Cas clinique n°2 - Consensus Online
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<strong>Cas</strong> <strong>clinique</strong> <strong>n°2</strong><br />
Mme Michèle F…, âgée de<br />
54 ans, obèse (indice de masse<br />
corporelle : 34 kg/m 2 ),<br />
secrétaire, consulte pour des<br />
troubles du sommeil évoluant<br />
depuis plus de 10 ans.<br />
Elle s’endort assez rapidement,<br />
mais se réveille la nuit 3 fois en<br />
moyenne, dont 2 fois pour aller<br />
uriner ; si l’éveil a lieu après<br />
4 heures, elle a du mal à se<br />
rendormir et met parfois<br />
1 heure à retrouver le sommeil.<br />
Elle ne se réveille jamais en<br />
forme, est fatiguée<br />
chroniquement dans la journée,<br />
mais ne se plaint pas de<br />
céphalées matinales.<br />
Six à 8 nuits par mois, elle<br />
prend 1 comprimé de zolpidem<br />
pour « récupérer » après<br />
plusieurs nuits consécutives<br />
d’un sommeil jugé<br />
insatisfaisant.<br />
Il existe un certain degré<br />
de somnolence au volant<br />
(un accident de sortie de route<br />
heureusement sans gravité).<br />
Elle rapporte un ronflement,<br />
décrit comme quotidien et<br />
important, gênant son époux.<br />
Elle n’a pas conscience d’arrêts<br />
nocturnes de la respiration.<br />
Le score d’Epworth est à 13<br />
(normale ≤ 10), le score de<br />
dépression de Pichot est à 3<br />
(normale ≤ 7), le score ISI (score<br />
de sévérité d’insomnie) est<br />
à 18 (normale < 15) lors de la<br />
consultation initiale (Figure A).<br />
Le traitement par PPC peut améliorer les symptômes<br />
de l’insomnie chez l’homme comme<br />
chez la femme.<br />
Figure<br />
12) Apnées du sommeil - <strong>Consensus</strong> & Pratique Février 2013 - n°14<br />
Scores ISI de Mme Michèle F…<br />
Index de sévérité de l’insomnie<br />
révisé (ISI-R)<br />
Pour chacune des questions, veuillez encercler<br />
le chiffre qui correspond le plus fidèlement<br />
possible à votre sommeil au cours du dernier mois.<br />
Pour les 3 premières questions, veuillez estimer<br />
la SEVERITE de vos difficultés de sommeil<br />
1. Difficultés à s’endormir<br />
Date : 12/06/2012<br />
Aucune Légères Moyennes Très Extrêmement<br />
0 1 2 3 4<br />
2. Réveils nocturnes fréquents et/ou prolongés<br />
Aucun Légers Moyens Très Extrêmement<br />
0 1 2 3 4<br />
3. Problème de réveils trop tôt le matin<br />
Aucun Léger Moyen Très Extrêmement<br />
0 1 2 3 4<br />
4. Jusqu’à quel point êtes-vous SATISFAIT(E)/<br />
INSATISFAIT(E) de votre sommeil actuel ?<br />
Très satisfait Satisfait Plutôt neutre Insatisfait Très insatisfait<br />
0 1 2 3 4<br />
5. Jusqu’à quel point considérez-vous que<br />
vos difficultés de sommeil PERTURBENT<br />
votre fonctionnement quotidien<br />
(par exemple fatigue, concentration, mémoire, humeur…) ?<br />
Aucunement Légèrement Moyennement Beaucoup Extrêmement<br />
0 1 2 3 4<br />
6. A quel point considérez-vous que vos difficultés<br />
de sommeil sont APPARENTES pour les autres<br />
en termes de détérioration de qualité de vie ?<br />
Aucunement Légèrement Moyennement Très Extrêmement<br />
0 1 2 3 4<br />
7. Jusqu’à quel point êtes-vous INQUIET(E)/<br />
préoccupé(e) à propos de vos difficultés<br />
de sommeil ?<br />
Aucunement Légèrement Moyennement Très Extrêmement<br />
A<br />
0 1 2 3 4<br />
Elle est hypertendue traitée<br />
en monothérapie par losartan,<br />
et hypercholestérolémique<br />
traitée par simvastatine.<br />
➜ Diagnostic<br />
La polysomnographie met en évidence<br />
un syndrome d’apnées<br />
obstructives du sommeil (SAOS)<br />
sévère, l’index d’apnées/ hypopnées<br />
(IAH) étant à 33/h.<br />
➜ Résultat<br />
Après 6 mois de traitement par<br />
Date : 10/12/2012<br />
Index de sévérité de l’insomnie<br />
révisé (ISI-R)<br />
Pour chacune des questions, veuillez encercler<br />
le chiffre qui correspond le plus fidèlement<br />
possible à votre sommeil au cours du dernier mois.<br />
Pour les 3 premières questions, veuillez estimer<br />
la SEVERITE de vos difficultés de sommeil<br />
1. Difficultés à s’endormir<br />
Aucune Légères Moyennes Très Extrêmement<br />
0 1 2 3 4<br />
2. Réveils nocturnes fréquents et/ou prolongés<br />
Aucun Légers Moyens Très Extrêmement<br />
0 1 2 3 4<br />
3. Problème de réveils trop tôt le matin<br />
Aucun Léger Moyen Très Extrêmement<br />
0 1 2 3 4<br />
4. Jusqu’à quel point êtes-vous SATISFAIT(E)/<br />
INSATISFAIT(E) de votre sommeil actuel ?<br />
Très satisfait Satisfait Plutôt neutre Insatisfait Très insatisfait<br />
0 1 2 3 4<br />
5. Jusqu’à quel point considérez-vous que<br />
vos difficultés de sommeil PERTURBENT<br />
votre fonctionnement quotidien<br />
(par exemple fatigue, concentration, mémoire, humeur…) ?<br />
Aucunement Légèrement Moyennement Beaucoup Extrêmement<br />
0 1 2 3 4<br />
6. A quel point considérez-vous que vos difficultés<br />
de sommeil sont APPARENTES pour les autres<br />
en termes de détérioration de qualité de vie ?<br />
Aucunement Légèrement Moyennement Très Extrêmement<br />
0 1 2 3 4<br />
7. Jusqu’à quel point êtes-vous INQUIET(E)/<br />
préoccupé(e) à propos de vos difficultés<br />
de sommeil ?<br />
Aucunement Légèrement Moyennement Très Extrêmement<br />
B<br />
0 1 2 3 4<br />
Score ISI initial : 18. Score ISI après 6 mois de PPC : 5.<br />
pression positive continue (PPC)<br />
efficace (la polygraphie sous traitement<br />
confirme l’absence de ronflement<br />
et un IAH résiduel égal à<br />
5/h), suivi régulièrement (6,6 h<br />
chaque nuit), la vigilance diurne<br />
s’est normalisée (score d’Epworth<br />
à 4) et le sommeil est devenu<br />
continu.<br />
Le score ISI est normalisé à 5<br />
(Figure B). Mme F… n’a plus<br />
« repris un comprimé de somnifère<br />
» depuis qu’elle suit le traitement<br />
par PPC. ●
Mise au point <strong>n°2</strong><br />
SAOS et insomnie<br />
Le cas de Mme F… est l’illustration<br />
d’une association de<br />
symptômes fréquemment rencontrée<br />
en consultation de<br />
sommeil : celle de symptômes<br />
typiques du SAOS (ronflement, somnolence<br />
diurne, pollakiurie chez une<br />
femme d’âge moyen, syndrome<br />
métabolique) et de symptômes d’insomnie<br />
chronique (dans le cas présent<br />
une insomnie de maintien du<br />
sommeil principalement et/ou de<br />
réveil matinal précoce).<br />
SAOS et insomnie sont les deux troubles<br />
du sommeil dont la prévalence<br />
est la plus élevée dans la population<br />
générale (2 à 4% pour le SAOS (1) ,<br />
9 à 13% (2) pour l’insomnie chronique)<br />
avec dans la littérature jusqu’à<br />
50% de prévalence pour le phénomène<br />
en ce qui concerne l'association<br />
SAOS + insomnie selon les séries<br />
(3,4) , que le SAOS soit diagnostiqué<br />
dans des populations d’insomniaques<br />
ou vice versa (5,6) .<br />
L’insomnie et le SAOS ont en commun<br />
de nombreux symptômes. En<br />
effet, l’insomnie se définit comme la<br />
perception d’une insuffisance de<br />
l’installation ou du maintien du sommeil,<br />
mais aussi comme un « mauvais<br />
» sommeil, ou un sommeil non<br />
récupérateur, associé à des symptômes<br />
diurnes. Ces perturbations du<br />
fonctionnement diurne sont une<br />
conséquence des perturbations du<br />
sommeil nocturne (selon la définition<br />
de l’insomnie maladie dans l’ICSD-2).<br />
Ces symptômes diurnes peuvent en<br />
réalité caractériser aussi bien les<br />
sujets apnéiques que les sujets insomniaques.<br />
La somnolence, la fatigue,<br />
les troubles de mémoire ou de<br />
concentration, les troubles de l’humeur,<br />
la diminution de la qualité de<br />
vie, de l’énergie pour faire les choses,<br />
le risque d’accident, les erreurs lors<br />
de l'exécution de tâches sont des<br />
signes non spécifiques que l’on peut<br />
retrouver dans l’une ou l’autre<br />
pathologie…<br />
Comment évaluer l’insomnie<br />
chez le sujet apnéique ?<br />
Un outil simple, reproductible et<br />
validé pour la détection et le suivi<br />
de l’insomnie, en population générale<br />
comme sur des populations d’apnéiques,<br />
est l’échelle de sévérité d’insomnie,<br />
ou score ISI (7) . Ses items sont<br />
calqués sur les critères de la classification<br />
internationale, et le seuil de positivité<br />
pour ce score est de 15. Une<br />
baisse d’au moins 8 points du score ISI<br />
indique une amélioration de l’insomnie<br />
sous traitement (8) .<br />
En raison de la fréquence de l’association<br />
SAOS et insomnie, il semble<br />
raisonnable de rechercher systématiquement<br />
cette dernière chez les<br />
apnéiques, lors du diagnostic initial,<br />
en utilisant l’ISI.<br />
SAOS et insomnie : association<br />
fortuite ou comorbidité ?<br />
L’observation conjointe de symptômes<br />
de SAOS et d’insomnie peut corres-<br />
Figure 1<br />
ISI < 15<br />
Diagnostic de SAOS<br />
Evaluer l’insomnie (ISI)<br />
ISI < 15<br />
Poursuite<br />
de la PPC seule<br />
PPC<br />
Evaluer l’ISI<br />
à 3 mois<br />
Traitement étiologique<br />
Discuter aide pharmacologique<br />
TCC<br />
Conduite à tenir devant SAOS et insomnie.<br />
Xuân-Lan Nguyên<br />
CETTSSA, hôpital Saint-Antoine, Paris<br />
pondre soit à l’association fortuite de<br />
deux pathologies fréquentes dans la<br />
population générale, soit à une<br />
comorbidité SAOS-insomnie, sousentendant<br />
qu’il existe une relation de<br />
cause à effet entre les deux pathologies,<br />
l’une générant et/ou aggravant<br />
l’autre. Des arguments militent en<br />
faveur d’une comorbidité.<br />
S’il semble plus difficile d’imaginer<br />
comment l’insomnie pourrait être à<br />
l’origine de troubles respiratoires du<br />
sommeil (il a cependant été avancé<br />
que l’instabilité du sommeil et l’augmentation<br />
relative des stades légers<br />
de sommeil pourraient favoriser la survenue<br />
des événements respiratoires<br />
anormaux), la compréhension est en<br />
revanche plus aisée pour le phénomène<br />
inverse : les arrêts respiratoires<br />
à répétition sont à l’origine d’une stimulation<br />
accrue du système nerveux<br />
sympathique, par le biais de l’hypoxémie<br />
intermittente et de la fragmentation<br />
du sommeil, ce qui facilite<br />
ISI ≥ 15<br />
ISI ≥ 15 et baisse<br />
de l’ISI < 8 points<br />
Réévaluation<br />
Evaluation psychologique :<br />
dépression ?<br />
Oui Non<br />
Discuter aide<br />
pharmacologique<br />
TCC<br />
Apnées du sommeil - <strong>Consensus</strong> & Pratique Février 2013 - n°14 (13
Mise au point <strong>n°2</strong><br />
l’éveil. Cette stimulation de l’éveil<br />
favorise l’insomnie.<br />
Enfin, un argument essentiel pour<br />
l’existence d’une relation de cause à<br />
effet entre SAOS et insomnie est<br />
l’amélioration des symptômes d’insomnie<br />
lors du traitement du SAOS<br />
par PPC. Nous avons évalué en 2010<br />
l’évolution de l’insomnie sous traitement,<br />
à l’aide du score ISI, chez<br />
80 sujets présentant un SAOS, traités<br />
par PPC pendant 24 mois (9) . Pour l’ensemble<br />
du groupe, nous avons<br />
observé une amélioration significative<br />
du score ISI global. Chez les sujets<br />
qui présentaient lors du diagnostic de<br />
SAOS une insomnie significative <strong>clinique</strong><br />
selon l’ISI, une amélioration<br />
significative de ce score avec une<br />
baisse moyenne de 13 points était<br />
observée pour la moitié d’entre eux.<br />
Chez ces sujets insomniaques initialement,<br />
qui ont amélioré leur insomnie<br />
sous PPC, on trouvait à l’état de base<br />
un SAOS plus sévère et une somnolence<br />
initiale plus importante que<br />
chez les insomniaques non améliorés.<br />
Chez ces sujets, qui n’améliorent pas<br />
leurs symptômes d’insomnie sous PPC,<br />
il est donc nécessaire de vérifier s’il<br />
n’existe pas une autre étiologie ou<br />
comorbidité : notion d’une insomnie<br />
primaire préexistante, syndrome<br />
anxieux ou dépressif, autres troubles<br />
de nature psychologique ou psychiatrique,<br />
syndrome des jambes sans<br />
repos…<br />
L’insomnie risque-t-elle<br />
de compromettre la mise<br />
en route, puis l’utilisation<br />
de la PPC ?<br />
On peut, en effet, redouter qu’un traitement<br />
contraignant comme la PPC<br />
n’entraîne des troubles du sommeil,<br />
voire n’aggrave des problèmes de<br />
sommeil préexistants.<br />
Nous avions en 2010 évalué l’impact<br />
d’une insomnie <strong>clinique</strong> préexistante<br />
sur le traitement par PPC chez 148<br />
sujets apnéiques (4) . L’étude a permis<br />
de confirmer que l’insomnie présente<br />
lors du diagnostic n’était pas un facteur<br />
prédictif d’abandon précoce<br />
(avant le 6 e mois) de la PPC, ni d’ob-<br />
14) Apnées du sommeil - <strong>Consensus</strong> & Pratique Février 2013 - n°14<br />
servance au long cours (mesurée au<br />
6 e mois).<br />
La faible sévérité du SAOS ainsi que la<br />
faible utilisation de la PPC au cours<br />
des premières semaines étaient les<br />
principaux facteurs prédictifs d’abandon<br />
précoce de la PPC. Le niveau d’insomnie<br />
observé à la mise en route du<br />
traitement n’influait pas sur l’observance<br />
à venir : l’observance précoce<br />
mesurée à 1 mois étant le meilleur facteur<br />
prédictif de la poursuite du traitement<br />
au long cours.<br />
Traitement du SAOS<br />
avec insomnie<br />
Le SAOS doit être traité, notamment<br />
car c’est un facteur de risque cardiovasculaire.<br />
Dans l’insomnie, c’est la restriction<br />
du temps de sommeil qui, par<br />
le biais des perturbations du métabolisme<br />
glucidique, risque aussi d’entraîner<br />
un syndrome métabolique.<br />
Traiter les deux affections ne peut être<br />
que bénéfique pour prévenir le risque<br />
vasculaire.<br />
Dans le cas de la comorbidité SAOS et<br />
insomnie, la PPC est efficace sur les<br />
symptômes d’insomnie (9) , ce qui justifie<br />
sa mise en route en première<br />
intention.<br />
Par ailleurs, l’insomnie déjà présente<br />
au moment de l’initiation de la PPC<br />
ne va pas avoir d’influence négative<br />
sur l’observance, y compris au long<br />
cours (4) ; elle ne doit donc pas être un<br />
frein à l’appareillage. On peut faire<br />
appel, si nécessaire, à un traitement<br />
pharmacologique d’appoint, provisoirement<br />
(prescription d’hypnotiques<br />
purs, par exemple) pour passer un cap<br />
difficile.<br />
Dans un second temps, si l’insomnie<br />
persiste sous traitement par PPC, il<br />
faut évoquer un autre type d’insomnie<br />
: insomnie primaire, insomnie<br />
secondaire à une autre pathologie.<br />
Son identification permettra de mettre<br />
en route les mesures adaptées,<br />
pharmacologiques (traitements hypnotiques,<br />
anxiolytiques, antidépresseurs,<br />
mélatonine…) et/ou non pharmacologiques,<br />
comme les TCC<br />
(thérapies cognitivo-comportementales)<br />
en cas d’insomnie primaire.<br />
A RETENIR<br />
● L’association insomniesyndrome<br />
d’apnées du<br />
sommeil est fréquente.<br />
● Une insomnie préexistante<br />
ne doit pas faire craindre un<br />
rejet de la PPC ou une plus<br />
mauvaise observance.<br />
Ce traitement peut améliorer<br />
les symptômes d’insomnie.<br />
● En cas d’insomnie persistante<br />
sous PPC, il convient de<br />
rechercher des facteurs<br />
favorisants, tels que<br />
l’anxiété et la dépression.<br />
A noter que les troubles anxieux et la<br />
dépression sont connus pour être les<br />
premières causes des insomnies secondaires.<br />
●<br />
Références<br />
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