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c A R N E T D E R O U T E<br />
Le surf en Martinique reste encore un sport<br />
confidentiel. La majorité des surfeurs se retrouvent<br />
à Tartane, à la petite plage ! Attention, <strong>le</strong> niveau<br />
monte et ce n’est pas par hasard. Si certains<br />
kids du cru ont pu percer en compétition, c’est<br />
en bonne partie grâce à des gars comme Nicolas<br />
Labat. Complètement passionné par son boulot,<br />
Nico, qui a quitté la Martinique en juin dernier,<br />
revient pour nous sur ses années martiniquaises.<br />
Souvenirs d’un coach pas comme <strong>le</strong>s autres.<br />
Tour à tour photographe, shaper, promoteur, entraîneur,<br />
on peut dire que Nico a touché un peu à tout ! Arrivé en<br />
Martinique avec ses parents à l’age de 11ans, il s’est mis<br />
au surf sur place avec une planche que son frère avait<br />
ramenée de Bretagne.<br />
« La première fois que je suis monté sur un surf, c’est<br />
allé tout seul, j’ai fait un floater, et je ne suis plus jamais<br />
servi de mon bodyboard ! Évidemment, j’ai bien mis deux<br />
ans avant de replacer un floater ! Je suis resté en retrait<br />
de la scène surf pendant des années, je ne surfais jamais<br />
la petite plage, je fuyais <strong>le</strong> monde. On disait que j’étais<br />
un peu un ours, je traçais sur <strong>le</strong>s spots perdus avec ma<br />
bagno<strong>le</strong> déglinguée et c’était cool, <strong>le</strong> trip mystique man !<br />
Il y a tel<strong>le</strong>ment de spots sans personne en Martinique !<br />
J’étais tel<strong>le</strong>ment à fond dans mon truc que même <strong>le</strong>s<br />
fil<strong>le</strong>s n’osaient pas me par<strong>le</strong>r !<br />
À un moment, il a fallu quelqu’un pour encadrer la<br />
génération montante du surf martiniquais, alors je m’y<br />
suis mis. J’ai passé mon Brevet d’État de surf, et j’ai<br />
commencé à coacher <strong>le</strong>s jeunes. Quand j’ai pris <strong>le</strong>s<br />
gamins, au début ils surfaient mieux que moi ! On<br />
organisait des entraînements et des compétitions avec<br />
<strong>le</strong> Madinina Surf Club. Je faisais la promotion du surf<br />
en Martinique. Je passais à la télé loca<strong>le</strong>, je me suis<br />
même retrouvé à des réunions où j’étais <strong>le</strong> seul zoreil<strong>le</strong>, à<br />
batail<strong>le</strong>r pour essayer d’avoir des subventions pour aider<br />
au développement du surf. À la fin, <strong>le</strong>s anciens venaient<br />
me voir avec la bouteil<strong>le</strong> de rhum, étonné que je par<strong>le</strong><br />
créo<strong>le</strong> comme eux.<br />
Certains kids avaient besoin de soutien, ils <strong>le</strong> méritaient<br />
vraiment, mais <strong>le</strong>s sponsors sont en métropo<strong>le</strong> et c’est<br />
jamais faci<strong>le</strong> de faire passer <strong>le</strong> message. Il fallait qu’ils<br />
participent aux coupes de France pour faire partie de<br />
l’élite. Justin Delanne faisait partie des plus motivés,<br />
mais il ne faisait que des snaps, on l’appelait “Baygon“,<br />
tel<strong>le</strong>ment ça faisait pschitt ! Il a fallu qu’il travail<strong>le</strong> son<br />
sty<strong>le</strong>. Il y avait Marc Milliène aussi qui a vite été repéré<br />
par Sooruz, très bon free surfeur, il tourne pas mal sur <strong>le</strong>s<br />
surftrips ces dernières années.<br />
En Martinique, on a toujours eu des surfeurs au niveau<br />
national, alors qu’on est <strong>le</strong> plus petit comité et <strong>le</strong> moins<br />
structuré. C’est vrai qu’on est freiné par la montée du surf<br />
métropolitain qui commence à être très bien entraîné.<br />
Il y a aussi une différence de mental, en France <strong>le</strong>s<br />
gamins ont plus de maturité par rapport au gros surf.<br />
En Martinique un des rares à shooter du gros c’était<br />
NICO LABAT<br />
Jérémy Brasset. En Martinique, <strong>le</strong>s kids sont bons, mais<br />
au moment où il faudrait qu’ils se structurent un peu, ils<br />
commencent à fumer des joints, et sans encadrement<br />
il y a très peu d’ados qui continuent à fracasser. Dans<br />
<strong>le</strong> futur, la relève va être assuré par des jeunes comme<br />
Jourdan Louca et Théophane Aubriot...<br />
Nico photographe de surf<br />
Les premières photos de surf que j’ai faites, c’était en<br />
accompagnant un groupe de surfeurs martiniquais en<br />
Guadeloupe. Au retour du trip, tout <strong>le</strong> monde voulait<br />
voir <strong>le</strong>s photos. C’était la première fois que <strong>le</strong>s gars se<br />
voyait surfer d’aussi prêt, ils ont organisé une soirée<br />
pour l’occasion, c’était <strong>le</strong> début de l’aventure. Ensuite j’ai<br />
continué à shooter de la plage, je n’avais pas beaucoup<br />
de thune, alors je me suis acheté un 500mm à miroir<br />
pas cher, mais ça donnait des photos sympas. Et puis un<br />
jour, j’ai eu l’occasion de racheter un caisson étanche à<br />
Bernard Testema<strong>le</strong>. C’est grâce à ça que j’ai pu al<strong>le</strong>r dans<br />
l’eau. J’ai tout de suite adoré shooter dans la flotte, <strong>le</strong>s<br />
images prennent vraiment une autre dimension quand on<br />
est à 50 cm du surfeur. Les kids étaient fous, ils avaient<br />
un photographe aquatique pour eux<br />
tout seul !<br />
Le problème c’est que mon matos<br />
était un peu obsolète, je savais<br />
repérer <strong>le</strong>s bons gamins mais ça<br />
ne suivait pas en photo donc je me<br />
faisais piquer mes idées à chaque<br />
fois. De ce côté-là, ça a été la loose<br />
tota<strong>le</strong> ! Je m’occupais de la page<br />
région dans Trip Surf et je vendais<br />
des photos d’illustration de temps en<br />
temps, mais ce n’est pas allé plus<br />
loin. Pour acheter et faire développer<br />
des pellicu<strong>le</strong>s pro en Martinique c’est la mort, et comme<br />
je n’avais pas d’argent pour passer au numérique, c’était<br />
pas gagné. Mon rêve c’est quand même de prendre un<br />
type dans un barrel, quitte à me faire démonter, c’est pas<br />
grave.<br />
Nico shaper<br />
À un moment j’en ai eu marre d’acheter des daubes que<br />
je n’arrivais pas à surfer. C’est mon frère qui m’a appris<br />
comment me servir de la résine. Je me suis mis à shaper<br />
des planches à l’arrache avec <strong>le</strong> matériel que je trouvais.<br />
Pour <strong>le</strong> passage de mon BE, j’ai fabriqué mes planches<br />
moi-même sur la terrasse de l’appart où je squattais en<br />
Guadeloupe, c’était la troisième et la quatrième planche<br />
que je faisais, un fish et une 6’6’’. De retour en Martinique<br />
j’ai monté la marque Banzil surfboards. Mes premières<br />
planches en polystyrène époxy étaient inspirées d’Al<br />
Merrik. J’ai fait un peu plus d’une centaine de planches<br />
en deux ans, quelques kids comme Sean Milliènne et Noé<br />
Claverie ridaient mes planches, mais je <strong>le</strong>s faisais surtout<br />
pour mes potes. À la fin, j’ai commencé à travail<strong>le</strong>r sur<br />
ordinateur, mes boards marchaient bien, mais certaines<br />
ne marchaient que pour moi ! Je<br />
m’étais lancé dans <strong>le</strong> shape pour<br />
me prouver à moi-même que<br />
j’en étais capab<strong>le</strong>. J’ai quitté la<br />
Martinique, mais Banzil surfboards<br />
continue à vivre avec moi, et je<br />
compte bien apprendre à shaper<br />
des planches pour surfer des tubes<br />
quand je serai en Polynésie. Quant<br />
à mon retour en France, c’est pas<br />
pour tout de suite, j’ai encore des<br />
choses à accomplir dans mon surf<br />
en eau chaude ! »<br />
nicoLas Labat<br />
É l e v e u r d e y o u n g b l o o d e n e a u x c h a u d e s<br />
STéPHANE ROBIN<br />
NICO LABAT<br />
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