyœ » Il y a^ plus
-de .trois ans qu'elle entretient
les uns & les autres par die
vaines cfpertnces* On içaic
qu'elle attend- - le retour dTFlyHè
, qu'elle n'aime aucun
4c Ses pœttedanSy & qe'eL
le donne lieu a leurs preteii-
•fions pour fe fervir de Jeux
crédit & de leur autorité, ou
du moins ain qu'ils ne foient
~pas contraires à Ces intcrefts*
A-t'on pas découvert nn an.
tifice dobt clk s'eft iervte
cour les tromper i Elle 4u
•voit dennandc de me fe dé.
clarer qu'après qu'elle aurok
achevé un .ouvrage qui eftoic
commencé. ;On a f^eu qu'elle
dé&ifpit la .nuit ce qu'elle
travaiiloit durant le jour^.
que fon • deflein eftoit d*amutet-tom
fee Aman** te. à» les
B iiij

ji • E'ODYSSEV- '
retenir prés d'elle pour en
eftre toujours la Maifttefle.
Si leur prefenee a caufé des
troubles, c s eft Pénélope que
Ton en doitaccufer,. c'eft eL
Je qui doit eftre éloignée,. &
•h$ chofes feront bien-, toft
dans leur première tranqui-
Jité. Elle ne peut plus tromper
perfonne t quoi qu'elle
fbit plus ^artificieuiè que Ty.
je ou qu'Âlcmene :. Elle Va
, qu*un de ces partis à choifïr,
ou de fë déclarer ou de fe re- •
tirer. . Si elle refufe & l'un
& l'autre, M' n'y a perfonne
qui ne continue fès.préteib»
tions, & vous ne .verrez,point
.ce bel -ordre t où vous-vouiez
rétablir la République., . -
Telemaque entendit avec:
' àorreur- ce difçjours d'Antu

D'HOMèRE, livUI. 55
nous & la prtfpofition d'éloigner
fa mère. Quoi, difoitw
il , je pourrois taire à ma
Mère le commandement inu
jufte de fe retirer ?• Elle qir£i
m'a nourri ,. qui m'a élevé,,
recevroir-elle cette recom'.
penfe de ies foins & de fa
«endreflê ? L'ombre de mon
Père ne l'a vangeroit-elle pas?
«u s'il eft encore fur là ten.
re, ne reviendroit- il pas de
Textremité de l'Univers pour
me punir ? N'a-t'elle pas fon.;
Père qui s*irriteroir avec rat.
fon de l'ingratitude que j'auxois
eu pour elle? Mais que
diroient les Grecs, quediroic
la pofterité, que diroit Pénélope
elle mefme ?• Sa Galère
, fon indignation; n'attireroit-elle
pas fur moi la
vengeance des Dieux î Non,

54 L*ODTSÏlfc
Seigneurs , je ne puis mC
trer dans ce parti : Mais ne
.pouvez - vous* pas abandon,
ner vos prétentions „ puifque-
: ¥ous voyez, qu'elles font vaines
i pourquoi vous- trompez-
TOUS • vous - mefme en travers
&nt mes dèfleins ï les Dieux
m'en, vengeront & je ies^aide-.
ray à punk les coupables-
Fendant- cette conteftation*
•un. prodige arriva ^ dont il y
•eut des interprétations bien*
différentes.. Deux Aigles s'é-,
levant: au dédis' d'une Monu
«agne voifïbe^ volèrent- qnei-
• que temps au milieu de Vàity
d'abord; leurs ailles s'étendoient
fans aucune agitation::
mais. lors; qu'elles iè furent
approchées*.elles les agitoient
--d'une. manière extraordinaires,
enfuice fondant tout d'un

itffoHi&E , tït. IL 3|
coup dam f Âffemblée % & re-
araant fièrement tous les akfftans
y elles commencèrent:
a fe battre & 1 voler dans
toute la Ville y qui eftoit effrayée
de ce préfage. Enfits
après âtdtf répandu- lâ< terreur
: daos' le- coeur de tout' le
peuple, Jupiter qui les envof
ôit,. leur commanda de dàffâroîtfe.
• Mais Hâlytfeerfe r le plus*
Ifabilé de fon temps- dans les*
Augures,, ne manqua pas d'être
prié d'expliquer celuycy-
Il ne fit point de difficult
té d r ea donner une interprétation
peu fâTorabte' aux A~
mans de Pénélope r & de dire
hautement que 1 îe fage-
Ulyfle ferait bien-toft de re-
*t#ur 1 leur defàvantage & £
* vj:

%ê L'ODYSSE'B
leur ruine infaillible! -qu'il j
en auroit qui fe repentiroient
de n'avoir pas refifté aux in—
jufles prétentions, des. Priaces
^ que fou explication eftoic
certaine > qu'ils pouvoient fe
fouvenir qu'il avoit commencé
vingr ans, auparavant de
les aCûrer du retour d*01y£
fe,. & qu'il leur avoit max*.
qué que Ton ne pafleroit pas
Tannée t fans que l'événement
-fut- une preuve certaine
de la vérité de fes. predictiens..
E:urimaque fils de PolyBele
mocqua des. difeours de ce
Vieillards II les traita de-vi*
fions.. & de fonges. • tes.OL
féaux, ne volent-ils.pas, difoic .
il, où-il leur plaift j. faut-il.
mm$xçmoy£ï aux^nctuyennea»

izarres de leur vol pour' re-
-gler noflxe conduite. Haly-
•iàerfe, m peux,:s'il te plàift,
régler'par tes.-predidions tes
aifxâire&particulieres. £a République,
a d'autres Loix qui
m gouvernent.. Devrois-tu
eniâmer la colère d'un jeune •
Prince par un difCours tout
lëditkux. NL'eftoit-il pas plus
à propos de le porter à unejufte
modération , tu n'as.
mérité par là que la. hainedu
public & la punition que
doit attendre ta. foie terne»
xité;
11 continua-de remontrer
a.Telemaque la neceflité qu'il
y avoir paur fa propre faris»
facfcion. •& pour le repos de
la. Patrie , que Pénélope fe
déclarait en • faveur de. qweL

3$ . x'ODTSStfB' • .
qu'un r que iba- cfaoix ferait
ceUer mutes les prétentions.j.
.qu'il y alloit de la glaire de
chacun des Princes de n'eH
tre pas tt premier à fe retirer
, que k jalcmfîe jointe'-à
leur ambition les retiendrait
toâjbufs en Ithaque r jufqn*à
'ce que la prefèrencç
cuft elle accardee i quelqu'un.
d'eux»
Telemaqiie preceffa qull
ne pouvoit accepter cette*
dernière proportion- v qu'on
ne lui cuft accordé des Va&
féaux & des hommes pouraller
à Sparte & à -Pylos j.
que s*il y apprenoit la mort'
d'CJlyffef il prierait fa Meie
de fe déclarer pour celui
de [es Amans qu'elle- efti-
«mit le plus >;.. & qu'apris le*

» v H0M-EllA*LlV.n r r- fjp
• feonneurs qu'il rendrait â -Ja*
mémoire de fou père., Il ver~
# roit fin» avec Joye tous ce^
troubles par ks Moces de la;.
Reine.
Mentor qu'Ulyile avoir M~
& dans rifle pour avoir foi»
de fes. affaires durant fon abfènee
r appuya de fon auto-
-rite ce que Tclemaque pro-*pofbic
 la vérité vdir~il, £
voir avec qu'elle indiffeien-
•ce, & quel oubli on traite*
les affaires d'Uiifle r y a.tïE
un Roi qui ne foit pas convaincu
par cet exemple defingratitude
& de l'mjufijce
de tes Sujets.: Y m a-t J il unfeui
jufques i prefent.qui ait:
approuvé les généreux fènti-
• mens de Tekroaqee*. Le def- •
• ûkx plein de tendreifè.&.de

1
40* • I ' O D T S S ï *
reconnoiflarice qu'il a d'aller
cxpofer. fa vie-aux périls de la
• Mer i pour apprendre àel
nouvelles, du Roi ,.ne mérite.;
tfil pas tous nos éloges,. Cependant
on n'applaudir point:
à un- courage fi héroïque j.
pour moi je trouve ce lîlence
injurieux. & infupportable..
C'èffc ainïTque dans cette *
Affemblée eliacun parloit félon
les differens- interefts-ou
de focu ambition ou de fbtr;
amour. Evenoride bien loin
dtentrer dans le fentiment de-
Mentor, s'emporta jufqu'aux
inventives contre lui-., on---fe
fepara fans que Ton euft pris •
aucune réfolution-i de • forte
que les-affaires fureur dans le
-mefme .defordre. qu'auparavant,.

D r HÔKtÉiaCBïliv r .II. -4*
• Telemaque accablé de- chagrin
& d'inquiétude, alla fur
le bord de la Mer"^ & s'eftans
purifié en fe lavant de (es ondes
pour rendre fa prière plus
agréable aux Dieux :• Qui,
que tu fois 3 dit il, en fe pJroTternant
fur k Rivage ! ©-Dieu
inconnu ^ dont je receus hier
un confeil fi jtïfte , aidé-moi
à l'exécuter malgré les Grecs
qui s'y oppofent j • & faismoi
" furmoncer lès_ obftacles
qu'on -apporte 2'uhe~éntreprîfe
fi glorieufe & fi digne de
moi; • •
' Minerve fe preftnta à
tay aufli-toft, mais-elle s f étoit
cachée fous 1a figure de
Mentor s elle en ayoit tous
les traits', le gefte, la parole
yoftre naiflànce, lui^elle,.

4* . t*0ors&i't
me fait efperertun heureux
fuccez de voftre entrepriiè *
mais voftre eiprit & voftre
cœur m'en donnent une entière
affeurance.' S'il eft rare
que les enfans foient auffi vertueux
que leurs Pères, il Feft
encore } d'avantage qu'ils le
Joient flm qu'eux,, Vous n'a**
vez pas feulement l'avantage
d'eftre fils dtJlyflè & de Per
nelope* mais vous imitez par*
£uteaent .leur vertu. Vouf
aurai fans éoute de la fermer
té & de" la conClance dan»
cette rencontre}. il faut vaincre
ces Fadieux qui- s'opposent
au bon-lieur public, &
qui se prévoient pas* aveugles
. qu'ils font , que lettr
dernier. jour approeàe. Permettez-moi
de vous acconv
jpagnec dosant le voyage* oà

D'HOMèRE, LIV. II. 43
je prendrai part parc avec
plaiiîr à tout ce qui vous arrivera.
Je vous offre un vaii~feau
, des Compagnons , 6c
tout ce qui peut vous eftre
neceiïàire : Vous avez au Palais
des provisions qù'Euryclée
ne vous refufera pas.
Suivez feulement les Dieux,
& ne vous dérobez point vou*
mefme à- la gloire de voftre
deflinée.
Et effet , Telemaque ne
penfa plus qu'à partir au plûtoft.
Antinous voulut enfia
Tarrefter par les délices , «c
lur Êiire confîderer fes belles
refolutions comme une
pure vifion, où il n'y avoitr
rien de folide. Tantoft il luy
jparloit de Jeux, de Speclacles,
de Feftins : Tantoft il :
le railloit fus le voyage de

44 VODYSSEV
Sparte & dePyios, 8c faifoft
tous Ces efforts pour en détourner
ce jeune Prince; en
fui reprefenrant ou les charmes
du repos ou la fatigue
des voyages.
On s'entretenoit desja partout
de celuy qu'il vouloit
entreprendre : Comme il n % y
avoit point d'autorité que l'on
eraignift , il y avoit une licence
de parler fi grande, que
Thelemnqm? iervait de raillerie
au milieu des feftins $ ks
uns ^contrefaifànt les Politiques
parloient d'un ton ferieux
, & faifoient femblant
de craindre que fous le prétexte
de chercher Ulyflè v il
n'allaft demander du fecoûrs
aux Républiques voifines. Les
autres feignoient une mail.

D^H'OMIR-E, LTV. II. 45
-cieufe triftefle .de fou départ.
N'eft-ce pas aflez , difoient.
'ils? que nous ayons perdu
Ulyflê 1 Faut-il encore que
Telemaque s'expofe à périr,
& «que cette nouvelle 'perte .
augmenté le regret que nous '
ayons desja de la première?
'Si cela arrivoit qui eft-ce qui
partageroit le Trône? quêterions,
nous, quel parti aurions- '
nous à prendre;.
'Mais s'élevant au deffus de
tous ces bruits, & ne penfapt
qu'à • fuivre & à exécuter le.
confeil de Minerve} il trayailloit
a .mettre fon Vaifleau en
citât de partir au pluftoft .5' on
rariyie, on l'équipe, on met
fur le bord des gens choifis
par Minerve ellerijiefme, Cajr '
fommmm de paroiftre fous

46 i* O D ¥ S S E f E
la figure de Mentor, elle eo-
^ageoit les hommes les mieux
faits à s'embarquer avec Telemaque.
Elle luy -rendit encore
un bon -office, envoyant
un (bmmeil profond à tous
ceux qui euflent pâ troubler
fon départ s'ils en avoient fçeu.
le temps. Car perfonne n*en
avoit efté bien perfuadé , &~
oîi avoit pris ce qu'il en avoit
avancé comme une vaine orientation,
de fon courage.
Ainfi toutes chofes eftant
preftes pour fortir du port,
Telemaque après avoir méfié
fes larmes à celles de fa chère
Eurycléef qu'il-pria de confo.
1er Pénélope pendant fon abfénce,
monta {ur un Vaifleau
avec Minerve*

sTHoia-KB ,-Lnr. II. 47
La, nuie & le vent le favori*
foieot. On offiic du vra en Sa*
crif ce aux Dieux immortels»
Q&ea 'beat en' chantant leurs
louanges. Os adrefa âm F^eux
particuliers à Minerve ^ & durant
le relie de la nuit un Vent
fi favorable eoloit les voiles,
que L'on ne pwwit pas fou-
Jkaiter une navigation plus heu*»
.reufe.
Ï3fei Jk fetmt Zmm

48 L'ODYSSE'é
L'ODYSSÉE
D'HOMERE
LIVR.E- JI.L
E jour commençoir,
lors^qu'eftant encore
en "'Mer rik virent de
loin toutes les marques
d'un Sacrifice que les
Pyliens offroient à Neptune
fur le rivage. Ils touchèrent
fcien-toft le port} & cependant

D vi HO'AE&s^ Liv-. IL 49
*dânt Minerve donnoic a Te.
kmaque les inftrùdions ne-
«ceflàiresliitles demandes qu'il
devbic faire à Neftor. Car
-.a'eftant point encore forti
d'Ithaque ^ & ayant à traiter
.avec le Roy qu'une longue
•expérience., & la réputation
4e fa fagefle .élevoient au deffus
de tous les .hommes } 1
eft certain que cette -occa.
fion devoit dire de -quelque
.cmbaras pour ce jeune Prince.
Il eft vray, luy difoit Minerve^-que
la foien-fe&nce-ne
•vous* permettrait pas de faire
•des demandes à Neftor 9' au
lieu d'écouter ce qu'il au-
Ta envie de -vous dire. Il eft
difficile dans- la-jetmefle oh
-vous eftes., de mériter l'eftime
d'un Prince le plus avanxé
en âge de toute la-Grèce?
TmtJL C

50 ••a'-CpDYSSjB**
Mais voftre feule naiflànce
vaut un grand nombre d'années
, & la faveur du Ciel
'Vous rendra digne de l'amitié
de Neftor.
Il écoutoit avec une extrême
attention les fages confeils
qu'on hiy donnoit. Neftor
accompagné des Princes
fesfils , les receut à la defcente
du Vaiflèau. Pififtrate
fit les honneurs de cette
réception, il toucha les mains
de Telemaques& de Minerve,
& leur donna le premier rang
au feftin magnifique que l'on
fit, & où on fervoit une partie
des yi&imes que l'on ayoit
facrifiées , l'autre ayant
efté brûlée & réduite en eea.
dres.

•tfHoMEllS j Liv. III. jî
Comme Minerve paroi/1
fbk fous la figure du vieillard
Mentor , la confîderation de
l'âge obligea Pifîftrate à lui
pref enter un vafe d'or plein
d'excellent vin., pour l'offrir
à Neptune - ^ & joindre [es
vœux & fes prières à celles
des Pyliens.s Elle leur fceuc
gré de cette préférence, &
enfoite donnant la Coupe à
Telemaque,, & addrelïanc enfemble
leurs vœux à Neptune
, ils firent mille fcuhaits
.pour .Neftor •& pour les Py-
Jiens, &Ieprièrent auffi d'eftre
favorable à leur Navigation.
Apres -que le repas -fut finis
Nous pouvons prdeiitcmeiit,
dit Neftor 3 vous demander
-qui vous eftes , & quel eft le
Jujet de voftre voyage.
C ij

$i i* ODYSSéE
Je fuis ., reprit Tekmaque^
le fils dTJlyfle, qui a fait la
•guerre avec vous durant le
-iîege de Troye. Depuis la
prife de cette Ville 3 on a entendu
parler de tous les Cafitaines.
On fçait le retour
eureux de quelques-uns., & '
le naufrage de quelques autres.
Mon père eft le feul5
cdont je ri'ay peu découvrir
aucunes nouvelles. Il mefemi>le
quêtes plusfuneftes m*accableroient'-moins
que cette
•incertitude cruelle , qui m e
fait craindre toutes choies
pour luy. -Je vous- conjure,
Seigneur , par le fouvenir de
•f@n amitié de m'apprendre ce
jque vous en fçavez.
Vous renouveliez en mon

jb'HoMËRJg, LlV. Iïï. jf
fondit Neftof, au trifte fou-
Venir des périls que nous a~
vons courus fur les Mers fous
" la conduite d'Achille,- & àla
funefte penfée de ce que
ndûs avons perdu au fiege de'
îroye.- he vaillant Ajax y
perdit la vie:- l'invincible A-chille
r le divin Patrocle, y
finirent leurs jours;• Là' moii !
" fils , mon cher fils périt en:la
fleur de fon âge ,- & Tonne
peut" vous dire tous les
malheurs que cette funefte
guerre a caufés a la Grèce.
Mais fi le- fage Ulyïïe n'àvoic
remédié aux maux- preHànts*
dont nous aurions- cfté ac.
câblez v qui pourrait vousexprimer
l'èftat- où nous aurions
efté réduits ?-• Toutes-
Ifcs affaires fe regloient par
fim incomparable fagefle. Cc :
Gfij- •

54* h r O BYSSE T £.
fut ïuy qui trouva le moyen'
de dompter cette fuperbe
Troye , que dix années de
Siège n'avoient point encore
abbatuë. La conteftatioa
que la colère de Pallas alluma
entre les Grecs, après la
deftru&ion de cette ville, fut
une nouvelle caufe de nos
malheurs. Menelas vouloit
que Ton s^embarquaft au plûtoft,
pour retourner en Grèce.
Agamemnoft ne jugeoic
pas que l'on d'euft précipiter
le départ , & qu'il eftoit
j ufte d'appaifer par les facrifîces.
la colère de Pallas.
11 croyoit que les Dieux font
comme nous,, & qu'ils paffent
avec inconftance d'une
• paffionàuneaotre. Les Dieux
n'approuvèrent point ce que
l'on traitoit dans cette Af-

D'HoME&EjLlV • III. 55
femblée. Il n'eftoit pas permis
de la faire le foir. Chacun
y parloit félon (es interefts
particuliers. Il n'y eut
jamais- une fi grande divrfîoitk-
Menelas fortirdu Port dés le
commencement du jour. Je le
fuivis : le vent nous fut allez
favorable} de forte que Neptune
ayant applany les flots >
& rendu la Mer tranquille,
nous arrivâmes fieureufement
à Tenedos. UlyiTe avoit foie
un projet d'accommodement
entre les deux Princes f mais
Jupiter en rompit toutes les
niefures,. & les divilîons croit
fant de part & d'autre, le
party mefme de Menelas fe
fcpara.' , J'arrivay long-temps
avant luy à Lesbos, ayant
fait, voile avec mes Compa-
C iiij.

j£ t* O D YS S E'È
•
gnons r & confïderant que*
dans- les 'grands .voyages le
retardement apporte toujoursquelque
préjudice. Quand
il nous eut rejoints r nous co*
toyames au deflus de Seyo^
pour aborder vers rifle de'
Pfotia 5 ou relâcher à Mimante.*
Comme nous eftions in«
certains laquelle de ces deux,
joutes nous devions fuivre,..
pous eûmes recours à l'affiC
tence des Dieux 3 qui conduisent,
nos vaifleaux verr
FEubee.' C'éft là que je me
feparài de la Flote pour revenir
• 4 Pylos f où quelquedivinité
favorable me procura,
un heureux retour..
Depuis ce- temps , je n'ay
rien appris de nouveau. IJL
n*y a que la mort funefte d*A-

if HOMERI, LlV. III. 57-
amenon , qui a fait trop de -
f rûit", pour n'en avoir pas en-~
tendu parler. On a parlé -
auffi des Amants de Pénélope.
. Mais--c*eft vous,. Prince, \
qui< nous en donnerez-'. de$*
nouvelles plus certaines 1 que
celles que Ton -a'fceuës jtiLquesàprefent,
feulement par •
le bruit public des ravages.*
qu'ils font en vofixe Ifle..
Telèmaque luy raconta Tétarpitoyable'
des•"affaires delà
maifon , & peienit en peu»,
de paroles Finfoience d*un*
grand nombre de pretendans,,
qui- avoient tous -différents,
interefh f &" qui ; tfëftoiene:
unis que dans le deflein de
détruire tout le bien d'Ulyf-fe..
Enfin comme il avoit une *
grande curiofité. de fçavoii?:
Cv

58 L'O DYSSE'E.
les circonftances. de la mort
d'Agamenonr parce que Fexemple
d'Orefte pouvoit lui
élire avantageux , il pria Neftor
de reprendre fon difcourst
& de luy en apprendre les particularitez*
Quand ^gyfthen'auroitpas
elle puny de fon crime, continue
Neftor, en auroic-il fuy
la punition 3 lors que Menelas
fut de retour en Grèce.
Son.carp* mefme. n'auroit pas
efté enterré ; mais demeurant
expx>fé dans. les. champs il auroir
efté la proye des oyfeaux.
& des chiens- Ce lâche s'amufok
dans Argos à gagner
le cœu-r de la Reine ,. lors,
mefme que nous eftions tous,
cxpofèz devant Troye aux
périls, de. la mort r pour la.

D'HOMEBJBJ.DV. III. j9
gloire denoftre commune Patrie..
Il eft vray que la vertu
de Clytemneftre Fa deffendit
quelque temps des pourfuites
dangereufes de ce Pernicieux
Amant, Sa pudeur refifta
d'abord au penchant de
fbn cœur. Mais enfin lors- qu%
elle devint fragile, iEgyfthe^
qui n'a voit plus à vaincre que
celurà qui Âgamemnonavoic
commis- la garde de la Reine
v fe délivra'bien-toft de &
prefence importune, Femmenanc
dans* une Iflc defèrte-,
où il Fabandonna , & où la
faim exécuta le cruel defleia
qu'iEgyfthë avoit de le faire
périr.-
Il n'y eut plus rien: après
cela qui. troublaft fes amours
avec la trop crédule Clytenu

éo I'ODTSSE'E
neftre5 jafques à ce que le
retour d*Agamemoon leur eue
donné un nouveau fujet d'inquiétude.
Troye eftoit prife..
Les Grecs eftoient attendus,
avec joye & avec impatience
dans leur pays.. ^gyfthe,,
qui avoit la- paffion de commander
feul à Mycenes y oiutre
celle qui f engageait à fe
conferver la Reine ,. drefla.
des embufehes pour faire périr
Agamemnon au port mefme
où il venoit rendre grâces*
aux Dieux d'eftre échappé detant
de-dangers.
Cependant ce fut en'-ce lieu*
d'afleurance & de tranquilitd9.que
ce Paricide luy oftala
vie , & que par la mort du- ;
Roi, il s'ouvrit une voye fan.
glanteau tronc

B'KToMiR^tiv.Iir, Cv
Il jouir de fon crime du-
•rant lepr années.. Mais en-finr
Orefte ,. que fon avoir
tenu éloigné dans Athènes,,
retourna à- Argos ,, malgré-
^£gyfthe9& le punit enfin du*
rapt de Glytemneftre fa mère,.de
la mort du Roy fon père
r & de Flnjufte ufurpatioô.*
de fon Royaume..
Vous* vom- fcntex* émeu,,
Prince,., par • l'exemple d'Orefte
,. & vous punirez, comme
iuyr. les- pretendans quiufurpent
voftre autorité. .Mais -
puis que vous delîrez fçavoir •
quelques nouvelles d'Ulyflè,,
il feroit bon de palier à h
Cour de Menelas , Il en auta
peut eftre à vous appren*. •
àiCs Ceft celuy de tous les-

6* L'ODYSSéE 1
Grecs qui a fait de plus longs :
voyages. Mon fils- vous accompagnera
, & je prieray
Meneias- de vous donner tous
les fecours qui vous font neceflàires.
Je fens renaiftre en
moy la mefme tendrellè que
j'avois pour Ulyfle. Voftre
air fl vos manières font toutes
de luy , il n'y a rien, de grand
que Ton ne puifle efperer de
vous*.
C'èft akfl que la journée
k paiToit dans ces entretiens,
Minerve ayant aflifté Telemaque
de fa prefence , &
voulant fe retirer , prit le
prétexte de la neceflitc de fe
trouver au vailïeau , pour y
donner ordre, & pour fçavoir- '
ce qui-fe paflbit. On vour

D'HOMEUE, LIV. III.. 63
loit la retenir. Elle feignit de
vouloir palier en Cauconne*
Mais on auroit toujours continue
de la prier de demeurer,
au Palais, ta elle ne fuft dif- .
parue fi promptement, que
Neftor reconnut que c'eftoit
fans doute une Deeflè5 qui.
avoic accompagné Telemaque
durant fon voyage... Neftor
fe rejoiiit avec luy de la.
protedion de Minerve } car.
il fut perfuadé que c'eftoit
elle mefme qui témoignoit
fon amitié pour Ulyfle, par
les foins qu'elle prenoit de
foa fils.. Aufli-toft.qpe.le jour,
eut paru v on fit. un Sacrifice,
en fon honneur»
V
Tous les Compagnons de
Teleioaque s'y trouvèrent :

Où amena la Viâs me f toute•
éclatante des orneraens, dont -
on-FàvoIt- enrichie. Minerve
eftoic ravie de l'honneurqu'elle
recevoir des Pyliens..
Toutes. les* fondions- différentes',
des Sacrificateurs furent
partagées entre les Princes-,
.dont deux, conduisentT
-la^Viâime v» les autres portoyent
,t l'un une Corbeille:
pleine de farine ^l'autre un ;
vafe pour recevoir?- le- fang..
Trafîmede portoir là hache,,
qui: la devoir immoler :: Eit<
effet il l'eftendir fur- la terre,.
& à ce mefme moment- Pi-..'
fïftrate luy.portant*le couteau i
•â la gorge, acheva le Sacrifice..
Apres que fan-eut .-mangé*:

D'HOMEKS, Iiv.JII. 6f
quelques parties de cette Victime
& que Ton eut achevé
ce feftin; Je puis,, dit Neftor
, confentir prefeneemenr
mon cher Telemaque, à voftre
départ. La- DeeCe qui*
vous a conduit icr,. & quenous
venons d'honnorer parnos
Sacrifices y ne vous abandonnera
point..
Allez-, mes chers enfans;~
fous la conduite des Dieux
immortels. Vous Terrez Mc~
nelas à Lacedemone, & j'auray
une extrême joye de vous,
revoir à voftre retour..
Pifïftrate & Teleraaquemontèrent
fur un 'dur-attelé
de chevaux, extrêmement:
vifles9. En. effet ils firent une

66 t* O D Y S S E£ •
fi grande diligence qu'ils achevèrent
leur voyage avant la
fin de cette journée.
pin du troifiéme Livre-
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D'HOMèRE, LIV. IV. ^7
L'ODYSSEE
D'HOMERE
LIVRE IV.
|fp| EliEMAQUE & Pip.
(iftrate trouvèrent
en arrivant à Spar-
^^ te , toute la Cour
dans une grande joye.. Menelas-
venoit de conclure le
mariage de Megapente ' fbn
fils naturel, avec, une belle
Lacedemonienne % qui eftoit
i

«8" " t'Oviss*'*
'd'une-'famille ancienne ,- Se
qui avoit de grands biens. Il
avoit arrefté le mefme'jour
celuy d'Hermione fa fille uni*aveele
fils d'Achille..
Il y avoit donc vne réjoûif-fance
extraordinaire y où- lesfeftios
, la danfe , le chant oc~cupoient
agréablement toutle-'
monde,
Eteonée , auquel il appar-'
partenoit de les prefenter ,craignoit
de les introduire
dans un temps où le Roydonnoit
ordre à cette réfpiiiïïanee
publique :•; Mais W
défapprouva cette crainte, : &luy
commanda d'aller au de-vant
d'eux ?.& de les faire-vernir
au Palais,.

•tfHoMBiu^Liv.ïV'. %
'fis ne purent -s'empefclier
d'admirer en y entrant, la fu-
;perbe ftmdure-du baftiment,
' la richefle des lambris 9 for
..qui brilloit de tous cotiez;
Âpres qtf on les eut conduits
à des bains magnifiques 3 ou/
l'air que l'on refpiroit eftoit
-.plus parfumé., que rôdeur des
plus agréables ieurs , & qu'ils .
y eurent pris les habits que fou
a coutume de prefenter aux
Eftrangers,,on les mena dans
la fale où eftoit le Roy , qui
" les receut le plus obiigeam-
:ment du monde. On leur prefenta
dans des^ vafes de pur

jo I.'ODY-SSE'E
eftew à voftre air., il eft aïfé
de juger que vous elles
nés pour régner. Mais avant
que de vous entretenir f je
trous prie de -prendre part à
à noftre joye y & de manger.
Je vous aflure que je m'interefleray
a toutes vos avantures.
. ' Telemaque & Pifîftrate ré.
pondirent à cet acceuil fi
obligeant , par des remercimens
accompagnez _ de manières
fort foumifes,, & ci'-vn
profond refped.
Le Roy les fervoit luy mefme
, & comme la joye publique
donnoit une grande
liberté de parler, il y avoiî
un bruit confus, formé de la
iHifereoce des voix- de ceux

s'HôMS&E, Liv. IV. 71
qui s'entreeenoient ks MUS ayec
ks autres.
Telemaque faifok -remarquer
à Piïïftrate toutes les
merveilles de ce magnifique
Palais .j car en effet ce n'eu
•toit que marbre f ce a'eftoit
/qu'or & qu'argent.
Menelas qui s*apperceut
des louanges qu'ils do.nnoient
à la ^beauté de fon Palais 3 &L
que Telemaque difoit -que
Jupiter i -eftoit ' moins richement
logé que Menelas.: Prinjce
^ lui dit-il ^ on ne" peut
.comparer un mortel aux
JDieux,toùt ce qu'ils pofledent
eft éternel^ &c_ topt ce que
«nous avons^pafïe 6c' fe.djétrûit.'
_ Mais kelas ! fi vous fçaviez ce
qneces riçheflèsoie .çoiiïcot,

7* ^ -'L'O'D'YSf E'i
«vous verriez que je me trouve-
•xois bien plus heureux, fi je ne
les pofledois pas. J'aurais mon
frères le grand Agamemnon.
Ceft durant mes voyages, &
«mon abfence qu'^Egyfthe me
le ravit: JEgyfthe ce.perfide,
«qui augmenta fes crimes par
•ceux qu'il-fie commettre à
•Clytemneftre. Ainfi au milieu
de cette abondance f je ne
;puis m°empefcher de m'aban-
-donner au déplaifîr , quand
il me fcuvient de la funefte
perte que j'ay faite.: Ce qui
.«t'accable fouvent , eft que
de tant cfamis que j'ay veus
à la guerre, il n'en refte preU
que plus. Du moins fi le fa-
>ge , fi le vaillant Ulyffe joiiif-
•ibit ici avec moy de toute
cette magnificence. Mais de
.tous les 'Grecs 9 c'eft celuy que
le

D'HOME&E, LiV, IV. 75
le* deftin a expofé -à de plus
fâcheufes avantures : Sa deH
tin ce -le fait errer dans le
. monde , & allarme tous ceux
qui l'aiment. Je le regrette
inceflàminent. Laerte Ion père
5 • la- chafte Pénélope ., le
jeune Telemaque fon rfils,
} >erdront peut eftre'bien-toffc
a confolation de Tattendret
qui eft la feule qui leur refte.
*Ce -difcours a voit touché
Telemaque. Menelas qui
s'apperceut de l'embaras &
cktdefordre o,ù eftoit ce Prince,
le prit aiilfi-toft-pour le
fils de Ion -cher Uiyfle. -L'entretien
tomba tout d'un-coup*
Ils avaient .tous deux dçs
chofes .fort tendres à fe dire.
Jvfais Telemaque eftoit dans
mne trop - grande agitation

**>
74 •' I'ODYSSE'ï
pour parler, & le Roy attenJ
'doit, qu'il luy déclarait fou
•nom & le fujet de fcn"voya-
JB e -
Hélène , qui parut en ce
moment., interrompit le filence..
Elle .eftoic habillée en
Diane, & ep quelque eftat
•qu'elle fe mift 9 on eltoit toujours
charmé de la -voir. En
voyant Telemaque , elle eut
•la mefme penfée de luy que
Menelas.
'Ouy, Seigneur, comtnen.
^a-felle à lui dire., quand je
devrois eftre 'trompée dans
ma .conjeétufe, je vous avoue
^queje prens un de ces

JD'HOMZ&E, Lrv.1V. 75
*'*veu une reiïemblance plus
.parfaite. Menelas eftoit ravi
«que la Reine tût efté dans la
•mefme penfée que lui II lui
iît remarquer fes 'cheveux,
fa telle, fes yeux. Mais, continua-1'il-,
ce qui m'a le plus
•perfuadé, eft qu'il n'a pxl
entendre fans une agitation
-extraordinaire., - ce quejediibis
par occafion des malheurs
-du vaillant Ulyfle,
Pififtrate prit alors la pa-
Tole 5 Grand Roy , dit-il,-il
«eft vrai que vous voyez le 'fils
•cTUlyfle. Il n*eflpoint neceffaire
qu'il parle pour, fe faire
reconnoiftre. Mon . père Je
Roy des Py liens ma commandé
de Faccompagner -en ce
voyage.- Il -Ta entrepris par
• ie defir de vous voir , & far
D 3J

7 6 : L ' O D I S S E ' E •
1*efperatice qu'il a de recevoir
de vous le fecours de vo«
eonfeils, C'eft vous feul, il.
luftre Prince,, .qui pouvez re^
medieraux maux preflàns^donc
les Italiens font accablez, &
jdeftruire tous ces petits Princes
, qui perfecutent par Jeurs
pourfuittes la vertu de Pêne- •
lope 5 .& qui difolent toute
fa maifon.-
Ce m'eft un grand bon-heur,
reprit Meaelas-, de voir chez
moi le fils de mon. .cher Ulyfl
Je, '.qui a expofé fa vie en
tant de • combats pour mon
intereft. O Dieux^ i avec
-quelle pa-ffion ai-je defiré fon
retour, & de pafler agrea-
.blement avec lui le relie de
•mes jours* Ar-gos aurait efté
plus à lui qu'a moi.mefme:
-jipus aurions pnj du plaifîr

D'HOMèRE, £iv.IV. 77
cfvne amitié confiante s ayant
eu part aux mefmes travaux,
HOUS aurions adouci noftrc
vieillefle, par les charmes du
mefme repos s mars les Dieux
ont porté envie à la douceur
d'vn fi beau deftin. Ils- le
font errer encore après tant
de-temps y loin de fa patrie-,
& de tout ce qu'il a de plus
-cher au monde*-
Cet entretien avoit déjà
troublé' toute la joyc de ce
feftin. Hélène- &• Menelas
ne pouvoient fe fouvenir, fansregret
que leurs amours euf.
fent courte- tant de fang 6c
de larmes. Le fils de Neftor
regretoit fon frère Antiloque
, & Telemaque crouvoit
ton: père encore plus digne
4e fes- pleurs r de n'eftre- c-
D, iij.

7^ * L r ÛD'YSS! r E
chape de fi -grands danger* r
que pour eftre expofé tousles
jours à de nouvelles avaii*.tures.
Pififlrate demanda pardo».
au Roy d'avoir caufé toutes
ces plaintes. Il luy dit que
c'eftoit vn des malheurs d s Ulyffe
& -de fon fils.de communiquer
au milieu de la plusgrande
allegreflê les gemifTenjents
que leur fortune meritoit
j mais que Je lieu & le
temps dévoient obliger depenlèr
à autre chofe.
• Menelas fut ravi de la fageiTe
de Pififlrate / qui dansun
âge fi peu avancé, avoir
toute l'éloquence & toute la.
fageffe de Neftor. On continua
le repas,. où le vin. qn€

B'HOMEBJé, LIV.IV. 7|>
Ton beuvoit diflipoic peu à
peu la trifteflèj & faifoit reûaiïlrelajoye.-
Hélène commanda que l'onfervift
de celuy de Polydamie.-
Il eftoit méfié de quelques
liqueurs venues du cofl
té d'Egypte , & il avoir une
qualité qui le rendoit la choie
la plus admirable qui fuft
ai* monder-
Dés le moment que l'on
avoit commencé d'en prendre,
Tarne fe trou voit comme
noyée dans un fleuve d'oubli,
tes chofes les plus touchantes
ne caufoient plus ny pitié
ny trifteffe.
En effet, Telemaque n'a-
•oit plws cet air ferieux3 que
Diiij

§*0 . L* O D TS S E r E'
l'occupation des grandes affaires
, a coutume de donner
au vifage. Pifïftrate avoèt
les manières libres ; & lors
qii'Hekne continua de "leur
parler du Siège & de Ja prife
de Troye' y & que Menclas
ajouta, ce qui s'eftoit paflc
dans le temps où tous les
Capitaines eftoient enfermez
dans le. Cheval de bois j on
ne fentoit plus ces tendres
mouvemens , qui intereflent
le"cœur aux- avanturés deceux
que l'on, aime ,.. & qui
luy font.éprouver une revo*
lution de mille pallions différentes.
. ' Ceft ainfi que l'on
finit cette journée..-
I^e lendemain le Roy en*,
tretint en-particulier Teiema—
que. Ce Prince expQfa an.

D'HOMI&E, L&IV. 8i
Roy en peu de paroles, l'état
des Itacieos , le- defïr qu'il avoit
d ! apprendre des nouvelles
xTUly lie 3 l'extrême beibin-
.

8 : l l f ODYSSE r £
nu vingt jours entiers dans
les fables qui font proche le
Phare d'Egypre.- . Le vent ne
donnoit aucun fecours aux
Matelots , qui faifoient ' de
•vains efforts pour avancer.
Les provifîons fe corompoient.
Il failoit bien, toft ou périr pair
Ja faimJ ou relâcher en Egypte
, pour en faire de nouvelles
5 & retarder a'mfi noftre
voyage. Idotée une des Nymphes
de cette Mer & fille de
Prothée un des Dieux Ma.
rins favory de Neptune eut
pitié de noftre emparas. Elle,
prit le temps que tout le
monde eltoit occupé à la pek
che, pour m'a border, fans eftre
veuc de perfonne quedemoy •
Pourquoy 5 dit -elle , vous
. arxcftez^vous fur ce rivage-dç-

B'HoMIREjtlvJV. 8Î
fert y 'où vous manquez de
toutes chofes i Faut-il.retar.
dervoftre courfe par Famufement
de la pefche, où je vous
vois perdre le temps/
O Nymphe y luy répondisje,
c'cft contre noftre gré que
vous nous voyez- icy : Quelque
Dieu ennemy nous em. '
pefche d'avancer. Je ne fçay
pas pourtant ^ je vous jure";
pourquoy j'ay mérité un fi
rude châtiment- mais ô Divine
Nymphe, j'ay fujet d'efperer
de n'eftre plus malheureux
3 fi je puis me promettre
voftre protection.
Elle fut fi touchée de mon ,
difcours , qu'elle m'apprit'qu'il
falloir avoir recours à
fon père, qu'iffçavoit routes
D vj

K4 *' O D'Y s s l'E­
tes profondeurs de la merV
qu'il dégagerait nos vaiffeaux
de ces bancs de-fable, & que
")e pourrais mefme fçavoir de
iuy reftat oè* fe trouvokiit
mes amis .abfents.,
Mais,, continue•- t'èlle , ileft
prefque impoflible de Fa*
border^ & qtJand on eft enin
prés de-luy, il eft encore
impoflible d'en recevoir aucune
réponfè. Il prend ton*
tes fartes, de formes.,, pour
échapper auxqueftions,qu'on
veut luy propofer. Ain-fi
pour ayioir de, luy, quelques
oracles, ilfautde:ftirprendre,le
retenir avec violence, ne:
^étonner* point de - tous- les
diaiigeï^ens:, qu'il fait paroi*
tre v" ne relafcher rien.de.
ce/que l'on. aura, entre fe&.

im£Ùns9.fans^ obtenir de lu'y
une réponfe for ce que l'on
de&e. d'apprendre,..
A- peine la Nymphe mV
voit-elle Inftruit- de ce que
je de.¥ois faire', qu'elle fe
plongea fous -les ondes. Pour
inoy. j'eftois dans une extra*
ine Impatience. que la nuit
£uft paflee pour furprendre
Prothée. .'Je choifîs trois de
mes • Compagnons -,, &• nous
eftant cachez fur le iivage de
la mer ,.nous apperceumes les
flots s-éflfcver & nous entent
difmes- un bruit- méfié à celuy-des
vagues. G'eftoic Prothée
qui conduiibit-un troa^
peau des plus beaux poiflbns
de la mer, ,& qui arrivoit .fui
le rivage comme un-Berger
vient, dans une prairie. avec

Sfr t f *0 D Y S S E r £-
fcn Troupeau de moutons.
Or le Berger & le Troupeau
s'èftant endormis f nous le
furprimes, & toutes les formes
différentes qu'il preno%
ne nous empefcherent point
de le retenir, Ceftok une
chofè effrayante, que d'avoir
entre ks bras tantoft un
•Lion, ou une Panthère, tantoft
un Dragon, ou une eaucoulante
avec 'plus-de rapidité
qu'un torrent. Enfin il
fe Jaiflà gaigner par noftre
confiance, & reprenant fa
figure naturelle :• Ceft Jupi*
ter, me ditùil, ô fils d'Atrée,
qui vous retient. Que n'avezvous
recours au Ciel dans
vos adverfîtez. Retournez à
voftre bord, & préparez un
Sacrifice folemnei au plus
grand des Diçux} voftre re-

D'HOMèRE, Lm IV. 87*
tour fera I^eureux i mais il*
faut prendre voftre route parles
colles d'Egypte.
La curiofité que j'eus d f api
prendre.de luy des nouvçlles»
de la Grèce me coûta bien*
des foâpirs : J'eus pitié de la*
témérité d'Ajax 9 qui infultoit-
aux Dieux y au milieu
mefme des orides3 oà fon vaiffeau
venoit de périr. Il ne
put fbuffrir que Neptune le
iauvaft du naufrage. Jefçay
nager, difoit-il, & le Ciel &
la Mer ne fçauroient me nuire.
Il ne falut neantmoins
qu'un coup de .trident de
Neptune, pour le punir de fou
impieté.
Mais qu'elles larmes ne me.
ritoient pas lesfuneftes nou-

M" xtôDtssElr
velles-que j'appris d'Agamem:
non.- Il devoit arriver 'heureufement
au protnontoke
de Malées : Junoo l'a voitcoofervé
dans toes les dangers
de la guerre &' de la mer.
Eallôit-il qu'un vent contrai,
re le- repo-uflaft vers les terres
• ou le perfide jfjgyfthe
luy preparoit %une- cruelle
mort. Dans' ce trifte eftat
que ferois-je devenu fans Pet
perance que Protiiée me
donna qu'Ofefte vangeroit là->
mort de fon Pere,.& que je
ferois prefent.au feftin qui fe
fairoit en réjottiflance- de la.
mon d'iEgytthe*.
C'éft ainfî 'qu'il'meflbit aux
triftes avantures qu'il m'apre-noit
5 quelque chofe quipouiftoirme-confoler
j.pour ne-me

D'HOMèRE, LIT. IV. 8y
kiCer pas dans Paccablementr
d'une extrême affiidion. .
Mais la nouvelle qui mê
donna une joye fort grande,
fut celle de fçavoir qu*Ulyfle
n'avoir point pery 3 qu'il eftoit
^dans llfle de la belle' Calyp>fo-,
prés- de laquelle fa vie
ferait heureufè, fi- la paffion
de-revoir fon Itaquf luy permettoic
de prendre quelques
plâifirs, eftantefloigné- dePenelope
ic de ?om, Cette
Nymphe, me dit-il, le retient
malgré luy. Elle imagine tous
les jours- de nouveaux, prétextes^
pour- retarder- fon retour..
Mais;oe le reverra en
Itaque ^ & il délivrera bien toft
£a chère Pénélope des perfeu
cutions, quefes lâches amans»
luy foflrfoufirir*.

Les chofes me font arrf<
vées,. mon cher Teiemaque,
comme il me les a prédites.
Je jouis des- douceurs qu'il
m*a fait efperer.- Il faut at-tendre
l'effet de la prédictionqui
regarde l'heureux retour^
dTJlyfle. Cependant je vousoffre
5 mon filsv tout ce que
Vous pouvez' defirer icy , &'•
vous pouvez" y commander'
avec autant- d'autorité que
chez vousi
Telemaque répondit à toute**'
ces offres obligeantes de Me-nelas..
Il le remercia deiuy a*-'
voir appris des nouvelles dU.
lyOhySc il le pria de luy permettre
de retourner en Pylos,
mil les compagnons qu'il avoir
laiffez fur fon vaiffeau Fatten-doien
t- avec impatience. ;

D'HoMEni.Lir.lV. • 5J*
Durant que ces chofes fe~
•paflbient à Argos, on conei.niioit
en Itaque les jeux &
les divertiflemens ordinaires.-
On a¥oit coutume d'y vivre*
dans une fi grande négligence
pour les aflatres s que Fan*
n'avoit pas eu le foin' de fça*voir
fi Telemaque avoit paffe
la Mer.. On fe contentade
croire durant les^ premierspurs
de fou abfenee qu'il étoit
dans vne de £es maifons--à
la campagnes Ainfî roue- le*
monde fut furpris y lors que
Noemas fe plaignit de ce que*
le vaMëâu qu'il avoit prefté*
"à- Mentor pour Telemaquen'eftoit
point de retour..
Qupy , luy dit, Antinous ^
vous avez prefté vn Vaifleau
à Mentor 3 pour conduire Telemaque
à Pylos >, & quanta

fl t'OjDYSSlV '
eft.il parti ,. qu'elle compa-gnie
avoitii i • racontez nioy
k chofc comme elle-' s'eft
paflee.
Je ne'puis comprendre, reprit
Neomas, tout ce que vous
me demandez. J'ay veu Mentor
fur le Vaiueau' de Télémaque^Ie
Fay'veu partir } oh
m'afliire pourtant que ce
mefme Mentor eft ici. le
leur ay prefté mon vaifTeai*,,
. & je n'ây pu le refbfer à ;
leurs.prières , quoy qu'il mfe
fiift neceflaire ailleurs; Vue
troupe de jeuhefle la plus fa-,
ge & la plus vaillante les a
Siivis; 11 y a' quelque Dieu*
qui-a donné le mouvement'à'
toutes ces chofes: Et vne-divinité'
s'eft- cachée fous h fo%
me de Menton.

D'H-OMERï ,Xnr* IV. 53
-«Cette nouvelle troubla tous
les Amants de Pénélope, qui
furent touchez d'vnc terreur
commune. Dam cette crainte
générale , -il n'y e-ut qu'Antinotis
, -qui tranfporté de
colère leur dit. Attendrons-
BOUS y Seigneurs, -que ce Jeune
téméraire vienne icy nous
égorger. Vous voyez' qu'il a
eu. l'infolence d'entreprendre
vn voyage , d'ammener vu
vaifleau 5 de fe choifîr des
.compagnons-fans lenconfente-
•ment de la -Reyne , fans 4'avis
d'aucun du païs. Que ne
fera-1 n pas à fon retour ?
•Que n'ofèra-t'il pas entre-
.prendre? Il eft de hoftre feu~
xeté d'aller audevant de .luy,
c'eft à vous de me donner au
plûtoft vn vaifTeau r j'irây le
punir de fa témérité , &VOIM

^4' I'ODT-S-SE'B
conferver vos biens & voftre
-vie au péril de la mienne..
•On approuva le deflein
•«d'Antinous, & on commença •
a travailler à l'exécuter. Mais
Pénélope ne fut pas longtemps
fans apprendre par
Médon ., qui eftok dans les
interefts d'Vlyfle 7 le deflein
.de fes .amans contre fon fils.
Elle qui tfavoit .pas fçeu
.fon voyage , eftoit dans la
•-plus graade afflidion qu'elle
eut jamais refentie. Son cher
Telemaque eftoit parti f & elle
ne fçavoit point en quel
endroit du mcpde il avoit
entrepris d'aller. Elle n'ofoit
«defirer qu'il revint j elle crai.
gnoit de le voir accable pat
•fajit -de rebelles. Tout lin

J?HoME&E, LlV. IV. 9|
•eftoir contraire. Elle fe plai-
*gnoit de fon abfence 3 &
,n f ofbit defïrer fon retour.
Helas ., dit-elle 3 fi jenfle
>efté avertie, je l'aurais détourné
d*expo(èr fa vie aux
périls de la mer$ je luy aurois
.confeillé de n'attirer
point contre luy la vengeance
de tant de Princes.
-Que feray-je * N'effois-je
•pas allez defolée par l'abience
d* VlyfTe i -Que deviendra
Telemaque / Faudra-t'iL
ignorer encore long - temps
ion deftin--?
• Euryclée la confoloit par
• Fefperance cfvne prote&ioa
,celefte , fous laquelle il p.
«oiç. 11 n'a point entrepris f

«£6 L I OD-YS'S"B , B
difoit-e'le9ma chère PrincefL
le f le voyage faos quelque
ordre des Dieux. Minerve
raccompagne , & le défendra-contre
fes injuftes. canemis.
C'eft à elle qu'il faut
prefenter vos vœux. Elle fera
touchée devoftreafflidion,
& vous fera trouver quelque
repos.
Pénélope approuva le confeil
d'Euriclée. Elle -fe retira
avec toutes fes filles y pour
fâcrifier à Minerve. A peine
le facrifice fut-il achève , que
foitpar la faveur des Dieux,
foit par l'accablement de
fon afflidion , elle fe trouva
- furprife 4* vu profond fomîneii
Minerve

a>'HoME&E,Lnr.IV. 57,
'Minerve prit cette occa*'
^îon de -fe montrer à elle
•fous la figure de fà focur .^ &
•de lui faire efperer le retour
".heureux de fon -fils. * Elle lui
• .reprefentoit -qu'il eftoit fous
la protreéHon des Dieux, qui
ne permettaient pas que
Finjuftice triomphait de fa
^verra. La joye que -.cette vL
lïon donna à Pénélope diffipa
ion- ennuy .& fon fommeil.
Ellç Réveilla avec ail
fûrance de revoir fon fils f
attribuant a Minerve la donceur
du longe agréable -qu'el. '
le avoir-eu.
'Ses Amants eftoient fbrtîs
-du port dlcaque , de eftoient
arrivez à Afteris. . C'eft vue
çetite lie fur le paiïàge de
Samos 9 &^ de. Pylos ea
Timi* fi

98 x'OOYSîSE-E 1
Itaque, où ils attendoiant
Telemaque à fbn retour pour
le fprprendre,.
'jFin du quatrième Livre*
>'..- y,'-,..:A;:-;**«*j!
!
* > • • 2 » ^ / i . ^ ? > i > > M , ' • £ • : \ - . ;••*

D'HOMèRE, LIV. V. 99
L'ODYSSEE
D'HOMERE
LIVRE V.
^aaiaiaMiUW.il . E P E N D A N T
Wnm Minerve " fe ref-
Pî|rV^J|j| fouvsnant des
|^^|i; malheurs d'VlyC
le, parla vne Teconde
fois £ luptter dans vne
dflemblée, où tous les Dieux
XextouTCceot, excepté Mep-
• £ ij

tune qui eftc^it encore en IL
thiopie. Ulyfle, dit-elle, fi fà-
•ge 3 fi vaillant & fi pieux eft
.encore retenu par la Mymphe
Calypfe-, pendant quefon_fî}5
Je cherche à Pylos, à Lace.
demone* & qtfil- eft en danger
lie tomber dans des embûches
,où fes ennemis l'attendenr.
f 3E.ft-.ce ainfiL .que les Dieu?
y protègent la_ luftice & la
V^Vertu ^.Qûj^cftrce qui you-
/""dra les adorer, fi Finjuftice
)• triomphe 9 &. ..fi le vray me-
\ rite eft abandonné aux per.-
-V fecutîons de la fortune*
Jupiter ne voulut pjus dif.
•ferer de fecourir Ulyffe. Il
-commanda à Mercure de défi
cendre vers la Nymphe, Sç
rie - faire enforte qu'elle donliaft
un vaifleau à Dlyllè pour
retourner en I|aque. le l'a±

ô'HôMéRé 5 liv. T. -ïOï-
fois desja ordonné t dit-ii, à
Minerve , & • encore prefeiu
Éement je vous commets le
foin du jeune Telemaque, &
fous ordonne de l'éloigner
de rifle d'Àfteris ,- quand ii ; '
repaiera la mer. • Il n'eft pas
jufte que Tvn "& VàMteyfêfl
prouvent pas fafliftence dur"
Ciel y qu'Ms ont -méritée par
leur pieté.-
.Mercure afoit dèsjâ atta- '
«hé fes ailles r & tenant- fen>
Caducée dans la main , il
pafibit au defliis de la mer i
-avec'plus de viteifè que i'oyfeau
rdont le vol eft le- plus-
.rapide.- De là-s'avançant dans-
*ne Ifle deferce,- il approche"
de ragréable retraite de Ca-r
lypfo.- Il n'y a voie rien de
plus charmant que cette fo-iimdç
i Les yeux de Mercut*

101 L'ODYSSB'B"
re accoutumez à- voir tout ce l
qu'il y a de- plus beau dans
F V ni vers-, regardoienr avec
.plaifir les merveilles- dont
la '" nature avoit embelly ' ce
rivage • les aulnes-,, les peupliers
5 les cyprès 3 &c 'les
cèdres, formoient vn bois? où
Biil-le oyféaux différents faiioient-une
agréable harmonie:
Quatre fontaines partageant
leurs cours en? autant de'Canaux
arrofoient tes ffeurs
. dont- les bords 'de- ces ruif-
. féaux eftoient couronnez. Une
vigne, qui s'eftoit élevée jufques
au haut d'un rocher, fie
qui le couvroit de (es pamprès,,
avoit eftendufa bran-
. ches de tous coftez- r que Je
. bazard ou la nature., plutoft
. que Fart ou Finduftrie a voit
tellement difpofées y qu'il s A en,

S-HOMS&B, Liv. V+ i0j
eftoit fait plu-fieurs petks Palais
de verdure, oùregnoienc
J'ombre & la fraîcheur, Ce£toit
fous ce rocher ,-dans une
grotte allez -vafte, que la
Nymphe faifoit fon fejour.
A peine Mercure y entra- t'i^
«juli fut reconnu de ta Nymphe.
Bien qu'elle jugeait ai.
iément, quel eftoit le fujet
de fon ambaflàde, dont ellene-
pouvoit fe promettre- rien
d'agréable, elle ne laiflà pas
de luy faire tous les hon~'
neurs qu'il pouvoit. attendue
d'elle.
Elle luy offrit le Neéfcar,
& l'Ambrofîe f. & l'ayant
fait aleoir fur un trofne, elle
luy demanda, ce qu'il avoit
à luy ordonner.
Il s'acquita.auffi-toft-deià.
coiiunjtfton & luy déclara, la
Eiiij

104 t § 0DY-5SI^
volonté de Jupiter fur le retour
d'Ul.yffe -en Itaque. Ceffe
-ainfi, répondit Calypfof que*
lupiter ne fçauroit permettre
de jouir CE repos de ce que-
Ton aime II ne peut fcnffrir
qu'un "mortel foit' aimed'une
Déeflè: Il en eoufta....
la vie à Oriott , pour avoir
efte" favorïfiF ae l'Aurore»,
Diane l'ayant percé de fesflèches..
Et Jupiter luy mef.
me tua de fà foudre le malheureux
lafon ,. Amant de-
Cerés». Ulyffe aura bien-toft:
la mefme deftinée $ _ en vaéû<
je 1'àuray recciï dans cette
Ifle j lors qu^prés la perte •
de fon vaifleau, il s'éfiorçoir
de fe fauver du naufrage,,, oùtous
fes Compagnons périrent.
Helas y en quel eftat je
le trouvayl; . U combattoîc:.

contre le vent & contre lés
vogues,. La mort à tous moments
fe prefentoit à Tes yeux: :
Euy ay.je fait- quelque tort
de l'aectteilir,. de Fâimer,,&
de luy promettre de le rendreimmortel
r s'il pouvoir* cKaC
fer ; de fon aoie-les triftes m-quiétudes
que luy donne Pàb-fence-dé
Pénélope.- Mais puisqu'il
plaift- a Jupiter- de le*
faire périr fur la mer, puis-je
refifter à- fà volonté ? Je vou-drois
pouvoir luy fournir un
Vaifleau v des Compagnons,-
•& tout' ce qui- pourrait' luy
rendre fon retour cpmmodéj
Mais je n*ay que des Gonfeils
à luy donner, & des defirs à'
faire pour luy v eitant icy feule
8c làns- ouvriers.
Mercure reprefenta â cet*
Ev-

io6 L'OOTSSE'B -
te Nymphe qui! eftoit dan~
gereux de n'obeïr- pas à lupi-
.ter : que fon commandement
.eftoit exprés,• & qu'elle ne
devoit rien craindre pour
,Ulyfle, puis que le plus grand
des Dieux s'interefibit à# fon
retour».
Uiyfle eftoit fur le rivage,
fins fçavoir ce., qui fe paitoit
dans la Grotte de Calypfo.
J\ y paflbit tout fon temps,
efperant que le Ciel favorable
luy donneroit quelque
moyen de jretourner. Cependant
il. fe faifoit je ne
' fçay. quel plaifir, tantoft de
méfier fes foûpirs. "avec les
v,ents, qui- paroifToient favorables,,
& qui fouffloient vers
Icaque», tantoft de considérer
la route qu'il, aurait à. te^

D'HOMèRE, Liv. V* 107
tnt. Il luy fembloit que fes
regards qui s'eftendoient fur
Ja mer le delivroienc . en
quelque- manière de la-- captivité
où- il eftoit, & qu'il fc
trouvoit dans cette efpact
• immenfe 3 que fes yeux décou»vroknc
- ._
11 fbuïageoit ainfî fbtr déplaifir
, lors que la Nymphe
Je vint trouver- •, après que
Mercure fe fur retire, H faut*,
Juy dit-elle , fe fëparer, M
vous permetre en£n , ce que
vous defirez depuis fi longtemps.
Les Dieux- s'interet
fent pour toy , ingrat., qui
t'es fait un ' mérite de-' ne
.prendre ' aucun ' phrifir dans
cette charmante iolitude*. Ma
beauté ny mes faveurs- n'ont
pu te gagner. Et cependant
E vj

it>8" L'OD-YS-SEB*
je t'aime ajQTez encore, pour
faVorifer ton voyage :•• le-
Deftin qui eft plus fort quemoy
m'oblige de prendre ceparty
: Il faut luy obeïr,• ôt
oe te voir jamais..
Ah r Nymphe > s'écria Uly£
fe j comment pourrois-jp paffer
tant de Mers ?:• Pourquoyvouler
- vous- me punir en-.
m'expofant k ces- vagues,,
dont les, plus- grands vaifieaux.
ne peuvent: fup porter les efforts
h Croyez-vous,.mon aii»
niable Déefle , que je-confente
jamais k m'èloigncr de
vous y fans eUxe-aCeurdquevous.jugez
mon. retour fi ne.
ceffaire, &• fi- digne d*an homme
que tous honorez de voC
tre- tendrefle , que ce vous

B'HOUEXE , LÎV. V. xoy?
fembleroit «ne choie injiifte-'
-de vous y oppofe-p.-
• Calypfo approuva ce qu'il."
difoit *; en fcûriant agréablement.
Vous- parles toujours,,
luy-dit elle , - avec Beaucoup-de
fagefiè. Vous-voulez*douter
• de mon fecours, ain que -
je vous jure par le Styx que/
je veux obeïr au Deftin. Aprés^
avoir-veu que Je vous aimois,.
vous-; verrez ' ce que je.: ferayv
pour-&cilicer voftre.entrepri-
En fe parlant; ainfî, ils en.'.
trerent dans- la grotte ^ ok 3
Ulyfle 'eut part au Neâàr &
à rAmbrofie, que la Nymphe
avoit prefentée à Men.
cure. Cependant elle ne pou-
*oit retenir-fes plaintes. Situ

fijavcrisv diibit-elley de que
tu dois encore fouffrir ravant
que d'arriver en ce païs, où
ces defirs emportent ton cœur,.
Si tu le. fçavois v dis-jë ! Mais
tous les plaifirs de ce défère.
ne peuvent te plaire. Je n*ay
pas aflefc de naiflànce, allez
de î beauté , pour farrefter.
Pénélope t'efkplus dhere qu'u*
ne immortelle v C'eft - elle,
qui a pu. gagner ton amour.
Mais que dis-je?. va v je con--
Jfens à ton voyager pars5 je Je
veus bien.. Si j'avois eu-plus
de charmes 3 tu aurois coulènty
à vivre avec moy, &
tu n'aurais < pas-confïderé com*
me Je plus grand de tes-malheurs
rimmortalité que jç ce
^reparais..
, Pleplfc aux Dieux- 7 qu'il

fuft en mon pouvoir, Juy répondit
UlyCe , de recevoir
icy tout le ; bien que vous avez
la bonté, de me vouloir
iaire. ' Soyez-perfuadée, mon
incomparable Déefle, que je
;ne •penferois .pas à m'éioigner
.4e -vous.. Ce n'èft point la
Jbeauté-de Pénélope r qui me
Ait defîrer mon retour.. Y
eira-t'il une plus grande.que
la voftre^ Mais il faut obeïr
au Ciel , 8c fuivre les ordres
qu'il me donne.. Si quelques
-malheurs m'arrivent encore,
f m "• fuis fi accoutumé à fou£ir
, que. les. accidents les
•plus extraordinaires-ne m!e£
.connent: plus..
Enfin Ulyfle n'eut jamais
plus de prudence que dans
ce dernier entretien., U.mef-

lolt mille témoignages dereï-
{ >eA- & d'amour à- toutes^
er-raifons dont il fe fervoie-,'
cour- obtenir dé Galypfo le*
lecours qu'il luy demandoitj,
de forte • que cette- aimable
Nymphe entrant' dans f tous*
les fentimens defon-cher Amant,
luy fournit- des le lendemain-
tout ce qui eftoit neceflaire
pour faire* un- vaif*feau.-
Elle luy donna• une hacher
dont le manche eftoit'de boisd'olivier
s & à-peine luy'eutelle-montre,
les arbres les pluspropres'pourla-conftruâiond'ùn
VàiCeau* 4, qu'il ' les ab±
batic.. Elle ne pouvoir _ le voir •
travailler avec tanr d'ardeur,'
fans avoir du chagrin de ce
qu'il avoit un fi grand em-

S'HOMEKS, tic tT. ' - fif
-preflement de -fomr de Ton*
ïfle.- fille fe retira dans fit--
Caverne, pendant qu'il ofte"
fout le bois- fuperiu y pour
rendre tout égal r & ' pour
ajufter enfemhie les différentes
parties de vingt grands*
arbres,, dont- fon vaifleau 4e-
-voit -eflre^compofé.. Mais k'
divine Calypfo ne pur néanmoins
luj- refufër les- voiles-''
MiïL l#c ifarJiiŒôi- oui: iwy e£L
colent - neceflaires.. Il conti~jauoit
à. travailler aux mafts,
•aux antennes rau gouvernail..
îl effeva le long des -bords de:
grands air r les attachant avec
des doux, & mettant de"
ia poix dans chaque jointure;
JLesplu-s habiksmaiftres n'ont*:
jamais achevé un Vaifleau a-
•¥cc plu» de foin & de juftefl"
fe* H prenoit garde à- tout;,'

»4-" t f Ol>YSSB f E-.
& fe faifoit' un' rempart cot£
tre toutes les fureuis de la
mer..
Au cinquième jour ayant
fini cet ouvrage , & un vent
favorable s'eftant* levé-, il fe
met- en mer. Il eftoit desja à
la veuë des coites- des Pheaciens
,- qu'il commentait i
découvrir, & qu'il auroit pri-
£es pour clac' nuogâ^ «'il- ti'enft
remarqué 1 qu'elle avotent
toujours la mefme figure». Il
efperoit d'eftre bien-toft ea
feureté, après tant de périls
& tant de travcrfes*
Mai9 cette' joye ne dura.
gueres j, Car Neptunef rêve-
Bant du pays des Ethiopiens^
& découvrant. du haut du-
Promontoire do-Solymes ,Jr

D'HOMèRE, LIT. V. mf
Vaïffeau dtJlyfle^preft i-a*.
••border au port des Pheaciens,
frémit de . colère & d'indu
-gnation- i & frapant la terre ^
de fou Trideot,. il aflemble
les vents, la nuit & Forage.
Le temps devint-gros, la mer
s'enfle , l'air eft couvert d'é-
-paifles ténèbres : Il .n'y eut
jamais une' tempefte £ terri^
bk. .
Qu'aeroit fait Ulyfle pour"
-refifter à la fureur de Nep-*
tune?- Il n'eftoit plus temps-
'de «defîrer -de n'eftre point'
forti du- defert tranquile de
• Caly.pfa.. Son fragite Vaif.
-fcaueftoit; la proye des vents.
-Tantaft le mafts avec les
• -voiles, eftoàt emporté par leur
-violence : tantoft ils s*àbifmoit
au fond d'une vague,.

& & £ ' ' 0 £ Y S S B ' B •
qui ne le repôufloit que pouf
Jexpofer à quelque nouveaupéril.-
L'art dUlyffe cedoit à
ces efforts. Le gouvernail e£
toit enlevé.- : Le naufrage e£c
toit certain y & la mort prefente.'
M combattoit encore
néanmoins • contre l'orage,-,
lors qu'un coup de vent l'en-levé
loin de fon vaifieau r &•
Fenfevelit au milieu des on-*
des.. Lapefanteur de fes*-ha-bits
r la force de Forage rlxhauteur
des vagues le retiiw
rent long-temps, abyfmé fans-*
qu'il puft s'élever jufques fur'
l'eau,. Son- vaifleau- ne pÉr
fupporter tant d'ailauts,, tons*s'ouvrir.
Il s'efforce d'en faîfir
quelque *tâe,;& s'êftànt'
appuyé deflîis ,.il eft empor--
•të durant' cette horrible tem-~
f elle d'un collé- & é*im autrer

£'HOMBKB,Lfc.V. «y
Ixucothaë, fille de Cad-
«lus, qui de mortelle eftoic
devenue Nymphe de la merr
fut émeuë 'de compafiïon»
Elle preod une ' planche dm.
-débris , & s'eftaat affife conw
me deflus un char , elle s'âp^
proche cfpiyCe pourlecopîbier.
Prenez 3 iuy •dit-elle ,f généreux
Ulyflè,, Fçcharpe que
|e vous prefentç Abandon-
- nez cette planche , qui né
peut vous conduire jufqu'au
.port. Oftez vos habits, qui-
>vous enipefpheroient de ria-

mï L'ODTSSE'E
£Ile difparùt aiiffi-tcift-enTe
plongeant dans la mer. UlyC
le avoit entre les mains cette
ccharpe fatale -, mais il ne
fçavoit encore quel parti il
devoit prendre. Helas , diibit-il,
c'eft -peut-élire une
Divinité ennemie ., qui me
veut ofter ce rëfte de vaiL
fèati , -qui me défend .encore
contre Ëorage. Faut.-il en
homme defefperé , me précipiter
moy-mefme dans..ces
vagues irritées. Pourrois-Je.
aborder en nageant jufqu'au
rivage qui eft fi éloigné. -Ne
fera-I^

T?HohnwjkîÀ%V. -»rj|
•ceau de bois ' fous luy.. * Aui&~
toft il quitte (es habits f , &
mettant autour de luy l'échat-pe
de Leucothoë % il fe jette
enfin dans la mer , & commet
fa deftinée -,à la mercy de ks
flots.
'Neptune le voyant en cette
extrémité , détourna la
tefte*. & pouffant fes che-
*" vaux 5 arriva dans ion fejour
ordinaire d J Agues, prévoyant
# qu'il tfeftok pas neceflàire
d'adjoûter de nouveaux mal»
heurs aux peines que devoit
foufirir Ulyflè , avant que
d'arriver au port;. . , '
Cependant Minerve fç fervant
de Fabfence de Neptu- •
ne^ appaife la tempefte, -ne
permet plus au -vents de JDU£

fler, excepté à celuy quiporJ-
; tant, les vagues* vers la terre,;
.aideroit par .-ce moyen Ulyd.
•fe, & le foulageroit dans k$-
«pénibles efforts y qu'il avoit-
[à faire pour y arriver*
Il âvoit desja -nagé - deux
§ours & deux nuits f & Il ar-
'rivoit à terre.* lors qu'il fut
fur le -point de périr à ïen-,
adroit' mefine xxà. il -venoit
chercher fa/cureté, La cô*
.te à laquelle iiabordoit eftoltà
^efca^pée-j: de plus ce n'eftoie
.qti'un rocher qui paroiffoit
Jierifîe de mille pointes inégales.
La raer alloit battre
contre.ce rocher avec une ex-
•tréme violence,, .& il y avoit
danger en fe laiflàht emporter
à fon cours, d'eftre écra~
fé jcoiaxe ks. éclieùs, x>u ea
xsfiftaitt

*i

fît L'OD^SSEE*
fut pas plâtoft entré qu'il
luy offrit fcs voeux. Le
Fleuve l'écouta, il abbaiffâ
fes £ors j & le conduifît
fur fes_ botds,. où
UlyiTe ne fut ' pas plâtoft
arrivé , qu'il délie l 9 écharpe
qu'il avoit receuë de Leucothoë
dans le temps le
plus dangereux de fon naufrage
& la jettaot dans
le fleuve, il accompagna
cette adion des remercie-
•mens qu'il devoit à cette
favorable Déeffe, t •
Mais au lbrtir de tant
de périls, ce rivage defert
n'offroit rien d'agréable i
Ulyfle. "11 fut contraint
de fe couvrir de feuilles,
pour fe mettre a couvert
des- incommodités de l'air,

D S HOM!Ri3Liv.V. T2|
1|- fe fait de deux oliviers
-dont les branches eftoienc
eptrelaflees f un azile contre
les belles fauvages* C*eft-là
que Pallâs' luy envoya un a»
greable fbmmeil , . pour le
foulager de toutes les fatigues
qu'il avoit endurées.
Fin du cinquième Livre.
r-r-
Fi]

JR4 • l''Oj> Y ssfy'
D'HOMERE
IIFRE Vf.
ENDA'NT qtfUlyfle^
-;accabl.é de
travail & de fommeil,
dortnoit fur
cesx deux oliviers ? Mfoerve
décandit $n Jg Ville '.des
Pàeacieos. .Ces Peuples ajraft
beaucoup fouffert par
le -yoifignage des * Oyclopej
.dans Fancieone ville d'Hy-
|perîeJ JKau-fithoûs leur perr
i&ada jfe baftir pje no».-

Velle fille,- qnr fuff v affé
éîdighéè de ces Cyclopès,,
pour" m craindre plus- d'eà
eftfâ' furprià. Ce fut* donc
luy, qui éleva les" murailles
de' Sctierie f - qui" y bâtit
des^ -Ifemplès', -qui" f
fartagea -les maifons- &£• les
ieos',. te qui- avant • fait
abandonner' âUsr : Hypèriensleur
pays y les fit 'pfler : enceluyicy^
où- fcs peuple*
vivoient dans lé repw $c
dans l'abondance» • -. •
Après M ttiott' de ce premier
de leurs Rois,- Alci-
H0ite &ii'°fils f regndit pâifï:
blement, & eftoic»' fur" le
point-" de marier la, jeu*ttc;
PrincejQê- NaûÏÏcâa J làfflto,''
"•

né : .-I-'OD-^SJîI'
A
^ La nuit avoir ..répandu
les ténèbres §c le •fomroeii
dans tout lUiiivers^ Nau-t
ficaa dormoit . dans .une- .
chambre du Palais; de fan
père 5 accompagnée de deux
filles qui eftoient à fon fer-;
jice. * .
# A Minerve5 qui-' voulait-.fe~
courir .Ulyflè par le moyen
de cette Princeflê, prit kr
. figure de I>ymante t .qui
eftoit une des amies de
'Naufkfa ^ tftant' tfonfte
elle, en k leur -de -fém
âge , • & .d'ua naturel fort
infinuant*- .
S'eftant approchée:-.dé fon'
lit .j Quoy ! luy dit-elle, vous:
dormez"- auffi tranquillement^,

JD'HOMEKB, Liv.-VI. 117
que fi irons ne deviez point
penfer aux apprefts de 'vos
nopces. C'ett eftre ou beaucoup
pareflenfe j. ou , bitft
feu prévoyante , tous vos
abits âuroient befoin-d'eftré
lavez- dans^ lé Fleuve prochain.
Il y va de voftregk*.
re , de vous donner vous-'"
ttiefiite ce foin. Je le partageray
avec vous, demandés
le Char de voftre Pêne , 6t
nous paCerons en ce travail
Jfr jour, qui va- biea-toft paroiftre.
Minerve âifp&mt * auflî. teft;
& s'en alla ao mont Olympe
f ce "mont délicieux que
les vents refpedenr5 qui n'efl
jamais obfcurci par les nuages
oà Pair eft toujours fe-
-lain , & que les Dieuxprcn-
•* • M . . . » *
F uij

i*& L'OïnrssB'è
aent plaifir d'habiter;
Des- que l'Aurore fut le-
•vée , la belle Naufîcaa fe
réveille , s'eftonne de fou
fonge, & fe levé, pour en
parler à fon père & à-fà-tne-t
Après leur en avoir conté
toutes les circonftances, il faus
donc ,. dit-elle y que je mon»
tse fur voftre Char , & que
faille fur, les. bprds de ce
Sleuve.„
Elle ne parla point de l&
circonftance qui regardoit le
jour de fes nopees., elle cràignoit
ce terme, 8c fa pudeuc
Eempefchoit de. s'en fervir.
I*e Royrx qui comprenait:

B'HàMEllBjLlV.VI. Ilj
fcïen ce quelle 1 n'ofoit pas'
luy dire , commanda quon'
Jâi atfellaft font Char; Et
comme elle devoit parler tout
le jour à la campagne ,. on %
donna ordre d*y Faire porter
à-manger; Elle partit avec
une gâyfetê-extraordinaire, fé
promettant de palier agréai
MementM journée avecJDynunte.
Elle avoit elle-mefme
ks rhèmes en main, & '
pouflant à toutes bride*; elle
arriva en peu d'heures 1 aux
bords du Fleuve , où lé terroir
eftoit le plus agréable do-'
monde.
On ne penfa d'abord qu'à
laver les robes, à lés eftèn-'
due • on fe faifoit un' plailir
de travailler en prefence de
cette jeune Princeflè, & elle •
F v

IJO - - •I , -QDY.*S*V" •;••
s'en -faifbirauffi' de -donner les*
ordres, par tout. Comme cet--"
te occupation exemptoit dé
ce refped -régulier , que l'ona
pour les perfoones de qualité
j il y avoit/daos tout fon ;
monde un air de familiarité,.
qui faifoit la joye,£ommi**
pe. . :
Apres quelques heures d'où*
vrage./la Princefle difna à
l'ombre des' Olivier*:. Elle
Lufla le foin du travail à fesgens^
& commença avec quelques-unes
de ks amijçs J, çton*
ter. , " .. .
On Pauroit prife-popr EjkrQe
au "-milieu de ks Hymphfs^
quand elle eft à la chaffe aux
montagnes detTaygete, oa
d'JErymantJie» , '

D'HOMIRê, Ltv. VI. 131
• Cependant le Jour s'avan- t
çoît , & fi, Minerve n*euft
infpiré â-Naufîcaa de pouler
une balle à une des filles de
fa fuite, pcut-eftre quei'occafion
'de -fecourir Ulyffe fe
feroit perdue. Mais dans.ce
jeu, ou ks unesâ& les autres
fe renvoyoient la balle f un
contre-temps d f une de ces
filles f qui la jetca dans ce
Fleuve, la voulant pouffer
autre part ,- leur fit faire un
« éclat de rire fi haut, quVnfin
DlyfFe s'éveilla tout furpris
du' bruit f qu'il venoit
d'entendre* Il ne fçavoit en
qfuel pais il fe trotuvoir. Quelles
voix , difoit-ii, viennent
• de frapper mes oreilles > •Sout-
. elles d'hommes^ de-femmes ît
Suis-je- dans un pâïs de bar- 1

%V t'OD YSSfe'fl
Ifare», quifnéprifentles Dieu«c
&. l'hofpitalité ï- Il me fan-..
hle que j'entens des- femmes
qui fe répûiKçmê. Ne.foot-ce
point, des .Nymphes ,, qui £ç, *
plaifent .au-rivage de ce Fleu—.
wc- ^ eu.; des.. Eaunes ^ ou. des* »
Satyres*.
IJ s'avança -venJé lieu, .oiti
M.bruit, continuoit de.fe fai-*.
se..entendre. Il avoit arraché;quelques
branches.- couvertes*.-;
de. feuilles- v„ dont. il fe cou-**
woit.... Il fbrtoits * da bôist en*
cetueftat., comme • un : Uon: : »
que la,, faim chafle " de • fa ca-*verne
fie des-forefts,. .lots qu'ils
£pt..- apperceu,par4es. filles .*de.v
ïfâuftaa^
Bîtës • firent -un -grand cry*^ ^
&Ja.crainte leur .citant-, tout:.

B'HOMERïJLIV.VT: §&
le foin qu'elles devoienravoir?
de la Princeflè, elles s'écartent
en fuyant le plus- loia*
qu'il leur fut poffible,.
Nauficaa ne fë laifla points
emporter à. cette frayeur..
Elle s!arrefta &. attendit- que^
ce. Phantome s'àpprochaft >
d'elle , il eftoié impoffible de *
demeflér ce que ce pouvoirs
eftre. Ir eftoit couvert de
l'écume de la. mer , dont forta
corps eftoit-fali., La verdure '
des feuilles r dont il eftoit re-veftu,
jointe a l'état où il é*toit
réduit ,.. le rendoit Ja- 1
chofe la-plus, lùrprenante dm
nionde. - :
Ulyflê ne fçàvoit s'il, devoir
s'approcher en cette mifera-
MeJgure, pourembraflèr-less

IJ4» / ^OjDTMV* .
genoux de cette Princele*
En manquant à ce devoir 9 il
ne luy témoignoit pas aiez.
de refpe£fc j Mais la bien fean~.
ce ne Jtay..permettoit pas auffi
de pzrmiktû-fi^é^Mëf>U
il- cra^aoit/.jéo;étirer, ionméfml
: *I1 ^zriëfM'à^nt dés '
qu'il'fut aïTés prés^pouireir
effare entendu^' "
- Qui, qjufr-vous foyez^ dk il,
car je ne fçay fi !véus

D'Homu, Liv. FI. ijy
ceiïè du monde. Ma fortune
& mon deftia m'ont déjà; fait
errer partout l'univers. Mais,
je n'ay rien vu ,. qui ne vous
foit inférieur. JVfes yeux accoutumés
à voir ce qu'il y a
de plus- beau : fqnt fiirprii' Jen
vôftre prefèncb t .c'efl; l'admiration
&. Ile refpe& que j'ay
pour vousy qui me deffendeht
d'aller me jetter à vos:pjed?s,
& embraflèr vos genoux, Il'é- ;
rat ; on je fuis v ©ft trop muerâblé
• U y a vingt jours.;que v
je fuis parti de llfle d'Ogy- »
gie. ..Apres une ifurieùfe tempefte:,
durant laquelle ayant:
fait naufrage. r < il a;: fallu.- lutter
çontire les vagues irritées. ;
Je ne puis vous dire tout ce
que les Dieux ont voulu que
j'ayè fouffert. Makv incomparable
PrincelTe ^ mes mal-

Ï3# " L^D-YSSlï- '
Ifeiir$'Vt>nt finir ;

# 'Nàufîcaaeftanreftcnioéè de:*
^éloquence de cet inconnu •,
. luy répondit qu'il ne devoir
pas fe plaindre,.'de Teftaroù
M eftoit-réduit-, que fon dit
cours faifoit bien paroiftre'
qu'il meritok: un-fort, plusproportionné-
à fa naiflance ,,
que Jupiter fe" plaifoit. fouvent
i confondre & à-meflet'
la «pauvreté avec ia- malheurs^ où; il fe *
trouvoir que pour, éprouve^
fii.-confiance.. . -
Elle luy promit que.fe:pa^
tarie luy- ferviroit 'd'afiie r oit
elle luy' donneroit. les. mo^
yens* de fe reftablir,;& d'ê^
tare content des foins*qu'elle:
^endroit.de fa fortune*- • " • !

IjS "V.ODf SSE f J| ' •
Ses filles qtfe' la crainte
avoit efloignées r avoient ett
tonte d'avoir laifle leur Princeife
feule > & commençoient
à s'en. approcher * à Fenvy
Fune de l'autre j. .penfezvous
t leur dit-elle y que cet
eftranger Foit ' ennemi y qui
vienne nous déclarer la guer->
re y Qui eft-ee qui peut fe
plaindre de nous , qui vivons
en cette lue , feparc»
du 'commerce du refte du
monde y fàtisfaks de noftre
fort , & obligés au Ciel de
mille faveurs que nous en recevons.
Cet ' Eftranger a efté
jette -par la-.tempefie fur. ce
rivage i II eft.jufte.dele faire
Jouir au .droit de? Fhofpitalité
f que Jupiter recompenfé
fi Ebmlement, Approdte?t •

D I HCMEU,£IIV V. "ï'If
êc ,ayefc "'foin* *-de' lay iaire
reparer ' les forces qu'il %
perdues, en luy donnant.
tous les" fecours 7 qui four
neceffaires, ' ,
On obéit i la FriaceCe y
tJlyïfe fe retira' daos un
endroit écarté, pour n*offenfer
-pas ' les yeux dé too»
tes les filles par feftat où
il le trots Y*SC« O»- -*v©ir eu
fol» d'y porter quelques
parfums, ( qui avoient déjà'''
ftrvi à. la' Princeïîe " au
forcir de -fort baia» - '
Il - s'en fervit, -pour ôfier.
toute la fàletc, &-récume,'
•^ dont-l'eau delà 'iner-l'àvoit
'couvert*-11 prit'*desv habits^
. qull y trouva--àtiffi, 1 &* a*
faut afrotté ' fes cheveux y

qu'Ai âfoir'fori beaux,* 1*
kS' laiflà defceodre jufqueg'
fur fes épaules.» "Gomme-il y
avoit long-temps qu'il B*a~
voit mangé, il m> diffère
pas- plus long-temps' à-manager
&•&.' boire ce qu'oirlui ;
avoir- apporté. - Nauïîcaa a*
yaot fçeu» par une • de- fes
elles* que Fôiv pouvoir le
voir^ s'dpprôeha- des arbres»-,
laur- lefquelc ,ôû. .luy 3VOÎÇ
fervy* à «manger.*
J
Véritablement e!fe fut fursrife
de- fa bonpe mine. - Ele"
n'avoir pu rien remar­
que* de- confiderable-' eû T fàr»
perfonne ,„ tant- l'étac eu i|
îè-prefenta : d'abord' à- (c$
ypa- •; eftotfc - : piçoyaWe*
Je ne Pavois • pris ^ -difcit-
.çlfe qpev comme- quelque-

imiferable -échappé par' ! ha-
,.xard aux foreurs -de k
'.tempefte. Mais -fa taille..,
fes manières, . -fa • ' • fermeté
dans-le mal-heur., fort éloquence
imonftrent bien que
c'eft quelque chofe de grand3
•je ne demanderois pas aux
Dieux un époux 3 qui eufl:
,dje f lus' Jbèll.es- qualités.
• On eftoit preft de reJ
•tourner à- la Ville , oachargeoit.
fur les chars
féqpipage -que Fou avoit
apporté, lors qpe £ïanfica£
jparla à Ulyflè.
. Je -vas, lui dit-elle, a U
Ville, où le Roy qui eft
•mon Père, & les plus grandj
des Pheacîens, vous rece*
yréne avec joye y mm afin

*& .-. L'ODYSSéE
' de ne vous prcfenter pas £
tux3 fans â¥oir pris qudU
ques mefurest je vous prie
d'obièrver • ce que _ j'ay . à"
/ vous dire. Je lèray devant
vous à ' Scierie i pour ne
l> m*expofer pas à ce que
\ ton dirait-,, fi je vous- y
emmenois moy~yicfm&m dans
• mon char. Nous ne pou-
- vons trop crairidre ou" l'a-
/ mourf ou mefme. toutes les
apparences "' de' l'amour. Ce
1 : -qui • p , eft( qu f un pur effet
\ .du hasard paJTeroit pour
' .une partie; préméditée , où
/ j'aurois efté à h rencontre
d'un eftrangér.
._ Mais il vous fera facile
de me fuivret la Ville n'eft
pas} éloignée. Vous verrez
d'un collé un très- beau

D*HOMERE, Liv, VI. t4J
port où l'on a confàcré
un Temple à Neptune,
& une grande place qui
découvre tout le port.
Vous verres d'un autre
collé un bois confàcré à
Pallas, & c'eft en ce lieu,
que vous vous arrefterés,
attendant que j'aye eu le
temps d'arriver au Palais.
Il n'y a rien de plus agréable
que ce bois j une
fontaine en arrofe une
grande partie , avant qHe
^d'entrer dans le jardin
Royal, où elle fe fepare
en différents canaux pour
donner de la fraifcneur
aux fleurs, qui parfument
l'air, que l'on y refpire.
Vous ne trouvères pas le
retardement fort long, ny
defagreabie.

t&4 - 'V-ODI-SS-é^E?
Xa 1 PrincefTe "monta fuf
-foachar, après avoir ; donné
•ces .avis à Ulyfle, il la fui-.
voit d'afleç prés,' jufqu'à'
-ce qû'eftant ,>arrive • fur le
vfoir dans Je bois de Minerve,
il s'y arrefta, peut,
•laifler arriver la Priacefle
.devant luy. '
Jamais il -ne. s'addrefià i
'Minerve avec plus d!ardeur*
Ma Déeffev -luy . die-il*
adorable -fille de Jupiter 9
toujours caillante.,, toujours
invincible .9 fage & belle
Minerve,,- n'en tendres •- vous
Jamais mes -.prières / a!ày.je
".pas afles. fouffeft fur la
•mer, où Neptune m'a traité
avec tant- de fureur 5.
4Jueje:trouye enfin .dans cet,
tt

ISOMERE Liv.Vl. r4|
te Ifle quelque repos , &
procures -moy la faveur 6c
Jamme des Pheaciens.
Pailas entendit fa prierei
mais comme Keptune con!
W toujours Je Ja haine
* d ^s fentimens de vengeance
contre iuy , ejje fie
découvrit point'tous les
/ecours ^ luy ^
^indufixième Livre.
ÏU* ;3 -•••..,,^ :
^j'.
:7:,.{
. fi"v,'' : '- !• ,."'"> '
lë^v ""••rT
Tonul.
. •? Ï T-"' '•>V.: ;•.:'*•';• • ^L 4 •^ :«.
} .
'*•
»•.
• */'
.; : ..^ 7
". ;**

\*t&
x'Opy.sJE'*
,,.,,^..j:
L'ODYSSEE
^HOMERE-
IJFKB VU.
IENDAJIT qutTllyflè
adreflbit fes
prières à Miner-
^fctve , Naufîcaa eut
[e temps d'arriver
au Palais d'Alcinous. EU?
y fut rçceuë tomme fi ellg

TTHOMERE^IV^VII. Ï47
cuft fait un long voyage.
Tout le monde s'empreiToic
à luy témoigner de l'amitié
, les uns la' conduifoierit
en fon appartement,
les autres avoient foin de
l'équipage, & des habits

f48 , 'ITOIïTSîICB
' Ton aime, lors mefme que
l J jon J*ea a point de fujet.
Minerve ^qui aymoiç yiy&
fe, craignit auffi qu'en eni'
trant dans la Ville., il ne
fut expofé à quelques infultes,
les Pheaciens n'ayant poinj:
4'honnefteté pour les eftrah-
' «ers. C'eft pourquoy elle
§pàiffit l'air, & le couvrit
d'un nuage, afin que voyanj
{ tout il ne fut yeu de p«-
Jonne. . .
Dlyflè eftoit devenu umfible
par £e moyen „ mais
comment auroit il pu le
conduire luy-mefme au Pilais,
Se le découvrir j touje
la Fille ayant beaucoup. 4e
maifons magnifiques î Mais
Mjoerve ne le laiflà pas
U>n$ temps.eq

$ 5 #aWR.E,Liv.VlL 149*
- Elle prit fa Egure d'une
jbune fille,, qui poitoit une
cruche" d'ea«,> ôt elle s'ap-i
procha fi ^prés dtftyfle qu'il
eut l'occafiéft de luy dire,,
qu'il eftoit un étranger que
la tmt avoit jette fur le
rivage prochain , àpré* la
pertequ'il' svoit >faiïe de
ton ^ajflôâ» j qu'il ae csofti
noiflbit perfonne ¥ •& qu'il
Ja prioit de le mener au
&oyy 4nV; il ô^eroit eroiiv^f-
'du > fecoar^i &c

ceux qui fe prefenterontprë*
de vous.. JPaffês {ans permettre
à vos yeux, aucune^
çuriofité. Qn eft ., infoknt
kyv le peuple.y lefl; incivile
.-Il y, a> des-, gens de. , mer^
/, f leur humeur en devient auf*
> / fi , bj?arre ^. que l'élément
/ V fur Jequel .ils font prefqueT
\ *v toujours,.. •'.'•'••:
. Horatit. cet entcetiêq r ils
perceus de-. perfotv&ifcNou}
tommes blen-toft au Châ#
teau*, Fous j&r4in)enc
an- iB.o^-ri i# è»r^Cpr.Orfe
fait - ccM#dere%;^[en feb'
gaigne- par; une; manière.,!§»

fi'HoM-EfLE,LlV.VIÎ. IJI
hre & hardie, ce que h^
qualité' d^tratmer K ;d'iii*
connu fait " perdre."" Mais. je.
•ous .confeille de voir premièrement
la. Reyne. Elle
eft- femme, ôç- îneçe d'AJr
cinotts,, eftant - -fille dp £

-afleurer ' quelle, efl digne
du 'rang,' ôè- elle eft née,,
: & * de raffeâicm que te-
-Roy & le peuple ont pour'
r €lie. -Tous lesdi&rens qui?
vaillent x s'accordent par 1 fâinediation
& ' ; 1W n r obtient
•tien dur 'Roy fans employer
•le crédit qu'elle a- prés de
iuy» 11 -TOUS- -importe- dène
f de la voirf • & de- la. met^
•tre daâs vos interefts.., Les^
•femmes le laiflenc aifémenfc:
-loucher . dfe- compaffibn». Si
Vous pouvez vous ininuër
'clans (on e(prit„ & TOUS*
fervir de k fntié^ qtsi- eft:
' Un moyett infaillible ' de' fe
faire protéger „ (oyez perfuade
que fit faveur vousprocurera
-les- moyens -qui
feront neceflEàires pour re^parer
les pertes que vous aveat

faites „da^s voftre naufrage;
liais vbïlà;* k '"Palaisicotres
,.tcothipe' je Vous ay'
âit^lfc'-eiperéfc' tout -tie 'ht
gëherqfité- du- Hoy & de 1*
lieyne«« - -
r f Kïiiieïye-• ffhit* pk l pttfc
tttffc* ceffé\tié^
le quitte SeKerïe'' pour aller "
a : Athènesr -ou- : . a- Mara*
ffion;- : '-*• . .; . :
lit) i • ;; "K; • .: i'j . "_ '*
~" ; l%Èr :a?Mt'* adihifé'"" : lf
iifcouirs' ;âc- ' l cette. jeune"
Ilïe,, iî : "fè prefentoit i (bit
cfprir'iitié- -infinité ' 4e xêri
tenoij:" détendre.

Il entre dans. le:: Palais^
tout ce; qu'il :,.voit, 3 ^ le ^ra*(
vit / il '-voit -d'abord•• trois.'
grandes-Taies, où l la; lumière
des flambeaux faifoît uneffet
admirable. Gomme lesmurailles.,
eftoienr d'airain,.,
les gor;tes. toutes d'or, fotL*
tenui'.fur des "gôteauR.d'ar-r
geçrv il* fe faiîbit. une rer
flexion. qui : jettbit un.. cclat
-fi" brillant que l'on*
Suroît ; cru, vpir., ia. , • lurttijere •
inefrae- *.*du. ^ fdleïï- -11 'n'y;
a¥oit: rien.' de/ fins, riche
pour; la- matière r ày~- deplus,
'bqiu -jour- .f .l^ouyjrage ^
que. ; . deux-, 'grandes

© , H6MER.I,1IV.VH. ijy
menaçans garder le Tuperbe
Palais d'Altinotts.
Paflànt dans un Salon ;
H. adrairoit les beautés des
tapifferies-, dont il eftoit
paré. C'eftoit les ouvrages
d'Arête,, où l'aiguille avoit
fait unr mélange fi jufte de
For & 4e la fbye, & en
avoir formé des traits fi
naturels, que le pïas habile
incéau n'aurcàt pas eu
Ê
on te de hiy céder l'avan­
tage dé la fidelle reprcfentation
des hiftoires que l'on
y voyoit. Ce Salon eftoit
éclairé par des, ftatuës eu
forme de jeunes hommes,
qui tenoient des . flambeau»
allumés.
Cependant toute cette
G vj

ïJ6 ; L'.OD.YSS'BV :' i
clarté ' ne pouvoit dlffiper
le nuage y dont ..Minerve
1'ayoic environné. Il n'eftoit
Yeu ' de r perfonne. 3 ' & . il
voyolt tonne* '.chèfe?» Am
Ibrtir de ce. Salçm fi magnifique
> il découvrit les
plus oeaux jardina du mon*
de. -Les arbres y croiCoient
heureuflemenr fie* portoienfc-
4es fruits * en. toutes les foi*
fons de Tannée.. L'air des

faifîns T dont Jes uns 'oeitt^
mençoient à fleurir r les au-très
le tournotenry.les autres*
fftotenr meurs- fie ^ propres ••apeuré
cueillis*. ••, : .
~ WCUT claires fontalttes^'ar-rofoientee
Jicu fi chûtmiûtyYu«'
•è-'-n&aifcliîilbîele^ plantes^
«llanrpar mille petits ruitiëaux*:
différents ciereher leurs- ra--
«ne*.,, &. l'autre fortoirdes*
jprdmsv entrant'dans 4es ap--'
gartemens du' Palais--& àelài
dans la-' viller pour la 'corn*-modità
du -pubàc. -
, Enfin 1 : agrés~~ que le* •/£•ge-
XZIyfle-. * eut: conlderéquelque.-
temps- 'toutes ces •
beautés ^ il entra dans-*
la grande fale,, où eftoit AL
«mou* avec fes favoris. -11}

fàerifioîent â'MerCHre,.ielori
h/ couftume , après le iba~
per r en- beuvant à ion- honneur
de grandes coupes d'or*.
pleines de vin-excellente .
Lors-qutTly fie fut au milieud*eux^
tous r & afles prés de
la Reyne* Minerve diffipa Je
nuage ,. qui k-

avec- une attention- çunoiv-
Reyne fille du divin REei
xeeor v;gc vous» grand R-Qy t,
je .viens- vous .demander vô.
treproiedioo. Apres av4>ir perdu:
mon-irailleau^ û mîeft imJ
poflïble de. pépier, à moa^ retour
v. fi -vous ,„>ufqueis:les
Dieux m'adreCent. prefente-
'{nent^ne. m'en- accordez., ua
autre j, Jet les., pjie ces Dieux
dp ; vous _ eftre • favorables- y. ;&.
de. vous rendre Je lâcn que jçt
ircevray des, Pkeaciens, ,
: Sa Ea-rai^pé nèiftt pas pjij*
içngue.;;-jQuan'4 PP fft^dani
Itacc^bleipenç ,'-, pn- eft 'trop
occupéf de Tes douleurs, pour
avoir un - grand loifir de par*.
1er» 11 fe çetire tJ & comme

ïi'eutt vêtdu prier'-en' fileta
«e ks Dieux domeftiques,- 11feprofterne
devant- le- feu.r
- Olteftoit ftfrpris'de fa liât
tangue & defes manières^ 8£
peu s'en fallut'que l'on n'euftcUr
mépris" pocH^îuy." 'Mais*
Eckéûée ,< •qui^oyoit que cflèfl
toit' violer- les 'Lôifc;, « q«è ; "flè '
recevoir" uisf eftcanger fans' le :
lëcobrir, * prit la • liberté- de re-àKHi&er
à Mclnoés J }t qtie J éë&
kicoii%MX-e(toît«nlaprM^ëà^
et Jiipifér^^
feuler le plus grand &$--Dieu»
de ne protéger pas les ; eftran~gfcnfy'

s'Hcoaiz , Iw. VIL ifteftoit
jufte dé le jeâwt>kavt$-'
les marnes honneurs v qui- fè'
font ,par toute la . tore ai»
eftrangers,.
- Gomme Ecbenée'effoir fortconfiderable
par fen âge , -6c: '
}>ar le rang qu'il tenait entrelès-Pàeaciens^le
Roy l'ëcouta
avec plaifir, 8c pour fatis-faire
en mefinc temps au&loix:
«le lliofpitaiité ^. M' **àvanta*
•ers Ûlyfle %- le prit -par."W
vain- & le fit afieoir en-la>»
place.- mefme - de Lardamu$.fon
fils r voulant honorer UIy(~- '
éeipar cette prefcrqiçe fi"rcTmkrqiable.^
•
. Auffi»toft' on le fërvir de hmefme
manière que l'oh '-du*roit.fervi-le'ftdy;
- tllylle j>r&-
«Mit kjcoupe-d'&r-^ ne otto*-

.gua-.pàS: d'offrir Je vin à Jbpfe:-
$çr? & de le remercier du foin
.q p*ii. avoit, pris- de luy. Ea
coupe pafla au Roy v_ & de
maitreninain, a tous les Princes',:
'&• aux- Pàeaciens , qui
«ftpient dans-laXale^ ;
f ontenoû? verfoir le. via
dans cette coupe, :& chacun
y &]0it- far couttume • donnoic
quelques Jottanges ' à Jupiter
pxo&e&eiïr; de: tous* ceux'-que
quelques• avantures • avoient
•floignés^de leur patrie.: -
—Le Roy .propofa de : faire
affembler le lendemain- 'k$
plu* confidèrables de la'villepour
délibérer Im ' les. moyens^
.que l'on- donneroit; à xtt'&
tcaeger pQurie faire-, retournet
• àeufeufement. - en . fou-

l> l MQMSUj'LiTfVIX. .;?#>
pais. Car çnfm^4}f°fc}\'ïl\(F
cen'eft qu'ua-mortel y. il çft'
julle de le fecoorir dansl*ér
Jtaignemeàe ,#%.il c ;fe prouve.
-Çe-feroit pne cruauté de Tabandojnper
4 aux • rigueurs de là
.snaûvaifefortune^Si c'eft quelqu'un
des Dieux qui fbit 'descendu
du-- Ciel ^ il eft raifoa.
aable de nous fou venir des*
biens, que nous en avons re-c«us.-;
Vous-vfç?vez-qu'ils^ fr
iont. trouvés aoés- fouyçnt au;
,milieu. de ' nos _ iacrifices y &.
\jjyoe; c'ëft-de ïeur_ proteâàoç-.
'que' oojis' viennent Cabondanu-
^e&iâ-jaix, dont, nop^joiiif^-
~4bns». _ _ -
DlyJfle;tte.pouvaat^as.-£bufr
fbuffrir * Relire, gjis pour: un
Dieu-, répondit auffi-Àrîb au*
JLey ^a&jle&airamures dçA vie

1*4 ^ÔDttsE'k
èftoierit trop fêcheufes pou*
Hé pas fe fouveiiir qu'il eftoit
iiè mortel r fujet aux miferes,
•qu'it n'eftoilP|>omt femblaf-
©le aux Dieux qui' vivèn't
avec tranquillité fur TOlyml
pe,,qu*ïl eftoit un mal-heureufe
Prince, que fon mauvais deftôh
né fe laflbit point de perfecuter.
Il eftbir déjà tard , ' & fciefc
que tout le monde euft une
grande curiofité' d'entendre
mftoire dont 0ïyfïeV ferai.
Bloif leur promettre ïê-ïecïty,
il ne ialfoitpas pourtant l'éx;ppfer
ine fe délalïerpasdéfès
jfktigues.- fl avoit un extrême
©ëfoin' dé màné^r' 6c de fcç-
$ôS^OU*fëJcàbhx ' u •;".'.'::
1 '&d commerï^t XIOûC à fe/

etirer,, .& CFlyCe fe trouva
feul.ave£ le Roy .fie .la Reyne
Mlle avoit .reconnu for luy lei
;fca-bits .que -la PrincefFe avoit
.portés an .Fleuve 9 lik avoit
mm extrême impatience -d?acu
f rendre quelque .chpfê de m
mmtm^ ....
r CJtyCe:-qiji me--.vouloir *pas
lui déplaire f, fe trouvoit
dans un fcaffiSs jrand embarcas
-i Car auffi .d'ailleurs 'A
«ràienoit ^ennuyer laReyne
.en ïuy ..contant toute. .cette
. longue fuite devantures., bon**
^ -nés & mauvaifes .," où il s*é«
* toit trouvé. r Pour là fàris*
. fairedonc,,. fansméfier au plai*
•fir que fa curiofité fe promet*
foit, le dçfagr|ment (fueinu
fortune narration, • -

*. ?I;1 lay dit- en pea de par©.;
les' ^ qu'il -venoit de palierlept":
années '"entières . dans-
Fille, de' Calypfo, "où il- avoir
elle porté par «.une violente
tempefte , dans laquelle les
vaiffeaux & fes compagnons
•avoient péri , que Calypfo
pofledoit tonte cette lïïe^
fans avoir • aucune compagnie
ny d'hommes ny -de Dieux,
qu'il avoit euie bon-heur de
ne luy pas-déplaire., que les
Dieux n J avoient pas approu-
' vé {on retardement en cette
Iflè y qu'il en eftoit' forti
pour leur obeïr, qu'après dix*,
lept jours d'une heureufe na~
vigation f . une horrible tempefte
avoit brifé fon vaiflèau,
.qu'il avoit deffendu a la nage
ila viç cjontre les "flots & lef

^HDMEHE^LIV.YII. i€f
, Cochers , •& 'qu'enfin pair le
fecqurs "favorable .d'une- Divinité
j il eftoit arrivé "fur les
bords (du'Pieuve 4es'P.hë&
cien&
•Mais qu'aurois;jefeit, coft*
tinuë-ril, fur ces bords. Il
falloit périr par les incommodités
du froid •& .de la ferai.
Mais une PrinceCe ou plûcoft.
.une DéefTe , xar elle en
a toute la beauté „ m'a donvédu
fecours .dans cette pref*
fente *occafion.^ Elle eftoit fur
les bords, de ce Fleuve, fit
-.compagnie s'effraya,, eo me
•voyant fortir du "'bois , couvert-
de l!écume de la mer _,
.Brdë branches d'Oliviers. Il
n'y \eut qu'elle, qui ne fé laiC
fa point funprendre d\ine fi k-
•gere craioïe^&^uinjeut.poinf

*6B. & 9 Oinrs3x*a
.jdc mépris pour un .homme*
.qui fe trouvoit .dans le plus
-pitoyable eftat du monde
C'eft -ce que je pois.,, divine
Princefle, vous apprendrepre*
•fentément de moy.
. ' Le 'Roy & la- Reyne comprirent
aifëment qu'il parloit
de la Princefle Naufîcaa leur
Elle. "Ils apprirent avec plaij
:.fir quelle a^oir receu la première
,cet in àurau-, & quelle
l'avoit afEfté genereufement
dans un temps auquel ilaurok
£eri,4ans (on fecours*
. Ma^is le Roy -aurait defîré
-quelle Feuft- fait monter fur
fon Char , & qu'elle feuft
conduit au Chafteauf Tans le
kifler dans un pais inconnu
expofé i rindi&rete curio-
Uté

T> , HOMîR.I,LIV.VII. .-jty
fité des - Pheaciens.
Ulyffe juftifîa û bien
Je procède de la prin_
ceffe , que le Roy ne
Pouvoit affës admirer k
fagefle & l'Eloquence .de
cet étranger.
• Meuft aux Dieux , dL
loit-i que vous euiliez
ma nlle en mariage , avec
autant de richeflès que
vous pouvés en defî?er.

1 7 0 I / O D Y S ^ S E * £ - •
vous retenir ? & une morcelle*
ofe - t'elle prétendre à
vou? engager , vous - qui '
avés préféré les.. peines §c
les fatigues d'un retour dit
fiole aux earefles d*une
suffi belle Nympbe ., .que.
la Divine Calypfb i il faut
contenter vos defîrs , incomparable
inconnu. .Quand vo/
ftre 'pays feroit plus çfloigné
que l'Eubee 5 les- Pheaciens
entendent fi bien la
mer 9 &c ils 'fe fervent de
" navires .fi légères, , que fi
IsTeptune ne stoppçfè pas à
voftre retour, vous revers
rés en peu .de 'temps voftre
patrie. Lors que Rfaa^
.dâmanfe fit le voyage-d'Eu*
'bée', pour voir le mon*
ftrueux Titye fils de la ter,.
re V ils nmmm- m^§

S'HOMZHXJLIV.VIÏ. 171
tant de force qu'ils rentre-
• *ent -dans le • port le. meil
me jour qu*ils en eftoient
partis.
' Ulyflfe ne powoit pas eH
çerer une réponce pins favorable.
Il en rendoit mille
aâions de grâces a Jupitajr.
Je TOUS fopplie ^ du
toit - il , » & fcuverain des
Dieux 3 de me conferver la
protedion de ce généreux
Prince» ~ Comme _ je cooferveray
toute ma vie la reconnoiflànce
, que je fuis
obligé d'avoir pour 'toutes
les nonneftecez que j'en reçois.
Mais la nuit eftant dcja
fort avancée , & le repos
«flanc aeceilaire à Ulyfle,
Hij

17* . ±*-0'Sfstti
foit pour le rétablir de fe*
Joagues foufFraruces ., foiç
pour le préparer à foufter
nir les fatigues de fon.yoyar
ge, la Reyne fe retira, Ôc
le Roy lui fit efperer en
Je quittant , qu'il engage
joit les Ptieapien? , dps le
jour fûivant à le conduire
iur un de leurs vaifleauç
fiiX il luy plairojt.
fin fa fe£&me Livre-

fi'BoMiREi Liv. Yirr. *7j
V
ï
L'ODYSSEE
D'HOMERE.
Mi^MfcMi'MM*—bÊmmmÊf
iUssr-f-ds*- que 1er
jour * parut f -AIçU
nous mena Uiyfle"
fur un" 'vaiifèau , où'
les Pheaciens devoiem.' - s'ak
femblcr f fiiivanr Pordre 1 qu'il
leur en* avort donnée • Mi*-,
aenre^quî- yoVoic queVei

174 -fc'.Obrssi'k
ftoit une ocçafîon de la*
dernière importance f, dai&
laquelle. il s'agtflbk de coiu t
•dure le retour d*Ulyfleyfe ;
dçguifa cp .àerault,^J6C. parlant
aux Pheackns, leur du
foit qu'il eftoit jpfte de fecourlr
un homme, que les
Dieux avoient commis à leur
generolîté- + -qu'il"''y aurok:
•de Fin humanité de n'eftre
pas touchés par la veuë dmtrifte
eftat % où, le naufrage;
Favoit'. réduit r .enfin que,les
Dieux, ou 'luy - mefmereconnoiftfoiefîf
Iç ptàilr ( qui
luy 4eyoit fait., - • ." [ ,* A ; ::
: Elle n'av.oit pas, oublié de
luy donner . ce jour*]! de
certaines manières: cadttttrBu.
bleS , §t je ae içay quoyrdéft
grand y : qti& là -plufpan-

.j
&'HojwrEBJEfLlV.VlII. 175
écs, Pheaciens le prenoient
pour quelqu'un des Dieux :
En effet Alcinoiis obtint de
cette aflfemblée tout ce qu'il
demanda pour Uîyfle. Il n'y
a voit perlbbae qui- ne s'înfeœfïalt.
au' mal-heur d'ira
•étranger , qui eftoit B bien?
lait, & qui parloit avec tant'
de fagefle quïl gâgnoit "' le
%œtir de .tout le monde.- "Sa
prefence engagea les Phea*.
tiens pour; le moins autant"
que la harangue d'Atcinoûs..
Ce Prince leur reprefenta
que fon Palais avoit elle de
tout temps r un azile, d'oii
perfonne n-'eiioic jamais forci
, fans y recevoir la protection
qu'il y eftoit venu
thercher j que c'eftoit une
•bligation naturelle de trai-

«7* I'OOYSSî'E
ter les hommes les plus itiJ.
connus, comme on a coutume
d'en ufer avec ceux que
Ton connoift le plut , puisque
la nature eft également
la mère & des uns, & des
autres % que fans s'informer,.
fi celuy qui leur demandoit
du fecours v> venoit d'Orient,
©u d'Occident r il eftoit jtu
ne de ne le refufer pas }.enfin
que pour ce qui eft de
luy il alloit paflèr la journée
à luy donner une fefte,
à laquelle il invitoit tous
ceux qui voudraient contribuer
à l'honneur qu'il eft
neceiTàire de rendre aux
étrangers..
©n applaudit, généralement
à la. harangue du ge*
nereux Alcinotis. On chqj.

tfHbMKri, tiv. VIII. tyj
fit cinquante jeunes homflies,
pour monter fiir unf
vâifleàu, qui fut* détonné
pou* le voyagé. On fe pre->
pâra'auffi-toft -, & par l'ëmi
pfeiTemèntqlieles uns avoientf
a eflever les mats\ lès autres
à" attacher les rames; •
©éuxc-cy-à charger lès provifiohs
• cêox-ià a tendre*
tes voiles ,' en flémoignoie
«ne ardeur extraordinaire de
s'acquitter dès devoirs - det
i'Iioipitalirë, -
- Cependant on retourna?
au Palais , ou Ton avoir préparé:
tout ce qui - peut» renJ
are un repas-des plus nia*
gmfiques. On y avoit Démo- ;
docus cet excélleat; Jbtiêur ,
d'inftruments . CeftoktmaJ- /
weugle,mais qui avoit tant d'au-» •
H v

178 -^Opjs&^B,
très advantages x qu'il n'ayolt •
pas fujet, d'çftre -mal-content
dç la Battre. Il cha^u*
ta _ durait le .-rep^s les^ ftjr$-?
tagemes. des s ' Grecs. a^ lîege
de Troye. H'n'y avoir rien*
de plus charmant:-que'-font*
cîiant. Ji contippa-, par «et
récit d'une.- querçlk.-'. encrç;
Ùlyflè , & Achille i; • Aga-,.
menmon eftoit; .meflé; dans
cette .querçlle- ,, car -il' fç;
plçifqic . a ^vo|r_ la . divifîpji*
entre les Princes de.fonar-.
mée , & au. Heu d'appaiferles-
conteftationç, Jl^'auroifc
foit par -leur moyen?,'&• ferendolt;
necelïaire à FM. "Je;
à l'autre party.. . : . • •>

D'HOMEKE^LIV. VTIL. IJf
comtraignift fa douleur, Se
qu'il cacliaft les larmes,que
le fujët des chanfons de De*
modocus avoit • attirées de
fes yeux-- , Àlcinoîls s'en aperçait'
r 8e jugeant bien quecet
étranger s'incereflbit au»
mal-heurs-.'de? Grecs , il detourai
lfc coifrerfatiôir r &*
if propDfa-aux-Plïeaciens lei
jeux de la lime r de la dan:_
fe, de la courfe.f.du palet;
Î mm montrer fl difqir. il, à
'ïlluflre- inconnu , qu'il n'y;
avoit . pointvd'exercices" o4l'ba
'ne puft- faire- paroiftre
une adreffe particulière..
Oh le (uivit â' ce' nouveau
fpedacle v 0cyaler Éiatrée>
Ârchialus ^ Thion v Euryale,
Eardamats & cent autres fuient
de toutes ces parties.
Hvj.

180 L'ODTSSZ'S
©fa commença par le jeur
de la courfe. Dés que la*
Barrière fut ouverte., ,on les <
vit plâtoft voler que. courir "
dans la lice.,. Mais: Clitonée-,
lès devança tous,, & il étok
déjg. arrivé», au terme,. f
qpe les autres eftoient. en. -
core dans la. poudre- de la.
carrière»:.
Ees Àtfiîlètes'- parafent':
enfuite.: pour combatre. ' Ilsfk
cplletoiens fur le., fable,,.
& celuy qui., foûtehok ' le*»
efforts de. tous les aiflàiLiants,.
lins eftre abbacu,.
ttmportoit. le prix» de cet""
exercice. Ce- fut -Euryale-
411t. terrafla tous les. Aude*
tes-, qui l'attaquèrent.".

ifHbMEnijLiVâVlir • jSi f
, 'Àmphiafâs'; remporta lé'
ptix de. Ja^ cfanfe $ & ceuxou
combat*, à • coups - de
Bping, &. du* pjdet fuirent
donnes au vaillant/
Elathrée.. UlyfTe ne pjrenoiiaucun
çjaifir à" 'tous ces s
jçux^ , qui- ne ' fervoient que-'
de retardement à-'£ès..defîrs.^
Mais Oé eft-^ccmtKÛrie^ dçr;
- s'accommoder, "au '^Tcmfs^
Se de différer ce^quT""^aiftJ
le plus, quand on fçait bien-
que la précipitation eft inu-*
Ole.." ' " ' ~~'" r
_ Gomme. l'Eonneffeté" dé-::
mandoit qye Vx>n, priait- O* \
lyfè-d'entrer-dans quelqu'une
ce xes exercices, Lardamàs -
un des - fils. d'Àlcfnou* s*ap-.groch&t
de- luy;,. ~fit luy, pre»-
j

fenta le deffy. Il . n f y eur •
rien, de plus %>nnefte que*
fon compliment. Si vos manières
v dic.il , ne nous affâroient
qu J il n'y a aucun*
de ces exercices où vous ne*
jtuiffiés acquérir 4e la gloire,
on ne vous prierait pas devous
y expôfer. Touc inconnu
que' vous fbyez r il nous,
eft impoffible de voir voftre'taille,.
&. je ne fçay quoy.de
. grand en toute voftreperfonne,.
fans eftre per~
fuadés; que vous pouvésentreprendre
de nous vaincre t,
& qu'il n f y" aura- point de:
Monte aux Pheaciens de ce- .
âet la vidoire à. un étranger
comme vous.. •
Ulyflè receut cette civilîce
du.-Prince avec tous les*

témoignages de féconnoîiP
lance _ qu'il * ley dévoie.. Mais •
^Fèftar oà.. je ftwsJ dit-il-v neme
• • permet -gutfres* d*afpirer -
à* la- gloire v que.* VQ»S trie.-
-laites l'honneur de.-, m'ôffiïr;
le ne • penle qu*â -mon : retour..
C'eft'. â:voa^qui-elles • dans le*
#epos?l de retire ' voftre. vie- •
«ricore plus'- agréable- 'par
ces divertiflemens. .Pour' moyf %
Prince,,qui- fuis -un- homme*"
errant dans le> monde y.qu'ày -
je à< faire: • fihon.' 4 ; 'defirerd'eftre
au- plôtoft;" dans- la*
niefme trànqéillitév dWnt jeudis
que vous- jbfiiffôs dans»
cetheurciix- : -Royauttîei • ? :
luryale %.- celuy mefmequî'
*foit remporté'le prit dela
Lutte donna un faux- -
feus, à cette réponfç d*U:

lfyf&i. i* trouta mauvais 1er
refus f qu'il faMbft, & com—
sAe.fi-le Priace en avoicefté :
offenfé, il eafift une quereUl^i-OIyCe,
' ; Il faut bienluy ,dit fl,que vôu**
«tefoyezpas tel que vous pa^
rôiflcs. ' 'Au- lien- de , vousplaindre
de- voftjfe deftkt^
tt'eftes--vous 'pas e "trop: bm^
reux- d'eire- dans- un- paysoù
vous-n'ayez rien demandé
que fous tfayez-obfe-~
nu. t , âUegr^lfc"-puWicpe;$c."
les Jeu*que:vous, voyez : fône*
pour vous- faire- •-honneur ^
le- Prince-, luy^mépe. fopsoffre
un'-rang entre les-pre.
tnj&rs-'det- -Phegciens.- Pour*
peu que* l"6aayjc : appris" â : -
iFÎvre, on f^ait , mieux en*
«fer- 4 que vous n'ayez • fait;.

S'HOMBREJ-IVIVIIT. I*5'
Pour moy je me- détrompede
ce que- l'on, a- cru- d'à- '
Bord.
Cet Athlète- pouflët plas"
loin fa brutalité. • Il • traitta-'
OiyfTe d'Ecrivain de vaiffeau,*
ou-tout au plus de- Secrétaire,,
qui fe fervoit de Ta*
vautage- de-fa fïneflc,. pour'
réuffir dans - le. projet qu'il-.
avoit • fëir d'obtenir d'en*
commander" un •& de faim*
quelques brigandages fur lar»
mer-
• Ulyfle fit féntir -â" cet* inf
folent par la manière mépris
faute, dont il le regarda ^
ce.qp'il auroit deu craindre-:
de • ion reCentiment r fi fes
mains. n'avoit efté liées pac/
le refped-qu'il devait a%i

Roy. Au refte l'A&ion d'Eu*
ryale fut defapprouvée de
tout le monde. C'eft, difoiten,
violer le droit des gens,,
que d'infulter à un inconnu,
& de le traiter en termes
outrageants. Quand il
ii ne fçauroit pas nos exercices,
en merite-t'il moins de
1 gloire. Sont-ils pas difFerens
^ en chaque pays. Ce que le*
V uns eftiment, les autres le mégrifént-iis
pas fouvent. Apresx
le~travail,quecét étranger*
fouffert,, après avoir reliM
à latempefte, & avoir dompté
la mer, efUl befoin de
l'éxpofer à des exercices violents,
au lieu de le laiiTer
en repos, afin qu'ilfe prépare
aux, nouvelles fatigues,,
qu'il aura à foûtenir durant
ion retour*. Enfla Minetve

»TFT6MEKi,Or.VIII. i%j
à*oit tellement rourné tous
tes Kieaciens, qu'il n'y avait
perfonne qui ne trouvât fore
mauvais llnfulte qu'Euriale
avoit .faite à leur hotte.
Cependant Vlyflê ne voulait
pas jouir plus long-temps

fôn- bras, il jette ce pai
1er fi haut & fi loin;,
qu'il alla choir- bien aûdeli
de tous ceux, qui avoient
ôfté jettes auparavant. L'ef:
fort même avec lequel il 1«
lança dans l'air, fut fi extraordinaire
que les Pheaciens
furent furpris du bruit;
qui en retentit, & que chacun
fut faiCt- de je ne fçay
quelle crainte , comme fi
Aon devoit eilre accablé de
ce coup.*
Perfbjone n'entreprît de
poufler plus loin un pàler.Euryalé
mefine fut furpris d'un*
coup» de cette force, que
l ? on ne devoir pas attendre
d'un homme qju fortoit dw
naufrage.

ï5 l Ht>Miiiiïlïv;VIII. ity
Mais (Jlyfle fl'abufà point
-.«te j kt gloire qu'il avoir ac
.quife. 11 eftoit «trop -fàge de.
perdre * fes affaires par -le
•contre-temps d'une fotte vanité.
Il offrit -à combattre
.des poingsf :ou à la lutte*
.mais il fit de grandes excep-
; fions , pour ne pas engager
aucun combat avec les Pria. .
ces -fils .d'Alcinous. Il craignoit
t que l'envie, -ou h jaloufie
ne-les xhangeaft à fou
égard, & il eftoit dans un
eftat où leur amitié iuy é-
«oit -plus neceflaire que la
tgloire de .remporter le prix
rde ces exercices.
Ainfi fans offencet ' les -
f%eaciens par une vaine '
oftentation, il dégagea fealement
foa tienneûr dei s >^
5

Julie foubcon, dont Eurya-
•le avoit elle le téméraire auteur,
& il -combatit moins
pour -vaincre % que pour
monftrer qu'il n'eftoit pas
indigne de Teftime d'AIdU
nous. " - N
Ce Prince .admiroit la fagefle
dTJlyCe^qei avoit démette
L'embarras, que l'imprudence
d'Euryale k*y avoit.
fait v de forte que fbn ad?
refle & fon, courage avaient
paru aux yeux- de tout Iç
inonde, fans s'attirer'L'envie
de perfonne
Âpres donc' que le Roy
Juy eut donné àc ° grandes
louanges t & que ces exercices
furent., finis , comme
on vouloit faire voir à Dlyf-

%y% • L'OD-YSSE'B
fa voix , & Il -chantôit alors
les amours .de Mars .&c de
Venus.
11 n'oublia pas l'artifice
dont Vulcain fe fervit pour
découvrir les faveurs, que !
Venus accordoit à fon amant.
Il mefloit dans fa chanfbn
tous les évenemens les plus
particuliers -de -cette %iftoire.
Apollon *y -eftok en intelligence
avec Vulcain , pour
le vanger de Mars. Les
Dieux accouraient pour fe
rire du piège , dans lequel
il eftoit tombe. Venus al»
loit le cacher en Gypre.'
En tta mot , fi Neptune
ne fe fuft interefle pour le
Dieu de la guerre % Vuloin
.dont ' tout l'Olympe
¥oy^k Je deplaifir-, -auroit
jporté.

forte plus loin -fon reiïên~
timent--
-" "Comme :1e-' chant -donnoit
beaucoup de " grâce -à ftijet
y qui' '--d'ailleurs eftoit
alTés capable de ^plaire , il y
avoit. une j joye- commuée
•dans "toute l'aflenïblcè. Ulyf-
Fe .mefme y le ' fage, 'Ulyiïe,
qui .ne s'occupoit que de la
j>aflîon 'de révoir fon Ifle
"cTItaque^ eftoit charmé d'eiau
tendre r>emodocasL. • '' ' *
'"Le 'Roy voulant entretenir
" le • plaifir _ qu'il avoir par
la varieré des païTe-temps}
•car"il fçavolt que l'on--s'en*
nuye de tout, commanda'a,
'Hali & â Lar damas, de danfer
une. nouvelle

ils ' firent pa«>Iftre 'tant -.de
juftefTe % & de bonne.grace#
qu'Ulyffe qui voyoit que
û Roy s*cn jaifoit Jbanaetir,
oe manqua pas de leujf
donner de grandes louanges.
. Non , 'ditil # il n'eft"
pas poffible dé voir- mieux
danfèr, il n*y a ïim de pkp
ayfè f de plus libre -^de plus
dégagé 5 En -effetf Ceslçiian*»
ges datèrent fi fort Alcinogs,
qu'il awnmança. à .ctire aux
Pbeaciens. qu'il eftdt temps,
de penfer t félon la- coâtu*.
me, à donner des prefent?
à leur Hofte f que Eon n'en
pouvoit pas faire unimoiru
dre que. d'usé vcfte &::d'ua
talent d J or 9 qu'il • en doncerait-
. f exemple" '&* qu'il
jcotnmencefok le premier |

^THoipitalité.
Eurple entra dans le ïen*
^timçnt du Roy,4 il -voyoit
.tien que é'eftoit faire fa
cour , que de reparer am
ïpluftoft ^incivilité, qu'il avoit
commife^ contre un hom-
:me%, que le Roy bonoroit
'«d'une protedion û particulière.
Ainfi fans retarder ua
-moment., -il s'avance vers
CFlyCe , & luy fait préféra:
-

que pour fe donner fûn 1
l'autre de plus grands tcipoignages
d'une yeritabje
amitiés
Comme la nuit s'appro-'
choit, on retourna au Pa~"
lais., pour, le feftin magnifique
que la Reyne donnoic
A l'Inconnu , chacun luy apporta
de fi riches prefens
en veftes, en or , en argent
& en raretés, ou .curiofitds
con-fiderables , que jamais ou
n'avoit veu une plus grande
jprofuiïon,
La Reyne commanda d*enfejrmer
toutes ces richeCes,
& de les mettre en eftat
d*eftre portées feurement
fur le vaifTeau, qutJlyffe de*
ypit monter,. Il lesiipitluy*

D*HoME&E,LiV'.VIII. r?7
ftîefme avec des nœuds,
dont il avoit appris autrefois
Je fecret par Circéf & fe
' voyant bien-toft au moment
de fon retour, il avoit une •'
Joye^ qui J e -.. rcndoit" agréa-,_/.
ble à tout fe monde,' & qui /
acc&mpâgnoit fort à propos
les remerciemens qu'il eftoit
oblige de faire aux uns &
aux autres; _
Il n'avoit point encore
veu la Princefle Naufîcaa^
depuis qu'il eftoit' arrivé à ;
Scberie. Il eftoit preft d'en. "
trer dans la- Salle du fefttnf.
lors que cette belle Princeffe-Iiiy
dit en paffant qu'elle 1
efperoit bien qu'il fe fouviendrait
d'elle-, -lots qu'il'
ferait arrivé dans fon Pays f
le qu'il conteroit plus-d'une

i.
lj$ t'QDTS.Sl'B
' fois à fcs amis qu'elle avoir
eftd la première, qui l'avoir
teceu dans le pays des Phea»ciens*.
^ Ulyfle.Juy fit de grandes*
f proteftations de la haute
/ eftime qu'il Éaifoit de &
v/ generofité- & de la parfais
/ ' te recoonoiflance des plai^
firs qu'il avoit reçeus delle^
v Otty, dit-il ? belle Princefle^
*) Je vous dois ma vie .6c ma-.
/ bonne fortune ^ je veux vous»
/ témoigner • le reflentiment
V que jeu ay^mais il eft trop
; grand pour l'exprimer dans*
/ ce moment, tout favorable
" qull peut eilre. Mais f ay.
mabie Déefle? je f exprime.
ray ce reflentiment, 'mes pa*
: rôles-ne le peuvent,, mes ao.
• tions & ma conduite e^fer

B'HOMER.ïJLIV.VIII. 19$
jfont de plus fidelles preuves.
Puis que je ne vis au- '
jourd'huy que par. vous ,
dois-je vivre pour une autre
perfonne,. que pout „VQUS~
même.
la Princeflfè fut obligée '
de Ce retirer, fort contente
du difcours d*Ulyflè. Alcitïoiis
le fit affeoir prés de
luy, dés qu'il fut entré dans
h. folle,.' oà on avoit fervy,
II y avoit une grande profufion
de viandes. Le Roy
continuant fes foins obligeons
pour UlyfTe luy fer,
voit des mets les plus délicats
que l'on prefentoit,
UlyfTe qui avoit reconnu
a ue le R,oy aymoit le mu.
. cien Demodocus, pour fîa-
I iiij

aeo I'ODYS S i^ter
la paflîon; de ' ce Prince^
prerioit à fort tour foin de
fou rauficien. On ne luy fervoie
rien de délicat> dontit
n'en envoyait à Demodocus,
lequel de Ton coilé tfaifoit
mille remerciemens à un.
fi généreux Effranger.. ;
Mais h compbifance d'U'lyffe
luy coufta bien des-, larmes,
il crut 'faire ;plaifir «an
Prince d'engager le charmant
Demodocusà. chanter quelques
airs.. En effet il en chanta
, mais le fujet eftoit pris -
des dernières avantures des
Grecs an'SiegedeTïpye^ •.'
Il recitoif comment^ une:
partie des - Grecs s'eftoià enfermée
par le _ confeii ; d*U-%
tyfïr dans un cheval de boisk

D t HoMEU>Liv;Vlir.' lot-"
les différents- ' advis des
Tfroyens, lors que les-Grecs
ayant fait une feinte d'abandonner
le fîege, cette machine
tomba en leur' puiflànce
avec le camp des Grecst.
qui s'éftoieor retirés j enflai _
comment' ' les Troyens • ayant:
fait entrer "ce "cheval dans*
leur ville, les- Grecs en-dé-cendirent
durant la- nuit,.
qui fe-fc faifirenr des portes
delà ville,, qu'ils commencèrent.
L réduire- en ceo-dresi
Ulyfle ne- pouvoir entendre
ce récit fans en eft retouché.-,
il contraigodk .fa;
douleur,..il- retenoit .fcsv larmes
. mais Àlcinoiis remar-
.gjia: nue', féconde fois la.

102 L f O*EDYSS! , l
contrainte f où il eftoit, &:
F agitation extraordinaire dé
fon vifage.
Comme il avolt tous les/
'égards poffibles pour luyf.
& que par la plus grande lion*
netteté du monde il vouloir
le ménager, il fit ceïïer Deroodocus.
C'eft afles, dit-il,.
fouvent les plus belles cho»
fts deviennent delàgreables f,
quand elles font trop longues.
Mais enfin avant que -de
fe fcparerne peut-on pas apprendre,
de vous, continuecil
j'addrefànt à Ulyfiè,
qui vous eftes, quel -cft le
lieu de .voftre hoitfancef
quels peupla y- habitent %-

D'HôMmx,I£v.-VIII. îo}
peut-on demander, 's'ils ont
quelque connoiïïànce , des"
Dieux, s'ils fe gouvernent
par des loix établies entre
eux,,quels Arts ils connoiffenc
le mieux* Pour nous la Navigation
nous plaift. Les
Pneaciens y font fi habile^
que vNej>cune Vefr jpltiht
quelquefois dfe- Devoir Jttn^is
veu périr un. de leurs
Navires. Jay bien reconnu
que le récit de Troye vous
a touché. Vous -y avés f pris
trop de part four n'y avoir
pas quelque intereft fort particulier.
Ne faites--point- de
difficulté de nous raconter
mutes vos avantures,. puis
que vous devés eftre perïuadé
que vous eftes avec
des gens,., qui ne défirent
Iv J. "

que de vous donner .des té»*
Bioignages. de .leuc. ami^
tié. . ....-.'. f :.:- -
)
#».

&'FïoME!iE;LmIX; lof;
L'ODYSSEE'-..
D'HOMERE;
• " i l . ; i- 3
LPV&E ix;
O u i B'Z-- VOUS-'
grand- PHnce^réi'
pondit •' Utyfle,-"'
que ' je trouble*
par le ' -récit de :
mes 'malheurs, la joye de
toute cette affemblée-. Ne*
jftroic-.ee pas urne- choie*'

f ïm • agréable ; d'entendre
.cHkttttr Deritôdociis,' qtied'apprendre
de môy. 'les pW
«fiées & les plus faeheùfés*
avantures r qui foient jamaisarrivées..-Le
feui fouvenir
m'en effraye & au. lieu dela.
joyer que yoftre ,f re{en~
ce me donnç, j-e fen$ une-'
«riftefle qui?, m'accable r& je*
crains bien'- de changer fal—
.-legrefle de ce fcftin en gemiflemens,..
& en larmes. Car
enfin vom voyez rkomme
du monde r que les Dieu»
©nt,le plus-eproq?c. par ton-:
tes fortes de. périls.. Maispuifque
vous attendez/ de,
inoy^ quç je. vous conte
toutes iç€$ ^chpfes', je ne
dois pas 'vo»s ,f^Mét,Jl dfc ; -
vray qu'il, y a. un fi . grand-.
nçmbse de. xmwmmÀ. ?00$ ;

s 9 HoMEisf,£rcnC a»T
'dire que je ne fç^y# pas*
Sien par lefqpelles Je dois*
commencer.*
Pour ce qui eft de mon*
nom , je fuis -bien atfè devous
l'apprendre,. pour von$prier'
de vous-, fouvenir- • demoy
f,pulfq«e je ne petdray.jamais
Fèfttme que je dois*
à- la généralité; des Phea*
ciens. Je fuis cet Ulyfle».
fils* de JLaerte f qui ay quel-"
que réputation dans le mon-de
, par les chofes qui font,
arrivées , au liège & à- la
prife de Troye : Ithaque
eft mon .pays f cette Me fi
charmante & dont le mont
Nerite eft une partie fort"
confiderable. Elle eft eiv
vironnée de Dulkhium, de
Samos f le 4k Zacynthev"

soft. tf'O'ïiYSS'tfb:
qui; font auflL des Mes fbrD
agreaBles, y mais oomne:
Ithaque a beaucoup de .-montagnes,,
elle ett plus élevée^
& fon terroir ' eft auffi. plus
fertile. Elle eft- expofée au* •
Couchant, &L cette fituatioiv
la rend plus tempérée que*
les autresv qui font'bradées t
• par les chaleurs, du* midi»;
CeftUàque }îay une extrê-*
me paffioni d'eftre au plutoft.,.en
ayant efté éloigné,*
il «y, a prés.de vingt années.
Jpay. paCé- la. plus grande.
artie de ce temps-là dans;
Ê
is ifles. des-deux' Nymphes*
Çalvpfo , & Circé. Si les-
^plaifîrs avoient pu me:
/v feire perdre l'amour natiu
7 rd que l'on/a pour fa Patrie
, il y a' long - tempsgiilthaqwe
me Ëmitr un:

pays indiffèrent. Mais ceci
te paJËon ne fè " pert jamais..
CefT 1%' plus "forte
: & la- plus confiante de toutes
les inclinations rles autres-
ifbnt que de certains
temps favorables r pour en«
traîner Je cœur. Cellexy
'en eft toujours la mai--
•ftrefle., : .
*• Mais pour : reprendre unpeu
de plus loin- mes différents
voyages ^ je vous,
diray ?qu'àu partir de Troye^
fefperois un retour te'-plus
favorable du monde. Le vent:
éftoit- bon r & j'abôrdayfeien-toft
au- port* des Cico-
Hiens', prés de- Jar Ville
'é'Ifmat e. Mais " il y -fellut
combattre , da' Ville fut
grife r- & pillée,, le butiil

fût partagé entre les Capv
faines , Se fans m'arrefter
vainement" en ce port, je
1s faire au* Grecs qui me
fuivoient , une prompte rer
traite fur nos vaifeaux*
Ceu* qui n'obéirent paf
afles exadement à - mon or* '
dre en furent punis- auffi-'
coIL tes Ciconiens ^de la
ferre- ferme s-aïFem'Merenr
m G. grand- nombre , que-"
Bon* croiroii qu'il n'y a pat*
lus^ de feuilles ;. ny de.
S
eurs au- printemps ,. qult
y avait 4e gens dans kur$>
troupes.,, 1s accoururent:
fu& le rivage^ ( Tout ce qui^
fb trouva' hors-'des vailleaujf
ait tué r ou pris, Comme
Mis nous 'furprkent dés le*
rand matin , nous- eômef*
; fo#tenk,de radçs agGitt«S|
f

B^HoMiRi^Liir.IX. m
avant que de pouvoir nour
mettre en mer. Ce peuple
eft accoutumé' - à la guerre.
La Cavalerie y- eft bon^
ne , ils defcendenç de Che*.
val, lors que foccafion If
demande y & alors on' n*a^
jamais vea rien de plus, ferme
, pour, repouflèr. Vea-nemi,
ny de plus vigoureuxpour
l'attaquer. Ils tuèrent"
for chacun de nos bordsdouze
de nos camarades,^
9t là deffaitte auroir efte
plus grande * fi après que*
BOUS eûmes foutent 'toute:
la journée plufièura diffëaents
aflàuts ,. la nuit:, ne*
les avoit obligés de fe retirer..
Je fis rendre lès derniers
de?oux à. ceux qui- araienç

ïtt L r 0D!SS : E'E'
péri- dans cette- rencontre.
Je les appellay trois
fois félon la coâtume., les
uns après les- 'autres , -&
je plaignis leur mai - heur
de périr amii dans une
©ccafîon de peu d'éclat,
après avoir) échappé de tant
de- dangers confiderables au
lége fameux de la' fùper^
fee Troye;. -
Cependant j'eftbis déjà:
afles avancé, en mer , lors
que Jupiter fit élever ' un
vent terrible i: le- temps
cftoit gros , la mer s'irrifcoit
,. les nuages eftoient
épais, fobfcurité de h 'nuit
augmentoit la frayeur • publique..
Le jour ne ramena
fe lumière, que pour nous
découvrir tous les préfages. t

tfHoMEU, LIT. IX. 113
'd'une funefte tempefte, La
force des coups de vent
avoit abbam quelques -uns
de nos mats. II y avoit
un 'extrême danger de périr.
On prît le parti d^
relafcher vers une cofte
dont jie n'eftois pas jdXou
gné.
Apres'deux jours 8c deux
nuits que dura cette tem-
{ lefte , l'Aurore parut fi beL
e le xroifiérae jour , que
.«os craintes fe - xlil&perenfc,
JL/air eftoit ferain $ la mer
s'eftoit abbaiffée .5 & ' de
tous les yents qui a voient
efté fi violents , il.n'en eftoit
jefté qu'un f mais fort apj)aifé
5 .& qui ri'avoit retenu
de force 3 qu'autant qu'il
nous en felloit, pour, pftjrc

iï4 • N I , ODISVE ,, «
t>ien-toft en Ithaque. Non*
!»ous ranifmes donc aufli-
€oft en mer ^ -on mit les
•voiles j .& on- commença à
courir plus heureufement
.que -nous n'ofions avoir
«opère. Mais le vent fc
changea. #. il devint fort &
contraire. 11 BOUS repoufle
irers le Cap. de Malée î
M 'là nos vaifTeaux fc trouvant
fur des courants dan-'
;^ereux _f il rfy avoit plu«
«nul moyen • de , les gouverner.
"Le vent* & ces tpr-
•rents les détournoient d'un
cofté •& d'un autre. Nous
iCnrâmes ainfi, nous éloignant
toujours de plus en plus
dltaque. \li y avoit déjà-
•neuf -jours que nous eftions
.abandonnés au gré de ces
«rajgues# & .du' venir # lors

S>'Ho.ME]LB)LlV.lX. *lf.
^qu'enfin il fallut prendre
ferrç.
* Après un peu de repos;
j'envoyay pour fçavoit des
"nouvelles. Car ". nous ne
pouvions pas fçavoit -fur
quels rivages nous -allions,

ilas agréable. Ils ne fe
fbuviennent plus de leurs
"^parents ny de leurs amis.
Us ne peuvent fe deffendre
contre « les délices de
,'ce fruit. Je fus oblige d'en-
. lever, d'entre ces 'peuples s*
ceux qui -.eftoient allés découvrir
.le pays. . Ils s'en
trouvaient u ,'bieh qu'il fallut
_ ufer de violence , pour
-Jes faire rentrer dans ks
.ya^iTeaux.'., f , ..:.' ..' .' , 1
:
T \ . l i •; - , - • • : • • • J
Je .craignis pour les autres
les ' charmes & les enchantements
de ce fruit 9 &
je donnay ordre . d'aller au
plûtoft " en ' mer." La Joye #
que Fefperance d'un prompt
retour avoit donnée s'eftoit
jehangée dans une • trifteJTe
générale. 11 fallut encore
- * - - relâcher

D'HOMèRE, Liv. IX. «7
relâcher à I'Ifle des Cyclo-
es , peuples iàrfc iiumanité,
;ns juftice , & fans pieté.
f
Us jouïflent pourtant d'un
des meilleurs pays du monde.
Us ne fement ny ne
cultivent leurs 'terres. Cependant
elles leur* donnent
4a blé,

«î ' L'ODYSSéE "
:Du,port, où nous entraînes
^ on vbyôit un ftombrt
infini de cnëyfeS/faaHràgès;
qui' paiflbieifc * : dâïis' itric
agréable prairie.. ,..T ô ' ufc Y ' e ft
idans "une .grande _ liberté,
les chafleiirs né '^àrëÉTeni
point tà\ leurs : p|ègï$ dans
les. forêflk ' Les^Cycîopés
contents des troupeaux 'qu'ils
pôflècLent » ne fçâvent point
J'art de tendre des "'rhéts,
pour .acquérir ce ^ qu'ils n'ont
pas. La ' navigation ' leur
eft inconnue. Le défît de
profiter des. richeflès d'aujrruyne
le$ fait ^ point 'for*
'tir de 'leur patrie./ Ils 'font
'dans'le plus fertile /tertoir
du monde. §i n'eftatft point
cultivé ott en #tire. 'tùût
ce qui éft nëèeflairé'm la
wie^que fisroitcçfr>iB^Pfl e»

D'HOMèRE, LivilX. n^
«voit quelque foin ? Les
anoiflons y feroienc abom
dantes., la vendange y fei
roit pleine. On y/jouïroie
-«e trop 4e tiens.
• Xe port e& commode,
fl neft point neceflaire d'y
jetter les anchres yks Tai£
féaux y font en feureté.
Mais poHr ,en fortir • y
faut attendre un vent 'qui
reporte les vaifleaux à la
•mer„ ,oà fe ferVir> 4e xa
ânes.
Nous mouillâmes en ce
Jieu par un ,pur hasard,
il eftoit nuit. La -lune ne
auifoit point , les. ténèbres
cachoient toutes chofes
•Perfonne n*avoit découvert
«ette Ifle, on ne s W

m® L'ODYSSéE , -
cevoit pas mefme que fo»
devoit élire prés de H .ter-.
re> ,.'-bien que- les .vaguer
s'clevaffent , pour aller s\é-tendre
* 6c le perdre fur le
rivage. Cependant on ne
fut pa* plûtoft . arrivé que
Ton ployé les voiler. ' Ou
attçndoit. avec impatience
h jour j .pour fçavoit a
iquçlles coftes ,00 ' ayoiç '
jabprdé.
Dés qull parut + ©ou$
fumes ravis de voir un
payfage fi charmant. Nous
defceadiimes ' à terre ^ 'où
tout eftoit plein de chaflfe
Il y en ..feut pour • {pus les
«raifleanx. . Qn em vefcut
jcout. le-- jour avec le vin
qu!on ayoit apporté dlf.
Jîiar.ç., c Ot e»tei)doit le j?twjs

'ft'HélKSHB, LlV. IX*. ftï
•tfe quelques ~Cyclopef,' qui'
demeuraient fur cette coite;
On voyoif la fijtnée de queli.
ques-unes de leurs Cabanes^
mais il- eitait trop tard pour
s'avancer plus loiw. On retourna
a la flotte. Et le
fommeil y fit cefîer durant
-le refte de la nuit ,- rembarras
'& l'agitation des«
-matelots - •
• Dés qu'il' fut' JoUr je'
thoiiis les plus"vaIllanshomrmes
de mon ¥aifleau % _&
ayant donné* ordre de m*âttendre
, je* promis de* recoure
Ber , auflî-toft qttc j'aurois
appris quels peuples Mbii
toienC une Iflé, qui nous
parôiCoic'fî belle & fi ni
«àe.. - " " i

1» L , "0"DYSSB%' ..
Je .defceadis à terre r ^
après avoir avancé 'dans uHf;
longue forait de kurier%,
je trouve une caverne d'une
largeur eftonnante. JJf
trouvay un • grand nombrf
de moutons ^ de b&ufv
& de; chèvres , qui repo^foienr.
Vis-â-vis de cette
caverne s'élevoit une vafte
Cabane , baftie de pierre de
taille, le toit eftoit foûtenu
par des arbres d'une
hauteur c^oraordinaire.
Nous ne trouvâmes pef^
fbnne, dans • la caverve ' ny
dans "la cabane. Le . Cy*
clope eftoit aux champs ^
où il_ avoit mené- paiftre
fes ' troupeaux. Toute : fa.
caverne eftoit' dans fut
ordre que nous, admirions^

Les agqeaux fepatés dtjpi
çoft^', les .cfcevreaux' d'api
aptre t ceux " qui * ne fai- •
foient que de naiftre eftoiei^t
encore £epatc$< des plus
fores i au refte tout le-meu-
Me de fon ménage n r e£toit'
pas moins bien rangé. On
voyoit M .de grands pots
à conferver le lait, ici des
paniers dç jonc , dans le£
-quels il faiioit dçs fromages.
." " _ \
Il n'y a voit aucuif -de
mz: -fiûte.', qui n'aymafl:
fnieu^ -fortir de là , §c rejoindre
ai): pjûtoft les vaiL
îçaux * que df s'arrefter.
Ils vouloient emporter une
•proyii|oa • de • •. frpmaga Sf
•«mmçgçr quelques •moutons»,
le", fe-retirer* £t pleuft ap

«4 r'ODYSSB'ï:
Ciel, que j'euHe accepta -ce
parti. Mais je ne vouloir
pas fbrtir de ce pats r fans,
voir ce Cyclope..
Nous mangeâmes dans ;f|
caverne en l'attendant; 'Nous
avions apporté du- vin , que
nous avions pris chés ms
Ciconiens, à la prife dfe là
Ville dlfmare. Un Preftre
d'Apollon nfén avoir fait
i >refe»t 9 pour reconnoiftre
a protedion que . je . luy&
avois donnée; Lors quej'eus
pris . la.'-Ville-,. & que
les foldats y pafoienr am
Il de répée tous les àaBitans
, je luy " avois. fauve la
. vie , & à la femme x Se à.
fit £lle. Comme il defiroiï:
me témoigner le îfeCentimette
du plaifîr' que je luy-avois»

fak\ il-me' fit" apporter donxe
bouteilles d*une liqueur
la, plus- excellente- qui ayt*
jamais* elle',, il le# avoitf:
gardées luy-- môme r fànf*
vouloir en : donner le- foi».
à- au€»n\ de les- fervitenrs^
- Nous* ..mangions 'dès' fi-a-itiàgesr-
du- Gyclope ,- to-
Beu?ionS' de- ce vin ,- lorsr
qu'enfin. il' arriva , rainer'
nant' une grande partie de:
fe& -troupeaux*.
Je- fbs effrayé Y je *vwis^
l^voite r en lé voyanr,,
cfêftok" un vafte- .corps ,.
comme celiiy d'une mon^
- tagne. Il 1 n'y eut' jamaisi»
motfftre plus épouven-cible.
11 portoit. fur fes*
épaules- une-charge de bds

s*6 * L'ODY'SSE*^ .
fec y apparemment pour le
feu de Ion fbuper. Le bruit
qu'il' fit,; en le .jetcant à
• terre , à rentrée $e h caverne
r retentit fi fort t>
que tous mes compagnons,,
iiifis de je ne fçay qu'elle.crainte
, s'écartèrent pour
fc cacher en différents endroits
de cette terrible de*meure..
. Il. .{ait entrer toutes lès*brebis
& • toutes- les chèvres-'
pour en tirer- le kit , &.
H laifle dehors- tous les mâles.
Il ferme' enfin là caverne
f pouflapt une roche
fi haute \ & fi forte r qu'il
adroit efté impoffibie de
h mouvoir , quelque* for cède
boeufs v ou de chevaux, ^
que Ton y aproit. em~

D-'HoMiiyBtiîT^rx, 127.
floyée^
Je - fe. Voyais" faire .tour
fm. _ factage- r tantoft iirer
Je; lait, de., fes . brebis Se
de ks chèvres r tantoft aç.
coinmoder t fes fromages r
ici • ; fairp ., approcher lesagneaux
.prés cie ' kups me*res;,là;
lepr donner du-fou*
jpage , & . travailler ' a toutes
ۍs etiofes*.*
Enfin il allumé / fôn £éwr
$C comme Fobkprité , qui
nous âvoit cachés , fut diffipée
pat cette clarté , it
nous appercent y ceux -li
d'un ;cofté ;gt oeii^cy d'iw$
;. Qui ' eftes vous donc ?"
nous dit - il d'un ton me- •

•açànt. Des Pyrates',.. quf?
•pour piller . &' pour faire
périr les- autre»/ hommes ,.
nç craignes pas, yotis-mémes
de. vous* éxpofcr fur
la mer r. Quoy r des, Marchanda
que' l'avarice- fait.-,
pafler d'Un- bout' de- l'Uni»-:
vers a: fautre. ,s pour; ' s'en--.
richir ,, entretenant- le : iuxede;
leur, 'patrie • •v, Eftes-vous. *
des. vagabonds- qpi- coures..
fes. mejs , par .la- .vaine?curiqfite
d ! àpprendte • ce • quii
fe ' pafle "'chez autruy-?; '•
'Comme- fi- -figure: éftoit:
mouftraeufe , & • la voix- ru-- -
de & effrayahte •, : -'il ; eft.
way: que- nous-, eftio.ns;tknr
«ne peine extrême dé # nous*; :
voir "enfermés &- reduks ; è*
o ? eipera rien- que.-de- Min*

B^HbMiiôvti^DC H&
tfiànité âè cet impitoyable:
ntonftre.-. - .-' • •
• Je pris' neantmôins; I* pa-iroîe,
& J "luy dis que nousN'
eftion»-- de- ces- Grecs- qui*
avions- eu'- part 'à la guerre-:
de-Troyé-, qu'après la'-priifè
de-la- Vi) le-nous Retour--
Bîons -en- Grèce- ,, que- les,*
vents nous- avolent écartés,-,que
nous- citions-< de l'armée
d'Agamemnoir , que je:le
priois* de- nous- tramer:
mec: l^ofpitatité^ que -Jupiter
a commander v & delà:
(bu venir "que-.-les--- Eftran-igers
font fous... la. protédion';
des Dieux , & que l'on doit: '
craindre de les-.offenfêr..
Tu es Bien* téméraire •;,
me dit. il fièrement ', dtf .nenir
de fi. loin me-dife

nr fur la -ە$mm &* ftr
'"Tôbeïflaûce r ' que €u fti*
que " je dois^ aux Dieux»
Appraaes que les - Gyclopes*
ne * craignent' . point.. vofW
Jupiter ,.ny vas Dieux, Pour
. n'avoir '. pas-. elle- pourris- <
-d'une -chèvre :y ils ne s^
eftiixienr pas* moins Heureux,.-
Je verray. ce qpe. je doisfaire
de toy , je n'iray poinr
confulter- d'Oracle : là-deflusr
C'eft m

B*Hoii!EIUB, ÇlY. IX fjtv
çftoit importer de ne pa^.
fe découvrir i luy,, de craku
te dégager tous ipes conw
pagnons t fiç de les expofer
à la fureur des; Gyclopes^
Je luy dis donc que monvaifleau
n'avoir pu "relïfter
à la teiqgefte r & que- nous*
avions eu-, beaucoup de peine
à nous fauver du- naui
frage. A peine écoutoit-ii<
ce que je^difois. 11 nous>
regardoit avec fon oeil ter*
rible r & dédaignoit de
continuer à parler.. • Enfin,
il fe iàifîc tout d'un coup- t
"de deux- de mes compagnons
y & après les ayoir
' élevés en- àaut, il ' les abat
avec violence ,. ft^leur écra*> ,
fc la telle. 11- les met bien-.
toit après en pièces y la
terre eft couverte de leur-

ftngr ÏP cft ; . «ifàngfànt#
Miy-mefmc. Ge - monfke *,,
ec crttel monftre. les* marc*ge"
; fit" les* dévore.- Iùgé&
en quel* eftar nous' eftions^'
a 1 voir ce ftoefte & épou^
ventable repas;-du*-plus mé-éhant'*'
de • tous • lés • Gyclo-a
pèsj Gar--.que pouvions- nou&
attendre?: '
A]prés ( s'élire ' rsflafie'. de*
ectte abominable manière;,.
'&• avoir' bû* plufièurs- cruelles*
de lait*, il s'ëtendir
pour dormir- au milieu ! de'ûs
troupeaux. . Combien de
fois 4 - eus- .je- lé* deflHp de
m'àpprocher de; lny , Bc
plongeanr Inon épée- dans 1
ion-corps*, percer fon cœur;
pour vanger; la mort de
• ihcs * deux camarades • ï *, Mair,

fe'HosmiE, LIT. IX. xft.
"que ferions mus- devenus F
II auroit fëlltr : périr' dans
"cette caverne, car il eftbic.
împoffîbie- d'bfter la • pierre.-
. qui la fermoit*. H* fallut
«lonc «tendre ce que- fâ
criiauté déciderait' de* nô±iftre
vie»,-
A peine ce" crueffut-ii
éveillé, qu'il-fe prépare un
déjeuner auffi fùnefte, que
le- repas* dtt-Tolr précèdent;.
M tira le lait de.. k$- brebis
, il' approcha lès petits*
prés dé leur mère.- - It fit
fes fromages' ,. comme s'il
n'âvoit eu nulle entrèprifetxtraordinaire
dans- reprit*.
• II' prend" deux autres demes
compagnons.-* 11 • en fait
pu carnage horrible*.- Il -lek»

j$4 ï'Ofiftss.ï**
déchire 1 -, & .remplit- de leur
chaif Fabyfme infamble 4e
Ion ventre*. Ce monftre ou^
?re fa caverne plus £uoefte
four nous % que fi- elle a?oit'
cftc- h -retraite des lyons^
#u des tigres, Jl'feit lortir
au pafturtge fes .troupeaux,;
& . comme il àvoit remiiè
fam. effort la pefante -ro.
che, qui- luy fervoit _ de por~
«e, M s r m fert .pour .neuf
'enfermer tous dans, fil • ca%
yesne* -
. Je * cEercEois-, '^ans jnoi*
'Hfprie--quelque- raoyçn 4f
f unir ce barbare r •& dç'
pous cfelfwey du danger dç*
devenir fa. proye*- M n'y'
twoie aucune ^ppatence dé*
Fattaquer . i, force -ouverte;,
Ce n'éitaît J>M ipe refou%

ce. pour nous x de Jbafter
ià rage par une entreprife
fi v téméraire.- Enfin après*
avoir délibère l©ng-teropsr
voicy le moyen- .donc je
fis eftat de-'me fervir.* Il
y. avoit à- rentrée de &
. caverne une mafluë : d'une
longueur fi pridigieufer.que
nous prenions garde que-
•le mats d'une galère n'êftoir
pas' plus- >grand.. Nous en v
coupâmes- fur .la 'grofleuf^
dequoy faire une autre^
maflue. le la Is aiguifer
en ' pointe.. Ee bois^ - cm
eâanr.fer, elle prit aifemenc;
le feu.. Mais afin que le*
Cyctep'e ne -s%r apperceuftr
pas ,-j'eus foin de la tenir
cachée r ' jufqn'è ce que^
Foccaïïon fut venue' dem'm
• fervir à brader l'œil*

de ce menfim Quatre dey
plus hardis- de la troupe
entreprirent avec moy d*e:
xecuter ce projet de ven*
f
îance , qui eftoit auflî le
ul moyen; d'échaper â 6-
jpagp.. •
H revint" à fou ordinaire;
mais il fit rentrer tout fon
feeftaii- r & ii roula- la roche
-contre l'ouverture : de ce
trifte féjour. H recommen*.
ce fon ménage accoutumé^
•& lors-, qu'il fat preft-ifout
per , il étrangle encore deux
•det'noftres.. le m'approchaj
de luy r portant en* mes
•mains un vafe de-'ce vin
-admirable, que nous'-avionsapporté.
buvés-j luy dis-je- .
peur- eftre me ; fçaurés vousgré.
du prefenc que Je vont,

©TiOMEfcE, L1V.IX. X37
«offre. C'eft un vin excellent
qui nous eft refté après
le ..débris Ae noftre -yaifleau,
nous méritions d'eftre traités
de vous d'Aine autre manière*
Mais enfin voudriés-vous4
dans la peine & l'inquiétude
oiji nous fommes , nous
ofter l'efperance de revoir
«oftre patrie £
ÎI prit la coupe, la beut,
.& y ayant pris un extrême
piaifir, il «n'en demanda
encore une fois. le trouve,
dit-il, cette liqueur fort
bonne. Elle a je ne fçay
quoy de l'Ambrofie & du.
Medar! Les Cyçlopes oap
de bons vins. Mais j'avoue
,que celuy - cy les furpaifo
j[l voulut fcayoir mon nom,
& me promit, de me trai.

A3 8 L'ODTSSE'S.
;ter avee Jiofpkaiité*
Je remplis fà -coupe une
troifiéme fois., il l'avale avec
plaifir. Il ne paroiflbit plus
avoir cette cruauté qui
«ous effrayoit. le careflois
.ce monftre, & je tâcnois de
le gagner par la douceur
de mes paroles. Il revenoit
toujours à me demandermon
stiom.
Dans Ferrtbarras ©u feftoîs;

JD > Ho : MElLB)LlV. IX %%f
>geray. Voila- qifelîe eft Thoù
j>ïtalltc -que je jpràti^ueray en
mn endroit. , • *
Hs'eftendit f tertre., en me
prononçant fes terribles pa*.
coles. Le vin & le fom-
.fcieil l'accablèrent, '-Cefftoit
•une " chofe 'horrible que-' -dé
l'entendre' -ronfler," l Codeur
•4U 'Vur mêlée avec celle,
'dés chairs, q.çftl av6it der'
vôrées. infedoit • toute tcetrt
^taverne..' On' y" perifToit pat
îa puanteur 4e fk isref^ira*-.
jtion.
; Cependant Jallay prendre
fha jnailaè', j'aHùmay ' M
"pointe dans le £eu* -que-le
Cytlope : avok couvert - dç
cendres. Je fis voir à mes
compagnons l'importance de

^4° ".* "X'-O'DYSS-E*! ' -
• fcar^ieJTe & Fintrepidké nous
eftoient oeceflaires. Nous approchons
du Cyclope. Peu-'
dant que -quatre de mes compagnons
-enfoncent c^ bois
& ce feu dans fon oeil, je
les .aydols a le déraciner, ôc
joignant enfemble ' tous nos
efforts., nous roulions ." JA
{ jointe «de cette .maffiië- dans
e fond de,:J*œil, dont le
fang -coulent'de tous œflés
fur Ija faceclli.'Gyciope^, ije
feu ^rûlqit. fis' paupières^ Se
lors qu'il Vint i.nager "dans
le"lang, Il y fît le mefme
bruit que Fon entend dans
une forge, lorfque fon plonge
un rer. chaud .dans l'eau, •
pour : luy .donner la trç&npev
"
La douleur Ii^y fit jetter
" " * " des
~~">v

D'HOMERE^LIV. IX. i4f
àes cris, dont toute la montagne
retentit. J] arrache
cette mafluë qui -eftoit enfoncée
dans iàtefte. Il appelle
àfonfècours avec des hurlemens
furprenans tous les
autres Cyclopes. Il jette à
terre cette fatale mafluë Se
cherche ça & là 0ù nous
eftions.
Apres l'avoir aveuglé de
-cette forte, nous nons ctions
retirés loin de Juy, &
nous attendions quel feroit
enfin l'effet de fa Tage &
de Ces -cris. Un grand nombre
de Cyclopes, qui avoienc
entendu ces hurlemens, accoururent
à fa fa porte, &

241 x X'ODY.SSB**
FOUS avoir attaqué dans votre
maifon ? Comme celuycy
s'eftoic perfuadé que je '
me nommois perfonne , il
»e put leur faire comprendre
en difant'ce nom, qu'il
y avoit un ennemy au dedans^
dont -il .avoir cité
snaLrraitté. Car Je fens de
fon difcours eftoit confus.
Ils entendoient qu'il n'avoit
efté blefle de perfonne , &
pour luy il rejQfentxrie une
fi violente douleur, que fes
cris ne faàlbietu: qu*augmen-,
ter Terreur des , Cyclopes t
à laquelle il a'eftoic, pas çn
eftatde prendre garde. C'efl:
une afflidion f ajoûtoient-ils,
que Iupiter fenvoye. Il faut
ployer .fous les coups de la
colère, quelques rudes qu'ils
|biçnt. Mais il faut je fojj-

D'HOMèRE, Lir. IX. .243
venir d'invoquer Neptune
ton père. Il appaifera l'indignation
du Ciel. Il n'arrive
jamais que tous les Dieux
foient irrités en mefine.
temps.
J'écoutois toutes ces confolations
& je fus ravi d'entendre
qu'ils fe retiroient.
Iamais une équivoque ne fut
plus à .propos. Elle les tronu
pa tous, & nous fàuva d'entre
les mains de ce furieux.
Jlalloit de cofté & d'autre
dans fa caverne. Il eftendoit
ks bras, & tâchoit de nous
prendre. Mais il n'y avoit
rien de plus ayfé que d'échaper
à toutes fes pourfuit-
-tes. Car ï'jefpace eftoit grand,
-& quand il nous auroit pouC
Siés dans quelque coin , on

:i44 -L'ODYSSE'E
pouvoit - facilement .s'en dj%
gager, prenant quelques melures
pour paffer ..ai feureté
prés de luy.
Il crut qu'il nous arrefte-
•roït au paffage. Il ouvre ,â
demi fa caverne., de forte
iqu'iï n'y avoit de place -que
pour .palier trois !ou 'quatre
enfemble. Il fe met au. -milieu
qu'il occupoit en eftendant
fes bras £c £e$ jambes.
Il commence à faire fortir
fes moutons ,5 & a les tàfter
ïes uns après les autres. Nous
aurions efté les plus téméraires
du mpnde de donner
dans pu piège fi -greffier.
Cependant • :il fallipit ou for.
^tir PU périra Mes compagnons
•me prioient de les délivrer
,d*qnë' #iort fi' -funefte. • 5 e

• ï ^ H Q M E R E , L i v ^ I X . 1 4 5
repaflbis 1 dans ,mon efprit
une infinité de ftratagémes.
Enfin ayant chpifv neuf des
plus/ beaux ôc des plus forts.
Béliers , je les aÇtachay trois
à troisy &je liay fous leuij
yentrç chacun de mes conv
pagpons y qui paflerent dq
gette focçe heureufement, fan*
ffe regqnnws..
Je tentey le.mefme bazard
pour moy.- H y ayoit u,g
freUer plus grand & pîit*
fort que tous les autres.
Je me cache awiïî fousfo^
ventre & me tonapt lié avçç'
Iviy ,- j'avance jafqu"à Ja porT
tè.- Le Cycfope le touche ^
le reconnoift à l'ëpaifleur de
fà laine y le earefle, & le.
retient. Comment , difoit-il,
CU 1 n'es pas aujourd'huy te
L n'y

24^ ' I/"ODY'S-SE*B" -
premier au pafturage MM éf
couché de l'affiiéhon de ton
maiftre ? -TU ne vois plus
cet oeil qui te- conduiîoit •
& que tu copnoiffpis. Un
traître me'; l\ arraché. Tu
me montrerais ce traître;
fi ta pouvois m'exprimer
ta fidélité. Si je le tenois
•ce feelerat , qui m*a empois
fonné de fon vin , & qui
m'a- ftt'rpr» parla feinte douceur
de Tes paroles r Faut-il
que ce mîfèrable "n'ait pas
Ja tefte écrafée. contre ' ce
rocher ? Eft.il poffible qu'il
fè ' dérobe à mon ' refléntiment
? Qu'il ^riflè , & je
feray fkisfait..
Ce monftre occupé de &
rage , de fon ckfefpoir , de
& vengeance , faille -paflèi-

• B^HoMEni, LUT. IX. f47
le bélier que -je tenois erafcrafle
par' la leine de fon
col f & qui' m'aydoit "à
tampet contre la- terre.
- Nom fefpirâmes avec plat.
Ir , lors que nous fûmes en .
liberté. Chacun prit tout
ce qu'il peut' emmener des
plus beaux & des meilleurs
fiftoutons , Se avec ce butin
IïOUS fîmes toute la diligence-
poffible pour defeendre
au rivage , -oà"-me$ compagnons
demeurez ; au vaifleaa •
m'attendoient avec ; une extrême
inquiétude. On char,
ge au- plutoft' ce que nous"
avions-.- Nous montons fut'
noftre bord t te les matelots
affis fur leurs bancs nous
tfloignenr de- cette maudite
terre- à force de rames^
Lïiij

]Le Cyclope* accourut au*
Bruit qu'il entendoit r maisnous'eftïons
déj^ aflçs avan~ces
, pour pe- plus craindre
£es menaces.. Le mal-heureux".
& le barbare,',difois-je r d f avoir-
indignement- violé: fe
droit- d'hofpitalké. .Falloit-li,.
horrible monftre .,... faire
un carnage* impitoyable deceux
qui t'âvoienr confié-
.'leur vie i C'eft une jufticede
t'âvoir ainfi" .traité; D&.
vore maintenant , miièrableaveugle
* ceux que le, fort.
jettera lue ce rivage..
IF entendit- mes: plaintes;,.
& mes reproches 9 & -il. ne
put les fouffrir^ -Ççinaie il
•avoit la force " d'un Géant,.,
il prend la moitié d'une roche
a l'élevé dans fès;.iQ9ios*

fi ? H'oMEKB, LlV. IX. 24^
&. kt" % pqufle ' avec ¥ioleoce.
Il eft vray qu'il s'erj falur
fort' peir-, qu'elle # ne tombait
fur le; vaifleau.- Elle"
l'âuroit enfoncé* - dans la mer,,
ùit du' .môia$ elle" auroirabatU'Iè-*
ftfa&'j- fa: cbute 'fit un-"
êÊrê^ûbh 'bmit^ La mer* s'en*
éfiitfë : ïîês yagues's'eleverenr^
& le ydîflëaO'futfpri&'''pax uw;
tourbillon; impétueux desilotsqffr
: fe chQquereht r alla" re~
tôuéb'er*- le mage. Oh" fer*
crp-t-perdu^ mais d*ua- coup"
de rame, dont: je frappay %
terre , je repouflay en» merle
-vÀiCBM v '-on .redouble ks '
efforts -dûs rameurs--,, '.oq fé*-
Joigne ••;. chacun: penfe: à fe
retirer d'un' péril £. terri-ble-
- * •
-fetie-pouvais m'erapâfchsfc
L v

*$>• i 9 O D Y S S E ' E -
d'infiilter au Cyclope.. Apx
prens y luy dis»-je , .que le
nom* de Perfonnê't'a trpnw
pé.. Je- fuis UlyCe fils de
Jtaërte. Tu es. trop-heureuxi
de n'avoir pas perL- Tu le
mcrkois.. Mais ca; vie m'eftoio
iieceflàire pour „me • fervir de
tes bras r à, nous; ouvrir la
porte de ta caverne. Sans;
cela, tu, verrois i prefènt. le
Palais de. Pluton y & m ne
ferois.- pas, encore -fur-la.ter.-;
ne , pour . infeâer ce rivage
par- ta, cruautés ..'.-.
• Ce- dïfocrtjifs FétQnoa.* ! îi-elfc
•ray-j dit-il, que -ton, nom»
m'a. trompé; On, • jn&voit
jMcdk que. je perdrois la.
Jumiere -par un ftratagéme
d*tî?yCè«. ïl faut o.beïr au,
4ellii3u. Ma» nos toie^ font:

• B ' H O M I M , L i v : i X . 2 5 1
paflies. Approche ton-vaifl
fcau v tu- recevras» de moy
l'hospitalité que- m dois en»
attendre. Neptune eft mon
gère , je le -prieray de t'eftr©
favorable. Tu nfas rien - k
craindre de mon, reflentiment^
Si .tu ;m'às pfté- la lumière,
it peut aifement. me- la. renJ*
dra.
€e difcours- îjto plaifoit £
aucun, de mes ./compagnons.-
Ils ccrêooiêiif^ de- retomber
cjntre tes mains r. car enfi».
ils ne. ^aifoient pas un grand* '
fond fuK.toutes'fes^promeCes.,
Ils avancèrent donc de plus*
en plus fur la mer.. Le Cy~dope
rfdperant pjus>fe van-
_gpr de nous-par luy-mcmef.
adreffe cette cruelle - priere-
A Maxime*. . .. . \ i
r

ij* ' i'O DYSSfe's "' :
- Dieu de la nier , s'écria^
t-ti, putfque vous' elles mon.
père, &c • -que je -puis me
donner la gloire-- d'cftre
voftre fils, vangés - moy dm
fis 'de LaSrte... - ' Empei chezce
-vagabond, ce âeftro&eur
de -villes ,-4e- revoir f;: jâiîiaî*
fa" patrie, 8i 4es «déffim Vpp* •
pofènt à mes veux-, du moins
qu'il n'y retourne.- qu'après
snroir perdu- toti*-. 4cs • Grecs •
de ùL fuite, & savoir'fonffeit;.-
CDUS les- cnacix:'t^t 9 ilv:-.meHcè.\
'M ajouta mille-, imprécation? '
,contre nom *. 8c «6ns* voulut •
accabler une ïècwide ; (ëk^
• d'un' rocher r~'^*&''fëhça-"
comme 1 ' fi ce' &a#àit 'tlVé.*
qu'une ifiëoh'e'-qtôl .eiift ifëçr
avec un arc. Le -gouvernaite»
• fut pr&fque- -emporté.- Oa *
fe Jiafia ^de rejoindra-*o* :

v&ifleaùx' r>à' fôn : '- efioir
dans- une -peine:' ; extréf¥i«de-
nous.. On partages. If •
butin- entre, tous r fie om
offrit fur le rivage un fiucrifice
à-. Xupiter^ '-•• • 'i
. Mais il; eftoir inflexible.,
'Il avoir refblu-de nous faire
périrv fit. je- ne. fusexempt
;

154: IîODYSSB'B
mir les- voiles au vent-, 6c
on commença à voguer, en
pleine mer.
Fin dû neuvième Zivn:

»*HOM£RE , LiVvX. »5j,
t
ï
LODYSSEE
D'HOMERE:
•O-US arrivâmes; en.ï'ïfle
d'^Eolie ,, on;
règne ce Prince (L
çkeri des Dieu*,.
M

fj# . -fc'ODISSES '-
machines de guerre , & un
rojcfcèr î'iîeye # haut, î|ue
l'ôu j^eur de deCuy déçip»yrir
jessMmeoient lpin.
Il a-fix fils^ fi^fix filles^.,
qu'il kyéaifc i$u£ t^d^ri^r*
il ne cherche- poinr d'autre
pfaffir;i|iig qtliiy:4^ftr# éditeur
cbmpâgnie^ mais pour les
rendre- infeparaBles, fiefèvoir"
dSfflTfottforô riar^fifëcr «s
cette .b,£lle famille^ il' ne leur
a- poinC* chekcSe r: '^attiaoces
étrangères:, mais il a donné-
I : Chacune 'de : ~fes; x 0çs . uÂ*
r * "foute cette r: imîfpn . eff
«crûjours' dans les% divertifle>
mçnts^-ou'-k'-joye'' qu'ils ont
à*^ftre enfemblé \ leur' fait
tttt 1 jrtaifiîr dont'- ils ne- fe

' D'HOMEKE, LlT.X'. 257-
faflent" point..
' J'y fus recéu-le plus agréablement"
du monde..' Le Roy
m'obligea d'y pafTerun: moisentier
,, 8c de luy" raconter
les avantures'- des- Grecs" ? &
là'prife de Troye,. dont il
apprenoir avec plaifir tout
le.' détail. Mais- comme je
ne penfois qu'à mon - retour,,
je le priay- • d'approuver la
refolùtion que" j'àvois -prife*
de ne refter pas plus longtemps
en i£olie..
L'êbvie .qu'il' eut de* me*
faire:-, plaifir l'empefcha de*
s*bppofer; à- la: prierez

tous les vents qui pouvoieno
me nuire. Car Jupiter luy
% donne le ..pouvoir de lesretenir
% ou de les lâcher^
1J attacha luy.mefme cette
peau avec. des cordons d'argent-
& de^foye dans un
endroit -du vaifleaa- 3. &
Jors- que je fus fur le point
de partir % il nbus donna un
vent fi favorable ,.. que nous
eftions feurs" cfarriver toîcn*
toit .en Itaque. Mais j'eftoi*
refervd encore & de oou-'
velles avantures ,.&mes.compagnons
furent eux-radm»
la» caufe de leur perte-
U y avoit neuf" jours. ^
qu'ayant toujours le mefirie
vent en. pouppe t. nous avions
couru fi. heureufement. ,,
qu'enfin* nous, decouvrimes»

D'HOMèRE, LIV.X. XJJ
Itaque , & que nous- en
eftions- déjà- • aiTés prés ,
pour voir les flambeaux
que^ Ton apportoit fur le
rivage r lors que'la nuit fut
'un peu avancée.
Il eft vray qu'ayant efté:
fatigué durant* ces* neuf jours,.
par- des ' veilles • continuel:*
fcs r je me- laiflày abbatre
au- fommeil ,. lorsque je
crus* qu*ii ne pouvoir plusnous
arriver . aucun; mal.
heur. Nous eftions à la rade
-, & il. n'y avoit plu»
qu'à attendue le - jour, pouç
entrer dans le port... Fa-.
vois*-veu que Ton y. atten»
doit 'avec le mefme. em-*
preflèment. que nous avions
cFy arriver f fi les écûeils
& les bancs, de fabk $ qui-

en rendent" l'entrée difficile^
ne - nous* avoient" obligés
de'«différer jufques* au' leiwdemain
r pour' ne ; 'pas- nouseipofer
au perif. d'eftre bri

:D'HoMÈk! ,liy.X. - %6f
vvèroit.
'Eft-.ce pas .entre nousrûne
' coutume inviolable ^
fe difôieût - ils 9- % que Foti
partage tout ce que Lon
gagne i Eft-il jDfte .que
nous' ayons texpofé -.noftre
vie ' à .tous le* dangers 9
&

%6i L'ODYSSE'E
j*re pour exécuter leur entreprife.
/
^ Ils .détachent cette peau
la taie ., où . ils -croyoient
trouver des tréfors. Les
vents en " ibrtent ; avec violence
, & nous repouflant
en pleine mer, JIOUS portent
avec une extrême impetuofitc
' vers les coftes
d'fldEolie.' Je m'éveilfay .f
mais je vous avoue que
d'abord je ne pouvois pas
comprendre quelle effcoic
une révolution fi étrange.
Quelque temps après je .me
trouvay. accablé de douleur
& de defefpolr. Je ne croyois
plus eftre obligé .de. penfer
à cooferver ces ingrats, qui'
s'eftoient attirés leur propre
maLheu^, Cependant ils

D'HOMEUE yiLiv.X. 163
ttchoient de me • fléchir
par leurs larmes. ' Les -vents
ëiloient violents , .& 'je n'a-
.vois jamais couru la mer'
avec tant de rapidité.
* Nous relâchâmes en peu
de' temps , au port d\*Eblie
j ou j'entrepris une féconde
féis ,de mettre -le
Roy dans 'les interefts de
noftre - retour , & • de " feuver
ceux qui- m'a voient
trahi avec tant de lâcheté.
•Mais ^Eole ne voulut plus
m'entendra. 11 me conftdera
comme un ''homme qu'il
ne luy -eftoït pas permis
d'alïîfterç puis, qu'il fèmbloic
que les Dieux te declaroiçnt
trop contre moy. Il me
crut coupable- 5 parce que
je «'eftois. pas heureux, La

.1^4 X'ODïSSE'E
profperité dont il joUiflbit,
l'empefchoit cle croire que
la. vertu fe trouve fouvent
.aux prifes avec la fortune.
'
Ainfî je fus contraint .de
.quitter VJEolie , fans y recevoir
aucun fecours. C'eft
alors que mes compagnon?
n'efperant plus de retourner
en Ithaque, fe reprochoient
les uns aux autres la faute
qu'ils avoient >commife ,_ &.
qu'ils me faifoient mille
prières pour leur en accorder
le pardon , nous fumes
fix jours entiers fiir la mer
iàns découvrir aucune terre.
Le feptiéme j'aperceus
me «cofte , & ayant moyiîiefme

*mefme le gouvernail en main,
BOUS allâmes vers -une Ville

x$6 L # ODYSSE'I : '
ques-uns pour découvrir quels
•peuples habitaient en ce
païs
'C'eftoit ccluy des Leftrl.
gons, qui paffent leur vie à
nourrir grand nombre de
troupeaux s & h 'ville eft
celle de Jtamos s ou regnoit
Antiphate. Mes Compagnons
qui eftoient allés vers la Villet
rencontrèrent prés la fontaine
d'Artafie la fille- de ce
Roy t qui ne dédaignoit pas
d f y venir prendre de Peau.
Elle les conduifit au Palais t
où ils trouvèrent la Reyne fa
mère $ rtiais elle eftoit d'une
taille ïï 'monfirpeufe , qu'ils
commencèrent à craindre d*é*
tre tombés dans des mains
au Si cruelle» > que celles de
Polipheme, Es effet &~prç-»

fmce' d'Antiphate les furprit
tellement, -qu'ils ne purent
.-s'empefcher de ie retirer a»
plûtofl: de devant luy 9 & de
prendre la fuite.
Il prévint un de ceux qui
fuyoient, il Feftrangle impitoyablement
^ &. fait pourfuivre
les deux autres qui Fac->
compagnoient, pendant qu'il
dévore celuy qu'il avoit iâifL
Tous les Vaiffeaux furent fur-
' gris avec 4ceux qui vouioienc
ry retirer. Leur-fuite ne fervitqu'à
faire connoiftre a ces
cruels • Leftrigons ,• l'endroit
.que nous avions; pris -comme
«n azile. Ces peuples ne cèdent
en rien aux Géants. Ils
-•en ont la taille, l'înfolence
& la ~cruautc. Il fallut céder
a leur nombre* llsaccabloient
Mij

nos Navires à coups -de roches
j il .ify avoit aucun nio*
yen de refïfter. aux redoutaoies
.aHàuts qu'ils nous donnoient.
Ils entrèrent de tous
coftez , & ils tuoient rout ce
qui s*i>ppofoit à eux. "
Tout ce que je pu faire
dans cette extrémité, après
avoir efïayé en vain de les
jepouffer ^ fut-de couper lés
cordes qui attachaient mon
t vaifleau au rocher., & de me
mettre en mer , pour fauvèr
du moins ceux que j'avois
avec moy„ Ainfi il ne me
reftoit plus -qu'un feu 1 vai0eaut
fous les autres avoien.t péri,
-& 0'a.Yoienc pas différé fort
long-temps.à eftre punis de
h . conjuration qu'ils a voient
ibjmée cjontre ;moy 9 lorfque

flous fûmes fur le peint d'arriver
cm Ithaque:-
• Mais il n'èftoit plus tempsdes^eiffouvenir
} le péril comfimin',
où nous eftions, nous-
• avoit tous retïnis - 8c il ne
s'agifloit plus de fe reflentir
des injures particulières , aa
moment qu'il falloir fe -delà
vrer d'un ennemi', qui- nous
attaquoit. On ; ftt des effortsextraordinaires
pour fe mettre
en feureté. Les uns tem
doient les voiles , les autress'employoient
à- la rame. Icy
on" repoufibit ces Géants r
qui s'avançoienr jufques dans
la mer > pour nous retenir-
Là attentifs au vent, & aux
courants de la mer, on» les
menageoit^ pour fe* retirer du
f eril r où nous nous trouvions;.
' " mjr •••

%jO l r OD¥SSI-l
Enfin après aYoir efté quelques
jours fur la mer 3 j'arrivay
â nfl'e d"i£aa oi faàbi*
toit la belle Circé/ cette
Nymphe immortelle, forar dûprudent
jEate ,.quiavoient le'
Soleil pour leur père > &Perfé
fille de l'Océan T pour leur
mère. Mais que nous fervoit-
II d'eftre arrives à cette.cofte..
Nous n'avions, prefqué rien à
efperer i & toutes chofes à
craindre, nous paffâines dans
en port écaite deux jours &.
deux nuits dans la plus grande
inquiétude du' monde. Ne
fortirons-nous-. jamais,, difoiton,
des' dangers & des fatigues
de la mer, que pour
rencontrer fur h terre des pe*
rils^& des aYanturés encoreplus
fâcheufts tlï hm% bien*

i/HoMERE, LlV. X. 1-ft

*7* Z*Oî)Y$$BTM.
pour reconnoiftre déplus priés?
.quel .fecours nous pouvions
en attendre. On arrefta donc
.que quelques-uns iro.ient.avec
ordre, de s'informer exaucement
de la. religion & des
•mçeurs des peuples de cenourtveau
pays^
Cependant comme-en nfé*
Joignant du rivage , j*eftois«
,cntjré avec mes. armes, dans,
une foreft y qui. n^eftoit pas,
éloignée v les Dieux, qui n'a.
-banaog^
"mes jufques à leur refiifer les
cfiofes. neceflaires. à leur con.
fervation*,:- Les pieuxydi$~je,
1 me firent, rencontrer- un.Cer^..
qui defçeûdoit d'ùn-pafturageélevé-*,
four boire; dans,.un
ivuifTeau-,. qui epuloit. à l'en*
ttée dd-^ foreft,.& qui.poiv

toit à- la .mer de* ondes -plus»
belles < que- " forgent* k ; plus*
pur. , Javois . mon épée f»
mon aro & mes flèches-,, il»
eftoit fur le bord du ruifibau,*
lorfque la flèche que- je
tiray luy perça réfpine- éw
dos ,- depuis une extrémité?
jrifqu'à' foutre.. Le-*coup • fo-^
yant*. rerarerfé il fe-releva sw
vain- à' direifer reprifes r la/
playe.- eftoit- fi'grande &- fi:
profonde f qn'à-peine j'eus' le:
tfemps' d'arriver y. qu'il eftoit"
déjà fur fes fins.. Il fallutap^
poyer mon' pkd> contre, iuyv
pour retirer- ma flèche ^. tamril
avoir elle pénétré- de- Ut
idoknce-cbir-coup.. .
Tour grand qui! eftoit, ]c %
«e-laiflay pas de le charger*
fur moy». L'iurdeur ;que j'avc»8>«

1J4 I'ODYS S E*I
de fecourir mes Compagnons
dans k dernière mitere, où*
ils .eftoienf 3me rendoit cette
charge moins pelante.. J'en
mois lié 'les .pieds- avec des*
branches d'bfîèr, pour l'apporter
fur mes-efpauîes plus aifément.
Je me ibutenois. cm
m'appuyant -fur utr javelor
que j-avois à la maia,.& j*àvois
.de k joye d f àborderainli
mes compagnons T qui m'ac»
tendoientfiir le rivage. . .
• Mais amr$r leur dis-je, il
n?eft pas encore temps de def-
"cendre à la trifte demeure de*
Pluton.. Non-, les Dieux qufc
nous éprouvent par' tant de*
malheurs ne .veulent-pas aujourd'hui
que vous periffîer
de faim, r Ceftf un de leursprefents-
que je vous apport^
recevons ce qu'ils -nous pat

fi*HôMÊRÉ, tiV'.'X. IJf
envoyé, noftre bon-heur défend
de leur volonté.
Ils écoutèrent avec plaifi*
ce que je difois. On apprefta.
en diverfes manières cette*
feeureufe chaCe , que j'avoit
faite , & on pafïa le reljre du
Jpur'^ en mander, relevant
par lès douceurs de l'ëTperancè
l'extrémité de l'eftat o&
liôus eftions réduits..' •.
Ënfuite, lèfomrneil vint noué
faire oublier tous nos deplaifirs,
& bien que nous fuflions
fcs hommes du monde les
plus malheureux , la nuic
ftieut appaifer'par iè" repos
«eus les léntimèns de'nos infortunes.
Lorfque le jour parât,
on tira au fort, & Êurytegirefijiyï
de vingt-deux nom*
M vj

%j£ • L'ODYSSéE
mes fut- obligé, d'entrer dans-
Je. pays ^ & djén* rapportecdes.
nouvelles. Je demeuray.
avec vingt-deux autres, fur-Jevaifleau.
Véritablement cette •
feparation efto.it r»dc de.gart:
$„ d'autre.*
\ Us fe fouvenoleat.d'iinicoflc:
'fies. Çyclop.es fie. des Leflri-.
gons^de Pojypiieme. fit d'Atu».
tiphate ^ 8c. ae faatre.. il iious*
çftoit ipipolible.- de. n'entrerr
m$ pour. - eux, dan$*le$-:?erita-.
&es..fujëts ' qu'ils, avoièhr d^ë^
ère. effrayer. La,..douleureftoitc
ëgale des deux.;, collés.-. Nous.;
nous vpyons,.aJb.aadonnés fans,
lêux fecputf..^ &.aa.fie« f£ea.
ètperèr/^ -nôjbs./eftio^ renw.
plii,d.e. crante qu'ils ne perif-.
ftnt ep:&méfmçs'v' iû :{alloient>
4jproiiyer. ime/foîtuRç^jn.cêirr-:
*Y ~..*

taine.j-.ft: la^noftre n'arma
{ jjoint. d'autre, refïaurce ,.jque •
es périls 3 ou Us s'alloient:
expofer/ ;Sans de. nouvellesprovisions
,, il n'y. a voit plus.
d'apparence, de fe. remettreen
mer.. Mais..pour en-avoin*
il, falloir, fe. bazarder:;, te
nous, feuVer,- ainfL tous, en*femble-,
ou" périr - tous 7,lc&>
iras -par - la. cruauté des bar- -
tares -,., les-autres par la' faim,»,
pjus> cruelle., qpe les barba*.
tes* meftnes../ Au; Fpftèrnous*
ne * fçavions.. en,_cpel» co.ftéç
du monde .nous-avions abbr-~
àé., Nous-avû>n& entièrement*
perdu. noftre route;; te - Mu.
dj^h Sepieptrion^rprient^
KOccident, ^ ne" nous^ .eftokat j
plus -connus..^ - * • " \

me* mefle nos larmes er£
fem&lè ,- Eurylôque partir
ayant reeeu mille témoignages
de noftre amitié , car 1
BOUS ne pouvions pas faire
âfféV de veux pour obtenir
du Ciel qu'il luy donnait
an heureux fuceés de cette'
•ntfreprifè.-
Us allèrent vers Pendroitf
d'où j'avois veu fortir de la?
fomée. En effét ils y trou-r
vërèrit fur le penc&ant d'ùir
cofteâu une taaifon Bâffie
de très- belles pierres de*
taille.- lofais s'en citant api
proche* ils Virent' fàtûp uni
grand nombre de lîotrs -

&Vo«iia;B,ImX. vj'f
leurs fiflènt. Ils en eftoieiïtr
lattes avec plus d'èmprefe-ment'
qulls tfàutoietit: effcd*
de . leurs chiens- meftnes^
Cependant as eftoient étrangement'
furpris- de fe voir-"
au milieu-' de ces- lions r ôc
de ces loup- ? Car ils ne
%avoie«r pat encore que la:
Mymplie de ce îku les avuir
apprivoifes rm que par le'
moyen- de quelques- herbes*
enchantées r elle avoir changé-
leur .férocité' naturelle*
en douceuf x. & en: ferailia^
«té;
-Comme -ils a , èffoienr pat*
éloignés dit •' cfeafteau ± ils*
entendoienr la voir de- la.-
Mympbe T qui y cftoir %. fie
qui païlant le temps à de*'
«wrages dignet d'une Déel%

fe- fkifMC on-- plaifir cîe foir»
travail> &. de fan- chant-
Mais il ne s ! agiffoirpas d'en-tendre
feulement chanter, to
.lèurdeftinée demandok d'au—
très Recours*.
Polytés-' un dès,plus- COII-fîderables*-
après Euryloqueinterrompit*
la- furprife 'où'l'on*
eftoir , &- s'adrefanrè
fes • camarades* j -.pourquoy?
dit-il v^'êntroo* - nous pas:*
dam- ce-'-chafteau'?: Il y a^
tropr' de* douceur; dans- la*-*
voix de celle qui' chante,,
pour' craindre d'en' eftretrakés
- avec * quelque- cruauté-,
d'ailleurs; il- u'y/a quela
hardieflèv qui ; puifle nous*
délivrer* des- mal-heurs oùri
nous femmes engagés. Prions-*
jostte. D&fife- de-, nous - eftrc-

B*HôMERIS Lvr. X". ICï*
fevorablè , & de nous' dom
•ner un- azil'e dans &- maûfon-..
Son- difcours fur approui-
; vc. On appelia la Nynuphe
r qui- parut bien-toft 'ai
la porte ^ 6c qui- les reee-
•vant avec un vifàgefavora*.
Me , les oblige* d'entrer
dans fon Chafteau.. Euryw-
-loque plus> fage r ou. plusheureux
que - iea mitres - 'de* -
roeura. sb là* porte 11 -fe-
• défia de-toutes les care£ès>
.de- Gircé^ne pouvant-croi*.
m que l'on- fift à* des in4
connus un accueil fi obligeant
r fans, avok quelquedeiièim
.En effet, après - que tous
les. compagnons d'EurykAjuoL-

4k t $ ÔDfSSÉ f Ê-
eurent- mangé & qu'ils eifr
rem bê du viû pramnien^
ils commencèrent à feotir '
en eux-mefmes un> changeraient
qu'ils tie pouvoient
comprendre,* Ils n'avoientf
plus cette mefme ardeur'
pour retourner en Ithaque.
Ilne. ftupkfe indifférence leur'
eftoir toutes- les- }uftes in^
quiétudes qu'ils dévoient*
avoir. Ils- ne s'interefibienfc
plus les «us pour les autreti^,
& Ians-. fe mettre en- peine
4è leurs-. compagnons y ' il»
feomofenf tout leur foin à
celuy de fe nourrir de" gland..
Bs eftôietit dan?* un morne"
filence f
& ne fe faiferient"
plus part ou de leur joye^
' eu. de- leur triileffe^ Mais*
lors- que- là Nymphe les eut
Moches d'une vet^archan*

fée qu'elle àvôit à k mtio^
leur changement fut £ vi.fble
r qu'ils n'a voient plusaucune
figure .humaine.. Il»
fentirent alors la vérité de
leur changement. Car la
force de charme n'avoir .pas^
cfté jufqu'à leur faire perdre
la ' connoiilance de ce
qu'ils. -avotent elle,- Us ' fr
virent donc réduits au gland,. '
& Cirec elle - mefme les*
€haflà daes une eftable oui
Ms demeurèrent. enfermez..
., Èuryloqwrqui-ne voyoir
plus paroiftre fes camarades,,.
jugeoit qu'il leur eïtoit arrivé
quelque mal-heur , &
revint au plûtoft nous trou^
ver f- pour nous en 'rendreconte.
- Mais il vouloir par^
1er & M. ne le. pouvott ga*.

Son" cdcur eftoit ïail ? d'une
fi grande douleur v que fcs
fcûpirs & £c$ larmes luy
eftoient la liberté' de pro*
Boncer une parole.. Four
moy je ne' doutois pas'- de
la mort' de tous mes compagnons
,.&'encore là croyois*
je arrivée par quelque ac-
' rident bien funefte ,. te bien*
extraordinaire.*
Enfin . après' avoir appris-
Ife. détail de tout leur voyage
v il faut , luy dis-je, retourner
' à' cette funeftrmaifon.-.
Ceft à ; vous r Eurylox
que , de me conduire' par
l'è chemin- ' que vous'* avcs
tenu. Je prenois mon épée
& mes- autres* armes , ûm
difanr ces*-' paroles j mais
Euryloqne-. fis jetant 4«ies

tfHûME&E, Li v* X. 18 j
•pieds me conjuroic de ' ne
.m'expofer point â un daa.
•ger fi évident. Non 9 dL
foit-il, généreux Uly.iïe , il
n'eft plus temps de fècourir
nos compagnons. Mais il.
çft encore temps de fauver
ceux qui font icy , &" de
nous . retirer d'une lue plus
barbare que celle -des 'Cy-
,clopes ^ on des Leftrigons.
Mais j'eftois refolu d'aller.
J'eftojs • defcendu à terre.
Mais Euryloque faifi de
frayeur ne puf fe refoudre
.â m'accompagnes 11 n'eut
•pas bonté de demeurer fur
le vaifTeau ô & de déshonorer
toute :j& vie par cette
lâcheté, . ' '
J'avançois vers ce cofteau^
ijue l'on dpcouyre dp JQîB#

#
a S £ • ^ O O Y S S I I
«&* je voyois déjà' léchât
teau^ que je confîderois com*
me un lieu où. les Dieux
avoient deftiné d'éprouver
•encore ma vertu. Le defîr
4e délivrer mes compagoons
ciccupoit tout mon cœur,
& je ne penfois qu'à reiiflïr
au plutoft dans mon entreprife,
lors qu'un homme h
prefente tout d'un coup devant
moy. Il eftoit en la
fleur ' de fon âge f dans cet
(^ agreaMe _tenips deTïTîe,
(eu'la jeuBefle^'enifceïïit : ks
\plus -belles perfennes.
Il me prefenta la -main,
& m*accompageant dans ce
chemin difficile , & où il
falloir kiceflàmment traverfer
par des broflailles s Se
par des épines, il me difoic

B'HOME&E, Lnr.X. ttf
à peu prés ces paroles.
_11 eft vray que vos corru"
pagnons font dans on eftran.
:ge eftac Les enchantements
"de Cirçé les ont réduits à
cie vivre plus .que de glandf
«fperez-vous UlyÇe , les délivrer
de la condition miferable
où ils ne font plus que
des belles ? Pour moy je
puis vous dire que voftre
cfperânce eft vaine , vous
périrez vous-mefme , car il
ify a point de vertu qui
puifle garantir le plus grand
,des'Héros des "charmes de
cette Nymphe. 11 n'y a
qu*uo feul moyen f pour ronv
pre tous ces enchantement^
& je veux bien vous Fajp*
prç.ndrf.

II me montra une herbe,'
oqui a les racines noires ,*§£
les fleurs auflï blanches que
le lait, il l'arrache luy-me£V
me de la terre , & m'apprit
le fecret de l'arracher,, fans'
.lequel ce prefervatif .deviens
.droit 'Uft funefte poifon.
Moly eft le, nom de cette
Plante-, & voicy comment,
il me confeilla de m'en fer-
«ir.
#
Auffi^tofl: que vous ferë*
.-arrivé dit-il., -Circé vous
} >refentera un brûvage , dans
equel elle inefle avec d'exjceilent
«vin ^ -des poifons
très peçœcieux. Mais fbyé&
feur que Pherbe que je vous
donne, oftera toute leur force.
„ Elle voudra vous toucher
d'une verge enchantée.
Mais

D'ROME&ë , Lïv.X 2%
.Mais' -au 'moment qu'elle
•voudra le faire ,5 Toyez preft
vous.mèfîne ' a la frapper de
iroftre épce , parés-vous de
fon coup , & faites luy crainare
le Toftre. Qu'un air
menaïlant accompagne 'toute
voftre aâion. 'Et fouvenés*.
vous que *de xe moment
de courage ' dépend tout le
bon-heur du relie de voftre
vie.
Je ne doutais point que
ce ne fiift* un Dieu ., qui
s'eftoit prefenté à moy dans
cet affreux défère f mais : je
fus .perfuadé que c'eftoit
Mercure , lorsque je le vis
s'élever en l'air , le Caducée
à la main , & les aîles -aux
pieds. Je 'luy promis des
facrifîces à mm retour cm
Tmml* N

*9© i f Oflïss a* e
Ithaque § & rempli de la
confiance qu'il m'avoit Infpirëe
if j'arrive au Palais, de
"Circé.
• Lors qu'elle nf entendit ji
la porte , elle vint me prier
xTentr.gr 3 je la fuiv-ois # con-
.Jiderapt toutes chofes avee
une extrême .puriofité. Elle
pie fit aflepit fur une .chaife,
dont les ' pieds % les bras p &ç
le dos eftoient d'Argent. 'On
carreau jniagpifique-en cachok
le fond. ' Comme il. eiok
fèrt ' haut , \on y montok
par un marche-pied d'Or.
Tout le relie . du meuble
jeftcnt de Ja mefme richejïe,
Mais .commg fi die eût von-
&V s'acquitter au plûtoft des
.jdeybïrs de. fhoj|>kafité ? elle
îwprg&ore juif Cpiipe pfcir

me de ce Fin Pramnien, -*oi.
^elle avoit coûtome -de mefler
{es poifons. Quand j'en eps
:M., elle ne douta pas de
••leur effet., 'Va maintenant,
4iitrelle, gronder avec les autres.
Elle vouloit &ccompa~
:gner ces -paroles en me irapant
d'un -coup de fa verge
fatale. Mais l'ayant évité,
.& 'tirant Tépée , je m'ap-.
proche (Telle avec Taâion
-.d'un iliommp çn ; colère 3 &
•preft ' à la frapper elle-meC
me.
Elle ïiit furprife de -me
-trouver .en .-eftat de refifter
;â' fes . .^nçhantemens , eh 1/
.gui ;efte$ vous ?. me dit-^llé,
.après avoir fait. un. grand--
«cry. De quel endroit du
monde venez, vous? Qu'elle
"" Mij ' "

cft voftre naMance ? Eftesvous
un Dieu , ou* un mortel
feulement 2 Mes -charmes'
•ont toujours _ triomphé de
tout. A peine le vin -de cette
coupe eft-îl fur k langue,
.que Ton eft faifi de la ftupidité
des belles. N'eftesvous
point cet Ulyflè, dont
Mercure jna parlé ? Ce Dieu
nfa prédit qu'à ion retour
de Troye ^ il pafferoit ici.
•C'eft itiy fans doute, qui
vous a découvert lé feul moyen
de ne périr pas par mes encfeantements.
Je ne veux pas
n/oppofer à la proceûioa
qu'il vous a donnée. An
.contraire je fuis ravie qu'il
ait pris foin de voftre vie,
j'en auray foin moy-mefme.
Mais remettes voftre épée,
d 0*eit plus temps de xica

&*HMERrE-, LlV.X.- 195
craindre T II n'y a point'
de marques d'amitié y ny de
fendrefle que je ne vous*
f rie d'exiger de moy. Quetoute
noftre delïïance celle
& que l'amour vienne eftablir.
..entre vous & moy cette
tranquille ,afliiranee< qui eft'
entre les." - cœure qu'il- a
unis..
, Plus: les- avances de. cette
JDéefle èftoient -grandes ,-plus
|e craignois. aimt qu'elles, ne
îîillcnc des. pièges pour me
furprendre. Quoy 1 luy dû
fois-je , II n'y a qu'un momest
que vous avlés xelbïu
loa perte,. :Vou&-ayés- changé"
tous inçs compagnons daim
une forme balle & brutale,.
vous le? retenez- dans, des eftablet
à. le rejjaiftre de gland;.
ET %

Je ferois nrtcty-mèfme'Tabai{n&
à cet eHâtige caftât, fi Materne
ne m*avoit fias efté favorable
r Si vous paffés- aufemeot
de 11 crHaute : y g£
de la haine. j. àf la • déueeur
& à'l^môur,'j& wus : avôtttf.
qu'il m'eft ikftOffiMé «fëùi
blier en 1 prtr de temps létraitement
que vous avés fait
aux autres r & que vous m'avies
préparée itoy, Je' Aie
lerois : à' vous après telà c
Je' lerois fans épee yûns ar-*
mes, au- milieu des plaifir&
que vous me pf omettes t Qui;
vous empefcSeroit de me. fur.
prendre, & de' tenter -Fteni
treprife que vous- n'avez pu
exécutes contre' moy i Si
vous me jurer par -le Styx,%
ce fleuve 'fi xtdoutafriç au3fc
Pieux xneimes : ,;fi' toi», iifèn-f

tfffoMÉRÉ ^ llV. X. iff
gagés vos faveurs par' ce"
ièrment* inviolable, le refpect
que je • dois à" la religion 1
m'obligera de n'attendre plusde
vous- que les- téfnoigpa*ger
obligeants- de vôike :
amour.
Elle phMiotfçà d'un ww
atf&ré-' te jurement que je*
hj demandois.* Elle appelle
ks Dieux'" y pour -eft're * lestémoins-
de te- finecrtté- 'de
& paffion. Elle me It mille
Cendres- pr otefiatkins> de m*ayttier.-
Gomme j'àvois un ex*
•Crème defîr de retirer mes
compagnons d'entre fèsmain?,.
ë£- que d'ailleurs- nous ' ne
pouvions penfer à 1 noftre refour
fans eneftte fecotmis;
Je commençay à entrer en
tout ce qu'elle me propo-
N- iiij;

*$£ L''OD-YSSB'B
fcit , Se à efperer que. cettr
avanture nous feroit favo*
iable.„
Je la. fulvis dans- une de
tes chambres y où je. trou~
vay quatre Nymphes _ qui la
fervoient. Les unes eftoient.
• des Nayades „ qpi eftoient
fbrties de ces fleuves fuperbes.
'qui font alliés avec
L'Oceaa, & qui ky portent
toutes leurs- eaux. Les au*
tees eftoient des Bamadrya*
des ,. dont, la tige eftoit auffi.
ancienne que les ferefts ou
elles eftoient nées*. La pre*
miere a voit apprefté le repasf
& avoit .couvert la* table des
mets les plus,délicieux,toute,
la vaiflèlle. eftoit d'Argent
f & on ne potuvoir
gas, voir »y plus de dchdTe^

#HoMiiŒ",Liv,X% i^7*
tfy. plus d s abondance. ©ne"
féconde- ' verfoit- dans une*
Coupe cf Or du ma exceh
knt. Une troifiéme ' a voit
foin 4es bains & des par--'
ftims. Enfin la- dernière-
«l'avoir ' préparé-" on - • ht- mar.goifi^ue.
Cette maifon" que j f avo»>
confidèrée de loinv commet
un* lieu* de • peine & de ' tra- ;
Taux-, eftoir devenue" pontraoy
un P&làis enchanté*-
Ifc fembknr €|u«: c'eftok leféjour
des plaifirs-,-des-grâces
, & de Vàmotir.- Toutes'ces-
Nymphes eftoienr oeettpées'à
nie Servir.- Mais en-fin
toutes" leurs- délices - nepouvoienr
pas> me "délivrer
du? chagrin fecrer ,. dontîteftois
• tourmenté* - ' Mes-inaii -

'heuft. paCés me!'- laifoienr
craindre ceux: qui' n'êftoienr
pas encore,.-& qiiine.de-.
voient peut-eftne jamais .arriver.
. Mes- ami* dans- • la*.
mîfere venaient. troubler par
un trifte fouvenk -las Joye
qui; fe prefentoit à- rnoy*.*
Feftois- eflbigné dm pays queles
Dieux, m'àvoienr deftiné..
Toutes ces* pénfces- diffèrent
tes. eaufbienc une-.agitation?
extraordinaire: dans- mon*
cœur r
& j'eftois • occupé:
de mille fâcheufes réflexions..
" •
Toute- cette-, triftefle pa*roiflbit'-
maigre- m©y 'daos^
mes manières.. Ckcé. voyante
bien 4 - que- tous ks^ plaifirs*
de- Ion- palais-- ne me toitcltoient
.point „.qrfàris««MiF,, :

i?ftbMi&lB,-£iv.X. 299
. ifte di&elle-j généreux Ulyfie }•
Craignes vous encore quelque-'infidélité
?. ne vous-ayje
pas afTûré- par le plus
inviolable de mus- les* fav
•ffiens- fl que vous-ne recevrics
de moy que des niât,
ques-d'une confiante atoitié ?•
BiiEpés donc le • chagrin -
qui vous-accable ,. &• peni
Es ' que ce n'efi- pas ? * cftte*fage
, que de réfuter ' lesplailïrs
que Fbn : vous • offre;
Et le moyen* ,, luy dis-je,
de penfer aux» plaifirs • dam
le îieu : mefme oiï'jene puis
ignorer que- ceux-- que * fayine
font'* dans la• dernière mifère ?•
'Gei" trilles • penfëes "nfeflent
une fecrette- àmertume_ à
/•contes- les- 'délices "de 'ce
y 'fsftia

trouver aucune douceur
Ah,, DéefTe L S'il elt vray
que je fols .aimé ,-.sïl eft
vray que vous, preniés inte»
refis à, mon- bon-henr ,ûe
dépend il pas'de vous tout
ce bon*heur i- Kendes-may
mes. compagnons ,4 & vous
me rendez,, heureux.. Je pa€>
feray agréablement ma vie
avec vous.. Vous ne me.
verrez;- plus que de la joye^
«fcompagpée. d'une, fincercjneconnôiflance
,. que- je corn -
fervmy tpûjours^
. Je pprononçois- ees*^ paroles?
d*tUL air paffionné. L'admL:
natio»: que. j pavois • pour. ùL\
beauté. mTavoit peuue-eftce dé^lf
donné, de l'amour. Mais,
|p ne.- le.- greacris encore que-.
•Minime, .une geneteufe corn?»

D'HbMEUE y LIT. XT. - yan
paffîon r que • je devois, aux;
œal-heurs- de •mes- compagnons.
La Nymphe- en fur
touchée * & * fans différer:
plus-long.temps à'me donner*
cette dernkre preuve de (om
engagement avec moy^elle*
fait ouvrir les- portes des»
eftables-;- elle • touche* de? (à*
verge" enchantée tous- cesnouveaux^
monftres*, -&>. etleî.
les -arrofe auffi d'une, liqueur-qui
eftoir l'Antidote da^pou-
'ion ,. qui - les - avoit défigurés»'.
Ils fenûrent-une nouvelle vu
-gueur;. Il leur fenbloit':
qu'ils fortoient:. d*ûir pco--fond
aflbupiflèment, leur tc--
Ile- s*efleva^ en hauc ,.-tou*.
leurs traits fe racommoderent^
& au4ieu d'eftre kerifles- d'âne,
peau^piquante & laie,ils**
IL retrouvèrent couverts. ...der

leurs- iabks* - fis • para- iflbiear
{ dits jeunes • qu'ils- n'eftoteac,
eur taille en- eftoir deveuë
pies grande \ il -n'y ayoit auetur
a eux * h qui'- ce chan^
gement nfeuft- eft4' avantageux*
Ce fut d'abord" entre nous*
un eftonnemenr gênerai..
J?eftois'i&vi de les- ayoir de-livres
K te ils eftoiepr eux-.mefmes-'
dans .des- emporte-mens_
de joye- te de refeon*.
«oiflànce, qu'ils -ne pouvoientaCés
me témoigner-. Où fe*
eenoit" embraie- comme fîi.
rôn s fe' revoyoir après • une
longue abfence... 'Les- larmes--.
que Fèn répandent', ne trou^
'bloienr points la joye de fe*
v#ir Mors- de~ ce miferab'le-
©Hat,, te ne- desàonoroientr-

D'HOMERï , Lir.X. $ay
point Je bien fair que nous-
«cewons. La Dcefle ellemefme
méfia fès pleurs avec:
les noftres, & eut de Jajoye*
de voir des cœurs unis partout
ce fincere;
• • • •
H faut", nous' dk:elîe^ : etn
recompenfe-- de toutes -.vos-*
peines- y. vms- parier-- d'unemanière
qui vous, fera •-otublier
ce que^ vous^ avés* fouftrfc.
Ulyffë commandés queï*ùn>
approche voftre vaifieau,.,
&' qu'on rattache • à-la terreferme...
Defarraés-le ,~&: enfermés^,
dans, ces.» cavernes-i
qui* fonr proche de la i»er,v r
tout-ce que' vous- avés d'é- •
quipage. Le refte de. vos
compagnons- aura part- it
voftre bonAcuiv Vous règne- v

3PiÇ * •' -iTO-lJY-STB'fc
sd?iriy&- 1« bien' que'je
vous fetay,.vous obligera.de*
ne- TOUS • plaindre ' jamais* de-*
wftre avantore.-
Jpavtok> déja-refoki dr faire?
tin" lèBg'fejour eo- : cette'-Ifle^'foit
oue l'amour m'en euft':
infpire le defiero», fom qu*è-ftant
las-* de tant- d'avantu-res
fâcheufes', je me fufièu'
laiffé charmer pair • l'eipera». •
ce* de. gouftec ua> peu •

B'HoMERi,LlY.X." fO^
vrance de leurs compagnons^
que leur .retour- en- Ithaque
ne leur en euft pu- ddnnetf
davantage.. Ce n'eftoic-que:
vœux, qu*aéEons de grâces*..
que louanges dans la bou«?
che de tout le monde. Oà
tntre dans le port 5 on apjfreile
toutes chofes pour
venir tous enfemble chés ta
'; Mais Eutyloque qui n*ë~*
r'*oit: pas encore raflèuré-dtf
•Tes frayeurs , o'approuwifc
pas ce deflein. Irons - nous,..
difoicil y nous prefenternous.
tnefmes i la plus çruellçt
Magicienne' du monde. J'ayi
veu v fay wu. des hommes
changé! les- uns* en»
loups, les : autres en-. Lions*.
SèKuce-noftre ddtin-de-'gu*

der là maifon fous ces figii-^
res épouvantables. Eflr-ce
pas^ une -témérité' de ^s'ex-
f
jfer à- " ces enchantemens *
a fageie d'UlylSe ^faimu
l'elle d'entre les mains do-
Cyclope eeuil qui- en forent'
dévorés • en fa prcfenee. £} !
continiloit ainff Ion difcoursr
& comme il n'y a rien qui
fe communique plus*- a£fc-*
ment

w f HoMiitE, Liv. X. 30T
de faim fur le rivage v et
me promirent de Te laiJTer
conduire.,. 'ol v je "voudrais*.
Nous nous- avançâmes donc
enfemble f Eurytoqcte mefme^
qui 'fat alarme dé 'mes menace*
5 & qui ne pur obliger
perfônné à demeurer a-
¥ec;iuf-r Ér -le vaifleau^-fur x
'contraint malgré luy de nout*
fiîivre.
-'"' La . Nymphe- avoir • engrand
foin de "'mes côm-pagnons
qui eftpienr de*
meures dans ' fon ' Ghafteau^
k%- a voient elle régales du*.
bàin : T de# 'parftuhs ; : '8c : dés
Affina - Ele-leut. 'avoir-fait:
préfent d'habits- précieux-, de^
forte que ^nous lés trouvât
mes tous- fort- fatisfaits' de&
fkiûfs. } qïi'ilt. : oft- avaient te±

fût X.'O'D'YSS-B'B-
Ceux, qui' venoient -d'arriver,
forent traités avec- la
mefroe bonté. Us furent furpris^
de voir la beauté de %
£ircé$ & qu'elle fe chargeoit
elle mefme de* tous-les
foins- peceflaires- à> les bien
feceyohr y J de forte .qu'çlle*
prevenoit obligeamment-t|ufqpes
à leurs defirs. Lorsque
nous fûmes tous enfemble
, & que* le * foqiveoir'
de nos- avanture*. paffièesaugmentent-le
ppx> de- fkeu.
feux Eftat, onnouseflions^il'
le faifbit je: ne J^f ,qu?eMe
agréable xoAfufion de p^Bxù
le & de joye|- -ces-deux; paf>
lions, différentes- fe niellant
dans- nos coeurs^ ,, y • iqetjneat
ce. $i*4Jet- oqt: :,df

ïf H0MBM, Lw." X, y® J
•plus touchant- ien,c[ont nous commencions
à j.oufrr, n'empefchoit pas les
ibûpirs •& les -gemiflèmencs
de prendre part A' noftre
FF*
Mais infenfîblemeot toute
-cette-triftele fé diflïpa. On ne
parlaplus que de rejoûiflan-
,ces, dfejeaxfde feftios.Je fçay
difôit Qrcé tous -vos malheurs.
Mercure me les a
contc^l! n'eftplus temps d'y
f enfer. Il fauc reparer ipaio*

#
/ 5» «.''ODYSSJTJI
/ tenant par- le repos «outet
( Jes fatigues^ que la mer
\ wou$ .a fait Ibiiffrir. Il faut
.que les -piaifirs -vois vangent
de i'intjuftics 4e la -for-'
'tnne. -Ce -que je veux faire
-jp.our vous., pafièra toujours
•fos -defîrs.f êc ws efperantces.
. ...... .
. En effet on ne peut pas
4'imaginer un eflat plus .heureux
, que., cduy* cm nous
.citions. C*eftoit une vie.toiu
te de divertiffemens , ou les
• plus grandes -affaires: ne con-
.îîftoient que dans le choix

CTHOMEJLE » lav. X -yi
.-autres. Cependant mes com^
pagnons ;fe laflerent de leur
•tranquillité j quand le cœur
eft fans, affaires on s'eonuye
4>kn.toft dans le fié Jour le
plus agréable.
Il. y avoit une .année que
:aous eftions dans Fifle , 8c
je vous adyoof qu'à ïïîOR .
xon^ite cettie année n'avoit
duré -qifun moment. Mes
.compagnons me firetit fou*
.venir que .le temps eftoit
>ropre à la navigation , que
Î
es ..deftins m'appelbknt ea
jEthaque.» .& que je ©e de-
•ypis pas préférer Circé i
la gloire que j'aurais de
ies conduire dans .leur
patrie. Nous payâmes le jour
"dans .cet entretien , que I*
•bonne chère, le vin^ la joye
j^iidpiem pks . fenûtar, $

qui -par 'cet air de famii
liarité s'infinuoit d'avantagé
dans • mon efprit- L'amour
de la gloire fe réveilla-dans
mon cœur, & acheva de
me perfuader la neceffité du
retour f dont on parlait,
• Je .-pris un temps favorable
pour en parler à là
Déeflè. Je • menageay des
moments à propos*; où il
me 'femblôit qu'elle fe laid
ferait gagner par mes prières.
-Ce fut en une -de cesoccalions
iieureofes 5

D'HOHEIûB,- Lrv..X. jii
Jieur de mon deftiû. Mais
les Grecs veulent re-fôir leur
^patrie ils m'en foMciteuttcmsles
jours, ils ^ m'allègent les
•uns 'après les autres3 & je
ne puis refifter à leurs prietes.
Mais..
. Elle irîimeerronipîc- .auflL
, toft ne voulant' pas • me lajfl
. 'fer douter '.un -moment de fa
generofitc -. ouy, dit- elle., généreux
dlyfle j'approuve
voftre embarquement, li n'èïi
pas jufte -de s'oppofer à la
gloire de voftre deftinée, 8c
>de vous retenir-icy5 malgrévos
compagnons. Mais .ce
n'eft pas encore vers Ithaque
-qu'il faut entreprendre un
iroyage. 'Non, Prince, vous
«e reverrés jamais cette Ifle,
^quei'vous ne iaye? décendu

ji4 x'O-Dyisfc 1 * .
jufques m Royaume de Pluton
f où les deftins vous
commandent d'aller , pour
confulter l'ombre. de - Tirefias
Je Thebain., le lameux
aveugle., .qui par. les lumie-:
ré$ de fon efprit^fçait pénétrer
les ténèbres de l'avenir.
C'efib» la feule jje tontes
ks ombres" à -laquelle-
Pxoferpine ayt confervé la
' connoiflance des chofes .qui.
fe font faites fur ia terre. _
C'eft 4 J elle dont vous de-
Vies attendre les confeils qui
vous 'font neceffaires y pour
régler la conduite .4© voftrç
'vie.
Je vous avoue que ce
.commandement fut un .coup
de foudre f qui m'accabla. Je
.me yoy.ois preçipi.ts tout d*u»

tfHOMEllB, Liv. X. 31J
••coup à- la ---trille- neceflité
-d'aller • dans - un Royaume , *
dont -on ne m'avoit fait que '
des -peintures ^terribles. He- :
las, luy dis-je, y a fil rien''
fur la -terre, -ou -fut la mer,
qui approche-des ; horreurs
de .l'épouvantable féjour j-où
•vpus * «l'ordonnez - de de£
•cendre.- Y* peut-on aller
•fans y périr; Qoi fcft-ce cTentre
-les vivans qui" a « entrepris
ce Surprenant '-voyage?
eft-ce- pas à la'mort -de nous
y- -conduire. Car au reftew
ma Ileelre,, qui peutm'ap*
prendre • les -chemins pénibles
de ce Royaume. Si une Divinité
-ne . m'accompagne,
-puis-je fans cette protediom
'me mefler témérairement awec
ces*Qrabres.

5t^ î/ODTSSSV
Je voujs donneray tpus-te»
.avis . neceflaires-, reprît-elle,
pour réûfir en ce vo.yagp -fôç.
traordinaire^ PreipkfPPîepc
•qiiand voftre vaiflçat} fera
en pleine mer., & ' que-, le vent
commencera à- enfler vps
voiles j coures vers lç- 5f p*-
.tentrion. Vous paierez hm^
• jreufemenc la mer3 .&. vpus.
arriverez fur un rivage ^ où
«ous trouvères un boi$, cjui
appartient à ProferpiB& il
n'y a -gue des peupliers 9 des
aulnes, "SKT^Iés^^T^^utxes
arbres'lŒerîîies. Vous n'y
'rntendres point le ramageêçs
oyfeaux, L'omjbre, FobL
furiré* te fltence y'régnent
Apres. ayok mk. v#ftre.
vaiueau à i'ajachrft». il. faudra
firavprfer le Jbois/dPJtf

ô'HOMMI,XIV. X. 317-
je i^oos ay parlé 3 la le Coeyte,».
qui vient dtrStyx, &
le. Phlegetan entrent dans
PÀcheron t qui porte £es
eaux am palais de Plut
ton,- Vous îtiivrés le* cours
de ce fleuve', jufques à ce
que tous vous trouviez
prés d r un rocher ,oà les ffotsde
Tâcheron venantfè ffft-ferr
vous entendrez un bruit
effroyable.-
C%ft-lâ -

j-tfT . E'ODY&SE'é
mettrez- de làcrifier ausrmorcr
une, vache noire' & ftedle^. •
quand vous- ferés de retour
• en Ithaque, &, en particolier
à Tirefîas un des'plus-
-beaux moutons noirs,, que
vous pourrez.trouver- •
Mais il faut facrifier aumefme
lieu une brebis noi-
.re, vous, éloignant- de. vos -
compagnons, & ayant la te Aetournée
vers la fource des*
•fleuves* Eux-mêmes de leur-
• cofté immoleront- le- plus
•grand nombre de brebis qu'il
fera 'poflible, les offrant à
-Pluton,. &à Pro(èrpine..~Pre-
.ncs garde d'obferver toutes
ces cérémonies. Mais fur
tout que les Ombres ne ; s*ap-
: prochent point-des 'vi£times^/
avant que Tirefîas foit arr%

IS'HOMERE, Liv.-X. yiy'
•é. Efcartés les- à coups
d'épée.- Le célèbre Devin fe
prefentera à- vous. Vous eisfepdrés
ce qu'il vous dira.
Vous reftablircs vos affaires
par fès confeils, & vous retournerez-
-heureufement en
ïtaque,
- Elle finit arafi tous- ces-a^'
vis y & pour me donner en-
'core de nouvelles marques
de Ton- amitié t elle me com»
bla de rickes prefents , me
priant de confer-ver. quelque'
îbuvenir d'elle dans la fuite
de toutes mes- avantures»
Mes compagnons furent'
ravis déjoye, quand je leur
appris que noftre embarque,
ment eftoit refolu, que Circe
L f approuvoitx & qu'il faL
4 ' O iiij[

Mt défcendre fur le rivager
pour armer ; noftre vaîÏÏèau».
ia mort. d*Elpenor trou~
bh la- • jqyer que nous a.
•vions. Il.. efteit en la fleur
de ibri âge, dans ce. temps:-
©â- ies paffions prévalent fc
fouvent à-, la raifon.: Dansla
dernière débauche que'
l'on fie, le vin l'ayant af~
foupi-^ fie le bruit du départ
qu'il entpndit,, l'àyanr
éveillé , comme il ne .s*&*
mit pas- encore- remis de:
•Pyvreffe du vin fie du fonvmeil,
un faux pas qu'il fîffc
en descendant d*iin .efca~.
lier fut là caufe de fa
mort*. Nous ne .oerdifmesque
luy durant le féjonr
d'jEaa, ou pfaftoft il n'y
eut que luy, qui fe per^
dit par Jâ déëâucàe dére-"

|lée.. •
Mais-- k triftefiê fut biete
plus grande r quand "Ils
apprirent que ce n'eftoir
pas : f®ui Ithaque que nouspartions...
C'èftotc le plu>
trifte fpeâacle du mondeque
de. - wir ks': ftns- S'àrfâcher
de 'dépit . lés cfce-veuif.
& les-autres déplo*.
rer leiie ' tatouvetie. mkic*
Cependant c'èftbiren'vain
qu'ils s'accabloient- de déplaifîrw
• Il ^ falloit ' obeïr ^ aux
deftins* Clècé nous accompagna
v jufques fur le bord
du vaifleau, où elle attacha
un bélier %, & un e brebis-
, 5c elle difparut inconti-

3X2 L'OD-YSSB'B
lient. Car perfonne ne peur
voir les Dieux, quand ils ne:
veulent, pas. eftre yifibles..
'Mm de dixième Mvtt.-
i-; ;:
?,'" ' ••"..: r-ri '^:, .t.".-.; •

D'HOMEIE, £ir: XI. 113-
L'ODYSSEE
D'HOME&E.
LIVRE X:î:
W^W^I I^CE" fît lè-
;i ^T-'^/l ver un ' vent fa—
È h..L..Mi vorable ,.. là mer
h "::Ï'1^1;I ciioit fort bonne*
"""' êc nous né pouvions
pas défîrer un temps»
plus commode..
Gependant nous ellions
O vj.

! $14 't^O-DTSSJB'j! •
triftes. Car nous ne poiuvions
quitter- fans rçgretc
cet aymable féjour ny aller-'
fans crauK&'au Royaume de-.-
Pluton»,
11 ify avoir perfbnne quic
lie- fuft occupé- de. fou chagrin,.
On entreteû'otr , dans-'
un profond ïilence.-fes triftes>
- rêveries, jufques- au-foir que*
nous- abordâmes, chés • les^
Gimmeriens*.
Ceft' un: pays«fîtué ai.x ex^-
'Oremités de la*-mer >, oà leï
Soleil ne'paroift'-jamais., Cespeuples
.font enfevelis dans lestenebres»
épailles d'une nuirf
continuelle J ils rie fçaventca- '
que c'èft que l'aurore,., p-y
le midy ,, ny le couchant;
Tous les jours ne font'.que-

d'éternelles- ombres.. Ils patient
aiofiileur me uns wkr.
SL lumière,..
Cependant* il- fallût' y/
aborder./Nous-- prîmes .toutes
,.le£'wâimes r% qui*,nous»
eftoienr neceflàires- &: coftoyant
toujours» te* mer,,
nous cherchions m • 'Mois ^
dont" Circé nom avoit fait:
la defeription^ Nous le trou-
.vafmes-- enfin,,, M alors^ Euryloque*
& Pérménidê. nos*
Sacrificateurs fe préparèrent:
aux cérémonies, de nos. facrifîces..
J;a?ois mon- ép4e i«
la- main,'&. en ayant fait*
une- foflfe profonde 1 d'une.'
coudée avec autant de lar-
eur, je fais mes afperfions*.
f e- miel,,, de vin, & d'eau,,
y mêlant-ia plus-, pure fleur-

• de • froment, & accôfflpâ- •
gnant auflr cette adion • de-
• vœux-- &' de prières que fadreflbîs.
aux Ombres, le leur ;
irometS' après mon retour en <
Î
thaque* la vache la plus*
grale de toute Ylûs;'te 1*
Tyrefîas, le - bélier le plus r
noir & le meilleur de tottst
nies troupeaux..
• Auprès ces " premières • cérémonies,
on-immola:les ani'imaux;
dont' le fang couloit:
dans cette fbffe myfterieu-fe.
Les s ombres y accouru *•
renf -aufli-toft, comme on*
voit que les-pyfeaux- s'âflem-;
bleet'dâns -un: bois qui leur
plaift; J'éftois touché 'du forr
de tant de jeunes garçonsfit
de ; jeunes -filles que je*
wpis. Ils fembloient avoir-'

A'Hb.MERJB, Lk. XL $gj*
. Kgret^ d^Ore. fortis .de la me;.
& que-la-fleur de leur- âge-
«uft fi peu. duré. Je voyois. •
auflî .des. vidliârds* qui n'a-voient-
'pu fe rebutter des
incommodités de leur, vidL
•leflè.. Mais, je/ fus, furpris*
d'entendre- des cris Jiorrii
bies de Capitaines, qnk *u
voient péri-, dans* les com4
bats. Us'.rouloieflr au touf
de cette, fpfle avec-une extrême
impatience de boire-
du ^ ïang dont :. die : eftoier -
f
leine. le les- en éloignois»
coup- d'efpée, pendant»
que mes compagnons-- acte*
verent-- le-Sacrifice ,\en brxL*.
lant- les viétimes. fur-un -bu-.-.
cber , les offrant -à Plu ton*.
&.à.Proferpine.„
Entre toutes ces Ombres-^

dont j'eftois environné , lapremière
que e reconnusfiit
celle d'EIpenor , que
nous avions perdu dans l'Iflé
de Circé. ta. precipîtatiofi
de noftre embarquement
nous avoit empefchez de luii
rendre les- devoirs de If
fepulture. ta douleur de ié>
perte fe renouvella en le
voyant. Eh quoy, iuy disje
, cher EJpenot >( vous eftes.»
donc defcendu< dans ces
triftes lieu» j Pleuft au deftin
que vous- nous euffiez accompagnez
fur la mer. Mais
dites-moy ,. qu'elle eft~ donc
la yoye par laquelle vous
cftes venu avec une fi grènde
diligence que nous , à qui
iés vents onr efti fi fava*
$afcîes "r

- D 3 HOMïRE1EIV,X£ yty
Tous vous trompez • bien-r
.dîtJl ,"1age' UÏyfle, de peu-fer
-queles morts ayent'quel- %
que befoin de la -mer r ott< \
• des vents, pour arriver en : /
ce lugubre fépur. -Vous*- (
fçavez la " fatale avanture~ )
• quî m'y a- fait' defcendre.* v
£a joye r la d'ébauche ..v ./
l'imprudence- m'bnr feparé: [
d'avec vous y mais* & quel- l
que chofe vous eft cher danslà
vte , il vous- aymct Pe-V"^
.jaelope.^Telemaque r JLacrte,,^
jp vous conjure par tout' /
-ce qu'il y a de plus firint,, \
de-ne Iduer pas inon-corpsr /
Jan&- lùy donner le- reposa }
«l'un-tombeau, tfe fçay que w
•vous reverrez 1 Me de Cir*.
fcè j fi.vous craignez la co*-
1ère des- Dieux n'y paflTez:
!ga& fans, nrïbanorer. d'im '

#0' I'GDYSSE'É
Bûcher,. & d'ope Epitaphe..
La; pofterité la lira fur le
rivage , & en apprenant fe
mal-heur de moh deftin-,
elle apprendra auffi la' pieté
du généreux. Ulyfle.
Je promis à cette pauvre
Ombre ce qu'elle me demandoit.
Mais durant tout
cet entretien , feftois inceffàmmenr;
obligé d'écarter
mille Phantomes , & de les
cmpefcher de goufterlè fang
des victimes, avant que Tyrefîas
fufl: arrivé. Entre
ces ombres que je chaffois,
helas je reconnus Anticlce,
ma mère v Elle n'avoit pu
fupporter la longueur de*mon
abfence fans mourir. Elle
voltigeoir autour de moy,
cérame- ft elle avoir voulu

D'HOME&E, LIV. XI. ..j$r
Je plonger ,dans ce r fang. -
11 m'eftoit commande d'en
.refèrver les- prémices à.Tyrefias.
Il fallut".renoncer-' à la,.
.pitié que me donnoit ' l'eutpreflemenc.de:
cette Ombre,,
qui. m'eftbit *fi chère.. .
Mais enfin -Titeflàs»-arriva; -
Il avoit un . Sceptre., en: kmain
, & me'dit après-m'a^
. voir reconnu. Que vous .elles >
.à .plaindre d'eftre obligé de'
venir en ces- triftes ' lieux.,
Mais- retirè$»vous ^.remettes
voftre épee... Âpres que j!au».
ray- bit .-le fang. de vos vL
'aimes-,, vous, entendrès ceque
j'auray- à. vous, predi»
•eu.-
En effet- il bât de ce fang;
confacre far nos, cérame*-

3&i t'Ont s Si'ê
nies r comme on boit quelque
liqueur agréable> quand
on eft preflë par l'ardeur &
là violence Je là foif. Incontinent
après ce divin Prophète
*ae prononça ces Oracles.
Vous defîrés , dit:il , illifc
ftre XJlyffe,, un retour heureux
en Maque. Mais un
Dieu s'y oppofe , & le réf.
ièntimene pre faute..

i> f HOMBMI , Liv. XI. M -
-Vous'aborderés en Trina*
crie , apris mille a¥antures -
ficàeufes for la mer. -Oa
nourrit en -cette Ille de-
.grands troupeauxf, que l'on,
.cpqfacre au Soleil, Si h
neceflïte , la faim , l'avarice
-portent' ¥os compagnons i
comniewre ip- (^crilegp * en
-ufurpaat. ces. ^çjiolçs îaintesi.
PjrifqjtfeUcs. appartiennent i.
celuy qui «oit toutes cho~
içs., (pypz perfuadc que, vous .
ferez un lamentable naufra* -
g£»v°& vous- ferez vousJ
mefme-dans un extrême clan-
-ger.de-périr. Tous recourunerez
' feul en Ithaque ê^m
un -vaifleau qui ne fera pas
i -vous. Vous y trouverez
jde nouvelles affaires. Il fan*
dra chaflo: tous ces vains
peteod^ps, de. . Betietepe t>

334 • •L"'ÔDTSSé , I
•vaincre les nos par la .fof-
>cc % gagner les autres par
• voftre iagefle. 11 y a • des
peuples ., qui. .ii'ont jamais*
•veu la,mer,'Si qui -n'ont
point--chés eux 'Tufâge du
tel y qui vous ayderont dans '
•voftre. entreprise. Neptune'.
enfin 'fera appàifé par un
facriice que «vous ' luy" ferez ; '
•voftre vielléflê .fera lieureufe; '
vous jouirez cPiin' repps.que
vous- aurez ntâritë;. ^Mjtik .--fe
mer i: vous

ifHoî*oiii,Xiv.Xt 3n
Heur ( refifter. Mais Je 'vous
-prie de .«Rapprendre une
.chofe. le vois ici prés l'Om- *
l>re de mz mère. Elle -ne
"daigne pas me regarder., ny
me parler. Comment pour*
rois-je me faire çonnoiftn»'
.à.^eUei , .
ll.eft.'aifé de -vous l'apprendre
, me .répond-il. Les
••••Ombres aufquelles vous .refuferez
. quelque part au. fang
de vos viifUines ^ ne -vous
connoiftront point.. Mais ,
elles n'en auront pas plûtoft
pris qu'au liep d.e s'enfuir.
' de vous ., elles vous répon- •
dront à tout -ce qu'il vous
plaira .de leur demander.
.Tirefias méfiant retiré y ma
«ère s'approcha 9 je la.laijt '.

•fay boire à fou aife, & j'en'
_ fus aufS-toit reconnu.- jQqoy,
•me dit. elle cfu-n ton le plus
«trille du monde + comment
;vous eftes -vous Jiazardc de
descendre dans ce pays 4e
'de-ttil &" de trifiefle' 3 Ah
mon fils * comment • avez-
-voiis- paffé .tant 4e fleuves,
.& tant de -mers, -.qui nous
Jèparent s Helas 3 apprenezriiioy
'Voftre deftince, Eftes.'
vous ".encore erranr avec vos
compagnons "? KPdtes - vous
«point encore retourné- • en
• Grèce ? Avez" vous veu Pe-
. «étape; avez vous' veu Tèlemaque,/
Je pris la parole* pour la
fâtisfaire , & je luy raconteen
peu de mots, l'eftat de
ma vie. le luy tendis ' k$
bras

©•HOMèRE ,-LIV. XL $}j
liras pour l'embrafler,, m'ef- •.
forçant par trois fois de la
prendre > ' & par trois fois \
«lie difparut 'd'entre -mes
-mains , comme fi elle.-n'eufl:
efté qu'un fonge. Ah t ma -'
mère, luy dis-je ^ Fourquoy ';
me refufez-vous le plaifir de [
Vous •embraiïer .?• Avez-vous )
oblié 'que je fuis voftre fils? ^
;permettez»moy la trille fa- .
•tisfaftion que je. vous de». •
-mande, -Confirions, .nous Tua *
l'autre partces lugubres -cm*.
: braflemeias. s Ne . me fçyez
pas., chère "Ombre , y a-t'if
ici une JLoy allez -cruelle. ; ;
pour nous -deffendre un plaL \
fir fi raifonnable ? le-ne %om'- .'
.aurois donc venc' *que pour ;
augmenter par voftre *efus ;
le regret que j'ay de Ravoir
*que mon abfence a efté la
Tmwl* ' P

coiifè 4e voftre' mottj
jt • ^Helas -i me répondit elle,..
/•._ ctroyez-vous mon cher fils,
1 , ^ue les morts coDfepvenc ici
/ Quelque ckofè des corps-dans
; (lefqueis ils. ont vefcu.? UH
/ |ieu les purifie de.- toute la'
/matière dans laquelle ils
( >cftoIenc engagez durant la
\ \wie* Nous -ne femmes plus
/ • «ue des • âmes cjui fubfiftons
, Uns avoir rien de. foiide*
/ ' Tout le commerce- qui eft
v . £ntre nous f eft uu*- commer-
/ m de pur efprit. Ceft l'eftat
I ' mm -tous les mortels doivent
'; /eftre un Jour» Vos bras ne
/ "' peuvent plus arriver jufques
; - à- moy* Mais alle&, mon filsf
retourne» à k lumière du
Soleil» Je croy que là douleur
: la fi» cM^aroiftre. le ne"

Il Vis 'jrfus* 3-mais Proferpine
.ayant fait'forcir les' femmes
des pins' grands Capitaines
•de la Orece ? j*en -vis un
grand nombre arriver autour •
de moy. 'Comme- | f avois
une grande curiofké d'apçrendre'
de leurs nouvelles^
Je refcto 4e ; - ne leur "permettre
pas d'a'ppitoclier du j
b&ffm facfe , que les "mies
après les autres. Ainfi Je
tiîray mon • épée pour e»
écarter le> nombre.
- La "belte' "Ityi» fin: ïarpre*
. -miere que je ièiCay paiïè% "
fans fa connoiftrë. Elle m'ap-
•prit fës- amours ; airec Neptu*
îie 5 dont elle àvoit

349 'VODYSSE 9 ! ;.
qui ayoit efté maiftrëflè'de
Jupiter & mère d'Amphion
SL de Zetus ,. fondateurs de
h Ville de Thebes " s . elle
paroiiloit .encore fiere d'avoir
cité aymce du plus grand
des Dieux. Alcmène eftoit
ayec elle , qui eftoit fem- -
me d'Amphitrion 9 & jnere
'du grand Hercule 3 que lupiter
• reconnoiflbit pour fon
fils. Enfuite Megare fille-de
Creon fe prefènta } elleieftoit
femme d'Hercule 9 & elle en
eftoit • aymée. Mais helas «
durant jja • furie dont il eftoit
tourmenté par la colère de •
lunon 9 il la tUa 9 & fut en
mefme-temps & fon amant •
&. fon meurtrier. Le maL
faeur 'de locafte me toucha'
fenfiblemenf. Elle eftoit fenv •
-tnp de Laïus % •

. d'Oedipe. Mais celuy-ci qui
ignoroit le fectet de fa naiflance
, tua fou père. Jocafte
qui ne coçmoiïloit point- auiï
..Ion fils .,. devint fa femme,
ïàmais. la maligne fureur du
deftin ne fit voir au jour
-tant .de honte & d'horreur?
• locâfte 'ne put apprendre
tant'de crimes \ fans périt
-de deplaifir. Oedipe régna
.à Thebes. Mais le» furiesrendirent
fon règne mal-heureux.
Apres elle je vis cette
charmante, Cloris , qui mérita
par fa beauté le cœur
de Neleus. Ce Prince eut
d'elle la plus belle famille
du monde.. 11 fut- père de
.Neftor-, de Chromais y . &
de Peryclimene. ' Mais- il n'y
eut jamais rien de plus beau,
que Pero leur fille. Ceftoic

$4* z p O'pw JSB'I
un mtfa&le .que - Ton or
.pouvoir voir 3. fans €n ^ftre
• forpris^ Mais -Meteus fou pe~
m -p£ .la. :vpuloir donner qifà
celuy 'melme y '& -chargé de cfaai-.
©es, & il n'obtint fit libertéque
de • h gjenetofîté' d'IphLçle-
fotj, vainqueur». Leda
fèmatz cfe Tyndare arriva»»
file, eftote mère de Gaftor
Jfc . 4&- ppliux ^ l'un, qui
#^fypifc •dcefler .des. chevaux,,
ï'aptfe qtii a éré-le premier .dans,,
ïart de f Eferiaie.. €es.: deux,
Jreres parfagenencFimmûrtaEt

H^HOMSKE^V. XL 34}
vie , & qui 'pat de continuelles
révolutions - font tantoft
avec les Dieux , & tantoft
awc les Ombres* • ipM<
medie-yqui vint "après- Leda,avoit
efté femme du Géant
Aldus* Mais ayant efté furprife
par Neptune t elle ew
avoit eu : Ephûtlte*. & Otus^
Jamais- la terrd- ne port»
rien de plus grand punir
leur âge y que ces deux
Aloïdes y à l'âgé de neuf 'Mm^
is a voient plus, de neuf" coudées*
de hauteur 5 &* autant
de, grolïeur. Âlotis- le» ds*ftinéit
déjà à la guerre contre
les Dieuk. Ils* eJloient
Mardis*. |ls ménaçofc&c tout
l'Olympe.. Us entreprenoienr
d'èntaftet des. montagties< pour
-cfcatadet fc Ciel , te déttofner
les;Dieux.- Ils fétifc
." • ' P Uiji

344' L r 0. D Y &/$£*£-
fent fait fans doute , mais
ils- 'fe tuërenr l'un l'autre
• par l'adrefle de Diaee.-
Ariadne pafla , cette fille
de Minos, que Thefée emmena
de Crète à Athènes..
Mais il ne jfe&it pas longtemps
de les- charmes, Dia-
, ne l'enleya en llfle de Na-
• xi r où- elk fut aymée de
Bacchus» - •
Phèdre , Procrïs, Cfyme-
•ne y payèrent a leur tour.,
le. m'arreftay à confideref
-la trHteie cTEryphile. Elle
.avoir préféré FOr d'Adrafte
à la juftice qu'elle devoit à
-fon mari Mais , Prince,. la
nuit eft trop avancée pour
•ous raconter • tes noms, on
«les avantures de toutes lés.
Ombres qui fe prefenterent

D^HOMIUI, Liv. XL 34|
à moy , & d'ailleurs je dois
craindre de vous ennctyer par
un difcqurs trop long. Pour
ce qui eft de mon recour,
je m'en repofe fur la protection,
dçs- Dieux,.. & fur la
voftre»
On avoir écouté favora*
blemeiat Ulyfle f & on avoic
>ris. un extrême piaifir à
f 'entendre. •. La Heyne qui
avoic eité fenfible à toeces
les avancures- facjieufes qu'il
avoit éprouvées- , en " -diloic
cous les biens imaginables.
Avons nous- efté trompez
, difoic-elle, à Fair de
cet étranger ? Quelle confiance
'n'a-rtl pas eue dans
les plus grands périls ? C'eft
à nous de nous acquitter
'Pi

34*' * E^O'bTSSBÏ '."
des devoirs d'Hofpifâlité^,
que Fou eft .obligé- de rendre"
à. -ce Héros. . Nous Je.pouvons
v ayant recem. dansée
pays tant de faveurs • des,
Dieux, immortels- „ &L il lesmérite
? luy que fà-. &ge(fë-
& fon courage- deffëndent:
toujours- contre- la colère ' de.*
Neptune.. Echence applaudit,
aux, louanges, que la.
Reyne-' .donnoic. à>. Ufyfle*.
Son, âge y. fon-. expérience „
là, qualité ?, luyr donnoienc
uni des premiers fangs à" la.
Cour. d'Âlcinous. Ce Prince*
témoigna' à' Ulyfle que tour
ferait: preft- au plûtoffc pour
fon • retour - y mais-. qu'il - pour
voit- demeurer dans ion:
Royaume aufli" long - tcmps>
qu'il luy plairait. H n'y.
a»oit aucun des Pàeacieos.-

D'HOHIKB, Iiv. XI. 347
qui n'approuvait que l*oa«
Ift pour'Ulyflc un armement -
digne, de là naiflance & de 1
fon mérite.- 11 en fit £es- rei
mercimeos au j 'Roy,, à !&•
Reyne, & k toute la Cour;.
Ce tue feroicrleor difok-il^
la chofe la plus agréable du*
monde: de. faire un long;
lëjour 'dans un " pays a& -je-'
reçois tant de bien, faits- ;,
& oii je trouve • une fi ge^
nereufe' protection. Si- je
n'avois qu f i iuivre fflonr- inclination
,. je ne vous prie-rois
pas d'avancer le plu*
qu'il fera poffible mon embarquement;.
J'aurais le plaï-
Ir de jouir avec vous de*>
douceurs du plus heureux
pay^ que j'aye veu. Mais>
du moins j?auray- le plaifir
de- porte» ca- ma - pâme h-

348 .L'ODISSE'B
gloire d'un 1 peuple .fi généreux.
On'y verra, Seigneur,
routes, les marques que je
recevray de voftre libéralité,
& j'apprendray i Telemaque
à partager avec moy Ifi
,reïTentiment de.- l'honneur-
&>. du piaifïr que je reçois..
. On fait juftice, dit Akifwiis,
à ce que vous eftes.
On vou§ a- aifément diftingué
de ces avanturiets qui
n'ont point d'autre mérite,
que' la hardieffe qu'ils ont
à fe donner des entrées dans
toutes les Cours des Princes*.
Vous, avez' une éloquencedigne
d'un Héros. Nous en
avons efté charmé»,, & * je
croy que Voa eft dans la
snefme • impatience, que moy
d'attendre kjuite de vos a-

fHoMS&B ,LiVr XL J4y
•antures. La nuit efl: encorelongue
, & quand* on la pafl
feroit touce-entière â TOUS entendre,
on- n*auroir pasfujet
de fe plaindre 'de nfevoir
pas gouftc. la douceur du
iommeih Achevés donc,
généreux Ulyfie, ce que
vous a vies commencé.. Vous
n ? avez encore rien dit des
âmes de ces grands Héros ,
qui vous fuivirent i la guerre; t
& qui y ont achevé leur'
deftinée, Ulyfle voyant que
Ton efloirdans up ïïlence,
qui cémoignoït qne * F on avoit
une extrême envie de
^entendre;, reprit fon-difcoursi
le-ne dois pas ,. dit.il, vous .
refufer,. ce que vous me demandés.
Mais helas 5 tous les
malheurs- que je vous ay
contés ne fout rien en- çOXQQ

paraifon de ceux que )*kf
maincenanr à- vous diretJuucs
que Proferpine eut &
I eigné ces-illuftres Héroïnes*
que Javois veuës ,1'anied'jy»
gamemnon parâifToit au milieu
de tous ' ceux- qui- perû.
rentr avec lùy. dans- la raai^
fou d'^Egifte, Ge HérosbeutTdu
fang 5 du facrifice,,
. & il me reconnut" auiE-rofly
il eftendit fes bras v & il dcfi*
foit de m'èmbraffet.. Maisill
n'avoit. plus- rien" de fohde^
ny de ferme. Ifc m'effôrços,,
auffi de- L'èmbrafTer,-& je ne
. trouvois^ .(qu'une.* . Ombre ,,
qui 1 fe diffipoic plus aifanentque
l'air op qu'un-- fange»le
ne ponvois- pas nfempcii
cher de'pleurer- voyant œr
fi" grand Capitaine en cér
état,. Sa -krmes répondaient'

à mes pleurs, & mon coeur
citant pénétré -de.- douleur
•fe de compaflïop^ je fus*
gorgé.-Us m'ont- lacriftc ai
leurs criminelles amours,.,
dànsj'un- feftin où" je n'at-tendois
que de la joye, j*ayv
tarouvay la- mort la plus,
cruelle & la plus- indigne t.

qui ait jamais efté. Tous':
ceux que vous voyez avec
moy périrent dans cette déplorable
' fefte. Kous eftions
eftendus dans la ïàile ,de ce
fïraefte repas « où. nos foûpirs
r nos- gemiffemens T
nos plaintes auraient touché
les coeurs les plus- barbares.
T'entendis- prés de moy
la voix- de Callàndre que
Pinfîdeile Clytemneftre n'a-'
voit pas exceptée de ce
ma(Tacre,r le vis mourir-cette
Princeflè & ma douleur _
achevant mon deftin, je péris
bien-toft moy- mefme. le .
m'ettois promis de la joye
à mon retour tle n*ay trouvé
que de la. perfidie. On
ne pardonnera jamais une
adion fi deteftable au nom
de Clytemneftre. Elle fera

BHOMIRE* Lfa XL. 355
expofée aux reproches de
tous les i fiecles, & les plus
llluftres femmes*aUront honte
d'être d'un fexe deshonnoré
par • une fi laftfae trahie
ion..
Helas ! luy dis.je, lupiter
a donc bien de la haine pour
la race du malheureux Atréc
puifque après avoir elle conservé
dans la- guerre . oûe
tant de vaillans hommes ont
péri pour Hélène, vous perifL
îes par Clytemneftre- & que
fa niaifon vous devient plusfunefte'
que- la guerre la.
'plus fànglante.
Ah/- reprk-i!f. f'zj commis
trop ayfement tout mon
deftin à la -fidélité- de Cly~
temneflxe». le devois fçavo^:

574 & r 0.tn$*'£fe '
que h eonftance eft uîiè
vertu rare ,. Qu*ii efij
"difficile d*arrefter k légèreté
d # un cœur ^ Je que
.-•ce n'eifc pas eftre. fàge r
-/ que de n'avoir pas une «M.
^ lance raifonnabie. V excepte'
de ces reproches fa chatte
P'fenelope~ Elle eftoit fccr
jeune, quand nom partîmes*
pour le,' fiege de Troye, Elfe 1
'a eflâvé durant voftre ab

*n'-Ithaque ne vous lattes
point cotmeiftite»- P«~
Mes vos mefnres, avant que
jèe faire aucun «élat?. Vaycs>
jen quel eftat fera Peaelppe»,
Car jeniSor apnes. zwok wm~
Clytemneftre infideller iln*ya
peint de Y£ttmy qui'Vne
me foit fufpeâe.Mais apprenez
jnoy, cher Ulyffe, quelque»
nouvelles fi'Oréfte» Ne Ku
irez vous point. veu à SpaK-
*e, en: Pylos-, "eu- è Atàe-
Bfs i Car enfin il jouit encore:
de la lumieie du So*-
,eil, .
J'eus du dépMfïr de _ ne
pouvoir le ûtisfaire- Mes*
••eyigés fofenpefchaKnei'en*
Ravoir, rien- d'àffiUic,. & • je*
ne -dévots] |>jas • l'entretenirptioemenr
de bruits. inces»-

$f6> t'O'DtSSBV
fâiûs,. Nous-demeurions dam
un -filence qui exprimoit nô*
tre trifteïfe^ lors que les ombres-
d^Àchilte, de Pâtre-
.clcy d'Antiloquç & d'Ajax
s'approchèrent de moj.
Quoy !, me dit Achille" furpris»
de me voir chés les
morts % par quelle eftrange
avanruve,. Olyfle, vous txour
ve-t'oa en- cette redoutable
demeure ï Tous ne nous j
voyez plus que comme, des-
Ombres.-. Cette vaine apparence
eft tout ce qui noustelle
de ce qoe nous- citions,
autrefois-' ' -
Je luy dis que' j^eftois venu
conluker le fçavant Ty*
•relias, que j'eftois encore*
«rantr n'ayant pu .jufquçt»

©"HOMEïIBJLIV.XI 3J7-
•à lors -arriver en - Grèce.
Mais, que voftre fort eft heureux
\ difois-je j verra- t-oa
jamais un Héros .plus adoré i
Vous avez efté Je plus illuftre
de nos Capitaines j &
#ous commandés encore à
tous ces morts qui vous environnent.
Voftre gloire a,
efté ^ immortelle , & ' vous
eftes au Royaume de Plutoa
ce que vou5 -eftiez dans la
Grèce j
. Vous--ne fçavez pas , me;
.•dit-il j| ce que c'eft que h
- mort. Groyez-moy, j'ayme*
rois mieux eftre le dernier
de tous les hommes , qu'e
.d'eftre ici la première; de
coûtes les .Ombres. Ày'mez
la vie , coifttae le premier
dp tous tes tiens. To»r

$1: ••' ^•#»fs-$-#i / *
•eft Icy deilruit. On tfy i
plias de rang. Nous (bouffies
tous- égaux, & on ne
tious doit plus rktt. Mais,
dites . moy je- vous^ vous prie
dts nouvelles de Neoptole-*
itoe. Fait - il patoiftre un
courage digne de fît* -naifV
•iânee f Âyme-fil les armes,
& la ^girerre -? £c 'Pelée eft--
M" encore honoré dans la J
Theffalie- 5 Son extrême*
vieilleflè ne le rerid-eltef
point .méprifable aux. MyrraidoBs
1 ^ Hfelàs-1 je ne fçan-
.ibis' plbs- eftre fon appuy*
jfe ne fuis-plus cet Achille
ïï redoutable aux Troyens.
Je n f ay plus cette force'
'que j'aurois fait fentir à ceux'
qui n'auroient pas refpeéfcé
la vieilleflè , de mon père.-
Tout- efl: paie pour moy*-

Je .-n'ay rien de nouveau f
luy- dis je , à vous apprea-
.dre de -fêlée. Mais je puis
•'Vous parler de voftre fils..
G'eft moy qui Je menay
dans mon vaiffeati au fatneux
iîege de Troye f
l'ayant- pris .en rifle de
Scyre ., fa fagefle ' fe fit
dîftinguer dans mm les confiais
de guêtre , où Neftorf
luy & moy , gouvernions
toutes chofes. Mais- il eftoir
toujours à la tefte de ceux
qui fe trouvoient dans quelque
occafion, - On ne la jamais
veu ménager fa vie.
Les périls oâ f on efloit leplus
expofé, if eftoient point
trop grands pour luy. Cornfeien<
de Tr-oyens ne fontils
point tombez fous fes
£o.ups> On -ne peut - pat

Twjpw^ "'^W
3Ï0 ' .A*Ol>YS'.SI*E -
-vous dire toutes les -viAoïces
qu'il a remportées. Il
vainquit Telephis , & Euriphile.
.-Le grand nombre
de leurs .amis , que Fefperance
de la gloire engageojt '
.à leur .deffenfe ne pût empefcher
leur , mort. Il
triompha -de tout ce qui
.ofoit lui refifter. • Mais il ne
fut jamais plus intrépide
•que dans l'occafïpn daa*
gereufe où Ton' eftoit dans
ia machine d'Epeus, On
entendait les . Troyens
qui délibéraient de l'ouvrir;
ils auraient trouvé les plus
llluftres Capitaines de la
Grèce -enfermez dans ce
cheval. Au -bruit de la délibération
des ennemis 9 . les

.D'HOMEUE, Lnr.XI. 3^1
d'eux s'ils avoient efté découverts.
Les plus hardis
paiïrent 'dans ce danger.
Il n*y -eue

36i L'ODYSSE'E
Soldats.
L'Ombre d'Achille fentit
de la joye d'apprendre que
Neoptoleme eftoit digne de
luy. Elle fe retira avec un
air content dans une prairie
agréable où je la voyois fe
promener fièrement, & le
réjouir du courage de fon
fils. Les autres morts eftoient
triftes , Se s'entretenoient
de leurs malheureufes avan*
tures.
Il n'y avoit qu'Ajax qui
dédaignoit de s'approcher.
Il fe fouvenoit avec dépit
d'avoir perdu contre moy
k vaine prétention qu'il
-avoit fur les armes d'Achille.
Mais cette vidoire que je
remporta? ,.'.fiit û wnefte

©'HOMEUE , Liv. XI. 3«3
*ux Grecs , que j*eus regret
de ne l'avoir pas perdue*
Ce généreux Capitaine rie
put fouffrir d'eftre vaincu.
Le déplaifir qu'il en eut fut
lî violent qu'il fe tiia luymefme.
le m'adfeâày à luy
pour rengager à me répondre,
& je choifis les paroles
les plus obligeantes. Généreux
Ajax , Juy dis-je, confervez
"vous encore du réf.
fentiment contre moy , ou
contre les Grecs. Que voftre
perte nous a. courte i
Vous eftiez noftre Achille.
Vous nous defFendréz contre*
les ennemis. ; Toute la Grèce
a honoré de fes larmes
voftre tombeau; Helas.«nous
ne fommes pas les caufes
de voftre funefte accident.
I«piter a témoigné la hayne"

564 I^ODYSSS'E
qu'il portoit aux. Grecs , en
vous feparant d'avec eux. Car.
après la morr d'Achille, ils
n'avoient plus de reflburce
que dans voftre valeur.
Apres \uy avoir parlé, i\
ne me répondit rien. Il fe
retira fièrement vers l'Erebe.
Mais j'aymay mieux parler
à d'autres Ombres que de
le fuivre. le vis Minos, juge
des Enfers , ayant up.
Sceptre en fa main. On fe
iuftifioit en fa prefenee , &,
iprés avoir entendu ceux
qui arrivoient au Royaume
de Pluton, il leur prononcoir
leur Arreft fuivant ce
qu'ils avoient mérité.
Vaperçeus de l$>ra àam.
uoe prairie ^ cckbrt Orioni

'HoMË&E* Liv. XL 365
qui clierchoit ies âmes des
belles fauves , qu'il avoir
tuées à la chaffe. le le
voyois courir d'un cofté * &
d'un autre y ayant encore
une mafluc de fer à la
main.
J'eus la 'curiofîré de m'a*
vancer^ pour découvrir quelque
chofe des tourmens dès
âmes malheuretifès. Tkyef
fils de la terre 9 eftoit efteo*
du dans un cfpace- de neuf
arpents ", qu J ii rempitflbît par
fz monftrueufe grandeur.
Deux .Vautours , dont il ne
pouvoir J& • defeadi© -, kiy
déchiroiecit • tnceflàffiest le
cœur. 'C'eftakk juftè punitîon
.de fm : owie-y ayant
voulu fiifpitodre Latone
qui eftek aymee de lupicer

$66 L'ODYSSEE
dont il avoit Finfblence
d'eftre rivaL i * *.
Tantale fouflfroit un étran»
ge. fuppBce. IL eftoit tourmente
-d'une >foif brûlante.
Il iè jettoit en vaiut an
milieu d'un fleuve. Toute
F eau fuyoit auflx-toft. il la
pourfiiivoit j il eftoit preft
d'en prendre & d'ei* boire.
Elle ,arrpfoit quelques fois
jufqpes -à. fes lèvres. Il ou.
¥rok fa bouche .altérée , &
s*efforçoit -de la .plonger dans
le fleuve , .pour eftaindre
l'ardeur - der fa . foif 7 . mais
^ous ces.efforts, eftoient.imi».
tiies ^ Peau fuyott-au ' tno-'
ment qu'il croyôîc en prenr
dre y & il m orouvoit plus*
qu'une feclaerefle .qui " le, con- '
funoir. JU tfettoit pas moins

D v HaMEiLE,Liir.XI. $67
tourmenté ' de la faim.. Il
voyoit les 'plus beaux fruits du
'monde que les branches des
arbres prefentoient à fes mains.
Il ne les avoit pas plûtoft
avancées , que ces branches
fe ictiroient : Un vent ' les
eflevoit fi haut , que ç'eftoit
en vain qu'il les .regardoit,
& qu'il en vouloit .ctteil*
Jir. . • .
Sifyphe portok inceflam.*
ment une pefante pierre ju£
ques au haut d'une montagne
i à peine avoit. il-achevé
ce travail que la pefan.
teur de la -pierre... la ! faiiant
retomber' jufques-; au. bas f
fans qu'il peuft' la retenir,
il defeendoit • luy - mefme
pour recommencer à la porter.
x Je le voyois^ couvert

*éfr L'ODYSSéE
de pouffiere "& de 'lueur y &
accable rftin frayai! , dont
M ne pouvoit Jamais atteadre
aucune fin*
- Pour ce qui -cft.d*Hercttw
le je, ne iris- que limage de
ion ame / car il, eft awc
les Dieux , avec lefquels. il
a part aux délices de 1*0lympe.
On entendoit autour
de ion Ombre de grands:
cris t &'• *w voyô-it tous Ici
morts; prendre, la fuite*
comme iuie troupe d*Oyféaux
qui s*envole aux approches
; .du chaleur*. ÊÙe
avok Tare, à 'k main , êc
fur un Baudrier d'Or , on
yoyiMt des Lyoro % .des Sangiiçrs
^ des. Ours % & toutes
'les autres figures .% qui re~
prefencent lès .fiftoâres*. Feu

» J K©'MHiEt.LiT. XI y6f
fus reconnu, & j'entendis*
diitinûeatent ces paroles,
Te éprouves fans doute,,
Brave -Olyflè p un fort comme
le mien. Tu fijais ce
que j*ay eu î foufjFrif r bien
que- je âiCesfils de lupiter.
le defcendis dans ces UeuxF
d'oè j'emmenay Cerbère*
Mercure & Minerve m'aflïaèrent
daas cette terrible
cntreprife, La vertu r avec
h faveur des Dieux y triêm*»
fàe de tout».
Javois *enj»re~ envie déparier
à ces anciens Héros,,
Thefée & firitfioûs. Mais^
ayant entendu un effroyable*
ferait f je craignis que Proferpine
ne me punift de ma
curioïïtc , faifant paroiire

L'ODYSSE'E
37°
devant moy la telle horriblç
de Medufë. Ainfi j'allai
trouver mes compagnons >
& ayant levé i'Anchre nous,
nous remifmes en mer.
J%i du. onzième Zivrc^
fmmn
mm

D'HOMIIUEJLIV.XII. 571
L'ODYSSEE
D'HOMERE.
*»
L IF-RE XII. ^
PRES nous eftrc
efloignez-. do rivage
.des Cimmeriem &
avoir couru fur.mer
mec un /vent favorable ROUS
regagnâmes- rifle, d* . Cîrcé.
Fenvoyay chez cette D.éeâé
-prendre k corps d*Elpen»r>
03

pour luy drefler un' bûcher,
& ayant élevé un tombeau,,
j-y lis graver une rame avec
fon nom. La Nymphe .ayant
appris noftre .retour vint fur
le rivage f où nous receu»
mes encore mMle témoignages
de fon amitiés Elle
nous avoit -fait apporter de
grandes proviftons de pai%
de viande,. & de vin. Elle
cttoit a» milieu: de nous
tous ^ & fe rejoûiffoit du
fucccs du voyage que nous
avions . fait y _ mettant à. la
Joyé

• D!£OMEU» Liv.XIL 17$
fallu ' que vous voyez ces
noirs rivages ,'avant, que la
mort vous y conduire. . Il
eft jufte , mes amis r que
vous preniez un peu de
jçepos , -demain vous -contfrancrez
voftre route versltha-
'que. Jay.-des avis- 'àmpor*
tans x à vous donner . pour
voftre retour. ,, je ne pu»
wfempefcher-. de • craindre
encore . pour- vous beaucoup
de malheurs. Mais il faut
les éviter par • voftre &*
gcfle.
Nous pafl&mes-- .onfemWe
-tout k jour:, '& nous râ»
chioi» de < charmer- noftre
inquiétude ' par" la jpye des
feftins. "Lors, que la-nuit .Bat:
venus , je ' laifny mes corn*,
pagnons, fur ce -rivage. 6c

574 " VODYSSB'*
j'allay avec Circc f qui
m'emmena dans fou Palais*
^
Elle me fie conter tour
le détail de mon voyage r
apprenant avec pkifir tout
ce que favois-' veu chés/les»
morts. * Vous- allez entrer,
me dit-elfe f. àaaa& in danger
qui me fait • trembler
peur TOUS. Je'vous ayme
trop ,'cher TJlyffe, pout ne
vous -avertir pas d J y. prendre
garde* Le péril eft d'autant
plus grand , qu'on .ne le
craint pas. Vous verrez cfe*
Sirènes qui ne font pas
snoiar agréables que les- plus
belles Nymphes* Elles ont
Fart d*engager la hommes*.
Leurs voix font fi : doucer
qwe fo» ne peut pas- refiHer

D'HOMEM» LIT. XII. 371
à leurs- charmes* Elles ©ai.
jg ne" fçay quoy 'de fi touchant
f, qu'il n'eft pas- pot
fib.lè de s'en deffendre. On
fe- laiHe emporter au plaifir
de les entendre. Il fem^
ble-qu'on -ne. doit apprehenr
der rie»' de fâcheux , & que
leur douceur ne promet, que
cie la joye* Mais on né
s'eft jamais, latffê furpreodrc
a leurs attraits , fans > reconnoiftre
+ quoy que .trop- tard,,
leur infidélité; On peritr
iBiferâblement entre leurs
mains. Elles fe plaifent à
faire mourir leurs amans r
Qt à arrofer de. • leur, fàng
le fuoefie Pakls où- • elles
exercent for eux toute forte
de cruauté..
". £ft fuite cBe m f àppritle

fji t r ODnsE r i
moyen de ne céder pas &
leurs eiatàanteieens^ • Elle
me cooniaïKlA de me feire
-lier au mas de mon ¥aifieaur
& d'avertir nies gens de de
«fofter pas ces tiens* qu r a-
f
'rés que nous en ferions*
ien efloigsez,. - Pour ce qui
cft de .tous mes compagnons s
Il a faut , dit-elle 9 leyr fermer
les oreilles avec - de ïm
cire. ' Je n*ay rien à vous
dire du relie de voftfe • navigation
, vous irez o& " les
Dieux vous conduiront.. Cependant
j*ay encore à vousavertir
:de deux rochers •terribles
qui font dans la iuer.
les vagues & brifent coi*,
tr^eùx avec un bruit effiroyai>!e.
Ceft un- pa^ge lï
dangereux que l'on ne man*
que Jamais d'y iake n£u£bu

D*HoMEKE,Lnr»XU. 377
ge. Les Colombes qui nour-
.riflènc Iupiter y perifient
fouvent > ôc il eft obligé
d*en .envoyer de nouvelles»
pour apporter fou Âmbrofie.
Il n'y a que -le navire
, des Argonautes. y qui n*a
point péri dans ce redoutable
paflage. Mais il y aurait
elle brifé , fi la Déefle
qui aymoit Jafon n'en avoir
pris, elle-mefma-- la copdo-L
te..
1 Un de ces rochers eft
d f ufie _ hauteur que f on ne
peut regarder fans étonnement
f fà tefte eft élevée
Jufques au Ciel-, & environnée
en- tout temps de -ces.
•terribles nuages >: où fe for.
ment les tempeftes. - Jamais
fair nNr eft-ferain. • Les'itt.

$jî L'ODXSSE'S
peurs qui sy arreftent pour
le changer en orages y font
une obfcurlté" • continuelle.
Au refte cette- hauteur eft
fî efcarpée , .& le joc en
• eft fi nud t qu'il n'y a point
d'homme allez -hardi pour
entreprendre d'y monter^
« 11 y a- au milieu de cet
affreux eciieil une caverne
tournée Yers le .Soleil couchant
,- dont l'entrée paroift
Faite. Ceftr - là que Scyila
fait fa demeure , d'où f on
entend fes rugiflemens plus
terribles que ceux des -Lions t
Ç'eft un. monftre- ' éppuventable,
que",les Dieux raefmes
ne peuvent : regarder
fans . efiroy.. Elle a douze
griffes f fix gueules à -trois
fangs de.- dents furiçuîfes,

D'HOMèRE, Liv. XII. 379
fïx teftes feparées fur autant
de Troncs différents,
la moitié de fofl corps eft
cftendu dans fa caverne,
& l'autre moitié elle la
montre , 'quand elle allonge
fes teftes fur les Dauphins,
& fur les Baleines , qu'elle
devôre } il n'y a point de
Pilote qui fe puifle exempter
de la mort. Car elle
eftend fur les vaifleaux qui
paflènt , ou fes griffes , ou
fes gueules , dont on voit
couler le fàng des corps
qu'elle engloutit.
L'autre ^cûeil , eft moins
élevé, & on en pafle fi
prés que Ton n'en eft pas
éloigné de la portée d'une
flèche ; on y découvre va
figqier fauvage v ÔG ,c'eflr

3%® L'ODYSSéE
deilbus cet arbre que Chaxybde
fe_ remplit de tous les
courants "d'eau dont elle* eft
environnée. Elle les pouffe
deliors trois fois le jour, êc
les reprént autant de fois.
Prenez garde de ne pafler
pas prés d'elle aux 4 heures
Qu'elle avale avec avidité
& avec un bruit terrible
toutes ces vagues.. Vous
perdriez voftre vàiffeau dans
cet abyfme inepviiàble. "Il
faut • mieur approcher ' '4e '
"Scylta>«cbazardîer quelques»
uns dç ?os compagnons à
devenir la proye de ce mon-
• ftre % que de périr tous'dâns
le -gouffre' ••iûfattâble de
Cfaaryède.V ' ' ;
' ' Mais dites » méy Je vous
'.jprie % loy 1 cKs-Jc, après''avoir

D'HOMBRS, LIV. XII. 381
•cvlté Chârybde , fi j'appro-,
chois trop prés de Scylla,
& que ce monftre affreux
devoraft quelques - uns dq
mes compagnons f ne pour,
rois-je pas en tirer quelque
vengeance /
. Ah j me dit-elle. 3 cher
Ulyffe , il ne s'agit plus ici
d*eftre brave} ne croyez pas
que vous ayez à combatte
un ennemi .dont la valeur
puifle triompher. Scylla ef|
invincible. Vous -avez fçeu
furmonter Troye. Mais il
n'y. a point de vidoire à
efperer contre ce monftre*
le plus feur eft de s'eneftoigner.f
Se d'échapper à .fà
fureur, en le . fuyant. Il y
a un extrême' péril à s'arrefter
pour combatre9 Q^eL

Jf8f- L*ODTSSB f «
ques efforts que l'on prepare
, on eft . bien-toit faifi
de fes griffes. Elle avaoce
& die retite fes horribles
gueules. Avant que de recevoir
aucune playe , elle
aura dévoré cinq ou fis
hommes. . paffez donc avec
toute la" diligence poffible*
Invoquez le nom de C raté,
mère de cette terrible ScyL
k 3 & n'attendes aucun
fecours dans cette rencontre
, que de la fagefle de
voftre conduite.
Je n'ay plus qtf un avis
important à vous donner.
Vous arriverez dans rifle
de Trinacrie, mais je crains
bien que le féjour ne vous"
en foit funefte* Phaëtufè &
JLarapeie y gardent êc$

B*HoMEiiE,Liv.XII. 3S3
troupeaux. Ces Nymphes
font filles du Soleil, & de
Neeera, Elles fe plaifent à
la campagne \ où fans fe
mettre en peine des affaires
des Dieux & des hommes,
elles vivent en bergères.
Leurs troupeaux font admirables.
"Le Soleil luy*mefme
fe fait un plaiir .de faire
croiftre leurs pâturages f &
de les engraifler du fuc des
plantes les plus fertiles. Il
s'intereffe à. les clever , il
ayme à les voir fauter, fur
l'herbe & fur les fleurs, . IL
y a une attache fi grande
que je ne puis aflez vous
avertir d'empefeher vos corn,,
pagnons de leur faire.quel.
„ que . tort 3 ils en feroient
.bien-toft punis ., & je ne
ftjay pas fî vous .ne feriez

3$4 L'OBYSSE'B
point envelope vous*-mefineda-ns
la vengeance que le
Soleil en tireroir, du moins
vous verriez périr vos compagnons
f & i quelles avaitturcs
ne feriez vous pas ex *
pôle vous - mcfme ?
La nuit fe j>afla dans cet
entretien, Lors que Je jour
çarut, je fus obligé de me
feparer de cette aymable
Dçeie , Se de rejoindre mon
vaiUèau. -On fortit du Port,
•on bat- la mer i force de
rames jufqu'à ce'qu'un vent
favorable que Circé nous
envoya , nous fift avancer
en pleine mer. On n'eut
plus befoin d'Avirons. Le
vent qui eftoît fort, nous
aydoit- aflez. Il n'y avoir
qu'à's'en fèrvir pour 'nous
gouver-

D'HOMèRE, Liv. XII. 385
gouverner.
Je pris ce temps favora-'
blé, pour déclarer ce que
Circé m'avoit prédît. Je
commanday *|ue l'on m'attachât
au mas du naviremes
compagnons iè bouchèrent
les oreilles avec de
la cire , pour n'entendre
point le chant des Sirènes,
& comme le vent eftoit
bon , nous y arrivâmes bientoft.
Mais une ï>onace ftous y
forprit. Le vent cefla , la.
tner eftott tranquille, & quelques
efforts

386 . L'O&ISSB'B .
*lles, généreux U«yfle ? Eftes~
vous ennemi de nos chants?
N'avez, vous pas aflèz fouffert
f pour vous arrefter ua
moment à prendre l'Innocent
plailïr de nos voix ? C*e4ici
que'Ton prend quelque
repos au miEeu d'une longue
navigation. Nous fçavons
vos avanturef. Nous avon^
•fouvent chanté les faits généreux'
des Grecs fie des
Troyens. Ne vtius haftez
donc pas f & ne vous re- :
fufez -point. un pkifir qui
charme tous ceux qui cou*.
rent fur cette.mer» .
J'eftois charme moy-mefine
de la douceur; de leurs voix.
Je ne voulois pas feulement
m'arrefter, mats je les aurols
Mfm 'dàps leur. Palais. H

D'HOMEKE^Lî^XII. 387
y avoit je ne fçay quoy qui
«n'engageoit, je ne me fou-
•enois plus des avis ^de Cira
ce , de l'amour de la patrie,
& du defir de reconduire
heureufèment en Ithaque tous
mes compagnons. Déliez*
moy , difois-je , j*ay honte
d'eftre dans cette captivités
Ce n'eft pas en fuyant qu'il
faut combatre le plaifir i
c'eft par l'ufage légitime que
l'on en fait, qu'il faut le
modérer.
Mes compagnons ne pou-'
voient entendre mes plaintes
non plus que le chant de
«es Sirènes. Je les menaçais
en vain par mes regards;
en vain je les priois par des
lignes de fdûmiffion & de
tendrefle. Ils me firent le
Rij

$8S t'-Oï)yssî # i ••
plaifîr de ne m'accordes pas
ce que je;defîrois 'avfl$v4n& :
extrême- emprefleinenc^ • - /
* Cependant on pafia outre...^
&' nous apperceu-mes ^§&|É#*/
cher couvert- d'un ' lùfri^W^'
nuage, d'où. fortoie. lïn Jtfiiffv.
épouvantable,. Tout*• le.mort--, '
de en fut fur pris, ' La, fra-ye.nr
fit tomber des main*? toute!!.
les raflniS.. On eftok^dâifs.
un abbatement où la .-craintes.
'de périr ne prefèntotc plu»"
à un chacun qu'une mort
affreufe.-' Tf.tr - ^ ? .,,*;"
• falMs de cotw celiez &
je parfois aux pns. &• aux.
autres pour les animer. Eftce
là s leur difois - je, i je
premier péril où nous ayons .
ffté -t Wm. avons-pou? p*$*

D'HOMèRE, Lnr.XII. .jg-^
veo /de plu? grands ? Ne
•vous fouvietit. il. plus de Polypheme
, dont je vous ay
deEvrez i Croyez-vous donc
que nous.n'ayons rien à attendre,
de-la. fageffe de naître
; conduite i ('Ceft- fe deJ
fier de- & .vertu , que de"
n'en efperer plus rien y Je
kur.-.reprelentay . fortement
que ooftre > deftin_ dépendait
de. leur obefllance. Je donnay-
•' mes ordres, par tout*
Je reglay-, le gouvernail On
, reprit les Avirons > on ploya
les & lors-que
toutes chofes'eftoient de(è&
perées f nous commençâmes
d'eTperer. . - -
Cependant ' je - fçavois que.
le dtegec dtoit grand t je
Riij

,39*V l/01>YSfE*ï
n'avôis dit-"'4 perfonne que
Scy \\d *• • dévtirofo • • • toujoursquelques-"uns
de ceux qui
paflbienc Cette craint» au-,
rèk-'inis' le defcrdre* •' -On
n'aurôk pi garder ion'rang-*
Chacdi^ie îeroit retiré. • Pour
itioy- je m*ë§ois «rmé ,: Si
j'eftoîs • deflus ie'tillftc prell
i repoufler • là violence- de
ce mordre.-' ; Q2*?f 'que C§rce
nfëtift>'averti quli eftoir ^
inutile "die > f attaquer,. • je* ne
pouvais'' pas me refoule é
•oit .dévorer mes compagnons'
^ ;;: ou à efbe Ittioyu.
mejfiité Gt-fmfë^: fàms-luf
faire - ; quelque fefiftaacej-.
Nous- en eftions- : aflea
prés fans pouvoir la découvrir.
' Je regaifdôîi -ftïÉjoârs
veo le mililiï'cte ce^ftoeher

D'HOMèRE,- LIT. XII. 391
inacceflîble } là hauteur m'avoit
iafle les yeux * & Je
ne pouvois plus en fupporter
raffreufe obfcurité. Nous
eftlons dans le dangereux
détroit qui cft entre, ces
deux écûeils.
.. Charybde de l'autre cofté
fe rempliflbit _ des vaftes flots
de la mer. C'eftoit une choie
horrible que de k ¥oir
les repoufler dehors. . Ils en
fortoient comme des.boûil-
Ions impétueux fe répandent
d'une cuve échauflce" que
Ton a remplie. Ces vagues
rentraient & fortoient avec
ME bruit épouventable» Tan^
toft on- découvrait jufques
aux pieds de ce rocher , tantoft
les flots battoient jufques
fur fa., telle»
Riiij

39* ï/ODYSïBV
. Tout le monde eftolc fur
fcs gardes. On travailleur
de fous coftez» le conduisis
de l'œil , de la main-,
& de la voix tout ce travail.
L/occafioa eftoit importante.
11 n'y- avok pas un moment
à perdre. Autrement on alloit
eftreentraiftié- dans cet Jkbjfme,&
peçir dans ce flux
& ce reflux de vagues qui
fe ckoquoient incefêmmenr^
Cependant ScyHa nous- enlevé
fix des- plus vailkns
hommes de noftre vaifleau»
Elle les avoit déjà emportez
|trës de là caverne, lors que
je les apperceus qui me tendoient
les bras. Cette cruelle
k$ déchiroit & les devoroit
impitoyablement. Jem'entendois
nommer .par ces'

s"HoiaiJ,Liv:XIL 19)
nial-heureux , '& je fremiflbis
•de rage ,. ne pouvant leur
donner aucun, fecours, le
n'ay * jamais fenti- rien déplus
rude en tout, ce que
j*ay (buffets jufqu'à prefent.
11 fallut abandonner à ce
ptonftre abominable nos chers
compagnons,- & dvisec -au
plûtofl d'en- perdre, encore
d'avantage.. O'n redoubloit
les- efforts des Avirons %. tout
eftoit dans Fadion-. On
croyoir n'eftre jamais hors
'du- péril de Scylla &'de
Charybde, ' On. s'en, retira
enfin t "& après avoir .un.
feu .couru- en pleine mer f
nous- nous trouvâmes- prés
des .cottes, de. Tiiaacrie..
Mais je ne vouïois- pas
peemectte *p f 0û- y relâchât,
••.. Ri

194 •'"i*Ob-*fsi i *...
Il me'lMvênôu;-ydm- prediL
étions ' de Timfîa^ fie de.
Cire©, le conmandoiS''q.iie
dans une iflt' qpà dewée:
nous eiibre fipàefteu
• Ma» oo nfeflbîr pas- " em
éflat de m-'obeïr.; -La navigation-
avoir efté'' difficile air
paffage de Charybde & de
ScyHft. l'y avôit long-temps. •
que; l'on ne s'eftek point
Kpo/e;. Et'mefmes'il'- eftoie
mecelaire- de-' prendre terre,
pour avoir, de *l'eau'.. . Eury-
Joque - me repf efeotoit ' que
Je- ne devoïs.pas avoir•• cette
dureté pour mes cofBpigpons.;
Ils n'ont pas' f dilbk-. Û-r
voftrp-"courage ni vos-forces, '•
Ils font abbatus du travail^
& de la oajntç qu'ils on|

s'Hoicuti, Lnr. XII. 395
eug» 11 ajoûtoit que l'onvoyoit
des Ignés d'une ter-'
rible tempçfte t. que la nuit
eftoic proche T -& qu'il y ;
avoit un danger • manifeftc ;
à continuer leur route fur
une mer qu'ils- ne connoiCibienc
pas-
Je- commeorçay I recennor.ftre
que le deftin nous entrainoit
toujours \. & que"
l'on'ne peut éviter les malheurs
'où- nos' defîrs. mefinesfervent
à- nous- conduire.,
le ne permis pas néanmoins
qu'on allait à •. terre • t. fkm
avoir oblige tout le monde
par -un ferment inviolable
de. ne s'attirer point par"
aucune ie|uftice la vengeance
des Dieux.. ' . .
H4 ;

if 6 I'OD-YSSB'A;
On aborde avec cette
refolution. en Trinacrie. r oui.
fon donne quelque relâcheaux
inquiétudes que l'on*
avoit eues* Oa regretoic la-.
perte que Ton. avoit laite
prés de Scylk f> mais em.
mefine- temps. y OïL imputoit:
à fa bonne fortune de n f a*.
voir pas. elle, du- nombre -de
ceux que. ce- monftre avoit
ravis. Les. provilions de Circe.
fervoient à fe reikWirtt
& on paâoit infenfiblement
de la, crainte „ de F inquiétude
* fie de. \fk douleur à
h* jpye* • -
Âpres les-* premières* fietr^
*res du- fommeil f< il. ft levé;
«a grand vent t fie ' la metc
s'émeut: avec violence^ Lex
miages ewokjat dans. l 9 aif

»TCoiCEiS',Liv,XIL JJ-J
avec 'impetiiofité, & ai* Heu
de voir l'Aurore , le Ciel fe
couvrit d'une épaiffiè obfcu..
^ritc , il n'y avoit pas d'ap.
parente de fe remettre en*
mer, Noftre vaifleau n'eftoit
pas, mefme en- feureté..
. Pour éviter • les-, incommo^
dkez de cette Airieufe.- tempefte
3 nous Marnes obligez:
d'entrer dans une caverne.prochaine
f où: les NympEes^
de la mer avoient coâtume
de fe. retirer. Cfeft-là* *jueje
crus-, à propos déparier
i mes compagnons ibr lfc~.
tat oà la fortune: nous avoit:
feduits* >
Nous avons dans le vaiflèau;;
leur dis*je, ce qui nous eft:
neccflake pont jrivic.. Nous:

jff " JL r O*DY SSl r fi :
•oili dans cette lie où l'on
nous a avertis de 'ne .faire
aucun tort" aux' troupeaux
des Dieux.. Ne contraignons'
as le Ciel par nos lacri-
f
:ges de nous envoyer tous*
les mal-heurs dont les prédirons
de Tirefia* & dé
Cirée nous ont' iaenaflez;.
In effet j. on • les- craignit.-'
On renouvelia 1 l'es' fecmens;
que Ton avoir -déjà faits r &
©n refolut de vivre d*une^
nâaniere ''fi; réglée r que FOIïcuft
aiez cfe'provifibns pour
le fëjour- que- la cémpefte*
obligeroit de faire en ce
Port,
Cependant elle continuoir
avec la mefme violence, &

D'HOMèRE-, LIT.-XIL &jp
durant un mois entier *,. if
n'y eut que. deux vents qui
rpgwefent ,. cdijr;*-d'Orient,.
& eeky du Midi,, qui nous.eftoiênt
fi- contraires , & qui?
eftoient fi • forts* , qull nV
avoir nulle- apparence'de le
mettre en mer.-' Cependant
nos-, provifîom- fe consumèrent
j, on eftoit preffe-tle la*
faim y & comme ks> prediétions,
"n'avoient, point défendu
la cbafle rm la- pe£
ché'r on crut . que* la ne^
ceffitc • nous difpenfoit de., la?,
coutume de s'abftenit des.
Oyfeaux y & àc$ r FoifFons^
Mais- ce que Fondée preitoir
ne" fuiifoit. pas. a ? tant? cfc*
inonde*' . ; \ ? •
• 'le m'ëflôîgnay'ùn peu' de 1
mes compagnons-1 pourrai*

'4J/B& • L'OBYS&B'S-
le ma prière,aux Dieuxr6t
Içur demander du fecoms.
dans- cette preflàote occasion.,
le m'euois purifie dans-
Feau. de la mer ,. mes vœux.
eftoient fervents, j'invoquois.*
tout le Ciel m'addreCapttaiv
tofib à lupiter,,tantoft. à Minerve
¥ ou à Mercure r om
i quelque autre Divinité*
• Je m'effois arreffé. dansun
lieu v où j'eftois à- l'abri:
du. vent .y & où. je. tçouvois*
un calme qui. me charmoit»
Apparemment les: Nymphes
y «noient fi?uvent i car il
y avok i- Tentour des fieges
êc. quelques lits* faits de galon..
~ F y dormis, quelquetemps-
3. pendant qu'Êurylo.
que donnoit à. mes compagnons,
un pernicieux, cou*

D*BoMERl, LlV. XII. 4

4©2 l/01$YS-SÉ*l
vais qu'on Iuy" prefente def
viAimes ? Ce n'eft que la
necefité- prenante d'éviter
une mort terrible , qui nous
contraindra de referver-pour
noftre ûfage quelque partie
de- nos viûimes. Car an
lefte pour honorer ce Dieuy
cous luy bâtirons ' un Temple
• en Ithaque ,. nous l'enrichirons
de ' nos prefens,,
& - nous apprendrons à noire
pofterité que e*eft luy
qui mous awtm conférée là
•ie. le ne puis croire -que
les Dieux veuillent -punir
une ââcion que la necefitté
juftifïe. Ce fera mefme' une
efpecé _de clémence , s'ils-
BOUS" font périr : plûtoft par
un naufrage ,. • que par une
famt cii&eUe. ' Faut. M ' fe
loir • confiimer peu i peu,.

^^Br'HaMEKE,Lrv. XIL 4031
e &foufrrir toute» les rigueurs
d'une mort tyrannique , qui
refufe de finir les tourmen*
'qu'elle fait endurer , pour
les faire fentir plus longtemps
1 Du inouïs ou je
deffendray ma vie contre
les flots irritez , ou je l'abandonneray
à leur fureur r
que je n'èp rouveray qu'un
moment.
La crainte de fa mort
eriielle dont Euryloque lèvte
parlait , les perraada, II*
crurent aifément que le preu
texte d'offrir des facrifices.
fa ex€uferoit ea prefërice
«les Dieux» On alla cfcoifir
dans le pafturage le .plu*
proche' tes meilleures vi&imes,
& conime on :n*avoit
»y via ny fdriaé* on fe &«*

404 t W 0Bl$$B r Ê
vit de feûiMcs de choifii?
& d'eau, pouf faire k$. in- *
fufions & les axerions de»;
ïàcrifîces..
On s'efforce d*appaifer'fes
Dieux par le* prières :* pas
les* vœux, & par les .prpmêles
$ & oh immole avec
cérémonie, les vidimes; On
les brufloit déjà dans le
feu , & on préparait celles
que fou devoir ' manger r
lors «pie revenant fur. le. rk
va g c * F *«*»• «>ute. cette
odeur*; * -
Ah Dieux f m r écriay.jer
vous m'avez, envoyé mm
fomipeil qui fera la caufe
de k perte de .tous mescompagnons.
; Lainpctie s f ctoit
déjà * plainte de feule-

D'HOMèRE, Liv.XIL 40J
vement de -fes bœufs les
plus gras & les plus beaux}
Se Apollon s f en pkignoic à
_ - lupitjer. Il ,menaçoit -de re~
. fufcr fa lumière au monde
^"'fî ,ks compagnons
d'Ulyflê n'eftpient punis an
pifkoll'de leur folle terne-
. otié. 'C'eftoit mon plaifir,
diloit.il,, de -voir croiftre
mes troupeaux. le les Yoyois
aïkr ' le • matin au pafturage,
' & rentrer le foip- en bon-
^ cpHànt , j'ay eu horreur de
;?>leur facriice. La fumée
Y' m*en a efté infupporfable f
•fc fi ires malheureux cchap*.
.. pent à ¥oftre 'vengeance f
* Pluton ne me refuîera pas
de fe_ charger du foin- de
** les punk. Mercure qui
gftoit prés de lupiter ,t lors
que tomes ces plaintes- ftj#-

4oC L'ODYCSE'B
rent faites , en avoir conté
tout le détail ,à Calypfo,-
& -cette belle Déefle m'en
.«voit entretenu iouveût.
Au refte eftanf arrivé , je
leur faifois ! de feveres reproches
*--mais il n*y avoic
plus de remède _ au facrile-
e qu'ils' a voient commis*
f
a tempefte dora encore fm
jours'entiers % durant lefquels
II-abrita dëS ! prodiges 1 furpteriàtisï
r TLe& peiuçc-des victimes
fâifoient des' mugillemens
comme fi elles âvoient
efté animées- On-lesvoyoic
&• remuer/ ''OW' ,7 ehtendoic
les. Nymphes "qui- Te plaignoient.
' Cependant au
ïeptiéme j-our Saturne nous .
lit paroiftre la mer fort
•calme, . Ie.quittay ituffi-toft

D*HOMSJLE9LIV.XIL 407
ce" rivage , où je n'avois
xà éviter par mes foins
Î es effets des triftes prédirions
de Tirefias & de
Circé. Mais lors que nous
Eûmes en pleine mer f un
nuage commença à paroiftre
fur noftre tefte, 11 eftoit
•rempli de foudres & d'orages.
D'abord un vent inu
Î>etueux en fortic avec vioence
j il fe répand fur la
•mer où l'agitation devient
horrible } il rompt les cor*
dages , il enlevé les voiles,
il abbac" le maft , il en
accable Je Pilote qui eftoit
m vain -i fon gouvernai),
•il nous porte i fon gré
tantoft fur le haut des flots
irritez , tantoft il nous pre*
cipite dans l'abyfme d'une
vague, profonde. Tout treiOr

.408 I'O'DYSSB'B
ble y tout frémit fous fit
violence
Le Ciel eftoit en mefme-:
temps ep^feu. Le tonnerre
retentiffoit avec des éclats
effroyables. lupiter eftoit luyw
mefme -clans ce -nuage terrible
, il lance enfin (es éclairs
& (es foudres fur mon vaiffeau.
Les uns periflènt dans
la mer , ks autres font coufumez
par le feu. - Le vaiffeau
eft brifé. '
Entre 'tant de defaftres
je . demeure fur une partie
de ce déplorable débris,
l'ay a combattre contre les
vents ^ la mer, te le Ciel
en colère..' Le maft flottoit
autour de moy. le farrefte,
.& le lie avec la planche
(pi

B-I-fûMCKE, tlT. XXT. 40^
qm me r eftoit. Oeffc en cet"
*ftat que je reiblus de- me
defféndre contre ma. mauvai-
(g fortune jiiiais j-'ëusdeoou^
veaux ennemis à combattre*.
Comme gallois an gr4 desvents
, }e 'me trouve encore.
dans le redoutable détroit de
Scylla- & de Cfaarybde ..r. le
ve-nç fie les courants de 1&
mer m'èntratfcent dans-< cevaffce
abîme, au temps qu'elle
engloutifibtt tous, les flots-.
avec un- ferait effroyable. Je
fi»-- porté, dans-' ce gouffçe j
ma planche .& mon mats s'abîmèrent
en» ce moment r je
les abandonne pour m'atra-'
chtr 4 une une branche* du
figuier iàtt-iage dont je vous
ay parie? 3 • qui* s'eftend au
deffus dei ce goniPre, J'àctendois
avec imgtficnce qpe Cfca-

4iP' • L'ODYîSB'E .
rybde pouffant dehors tout ce
qu'elle a voit englouti y me readîft
auffi . le débris de mon
vaiffeau, c'eftoit une reCouc.
•ce bien fragille s. mais je n'a*
vois plus aucun fecours à e£
perer f que celuy-lâ. J'aurois •
péri fur cet arbre ^ fi je n'a-
¥ois retrouvé ce -relie pitoyable
ée aauffage $ au
temps que Charybde • commença
à-rejetter^ les iragues^
il fut pouffé dehors. Je defcens
deffus ,. au mo'ment q«e
les' Ûots- le pouflbient- fous
moy. |e le gouvernois le
mieux qu'il m'eUoit poïEble
f mes bras me iervoienr
d'aviron, je tâchois de fortir
de ce Détroit* où j'ai-
¥ois toujours i craindre , &
la fureur de Scylla Y & Tabffoae
de Charybde.. Les. ^«t

D'HOMèRE, LIT. XII. 41»
Dieux enfin fe . laflerene de
me '-perfecuter. "Un vent favorable
me pouCa en haute
mer , & après quelques joursde
cette terrible manière de
Navigation , j'abotday dans
rifle d'Ogigye. Je vous- ay
déjà dit que la • Nymphe
Calypfo 'me Ift un accueil
obligeant f que j'ày paffd
quelques années dans fouille
, •& que je n'en fuis for.
ty que parce que les Dieux
veulent qpe je retourne et*
Ithaqpe,
Je ne vous aurais parmef-
'tne compté .toutes ces avanfures,
iï j'avois pu. ne vous-
•#beïr pas.. Je crains bien que:
•le difcours ne v&as en ait fatiguez,
Ainfî je ne crois pas»
-4evctir recommencer et qm

s'eft paffé depuis mon arrivée:
^ n# Ogyg^ e jwfques au montent
qu f iio€ deftieee plus-.
&vorable~ma porté dans- vautre
Me.
jFin du douzième Z>ivre.
[^WE
JÈMwf-
Jljjljâft. Jk jJi^Jv- » fcr
im^/: 1 '*'''--^. y
«fcâ$&.
m-m-^.
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•^ Là. L«.,u
^T^^Z^rrrrrrrrr- •- -. .•
L^feàtfiUifc a^^a