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Témoignage par critique du livre de Solange Langenfeld Serranelli ...

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Critique <strong>du</strong> <strong>livre</strong> <strong>de</strong> <strong>Solange</strong> <strong>Langenfeld</strong> <strong>Serranelli</strong>, Les contes au cœur <strong>de</strong> la thérapie<br />

infirmière – Psychiatrie et conte thérapeutique, <strong>par</strong> unevictime<strong>de</strong>lapsychiatrie.<br />

Je suis un lecteur très <strong>par</strong>ticulier <strong>de</strong> ce <strong>livre</strong>. Il m’a été très difficile <strong>de</strong> me résoudre à<br />

enfin en diffuser un commentaire, tant je suis personnellement concerné, tant j’aurais <strong>de</strong><br />

choses à dire à son sujet, tant j’aurais à m’expliquer. J’en ai médité longuement différentes<br />

<strong>critique</strong>s, qui toutes m’ap<strong>par</strong>aissent initialement sous <strong>de</strong> favorables auspices mais qui toutes<br />

finissent immanquablement <strong>par</strong> me décevoir au point <strong>de</strong> préférer les taire. Il ne faut donc pas<br />

s’étonner <strong>de</strong> la brièveté relative <strong>de</strong> cette note, si mal proportionnée en regard <strong>de</strong>s points que je<br />

soulève, <strong>de</strong> sa sévérité <strong>par</strong>fois, dont je suis contraint <strong>de</strong> laisser en suspens nombre <strong>de</strong><br />

justifications, <strong>de</strong> son côté bizarrement intellectuel peut-être, tant l’ampleur <strong>du</strong> problème<br />

semble dépasser les considérations <strong>de</strong> cette nature. Je dois finalement me résigner à ce court<br />

commentaire, différant ainsi le projet d’un témoignage plus éclairant qui m’est pour le<br />

moment impossible. Il faut donc envisager ce qui suit avant tout comme l’avis d’un lecteur,<br />

fût-il peu ordinaire, <strong>de</strong>stiné à l’information d’autres lecteurs. Il m’ap<strong>par</strong>aissait en tous les cas<br />

hors <strong>de</strong> question que je ne fisse connaître publiquement ma réprobation, sous une forme ou<br />

une autre.<br />

Je suis une victime <strong>de</strong> la psychiatrie, une victime <strong>de</strong> l’équipe dans laquelle travaillait<br />

<strong>Langenfeld</strong> en <strong>par</strong>ticulier. Sans prise <strong>de</strong> renseignements, sans communication et en trahissant<br />

sa promesse <strong>de</strong> secret, elle a intégré à son <strong>livre</strong> un chapitre me concernant. Elle ne s’est sans<br />

doute jamais imaginé que je viendrais à en prendre connaissance.<br />

Sous le couvert <strong>de</strong> décrire fidèlement un cas réel, <strong>Langenfeld</strong> trompe en fait gravement<br />

ses lecteurs <strong>par</strong> la mise en scène d’une construction synthétique. Elle a élaboré une histoire<br />

complètement déformée pour servir son propos, un propos <strong>par</strong> ailleurs inepte. Certains faits<br />

lui étaient terriblement gênants. À simplement les évoquer, son édifice risquait <strong>de</strong> s’effondrer.<br />

Alternativement, à les détailler, elle <strong>du</strong>t renoncer à un projet synthétique simpliste. Sa<br />

première séquence, où elle intro<strong>du</strong>it mon personnage, illustre <strong>par</strong>faitement ce dilemme. Les<br />

éléments qui y manquent seraient pourtant essentiels au lecteur pour qu’il puisse con<strong>du</strong>ire ses<br />

propres réflexions. L’auteur n’a manifestement pas cru bon <strong>de</strong> l’y autoriser. Je vais donner<br />

une brève correction <strong>de</strong> certaines assertions trouvées dans cette présentation, aux pages 77 et<br />

78, et me contraindre strictement à ne pas développer.<br />

<strong>Langenfeld</strong> affirme qu’elle me connut lorsque j’avais 18 ans, au cours d’une unique<br />

hospitalisation causée <strong>par</strong> une ingestion impulsive <strong>de</strong> médicaments, la <strong>du</strong>rée <strong>de</strong> cette<br />

hospitalisation se dé<strong>du</strong>isant <strong>de</strong>s données chronologiques trouvées aux pages 79 et 81,<br />

« plusieurs mois » qu’il faut additionner à « dix mois environ ». Elle évite soigneusement les<br />

mots suici<strong>de</strong> et tentative <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>, qui n’ap<strong>par</strong>aissent pas plus <strong>par</strong> la suite. Elle déclare sur le<br />

sujet : « la veille au soir, il a avalé <strong>de</strong>s médicaments » ; elle insiste : « La veille au soir […] il<br />

a attrapé <strong>de</strong>s médicaments au hasard et les a avalés. » ; enfin, elle me fait dire : « Si j’ai avalé<br />

ces médicaments ».<br />

Au vu <strong>de</strong>s éléments factuels fournis dans la présentation, puis dans le chapitre entier, elle se<br />

concentre sur <strong>de</strong>s événements qui se sont pro<strong>du</strong>its lorsque j’avais en fait 23, puis 24 ans. Je<br />

fus hospitalisé pour la première fois alors que j’étais encore mineur, j’avais un peu moins <strong>de</strong><br />

18 ans, suite à une tentative <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>, je rencontrai <strong>Langenfeld</strong> pour la première fois à cette<br />

époque. Ni médicaments, ni conflits familiaux, ni refus <strong>de</strong> l’hospitalisation, ce n’est pas<br />

l’événement choisi <strong>par</strong> <strong>Langenfeld</strong>. Je fus hospitalisé pour la nième – je ne peux même pas<br />

compter – et heureusement <strong>de</strong>rnière fois à l’âge <strong>de</strong> 23 ans et <strong>de</strong>mi, suite à une <strong>de</strong>uxième<br />

tentative <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>. Je passai plusieurs jours dans un service <strong>de</strong> réanimation, dans un coma


mesuré à 4 points sur l’échelle <strong>de</strong> Glasgow, avec pronostic vital engagé et risque <strong>de</strong> séquelles<br />

neurologiques en cas <strong>de</strong> survie. Les neuroleptiques que j’employai étaient un reliquat <strong>de</strong>s<br />

prescriptions faites au fil <strong>de</strong>s années <strong>par</strong> les supérieurs hiérarchiques <strong>de</strong> <strong>Langenfeld</strong>.<br />

Dans son récit <strong>du</strong> premier contact, puis dans tout le chapitre, elle développe donc une histoire<br />

dans laquelle elle feint <strong>de</strong> ne pas me connaître <strong>de</strong>puis 6 ans. Elle passe sous silence la<br />

première tentative <strong>de</strong> suici<strong>de</strong> et ne donne pas sa juste qualification à la secon<strong>de</strong>. Associé à la<br />

modification <strong>de</strong> l’âge qui permet <strong>de</strong> conserver approximativement le point <strong>de</strong> dé<strong>par</strong>t <strong>de</strong> la<br />

chronologie, c’est très commo<strong>de</strong>, car son allégation d’ingestion impulsive <strong>de</strong> médicaments<br />

consécutive à une frustration banale ne peut pas être doublée facilement. C’est une amorce <strong>de</strong><br />

sa construction synthétique et elle ne peut y renoncer sans renoncer <strong>du</strong> même coup à tout son<br />

plan. Si elle eût expliqué <strong>de</strong> la même manière la première tentative <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>, le lecteur<br />

comprendrait mal que j’eusse si peu progressé en matière <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s frustrations malgré 6<br />

années <strong>de</strong> soins compétents. Ou alors, il fallait truquer encore, rapprocher dans le temps les<br />

<strong>de</strong>ux événements <strong>par</strong> exemple. Le plus simple était <strong>de</strong> faire dis<strong>par</strong>aître un précé<strong>de</strong>nt gênant,<br />

<strong>de</strong> retenir l’âge lors <strong>de</strong> la première hospitalisation, <strong>de</strong> contracter toute la chronologie, et <strong>de</strong><br />

laisser le champ libre à cette explication <strong>de</strong> la réaction inadaptée face à un caprice inassouvi,<br />

avec laquelle les pièces <strong>de</strong> la suite s’agencent tellement bien. C’est ce que <strong>Langenfeld</strong> a fait.<br />

Elle sait pertinemment que sa présentation est un tissu <strong>de</strong> mensonges. Ses motivations<br />

ap<strong>par</strong>aissent clairement : dissimuler l’incompétence et la responsabilité <strong>de</strong> l’équipe dans une<br />

prise en charge très longue et calamiteuse, nier la complexité et la gravité <strong>de</strong> ma volonté<br />

suicidaire, infantiliser, passer sous silence l’environnement familial délétère favorisé <strong>par</strong> la<br />

psychiatrie et lui substituer les engrenages d’une « maladie ». D’une manière générale, elle a<br />

tout organisé autour d’une pathologie dont elle prétend que son équipe a obtenu la résolution<br />

relativement rapi<strong>de</strong>, une entreprise et un succès fictifs dans lesquels elle se donne un rôle<br />

insensé.<br />

Je ne vais pas plus loin. Je ne détaille pas pour quelles raisons les manipulations <strong>de</strong><br />

<strong>Langenfeld</strong> me sont <strong>par</strong>ticulièrement odieuses. Ceux qui ont lu le chapitre se doutent<br />

maintenant qu’il y aurait bien <strong>de</strong>s découvertes à faire sous cette surface que je viens <strong>de</strong><br />

craqueler. Je ne peux malheureusement contenter leur légitime curiosité pour le moment. Bien<br />

que cela serait <strong>par</strong>ticulièrement édifiant quant à la version <strong>de</strong> <strong>Langenfeld</strong>, il me faudrait<br />

exposer une interminable et douloureuse histoire, ce qui dépasserait largement les restrictions<br />

que je m’impose pour ce commentaire. La seule correction complète <strong>de</strong>s 22 lignes <strong>de</strong> la<br />

présentation serait déjà une tâche d’envergure, le démontage <strong>de</strong> chaque contre-vérité<br />

nécessitant <strong>de</strong>s développements qui peuvent s’avérer très longs et qui obligent à <strong>de</strong><br />

nombreuses incursions dans mes 6 années <strong>de</strong> <strong>par</strong>cours psychiatrique. J’ai essentiellement eu<br />

l’ambition, <strong>par</strong> cette succincte correction <strong>de</strong> faits, <strong>de</strong> mieux faire comprendre aux lecteurs à<br />

quel point <strong>Langenfeld</strong> peut les tromper.<br />

La première occurrence <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong>s pseudonymes attribués aux patients renvoie à une note<br />

<strong>de</strong> bas <strong>de</strong> page où elle écrit : « Afin <strong>de</strong> garantir l’anonymat <strong>de</strong> la personne, son nom a été<br />

modifié et certaines <strong>de</strong> ses situations <strong>de</strong> vie ont été transformées. » Cette justification n’a<br />

aucun sens. L’anonymat <strong>de</strong> la personne est garanti pour ceux qui ne la connaissent pas <strong>par</strong><br />

l’utilisation d’un nom inventé, son i<strong>de</strong>ntité est trans<strong>par</strong>ente pour tous ceux qui la connaissent<br />

quelles que soient les transformations effectuées. Se servant <strong>du</strong> prétexte <strong>de</strong> préserver<br />

l’anonymat <strong>de</strong> ses anciens patients, <strong>Langenfeld</strong> s’arroge <strong>par</strong> cette note une liberté totale <strong>par</strong><br />

rapport aux faits. Les situations <strong>de</strong> vie transformées n’étant pas précisées, le lecteur n’a plus<br />

aucun moyen <strong>de</strong> distinguer le fait <strong>de</strong> la déformation préten<strong>du</strong>ment bienveillante.<br />

La première vertu <strong>du</strong> scientifique est l’honnêteté systématique. Je viens <strong>de</strong> fournir <strong>de</strong>s<br />

arguments pour convaincre que <strong>Langenfeld</strong> ne la possè<strong>de</strong> pas. Sur un plan strictement<br />

intellectuel, elle ne s’est pas conformée à l’honnêteté élémentaire exigée <strong>par</strong> son entreprise,<br />

une grave faute dont elle n’a peut-être pas conscience. Elle considère nombre <strong>de</strong> ses


conclusions comme <strong>de</strong> superflues vérifications expérimentales d’un socle théorique qu’elle<br />

croit <strong>de</strong>puis longtemps validé. Dans ce cadre et dans mon cas, en manipulant délibérément <strong>de</strong>s<br />

données essentielles, elle a commis le seul crime possible en science, mentir. Elle se range<br />

ainsi dans la longue tradition <strong>du</strong> faux en psychiatrie. Consultez, si ce n’est déjà fait, les<br />

travaux <strong>de</strong>s historiens démystifiant les cas fondateurs <strong>de</strong> la psychanalyse, ils ne tiennent que<br />

<strong>par</strong> le mensonge. Un cardiologue qui, pour vanter son travail, rapporterait d’un patient une<br />

crise <strong>de</strong> tachycardie alors qu’il connaît <strong>de</strong>ux infarctus pro<strong>du</strong>irait in<strong>du</strong>bitablement un faux.<br />

<strong>Langenfeld</strong> a in<strong>du</strong>bitablement pro<strong>du</strong>it un faux aux yeux <strong>de</strong> la science.<br />

Toutefois, je doute que <strong>Langenfeld</strong> soit d’une exécrable malhonnêteté, qu’elle ait<br />

voulu tromper à ce point dans le chapitre qui me concerne. Incapable qu’elle est d’honnêteté<br />

et <strong>de</strong> rigueur intellectuelles, elle a probablement truqué au besoin, ne voyant pas vraiment le<br />

mal, pensant servir un discours valable. <strong>Langenfeld</strong> s’est fourvoyée avant tout <strong>par</strong>ce qu’elle<br />

ne sait pas penser : inintelligence, inexpérience en matière intellectuelle, absence <strong>de</strong> rigueur<br />

intellectuelle, absence d’esprit <strong>critique</strong>, impossibilité <strong>de</strong> penser contre soi, ignorance <strong>de</strong> la<br />

métho<strong>de</strong> scientifique, ignorance <strong>de</strong> la <strong>critique</strong> <strong>de</strong> la psychiatrie, processus intellectuels<br />

alogiques érigés en métho<strong>de</strong>, intuition magique, prophétie rétrospective, explications<br />

favorables en toutes circonstances, incurie dans l’établissement <strong>de</strong>s faits, mépris <strong>de</strong>s faits au<br />

profit <strong>de</strong>s théories, théories ascientifiques, théories infalsifiables, théories psychanalytiques,<br />

théories verrouillées, hypothèses confortables admises sans preuves, impossibilité <strong>de</strong> formuler<br />

<strong>de</strong>s hypothèses concurrentes simples, <strong>critique</strong> <strong>du</strong> patient annulée <strong>par</strong> tra<strong>du</strong>ction, <strong>critique</strong> <strong>du</strong><br />

patient vue comme pathologique, peur <strong>de</strong> la contamination, <strong>de</strong> la manipulation, évi<strong>de</strong>nces,<br />

consensus et illusion <strong>de</strong> consensus, naïveté quant aux autorités intellectuelles, en <strong>par</strong>ticulier<br />

ses supérieurs hiérarchiques, pensée grégaire, auto-évaluation et sa nécessaire subjectivité,<br />

<strong>par</strong>tialité considérable, contradictions graves. À trafiquer les données comme elle le fait et à<br />

penser aussi mal, <strong>Langenfeld</strong> peut écrire n’importe quoi, que le sujet soit compliqué ou non.<br />

D’où le chapitre qui me concerne.<br />

À défaut <strong>de</strong> savoir penser correctement, <strong>Langenfeld</strong> croit en un tissu <strong>de</strong> sornettes<br />

caractéristique d’une psychiatre française fossilisée dans ses certitu<strong>de</strong>s. Les pires charlatans<br />

<strong>de</strong> la psychanalyse, pourtant laminés <strong>par</strong> la <strong>critique</strong> tout autant que leurs élucubrations<br />

frau<strong>du</strong>leuses, sont toujours considérés comme d’incontournables contributeurs : l’inénarrable<br />

Freud, le mythomane et guérisseur d’autistes Bettelheim. À côté <strong>de</strong> ces grands escrocs, on<br />

rencontre aussi au fil <strong>de</strong>s pages beaucoup <strong>de</strong> petits baratineurs qui manient les idées sans<br />

aucune précautions.<br />

Malgré l’emploi <strong>de</strong> quelques mots importants <strong>du</strong> vocabulaire <strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine, une usurpation<br />

indispensable à toute psychiatrie, la pensée exposée <strong>par</strong> <strong>Langenfeld</strong> est profondément<br />

ascientifique, dogmatique et même extravagante. La réalité sur le plan intellectuel <strong>de</strong> cette<br />

pseudo-science qu’est la psychiatrie est dénoncée inlassablement <strong>par</strong> <strong>de</strong> très nombreux et<br />

compétents <strong>critique</strong>s auxquels je renvoie le lecteur désireux <strong>de</strong> connaître leurs arguments :<br />

mé<strong>de</strong>cins, neurologues, neuroscientifiques, psychiatres, psychologues, historiens,<br />

philosophes, sceptiques et rationalistes, scientifiques et intellectuels divers. Je ne suis pas en<br />

train <strong>de</strong> <strong>par</strong>ler d’une coterie d’originaux qui se plairait à contester une science soli<strong>de</strong>ment<br />

établie, je <strong>par</strong>le d’intellectuels <strong>de</strong> divers horizons, savants et capables, qui avancent <strong>de</strong>s<br />

arguments tout à fait convaincants. Malheureusement, leur propos ne reçoit pas l’audience<br />

qu’il mérite au vu <strong>de</strong> son importance, il s’épuise avant tout contre la surdité <strong>de</strong>s sociétés,<br />

incapables structurellement <strong>de</strong> mettre en doute leur idéologie. La forme <strong>de</strong> psychiatrie<br />

française, unique en ce qu’elle s’accroche toujours à un <strong>par</strong>adigme psychologique farci <strong>de</strong><br />

propositions psychanalytiques abandonné ailleurs, en est <strong>de</strong>venue <strong>par</strong>ticulièrement grotesque.


Sur le plan pratique, la nullité d’une idée se masque <strong>par</strong> son application à <strong>de</strong>s cas qui<br />

n’en nécessitent pas l’emploi. Songez à l’homéopathie ou à la psychanalyse. Au vu <strong>de</strong>s cas<br />

présentés dans le <strong>livre</strong>, le conte thérapeutique s’adresse à <strong>de</strong>s personnes qui, quels que soient<br />

leurs souffrances et leurs problèmes vitaux, que je reconnais <strong>par</strong>faitement, ne présentent pas<br />

les plus graves problèmes mentaux rencontrés en psychiatrie, loin <strong>de</strong> là. Se composant à cette<br />

population propice aux meilleurs dénouements, l’auto-évaluation <strong>par</strong> un auteur dont j’espère<br />

avoir fourni <strong>de</strong>s arguments pour faire douter <strong>de</strong> l’honnêteté et <strong>du</strong> jugement, et <strong>de</strong> nombreux<br />

éléments rapportés dans le <strong>livre</strong> – un suici<strong>de</strong>, une personne qui ne reçoit pas le conte, absence<br />

d’effets constatés, effet difficile à mesurer, réactions insignifiantes, réactions non probantes –,<br />

<strong>de</strong>vraient amener tout esprit sérieux à dé<strong>du</strong>ire que rien n’a été prouvé ni confirmé <strong>par</strong> ce <strong>livre</strong><br />

quant à l’efficacité <strong>du</strong> conte thérapeutique. Avec toutes les réserves quant à l’utilisation <strong>de</strong><br />

cette métho<strong>de</strong> dans le cas <strong>de</strong> la psychiatrie, une étu<strong>de</strong> sérieuse com<strong>par</strong>erait <strong>de</strong>s évaluations<br />

indépendantes et à l’aveugle <strong>de</strong> différentes populations, spécialement à l’évaluation d’une<br />

population témoin qui ne recevrait aucune ai<strong>de</strong> présupposée. Cela n’a jamais été fait à ma<br />

connaissance, le <strong>livre</strong> d’une infirmière persuadée a priori ne peut se substituer à un début <strong>de</strong><br />

preuve scientifique. <strong>Langenfeld</strong> a essentiellement renforcé son système <strong>de</strong> croyances <strong>par</strong><br />

l’exploration désordonnée d’un point <strong>par</strong>ticulier, la phraséologie employée autorisant tous les<br />

montages et dispensant commodément d’hypothèses, <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> conclusions claires.<br />

D’ailleurs, elle conclut que le conte n’est finalement qu’un outil, et réaffirme le rôle<br />

primordial <strong>de</strong> l’infirmier en tant que personne humaine dans le processus thérapeutique.<br />

Il est vrai que ce <strong>livre</strong> ne peut être ré<strong>du</strong>it à une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s contes. Ils en sont le fil directeur,<br />

mais il est avant tout question <strong>de</strong>s expériences d’une infirmière en psychiatrie. Je suis alors là<br />

pour m’opposer à son récit fantaisiste et alerter <strong>du</strong> très grand danger <strong>de</strong> laisser braconner aux<br />

franges <strong>de</strong> la normalité une psychiatrie hospitalière extrêmement agressive, dont la première<br />

mission serait pourtant <strong>de</strong> se rendre utile ailleurs. Une victime d’un type malheureusement<br />

très fréquent. Renseignez-vous sur l’hospitalisation désastreuse imposée à la famille <strong>de</strong> M.<br />

Michel Prévidi, le jour même <strong>de</strong>s funérailles <strong>de</strong> sa fille aînée, décédée <strong>par</strong> suici<strong>de</strong>. Sa femme<br />

et son <strong>de</strong>rnier enfant, sa secon<strong>de</strong> fille, se sont suicidées quelques mois plus tard. Pour autant,<br />

je n’oublie pas tous les autres patients. Ceux qui, <strong>par</strong> infortune, sont déjà accablés <strong>de</strong> plus<br />

grands maux, et sont fatalement plus maltraités, plus longtemps, <strong>par</strong> cette même psychiatrie<br />

barbare.<br />

Je vais commenter quelques assertions trouvées au quatrième <strong>de</strong> couverture,<br />

probablement écrit <strong>par</strong> <strong>Langenfeld</strong> elle-même. Il est dit qu’elle exerçait dans une « unité<br />

psychiatrique d’admission ouverte ». Je crains que le public général ignore la réalité<br />

dissimulée <strong>de</strong>rrière cette faça<strong>de</strong> <strong>de</strong> mots. L’incohérence <strong>de</strong> <strong>Langenfeld</strong> à ce sujet est<br />

remarquable. À la page 20, elle déclare que les personnes hospitalisées dans le service sont<br />

toutes consentantes aux soins. Dans le <strong>livre</strong>, il est pourtant question <strong>de</strong> nombreuses<br />

hospitalisations sans consentement, <strong>de</strong> protestations <strong>par</strong>fois véhémentes quant aux<br />

hospitalisations, <strong>de</strong> contraintes, et même <strong>de</strong> l’usage <strong>de</strong> la force. <strong>Langenfeld</strong> atteint la<br />

contradiction littérale concernant ses propres activités à la page 71 : « J’ai quelques entretiens<br />

avec Nadia. Je les lui impose, lui expliquant que cela fait <strong>par</strong>tie <strong>de</strong>s soins qu’elle est venue<br />

recevoir à l’hôpital. » Il faut encore noter, d’après les informations données à la page 69, que<br />

la jeune fille fut placée sous le régime unique <strong>de</strong>s mineurs, que <strong>de</strong> ce fait son consentement<br />

éventuel n’eût eu aucune conséquence quant à l’hospitalisation et au type d’hospitalisation, et<br />

qu’elle fut ap<strong>par</strong>emment hospitalisée contre sa volonté. Voici donc, pour renseigner le lecteur<br />

désinformé, ce que je connais d’une « unité psychiatrique d’admission ouverte » :<br />

hospitalisations sans consentement <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux types (hospitalisation à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’un tiers et<br />

hospitalisation d’office), hospitalisations <strong>de</strong> mineurs, inaptes légalement au consentement,<br />

illégalité <strong>de</strong>s hospitalisations, changements <strong>du</strong> type d’hospitalisation, transferts dans les


services dits fermés, fenêtres qui s’ouvrent sur une dizaine <strong>de</strong> centimètres, disposition<br />

architecturale permettant le contrôle constant <strong>de</strong>s allées et venues, porte d’entrée<br />

constamment fermée <strong>par</strong> pério<strong>de</strong>s, fuites, répression <strong>de</strong> comportements irréprochables<br />

légalement, interdiction généralisée <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s téléphones portables et autres moyens <strong>de</strong><br />

communication, interdictions <strong>par</strong>ticulières <strong>de</strong> recevoir <strong>de</strong>s visites, interdictions punitives <strong>de</strong><br />

sortir <strong>du</strong> bâtiment, interdiction généralisée <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong> l’enceinte <strong>de</strong> l’hôpital hors<br />

permissions, patients <strong>par</strong>tiellement dévêtus en public et immobilisés notamment <strong>par</strong> un<br />

infirmier assis <strong>de</strong>ssus lors <strong>de</strong>s injections <strong>par</strong> la force, unique chambre d’isolement dont<br />

l’occupation habituelle con<strong>du</strong>it souvent à la recherche d’une place dans un autre service,<br />

menaces <strong>de</strong> mise en isolement, mises en isolement punitives, dérapages violents <strong>de</strong> certains<br />

membres <strong>du</strong> personnel.<br />

Il est préten<strong>du</strong> que, en opposition à la tendance <strong>de</strong> rationalisation <strong>de</strong>s soins, une complainte<br />

habituelle dans le métier, ce <strong>livre</strong> « propose au lecteur un véritable voyage au cœur <strong>de</strong> la<br />

thérapie infirmière dans sa dimension la plus humaine : celle <strong>du</strong> soin relationnel centré sur la<br />

personne. » Il faut savoir qui donne la leçon d’humanité. La même qui, comme je le dénonce,<br />

trahit le secret qu’elle promit à un ancien patient, ment et nie sa volonté <strong>de</strong> mourir <strong>par</strong> <strong>de</strong>ux<br />

fois pour mieux l’utiliser à <strong>de</strong>s fins <strong>de</strong> valorisation professionnelle. La même encore,<br />

ignorante en tout sauf en cette mauvaise psychologie qui lui donne l’illusion <strong>de</strong> comprendre le<br />

mon<strong>de</strong>, qui explique que le respect <strong>de</strong> l’autre est évi<strong>de</strong>nt dès lors qu’est atteint le troisième<br />

sta<strong>de</strong> d’un certain développement psychique, résumé aux pages 70 et 71. Les croyances<br />

incultes <strong>de</strong> ce genre font la perversité <strong>du</strong> ré<strong>du</strong>ctionnisme psychologique utilisé en psychiatrie,<br />

j’espère le faire entrevoir.<br />

Enfin, il est assuré que « les contes ont cette incroyable capacité d’ai<strong>de</strong>r à résoudre <strong>de</strong> grands<br />

conflits intérieurs avec douceur. » Peu importe l’innocuité <strong>de</strong> ces histoires dérisoires, il faut<br />

l’opposer à ce que prône <strong>Langenfeld</strong>, une psychiatrie fondamentalement hors-la-loi,<br />

antisociale, ségrégationniste, arbitraire, inique, irrespectueuse, inhumaine, négatrice,<br />

coercitive, violente, <strong>de</strong>structrice, en un mot, barbare.<br />

J’ai énormément souffert <strong>de</strong> mon <strong>par</strong>cours psychiatrique. C’est une expérience<br />

complexe qui détruit dans <strong>de</strong> multiples pans <strong>de</strong> la vie. L’incroyable <strong>du</strong>plicité <strong>de</strong> <strong>Langenfeld</strong> et<br />

son irrespect absolu <strong>du</strong> patient m’ont empêché <strong>de</strong> cerner la plu<strong>par</strong>t <strong>de</strong> ses conceptions à mon<br />

sujet. Elle semble n’avoir rien compris <strong>de</strong> la minorité <strong>de</strong> faits portés à sa connaissance. Je ne<br />

crois donc pas qu’elle ait pu s’imaginer à quel point sa version me serait cruelle. C’est<br />

inversement lié au <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> malhonnêteté qu’elle s’est autorisé pour l’écriture <strong>de</strong> son chapitre.<br />

Comme je l’ai dit, je ne pense pas qu’elle se soit permis envers ses lecteurs un échafaudage<br />

qu’elle sût totalement artificiel. Cela reste toutefois une possibilité.<br />

Pour avoir constaté trop <strong>de</strong> similitu<strong>de</strong>s entre les présentations qui sont données <strong>du</strong> cas d’une<br />

jeune fille et <strong>du</strong> mien, pour avoir remarqué <strong>de</strong>s éléments très suspects dans le chapitre<br />

consacré à une personne que j’ai bien connue, pour relever aussi cet indice chez une autre qui<br />

laisse supposer <strong>de</strong>s traumatismes importants causés <strong>par</strong> la prise en charge, j’estime probable<br />

que, si jamais ils venaient à en prendre connaissance, d’autres patients seraient révoltés <strong>par</strong> ce<br />

<strong>livre</strong>.<br />

Il n’y a pas <strong>de</strong> lucidité chez <strong>Langenfeld</strong>. Je crains que le public spécialisé auquel<br />

s’adresse son <strong>livre</strong> n’y trouve qu’un ronronnement familier et rassurant. Les étudiants en soins<br />

infirmiers s’exposeraient à une vision incroyablement naïve <strong>de</strong> la profession à laquelle ils se<br />

<strong>de</strong>stinent.<br />

À ceux désireux <strong>de</strong> mieux comprendre le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> ces contradicteurs obstinés,<br />

tellement incapables <strong>de</strong> se ranger aux avis officiels, peut être faut-il suggérer la lecture <strong>de</strong> l’un<br />

<strong>de</strong>s leurs ? Ils trouveraient matière à nourrir une véritable réflexion sur la psychiatrie française


dans les <strong>de</strong>ux ouvrages très intéressants <strong>de</strong> Philippe Clément. Clément est un infirmier<br />

psychiatrique, diplômé en anthropologie, un bagage intellectuel qui lui permet <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong><br />

la distance. Ne se sentant jamais à l’aise où qu’il soit, passant d’un service à un autre sans<br />

pouvoir trouver sa place, il a accumulé une gran<strong>de</strong> expérience <strong>de</strong> la psychiatrie publique,<br />

structures extra-hospitalières comprises, ce qui lui permet <strong>de</strong> dégager <strong>de</strong>s généralités. Il a<br />

choisi <strong>de</strong> dénoncer ce qu’il a vu et compris <strong>de</strong>s pratiques psychiatriques <strong>par</strong> la publication <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ux <strong>livre</strong>s La forteresse psychiatrique et Bienvenue à l’hôpital psychiatrique !. Le premier<br />

est un ouvrage fort bien pensé, très construit, une mine <strong>de</strong> renseignements, d’observations,<br />

d’analyses pertinentes. Une œuvre remarquable et rare, qui abor<strong>de</strong> autant les questions<br />

d’ordre général que pose nécessairement la psychiatrie, qu’elle ne se prive <strong>de</strong> donner <strong>de</strong>s<br />

illustrations tirées <strong>de</strong> la pratique quotidienne <strong>de</strong> l’auteur. Le <strong>de</strong>uxième ouvrage se lit comme<br />

un roman. Clément propose <strong>de</strong> <strong>par</strong>tager le vécu d’un infirmier, et ne manque pas d’appuyer<br />

sur quelques points extrêmement sensibles aux occasions qui lui sont données <strong>par</strong> la prise en<br />

charge <strong>de</strong> tel ou tel patient. Si l’humour, très présent, ravit souvent le sourire, il n’occulte pas<br />

pour autant les lueurs <strong>de</strong> détresse que lancent tous ces malheureux lorsqu’on les maltraite en<br />

prétendant les soigner.<br />

Je me permets, pour clore ma <strong>critique</strong>, une citation qui me semble fort à propos. Invité à une<br />

réunion où les différents acteurs viennent se persua<strong>de</strong>r <strong>de</strong> leur compétence dans une émulation<br />

<strong>de</strong> déni et d’illusions, Clément la quitte prématurément suite au mensonge effronté d’un<br />

psychiatre et <strong>livre</strong> sa réaction : « On est un peu « en famille » et l’on a bien le droit, à<br />

l’occasion d’une rencontre comme celle-ci, <strong>de</strong> s’inventer <strong>de</strong>s histoires dans lesquelles, tels <strong>de</strong>s<br />

enfants, on tient le beau rôle. Et tant pis si la réalité est fort différente. » Bienvenue à l’hôpital<br />

psychiatrique !, <strong>de</strong>rnière page <strong>de</strong> la conclusion intitulée « De qui se moque-t-on ? ».

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