Télécharger la revue - Église Catholique d'Algérie
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pax<br />
concordia<br />
Premier trimestre 2013 - n° 13 Revue de l’église catholique d’Algérie<br />
Un nouvel évêque<br />
à Oran !<br />
Promenade à Timimoun<br />
Les catholiques et les autres religions<br />
Sub-Saharan Migrants and Refugees
03 éditorial et mot de <strong>la</strong> rédaction<br />
Apprendre l’alphabet de Dieu,<br />
par S. Zoccarato<br />
Lettre des étudiants de l’UDT<br />
05 église universelle<br />
Brèves<br />
Le dernier synode des évêques,<br />
par P. Desfarges<br />
06 église au Maghreb<br />
CERNA, communiqué<br />
08 Année de <strong>la</strong> foi<br />
Nostra Aetate : du neuf avec les autres<br />
religions, par G. Sawadogo<br />
Interview d’A. Benchekor<br />
11 Dialogue<br />
« Heureux d’être en Algérie », témoignage<br />
de J. Kawisha<br />
Je termine <strong>la</strong> lecture de Pax<br />
Concordia reçu il y a déjà<br />
quelques jours. Et j’app<strong>la</strong>udis !<br />
Très bel éditorial, beaux<br />
textes à méditer, présentation<br />
exemp<strong>la</strong>ire. Revue vivante,<br />
joyeuse. Amitié.<br />
N.B. : Nous nous réabonnons.<br />
Très bien pour le bulletin joint.<br />
Janine, de Strasbourg<br />
Le dernier Pax et Concordia était comme les<br />
précédents, passionnant de <strong>la</strong> première à <strong>la</strong> dernière<br />
page. Le dossier sur l’agriculture présenté par<br />
E. Auphan vraiment remarquable, et plein d’espoir.<br />
Le témoignage de Sofiane qui rend hommage à<br />
son « père en apiculture » Robert. Bien connus tous<br />
deux lorsqu’ils venaient livrer leur miel à <strong>la</strong> Maison<br />
diocésaine.<br />
Vraiment merci à toute l’équipe qui œuvre pour nous<br />
transmettre ces infos de qualité, présentées de façon<br />
attrayante et belle.<br />
Un ancien d’Alger<br />
13 Dossier<br />
Promenade à Timimoun,<br />
par P. et A. de Boissieu<br />
21 Trois mois en bref<br />
L’Algérie au fil des jours, par G. de Bé<strong>la</strong>ir<br />
22 Regard sur l’Algérie<br />
Sub-Saharan Migrants and Refugees,<br />
par A. Galea Debono<br />
24 Actualité des diocèses<br />
28 Des livres à lire<br />
D. Bencheikh, E. Lacida, Ph. Thiriez et al,<br />
L. Brousse<br />
31 Bloc-notes<br />
et bulletin d’abonnement<br />
avec une affiche Pax et<br />
Concordia en pages centrales<br />
Présentation de l’artiste<br />
Oussama Bounouara est l’auteur des œuvres qui<br />
illustrent les couvertures de ce numéro.<br />
Il est né en 1981 à Batna, capitale des Aurès.<br />
Ancien élève de l’École Supérieure des Beaux-Arts<br />
d’Alger, diplômé en psychologie clinique avec un<br />
mémoire sur <strong>la</strong> musicologie et l’anxiété, il travaille<br />
aujourd’hui comme p<strong>la</strong>sticien designer.<br />
Plusieurs expositions et participation dans des<br />
événements nationaux et internationaux.<br />
Pour voir ses œuvres et le contacter :<br />
http://oussamart-psycho.blogspot.com<br />
http://www.artmajeur.com/oussamart<br />
http://www.artactif.com/bounouara<br />
http://www.amalthee.org
P. Silvano Zoccarato<br />
Touggourt<br />
Apprendre l’alphabet de dieu<br />
Le mystique musulman El-Suyûtî, mort en 1505, raconte ceci : « On dit<br />
de Jésus le fils de Marie que, quand sa mère l’a envoyé à l’école pour<br />
y parfaire son instruction, le maître lui a dit : - Écris Bismil<strong>la</strong>h. Jésus lui<br />
répondit : - Que veut dire Bism ? Le maître répondit : - Je ne sais pas. Alors<br />
Jésus dit : - La lettre ba signifie <strong>la</strong> Splendeur de Dieu ; sin sa Sublimité ;<br />
mim son Règne. Et il poursuivit tout l’alphabet en énonçant chacun des beaux noms<br />
divins : Miséricordieux, Clément, Omniscient, Vrai, etc. »<br />
Il est intéressant de relever quel visage de Jésus est montré dans cet écrit et dans<br />
beaucoup d’autres de certains sages musulmans. Ici prévaut celui du prophète et<br />
du sage, le maître sur <strong>la</strong> montagne. Dans d’autres écrits est davantage mis en valeur<br />
le visage de l’ascète ou du thaumaturge.<br />
Quelquefois, au fil des conversations avec des amis musulmans, les noms d’Issa<br />
(Jésus) et de Meriem (Marie) sont mentionnés, avec estime et affection, signe qu’ils<br />
sont bien vivants dans les mémoires et les cœurs.<br />
Jésus nous aidera à nous comprendre.<br />
C’est pour moi source d’espérance d’une compréhension mutuelle entre<br />
christianisme et is<strong>la</strong>m. Jésus nous aidera à nous comprendre. Parce qu’il est l’un des<br />
prophètes de l’is<strong>la</strong>m, et qu’il parle encore, y compris aux croyants de l’is<strong>la</strong>m.<br />
Pour nous chrétiens, Jésus, le Fils unique de Dieu, n’a pas seulement parlé de<br />
Dieu, mais il nous l’a fait voir et entendre. Lui, Jésus, le Miséricordieux, le Clément,<br />
l’Omniscient, le Vrai. Non seulement il énonce l’alphabet de Dieu, mais il est luimême<br />
l’alphabet du Père. C’est en lui que nous comprenons Dieu. La première<br />
lettre et parole de l’alphabet chrétien est Bethléem où Jésus a commencé à sauver<br />
le monde par <strong>la</strong> seule force de l’amour.<br />
Chers amis, comme je voudrais que tous ensemble, chrétiens et musulmans, nous<br />
nous rendions à Bethléem pour regarder cet enfant les yeux dans les yeux. Il nous<br />
enseignerait encore l’alphabet de Dieu.<br />
Bienvenue à Jean-Paul Vesco,<br />
nouvel évêque d’oran !<br />
Le 1er décembre 2012, Benoît XVI a nommé le frère Jean-Paul Vesco<br />
évêque d'Oran, où il succède à Mgr Alphonse Georger.<br />
Jean-Paul Vesco est né à Lyon en 1962. Diplômé en droit, il a exercé<br />
<strong>la</strong> profession d'avocat pendant sept ans avant de s'engager chez les<br />
Dominicains en 1995. Ordonné prêtre le 24 juin 2001, il arrive dans<br />
le diocèse d’Oran en 2002, au couvent dominicain de Tlemcen, répondant<br />
ainsi à l'appel de son ordre à refonder une présence dominicaine, six ans après<br />
l'assassinat de Mgr Pierre C<strong>la</strong>verie.<br />
En 2005, il est nommé vicaire général du diocèse.<br />
En janvier 2011, élu prieur provincial des Dominicains de France, il doit quitter<br />
l'Algérie pour s'installer à Paris.<br />
C’est une grande joie de le voir revenir en Algérie dans ce nouveau ministère.<br />
Ordination épiscopale vendredi 25 janvier 2013 à 14h00 en <strong>la</strong> cathédrale<br />
d'Oran<br />
P. Silvano Zoccarato, PIME<br />
Mgr Jean-Paul Vesco<br />
évêque d'Oran<br />
pax concordia<br />
édito
Lettre des étudiants de l’UDT<br />
Chère <strong>Église</strong> d’Algérie,<br />
Nous, étudiants de différents pays d’Afrique, ayant participé à l’Université d’été (l’UDT) 2012, à <strong>la</strong> fin de notre session,<br />
nous aimerions vous partager nos sentiments envers l’<strong>Église</strong>.<br />
Nous rendons grâce au Seigneur qui nous a donné de découvrir une <strong>Église</strong> qui, pour nous, incarne une véritable<br />
famille. Nous <strong>la</strong> remercions, cette <strong>Église</strong>, pour ce qu’elle est et pour ce qu’elle fait à travers les différentes rencontres<br />
et moments de partage (sessions d’été, récollections, etc.) qui nous permettent de grandir dans <strong>la</strong> foi, de renforcer<br />
nos liens et de grandir aussi bien au point de vue spirituel que social.<br />
L’<strong>Église</strong> se montre présente dans notre quotidien à travers ses gestes de solidarité et de soutien.<br />
Son œcuménisme permet l’épanouissement dans leur foi des chrétiens issus de différentes dénominations.<br />
A <strong>la</strong> fois source de joie, d’inspiration, de bonheur et de motivation, que serait notre vie sans elle ?<br />
Pour renforcer cette communion nous sommes disposés à faire don de nos talents, de notre temps pour l’édification<br />
de cette <strong>Église</strong>, pour témoigner du Christ dans cette société. Vivre pleinement notre vie chrétienne est le meilleur<br />
cadeau que nous puissions offrir à l’<strong>Église</strong>.<br />
De notre <strong>Église</strong> nous attendons <strong>la</strong> rencontre avec nos frères chrétiens algériens et des lieux d’accueil pour les étudiants<br />
qui transitent par des wi<strong>la</strong>yas où il n’y a personne pour les accueillir.<br />
De nouveau, « MERCI » à notre <strong>Église</strong>. Que Dieu <strong>la</strong> bénisse !<br />
Alger, le 1er août 2012<br />
Souleymane, Trésor, Esther, Noëlle, Russel, Richy, Alexis, Olivia, Barbara, Élisée,<br />
Romain, Christiane, Edmond, Martial, Mondésir, Parfait, Josias, Audrine, Nestor,<br />
Robert, Bernard, Mustafa, Émile, Narcisse, Bénita, Larry, Michaël, Bertrand, Parfait<br />
Le mot de <strong>la</strong> rédaction<br />
Quoi de neuf dans ce numéro ?<br />
D’abord <strong>la</strong> couverture. Après les dessins de Reno<br />
Marca, les couvertures de cette année seront illustrées<br />
par de jeunes artistes d’Algérie. On commence avec<br />
Oussama Bounouara. Merci à lui, merci à eux de nous<br />
partager leurs œuvres. Si leur style vous p<strong>la</strong>it, vous<br />
pourrez visiter leur site, les contacter…<br />
Ensuite le maquettiste. Raphaël est reparti dans<br />
les Ardennes avec son épouse et leurs enfants, après<br />
deux années comme volontaire international avec <strong>la</strong><br />
Délégation <strong>Catholique</strong> à <strong>la</strong> Coopération. Il a hautement<br />
contribué à <strong>la</strong> qualité de notre <strong>revue</strong> et nous l’en<br />
remercions. Bienvenue à Lamia qui prend le re<strong>la</strong>is !<br />
Et encore l’affiche au centre de ce numéro,<br />
que vous pourrez p<strong>la</strong>cer là où ce<strong>la</strong> vous semble bon,<br />
pour le p<strong>la</strong>isir des yeux, et éventuellement pour le<br />
renouvellement de nos lecteurs. N’hésitez pas à nous<br />
indiquer les coordonnées de personnes susceptibles<br />
d’être intéressées pour recevoir Pax et Concordia.<br />
L’éditorialiste enfin. Dans l’attente de lire le nouvel<br />
évêque d’Oran, nous avions confié cet éditorial au<br />
père Silvano, curé de Touggourt. Vous comprendrez<br />
pourquoi il a dû être bref !<br />
La parole aux jeunes. Les participants à l’Université<br />
d’été ont rédigé une « Lettre à l’<strong>Église</strong> d’Algérie »<br />
(p. 4). Deux jeunes pères b<strong>la</strong>ncs de Tizi-Ouzou nous<br />
donnent l’un une introduction à Nostra Aetate, le<br />
texte du Concile sur les re<strong>la</strong>tions avec les religions<br />
non-chrétiennes (Guy p. 8), et l’autre son témoignage<br />
(Jones p. 11).<br />
L’oasis rouge. Patrick et Anne de Ghardaïa nous<br />
partagent dans le dossier leur coup de cœur pour<br />
Timimoun, ses paysages et les richesses humaines qui<br />
s’y déploient. Ils y ont emmené leurs enfants et petitsenfants.<br />
Laissez-vous entraîner vous aussi, par leurs<br />
photos et leur plume !<br />
Merci à eux, et bonne année à tous !
Voyage de Benoît XVi au liban<br />
Lors de son voyage au Liban (septembre<br />
2012), le pape a eu devant les autorités<br />
politiques et religieuses des mots<br />
dérangeants pour appeler à <strong>la</strong> paix :<br />
« Nous devons être bien conscients que<br />
le mal n'est pas une force anonyme qui agit dans<br />
le monde de façon impersonnelle et déterministe.<br />
Le mal, le démon, passe par <strong>la</strong> liberté humaine, par<br />
l'usage de notre liberté. Il cherche un allié, l'homme.<br />
Le mal a besoin de lui pour se déployer. (…) Mais il<br />
est possible de ne pas se <strong>la</strong>isser vaincre par le mal<br />
et d'être vainqueur du mal par le bien. C'est à cette<br />
conversion du cœur que nous sommes appelés. (...)<br />
Cette conversion est particulièrement exigeante : il<br />
s'agit de dire non à <strong>la</strong> vengeance, de reconnaître ses<br />
torts, d'accepter les excuses sans les rechercher, et<br />
enfin de pardonner. Car seul le pardon donné et reçu<br />
pose les fondements durables de <strong>la</strong> réconciliation et<br />
de <strong>la</strong> paix pour tous. »<br />
« Parler de pardon n'est pas si évident pour les<br />
Libanais ou les Syriens. Accepter que le meurtrier<br />
d'un membre de sa famille soit un frère qu'il faut<br />
aimer, c'est très dur », expliquait le père Samir Khalil.<br />
Le pardon des offenses et <strong>la</strong> conversion du cœur<br />
de chacun sont un défi d'autant plus grand que <strong>la</strong><br />
culture méditerranéenne est marquée par <strong>la</strong> force<br />
de <strong>la</strong> sujétion au c<strong>la</strong>n religieux ou familial, <strong>la</strong> logique<br />
de <strong>la</strong> vendetta, les codes d'honneur. (source : Jean<br />
Mercier, La Vie)<br />
« Au-delà des manifestations extérieures, <strong>la</strong> chose <strong>la</strong> plus<br />
importante de <strong>la</strong> visite est que les Libanais musulmans<br />
aient accueilli Benoît XVI non pas comme l’invité de leur<br />
voisins chrétiens, mais comme quelqu’un qui venait<br />
aussi pour eux. »<br />
Ibrahim Shamseddine, président d’une fondation<br />
cultuelle chiite.<br />
« La présence du Pape parmi nous nous pousse à<br />
nous engager davantage dans <strong>la</strong> connaissance du<br />
christianisme. Il nous a donné l’envie de mieux connaître<br />
<strong>la</strong> religion chrétienne. »<br />
Hisham Nashabe, président de l’association<br />
phi<strong>la</strong>ntropique is<strong>la</strong>mique Makassed.<br />
Brèves<br />
l’exhortation apostolique pour le<br />
Moyen-orient<br />
L’exhortation apostolique pour le Moyen-<br />
Orient, signée par le pape à Harissa (Liban),<br />
insiste sur <strong>la</strong> re<strong>la</strong>nce de l’œcuménisme,<br />
le dialogue interreligieux et <strong>la</strong> nécessité<br />
d’une « saine <strong>la</strong>ïcité », thèmes qui<br />
dépassent les frontières de <strong>la</strong> région et intéressent<br />
toute l’<strong>Église</strong>. Sont réaffirmées l’importance du<br />
lien avec le judaïsme - chose jamais acquise dans<br />
le contexte du Moyen-Orient - et <strong>la</strong> nécessité d’un<br />
rapport positif avec les croyants musulmans. Le<br />
Pape affirme que les chrétiens orientaux « se sont<br />
<strong>la</strong>issés interpeller par <strong>la</strong> religiosité des musulmans ».<br />
Cette idée d’interpel<strong>la</strong>tion pourrait être une clé pour<br />
structurer d’une nouvelle manière les rapports avec<br />
l’autre croyant. Mais, pour ce faire, il faut éliminer<br />
<strong>la</strong> violence du terrain, « en libérant <strong>la</strong> religion du<br />
poids de <strong>la</strong> politique », en protégeant les droits<br />
fondamentaux de tous, en particulier ceux des<br />
femmes, et en agissant de manière déterminée pour<br />
<strong>la</strong> liberté religieuse. (source : Oasis)<br />
les catholiques égyptiens <strong>la</strong>ncent une<br />
nouvelle chaîne de télévision<br />
Le projet couve depuis plusieurs années,<br />
mais <strong>la</strong> difficulté d'unir les sept rites<br />
catholiques pratiqués sur le sol égyptien<br />
dans un désir commun a pris du temps.<br />
Mais cette fois, ça y est : Sa<strong>la</strong>m, <strong>la</strong> chaîne<br />
de télévision catholique égyptienne, verra le jour<br />
au cours de cette année 2013. Comme l'explique le<br />
vicaire apostolique d'Alexandrie, Mgr Adel Zaki, « en<br />
Égypte, notre identité catholique n'est souvent pas<br />
distinguée de celle des coptes orthodoxes et des<br />
protestants qui disposent de nombreux réseaux<br />
médiatiques. Dans <strong>la</strong> situation égyptienne actuelle,<br />
il nous semble utile de disposer d'un instrument afin<br />
de montrer à tous <strong>la</strong> richesse du regard catholique,<br />
y compris dans le domaine de <strong>la</strong> Doctrine sociale.<br />
C'est un petit rêve que nous voulons réaliser en<br />
toute humilité, en tant que contribution à l'unité des<br />
chrétiens et de tous les Égyptiens. » (source : agence<br />
Fides)<br />
pax concordia<br />
église uniVerselle
église uniVerselle<br />
6<br />
synode sur <strong>la</strong> nouvelle évangélisation<br />
La foi doit devenir en nous f<strong>la</strong>mme de l’amour<br />
Mgr Paul Desfarges était délégué des évêques d’Afrique du Nord au synode<br />
ouvrant l’Année de <strong>la</strong> foi, au mois d’octobre 2012. Il partage ici cette expérience.<br />
Ce fut un vrai bain de catholicité. J’ai été<br />
souvent ému d’entendre les témoignages<br />
rendus au Christ dans toutes les parties du<br />
monde et dans des situations si diverses.<br />
Le feu de Pentecôte n’est pas éteint !<br />
Pour moi le ton a été donné par <strong>la</strong> méditation<br />
improvisée du Saint-Père lors de <strong>la</strong> première rencontre.<br />
Je ne l’avais jamais entendu parler avec cette énergie<br />
intérieure. Permettez<br />
quelques citations :<br />
« Dieu (…) est entré<br />
dans l’histoire. Jésus est<br />
sa Parole… L’<strong>Église</strong> ne<br />
commence pas avec notre<br />
"faire", mais avec le "faire"<br />
et le "parler" de Dieu… Au<br />
temps de Jésus, le terme<br />
evangelium désigne un<br />
message impérial. Il sera<br />
repris par l’évangéliste<br />
Luc pour signifier que le<br />
vrai empereur est Celui<br />
qui vient de naître à Bethléem. » Puis le Saint-Père<br />
développera deux termes qui explicitent notre action<br />
à nous : confessio et caritas. La confessio est <strong>la</strong> première<br />
colonne de l’évangélisation, <strong>la</strong> seconde est <strong>la</strong> caritas.<br />
Cet amour c’est l’ardeur, c’est <strong>la</strong> f<strong>la</strong>mme. Origène nous<br />
a transmis un logion du Seigneur : « Celui qui est près<br />
de moi est près du feu. » La foi doit devenir en nous<br />
une f<strong>la</strong>mme de l’amour qui allume réellement mon<br />
être et ainsi mon prochain et tous les autres. Ainsi le<br />
ton du Synode était donné.<br />
Avec 350 participants, l’écoute de chacun demandait<br />
beaucoup d'attention à cause des traductions et parce<br />
que les thèmes abordés étaient très variés. C'est bien <strong>la</strong><br />
même <strong>Église</strong> qui porte témoignage au même Seigneur<br />
dans des cultures, <strong>la</strong>ngues, contextes si divers.<br />
Sur des sujets qui nous concernent plus directement,<br />
j’ai pu apporter davantage ma contribution. Sur<br />
l’inculturation par exemple, voici une partie de <strong>la</strong><br />
proposition 5 : La nouvelle évangélisation requiert<br />
une attention particulière à l'inculturation de <strong>la</strong> foi qui<br />
peut transmettre l'évangile dans sa capacité à valoriser<br />
ce qui est positif dans toutes les cultures, tout en les<br />
purifiant des éléments qui sont contraires à <strong>la</strong> pleine<br />
réalisation de <strong>la</strong> personne selon le p<strong>la</strong>n de Dieu révélé<br />
dans le Christ. Et sur le dialogue interreligieux, voici<br />
le début de <strong>la</strong> proposition 53 : Le dialogue avec tous<br />
les croyants fait partie de<br />
<strong>la</strong> nouvelle évangélisation.<br />
L'<strong>Église</strong> invite en particulier<br />
les chrétiens à persévérer et<br />
à intensifier leurs re<strong>la</strong>tions<br />
avec les musulmans selon<br />
l'enseignement de <strong>la</strong><br />
déc<strong>la</strong>ration Nostra Aetate.<br />
Malgré les difficultés, ce<br />
dialogue doit se poursuivre.<br />
Il dépend toujours de<br />
<strong>la</strong> formation adéquate<br />
des partenaires, de leur<br />
fondement ecclésial<br />
authentique comme chrétiens et d’une attitude de respect<br />
de <strong>la</strong> conscience des personnes et de <strong>la</strong> liberté religieuse<br />
pour tous (…).<br />
Les groupes linguistiques ont produit quelque<br />
trois cents propositions. Après tout un processus,<br />
cinquante-neuf ont été adoptées à partir desquelles<br />
le Saint-Père rédigera une exhortation apostolique le<br />
moment venu.<br />
Le message final reflète assez bien le climat de<br />
confiance et d’espérance du Synode. J’ai senti une<br />
<strong>Église</strong> qui pouvait se remettre en question, loin de<br />
tout esprit de croisade, une <strong>Église</strong> humble qui désire le<br />
dialogue. La Samaritaine, choisie comme figure de <strong>la</strong><br />
nouvelle évangélisation, invite l’<strong>Église</strong> « à s’asseoir aux<br />
côtés des hommes et des femmes de notre temps ».<br />
+ Mgr Paul Desfarges<br />
évêque de Constantine et Hippone
Conférence des évêques de <strong>la</strong> région<br />
La Conférence des Évêques de <strong>la</strong> Région Nord<br />
de l’Afrique (CERNA) s'est réunie du 18 au<br />
21 novembre 2012. Y ont pris part tous les<br />
évêques et leurs col<strong>la</strong>borateurs ainsi que<br />
l'administrateur apostolique de Laayoune,<br />
à l'exception de Mgr Giovanni Martinelli, vicaire<br />
apostolique de Tripoli, convalescent. Le père Jean-Louis<br />
Barrain, vicaire général de Nouakchott, et Mgr Domenico<br />
Mogavero, notre hôte, ont participé à nos travaux. (…)<br />
Cette conférence s'est tenue à Mazara del Vallo (Sicile). La<br />
Sicile est traditionnellement un carrefour de migrations,<br />
avec une présence notable de musulmans, et le diocèse<br />
de Mazara del Vallo, jumelé avec celui de Tunis, est très<br />
actif tant dans le dialogue avec l'is<strong>la</strong>m que dans l'accueil<br />
des migrants.<br />
Regardant avec foi et espérance l'évolution des pays du<br />
Maghreb depuis un an, <strong>la</strong> CERNA constate que les trois<br />
défis (religieux, politique et socio-économique) qu'elle a<br />
relevés en novembre 2011 sont toujours actuels, mais les<br />
transitions se révèlent plus complexes et douloureuses<br />
qu'on ne pouvait le prévoir. La situation chez notre<br />
voisin du sud, le Mali, <strong>la</strong> difficile reconstruction de <strong>la</strong><br />
Libye, l'incertitude du lendemain dans le processus de<br />
transition en Tunisie en sont des signes évidents.<br />
Beaucoup d’aspirations et d’interrogations en<br />
Méditerranée<br />
La tenue de cette CERNA en Sicile, au cœur de <strong>la</strong><br />
Méditerranée, souligne l'urgence du dialogue des<br />
1 Le texte complet est disponible sur le site eglisecatholique-algerie.org<br />
nord de l'Afrique (CernA)<br />
Communiqué final - extraits 1<br />
cultures, des civilisations et des religions, entre les trois<br />
rives de cette mer. Beaucoup d'aspirations, mais aussi<br />
d'interrogations saisissent les peuples du pourtour<br />
méditerranéen, et <strong>la</strong> guerre en Syrie, <strong>la</strong> situation au<br />
Nord-Mali, l'extrémisme de certains groupes religieux<br />
intensifient les migrations forcées et renforcent<br />
ces craintes. Mais nous faisons quotidiennement<br />
l'expérience de <strong>la</strong> fécondité de <strong>la</strong> connaissance mutuelle,<br />
du dialogue de vie, dans le respect, l'écoute, l'accueil et<br />
le partage : nous croyons et expérimentons que "l'amour<br />
parfait chasse <strong>la</strong> crainte" (1Jn 4,18).<br />
Les migrations, un phénomène culturel inhérent à<br />
l’homme et non un mal à combattre<br />
Mgr Domenico Mogavero, membre de <strong>la</strong> commission<br />
pour les migrations de <strong>la</strong> Conférence épiscopale italienne,<br />
nous a présenté <strong>la</strong> situation des migrants en Italie, <strong>la</strong><br />
politique du pays en ce domaine, et les efforts de l'<strong>Église</strong><br />
pour rendre plus humains non seulement l'accueil des<br />
migrants mais aussi les lois les concernant. Cet accent<br />
prophétique de l'<strong>Église</strong> d'Italie nous stimule dans notre<br />
ministère auprès des migrants : selon les propos de Mgr<br />
Mogavero, « le phénomène des migrations ne peut plus<br />
être considéré comme un phénomène d'urgence, mais<br />
comme un phénomène culturel inhérent à l'homme, qui de<br />
tout temps a été mobile. La terre appartient à tous, et il ne<br />
saurait y avoir de territoire excluant telle ou telle catégorie<br />
de personnes. »<br />
La CERNA a de nouveau confié <strong>la</strong> présidence à Mgr<br />
Vincent Landel archevêque de Rabat ; elle a élu viceprésident<br />
Mgr C<strong>la</strong>ude Rault évêque de Laghouat-<br />
Ghardaïa et membre du Bureau Mgr Ghaleb Bader<br />
archevêque d'Alger. Le père Daniel Nourissat a été<br />
confirmé comme secrétaire général. Elle a reconduit<br />
Mgr Vincent Landel comme délégué à <strong>la</strong> CEFTL<br />
(Commmission Épiscopale Francophone pour les<br />
Traductions Liturgiques) et Mgr Paul Desfarges comme<br />
délégué au SCEAM (Symposium des Conférences<br />
Épiscopales d'Afrique et de Madagascar).<br />
La prochaine réunion de <strong>la</strong> CERNA aura lieu à Tanger<br />
(Maroc) du 6 au 9 octobre 2013.<br />
+ Vincent LANDEL<br />
archevêque de Rabat, président de <strong>la</strong> CERNA<br />
Mazara del Vallo, le 21 novembre 2012<br />
pax concordia<br />
église Au MAghreB
Année de lA foi<br />
<strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration nostrA AetAte du concile Vatican ii<br />
Une ère nouvelle dans les re<strong>la</strong>tions des catholiques avec les croyants<br />
La déc<strong>la</strong>ration sur les re<strong>la</strong>tions de<br />
l’<strong>Église</strong> avec les religions nonchrétiennes<br />
(Nostra Aetate) est<br />
une première dans l’histoire des<br />
conciles et <strong>la</strong> vie de l’<strong>Église</strong>. En effet,<br />
jusque-là, aucun concile ne s’était occupé des<br />
autres religions sinon pour les condamner<br />
sans appel. Nostra Aetate « voudrait mettre fin<br />
définitivement à presque deux mille ans de<br />
guerres politico-religieuses, parce qu’elles ont<br />
atteint, à notre époque, et dépassé les frontières<br />
de l’incroyable », commente Th. Rey-Mermet.<br />
Au début du concile Vatican II, aucune déc<strong>la</strong>ration<br />
n’était prévue sur les re<strong>la</strong>tions de l’<strong>Église</strong> avec<br />
les religions non-chrétiennes. La Déc<strong>la</strong>ration<br />
actuelle eut à faire une route longue et difficile :<br />
« En juin 1962, le décret préparé par le cardinal<br />
Bea1 , ou son Secrétariat, devait être proposé<br />
pour avis à <strong>la</strong> Commission centrale, par mandat<br />
de l’autorité supérieure. Des informations<br />
inquiétantes vinrent de pays arabes à propos<br />
de ce projet, à <strong>la</strong> suite desquelles le schéma<br />
du décret fut retiré. Dans une requête écrite<br />
adressée au Saint-Père, le cardinal Bea exposa les<br />
raisons pour lesquelles il estimait indispensable<br />
que le Concile s’occupât d’un décret sur les Juifs.<br />
Entre autres, il ne s’agissait que d’une question<br />
purement religieuse ; elle n’avait rien à voir avec<br />
<strong>la</strong> reconnaissance de l’État d’Israël. Sa démarche<br />
souhaitait obtenir, soit qu’on propose au Concile<br />
un schéma particulier comme prévu, soit qu’on<br />
relie <strong>la</strong> question juive à un autre thème débattu<br />
au Concile, où l’on traiterait de problèmes de<br />
l’Ancien et du Nouveau Testament. » 2<br />
Un nouveau texte retravaillé et trés atténué<br />
était prêt avant le début de <strong>la</strong> troisième session<br />
(14 septembre – 21 novembre 1964). Le cardinal<br />
Bea indiqua que son projet avait été enrichi<br />
de trois autres chapitres sur les religions nonchrétiennes.<br />
À <strong>la</strong> suite de grands débats, le<br />
Secrétariat pour l’unité des chrétiens rédigea le<br />
texte actuel de <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration sur les re<strong>la</strong>tions<br />
de l’<strong>Église</strong> avec les religions non-chrétiennes 3 ,<br />
très court, mais si lourd de sens, moyennant<br />
deux cent quarante-deux amendements, qui<br />
d’autres religions<br />
fut promulgué le 7 décembre 1965, à <strong>la</strong> fin de<br />
<strong>la</strong> dernière session du Concile (14 septembre<br />
– 8 décembre 1965). Il reçut beaucoup plus de<br />
suffrages que prévu : 2221 oui contre 88 non.<br />
© C<strong>la</strong>ire Chapron<br />
Connivence<br />
Le préambule<br />
« À notre époque où le genre humain devient<br />
de jour en jour plus étroitement uni et où les<br />
re<strong>la</strong>tions entre les divers peuples augmentent,<br />
l’<strong>Église</strong> examine plus intensément quelles sont<br />
ses re<strong>la</strong>tions avec les religions non-chrétiennes.<br />
Dans sa tâche de promouvoir l’unité et <strong>la</strong><br />
charité entre les hommes, et même entre les<br />
1 Le cardinal Bea était alors en charge du Secrétariat<br />
pour l’unité des chrétiens que Jean XXIII venait de<br />
créer quelques temps plus tôt.<br />
2 Concile Vatican II, Les évêques, <strong>la</strong> vie religieuse,<br />
<strong>la</strong> formation des prêtres, l’éducation chrétienne, les<br />
religions non-chrétiennes, Paris, Éditions du Centurion<br />
(coll. Documents conciliaires), t. 2, 1965, p. 206.<br />
3 Le Secrétariat pour les non-chrétiens n’existait<br />
pas encore. Il sera créé seulement à <strong>la</strong> Pentecôte<br />
1964 (et deviendra en 1988 Conseil pontifical pour le<br />
dialogue inter-religieux). C’est ainsi que le travail fut<br />
confié au Secrétariat pour l’unité des chrétiens.
peuples, elle examine<br />
ici d’abord ce que les<br />
hommes ont en commun<br />
et qui les pousse à vivre<br />
ensemble leur destinée. »<br />
En commençant avec<br />
un ton aussi novateur,<br />
l’<strong>Église</strong> choisit de tourner<br />
<strong>la</strong> page de siècles de<br />
confrontations pour<br />
amorcer un temps<br />
nouveau, celui du<br />
dialogue, de <strong>la</strong> marche<br />
ensemble vers notre<br />
communauté de destin.<br />
Les religions non-chrétiennes<br />
Nostra Aetate parle des religions non-chrétiennes<br />
comme voies vers Dieu, vers le salut : « L’<strong>Église</strong><br />
catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et<br />
saint dans ces religions. Elle considère avec un<br />
respect sincère ces manières d’agir et de vivre,<br />
ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles<br />
diffèrent en beaucoup de points de ce qu’ellemême<br />
tient et propose, cependant apportent<br />
souvent un rayon de <strong>la</strong> vérité qui illumine tous<br />
les hommes. Toutefois, elle annonce, et elle est<br />
tenue d’annoncer sans cesse, le Christ qui est '<strong>la</strong><br />
voie, <strong>la</strong> vérité et <strong>la</strong> vie', dans lequel les hommes<br />
doivent trouver <strong>la</strong> plénitude de <strong>la</strong> vie religieuse et<br />
dans lequel Dieu s’est réconcilié toutes choses »<br />
(n°2).<br />
Ces religions ne sont pas d’autres voies de salut<br />
parallèles au Christ et ne peuvent pas se passer<br />
du Sauveur. On ne peut en aucun cas se baser sur<br />
ce document pour dire que toutes les religions se<br />
valent, mais elles sont des voies, plus ou moins<br />
directes, vers <strong>la</strong> Voie qui est le Christ. Nostra<br />
Aetate les décrit comme des rayons de <strong>la</strong> Vérité,<br />
rayons qu’il faut pousser à <strong>la</strong> plénitude et non<br />
commencer par éteindre.<br />
La religion musulmane<br />
Considérant l’is<strong>la</strong>m, Nostra Aetate relève des points<br />
de convergence avec le christianisme : « L’<strong>Église</strong><br />
regarde aussi avec estime les musulmans,<br />
qui adorent le Dieu un, vivant et subsistant,<br />
miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel<br />
et de <strong>la</strong> terre, qui a parlé aux hommes. Ils cherchent<br />
à se soumettre de toute leur âme aux décrets<br />
de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est<br />
soumis à Dieu Abraham, auquel <strong>la</strong> foi is<strong>la</strong>mique<br />
Guy Sawadogo<br />
se réfère volontiers »<br />
(n°3). Toutefois, les Pères<br />
conciliaires restent réalistes :<br />
« Bien qu’ils (les musulmans)<br />
ne reconnaissent pas Jésus<br />
comme Dieu, ils le vénèrent<br />
comme prophète ; ils<br />
honorent sa Mère virginale,<br />
Marie, et parfois même<br />
l’invoquent avec piété »<br />
(n°3).<br />
Appel à <strong>la</strong> réconciliation<br />
Vu le lourd héritage<br />
historique, chrétiens et<br />
musulmans sont appelés à <strong>la</strong> réconciliation : « Si,<br />
au cours des siècles, de nombreuses dissensions<br />
et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens<br />
et les musulmans, le Concile les exhorte tous à<br />
oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à <strong>la</strong><br />
compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et<br />
à promouvoir ensemble, pour tous les hommes,<br />
<strong>la</strong> justice sociale, les valeurs morales, <strong>la</strong> paix et <strong>la</strong><br />
liberté » (n°3).<br />
La religion juive<br />
Loin de rendre le peuple juif coupable de<br />
<strong>la</strong> crucifixion du Christ, le Concile affirme<br />
toute <strong>la</strong> liberté qui a poussé Jésus à accepter<br />
volontairement de souffrir pour tous les hommes :<br />
« Le Christ, en vertu de son immense amour, s’est<br />
soumis volontairement à <strong>la</strong> Passion et à <strong>la</strong> mort<br />
à cause des péchés de tous les hommes et pour<br />
que les hommes obtiennent le salut » (n°4).<br />
Appel à <strong>la</strong> fraternité universelle<br />
Nostra Aetate se termine par un appel à <strong>la</strong><br />
fraternité universelle : « Nous ne pouvons pas<br />
invoquer Dieu, Père de tous les hommes, si<br />
nous refusons de nous conduire fraternellement<br />
envers certains des hommes créés à l’image de<br />
Dieu. La re<strong>la</strong>tion de l’homme à Dieu le Père et<br />
<strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion de l’homme à ses frères humains sont<br />
tellement liées que l’Écriture dit : 'Qui n’aime pas<br />
ne connaît pas Dieu'» (n°5).<br />
Un des soucis du Pape Jean XXIII à <strong>la</strong> convocation<br />
du Concile était de faire un aggiornamento (une<br />
mise à jour) de l’<strong>Église</strong>. Avec Nostra Aetate, le<br />
Concile venait d'engager l’<strong>Église</strong> dans une ère<br />
nouvelle.<br />
Guy Sawadogo, P.B.<br />
pax concordia<br />
Année de lA foi
Année de lA foi<br />
Annie, vous êtes catholique dans une famille qui<br />
est musulmane. Est-ce qu’il vous est arrivé de<br />
douter, de vous dire : « ce serait plus facile si j’étais<br />
musulmane » ?<br />
Je suis née dans une famille très croyante, dans un<br />
vil<strong>la</strong>ge où tous étaient catholiques. Avec <strong>la</strong> guerre, nous<br />
avons dû partir pour habiter un vil<strong>la</strong>ge protestant, où<br />
nous étions les seuls catholiques. Un jour, j’ai interrogé<br />
mon père : « pourquoi n’irions-nous pas avec les<br />
protestants au temple ? » Mon père m’a dit : « Tu ne<br />
sais pas quelles richesses nous avons dans notre foi ! »<br />
et il m’a tellement bien expliqué que je n’ai jamais plus<br />
eu de doutes.<br />
Comment êtes-vous arrivée en<br />
Algérie ? Comment avez-vous<br />
rencontré votre mari ?<br />
Ayant fait des études d’infirmière<br />
et de sage-femme, je vou<strong>la</strong>is<br />
aller dans un pays pauvre. J’ai<br />
été envoyée en 1967 dans un<br />
dispensaire de l’Algérois, que<br />
fréquentaient beaucoup de gens<br />
du Sud. Moi qui avais étudié en<br />
Suisse, voilà que je devais faire des accouchements<br />
chez des nomades sous <strong>la</strong> tente ! Je priais : « Dieu aidemoi,<br />
que tout se passe bien. »<br />
Un jour, un homme est venu demander que quelqu’un<br />
aille chez lui chaque soir, pour soigner son épouse<br />
ma<strong>la</strong>de. C’est ainsi que j’ai rencontré mon mari. Aîné<br />
des enfants, il aidait son père qui s’occupait d’un<br />
grand domaine agricole. Il avait besoin d’être écouté.<br />
Un jour il m’a déc<strong>la</strong>ré son amour. Il m’a dit : « tu peux<br />
rester comme tu es, on peut vivre nos deux religions<br />
en parallèle et être ensemble ». Je suis allée réfléchir<br />
deux semaines en Allemagne et, à mon retour, j’ai dit<br />
« oui ». On a décidé que si on restait en Algérie, nos<br />
enfants seraient musulmans. On s’est mariés, on a eu<br />
trois enfants. Nous fêtions les fêtes chrétiennes et les<br />
fêtes musulmanes. Je pouvais recevoir chez nous mes<br />
amis chrétiens. Ce<strong>la</strong> ne faisait aucun problème. Ce qui<br />
interview<br />
« Quand on est chrétien, on peut aller partout »<br />
Annie Benchekor est allemande et vit près d’Oran. Elle<br />
est veuve d’un Algérien avec qui elle a eu trois enfants.<br />
Elle nous raconte son itinéraire et nous parle de sa foi.<br />
compte c’est <strong>la</strong> foi. Jamais je n’ai douté.<br />
Autour de vous, comment voyait-on cette alliance<br />
entre une catholique et un musulman ?<br />
Ma belle-mère, nomade, ignorait qu’il existait d’autres<br />
religions. Jamais elle ne m’a fait de reproches. Mon<br />
beau-père avait été élève des pères b<strong>la</strong>ncs, et avec lui<br />
je pouvais bien discuter. Quand on a construit notre<br />
maison, il a demandé à vivre avec nous. Je l’ai soigné<br />
jusqu’à <strong>la</strong> fin. Je tenais sa main quand il s’est endormi.<br />
Qu’est-ce qui vous a nourri sur votre chemin de foi ?<br />
Depuis mon enfance, le dimanche est un jour sacré<br />
pour moi. Je n’ai jamais<br />
manqué <strong>la</strong> messe du<br />
dimanche. Le jour<br />
de notre mariage,<br />
d’ailleurs, j’ai <strong>la</strong>issé les<br />
invités le temps d’aller<br />
à <strong>la</strong> messe. Et je prie<br />
beaucoup Marie.<br />
Ma belle-mère, que<br />
je soigne chez moi,<br />
fait cinq fois par jour<br />
sa prière. Comme elle<br />
entend mal, je lui dis quand c’est l’heure de <strong>la</strong> prière.<br />
Et moi, quand j’entends le muezzin, je prie : « Mon<br />
Dieu, fortifie ma foi, donne-moi le courage et <strong>la</strong> force »<br />
ou bien « Ô Dieu fort, ô Dieu grand, ô Dieu immortel,<br />
prends pitié de moi. »<br />
Annie, y a-t-il une parole de l’Évangile que vous aimez<br />
particulièrement ?<br />
« Aime Dieu de tout ton cœur… et ton prochain<br />
comme toi-même. » Quand mon mari est tombé<br />
ma<strong>la</strong>de, chaque soir je priais avec lui à ma manière, et<br />
lui aimait beaucoup entendre : « Le Seigneur est mon<br />
berger… ».<br />
Ma vie a été très riche. Quand on est chrétien, on peut<br />
aller partout.<br />
Propos recueillis par D.L.
Je m’appelle Jones Kawisha : je suis zambien.<br />
Je viens d’une famille chrétienne : Maman<br />
et mes soeurs sont d’une <strong>Église</strong> protestante,<br />
Papa et mes frères sont catholiques. J’ai passé<br />
mon enfance dans l’<strong>Église</strong> protestante.<br />
J’ai changé d’<strong>Église</strong> pour rejoindre le groupe des<br />
servants de messe avec mes amis. Après mes<br />
études de théologie, j’ai été ordonné prêtre en<br />
2008. Je vou<strong>la</strong>is aller dans un pays à majorité<br />
musulmane. J’aime <strong>la</strong> différence, <strong>la</strong> diversité<br />
religieuse, culturelle, raciale, etc. Je vou<strong>la</strong>is vivre le<br />
témoignage de l’amour du Christ dans <strong>la</strong> diversité,<br />
surtout <strong>la</strong> diversité religieuse. Pendant toute ma<br />
formation, j’avais le désir d’aller à <strong>la</strong> rencontre<br />
des gens d’autres religions. Très vite en Tanzanie,<br />
pendant ma deuxième année de formation, j’ai<br />
commencé mon aposto<strong>la</strong>t de rencontres avec<br />
des musulmans tanzaniens. Je les visitais dans<br />
les mosquées. Ayant toujours le désir de vivre le<br />
témoignage par <strong>la</strong> rencontre d’autres religions, à<br />
<strong>la</strong> fin de mes études de théologie, j’ai demandé à<br />
être nommé dans un pays d’Afrique du Nord ou de<br />
l’Ouest.<br />
Je suis arrivé à Tizi-Ouzou en 2009. La communauté<br />
des pères b<strong>la</strong>ncs de Tizi-Ouzou m’a aidé dans mon<br />
insertion au niveau des activités pastorales. Les<br />
connaissances sur l’is<strong>la</strong>m acquises pendant mes<br />
études de théologie, mes lectures personnelles sur<br />
l’is<strong>la</strong>m et mon stage au Mali, m’ont donné les outils<br />
facilitant cette insertion. L’accueil chaleureux<br />
témoignage 1<br />
Je suis heureux d’être en Algérie<br />
de <strong>la</strong> communauté chrétienne de Tizi-Ouzou et<br />
des connaissances algériennes des pères b<strong>la</strong>ncs<br />
y ont également joué un grand rôle. Mon travail<br />
se situe dans un contexte de communauté : celle<br />
des pères b<strong>la</strong>ncs de Tizi-Ouzou ; je ne parlerai pas<br />
de « mon travail » mais plutôt de « notre travail ».<br />
Nous faisons face à deux priorités : les activités<br />
avec <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion musulmane et celles avec <strong>la</strong><br />
communauté chrétienne.<br />
En ce qui concerne nos rapports avec le grand<br />
public, quelle que soit <strong>la</strong> religion de chacun,<br />
notre contribution se résume en quatre points<br />
principaux, à savoir : apporter des cours de soutien<br />
dans l’optique d’améliorer le niveau en <strong>la</strong>ngue<br />
ang<strong>la</strong>ise des élèves et étudiants nécessiteux,<br />
apporter une documentation pluridisciplinaire<br />
et un cadre propice à <strong>la</strong> lecture au sein de notre<br />
bibliothèque pour étudiants, accueillir et écouter<br />
toute personne désireuse de se confier et de faire<br />
confiance, et enfin vivre <strong>la</strong> fraternité avec tout le<br />
monde.<br />
1 Témoignage paru dans Re<strong>la</strong>is Pères B<strong>la</strong>ncs<br />
– Maghreb n°17, octobre 2012. Contact :<br />
re<strong>la</strong>ispbmaghreb@hotmail.com<br />
pax concordia<br />
diAlogue
diAlogue<br />
La communauté chrétienne à <strong>la</strong>quelle nous<br />
appartenons et qui est sous notre responsabilité<br />
est à elle seule d'une grande diversité culturelle<br />
et raciale. Notre mission est en quelque sorte d’y<br />
renforcer les liens de fraternité et de faire grandir<br />
cette foi en Jésus qui nous lie. Ce sont les raisons<br />
pour lesquelles nous organisons des activités<br />
pastorales telles que l'enseignement de <strong>la</strong> doctrine<br />
chrétienne à <strong>la</strong> communauté locale, les prières<br />
communautaires, <strong>la</strong> catéchèse, etc.<br />
À " l'École de <strong>la</strong> différence " - Alger - Été 2012<br />
Je suis en Algérie depuis 2009 et je m’y p<strong>la</strong>is bien.<br />
Si je pouvais résumer ce bien-être en trois mots,<br />
je dirais simplement : hospitalité, fraternité et<br />
confiance. L’accueil qui m’a été réservé à mon<br />
arrivée et qui n’a de cesse de se renouveler m’a<br />
montré l’hospitalité dans sa forme <strong>la</strong> plus pure,<br />
À " l'École de <strong>la</strong> différence "<br />
et très vite des liens d’amitié et de fraternité<br />
se sont créés entre les Algériens et moi. J’ai pu<br />
comprendre que les notions de race, de religion<br />
et de culture n’étaient pas des barrières ou des<br />
obstacles à l’unité. J’ai reçu des témoignages forts<br />
mais en même temps tellement « intimes » sur le<br />
p<strong>la</strong>n social que je réalise chaque jour <strong>la</strong> confiance,<br />
aussi importante soit-elle, dont témoignent les<br />
Algériens à mon égard. Cette confiance me montre<br />
en fait que je suis accueilli au sein de <strong>la</strong> société et<br />
ce<strong>la</strong> représente pour moi un témoignage poignant<br />
de <strong>la</strong> fraternité dans <strong>la</strong> différence.<br />
Je vis dans mon quotidien ma vocation et mon<br />
désir missionnaire : le témoignage de l’universalité<br />
de l’amour du Christ. L’hospitalité, <strong>la</strong> fraternité et<br />
<strong>la</strong> confiance reçues ne sont en fait que l’amour du<br />
Christ qui s’offre à moi. Ce don merveilleux qui ne<br />
peut que faire grandir ma foi, je le souhaite à tout<br />
homme, à toute créature. Mon épanouissement se<br />
trouve dans « le dialogue de <strong>la</strong> rencontre » c'est-àdire<br />
ma vie de tous les jours avec les Algériens, ce<br />
côtoiement permanent.<br />
« Père, priez pour nous », telle est <strong>la</strong> demande qui<br />
m’est très souvent adressée par mes amis algériens<br />
et ce<strong>la</strong> me montre qu’il y a une unité religieuse<br />
effective ; en d’autres termes, qu’il y a une prise de<br />
conscience de l’unicité religieuse car il est c<strong>la</strong>ir que<br />
sans confiance mutuelle et sans <strong>la</strong> conscience que<br />
Dieu est universel, cette demande ne saurait être<br />
faite. Chrétiens et musulmans ont des pratiques<br />
religieuses différentes mais des buts convergents.<br />
Comme disait un ami musulman, « nous sommes<br />
comme des p<strong>la</strong>ntes de natures différentes qui<br />
avons un besoin vital d’eau pour croître ; nous<br />
avons des religions diverses et des expressions<br />
religieuses variées pour grandir dans notre re<strong>la</strong>tion<br />
avec Dieu ». En réalité le but commun aux deux<br />
religions est l’approfondissement de notre re<strong>la</strong>tion<br />
avec Dieu (<strong>la</strong> croissance spirituelle). Je suis toujours<br />
heureux de participer aux rencontres comme<br />
celles du Ribat qui permettent aux chrétiens et<br />
musulmans de partager leurs expériences.<br />
En conclusion, je dirai que mon rêve, je le vis au<br />
quotidien. Cependant, le désir d’approfondir ma<br />
connaissance de <strong>la</strong> religion musulmane et celle<br />
d’autres religions demeure en moi. Qu’à ce<strong>la</strong> ne<br />
tienne, je suis heureux d’être en Algérie !<br />
Jones Kawisha, P.B.
Promenade à Timimoun<br />
نوميميت يف ةلوج<br />
pax concordia<br />
11<br />
Dossier réalisé par Patrick et Anne de Boissieu
dossier<br />
14<br />
Promenade à timimoun<br />
Commençons notre découverte de<br />
Timimoun, l'oasis rouge, <strong>la</strong> reine du<br />
désert, par quelques descriptions<br />
de <strong>la</strong> ville g<strong>la</strong>nées ça et là au hasard<br />
de nos lectures :<br />
Timimoun1 , c'est le titre d'un roman<br />
de Rachid Boudjedra qui y décrit<br />
ainsi <strong>la</strong> ville : « Timimoun est un<br />
ksar rouge très ancien, avec ses<br />
murailles construites en pisé ocre.<br />
Il se love sur une longue terrasse<br />
qui domine d'une vingtaine de<br />
mètres <strong>la</strong> palmeraie. Son minaret soupçonneux<br />
à l'architecture de poupée, aux lignes arrondies<br />
et au pisé grenu, surveille le désert alentour.<br />
Avec ses dunes gigantesques et très mobiles. Ses<br />
anciennes routes de l'or et du sel. Ses oasis qui<br />
ont vu durant des siècles des vagues de réfugiés<br />
berbères, zénètes, juifs, noirs et arabes s'y cacher,<br />
s'y agglomérer et s'y installer définitivement<br />
pour créer, à force de travail et d'ingéniosité, une<br />
sorte d’Éden [...]. »<br />
De son côté, le lieutenant Mercadier, chef de poste<br />
à Timimoun, écrivait en 1946 dans L'oasis rouge2 :<br />
« En plein cœur du Sahara existe une petite ville<br />
toute rouge, posée sur l'un des derniers gradins<br />
septentrionaux du p<strong>la</strong>teau aride du Tadmaït. Elle<br />
domine une immense sebkha limitée au nord<br />
par les dernières dunes du Grand Erg occidental.<br />
C'est Timimoun ». Il poursuit sa description par<br />
un long exposé sur <strong>la</strong> géologie qu'il conclut ainsi :<br />
« Évidemment tout ceci est assez indigeste, bien<br />
que réduit au minimum. Mais vous serez ainsi à<br />
même de comprendre <strong>la</strong> question des foggaras<br />
qui sont <strong>la</strong> base de <strong>la</strong> richesse au Gourara ».<br />
Vous n'aurez sans doute pas <strong>la</strong> patience de vous<br />
plonger dans des considérations géologiques<br />
mais on peut aujourd'hui recourir à d'autres<br />
moyens pour comprendre Timimoun : ouvrez<br />
Google Earth et recherchez Timimoun. Vous<br />
verrez se dessiner <strong>la</strong> ville bordée par <strong>la</strong> palmeraie,<br />
1 Rachid Boudjedra, Timimoun, Folio n°2704, 1994.<br />
2 G. Mercadier, R. Rondreux, J. Salleras, L'oasis rouge, impressions<br />
sahariennes, Éd. Robert et René Chaix, 1946.<br />
puis <strong>la</strong> sebkha qui prend des<br />
couleurs extraordinaires du fait des<br />
sels minéraux, et enfin les dunes de<br />
l'erg. C'est superbe !<br />
Le visiteur d'aujourd'hui n'a pas<br />
de mal à se retrouver dans <strong>la</strong> ville.<br />
Des terrasses de l'hôtel Gourara<br />
construit par Fernand Pouillon dans<br />
les années 1970, il peut admirer<br />
le site dans son ensemble. Le<br />
boulevard du 1er Novembre fait <strong>la</strong><br />
séparation entre <strong>la</strong> partie ancienne<br />
avec le ksar, <strong>la</strong> palmeraie au nord et le « Vil<strong>la</strong>ge »<br />
au sud, au quadril<strong>la</strong>ge rigoureux datant des<br />
années 1920, tracé par les militaires français. En<br />
périphérie, en demi-couronne, se développent de<br />
nouveaux quartiers, des équipements collectifs<br />
- hôpital, bâtiments sco<strong>la</strong>ires -, des entrepôts<br />
de matériel, etc. L'urbanisation a été très rapide<br />
avec, comme dans les autres villes du Sud, un<br />
afflux de popu<strong>la</strong>tion au cours des années 1990 ;<br />
le chef-lieu de <strong>la</strong> commune compte aujourd'hui<br />
plus de 28 000 habitants.<br />
Le quartier de <strong>la</strong> période coloniale a son originalité<br />
du fait de son architecture soudanaise introduite<br />
par un officier français dans les années 1920.<br />
Outre ses portes monumentales, son fleuron est<br />
l'hôtel Oasis rouge caractéristique autant par son<br />
architecture extérieure que par sa décoration
intérieure sculptée de motifs géométriques sur<br />
un enduit ocre rouge. Mais on peut être sensible<br />
aussi à <strong>la</strong> seule beauté du crépi des murs fait<br />
d'argile rouge moulée dans <strong>la</strong> paume de <strong>la</strong> main<br />
comme autant d'empreintes anonymes des<br />
bâtisseurs.<br />
Dans le ksar, il faut se perdre dans les ruelles<br />
ombragées de par leur étroitesse. Ruelles à l'air<br />
libre ou couvertes, entrées de petites impasses<br />
sur lesquelles s'ouvrent les portes basses des<br />
maisons. Silence d'une ville sans voiture. Ce<strong>la</strong><br />
donne l'impression de pénétrer dans l'intimité<br />
d'une popu<strong>la</strong>tion que l'on aperçoit à peine.<br />
Univers rouge, de <strong>la</strong> couleur de cette terre<br />
qui se marie si bien avec le vert des palmiers<br />
lorsqu'on arrive aux abords de <strong>la</strong> palmeraie,<br />
particulièrement dans <strong>la</strong> lumière du soir.<br />
Les deux extraits cités plus haut nous invitent<br />
à ne pas nous arrêter à l'aspect extérieur de <strong>la</strong><br />
ville, aussi séduisant soit-il. En nous par<strong>la</strong>nt de<br />
<strong>la</strong> diversité des popu<strong>la</strong>tions et de l'eau, ils nous<br />
attirent vers ce qui fait <strong>la</strong> vie de Timimoun.<br />
Dans <strong>la</strong> première citation, Rachid Boudjedra<br />
évoque <strong>la</strong> multiplicité des peuplements du<br />
Gourara dont Timimoun est <strong>la</strong> capitale. Au tout<br />
début, il y aurait eu des popu<strong>la</strong>tions noires. On<br />
trouve aussi des touaregs, des nomades arabes,<br />
des berbères et parmi eux les zénètes qui ont<br />
conservé leur <strong>la</strong>ngue. Mais c'est aussi le passage<br />
des caravanes qui a eu pour effet de <strong>la</strong>isser<br />
des esc<strong>la</strong>ves noirs vendus sur p<strong>la</strong>ce. Il y avait à<br />
Timimoun une p<strong>la</strong>ce du marché aux esc<strong>la</strong>ves.<br />
Le terme de Haratin désigne ces diverses<br />
popu<strong>la</strong>tions noires ou métissées. Il y a eu aussi<br />
plusieurs migrations juives. Ce sont les Juifs qui<br />
ont apporté l'artisanat, <strong>la</strong> teinture végétale et <strong>la</strong><br />
poterie dans <strong>la</strong> région, nous a-t-on dit. La société<br />
du Gourara permettait aussi aux hommes et aux<br />
femmes de se côtoyer dans l'espace public, que<br />
ce soit pour <strong>la</strong> touiza, pour les fêtes de mariage<br />
ou de circoncision ; mixité remise en cause depuis<br />
l'indépendance.<br />
Le second extrait nous parle des foggaras : sans<br />
eau, il n’y aurait pas eu d'oasis car ni palmeraie<br />
ni jardins. Ici, pas de puits desquels il faut tirer<br />
l'eau, elle coule en continu à l'intérieur des<br />
foggaras, ces tunnels creusés sur des kilomètres<br />
qui collectent l'eau du sous-sol et dont <strong>la</strong> pente<br />
légère entraîne un écoulement par gravité ;<br />
avec, au débouché, une kesria qui répartit l'eau<br />
dans les différentes seguias menant aux jardins.<br />
Une foggara n'est repérable que par les puits<br />
qui jalonnent son parcours ; ils ont permis<br />
l'évacuation de <strong>la</strong> terre lors de son creusement<br />
et ensuite servent à son entretien. Si les foggaras<br />
sont un système technique pour l'acheminement<br />
de l'eau et sa répartition, elles étaient aussi liées<br />
à une organisation sociale reposant sur l'emploi<br />
d'esc<strong>la</strong>ves qui les creusaient et les entretenaient.<br />
Aujourd'hui, <strong>la</strong> majorité de ces foggaras n’est<br />
plus exploitée. Soit elles sont obstruées, soit<br />
des pompages plus profonds ont asséché leurs<br />
sources.<br />
On peut encore parler autrement de Timimoun.<br />
Ainsi, <strong>la</strong> brochure de l’Office du tourisme<br />
s’intitule Timimoun <strong>la</strong> mystique3 et un zénète<br />
d’un certain âge, assurément un sage, nous disait<br />
que, pour lui, Timimoun c’était <strong>la</strong> méditation, <strong>la</strong><br />
3 Timimoun <strong>la</strong> mystique, Office du tourisme de Timimoun, en<br />
partenariat avec le Groupe Cevital, 2011, 32 pages.<br />
pax concordia<br />
15<br />
dossier
dossier<br />
16<br />
paix et le silence. La beauté du site, l’immensité<br />
de l’erg, <strong>la</strong> bénédiction de l’eau qui apporte<br />
<strong>la</strong> vie au milieu du désert peuvent porter à <strong>la</strong><br />
méditation et il n’est pas difficile de trouver un<br />
lieu paisible et silencieux où se retirer. Solitude,<br />
isolement qui, par contrecoup, favorisent les<br />
rassemblements. Et l'on comprend l'importance<br />
de manifestations religieuses et culturelles<br />
comme le Sbou, l’Ahellil… La fête du Mawlid (<strong>la</strong><br />
naissance du prophète) donne lieu pendant une<br />
semaine à un cortège passant par les principaux<br />
ksour. Les étendards<br />
de chacun des saints<br />
se rassemblent et<br />
cheminent vers<br />
Timimoun pour<br />
le Sbou. L’Ahellil<br />
mé<strong>la</strong>nge <strong>la</strong> musique,<br />
le chant, <strong>la</strong> poésie. Il<br />
chante Dieu et les<br />
hommes, l’amour,<br />
<strong>la</strong> vie, il parle des<br />
événements petits<br />
et grands. Il a été<br />
c<strong>la</strong>ssé au patrimoine<br />
oral mondial de<br />
l’UNESCO en 2005.<br />
Qui vient à Timimoun<br />
ne devra pas rester uniquement dans <strong>la</strong> ville ; il<br />
faut en sortir pour aller vers l’erg et ses dunes.<br />
Sur le trajet, impossible de ne pas remarquer<br />
ces constructions massives, généralement en<br />
ruines, d'anciens ksour. Chaque ksar regroupait<br />
une communauté ; elle était souvent sous <strong>la</strong><br />
protection du saint qui l’avait rassemblée. P<strong>la</strong>cé<br />
sur une hauteur, le ksar dominait <strong>la</strong> palmeraie<br />
cultivée par ses habitants. Aujourd’hui, ces ksour<br />
en ruines donnent l'image de villes fantômes<br />
disséminées çà et là. Ils sont parfois si bien<br />
intégrés dans le relief qu’on ne les distingue pas.<br />
L’un d’eux, à Ighzer, a été restauré par l’UNESCO.<br />
Un projet existe avec l’école d’architecture de<br />
Constantine pour étudier l’un de ces ksour.<br />
Le secteur reste très peuplé. Aujourd'hui, <strong>la</strong><br />
commune de Timimoun comporte une trentaine<br />
de vil<strong>la</strong>ges.<br />
Petit tour bien trop rapide tant il y aurait à<br />
développer les aspects évoqués ici. Il faudrait<br />
aussi parler de l’artisanat et en particulier des tapis<br />
que des femmes tissent à nouveau dans l'atelier<br />
An-Nahda. Tous ces éléments, cette richesse<br />
et cette diversité, ont fait de Timimoun une<br />
destination touristique importante. On trouvait<br />
de nombreux hôtels et maintenant encore<br />
beaucoup de possibilités d’hébergement.<br />
Mais quelle sera demain l’évolution de<br />
Timimoun si ce qui en fait le charme et l’attrait<br />
tend à disparaître ? Il semble que même les fêtes<br />
comme le Sbou aient perdu de leur caractère<br />
religieux, de leur authenticité, pour devenir<br />
des rassemblements<br />
folkloriques et<br />
touristiques. Le tourisme<br />
a aussi beaucoup diminué<br />
du fait des restrictions<br />
dues à <strong>la</strong> sécurité dans<br />
le Sud algérien. S’est<br />
en outre développé<br />
un tourisme d’affaires,<br />
mais qui s’intéresse<br />
peu à <strong>la</strong> ville ancienne.<br />
L’hôtel Gourara est en<br />
cours de restauration.<br />
Des Algériens de toutes<br />
régions choisissent<br />
Timimoun pour venir<br />
construire une maison,<br />
probablement à cause de <strong>la</strong> beauté de ce lieu<br />
et de ce qu’il cache au plus profond. Signes que<br />
Timimoun croit encore à son avenir et à tout le<br />
potentiel que le Gourara peut offrir.<br />
Petit lexique :<br />
ahellil : chants sacrés et profanes principalement<br />
zénètes, pratiqués en cercle, de nuit.<br />
foggara : canal de drainage souterrain.<br />
Gourara : région dont Timimoun est <strong>la</strong> capitale.<br />
Partie de <strong>la</strong> wi<strong>la</strong>ya d'Adrar.<br />
kesria : peigne permettant de répartir l'eau dans<br />
les seguias.<br />
ksar (pluriel ksour) : vil<strong>la</strong>ges traditionnels aux<br />
ruelles étroites.<br />
sebkha : <strong>la</strong>c salé parfois à sec.<br />
seguia : canal d'irrigation.<br />
touiza : travail collectif, agricole ou autre, au<br />
service de <strong>la</strong> communauté.
<strong>la</strong> fabrication du pain en images<br />
1. Préparez le feu dans le four<br />
traditionnel.<br />
.يديلقتلا نرفلاب رانلا يئيه<br />
3. Veillez à ce que les braises soient<br />
bien à point et tenez <strong>la</strong> pâte prête.<br />
.زهاج ينجعلا و ،ديج عضوب رملجا نأ نم يدكأت<br />
5. Disposez-en autant que le four peut en contenir.<br />
.نرفلا ءاوتحإ رادقبم ةيقبلا يعض<br />
7. Quand ils sont cuits, ils se détachent. Sortez-les<br />
du four après les avoir dorés sur les braises.<br />
انول بستكي امدنع هيجرخإ .رادلجا نع لصفني ،جضني امدنع<br />
.ايبهذ<br />
رونلا زبخ<br />
2. Répartissez <strong>la</strong> pâte en petits tas qu'on<br />
ap<strong>la</strong>tira.<br />
.حطستت يكل ةريغص لتك ىلإ ينجعلا يمسق<br />
4. Avec <strong>la</strong> main disposez un premier pain<br />
contre <strong>la</strong> paroi du four.<br />
.نرفلا رادج ىلع لولأا زبلخا يعض ،ديلا ةطساوب<br />
6. Surveillez <strong>la</strong> cuisson.<br />
.وهطلا يبقار<br />
8. Et bonne dégustation !<br />
! ةبيط ةيهش<br />
pax concordia<br />
17<br />
dossier
dossier<br />
18<br />
renaissance du tapis gourari<br />
En novembre 2005 germait à Timimoun l’idée d’un<br />
projet de développement algéro-français. À l’origine<br />
du projet, Zohra, une tisserande de près de 80 ans<br />
à l’époque, bouleversée à <strong>la</strong> fois par <strong>la</strong> disparition<br />
déjà quasi totale du très riche patrimoine de tissage<br />
gourari et, dans le même temps, par le faible<br />
espoir d’insertion socioprofessionnelle des jeunes<br />
tisserandes de Timimoun, pourtant diplômées du<br />
centre de formation professionnelle local.<br />
Engagée à Timimoun depuis 1995, l'association<br />
Trait d’Union Solidarité Alsace entame alors<br />
une réflexion d’autant plus enthousiaste que le<br />
projet vise non seulement à donner un appui aux<br />
femmes sous forme d’un programme de formation<br />
continue intensive de futures formatrices, mais<br />
aussi <strong>la</strong> création d’emplois, et une recherche de <strong>la</strong><br />
mémoire du patrimoine perdu.<br />
Les visiteurs curieux aujourd'hui de découvrir<br />
l’atelier-école An-Nahdha (La Renaissance) verront<br />
deux ateliers :<br />
• l’un de tissage<br />
patrimonial avec<br />
ses onze métiers<br />
installés dans deux<br />
salles, sa salle<br />
de stockage, son<br />
patio d’accueil des<br />
clients et surtout<br />
les sept maîtressesartisanes<br />
à l’œuvre<br />
et leurs jeunes<br />
stagiaires ;<br />
• l’autre, un peu plus<br />
loin, à cinq minutes<br />
de l’atelier de<br />
tissage, un atelier<br />
de teinture naturelle<br />
où sont réalisées les<br />
teintures à base de<br />
garance, coques de<br />
grenade, écorce de<br />
noyer, thé, daphné,<br />
orcanette, pelures d’oignons, bois de campêche,<br />
cochenille, etc.<br />
C'est le dix-neuvième stage de formation pour les<br />
tisserandes-teinturières qui vient de se dérouler.<br />
Après s’être progressivement réapproprié leur<br />
patrimoine de tissage (61 modèles anciens<br />
ressuscités), après avoir été formées aux procédés<br />
anciens de teinture, les voici à présent "<strong>la</strong>ncées" sur<br />
un programme de création contemporaine.<br />
La participation à de nombreuses expositions a<br />
permis à l’atelier-école de se faire connaître, en<br />
Algérie ainsi qu'en Europe.<br />
Le champ d’action s’est récemment diversifié.<br />
À présent, c’est <strong>la</strong> création d’une pépinière de<br />
p<strong>la</strong>ntes tinctoriales à Timimoun qui nous mobilise<br />
en même temps qu’une aide à <strong>la</strong> réhabilitation<br />
des foggaras de <strong>la</strong> palmeraie. Bientôt également,<br />
<strong>la</strong> reprise et <strong>la</strong> poursuite des ateliers de couture -<br />
broderie - artisanat des sœurs b<strong>la</strong>nches après leur<br />
départ de Timimoun.<br />
Au-delà d’un patrimoine et d’une fierté retrouvés,<br />
au-delà de l’esthétique et de <strong>la</strong> qualité du travail<br />
sans cesse au cœur de notre programme, audelà<br />
d’une vie meilleure pour les tisserandesteinturières,<br />
couturières et brodeuses des divers<br />
ateliers, il y a l’essentiel qui ne se mesure pas<br />
mais qui se vit au quotidien : des hommes et des<br />
femmes de nationalités, de cultures et de traditions<br />
si diverses mais réfléchissant, œuvrant et avançant<br />
ensemble, partageant une espérance commune.<br />
Marie-C<strong>la</strong>ire Radigue,<br />
présidente de Trait d’Union Solidarité Alsace
À trois kilomètres de Timimoun, capitale du<br />
Gourara, se trouve le petit ksar de Massine. Celuici<br />
est blotti sur les berges de <strong>la</strong> sebkha (<strong>la</strong>c salé)<br />
et spécialisé dans <strong>la</strong> fabrication des poteries.<br />
Non loin des belles palmeraies de Massine surgit<br />
un autre ksar, Agham Amzeghar en zénète, le<br />
ksar rouge en français. Il appartient à <strong>la</strong> famille<br />
Mou<strong>la</strong>ï, d’origine chérifienne.<br />
Actuellement, ce ksar est inhabité et sa<br />
dégradation est entamée. Dans un souci de<br />
préservation de ce joyau architectural et<br />
urbanistique gourari, une action sera menée pour<br />
sa restauration avec les étudiants en architecture<br />
de Constantine et le musée de Laghouat pour <strong>la</strong><br />
participation et l’encadrement.<br />
L’objectif majeur est d’abord d’ordre<br />
pédagogique. Une vingtaine d’étudiants de<br />
cinquième année d’architecture et les postu<strong>la</strong>nts<br />
au magistère viendront à Agham Amzeghar<br />
apprendre les gestes ancestraux et les rudiments<br />
de l’architecture ksourienne gourarie.<br />
La particu<strong>la</strong>rité de ce ksar est qu’il abritait un<br />
tribunal musulman de droit canonique, de Sidi<br />
Khalil Ibn Ishak Moussa. Il est à rappeler que ces<br />
popu<strong>la</strong>tions sont berbérophones.<br />
sauvons les ksour !<br />
Les étudiants seront hébergés à l’intérieur du<br />
ksar, pour bien saisir <strong>la</strong> notion de l’espace vécu.<br />
Ils seront répartis en trois groupes qui auront les<br />
tâches suivantes :<br />
•<br />
•<br />
•<br />
faire le relevé du ksar et un état des lieux,<br />
procéder au nettoyage du fossé qui entoure<br />
le ksar,<br />
restaurer les parties abimées des remparts.<br />
Ksour Agh<strong>la</strong>d<br />
Bien sûr ces tâches vont s’échelonner dans le<br />
temps et d’autres groupes viendront poursuivre<br />
l'opération.<br />
La famille Mou<strong>la</strong>ï préparera un bon couscous<br />
pour les « valeureux » étudiants. L’objectif majeur<br />
de cette action est de créer une dynamique pour<br />
sauver ce patrimoine et <strong>la</strong>ncer une réflexion<br />
sur <strong>la</strong> compréhension de <strong>la</strong> typologie et de <strong>la</strong><br />
morphologie de l’architecture ksourienne du<br />
Gourara.<br />
Mohamed Hadj-Kadour<br />
Musée de Laghouat<br />
pax concordia concordia 19<br />
dossier
dossier<br />
20<br />
des chrétiennes à timimoun<br />
Les Sœurs b<strong>la</strong>nches ne sont pas depuis toujours dans<br />
l’oasis de Timimoun. Elles y sont arrivées en 1996.<br />
Avant elles, il y a eu, durant 22 ans, une communauté<br />
de Petites Sœurs de saint François qui avaient « suivi<br />
l'appel à venir parmi des plus pauvres encore, les<br />
popu<strong>la</strong>tions du Sud où il n'y avait pas beaucoup de<br />
personnel infirmier ». On imagine mal aujourd'hui<br />
les conditions de vie à Timimoun à cette époque.<br />
Écoutons les sœurs :<br />
« Ce fut le choc, à l'arrivée, de découvrir cette pauvreté.<br />
Surtout pour les femmes qui arrivaient à l'hôpital dans<br />
un tel état qu'il n'était même plus possible de faire un<br />
diagnostic. Elles arrivaient pour mourir. »<br />
« Les ksour ? Nous y avons eu accès indirectement par<br />
les familles qui venaient à l'hôpital, et quelquefois par<br />
des promenades et des visites.<br />
Anna-Maria nous a précédées à Timimoun et c'est<br />
elle qui nous a fait connaître beaucoup de choses du<br />
pays et de ses habitants.<br />
Ces vingt-deux années passées à Timimoun<br />
sont les plus belles années de notre vie. Toute<br />
cette vie apparemment enfouie dans le fond du<br />
désert, où tout paraît aride ; pour nous, ce sont<br />
des années riches d'avoir partagé <strong>la</strong> vie rude des<br />
Sahariens où l'enfouissement s'est révélé ouverture,<br />
é<strong>la</strong>rgissement. »<br />
Les Franciscaines ont quitté Timimoun en 1994.<br />
Anna-Maria est restée jusqu'à l'arrivée des Sœurs<br />
b<strong>la</strong>nches qui se sont installées dans sa maison et<br />
c'est <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion qui est venue à elles. Magdalena<br />
s'est occupée des handicapés tandis que Renée<br />
s'est tournée vers <strong>la</strong> formation avec des groupes<br />
de femmes dans des ksour : couture, tricot pour les<br />
besoins de leur famille mais aussi, à leur demande,<br />
broderie pour embellir leur maison.<br />
Pour Simone, l'évangélisation c'est « tout ce qu'on<br />
est, tout ce qu'on fait ». « Je me réjouis d'être acceptée<br />
telle que je suis ; le matin lorsque je vais au travail<br />
tout le monde me salue et ce<strong>la</strong> me réjouit très fort.<br />
Ils m'évangélisent. Le partage, l'accueil de l'autre sont<br />
de grandes valeurs de l'is<strong>la</strong>m. Être dans ce pays m'a<br />
transformée, a changé tous mes horizons. »<br />
Magdalena et Anne-Christine ont quitté Timimoun en<br />
juin, Simone et Renée maintiennent cette présence<br />
dans l'attente d'une nouvelle communauté… que<br />
Mgr Rault recherche activement. Notre espérance<br />
est que cette présence chrétienne à Timimoun<br />
continuera.<br />
Timimoun se prête à bien des métaphores<br />
spirituelles. Ses dunes pourraient faire<br />
l’objet d’enthousiastes descriptions… Mais<br />
ce dont je veux témoigner, c'est de <strong>la</strong> prière<br />
des sœurs, quatre sœurs rodées à <strong>la</strong> vie<br />
religieuse et à <strong>la</strong> vie parmi les musulmans.<br />
C'est peu de dire que <strong>la</strong> densité de leur<br />
présence vous saisit. Leur existence est<br />
des plus simples : une maison modeste<br />
et une voiture pour effectuer leurs divers<br />
aposto<strong>la</strong>ts.<br />
Le plus marquant, c’est leur liturgie<br />
quotidienne. Le texte du jour a été médité<br />
le matin. À l’heure de <strong>la</strong> sieste, il est partagé<br />
en communauté. Et, pour les visiteurs de<br />
passage, il donne un sens au mot "grâce",<br />
et à <strong>la</strong> présence attendue dans l’hostie.<br />
A. J.
L’Algérie au fil des jours<br />
Chadli, l’homme et le bi<strong>la</strong>n. La mort de Chadli<br />
Bendjedid a plongé<br />
l’Algérie dans une sorte<br />
d’amnésie collective<br />
encouragée par le vibrant<br />
hommage officiel que lui<br />
rend <strong>la</strong> nation. Liberté,<br />
08.10.12. Chadli rompt avec<br />
Boumediène, pas avec son<br />
autoritarisme. L’homme au profond humanisme.<br />
Pouvoir de l’ombre et ombre du pouvoir. Chadli, le<br />
diplomate. El Watan, 08.10.12. Obsèques nationales<br />
pour Chadli Bendjedid : l’Adieu. El Watan, 09.10.12.<br />
Le colonel démocrate. En 2 jours, l’Algérie a perdu<br />
deux de ses enfants les plus sincèrement patriotes,<br />
Chaulet et Bendjedid. Si l’un est un monument<br />
dans <strong>la</strong> bienfaisance nationale, l’autre est une<br />
icône de <strong>la</strong> première démocratie en Algérie. Quot.<br />
Oran, 11.10.12. Né à Bouteldja, wi<strong>la</strong>ya d’El Tarf, il<br />
est décédé à Alger le 6 octobre 2012 à 83 ans. Il fut<br />
président de <strong>la</strong> République de février 1979 à janvier<br />
1992.<br />
Une vie au service de l’Algérie :<br />
« Je suis Algérien à part entière ».<br />
El Watan, 06.10.12. Décès à Alger<br />
de Pierre Chaulet le 05.10.12. Né<br />
à Alger le 27 mars 1930, principal<br />
artisan de l’éradication de <strong>la</strong><br />
tuberculose en Algérie, décédé<br />
à 82 ans. Quot. Oran, 11.10.12. Des obsèques à <strong>la</strong><br />
hauteur du patriote. Le militant anticolonialiste et<br />
l’éminent professeur de médecine que fut Pierre<br />
Chaulet a eu les funérailles qu’il méritait. Le Soir<br />
d’Algérie, 10.10.12. À Pierre Chaulet… l’Algérie<br />
reconnaissante avec cette citation de Lamartine :<br />
« je suis de <strong>la</strong> couleur de ceux qu’on persécute ! ».<br />
Quot. Oran, 11.10.12. Il avait hérité de solides<br />
références de christianisme social reçues de<br />
ses parents fondateurs des syndicats chrétiens<br />
d’Algérie. Rencontres, octobre 2012.<br />
Constantine. Le couple qui p<strong>la</strong>ntait les arbres…<br />
de <strong>la</strong> vie. Jean et Marguerite Carbonare, en citoyens<br />
de liberté, ont pris fait et cause pour l’indépendance<br />
et ont aidé à <strong>la</strong> reconstruction du pays durant<br />
© jolpress.com<br />
de longues années. Marguerite a publié, à titre<br />
posthume, une autobiographie de son époux,<br />
« Ensemble, se remettre debout » (2010) et son<br />
propre témoignage, « Fracture et souffle » (2012).<br />
El Watan, 25.09.12. Venus avec <strong>la</strong> Cimade, Jean<br />
Carbonare et ses amis sont à l’origine de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ntation<br />
de plus d’un million d’arbres dans l’Est algérien,<br />
fournissant du travail et rendant leur dignité à plus<br />
de 50 000 personnes. Une épopée racontée dans<br />
un des chapitres du premier ouvrage, récemment<br />
traduit en arabe par des amis constantinois.<br />
En finir avec les villes « bidon ». 50 ans d’urbanisme<br />
passés au crible à l’EPAU (École polytechnique<br />
d’architecture et d’urbanisme). Colloque<br />
international des 7 et 8 novembre. Quelques<br />
chiffres : 22.4 millions d’Algériens en ville, soit 63%<br />
de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion ; l’Algérie est passée de 41 villes<br />
à 273 unités urbaines de plus de 20 000 hab. ; 114<br />
villes sont concentrées sur <strong>la</strong> bande littorale, soit<br />
41.7% du tissu urbain global ; 477 agglomérations<br />
urbaines sur 751 sont recensées au nord du pays ;<br />
9 Algériens sur 10 vivent au nord du pays (soit sur<br />
12.6% du territoire national) ; 200 000 ha de foncier<br />
ont été urbanisés ; enfin, 5 millions de logements<br />
ont été construits depuis l’indépendance… El<br />
Watan, 10.11.12.<br />
Brèves g<strong>la</strong>nées par Gérard de Bé<strong>la</strong>ir<br />
L’herbier de Gérard<br />
Autant qu’aux nouvelles du<br />
pays, Gérard de Bé<strong>la</strong>ir aime<br />
être attentif aux p<strong>la</strong>ntes et<br />
aux fleurs. Il en est l'un des<br />
spécialistes dans notre pays,<br />
depuis quarante ans qu’elles<br />
font sa passion et qu’il les<br />
scrute avec ses étudiants<br />
de l’université d’Annaba<br />
et des équipes de chercheurs. Un des fruits de ce travail est<br />
accessible si vous cherchez « herbiergdb » sur internet. Vous<br />
accéderez alors à plus de 5000 p<strong>la</strong>nches d’herbier et plus de<br />
1000 photos. Merci Gérard !<br />
pax concordia<br />
trois Mois en Bref
egArds sur l'Algérie<br />
A life of hardship<br />
The Challenges faced by Sub-Saharan Migrants and Refugees in<br />
People leave their countries of<br />
origin for many reasons. Some<br />
leave due to war, persecution and<br />
violence whilst others leave due to<br />
a very difficult economic situation.<br />
Persons migrating towards Algeria are no different.<br />
Whilst their reasons for arriving to Algeria may differ,<br />
the hardships they suffer along the route to arrive<br />
here and the tough conditions they must face in<br />
the country are often the same. One big difference<br />
is that whilst some can return to their countries of<br />
origin, others cannot due to war, persecution or<br />
a <strong>la</strong>ck of means to return back home. Humiliation<br />
on return and a feeling of having 'failed' is another<br />
reason why people do not return back home<br />
even when things do not turn out well in Algeria.<br />
Most migrants in need of international protection<br />
head to Algiers where they can apply for asylum<br />
with the UN Refugee Agency (UNHCR) which decides<br />
who is entitled to international protection and who<br />
is not. Those recognised as refugees are under the<br />
protection of UNHCR and are given documents<br />
and certain important rights and assistance.<br />
Nevertheless, it is still very difficult for them to find<br />
work and earn a livelihood. Importantly, the refugee<br />
document protects people from being forcibly<br />
sent back to their countries of origin or from being<br />
deported to the south of the country.<br />
The problem of access to work is one of the greatest<br />
problems faced by migrants and refugees in Algeria.<br />
No one is given the permission to work, so finding<br />
regu<strong>la</strong>r work is almost impossible. Many end up<br />
Algeria<br />
L’auteur est avocat, spécialisé dans les droits de l'homme et le droit d'asile.<br />
Il travaille pour le Service jésuite des réfugiés (JRS). Une partie du travail du<br />
Bureau européen de JRS est de sensibiliser l'Union européenne sur <strong>la</strong> situation<br />
des réfugiés et des migrants en Afrique du Nord et de l'Ouest. En effet, décisions<br />
et politiques de l'UE ont une influence directe sur <strong>la</strong> vie des migrants en transit<br />
dans ces pays. Il est donc important que les décideurs européens aient ce<strong>la</strong><br />
en tête lorsque des décisions sont prises. Andrew vient de parcourir l’Algérie<br />
pour mieux connaître <strong>la</strong> situation de ces migrants. Il nous partage son regard 1 .<br />
working unofficially and this often means that they<br />
do not earn as much as locals and are not protected<br />
by contracts. At times, employers take advantage of<br />
this and do not pay the migrants for the work they<br />
have done. The migrants cannot go and report this<br />
to the police since they were not working legally and<br />
could end up in trouble due to their general status<br />
in the country. Difficulties in accessing work lead to<br />
other serious problems such as accommodation.<br />
It is very hard to pay for rent without a regu<strong>la</strong>r<br />
job, so many persons end up living in very poor<br />
conditions. Those who find no work often end up<br />
squatting in unfinished buildings such as in the<br />
neighbourhood of Boush Bouk or living in small<br />
and crowded rooms with no privacy. Thankfully,<br />
especially when accompanied by organisations,<br />
1 Une traduction en français de cet article est disponible sur le<br />
site eglise-catholique-algerie.org
migrants often have access to the healthcare that<br />
they need from the local authorities.<br />
The journey to Algeria is one of the most difficult<br />
experiences many people will go through in their<br />
lives. They cross through the desert, sometimes for<br />
several days, at the mercy of smugglers and risking<br />
coming across bandits. Some die of dehydration<br />
along the way. There have also been reports of<br />
police taking advantage of the vulnerable migrants,<br />
asking for bribes and inflicting other forms of<br />
abuse. Women are at a high risk of being sexually<br />
assaulted throughout the journey, with the attempt<br />
to cross the border between Algeria and Morocco<br />
near Maghnia being the most notorious area for<br />
such circumstances. These traumatic experiences<br />
often add up to other traumas suffered in people’s<br />
country of origin, especially when they were fleeing<br />
from war and persecution.<br />
Reaching Europe ? Many head up to Algeria<br />
with a dream to earn a better living and perhaps<br />
managing to enter Europe. Reaching Europe has<br />
become very difficult and many remain stuck in<br />
Algeria or further along their journey in Morocco. A<br />
young man I met in Tamanrasset had just returned<br />
from Casab<strong>la</strong>nca and was heading back home to<br />
Cameroon. "Morocco is even more difficult than<br />
Algeria for migrants. Working there is very difficult<br />
and getting to Europe is almost impossible and very<br />
risky." He tries to tell this to others who are still at<br />
the beginning of their travel, but they don’t listen.<br />
Everyone believes that their luck will be different.<br />
They also barely listen when told that about one<br />
person every ten who try to cross to Europe by<br />
boat drown and die. "It will not happen to me",<br />
says one young man who still dreams of crossing<br />
over to Europe. "God is with me and will protect<br />
me". Few are ready to let go of their dreams even<br />
in the face of harsh realities faced by those who<br />
tried the same thing before them. For others, going<br />
back home would be a great humiliation even if<br />
it means remaining in an exile of misery for a few<br />
more years. "I cannot go back home yet", says one<br />
young woman. "That would mean failure in the eyes<br />
of my family. My brother has made it to Europe and<br />
now has a job and a family. I want to do the same<br />
thing."<br />
Keeping values. Some people in desperate<br />
situations end up getting involved in illegal activities<br />
and losing their values. There is much exploitation<br />
of others from their own communities. People’s<br />
values and outlook on life can have a big impact on<br />
the choices they make, even in the most difficult of<br />
situations. It is important for those who are feeling<br />
lost in life to get some spiritual guidance. I had<br />
the chance of meeting migrants living in Algeria<br />
who changed their ways or refused to accept to<br />
succumb to getting involved in things which they<br />
felt were wrong. There have also been stories of<br />
success where people worked hard and achieved<br />
positive things. Even in the best of cases, there are<br />
still problems such as a <strong>la</strong>ck of regu<strong>la</strong>r documents<br />
and access to work contracts that will always create<br />
obstacles, but success stories show that people do<br />
not need to give up just because the situation is<br />
very difficult.<br />
Working with migrants ? Unlike Europe, it is hard<br />
for NGOs to register and work in Algeria. For foreign<br />
NGOs it is practically impossible to be here officially.<br />
Working with migrants is particu<strong>la</strong>rly difficult since<br />
it is illegal to provide assistance to persons without<br />
regu<strong>la</strong>r documents and this is punishable by a<br />
number of months in prison. Religious institutions<br />
p<strong>la</strong>y an important role in the provision of assistance<br />
to migrants in various parts of Algeria. It is a<br />
struggle to keep a ba<strong>la</strong>nce between supporting<br />
those who have nothing and to avoid creating a<br />
dependency where people will not seek to become<br />
self-sufficient. At the same time, it is important to<br />
identify those who are particu<strong>la</strong>rly vulnerable such<br />
as children, abused women, victims of trafficking<br />
and those with physical or psychological problems<br />
and ensure that they are not abandoned to their<br />
own fate and at the mercy of those ready to exploit<br />
them. Working with migrants is not an easy job,<br />
but is one of great importance since they often <strong>la</strong>ck<br />
access to the support structures that locals can rely<br />
on.<br />
Andrew Galea Debono<br />
pax concordia<br />
regArds sur l'Algérie
ACtuAlité des dioCÈses<br />
Session d’is<strong>la</strong>mologie pour les nouveaux arrivés<br />
dans le pays<br />
J’ai participé à cette session afin de mieux connaître<br />
l’is<strong>la</strong>m et grandir dans une foi plus ouverte.<br />
Je suis en Algérie depuis deux mois, ça ne fait pas<br />
longtemps, et d’abord je me tais devant ce mystère<br />
qu’est l’is<strong>la</strong>m !<br />
J’ai pu approfondir ce que j’ai déjà appris sur l’is<strong>la</strong>m.<br />
Et j’ai été très contente de pouvoir écouter entre<br />
autres madame Ghenima Lahlou qui nous a parlé sur<br />
<strong>la</strong> charia et son influence dans le droit algérien. Ce<strong>la</strong><br />
m’a montré que nous n’apprenons pas seulement <strong>la</strong><br />
théorie, mais nous avons <strong>la</strong> possibilité d’écouter les<br />
témoignages de personnes qui partagent avec nous<br />
ce qu’elles vivent !<br />
Le moment plus important pour moi fut une<br />
rencontre inoubliable sur le soufisme, avec des<br />
gens qui vivent une expérience personnelle. Cette<br />
rencontre m’a posé une question sur <strong>la</strong> notion de<br />
vérité, puisque dans le christianisme nous avons<br />
aussi quelque chose de mystique. Y aurait-il une<br />
vérité plurielle ?<br />
J’espère que ce temps donnera des fruits abondants.<br />
Merci à tous les intervenants qui nous ont aidés à<br />
diocèse d’Alger<br />
entrer encore mieux dans « ce mystère qui s’appelle<br />
l’is<strong>la</strong>m ».<br />
Kami<strong>la</strong> Gaworska, smnda<br />
Pierre Chaulet<br />
Mardi 9 octobre, plusieurs centaines de personnes<br />
se pressaient dans <strong>la</strong> chapelle et <strong>la</strong> cour de <strong>la</strong> Maison<br />
diocésaine d’Alger pour célébrer le rappel à Dieu du<br />
docteur Pierre Chaulet, au lendemain de l’annonce<br />
de son décès dans <strong>la</strong> quasi-totalité de <strong>la</strong> presse<br />
algérienne. Des sapeurs de <strong>la</strong> protection civile<br />
portaient le cercueil recouvert du drapeau algérien.<br />
Monseigneur Teissier, archevêque émérite d’Alger,<br />
présidait <strong>la</strong> célébration en présence de Monseigneur<br />
Bader, archevêque d’Alger, et de Monseigneur<br />
Yeh Sheng-Nan, nonce apostolique, représentant<br />
le Vatican. Une très nombreuse assistance de<br />
médecins (plus de trente professeurs de médecine)<br />
et de personnes de <strong>la</strong> société civile dont Redha<br />
Malek, ancien chef du gouvernement, a entouré <strong>la</strong><br />
famille lors de cette cérémonie qui a été un espace<br />
d’expression de <strong>la</strong> fraternité d’hommes et de femmes<br />
dépassant leurs frontières culturelles et religieuses.<br />
Les textes avaient été choisis par Pierre Chaulet luimême,<br />
donnant <strong>la</strong> teinte de toute son attitude de<br />
croyant. Aussi, musulmans et chrétiens pouvaient<br />
se retrouver dans <strong>la</strong> prière auprès de lui, qui fut un<br />
signe d’engagement, de don, de partage au service<br />
des ma<strong>la</strong>des et des pauvres, dans une famille qui,<br />
avec C<strong>la</strong>udine son épouse, a dit « non » au système<br />
colonial, « non » au mépris, à <strong>la</strong> misère et à l’ignorance<br />
et « oui » à l’Algérie dont il se savait le fils. Et c’est<br />
tout naturellement qu’il a voulu être enterré à côté<br />
d’un autre fils de l’Algérie, Henri Maillot, tué dans le<br />
combat pour l’indépendance du pays.<br />
Jean Gernigon 1<br />
1 Jean Gernigon a présenté dans Pax et Concordia n°11 le<br />
livre autobiographique de Pierre et C<strong>la</strong>udine Chaulet.
Nouveaux visages<br />
Le 12 octobre, l'<strong>Église</strong> d'Oranie a accueilli ses nouveaux<br />
membres : une centaine d'étudiants subsahariens venus<br />
renforcer les paroisses de Tlemcen, Mascara, Mostaganem,<br />
Tiaret, Sidi Bel Abbès et Oran. À Aïn Témouchent et<br />
peut-être en d'autres lieux où il n'y a pas de paroisse<br />
instituée, de nouveaux étudiants sont également arrivés.<br />
Ici et là, on a vu venir dans nos paroisses de nouveaux<br />
travailleurs étrangers. Il est difficile de savoir combien<br />
de nouveaux chrétiens sont arrivés parmi les migrants<br />
africains. Pour accompagner ces communautés, deux<br />
prêtres sont arrivés : Patrick Duboys qui renforce l'équipe<br />
de <strong>la</strong> paroisse d'Oran et Jean-Marc Bertrand qui se joint<br />
aux spiritains de Sidi Bel Abbès. Kami<strong>la</strong> Gaworska, sœur<br />
b<strong>la</strong>nche à Oran, Juliette Schlicht et Pauline Somba<br />
Donza<strong>la</strong>, sœurs franciscaines à Sidi Bel Abbès, apportent<br />
nouveauté à leurs communautés respectives.<br />
Hubert Le Bouquin<br />
Les frères dominicains donnent des nouvelles de<br />
Tlemcen<br />
La ville se repose, suite à l’effervescence de l’année<br />
dernière où elle a été "capitale de <strong>la</strong> culture is<strong>la</strong>mique".<br />
La marée écoulée <strong>la</strong>isse subsister sur notre rivage<br />
quelques monuments somptueux, dont nous espérons<br />
une utilisation soutenue et imaginative, en même temps<br />
que tous attendent de l’impressionnante ceinture<br />
immobilière au nord-ouest de <strong>la</strong> ville que ses logements<br />
enfin terminés s’ouvrent à ceux qui en ont le besoin le<br />
plus urgent.<br />
© Gino Mineo<br />
Durant ce temps, notre ardente communauté chrétienne<br />
continue son chemin. Les religieuses d’Hennaya<br />
renouvellent leur cadre de vie. Les Foco<strong>la</strong>re voient leurs<br />
sœurs d’Alger venir en centre-ville et s’apprêter à inventer<br />
un type d’accueil et de services conforme à leur charisme.<br />
Un troisième frère dominicain devrait nous arriver de<br />
France. Enfin les étudiants subsahariens sont au rendez-<br />
diocèse d’oran<br />
vous : 54 Tanzaniens et Tanzaniennes nous tombent<br />
du ciel. Ils viennent à Tlemcen essentiellement pour y<br />
apprendre le français, ce qui nous amènera à les aider<br />
avec des cours complémentaires. Tous anglophones,<br />
ils appartiennent à des <strong>Église</strong>s diverses, puissions-nous<br />
correspondre à l’ensemble de leurs attentes.<br />
Cinquantième anniversaire du CDES<br />
Le Centre de Documentation Économique et Sociale<br />
d’Oran fêtera en mai prochain son 50e anniversaire.<br />
Toute une histoire donc derrière lui, avec deux dates<br />
significatives : 1991, ouverture du CDES-Sophia où<br />
sont regroupées l’histoire, <strong>la</strong> philosophie et plus tard <strong>la</strong><br />
psychologie ; 1994 : agrandissement et informatisation<br />
de <strong>la</strong> rue Kadiri.<br />
© Bernard Janicot<br />
Est-il possible de résumer ce parcours en deux mots :<br />
service et rencontres ?<br />
Service de <strong>la</strong> communauté universitaire en fournissant<br />
à des étudiant(e)s, à des enseignants, à des chercheurs<br />
une documentation utile, actuelle, pour leur travail<br />
intellectuel. Ce<strong>la</strong> se fait à travers les ouvrages dont<br />
dispose le Centre (plus de 30 000) et les collections de<br />
<strong>revue</strong>s qu’il conserve.<br />
Rencontres multiples entre étudiants, étudiants et<br />
enseignants, enseignants entre eux, avec des personnes<br />
de passage, entre l’<strong>Église</strong> et les Algériens et Algériennes,<br />
dans le respect de <strong>la</strong> personnalité et des convictions de<br />
chacun.<br />
Un site internet permet d’accéder à <strong>la</strong> base de données<br />
des documents disponibles, mais aussi à <strong>la</strong> Nouvelle<br />
Revue de Presse : cdesoran.org<br />
Une équipe d’une quinzaine de personnes, Européens<br />
ou Algériens, anime ces deux lieux.<br />
Bernard Janicot<br />
pax concordia<br />
ACtuAlité des dioCÈses
ACtuAlité des dioCÈses<br />
Je les regarde rentrer du chantier à leur base<br />
Chanceux d’avoir trouvé ce travail plus rémunéré que<br />
chez eux, ils travaillent en équipe de jour ou de nuit, un an<br />
de travail et dix-huit jours de vacances. J'essaie de mettre<br />
une nationalité sur les visages cachés par des casques<br />
et des fou<strong>la</strong>rds protégeant de <strong>la</strong> sueur et <strong>la</strong> poussière.<br />
Philippins, Coréens, Sri Lankais, Bang<strong>la</strong>deshis, Indiens,<br />
tous <strong>la</strong> bonne trentaine, débarquent du bus, sans rires ou<br />
salutations un peu cordiales entre eux. Les nationalités<br />
se regroupent d’instinct. Ils se mettent presque en rang,<br />
comme à l'armée ou comme des tau<strong>la</strong>rds. Trop fatigués<br />
ce soir. Il a fait très chaud. Pas question d'aller jouer tard<br />
au ma-jong ou aux cartes. Un repas vite pris, <strong>la</strong> douche et<br />
au lit. Demain sera un autre jour. Parfois, il y a des conflits,<br />
jeux d'argent, excès de boissons, violences. Là où il y a<br />
de l'homme, il y a de « l'hommerie » ! Ce ne sont pas des<br />
anges !<br />
Un an après<br />
Il a fallu une approche lente avant de voir naître quelques<br />
liens de confiance, rendus possibles - je crois - par les<br />
rencontres régulières autour de <strong>la</strong> table de <strong>la</strong> maison de<br />
Skikda ; des fruits qui ont mûri lentement. Mais à peine<br />
les voit-on sur l’arbre que ces mêmes travailleurs quittent<br />
<strong>la</strong> branche et retournent au pays, une fois fini le contrat<br />
d’un an ! Les départs s’annoncent et se célèbrent chaque<br />
samedi soir. Peu à peu, outre <strong>la</strong> messe hebdomadaire<br />
au camp, ils se sont mis à réaliser des sorties à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ge,<br />
diocèse de Constantine<br />
Avec les travailleurs des bases-vie<br />
Marin, fils de marin, Ro<strong>la</strong>nd Doriol est jésuite. Après avoir bourlingué sur<br />
les mers du globe comme électricien, il passe quinze ans dans une école<br />
maritime des Visayas aux Philippines puis ouvre un foyer Stel<strong>la</strong> -Maris<br />
sur un port. Il y a un an, il rejoint l’Est algérien. Il nous partage son<br />
compagnonnage avec les travailleurs expatriés de diverses bases-vie.<br />
à Timgad ou Djemi<strong>la</strong>,<br />
à préparer ensemble<br />
des repas « comme à <strong>la</strong><br />
maison », à rencontrer les<br />
communautés d’ici, les<br />
amis algériens ou étudiants<br />
africains, chanter avec<br />
eux, s’émerveiller devant<br />
les ponts de Constantine,<br />
Ro<strong>la</strong>nd Doriol organiser une chorale,<br />
fournir de quoi célébrer<br />
dignement dans un réfectoire au camp. On connaissait<br />
leur présence dans les camps de base-vie ; grâce à ces<br />
sorties, on s’est mis à respirer ensemble et à s’apprécier.<br />
Première lettre de l’un d’eux reparti au pays<br />
« Mon expérience, j’ai envie de <strong>la</strong> nommer 'Travail et foi<br />
au milieu du chaos' ! Comme beaucoup de candidats à un<br />
contrat de travail à l’étranger, j’étais trop optimiste. Dès le<br />
premier jour, ce fut le désastre : vie dans une pièce avec<br />
sept autres travailleurs. Pour <strong>la</strong> nourriture, il faut se lever<br />
tôt pour faire <strong>la</strong> queue. Le moment le plus critique, c’est<br />
l’utilisation des toilettes et des douches. Le camp ne peut<br />
pas fournir assez d’eau pour tous. Heures supplémentaires<br />
obligatoires les vendredis de repos ! Après trois mois, je<br />
décide de démissionner. Dur de se sacrifier pour le bienêtre<br />
de nos familles. Pas autorisé à partir, dép<strong>la</strong>cé dans<br />
une chambre à deux, j’apprends alors qu’il y a un office<br />
catholique tous les samedis. Depuis, ma vie a changé.<br />
J’ai appris à connaître les autres. Durant les week-ends<br />
nous pouvons visiter <strong>la</strong> paroisse en ville, participer à des<br />
soirées de récollection et y dormir. Les mois ont passé<br />
insensiblement et je suis même devenu membre de <strong>la</strong><br />
chorale !<br />
Voilà comment je reconnais le travail et <strong>la</strong> présence du<br />
Seigneur, et je garde ce<strong>la</strong> précieusement. »<br />
Ro<strong>la</strong>nd Doriol, SJ
Des étudiants burundais à Ghardaïa<br />
Ils étaient cinq, Arcade, Clément et Clément, Elvis<br />
et Yves à venir à Ghardaïa pour une semaine au<br />
mois d'août. Étudiants à l'université de Ouarg<strong>la</strong>,<br />
ils passent tout l'été à <strong>la</strong> résidence universitaire,<br />
où il n'y a pas grand chose à faire, où il n'y a pas<br />
de service et où il fait très chaud. Alors changer<br />
d'air et de lieu est bienvenu même s'il ne faisait<br />
pas vraiment frais à Ghardaïa ! Mais pas question<br />
de venir seulement pour du farniente : pour des<br />
forces jeunes, en échange de l'hébergement,<br />
il y a du travail ! Alors les journées ont été bien<br />
remplies. Dès 8h30, nous étions déjà tous autour<br />
de <strong>la</strong> table, bible ouverte, pour nous essayer à une<br />
lecture figurative de quelques textes. Les sœurs<br />
Marce<strong>la</strong> et Renée se sont jointes à nous pour cette<br />
lecture. Puis, après <strong>la</strong> tête, ce sont les muscles<br />
qui travail<strong>la</strong>ient pour dép<strong>la</strong>cer <strong>la</strong> bibliothèque<br />
religieuse du diocèse de <strong>la</strong> maison diocésaine à<br />
l'évêché ; 4000 livres déménagés et réinstallés<br />
sur leurs étagères. Des temps de détente étaient<br />
aussi inscrits au programme : une soirée cinéma<br />
avec le film Invictus sur <strong>la</strong> vie de Nelson Mande<strong>la</strong>,<br />
une soirée « anniversaire » ainsi que des sorties<br />
pour découvrir les environs de Ghardaïa.<br />
Une lecture figurative de l’Écriture<br />
Prenons le songe de Jacob à Béthel (Gn 28, 10-<br />
22) que nous avons lu cet été. Nous avons été<br />
intrigués par cette pierre qui est présente tout au<br />
long du récit. D'abord une pierre quelconque du<br />
lieu où Jacob va passer <strong>la</strong> nuit ; puis support de<br />
sa tête et du rêve qu'il fait pendant son sommeil ;<br />
elle devient, au petit matin, stèle dressée et<br />
recouverte d'huile. Enfin, au moment où il part,<br />
elle demeure comme une marque qu'il retrouvera<br />
à son retour pour lui rappeler ce qu'il a vécu cette<br />
nuit-là.<br />
Au moment où Jacob quitte sa terre familiale pour<br />
un voyage lointain, cette pierre banale s'enrichit<br />
jusqu'à devenir « maison de Dieu ».<br />
diocèse de ghardaïa<br />
Ne retrouve-t-on pas quelque chose de semb<strong>la</strong>ble<br />
quand Simon est nommé « Pierre » et que Jésus<br />
lui dit « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai<br />
mon <strong>Église</strong> » (Mt 16, 18) ?<br />
Dans ce récit, <strong>la</strong> pierre de Jacob est une « figure »<br />
de <strong>la</strong> pierre ; une figure, c'est une chose familière,<br />
utilisée pour nous faire faire un parcours.<br />
Il y a bien d'autres textes de l'Écriture qui parlent<br />
de pierre : pierre d'angle, pierre roulée devant<br />
un tombeau, etc. À chaque fois, le contexte<br />
nous permet de donner au mot une signification<br />
figurative particulière. Une lecture attentive du<br />
texte nous fait accéder à <strong>la</strong> signification qu'il<br />
construit de <strong>la</strong> figure, même si, au départ, nous<br />
sommes pris au dépourvu par son caractère<br />
étrange. C'est ainsi que <strong>la</strong> figure nous dép<strong>la</strong>ce<br />
suffisamment pour déboucher nos oreilles. Elle<br />
nous atteint, nous trouble et nous transforme,<br />
nous permettant d'accéder à ce que le texte garde<br />
caché.<br />
Pour travailler nous nous sommes aidés du n°139<br />
des Cahiers Évangile, Lectures figuratives de <strong>la</strong><br />
Bible.<br />
Patrick de Boissieu<br />
pax concordia<br />
ACtuAlité des dioCÈses
des liVres à lire<br />
La couverture est superbe, le titre interpelle et dès les premières<br />
lignes on tombe sous le charme du petit Salim Bénouali<br />
tellement attendrissant avec ses constats, ses questions et<br />
ses étonnements d’un cœur d’enfant, encore bien pur et naïf.<br />
Son innocence s’émoussera doucement au fil de sa sco<strong>la</strong>rité,<br />
où il doit trouver sa p<strong>la</strong>ce parmi une nombreuse fratrie pas toujours<br />
très tendre, tiraillé entre <strong>la</strong> douceur et l’honnêteté de sa maman et<br />
l’intransigeance destructrice et l’humiliation gratuite de son papa.<br />
Cette dualité se retrouve à travers toute son histoire. Fatigué des corvées<br />
de l’été et des conditions précaires dans <strong>la</strong> vallée du Chelif, il refuse <strong>la</strong><br />
fatalité d’être berger de père en fils. Ainsi il étudie, dévore les livres <strong>la</strong><br />
nuit, pour y échapper et faire p<strong>la</strong>isir à ses instituteurs français à qui il voue<br />
une grande admiration.<br />
La lutte vers l’indépendance gronde pendant toutes ses années de jeune<br />
adolescent, et il est parfois difficile de tomber amoureux « des yeux<br />
bleus » d’une fille de militaire français lorsque l’on est enfant du pays…<br />
Salim gardera toujours son âme passionnée et son idéalisme le pousse<br />
vers un esprit très patriotique luttant pour l’indépendance. Il se souvient<br />
des mots de son maître français, Mr Vermeille : « Cette terre a besoin<br />
d’espérance. C’est vous qui en êtes le levain. C’est à partir de <strong>la</strong> bonne graine<br />
que l’on fait le bon pain… Ne cédez pas à <strong>la</strong> folie des hommes qui veulent<br />
déchirer ce beau pays… » Pourtant, Salim perd son meilleur ami « roumi »<br />
quelques heures avant <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration de l’indépendance.<br />
Sophie Becquart<br />
Associée au vivre ensemble, l’économie devient ainsi un<br />
lieu d’alliance et pas seulement de contrat, un lieu de<br />
confiance et pas seulement de stratégie, un lieu d’utopie<br />
et pas seulement de technique.<br />
En dix chapitres l’auteur déconstruit l’économie qui est une<br />
question de vie. Elle part à chaque fois d’une expérience<br />
personnelle, où apparaitra un paradoxe qui sera rapproché d’une<br />
pratique économique et mise en résonance avec un récit biblique.<br />
Ce livre dép<strong>la</strong>ce notre regard sur l’économie, et s’il peut être très<br />
surprenant, il permet d’être attentif au désir plus qu’à <strong>la</strong> consommation, à<br />
<strong>la</strong> solidarité dans l’interdépendance, à <strong>la</strong> création plus qu’à <strong>la</strong> production,<br />
à <strong>la</strong> qualité plus qu’à <strong>la</strong> quantité, au vecteur porteur de sens plus qu’au<br />
moyen pour accéder aux biens – et bien d’autres choses à découvrir en<br />
lisant le livre.<br />
Enseignant l’économie solidaire et le développement durable à l’Institut<br />
catholique de Paris, l’auteur nous présente l’économie sous un jour<br />
radicalement nouveau. En partant de <strong>la</strong> vie quotidienne et en faisant le<br />
lien avec des passages bibliques, l’économie devient un lieu de travail<br />
spirituel où l’action exprime une vie de prière. Passée <strong>la</strong> surprise, ce livre<br />
est passionnant.<br />
Jean Désigaux<br />
Tes yeux bleus<br />
occupenT mon<br />
espriT<br />
Dji<strong>la</strong>li bencheikh<br />
C<strong>la</strong>irefontaine, 2010<br />
341 pages<br />
le goûT De l’auTre<br />
<strong>la</strong> crise, une chance pour<br />
réinventer le lien<br />
elena <strong>la</strong>siDa<br />
Albin Michel, 2011<br />
328 pages
A<br />
une introduction très poussée à cet « art du corps » que<br />
sont les tatouages succèdent des images d’archives<br />
anciennes et récentes, des dessins, des documents tirés<br />
des forums internet, etc. qui permettent de découvrir <strong>la</strong><br />
grande variété de cette particu<strong>la</strong>rité culturelle du Maghreb,<br />
essentiellement à partir des cas des régions de Biskra et Touggourt.<br />
Voici quelques extraits de <strong>la</strong> préface par Sabah Ferdi, archéologue, chercheur au<br />
Centre national de recherches archéologiques d’Alger :<br />
« L'usage du tatouage est très ancien ; il s'est développé conjointement sur de nombreux<br />
sites de notre globe terrestre.<br />
Ce marquage corporel préférentiel est attesté dans<br />
le Maghreb depuis l'Antiquité jusqu'à l'époque<br />
moderne, de préférence chez les femmes. Ces<br />
tatouages augmentent et consacrent <strong>la</strong> beauté de<br />
<strong>la</strong> femme. Pour celles qui les portent, ils sont une<br />
parure subtile et une protection, sinon magique,<br />
du moins religieuse.<br />
C'est d'ailleurs le grand mérite de Lucienne Brousse<br />
de dévoiler ce pan, exceptionnel autant que<br />
méconnu, de notre patrimoine culturel immatériel.<br />
L'ensemble des tatouages que Lucienne donne<br />
à contempler dans son livre est un témoignage<br />
culturel précieux autant qu’un hommage appuyé<br />
à <strong>la</strong> féminité maghrébine. »<br />
Extrait de « Re<strong>la</strong>is Pères B<strong>la</strong>ncs-Maghreb »<br />
Octobre 2012<br />
A<br />
l'origine, il y a eu, en 1986, le livre de Philippe Thiriez, père<br />
b<strong>la</strong>nc, En flânant dans les Aurès (Editions Numidia), proposant<br />
des itinéraires commentés de ba<strong>la</strong>des dans le Massif des Aurès,<br />
ces montagnes de l'Est algérien qui s'étendent au sud de<br />
Constantine, aux alentours de Batna dont Philippe était alors<br />
curé. Cette région est habitée par les Chaouïs, berbères des Aurès.<br />
Au milieu des années 2000, quand <strong>la</strong> question se pose de rééditer ce guide<br />
culturel et touristique, l'heure n'est pas encore revenue à flâner et marcher<br />
dans ces contrées où les souvenirs douloureux du terrorisme des années<br />
1990 dissuadent encore beaucoup de monde de se promener hors des<br />
agglomérations.<br />
C'est ainsi qu'est pris le parti de créer un livre d'art, abondamment illustré de<br />
belles photos de paysages de l'Aurès, et présentant région et culture chaouïes<br />
au travers de textes didactiques, d'extraits d'auteurs, mais aussi de portraits<br />
de personnalités de <strong>la</strong> région : artistes ou gens de lettres, ancien maquisard<br />
ou homme de religion, entrepreneurs, artisans ou paysans, passionnés par <strong>la</strong><br />
faune, les sites naturels, archéologiques, ou le patrimoine oral. Bien entendu,<br />
vous connaissiez déjà Timgad, le Medghassen, le canyon de Ghoufi et <strong>la</strong><br />
Kahina ? Apprenez qu'ils ne sont que <strong>la</strong> vitrine d'un monde d'une richesse<br />
insoupçonnée. Peu d'aspects de <strong>la</strong> région échappent à l'objectif, à <strong>la</strong> plume<br />
ou à l'enquête des auteurs.<br />
Un ouvrage très complet pour connaître les paysages, l'histoire, les traditions,<br />
mais aussi l'aujourd'hui de cette attachante région <strong>d'Algérie</strong>.<br />
Michel Guil<strong>la</strong>ud<br />
beauTé eT iDenTiTé<br />
féminine<br />
les TaTouages féminins<br />
berbères - régions De<br />
biskra eT De TouggourT<br />
lucienne brousse<br />
Dar Khettab, 2012<br />
57 pages<br />
aurès<br />
Vivre <strong>la</strong> terre chaouïe<br />
naDia bouseloua, azeDDine<br />
guerfi, rachiD mokhTari,<br />
philippe Thiriez<br />
phoTographies De kays Dji<strong>la</strong>li<br />
Chihab, 2011<br />
303 pages<br />
pax concordia<br />
des liVres à lire
MéditAtion<br />
De toutes les réactions à l’attentat<br />
d’Achrafieh, <strong>la</strong> plus admirable est<br />
celle de cette femme hospitalisée<br />
filmée par <strong>la</strong> LBC, et qui affirmait<br />
qu’au moment de l’explosion, elle<br />
priait pour le peuple syrien, en se<br />
disant : « Quelle faute a commis<br />
ce peuple pour vivre une si totale<br />
déso<strong>la</strong>tion ? »<br />
Fady Noun<br />
Oui, quelle faute a commis ce<br />
peuple qui justifie pareilles souffrances ?<br />
Aussi admirable est le mot de cet ouvrier en<br />
bâtiment syrien qui affirmait : « Laissez, nous payons<br />
aujourd’hui le prix de toute <strong>la</strong> violence faite au<br />
Liban. » Mot authentique que je tiens d’un ami chef<br />
de chantier.<br />
C’est dans cette double générosité de cœur que<br />
se trouve <strong>la</strong> clé de <strong>la</strong> paix au Liban – et pourquoi<br />
pas, en Syrie. Le pardon offert d’avance par cette<br />
femme au peuple dont les dirigeants nous infligent<br />
pareilles souffrances est <strong>la</strong> clé de <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> violence<br />
au Liban.<br />
(…)<br />
Paroles sages qui apportent quelques lumières dans<br />
notre nuit. La nuit de ceux qui, à <strong>la</strong> télévision, ivres de<br />
douleur, affirmaient qu’ils ne seront payés de leurs<br />
souffrances que le jour où ils pourront reconnaître le<br />
cadavre de Bachar el-Assad, piétiné par son peuple,<br />
à certaines marques distinctives ; comme ce<strong>la</strong> s’est<br />
passé pour Wissam el-Hassan, difficilement identifié<br />
par les sauveteurs à <strong>la</strong> montre qu’il portait à son<br />
poignet et à un fragment de son arme.<br />
Ce n’est pas ainsi que l’on va au bout de <strong>la</strong><br />
violence. Ce n’est pas ce que Ghassan Tuéni a dit à<br />
l’enterrement de son fils, assassiné en 2005. Ghassan<br />
Tuéni a dit : « Éteignons <strong>la</strong> vengeance. Rachetons <strong>la</strong><br />
violence reçue en apprenant à souhaiter qu’elle soit<br />
leçon de civilisation<br />
Fady Noun est journaliste politique. Il est membre du GRIC (Groupe<br />
de Recherches Is<strong>la</strong>mo-Chrétien). Père de famille, chargé de<br />
communication à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, il est aussi<br />
l’auteur de recueils de poèmes. Ce texte est extrait d’un article<br />
publié le 18 octobre 2012 dans L’Orient Le Jour, quotidien libanais.<br />
<strong>la</strong> dernière. En apprenant à ne pas nous venger ; en<br />
apprenant que <strong>la</strong> violence engendre <strong>la</strong> violence et<br />
que dans ce cercle vicieux mimétique, nous nous<br />
constituons prisonniers de <strong>la</strong> violence, nous <strong>la</strong><br />
perpétuons et nous finissons par ressembler à notre<br />
adversaire ; plus rien ne nous distingue de notre<br />
ennemi. »<br />
Rachetons <strong>la</strong> violence en lui donnant une réponse<br />
de civilisation. Qu’il me soit permis de citer ici Michel<br />
Eddé qui, dans un éloge funèbre de Ghassan Tuéni,<br />
affirme que « les seules révolutions durables sont<br />
les révolutions b<strong>la</strong>nches », que <strong>la</strong> violence comme<br />
moteur de changement historique est une idéologie<br />
à jamais révolue.<br />
Dans son livre Voyage au bout de <strong>la</strong> violence, Samir<br />
Frangié, citant René Girard, a essayé de montrer qu’il<br />
y a dans nos violences une violence plus atavique<br />
dont on ne vient à bout que par une conduite de<br />
rachat, comme en <strong>la</strong> prenant sur soi.<br />
Oui, l’assassin est en nous et le voyage au bout de<br />
<strong>la</strong> violence est un voyage au bout de soi-même.<br />
Comme cette blessée de l’Hôtel-Dieu dont le cœur a<br />
pris le dessus sur l’idéologie, comme Ghassan Tuéni,<br />
comme le recommandent quelques sages qui nous<br />
restent, rachetons ce coup violent qui nous est porté<br />
par une conduite de civilisation.<br />
Il ne s’agit pas de nous aveugler sur l’origine de<br />
l’attentat, ou sur ses auteurs. Les assassins sont<br />
parmi nous comme au-delà de nos frontières. Mais<br />
il s’agit de maîtriser l’art d’éteindre <strong>la</strong> violence, en<br />
l’empêchant de nous détruire intérieurement, après<br />
nous avoir détruits extérieurement. Conquérons<br />
notre propre violence pour conquérir ensuite<br />
notre ennemi. Montrons au monde, pacifiquement,<br />
comme nous l’avons déjà fait, que le Liban existe<br />
vraiment.<br />
Fady Noun
Abonnement à <strong>la</strong> <strong>revue</strong><br />
pour une année (4 numéros)<br />
Version papier :<br />
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Prix de revient au numéro : 300 DA<br />
Nomination<br />
En accord avec sa congrégation,<br />
les évêques ont nommé<br />
Jacqueline Volle, sœur de saint<br />
Joseph, coordinatrice nationale<br />
des aumôniers de prison.<br />
Lettre pastorale<br />
Pour Noël 2012, Mgr Paul Desfarges, évêque<br />
de Constantine et Hippone, a adressé à ses<br />
diocésains une lettre pastorale intitulée l’<strong>Église</strong><br />
dans <strong>la</strong> mangeoire. Ce document sera présenté<br />
dans notre n°14. On peut le demander à l’évêché<br />
de Constantine : eveche.constant@gmail.com<br />
Semaine de Nazareth<br />
Une semaine pour vivre <strong>la</strong> vie de Nazareth,<br />
approfondir notre foi à l’écoute de Charles de<br />
Foucauld. Du 17 mars au 22 mars 2013 à Ben<br />
Smen avec l’accompagnement du petit frère<br />
Bernard de Béni Abbès. Inscriptions : fratalger@<br />
yahoo.fr<br />
Is<strong>la</strong>mologie on line<br />
Une formule de formation en is<strong>la</strong>mologie est<br />
possible, combinant <strong>la</strong> réception de documents<br />
par courrier électronique et deux rencontres par<br />
an pour échange à partir des documents reçus.<br />
Renseignements : cantalrivas@hotmail.com<br />
Nouveau en Algérie ?<br />
Comme chaque année, une session est<br />
organisée par l’<strong>Église</strong> d’Algérie pour les chrétiens<br />
Merci d’être attentif à <strong>la</strong> date<br />
d’échéance de votre abonnement<br />
mentionnée sur l’étiquette-adresse<br />
nouvellement arrivés dans le pays. Elle aura lieu à<br />
Alger du 18 au 21 février 2013. Renseignements :<br />
hubertlebouquin@yahoo.fr<br />
Aumôniers de prison<br />
Une réunion de formation rassemb<strong>la</strong>nt tous les<br />
aumôniers aura lieu les 11 et 12 février 2013 à<br />
Alger.<br />
Trimestriel<br />
Éditeur : Association diocésaine d’Algérie (ADA),<br />
n° d’agrément 18, en date du 16 novembre 1974, délivré<br />
par le Ministère de l’Intérieur.<br />
Adresse : Pax et Concordia, Archevêché d’Alger<br />
13 rue Khelifa Boukhalfa, 16000 Alger-Gare<br />
Dépôt légal : n° 2201-2010<br />
Directeur de publication : Mgr Ghaleb Bader<br />
Équipe de rédaction : Dominique Lebon, Marie-Christine<br />
Rousseau, Marie-Danièle Ligouzat, Michel Guil<strong>la</strong>ud<br />
Coordinateur de <strong>la</strong> rédaction : Michel Guil<strong>la</strong>ud<br />
Gérante : Marie-Danièle Ligouzat<br />
Mise en page : Lamia<br />
Courriel rédaction : paxetconcordia@gmail.com<br />
Courriel abonnements :<br />
paxetconcordia.abonnements@gmail.com<br />
Site internet de l’<strong>Église</strong> d’Algérie :<br />
http://www.eglise-catholique-algerie.org<br />
Illustrations de couverture : Soleil, technique mixte sur toile,<br />
80x60xm, 2008 (p.1) et Arbre de Dieu, aquarelle sur papier,<br />
20x30cm, 2006 (p.32), oeuvres d’Oussama Bounouara.<br />
Illustrations du dossier : Patrick de Boissieu.<br />
que l’on paie en euros ou en dinars, retourner ce bulletin à :<br />
Pax & Concordia, Archevêché d’Alger, 13 rue Khelifa Boukhalfa<br />
DZ - 16000 Alger ALGÉRIE<br />
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ديدج فقسأ<br />
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نوميميت يف ةلوج<br />
ىرخلأا تانايدلا و نويكيلوثاكلا<br />
ةنلمحا يف نويقيرفلإا نوئجلالا و نورجاهلما