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Nouvelle lumiERE - christophe+solioz

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<strong>Nouvelle</strong> <strong>lumiERE</strong><br />

2009<br />

1989


Projet de couverture élaboré en classe. Le titre est de Mikaal Ahmad (élève de la 905). Le<br />

visuel employé dans la partie supérieure est un élément d’Eletronic wall-paper de Stéphane<br />

Trois Carrés (http://trois.carres.free.fr).<br />

Journal de classe 905<br />

Edité par Christophe Solioz<br />

© DIP, Genève<br />

Genève, 19 octobre 2009<br />

Collège de la Florence


Ouverture<br />

Christophe Solioz<br />

Textes d’élèves<br />

Traces<br />

Vu de Chine<br />

Table des matières<br />

Charles Beer Entre Harry Kupfer et Lou Reed 19<br />

Martine Brunschwig-Graf Avant et après le « mur de la honte » 23<br />

André Castella Des murs aussi dans les têtes… 27<br />

Gérard Deshusses Mauer, Mauer, Mauer… 31<br />

Antonio Hodgers D’un mur à l’autre 35<br />

Joël Stroudinsky Les églises construisent aussi l’Europe 37<br />

Pierre-Alain Tschudi Lettre à un élève 39<br />

Fabienne Waldburger Et si le mur n’était jamais tombé ? 43<br />

Véronique Zbinden Die Mauer ist weg 47<br />

Dominique Dolmieu Lettre à un élève 51<br />

Jalons<br />

Jacques Rupnik Le populisme post-communiste 55<br />

Jan Skorynski Vingt ans après Varsovie 57<br />

Michael Meyer Et le mur s’est écroulé 59<br />

Serguei Karaganov La guerre froide inachevée 61<br />

Ian Buruma Les Leçons de Tiananmen 63<br />

Ivan Čolović La chute du Mur de Berlin vue depuis Belgrade 65<br />

5<br />

7


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 5<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Vu de Chine<br />

Christophe Solioz<br />

Suite d’un simple pique-nique citoyen paneuropéen organisé un 19 août 1989 à Sopron, près de la<br />

frontière entre Hongrie et Autriche, l’événement de la chute du Mur de Berlin un 9 novembre 1989 ne<br />

doit pas cacher un autre – plus douloureux celui-là : le « massacre de Tiananmen » du 4 juin 1989 (lire<br />

le texte de Ian Buruma, pages 63-64). Encore aujourd’hui, les dissidents chinois auteurs de la « Charte<br />

08 » font l’objet d’une répression sans concession (on peut lire la traduction française de cet appel sur<br />

le site internet : http://www.rue89.com/chinatown/2008/12/14/le-texte-integral-du-manifeste-desdissidents-chinois-la-charte-08).<br />

Ce manifeste pour une Chine démocratique s’inspire ouvertement de la « Charte 77 » rédigée par<br />

Václav Havel et des dissidents tchèques dont le philosophe Jan Patočka. Vingt ans après la chute du<br />

Mur de Berlin, il importe de ne pas oublier les droits de l’homme murmurés alors dans les caves de<br />

Prague et encore aujourd’hui dans les prisons chinoises. Vingt ans après, il faut se souvenir aussi de<br />

l’autre face de 1989 : Ivan Čolović rappelle (cf. pages 65-66) comment dans l’espace yougoslave des<br />

idéologues et bâtisseurs de nouvelles nations ethniquement définies n’ont pas eu le moindre scrupule à<br />

présenter « la mobilisation nationaliste des citoyens comme un processus démocratique<br />

d’émancipation, en parfaite harmonie avec les normes politiques européennes » – une décennie de<br />

guerres devait détruire le pays d’Europe centrale alors le plus « amarré à l’Ouest ».<br />

Il n’en demeure pas moins que l’Europe retrouvée marque la fin du mythe d’une Europe médiane – un<br />

temps Ouest kidnappé (Milan Kundera) et nécessaire chimère (György Konràd). Laissant sur le bascôté<br />

une Europe de l’Est en crise ainsi qu’un espace yougoslave à jamais fragmenté, Mitteleuropa –<br />

débarrassée enfin de ses fantasmes et simulacres – rêve d’Europe… l’Union européenne certes, mais<br />

pas seulement… et aspire à participer à sa réinvention, le tout sans illusion. En effet, au-delà de la<br />

chute du mur et du communisme, les mots de Predrag Matvejević – esquissant en creux la nécessité de<br />

penser une « Europe autre » – mérite d’être rappelé :<br />

“Il serait souhaitable que l’Europe à venir soit moins europocentriste que celle du passé, plus<br />

ouverte aux autres que l’Europe colonialiste, moins égoïste que l’Europe des nations, plus<br />

consciente d’elle-même et moins sujette à l’américanisation. Il serait utopique de s’attendre à ce qu’elle<br />

devienne, dans un temps prévisible, plus culturelle que commerciale, moins communautaire que<br />

cosmopolite, plus compréhensive qu’arrogante, moins orgueilleuse qu’accueillante, plus Europe des<br />

citoyens, moins celle des patries et, en fin de compte, plus socialiste à visage humain (dans le sens que<br />

certains dissidents de l’ex-Europe de l’Est donnaient à ce terme) et moins capitaliste sans visage”.<br />

(La Méditerranée et l’Europe).<br />

Propos qui font échos à ceux de l’écrivain autrichien Gregor Von Rezzori :<br />

“À présent que l’on voit tomber des murs, des rideaux ou des mensonges, si les gens de l’Est<br />

entendent trouver la vérité chez nous, ils se trompent gravement et ils nous feront payer, à nous aussi,<br />

leur désillusion: le vieux monde sera perdu pour nous tous et nous deviendrons tous des ex.”<br />

(Une hermine à Cernopol)<br />

Inutile d’insister plus, 1989–2009 : NOUVELE <strong>lumiERE</strong> propose autre chose qu’un guide touristique.<br />

Après un florilège d’instantanés rédigés par des élèves – qui se rendront à Berlin jour pour jour vingt<br />

ans après la chute du mur –, ce recueil présente des textes originaux d’auteurs qui ont bien voulu<br />

répondre à l’invitation de nous livrer leur réflexion sur cet événement historique. Nous présentons en<br />

annexe plusieurs textes permettant de poursuivre la réflexion. « La Pologne – dix ans, la Hongrie – dix<br />

mois, l’Allemagne de l’Est – dix semaines, la Tchécoslovaquie – dix jours ». Jan Skorynski rappelle<br />

que tout a commencé autour d’une table ronde, et que la chute du Mur de Berlin impose un détour par<br />

Gdansk. Dans un texte publié en 2006, Jacques Rupnik analyse l’effondrement du communisme en<br />

Europe centrale et en Europe de l’Est. Ce texte met en évidence la nécessité de trouver un nouvel<br />

équilibre entre la culture démocratique et les courants sous-jacents liés à l’Histoire politique et à la<br />

culture de la région.<br />

(suite page 6)


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 6<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Elèves ayant participé à l’élaboration et la réalisation de ce projet – soit les classes 901 A (volée<br />

2008–2009) et 905 A (volée 2009–2010) du Collège de la Florence :<br />

901 A — 2008–2009<br />

David Alvarez | Adrien Bettoni | Luke Cabrol | Isaac Carvalho | Marta De Benito Ortiz |<br />

Yoann Fernandez | Damien Hussy | Wafa Khan | Joël Kuflom | Melissa Lanzillo |<br />

Timothy Lok | Marta Mano Ferreira | Paloma Martin | Lauriane Mermoud | Olivier Miche |<br />

Alex Moosa | Adrien Neuenschwander | Eva Reichmuth | Emilio Rodriguez |<br />

Julinar Sharaiha | Michael Torjman | Manon Zillweger<br />

905 A — 2009–2010<br />

Mikaal Ahmad | Amir Allaoua | Adielle Bertschy | Cécile Boccadoro | Emilie Cauvin |<br />

Anna Cocimarov | Nathan Cohen | Lisa Da Broi | Camille De la Serna |<br />

Mélanie Estevez Martinez | Haya Finci | Pierre Gautier | Corentin Loriol |<br />

Christopher Odier | Théodore Pasquier | Marina Péray | Andrea Philips | Dounia Riat |<br />

William Senn | Anthéa Sistovaris | Margot Tagliabue | Victoria Verduystert | Joëlle Vesy<br />

Photo ci-dessus : 905 A – octobre 2009. © DIP – Collège de la Florence<br />

Ce journal de classe existe aussi au format PDF dans une version électronique qui sera disponible dès<br />

le 9 novembre 2009 sur le site internet du collège de la Florence (http://icp.ge.ch/co/florence).


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 7<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Textes d’élèves<br />

Berlin et immédiatement: « le Mur de la honte ». Cela me vient instinctivement, mais Berlin n’est pas<br />

que la ville du mur. Comment Berlin a-t-elle évoluée ces vingt dernières années ? Et qu’est devenu le<br />

Mur ? En me documentant pour répondre à ces questions, j’ai découvert une superbe ville avec des<br />

monuments tous plus intéressants les uns que les autres.<br />

Le monument que j’aimerais absolument visiter est la East Side Gallery. C’est un morceau du<br />

mur couvert de peintures, faisant 1,3 km de long et bordant la Mühlenstrasse dans l’ancien Berlin Est.<br />

La galerie est constituée d’environ 106 peintures réalisées par des artistes du monde entier. La partie la<br />

plus intéressante se trouve proche du Ostbahnhof où toutes les peintures ont été entièrement<br />

restaurées.<br />

La chute du Mur a changé la vie de beaucoup de personnes. Elle a aussi modifié l’urbanisme ainsi<br />

que le trafic de l’agglomération. Beaucoup de rues et bâtiments ont ainsi été rénovés et on circule<br />

d’Est en Ouest sans problème.<br />

Mélanie Estevez<br />

Le lien : http://www.eastsidegallery.com<br />

En 1961, un mur a été construit divisant l’Europe – et la ville qu’il encerclait – en deux. Un véritable<br />

« rideau de fer » : le Mur de Berlin. En 1989, ce mur est détruit et avec lui le régime communiste de la<br />

République démocratique allemande (RDA). Une ville, un pays et un continent sont enfin réunifiés.<br />

Vingt ans plus tard, Berlin est entièrement reconstruite. On trouve notamment de nombreux lieux<br />

à la mémoire du Mur de Berlin. Par exemple le Mémorial du Mur de Berlin qui représente un fragment<br />

du Mur reconstruit sur place selon une interprétation d’artiste. Il y a aussi le Centre de documentation<br />

– qui a été ouvert le 9 novembre 1999 et complété en 2003 – où l’on peut s’informer sur l’histoire du<br />

Mur. On peut aussi mentionner le Mille historique de Mur de Berlin qui est une exposition permanente<br />

en quatre langues présentant par des photos et des textes les événements qui se sont produits à<br />

l’endroit même où sont placés les panneaux : des évasions, des manifestations...<br />

Pour fêter le vingtième anniversaire de la chute du Mur, il y aura une grande fête à Berlin. Des<br />

jeunes Allemands ont fabriqué des dominos géants, qui seront placés à l’endroit où se trouvait<br />

autrefois le mur. Ils seront ensuite renversés pour symboliser la destruction du mur. En 1989,<br />

l’Allemagne débordait de joie à la réunification de son pays ; vingt ans plus tard, tout un pays va tenter<br />

de retrouver cet enthousiasme.<br />

Andrea Phillips<br />

Le lien : http://www.berliner-mauer-gedenkstaette.de<br />

La chute du Mur de Berlin permet la réunification de l’Allemagne. Le 9 novembre 2009 correspond<br />

aux 20 ans de la chute du mur. Cet événement est évidemment extrêmement important pour les<br />

Allemands, et en particulier pour les Berlinois. Ce jour symbolise la liberté retrouvée pour les<br />

Allemands.<br />

Je pense que les Allemands ont beaucoup soufferts de cette séparation d’il y a 20 ans, car elle a<br />

créé de nombreuses tensions… Mais c’est du passé, maintenant les Allemands ne pensent qu’à fêter<br />

fin du mur !<br />

Margot Tagliabue<br />

Le lien : http://www.mauerfall09.de<br />

(suite page 9)


Au<br />

chien<br />

bleu


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 9<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Aujourd’hui, Berlin est une ville fantastique, devenue même capitale de la jeunesse. Elle est<br />

renommée pour ses multiples activités culturelles ainsi pour que son architecture avant-gardiste.<br />

Depuis la chute du mur, les quartiers de l’ancien Berlin Est ont été rénovés et sont devenus très à la<br />

mode.<br />

Les touristes apprécient tout particulièrement la porte de Brandenbourg, le Mémorial aux Juifs<br />

assassinés d’Europe ainsi pour le Musée juif de l’architecte Daniel Libeskind. Ce dernier relate entre<br />

autre la tragédie subie ce peuple durant la 2 ème guerre mondiale. On y trouve des témoignages de<br />

familles juives tels que des objets, photos et lettres, certains appartenant à des survivants de la Shoah.<br />

L’exposition permanente ne laisse pas ses visiteurs indifférents.<br />

Du Mur de Berlin, il ne reste aujourd’hui que quelques dizaines de mètres… dernier symbole de<br />

la guerre froide qui divisa la ville pendant presque trente années entre l’Est communiste et l’Ouest<br />

libéral. Aujourd’hui la réunification permet aux Berlinois d’être enfin tous libres dans un pays unis et<br />

en paix. La chute du mur donne aussi espoir que d’autres séparations puissent être surmontées ailleurs.<br />

Camille de la Serna<br />

Le lien : http://www.juedisches-museum-berlin.de<br />

Le 9 novembre 1989, le Mur de Berlin tombe. Cela s’est passé si vite et sans violence, que cela paraît<br />

aujourd’hui à peine croyable. Une nouvelle ère commence alors. Mais si le monde terne de Berlin Est<br />

nous semble aujourd’hui terrifiant, pour certains il était tout de même rassurant… garantissant travail,<br />

logement et soins. Berlin réunifiée fait ses premiers pas dans le monde libre une nuit de novembre<br />

1989, mais elle entre aussi dans un monde plus complexe et confus comme le remarque justement<br />

Michel Audétat (L’Hebdo, No 40, du 1 er octobre 2009, p. 38).<br />

Le 9 novembre 2009, jour du 20 ème anniversaire de la chute du mur, de nombreux événements et<br />

fêtes sont organisés. Fête de la réunification rappelant les multiples séparations comme celle de cette<br />

famille vivant en Allemagne de l’Est avant la construction du mur de Berlin. Ils décident de construire<br />

une maison à l’Ouest. Un jour, la mère et l’une des deux filles vont à l’Ouest laissant le reste de la<br />

famille à l’Est. Durant la nuit, le mur est construit. La famille reste séparée pendant 28 ans. Lors de la<br />

chute du mur, les deux sœurs se retrouvent alors que les parents sont morts entre temps.<br />

Lisa Da Broi<br />

Le lien : http://www.hebdo.ch/edition/2009-40/index.htm<br />

Aujourd’hui, vingt ans après la chute du Mur, Berlin s’est reconstruite, mais garde beaucoup de<br />

monuments en souvenir de cette époque. Beaucoup, peut-être trop… Imaginez un Berlinois se<br />

promenant dans sa ville, a-t-il envie de revivre à chaque carrefour de douloureux souvenirs ? Aime-t-il<br />

voir à chaque coin de rue des monuments lui rappelant cette époque difficile de l’Allemagne nazie ?<br />

Le touriste est assurément attiré par exemple par le Mémorial de l’Holocauste ; alors qu’un<br />

Berlinois passerait peut-être devant sans y prêter attention. Un visiteur souhaitera certainement<br />

connaître toute l’histoire de cette ville, alors que certains Berlinois préféreraient peut-être l’oublier.<br />

Alors, y a-t-il trop de monuments à Berlin ? Trop d’Histoire impliquerait-il sa banalisation ?<br />

S’est-on déjà posé la question ? Ces mémoriaux font de Berlin une ville très touristique, mais les<br />

Berlinois ayant vécu cette époque s’y sentent-ils vraiment à l’aise ? Le doute est permis.<br />

Marina Péray<br />

Le lien : http://histoirevivante.rsr.ch/xobix_media/files/tsr/docs/2009/histoirevivante_ve220509.pdf<br />

(suite page 11)


Partenaire du Drizia<br />

Situation<br />

Stade de Champel<br />

Bout-du-Monde<br />

Vaste parking<br />

Bus N o 11 et 21<br />

Adresse<br />

Case postale 43<br />

1234 Vessy-GE<br />

Tél. 022 347 38 24<br />

Fax 022 789 03 40<br />

CCP 12-12196-4<br />

Email: tcdrizia@bluewin.ch<br />

Internet: www.tcdrizia.ch


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 11<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Berlin : 1989-2009. Vingt ans déjà… L’effondrement du mur est l’un des événements les plus<br />

importants du 20 ième siècle. L’un des facteurs décisifs a été l’attitude de l’URSS de Gorbatchev qui a<br />

renoncé à utiliser la force. Les événements s’enchaînent rapidement : la fin d’une concurrence perdue<br />

avec l’Ouest et le début d’une recomposition du continent européen.<br />

Aujourd’hui, vint ans après la chute, notre connaissance de ces événements a-t-elle changé ?<br />

Stéphane Courtois, historien du communisme, nous dit (L’Hebdo, No 40, du 1 er octobre 2009, p. 42)<br />

qu’elle a « connu une évolution très importante mais qui, malheureusement, risque de peu apparaître<br />

dans les commémorations : on reste souvent, y compris parmi les spécialistes, sur l’émotion et les<br />

impressions qui étaient très fortes au moment de la chute du mur et du communisme ». Evidemment,<br />

l’ouverture des archives permet une meilleure connaissance de ce qui s’est passé et facilite une<br />

approche plus rationnelle.<br />

On peut se poser aujourd’hui la question de savoir si la « tentation communiste » est<br />

définitivement derrière nous. Stéphane Courtois souligne que l’idéal communiste existe depuis bien<br />

longtemps, au moins depuis Platon, et qu’il est encore promis à un bel avenir – ne serait-ce que<br />

comme utopie. Certains penseurs ou philosophes, comme Antonio Negri en Italie ou le philosophe<br />

Alain Badiou en France, cherchent, encore aujourd’hui, à le faire revivre — souvent « sans tenir<br />

compte des immenses tragédies provoqués par ce communisme au 20 ième siècle » (L’Hebdo, No 40, du<br />

1 er octobre 2009, p. 44).<br />

Haya Finci<br />

Le lien : http://www.hebdo.ch/edition/2009-40/index.htm<br />

Un journaliste du magazine Télérama a posé à Hubert Védrine, ancien conseiller de François Mitterand la<br />

question suivante : « Pourquoi, dans ces conditions, la chute du Mur a-t-elle surpris tout le monde? »<br />

Voici un extrait de la réponse d’Hubert Védrine: « Parce que les opinions modernes vivent dans un<br />

temps médiatique au jour le jour. Et parce que dans les années 1980, le thème de la menace soviétique était<br />

relayé en France et aux Etats-Unis (...). Le président Reagan avait besoin pour justifier sa politique militaire<br />

d’exagérer le danger. (...) Cette exagération était délibérée. » (Télérama horizons 1, du mercredi 9<br />

septembre 2009.<br />

Dans cet entretien, Hubert Védrine explique que la population européenne a été surprise par la chute<br />

du Mur parce qu’ils croyaient que les Russes étaient plus redoutables qu’ils ne l’étaient en réalité. On peut<br />

y voir l’illustration que les Etats puissants peuvent influencer l’opinion publique même dans le cas où la<br />

presse est libre d’exprimer toutes les opinions – ce qui n’était pas le cas en ex-Union Soviétique ou dans<br />

d’autres dictatures…<br />

Adielle Bertschy<br />

Le lien : http://www.hubertvedrine.net<br />

Quant on parle de Berlin, on pense tout de suite à la chute du mur. Qu’est devenu cette ville vingt ans<br />

après la chute du Mur de Berlin ?<br />

La réunification a pris beaucoup de temps et n’a pas été sans difficultés. Berlin est une ville qui<br />

change constamment. Au contraire de ville comme Londres, Paris, Munich ou Hambourg, on découvre<br />

chaque jour des nouveautés et la beauté côtoie la laideur.<br />

Il y a vingt ans, il y avait deux Allemagnes complètement différentes qui se regardaient en chiens<br />

de faïence. Maintenant, il n’y a plus qu’un seul pays, uni et soudé. Plus que d’autres villes allemandes,<br />

Berlin est une ville culturelle rayonnante, une métropole d’envergure. A Berlin, les gens sont ouverts<br />

d’esprit et animés d’une véritable générosité intellectuelle.<br />

Pierre Gautier<br />

Le lien : http://www.berlin.de/berlin-im-ueberblick/index.fr.html<br />

(suite page 13)


Boutique aux couleurs lointaines - Nyon


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 13<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

La chute du Mur de Berlin, symbole de la réconciliation de l’Europe de l’Est et de l’Europe de<br />

l’Ouest, n’a pas seulement annoncé la prochaine liberté retrouvée et l’indépendance des pays de<br />

l’Est ; elle annonce aussi la renaissance d’une ville qui, réunie et réconciliée, fait cohabiter des<br />

cultures opposées, oublier l’exclusion et la discrimination, et invite à rattraper le temps perdu.<br />

On dit qu’aujourd’hui Berlin est une véritable métropole en pleine mutation, tant sur le plan<br />

politique qu’urbanistique ou encore artistique. Pour s’en rendre compte, il paraît qu’il suffit d’aller<br />

faire quelques pas à Potsdamer Platz : on y découvre des cinémas, des centres commerciaux et théâtres<br />

à l’architecture aussi moderniste que surprenante. Il parait qu’à Berlin Mitte et à Prenslauer Berg, il y<br />

a des galeries d’art contemporain où sont exaltés l’imagination et la fantaisie sous les formes les plus<br />

audacieuses. On m’a dit que dans tout Berlin il y aurait plus de 175 musées, 150 théâtres, 250<br />

bibliothèques publiques et 130 cinémas. Ce serait aussi une ville où le passé est sauvegardé, où l’on vit<br />

intensément le présent tout en étant projeté dans le futur. Ce serait donc une ville où l’on peut<br />

s’amuser dans un décor de rêve tout en réfléchissant ; où l’on peut écouter toutes les musiques du<br />

monde ; où l’on peut se promener à ne plus savoir où regarder ; où les décisions concernant les pires<br />

atrocités ont été prises et où l’espoir a pu effacer leurs effets. Je me réjouis d’aller voir si tout cela est<br />

vrai… ou s’il ne s’agit pas encore d’une de ces histoires pour nous encourager à croire en l’avenir.<br />

Théodore Pasquier<br />

Le lien : http://www.prolog-berlin.com/fr/berlin-art-culture.htm<br />

Vingt ans après, Berlin a retrouvé le visage d’une grande métropole européenne. Les personnes qui,<br />

comme moi, sont nées après la chute du mur, ont beaucoup de peine à envisager la division de Berlin<br />

et de l’Allemagne non comme une fiction, mais comme une réalité. Pour nous il est difficile<br />

d’imaginer l’époque où le Mur de Berlin séparait des familles et obligeait les habitants de l’Est à rester<br />

dans la zone de la RDA pour « ne pas passer du côté fasciste ». D’ailleurs, lorsque les<br />

adultes évoquent la chute du mur, ils ne conçoivent pas que nous ne connaissions pas les raisons qui<br />

ont conduit à le détruire, et encore moins à le construire... Ces événements se sont produits il y a peu<br />

de temps, mais juste avant notre naissance ; ce que les générations précédentes considèrent comme<br />

une évidence ne l’est pas pour nous.<br />

Les gens qui ont vécu la chute du mur n’y étaient pas préparés et ont été sidérés par<br />

l’enchaînement des événements. « Good bye Lénine » illustre bien la rapidité des changements<br />

survenus et la difficulté, pour une partie des habitants, à les accepter.<br />

En allant à Berlin, j'espère pouvoir, en étant au pied de l’ancien mur, comprendre encore mieux la<br />

souffrance qu’ont dû endurer les citoyens impuissants devant cette construction de plus de trois mètres<br />

de haut qu’ils ont découverte en se réveillant le 13 août 1961. J’espère aussi voir les citoyens<br />

allemands enfin réunis et désormais soudés face aux horreurs qu'ils ont subies durant ces années-là.<br />

Anthéa Sistovaris<br />

Le lien : http://www.79qmddr.de<br />

De nos jours, Berlin se développe beaucoup au point de vue culturel ; de nombreux artistes viennent<br />

habiter dans les immeubles délaissés de l’ancienne Berlin Est. C’est une ville vivante, ouverte et<br />

animée, lieu de multiples manifestations de tout genre, qu’elles soient musicales, artistiques ou<br />

sportives.<br />

Même si la population berlinoise diminue et que le chômage augmente, la jeunesse allemande et<br />

les artistes du monde entier sont attirés par cette ville : le coût de la vie y est moins élevé qu’ailleurs et<br />

les spectacles sont nombreux et de qualité.<br />

Pour les vingt ans de la chute du mur, de nombreuses manifestations auront lieu dans le but de<br />

célébrer la réunification de Berlin et pour rappeler la nuit où « le mur de la honte » a été détruit. L’une<br />

d’entre elles fera tomber des dominos pour rappeler la chute du mur.<br />

Victoria Verduystert<br />

Le lien : http:// www.mauerfall09.de/dominoaktion/index.html<br />

(suite page 15)


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 15<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

« […] Les voyages y compris à durée permanente peuvent se faire à tout poste frontière avec la<br />

RFA. » Ces mots, prononcés par Günter Schabowski, porte-parole du gouvernement de la République<br />

Démocratique Allemande, déclarent implicitement la « chute » du mur.<br />

Ce mur, encerclant Berlin, mesurait 140 km. Aujourd’hui, ses fragments sont éparpillés un peu<br />

partout, comme au Portugal dans la ville de Fatima, devant le parlement européen à Bruxelles, ainsi<br />

qu’au Centre du Commerce Mondial à Montréal. Mais le morceau de mur le plus connu n’a pas quitté<br />

son lieu d’origine : et se trouve entre la gare de l’Est et le pont de l’Oberbaum. Il mesure 1,3 km et a<br />

été peint par des artistes du monde entier. Aujourd’hui, il tombe malheureusement en ruine, c’est<br />

pourquoi la ville de Berlin commence à le restaurer.<br />

Le Mur c’est aussi le souvenir de quelque 100’000 Allemands ayant tenté de passer à l’Ouest, des<br />

centaines de personnes trouvant à cette occasion la mort. De nombreux mémoriaux rappellent les<br />

victimes du Mur, ainsi la pierre commémorative Günter Litfin – nom d’une personne abattue par la<br />

police ferroviaire lors d’une tentative de fuite à Berlin-Ouest. En bien des endroits, l’existence du mur<br />

est parfois rappelée par de simples pavés placés à même la rue. Et puis, il y a aussi certains No man’s<br />

land – par exemple celui entre la Behmstraße et la Bernauer Straße, où se trouve le « parc du mur » –<br />

qui ont été transformé en espaces verts. Au final, la fin du mur se décline de multiples façons.<br />

Mikaal Ahmad<br />

Le lien : http://www.berlin.de/mauer/index.fr.html<br />

Le Palais de la République (Palast der Republik) a été construit en 1976 à Berlin Est à l’emplacement<br />

où se trouvait le château de Berlin (Berliner Stadtschloss) qui symbolisait le pouvoir de la dynastie des<br />

Hohenzollern et de la Prusse. Le nouvel édifice appartenait à la République Démocratique Allemande<br />

(RDA) et faisait office de lieu de rencontre, de centre culturel et était aussi utilisé comme Chambre du<br />

peuple (Volkskammer) — soit le parlement de la RDA.<br />

Après la chute du mur, le Palais fut fermé en 1990 parce qu’il était pollué par de l’amiante. En<br />

2003, les travaux de désamiantage étant trop chers, le parlement allemand décida de le démolir. Les<br />

travaux de démolition commencent en février 2006 et prennent fin le 2 décembre 2008.<br />

Cette destruction illustre la volonté d’effacer le bâtiment qui illustrait le pouvoir de la RDA. De<br />

même que le Château de Berlin symbolisant le pouvoir royal a été détruit par la RDA en 1950 ; le<br />

Palais de la République, incarnant le pouvoir communiste, a été détruit par une Allemagne réunifiée.<br />

Au final, le nouveau Palais royal sera reconstruit avec sa façade baroque de l’époque ; on y trouvera<br />

un hôtel de luxe, des restaurants, des musées et un centre d’affaires…<br />

Nathan Cohen<br />

Le lien : http://www.stadtschloss-berlin.de<br />

L’église protestante a joué un rôle majeur dans la « révolution pacifique » de 1989. Le lundi 9 octobre<br />

1989, soit deux jours après les célébrations officielles commémorant la fondation de la République<br />

Démocratique Allemande (RDA), 70 000 manifestants occupèrent pacifiquement la rue suite à l’appel<br />

de l’église Saint Nicolas en scandant : « Wir sind das Volk » (nous sommes le peuple). Cette grande<br />

manifestation organisée dans le calme fut à l’origine d’un mouvement pacifique qui organisait, tous<br />

les lundis, de grandes manifestations. Cette révolution pacifique devait sonner le glas du Mur de<br />

Berlin. Un mois plus tard, le pouvoir capitula devant la détermination des citoyens.<br />

Dounia Riat<br />

Le lien : http://berliner-unterwelten.de<br />

(suite page 17)


PHARMACIE<br />

DU PARC BERTRAND<br />

VALERIE LEWIN PIEDAD CAREL<br />

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1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 17<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Le métro passait sans s’arrêter dans ces stations fantômes (Geisterbahnhöfe) que le « Mur de la<br />

Honte » a condamné à rester dans l’ombre et le silence, abandonné par tout voyageur.<br />

La nuit du 12 août 1961, le Mur de Berlin est construit empêchant ainsi les Berlinois de circuler<br />

librement entre l’Est et l’Ouest. Tous les moyens de transports sont alors interrompus, sauf le métro de<br />

Berlin Ouest qui continue de circuler, sans pour autant s’arrêter dans les stations de l’Est appelées<br />

« fantômes » où des policiers montent la garde pour empêcher les Berlinois de monter ou de descendre<br />

du métro dans les stations interdites.<br />

Enfin, après 28 ans, les autorités est-allemandes laissent entendre que les Berlinois peuvent passer<br />

sans problème par les postes frontalières ; tout de suite une marée humaine se précipite vers ceux-ci,<br />

juste pour passer « de l’autre coté ». Le lendemain, le premiers pan du murs tombe, le réseau du métro<br />

est enfin réunifié et les stations fantômes laissent place à la vie.<br />

L’année 1989 a marqué l’histoire de l’Europe ainsi que tous les habitants de Berlin, aussi bien<br />

ceux de l’Est que de l’’Ouest. Un espoir est né pour qu’un jour peut-être, plus aucun mur ne sépare les<br />

hommes.<br />

Emilie Cauvin<br />

Le lien : http://de.wikipedia.org/wiki/Geisterbahnhof<br />

© Wikipédia. Gare « Porte d’Orianienburg » (Orianienburger Tor) – station fantôme du 13 août 1961 au 1<br />

juillet 1990.


http://www.maviesurmars.com


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 19<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Charles Beer<br />

Entre Harry Kupfer et Lou Reed<br />

C’est en novembre 1985 que je me suis rendu pour la première fois dans la ville de Berlin. Berlin, ville<br />

de souvenirs, mon grand-père y a vécu douze mois au début des années 20, lieu incarnant le monde<br />

bipolaire de l’après guerre divisé entre Est et Ouest. C’était en novembre 1985; mon objectif d’une<br />

semaine : alterner les jours<br />

à l’Est et les jours à<br />

l’Ouest de la ville.<br />

Checkpoint Charlie ou<br />

Friedrichstrasse ? Les<br />

possibilités de passage à<br />

l’Est n’étaient qu’au<br />

nombre de deux : le point<br />

touristique, avec le musée<br />

à l'ouest recensant tous les<br />

génies déployés par les<br />

habitants de l’Est pour<br />

rejoindre l’eldorado et la<br />

station de métro utilisée<br />

par des habitants de<br />

l’Ouest ayant de la famille<br />

de l’autre côté du mur.<br />

En moyenne, chacun des quatre jours où je me suis rendu à l’Est m’a coûté une heure et demi d’attente<br />

et l’obligation de changer 50 DM de l’Ouest contre 50 DM de l’Est : une rançon pour entrer en<br />

République démocratique allemande (RDA). Mais comble de la dérision, la plus grande des difficultés<br />

résidait ensuite dans la dépense des 50 DM de l’Est. Les magasins étaient en effet vides, ou alors<br />

lorsqu’ils étaient pleins, je marquais une nette préférence pour ceux qui étaient vides, tant ce qu’ils<br />

contenaient paraissait dérisoire pour le passant ou le touriste venu de l’Ouest. A une exception : les<br />

magasins de disques où les disques de vinyle rendaient les meilleures interprétations de la musique<br />

allemande par l'orchestre philarmonique de Dresde par exemple.<br />

Autre possibilité de dépense très appréciée, l’opéra, plus particulièrement le Komische Oper, alors<br />

placé sous la direction de Harry Kupfer assurant régulièrement des mises en scène tellement non<br />

conventionnelles qu’elles ont fait aussi les grandes heures du festival de Bayreuth.<br />

Catastrophe : distrait par l'émotion de passer à l’Est, j’ai passé en douce un magazine Géo consacré à<br />

Berlin Est. Une personne l’a repéré et deux agents m’attendent et me le confisquent après avoir<br />

vainement tenté de m’interroger; vainement – et ce fut ma protection – pour une seule raison :<br />

l’allemand appris à l’école et au Collège de Genève a empêché toute conversation soutenue avec les<br />

représentants de l’ordre ...<br />

Pas de commentaire sur les repas, si ce n’est sur l’unique restaurant ouvert aux touristes, la longue<br />

queue pour y pénétrer et trouver salle vide à l’arrivée pour le repas. La queue n’était pas légendaire :<br />

bien qu’inutile elle était constante !<br />

Heureusement, j’ai malgré tout pu avoir quelques discussions avec des jeunes, forcément difficiles (les<br />

discussions), puisqu'en allemand. Je retiens ce jeune homme dont le but dans l’existence était de<br />

devenir fonctionnaire. J’ignorais qu’il y avait d’autres employés à l’Est de l’Europe que les<br />

fonctionnaires.<br />

(suite page 21)


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 21<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Cette ville, je n’y suis revenu qu’une fois en 1987<br />

avec un séjour à l’Est avant de la retrouver en 2000 à<br />

l’occasion d’un congrès syndical international auquel<br />

je participais en raison de mes fonctions de l’époque.<br />

La ville avait totalement changé, le mur était tombé ou<br />

alors il n’en restait ici et là que quelques traces<br />

permettant de conserver les empruntes de l’histoire.<br />

De longues promenades dans les quartiers que j’avais<br />

connus quinze ans plus tôt m’ont montré que la ville<br />

était en train de devenir une et que la moindre<br />

différence était désespérément gommée dans un<br />

mouvement d'harmonisation confinant à<br />

l'uniformisation ! Le symbole de cette uniformisation<br />

en était, et en est toujours, ces fameux personnages verts et rouges permettant aux piétons de s’arrêter<br />

avant de traverser ou au contraire de s’élancer sur le passage piéton.<br />

Mon dernier séjour à Berlin remonte à 2006 où j’ai eu l’occasion de m’y rendre à nouveau avec une<br />

délégation des maires des communes genevoises et deux de mes collègues Conseillers d'Etat. La ville<br />

avait alors pratiquement achevé sa mutation vers l’uniformisation, même si les grues toujours aussi<br />

nombreuses illustraient le dynamisme d'une ville particulièrement fascinante. Grues incarnant la<br />

modernité, mais également les traces du passé le plus douloureux avec l’ouverture du musée de la<br />

Shoah.<br />

Pour avoir visité cette ville du temps où elle était divisée, pour avoir également toujours développé<br />

mon intérêt pour l’histoire et la politique, je ne peux que dire que l'existence de ce mur, de cette<br />

division de la capitale de l’Allemagne actuelle, était non seulement liberticide, mais également<br />

absurde. J’ai eu l’occasion d’en vérifier au quotidien la dimension. Je ne peux cependant cacher une<br />

certaine nostalgie, non pas de cette division, mais probablement du temps où j’étais plus jeune et où<br />

j’avais l’occasion de découvrir un autre monde aussi terrible fut-il.<br />

Bien sûr, je me souviens avec émotion des actualités montrant en direct la chute du mur, la manière<br />

dont les habitants l’abattaient et ce que cela pouvait représenter de bouffées de liberté et d’aspiration,<br />

non seulement à la réunification plus largement de l'Europe, mais également d’espoir de paix pour la<br />

planète entière. La fin de la guerre froide enfin !<br />

Aujourd’hui, l’Allemagne est réunifiée depuis vingt<br />

ans, l’ensemble des citoyennes et citoyens allemands<br />

sont libres avec tout ce que cela veut dire de positif,<br />

mais également avec ce que cela veut dire<br />

d’inconvénients : certaines parties de la ville d'abord,<br />

puis de l’ex-Allemagne de l’Est ont sombré dans une<br />

forme d'abandon et de démantèlement du rôle de l’Etat,<br />

les laissant seules confrontées au vertige d'un passé plus<br />

ancien et plus abominable, celui de la période nazie.<br />

Je me réjouis de retourner à Berlin dont je garde<br />

intensément le souvenir que l’album de Lou Reed<br />

appelé Berlin prolonge régulièrement, avec le film culte<br />

de Wim Wenders Les ailes du désir, deux œuvres<br />

datant du temps du mur.<br />

Charles Beer est Conseiller d’Etat, chef du département de l’instruction publique (DIP).


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 23<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Martine Brunschwig Graf<br />

Avant et après le « mur de la honte »<br />

Un mur en catimini<br />

J’avais 11 ans lorsque, dans la nuit du 12 au 13 août 1961, les<br />

Russes commencèrent à élever le « mur de la honte ». En plein<br />

Berlin, en catimini. L’Allemagne de l’Est (RDA) avait cherché à<br />

dissimuler – au prix de mensonge d’Etat – le plus longtemps<br />

possible ce qu’elle prévoyait de faire. Voici ce que déclarait le<br />

président du Conseil d’État de la RDA, Walter Ulbricht, le 15 juin<br />

1965 lors d’une conférence de presse à Berlin-Est:<br />

Si je comprends bien votre question, il y a des gens en Allemagne de l’Ouest qui<br />

souhaitent que nous mobilisions les ouvriers du bâtiment de la capitale de la RDA<br />

pour ériger un mur, c'est cela ? Je n’ai pas connaissance d’un tel projet ; car les<br />

maçons de la capitale sont principalement occupés à construire des logements et y<br />

consacrent toute leur force de travail. Personne n’a l’intention de construire un<br />

mur !<br />

Interview menée par Annamarie Doherr, correspondante à Berlin pour la Frankfurter Rundschau ; l’original est disponible<br />

sur le site < http://www.chronik-der-mauer.de/index.php/de/Start/Detail/id/593837/page/4>.<br />

L’Allemagne se retrouve coupée en deux durant 28 longues années. On ne compte plus le nombre de<br />

personnes qui laissèrent leur vie pour tenter de passer de Berlin Est à Berlin Ouest. On n’a jamais<br />

compté le nombre de familles dont les membres se sont retrouvés séparés, les uns en République<br />

démocratique allemande (RDA), les autres en République fédérale d’Allemagne (RFA).<br />

Aux jeunes d’aujourd’hui, ces faits paraissent bien lointain. Mais la fillette que j’étais alors n’a jamais<br />

oublié ce moment d’histoire si brutal et si définitif. Les années qui suivirent ont été marquées par des<br />

relations le plus souvent extrêmement tendues entre l’Est et l’Ouest. Pour comprendre ce que la chute<br />

du Mur de Berlin a changé, il faut se souvenir de ce qu’était le monde d’alors. Nos parents avaient<br />

vécu la seconde guerre mondiale, ma génération est née de la guerre froide, une guerre peu orthodoxe,<br />

faite de course aux armements, de menaces plus ou moins réelles, de moments de très grande tension.<br />

Les missiles de Cuba, tournés vers les Etats-Unis durant le mois d’octobre 1962 ont bien failli faire<br />

basculer le monde dans la troisième guerre mondiale.<br />

Le mur de Berlin ne concernait pas que l’Allemagne. Il était la ligne de démarcation entre le monde de<br />

l’Est et le monde de l’Ouest. Ainsi, l’URSS, et tous ses pays satellites, formaient ce bloc soviétique<br />

dirigé d’une main de fer, à Moscou. On se souvient des chars soviétiques réprimant brutalement le<br />

printemps de Prague en 1968, pour ne citer qu’un exemple.<br />

Les citoyens abattent le mur<br />

Puis, peu à peu, l’appel de la liberté a été le plus fort. L’arrivée de Gorbatchev au pouvoir en URSS a<br />

marqué le tournant pour un empire soviétique décadent et miné par les divisions. Le Mur de Berlin est<br />

tombé…. Ce sont finalement les citoyens qui ont eu raison du Mur. Les politiques n’ont pas vraiment<br />

pris la décision. La chute du Mur est aussi l’histoire de ces femmes et de ces hommes d’Allemagne de<br />

l’Est, qui se précipitent, le 9 novembre 1989, dès les premières rumeurs d’assouplissement des<br />

contrôles aux points de passage. C’est la pression de la foule qui a eu raison du mur, face à des<br />

fonctionnaires dépourvus d’ordres et somme toute peu désireux d’en découdre.<br />

Aujourd’hui, la chute du Mur continue de marquer fortement notre histoire. La disparition du bloc<br />

communiste constitue un défi permanent pour les esprits libéraux et les défenseurs de l’économie de<br />

marché. Auparavant, il était aisé de se situer politiquement. Il suffisait de décrire tous les défauts de<br />

l’économie planifiée et du « centralisme démocratique » pour mettre en valeur les principes de liberté<br />

et de responsabilité. Maintenant, ils doivent prouver le bien-fondé d’un système remis en question au<br />

quotidien par les attentes des citoyens.<br />

(suite page 25)


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 25<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

L’Europe comme facteur d’intégration<br />

L’histoire de l’Europe est compliquée. Celle des<br />

pays de l’Est l’est encore davantage. Mais pour<br />

ceux qui ont connu la période qui a précédé la<br />

chute du Mur, parler de l’Union européenne et de<br />

ses 27 membres est toujours un moment<br />

d’étonnement et de satisfaction. En effet, on peut<br />

reprocher beaucoup de choses à l’Union<br />

européenne : son goût pour les structures<br />

administratives, sa passion des directives, sa<br />

difficultés à organiser la vie institutionnelle de<br />

cette communauté grandie si vite. Mais on peut<br />

saluer le fait que quoi qu’en disent les esprits<br />

chagrins, l’Union européenne porte en elle un projet. Elle permet l’intégration de tous ces pays sortis il<br />

y a tout juste 20 ans d’une emprise soviétique fortement liberticide. Certes, pour la plupart d’entre eux,<br />

le chemin de la liberté n’est pas sans embûches. On ne passe pas sans étapes d’une économie planifiée<br />

à une économie de marché, d’une société où l’assistance est la règle à un système démocratique qui<br />

postule la responsabilité.<br />

Le débat récent sur l’extension des accords bilatéraux conclus par la Suisse avec l’Union européenne à<br />

la Roumanie et à la Bulgarie a mis en évidence les problèmes à résoudre dans ces pays, y compris la<br />

lutte contre la corruption. On l’a vu aussi lorsque l’Allemagne a été réunifiée grâce à la volonté<br />

politique et au courage d’Helmut Kohl. Cette décision, prise presque immédiatement après la chute du<br />

Mur, appuyée par un vote populaire, n’a pas fini de produire ses effets, tant sur le plan économique<br />

que sur le plan social. Même si les citoyens ont fortement souhaité cette réunification, ils en<br />

connaissent aussi le prix. La prospérité des uns a reculé pour permettre de relever le niveau de vie des<br />

autres. L’Allemagne a traversé des temps économiques très difficiles depuis 1990. Elle en connaîtra<br />

sans doute encore même si personne ne remet sérieusement en cause le projet politique porté par la<br />

réunification.<br />

Mais l’Europe d’aujourd’hui est porteuse d’espoir pour l’ensemble des pays qui en font partie. La<br />

crise économique, financière et sociale que nous traversons ne changent rien au fait que des<br />

mécanismes de rééquilibrage et de solidarité se sont mis en place, déploient et continueront à déployer<br />

leurs effets.<br />

Les nouveaux enjeux<br />

La guerre des blocs n’existe plus. Mais les guerres continuent de ravager la planète. Elles sont d’une<br />

autre nature, opposent parfois les populations d’un même pays. Elles ne se font plus au nom de<br />

l’idéologie politique, comme au temps de la guerre froide… Elles sont de nature ethnique, religieuse,<br />

économique. Le monde de l’après Mur est très différent et il doit faire face à de nouveaux enjeux de<br />

nature planétaire. Il est question maintenant des méfaits du climat, de la raréfaction des ressources, de<br />

la faim et de la pauvreté. A beaucoup, il paraîtra normal de contempler, en ce début d’avril, la photo<br />

du G 20 où poseront côte à côte les ministres représentant la Russie, les USA, la France, la Grande-<br />

Bretagne, l’Allemagne, le Kenya, l’Inde ou l’Arabie saoudite pour n’en citer que quelques-uns. A<br />

Genève se sont rencontrés tout récemment Hillary Clinton, secrétaire d’Etat en charge des affaires<br />

étrangères des USA et Sergeï Lavrov, ministre des affaires étrangères russe. C’est devenu un nonévénement,<br />

tant les relations du monde se sont transformées. Quiconque se souvient du monde d’avant<br />

le Mur de Berlin ne peut que s’en réjouir. Il y a en effet tant à faire pour améliorer la vie sur notre<br />

planète terre !<br />

Martine Brunschwig Graf, ancienne Conseillère d’Etat (1993-2005) – d’abord en charge du département de l’instruction<br />

publique, puis du département des finances et le département des affaires militaires – est Conseillère nationale (depuis<br />

2003). Site personnel : .


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 27<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

André Castella<br />

Des murs aussi dans les têtes<br />

Il est si haut, si épais, si solide. Et pas une seule aspérité pour s’y accrocher, pas une seule prise. Rien.<br />

Et pas question de jouer au malin à vouloir tenter sa chance à le franchir : miradors, gardes armés<br />

jusqu’aux dents, chiens, fils de fer barbelés, projecteurs, sirènes… S’en approcher à moins de 20<br />

mètres, rien que ça, reviendrait à vouloir en finir avec la vie. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à son<br />

père, il y a trois ans de cela… Sauf que lui ne voulait pas y laisser sa peau, mais juste apporter de<br />

l’aide à ce môme blessé par l’explosion de cette satanée mine antipersonnel, lorsqu’il a reçu deux<br />

balles dans le corps. Mort sur le coup. En tout cas, Peter, 15 ans, berlinois de l’est, la vie, il l’aime plus<br />

que tout.<br />

Depuis la mort de son père, tous les samedis, et parfois même la semaine en rentrant de l’école, sans<br />

que sa mère le sache, il vient regarder le mur, là où est tombé son père.<br />

Pour cela, David s’est trouvé une « planque » bien à lui, discrète, juste en bordure du fossé, à un jet de<br />

pierre du mur.<br />

C’est dans cette ancienne guérite de Vopo<br />

en planches, aujourd’hui à demi pourrie et<br />

menaçante, qu’il s’enfile et s’abrite plus ou<br />

moins bien du vent, de la pluie ou du soleil,<br />

et surtout de la vue des gardes. Tout cela<br />

pour voir et revoir ce même et désolant<br />

mur où tant et tant d’espoirs se sont<br />

dissous.<br />

De temps en temps, lorsque sa maman est<br />

trop occupée à la maison, entre la lessive à<br />

faire à la main, le bois à monter à l’étage,<br />

les repas à préparer, Peter prend avec lui sa petite sœur Brice. Ou alors un copain. Il préfère même.<br />

Lorsqu’il vient seul, après avoir longuement regardé « son » mur, après avoir lu pour la millième fois<br />

l’histoire qui a conduit des êtres humains à ériger cet édifice aussi stupide qu’inutile, en été, lorsque la<br />

température est agréable, il lui arrive parfois de s’endormir.<br />

Cela faisait bien une heure que Peter explorait,<br />

comme d’habitude, chaque détail du mur - une<br />

inscription, un dessin, un impact de balle -<br />

lorsqu’il repéra un chat qui passait et repassait<br />

d’est en ouest et d’ouest en est par un<br />

minuscule espace que les constructeurs avaient<br />

oublié de boucher.<br />

A propos, se dit-il très justement, ce chat, étaitil<br />

berlinois de l’est ou berlinois de l’ouest ?<br />

C’est vrai ça : à quoi reconnaît-on la<br />

provenance ou l’origine d’un chat ? A force de<br />

se poser ce genre de question sans queue ni tête,<br />

à l’inverse du chat, Peter finit par fermer les<br />

paupières et se mit immédiatement à rêver qu’il était ce chat si libre, si peu préoccupé par ces histoires<br />

d’humains, et surtout qu’il était sans cette étiquette est-ouest…<br />

Dans la peau de ce chat, Peter s’y sentait étrangement bien, comme quelque chose de familier. Il se<br />

voyait confortablement installé sur le sommet du mur, allongé de tout son long à lustrer son poil tout<br />

en se chauffant aux derniers rayons de soleil de cet automne 1989.<br />

(suite page 29)


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1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 29<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Tantôt il regardait l’est, tantôt l’ouest ; tantôt il chassait des souris « communistes », tantôt des souris<br />

« capitalistes » : toutes étaient, également grises, également peureuses et délicieuses !<br />

Il se disait que les humains étaient bien compliqués, pour ne pas dire idiots, avec leurs histoires de<br />

mur, de garde, de contrôles, d’interdictions. Comme si la vie d’humain n’était pas assez compliquée<br />

comme ça.<br />

Et des murs, se dit-il, il y en a partout : aux Etats-Unis contre l’immigration illégale venant du<br />

Mexique, en Israël contre les Palestiniens… Et bien d’autres encore, comme la Grande Muraille de<br />

Chine, longue de quelques 6’700 kilomètres, également érigée contre les invasions.<br />

Et notre rêveur se dit qu’il en existe d’autres de murs, bien plus hauts, bien plus solides et bien plus<br />

durables que tous ces murs, celui de Berlin compris.<br />

Ces murs, ce sont ceux que l’on érige<br />

parfois dans nos têtes entre nous et<br />

l’Autre, lorsque l’on a pas envie de<br />

l’écouter, l’aider, le comprendre,<br />

simplement parce qu’il est l’Autre, qu’il<br />

est différent, noir, juif, musulman, parce<br />

qu’il pense, mange, s’habille<br />

différemment, parce qu’il prie ou ne prie<br />

pas, ou ne parle pas ma langue…<br />

Il se dit encore, le chat David, que le<br />

mieux, plutôt que de devoir les franchir et<br />

de risquer de ne pas y parvenir, c’est de ne<br />

pas les construire du tout, ces murs, c’est<br />

de laisser de côté tous ces préjugés qui sont autant d’obstacles qui nous empêchent de nous rencontrer,<br />

d’échanger, de nous enrichir de nos différences.<br />

Tout à coup, alors que depuis une heure son esprit naviguait entre deux eaux, entre deux points<br />

cardinaux, Peter entendit au loin un brouhaha qui se rapprochait de son poste d’observation. Il se<br />

réveilla complètement.<br />

Par dizaines, des bulldozers, des pelles mécaniques débarquaient de toutes parts. Cette caravane<br />

d’engins était accompagnée de milliers de personnes chantant, hurlant, lançant de cris de victoire et de<br />

joie.<br />

Peter, à peine sorti de son rêve de chat vagabond basculait subitement dans la réalité, celle de la<br />

démolition du Mur de Berlin qui, depuis la nuit de 12 au 13 août 1961, séparait des milliers<br />

Allemands, de familles, d’amis, d’idées.<br />

Le chat, le vrai, toujours étendu au sommet du mur et toujours indifférent à<br />

l’histoire des hommes, en regardant le jeune David quitter définitivement sa<br />

cabane, léchait sa cicatrice vieille de 3 ans, provoquée par 2 balles de fusil.<br />

André Castella est l’initiateur de la campagne « Le respect, ça change la vie ».


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1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 31<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Gérard Deshusses<br />

Mauer, Mauer, Mauer…<br />

Pour moi, né en 1952, le Mur s’est tout d’abord appelé le Rideau de fer.<br />

Fin août 1969, dans la touffeur d'une fin d’après-midi, aux confins du Burgenland, près de Morbisch,<br />

au bord du Neusiedlersee, perdu au cœur d'une immense roselière, sur une barque plate, à observer<br />

faune et flore, j’ai soudain heurté un câble tendu, puis interloqué, découvert un panneau effrayant,<br />

fiché dans le marais: « Halt ! Todesgefahr ». Soleil caressant, brume légère et chaude, paysage d'une<br />

douceur infinie, couleurs à damner un peintre, nature sublime, trop sublime, paradis au cœur de<br />

l’Europe… Non ! À deux cents mètres à peine, une double barrière de barbelés hideux, ponctués de<br />

miradors en bois hauts de cinq mètres barre l’horizon, subitement, fracassant le cristal de cette journée<br />

idyllique. Je longe le câble, ramant mollement… je veux voir, je veux comprendre. Les roseaux se<br />

font plus courts, l’eau plus bleue et l’espace plus grand. La tension aussi. Je distingue deux soldats au<br />

sommet du mirador le plus proche. L’un, jumelles en main, l’autre … L'autre ? Mais…? il m’a mis en<br />

joue ! Il me tient depuis un moment au bout de son fusil ! Je n’aurai pas le temps de poursuivre cette<br />

imprudente exploration : la police autrichienne du lac, m’apostrophe par haut-parleur et me somme de<br />

reculer vers elle avant de m’arraisonner. Au-delà du câble, un champ de mines flottantes me séparait<br />

du tireur…<br />

La déchirure exhibée, la plaie<br />

monstrueuse, la zébrure insensée qui<br />

traversait notre histoire européenne, nos<br />

cultures, nos sensibilités, nos<br />

intelligences, nos fraternités, nos<br />

aspirations et notre avenir, soudainement<br />

inscrite dans ma chair, indélébile...<br />

Certitude, aussi, un peu plus tard, sérénité<br />

revenue, d'avoir éprouvé une expérience<br />

somme toute connue de la plupart des<br />

Européennes et Européens de l’Est<br />

comme de l'Ouest. Honte et rage.<br />

Et le silence. Le rideau dans la tête, dans le corps. Pensées pour Berlin, ville tranchée, ville symbole de<br />

l'absurdité de logiques opposées et pourtant constitutivement similaires. Lueurs de révoltes vite<br />

éteintes. Frissonnements sans suite. Perestroïka !!! Perestroïka ??? Que croire ?<br />

Et puis l’été 89, une annonce incroyable, tout mon être en frémit encore: la Hongrie ouvre le Rideau<br />

de fer. Porte grande ouverte à l’Europe en vacances ! Le Neusiedlersee retrouve son unité, l’horreur<br />

s'estompe. Et les Osies de renoncer à rentrer à la maison, par milliers, et de franchir la frontière à<br />

Sopron pour passer en Autriche, puis gagner la RFA ! Fin assurée d’un certain ordre du monde, crainte<br />

évoquée d'une sévère remise au pas. Et rien. Délitement progressif. Vent de folies, Folie de désirs.<br />

Novembre. Les vopos descendent des miradors. Mur orphelin. Pas pour longtemps. L’Allemagne en<br />

un soir de délire réunit Berlin et s’endort une. L’Europe à la télé, dans la rue. Joie, enthousiasme et<br />

peurs sourdes. Sentiment étrange de vivre l'Histoire.<br />

Et, pour moi, une envie irrésistible de faire le voyage au plus vite, de retrouver ce monde qui nous<br />

était fermé, hostile et pourtant tellement nôtre.<br />

(suite page 33)


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 33<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Hiver 90. Potsdamer Platz. Le mur avec ses béances chaque jour plus larges et ses miradors déjà<br />

décatis ne divise plus l'immense terrain vague qu’est devenu au fil des années la plus belle place de<br />

Berlin rasée par la guerre, et couverte désormais d'une végétation dense, repère idéal pour les oiseaux,<br />

steppe improvisée et sauvagement harmonieuse au point le plus sensible d’un monde désormais passé.<br />

Et perdue au milieu de l’étendue, une bâtisse, curieusement épargnée, ruinée néanmoins par le temps,<br />

nichoir improvisé : Ce fut, dit-on, une célèbre auberge au XIXème siècle déjà, avec encore une vague<br />

allée de vieux tilleuls…<br />

Eté 2008. Dans la touffeur d'une nuit d’été, la Potsdamer Platz, réédifiée par quelques-uns des<br />

meilleurs architectes du moment, brille de mille feux, de mille joies, toute de pierre et de métal, de<br />

verre et de lumière, parcourue de mille foules venues de l’Europe entière. A l’ombre des tours<br />

dressées au ciel illuminé, derrière une allée de tilleuls incertaine, l’auberge, refuge des temps anciens,<br />

a traversé les temps, comme immortelle.<br />

Et Berlin, capitale en plénitude, soucieuse de respecter l’Histoire et ses terribles leçons, le mur<br />

reconsidéré, ses quartiers désormais réunis, pense son avenir, ébauche des projets fous, vit enfin d'un<br />

seul souffle et séduit.<br />

Il n’y a plus de morceau de mur à vendre, et les derniers pans du monstre ont été classés par l’Unesco,<br />

juste avant d’être gommés par l’histoire et ses détours.<br />

Gérard Deshusses, enseignant au Cycle d’orientation, est Conseiller Municipal en Ville de Genève<br />

(1983-1991, 1999 à ce jour), il fut aussi également Président du Conseil Municipal (2004-2005).


NOTRE RÉALITÉ<br />

La Maison EcoLoggia combine harmonieusement<br />

les nouveaux matériaux de construction<br />

respectueux de l’environnement et dotés de<br />

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la réalisation et du confort de l’habitat.<br />

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coûts de construction tout en respectant les<br />

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1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 35<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Antonio Hodgers<br />

D’un mur à l’autre<br />

La chute du mur de Berlin est l’un des événements politiques les<br />

plus importants de la fin du 20 ème siècle. Il a marqué la fin d’une<br />

division entre pays capitalistes et pays communistes qui a<br />

déterminé tout le 20 ème siècle et que la ville de Berlin, avec la<br />

division du mur, symbolisait plus que tout.<br />

J’étais en 9 ème au CO pendant la chute du mur ! Au début,<br />

personne n’a compris comment cela était possible, personne<br />

n’avait vu venir à ce point l’affaiblissement des pays<br />

communistes. Les images des citoyens berlinois cassant les<br />

pierres du murs ont marqué notre génération politique. Une<br />

époque était finie.<br />

D’un monde bipolaire où deux idéologies très marquées<br />

s’affrontaient à travers la guerre froide, on est passé dans un<br />

premier temps à un monde unipolaire : à partir de la chute du<br />

mur, l’ultralibéralisme, mené par les Etats-Unis en tête, a déferlé<br />

dans toute la planète. Maintenant, 20 ans après, avec la crise financière, on voit aussi les excès du<br />

capitalisme. Les faillites d’énormes groupes bancaires sont aussi comme une « chute du mur » du<br />

monde financier.<br />

Alors que certains murs tombent, d’autres sont dressés. C’est le cas au sud des Etats-Unis où le<br />

gouvernement de Bush a entamé la construction d’énormes barrières pour empêcher l’immigration<br />

mexicaine d’arriver sur son sol. C’est encore le cas au Moyen-Orient où les Israéliens ont construit un<br />

énorme mur pour empêcher les Palestiniens de circuler. Ceci a pour conséquence d’appauvrir<br />

considérablement le peuple Palestinien et d’alimenter les haines entre les deux peuples.<br />

© Wart. Photographies du mur Israël/Palestine. source : http://www.wartmag.com<br />

Pour revenir à Berlin, les changements pour la ville sont<br />

énormes. En presque un demi siècle, les différences de<br />

régimes ont fait des deux moitiés de Berlin comme deux<br />

villes différentes. Du coup, le rattrapage pour Berlin Est<br />

est très difficile, car les infrastructures ne sont plus les<br />

mêmes. Le défi pour la municipalité est donc énorme, car<br />

beaucoup de choses sont à faire. Ceci dit, c’est aussi une<br />

chance pour la ville, et la vie culturelle s’est<br />

considérablement développée au point d’acquérir une<br />

excellente réputation au niveau européen.<br />

Antonio Hodgers, né le 7 février 1976 à Buenos Aires (Argentine), est un homme politique suisse membre des<br />

Verts. En 1997, il fait son entrée au Grand Conseil genevois en tant que benjamin et y siège jusqu'en novembre<br />

2007. De 2006 à 2008, il est par ailleurs président des Verts genevois. Il est élu lors des élections fédérales du<br />

21 octobre 2007 au Conseil national comme représentant du canton de Genève. (http://www.hodgers.ch)


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1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 37<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Joël Stroudinsky<br />

Les églises construisent aussi l’Europe<br />

Depuis son implantation en Europe, le christianisme se caractérise par sa<br />

transnationalité. Singulièrement, la Réforme, au 16 ème siècle, par son<br />

humanisme et son rayonnement intellectuel imprimera, par sa pratique en<br />

Europe, les valeurs de responsabilité, de liberté et de solidarité portées par la<br />

liberté religieuse et la liberté de conscience.<br />

Dès 1910 le Mouvement œcuménique renforcera dans l’Europe divisée<br />

idéologiquement en deux blocs et aux termes de deux guerres mondiales la prise<br />

de conscience de la nécessité de la Paix, génératrice d’échanges et de<br />

collaboration, de solidarité et d’aide au développement des peuples.<br />

Ainsi les Eglises, par leurs multiples réseaux ecclésiaux, politiques et<br />

économiques seront des précurseurs et des facilitateurs de la construction européenne. De part et<br />

d’autre du « Rideau de Fer » elles joueront un rôle déterminant dans la chute du Mur de Berlin.<br />

Ce qui changera fondamentalement dans leurs relations entre elles, c’est que de « soutenants et de<br />

soutenus », de « donateurs et de bénéficiaires » les Eglises deviennent des partenaires et des actrices à<br />

égalité s’engageant totalement dans la construction européenne, qu’elle se nomme Union Européenne<br />

ou Conseil de l’Europe.<br />

Construisant des ponts entre les traditions Catholiques Romaines, Orthodoxes, Protestantes ou<br />

Anglicanes, maintenant le dialogue entre les grandes religions de notre temps judaïsme et islam, les<br />

Eglises présentent au sein des organisations européennes collaborent pour que les Droits de l’Homme,<br />

la liberté religieuse, les valeurs sociales fondent les valeurs européennes et l’avenir des peuples.<br />

Signée en 2001 par l’ensemble des Eglises européennes, la Charta Oecuménica présente les lignes<br />

directrices d’une collaboration croissante des Eglises en Europe (le texte est accessible à l’adresse<br />

internet : .<br />

Joël Stroudinsky est pasteur, ancien Ancien Président de l’Eglise<br />

Protestante de Genève, il est actuellement Président de la Conférence des<br />

Eglises Protestantes des Pays Latins d’Europe (http://www.cepple.eu).<br />

De 1948 à 1989, les Eglises chrétiennes ont vécu<br />

difficilement dans l’Europe du Pacte de Varsovie.<br />

Contraintes à une vie cultuelle contrôlée, souvent<br />

privées de leur patrimoine, elles étaient parfois<br />

réduites à la charité. Pourtant, peu avant la chute<br />

du Mur de Berlin en 1989, elles ont été souvent le seul<br />

lieu d’une parole libre, riches de communautés<br />

soudées, et ont été parmi les outils qui ont sapé<br />

le Mur. Les milieux d’opposition de la société civile<br />

allemande de RDA (Neues Forum, Demokratie Jetzt,<br />

Demokratischer Aufbruch) ont ainsi trouvé refuge dans<br />

Les Eglises.<br />

Photographie ci-contre : une manifestation s’organise devant la<br />

Nikolaikirche à Leipzig (le 25 septembre 1989)


cartes de visite nov 08 21/11/08 12:28 Page 1<br />

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1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 39<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Pierre-Alain Tschudi<br />

Lettre à un élève<br />

Pour que tu puisses comprendre ma joie en<br />

1989, il me faut remonter quelques années<br />

en arrière. Je suis né au milieu du siècle<br />

passé. Les premiers événements<br />

historiques dont je me souvienne remonte<br />

à 1956. Prenant le train à Bâle pour rendre<br />

visite à ma grand-mère à Neuchâtel, je vis<br />

tout un groupe de personnes, hommes,<br />

femmes, enfants qui parlaient une langue<br />

que je ne comprenais pas. Ma mère<br />

m’expliqua que ces gens venaient d’un<br />

pays, la Hongrie, qu’ils avaient dû fuir<br />

n’emmenant avec eux qu’une seule valise.<br />

A cinq ans, je ne comprenais évidemment<br />

pas pourquoi des chars étaient entrés dans<br />

Budapest. Je ne savais pas non plus ce<br />

qu’était la guerre froide. Lorsque le mur<br />

fut érigé, séparant la ville de Berlin en<br />

deux, j’ai eu peur, parce que mes parents<br />

écoutaient la radio la mine grave et<br />

inquiète. Mais je ne saisissais pas. Mon<br />

père faisait confiance au Président des Etats-Unis J.F. Kennedy, ma mère dans le pape Jean XXIII. Ce<br />

n’est qu'à l’âge de 17 ans, en 1968 que j’ai pris conscience que l’Europe était divisée en deux, l’Est et<br />

l’Ouest, et que chaque fois qu’un vent de liberté soufflait à l’Est, on accusait les acteurs d’agir pour le<br />

compte de l’Ouest, tout comme l'on traitait souvent les personnes critiques à l’égard du système<br />

économique en vigueur à l’Ouest d’être des agents de l’Est. Cette division de l’Europe ne représentait<br />

pas seulement un risque permanent de guerre en Europe, chaque bloc accumulant des armes de<br />

destructions massives dirigées contre le bloc adverse, mais contribuait à discréditer et à combattre<br />

celles et ceux qui à l’Est, comme à l’Ouest rêvaient de plus de liberté et s'engageaient pour un monde<br />

qu’ils voulaient meilleur.<br />

En juillet 1968, je me suis ainsi retrouvé dans un camp organisé par le Service civil international. Il y<br />

avait des jeunes des Etats-Unis, d’Allemagne, de France, d’Italie, de Yougoslavie et de<br />

Tchécoslovaquie. J’étais le seul Suisse et le plus jeune. Tous avaient vécu dans leur pays des<br />

événements exaltants. Des étudiants de Prague, de Paris, de Berlin, de Belgrade et de Berkeley, unis<br />

dans un grand mouvement émancipatoire. Le monde allait changer de base. Nous pensions n’être rien<br />

et soudain nous faisions l’histoire. Le printemps avait été chaud, l’été n’était qu’un moment de répit<br />

avant un automne à nouveau prometteur.... Quel choc, quel rage, lorsque le 21 août 1968 les troupes<br />

du Pacte de Varsovie entrèrent dans Prague réduisant à néant les velléités d'indépendance de la<br />

Tchécoslovaquie. Qu’allaient devenir les étudiants tchèques que j’avais rencontrés ? Leur rêve d’un<br />

avenir meilleur s’écroulait abattu par les chars soviétiques. L’Union Soviétique recourait à la force<br />

chaque fois que ses intérêts de grande puissance étaient touchés, comme les Etats-Unis au Vietnam et<br />

ailleurs. Il semblait désormais que l’Europe resterait condamnée longtemps à être l’otage des grandes<br />

puissances.<br />

Dans les années 80, un grand mouvement social se développa en Europe de l’Ouest pour s’opposer à<br />

l'installation de missiles nucléaires à moyenne portée dirigée contre l’Europe, les Pershing II<br />

américains menaçaient l’Europe de l’Est, qui disposaient de SS 20 soviétiques pour riposter aux<br />

Pershing II et détruire l’Europe de l’Ouest. De part et d’autres, on accumulait un armement capable de<br />

détruire plusieurs fois la planète. Dans toute l’Europe, des manifestations gigantesques s’organisaient.<br />

En 1983, nous étions plus 50’000 à Berne, un chiffre énorme pour la Suisse.<br />

(suite page 41)


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1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 41<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Ce vaste mouvement pacifiste occidental tissa des liens avec celles et ceux qui résistaient en Europe<br />

de l’Est, celles et ceux qu'on appelait les dissidents. Puisque nous étions exposés aux mêmes menaces,<br />

il nous fallait trouver des moyens d’agir ensemble, de nous engager ensemble par tous les moyens<br />

pacifiques pour abolir cette barrière qui s'éparait l’Europe, il nous fallait construire un mouvement<br />

européen du Portugal à l’Oural. C’était loin d'être simple. Nos amis pacifistes des pays de l’Europe de<br />

l’Est n’obtenaient pas l’autorisation de quitter leur pays et étaient souvent emprisonnés accusés d’être<br />

des traîtres à leur patrie et au socialisme. En Suisse, les activistes pacifistes étaient certes également<br />

observés et fichés par la police, mais jouissaient d'une liberté d'action et d'expression plus grande que<br />

les pacifistes de l’Europe de l’Est. Comme ils ne pouvaient pas quitter leur pays, c’est nous Européens<br />

de l’Ouest qui nous rendions chez eux.<br />

Ainsi, en février 1985, nous avons traversé le soir le mur de Berlin au Checkpoint Charlie que tu<br />

visiteras certainement avec ton professeur. Nous étions une vingtaine, mais pour ne pas nous faire<br />

repérer, nous sommes passés<br />

seul ou à deux. Des visas d'un jour<br />

nous étaient accordés, mais nous<br />

avions l’obligation de<br />

retourner à Berlin-Ouest avant<br />

minuit. Des Italiens, trop connus,<br />

ont été refoulés d'entrée, mais la<br />

plupart d’entre nous ont réussi à<br />

entrer à Berlin-Est où nous avions<br />

rendez-vous avec une<br />

vingtaine de pacifistes de<br />

l’Allemagne de l’Est dans<br />

l’appartement de l'un d'entre eux.<br />

Nous n’avons pas conspiré, mais<br />

discuté ensemble comment dépasser<br />

la division de l'Europe et<br />

construire un continent unifié. Parmi nos interlocuteurs est-allemands se trouvaient certainement un ou<br />

des agents de la Stasi (sécurité de l’Etat) qui infiltraient les mouvements dissidents. Peut-être ai-je<br />

même sympathisé sans le savoir avec l’un deux et lui ai remis mon adresse. Quoi qu’il en soit, il ne<br />

m’a plus été possible, jusqu’en 1989, de retourner en Allemagne de l’Est, mais les contacts les<br />

échanges se sont poursuivis par téléphone, par messager etc.<br />

En 1989, les pacifistes que nous avions rencontrés à Berlin-Est étaient à la pointe des manifestations<br />

populaires en Allemagne de l’Est qui conduisirent à la chute du mur le 9 novembre. Notre mouvement<br />

pour une Europe démocratique, pacifique et unifiée obtenait une première victoire à laquelle nousmêmes<br />

ne croyions pas. Quelques mois plus tard, nous nous rencontrions tous à Prague où les<br />

dissidents avec lesquels nous étions en contact, même lorsqu’ils étaient emprisonnés, étaient devenus<br />

entre temps Président de la République et Ministre des affaires étrangères. Tu imagines à nouveau la<br />

joie et l'espoir d'un monde meilleur qui pouvaient nous animer !<br />

Quel bilan en tirer aujourd’hui ? Plusieurs pays de l’Europe de l’Est et de l’Ouest font partie<br />

désormais de l’Union Européenne. Les menaces d’une guerre généralisée en Europe sont écartées. Il<br />

est désormais possible de se déplacer les uns chez les autres. Mais le monde reste loin d’être idéal. Des<br />

dérives nationalistes créent de nouvelles barrières, des murs sont érigées pour séparer les nantis des<br />

affamés, des guerres se déroulent pour le partage des ressources naturelles qui se font de plus en plus<br />

rares. Plus que jamais une prise de conscience est nécessaire. Plus que jamais, le monde doit changer<br />

de base et pour faire avancer les choses il ne faut surtout pas penser que nous ne sommes rien, mais<br />

agir à notre modeste niveau. Croire en sa force d’ébranler le monde, même lorsque l’on n’est que<br />

quelques uns dans un appartement du Prenzlauer Berg à Berlin.<br />

Pierre-Alain Tschudi, enseignant et Conseiller municipal à Meyrin, est un membre fondateur de l’Association des Citoyens<br />

d’Helsinki (hCa) – association citoyenne active dans le dialogue Est-Ouest dans les années 1980 et 1990.


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1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 43<br />

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Fabienne Waldburger<br />

Et si le Mur de Berlin n’était jamais tombé<br />

C’est une question très délicate. Car il faut imaginer<br />

que l’un des événements les plus marquants du dernier<br />

siècle aux conséquences importantes – désagrégation<br />

du bloc Est/Ouest, fin de la guerre froide – n’ait pas eu<br />

lieu. Pourtant si on attribue une très grande importance<br />

à sa chute – ce que personne ne peut remettre en cause<br />

–, on doit aussi accepter que le non événement ait une<br />

importance similaire.<br />

Pour l’instant, l’événement se célèbre. Il est,<br />

heureusement, apparenté à quelque chose de positif. Du<br />

côté de Berlin-Est, pourtant, quelques voix<br />

désenchantées s’élèvent et dénoncent des conditions de<br />

vie moins bonnes qu’avant la réunification des deux<br />

Allemagnes. Un sondage publié en début d’année par le<br />

journal Berliner rapporte que lorsque le mur est tombé,<br />

71% des personnes interrogées en République<br />

démocratique allemande (RDA) estimaient que leur vie<br />

allait s'améliorer. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 39% à le penser. Un quart estime même que leur<br />

situation est pire.<br />

Imaginons, en prenant des libertés avec l’Histoire, ce qu’aurait pu être la vie de ces grincheux, si le<br />

Mur de Berlin n’était jamais tombé.<br />

Berlin 2030. Le mur sépare toujours les deux états allemands. Il zèbre de part en part Berlin.<br />

Cette frontière physique ne permet, ni à l’un, ni à l’autre des états, de s’agrandir. Le combat pour le<br />

m2 est plutôt aérien. Celui-ci est mené pour le prestige uniquement. Berlin-Ouest, toutefois, manque<br />

cruellement de moyens financiers pour le remporter. La ville est exsangue avec des finances dans le<br />

rouge. On n’y construit plus rien et on entretient à peine les bâtiments. Les crises financières<br />

profondes et à répétition des dernières années ont laissé des stigmates visibles. Jadis prospère, cet<br />

ancien carrefour économique est à bout de souffle, tout comme l’Europe du reste. L’élan de la<br />

croissance s’est brisé net depuis longtemps. Les nationalismes ont ressurgit et les actions politiques ne<br />

servent plus qu’à la radicalisation.<br />

La célèbre artère commerçante, le Kudam, essaye tant bien que mal de faire encore rêver ses habitants.<br />

Mais elle n’y parvient que difficilement. Le moral en berne, les gens n’ont plus l’envie de consommer.<br />

Cela serait trop vite oublier les dizaines de millions de gens laissés sur le carreau, sacrifiés aux aléas<br />

du système économique et qui enflent les statistiques d’un chômage endémique. Les passants<br />

détournent les yeux de cette vitrine du capitalisme, jadis louée et, à présent, honnie. Ils sont à la<br />

recherche d’autres repères, d’autres valeurs. Leur niveau de vie a chuté. Leurs idéaux aussi.<br />

Incrédules, ils voient une herbe plus verte pousser sous le pied de leurs voisins de l’Est.<br />

Car Berlin-Est continue ses constructions. Les autorités ont gagné la conquête du ciel. Celle-ci avait<br />

débuté pendant la guerre froide où la hauteur des gratte-ciel servait surtout à renforcer les contrôles<br />

pour empêcher les ressortissants de passer de l’autre côté du rideau de fer. Cela fait toutefois bien<br />

longtemps qu’ils ne surveillent plus le mur. A quoi bon ? Plus grand monde du côté de l’Est ne<br />

voudrait tenter l’aventure à l’Ouest. En fait monter sur les tours, reste une activité essentiellement<br />

dominicale. La sortie préférée des habitants de la RDA. Eux, qui se sont longtemps contentés des<br />

prébendes de l’Ouest, n’en finissent pas de prendre de la hauteur. Perchés sur leurs gratte-ciel, ils<br />

savourent un point de vue imaginable, il y a quelques années de cela.<br />

(suite page 45)


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 45<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Les Berlinois de l’Est ont eu de la chance. Le régime communiste les<br />

a prémuni des effets pervers de la mondialisation. Le monde entier a<br />

été entraîné dans une vaste crise financière qui a débuté en 2008 et<br />

dont les nations dites libres ne se sont pas encore totalement remises.<br />

Les pays de l’Est, plus désengagés des exportations et des jeux<br />

financiers, s’en sont nettement mieux sortis. La Chine est les nations<br />

arabes avec lesquels ils commercent n’ont guère été touchées, elles,<br />

non plus. La RDA peut capitaliser sur des ressources énergétiques à<br />

revendre. Un certain Sadam Hussein leur assure même leur<br />

apprivoisement en pétrole. Le potentat irakien n’a pas été renversé,<br />

grâce à la protection occulte qu’ont toujours exercée les Soviétiques.<br />

A l’Ouest, rien de nouveau avait prophétisé Erich Maria Remarque. Dans un tout autre contexte, 2030<br />

lui donne raison. La nouveauté se trouve dans les magasins de l’Est. Des étals riches présentent des<br />

produits qui proviennent des quatre coins de la planète. Les Berlinois de l’Est goûtent à cette<br />

abondance. Ils organisent plusieurs fêtes par année où ils convient leurs voisins de l’Ouest. Ils<br />

aimeraient bien être réunifiés. Un fort pourcentage de l’Est s’y oppose encore, craignant qu’ils ne<br />

doivent payer un prix trop de fort pour ce rapprochement. Prudemment, donc ils laissent les choses<br />

suivre leur cours.<br />

Ils portent un regard différent sur le mur. Jadis, ils auraient tout fait pour le dépiauter, le réduire en<br />

miette, l’anéantir. Il symbolisait le régime de terreur qui s’était arbitrairement abattu sur eux, les<br />

évasions avortées et les représailles. Aujourd’hui, leurs sentiments face au mur restent ambivalents. A<br />

la crainte initiale du symbole qu’il a incarné, se greffe un sentiment de reconnaissance. Les abords du<br />

mur ont beaucoup changé. Les quelques garde-frontières qui stationnent-là servent plus pour les poses<br />

photographiques réclamées par les touristes aux points de passages les plus célèbres qu’à la<br />

dissuasion. Quelques-uns, les plus âgés, se donnent encore la peine de revêtir des anciens uniformes<br />

datant de la guerre froide et jouent, à leur façon, aux bobbies Londoniens. Le mur est célébré au début<br />

de chaque saison touristique où musiciens, artistes le prennent d’assaut. Les amoureux s’y donnent<br />

rendez-vous et profitent de l’été pour l’investir.<br />

En s’approchant du mur, quelques détails éveillent l’attention. Les graffitis qui ornementaient sa partie<br />

libre sont entièrement délavés et ont presque disparu sous l’assaut répété du temps. Plus aucun artiste<br />

occidental ne se donne la peine d’apposer sa marque de ce côté du mur. Les gens de l’Ouest se<br />

contentent de le regarder lentement se désagréger. Certains pensent que les lézardes béantes qui le<br />

strient de part en part en viendront à bout naturellement. Paradoxalement, de l’autre côté, à l’Est, on<br />

continue d’assurer les travaux d’entretien du mur.<br />

Fabienne Waldburger est journaliste free-lance et spécialiste en communication.<br />

© Photographies noir/blanc de Tristan Siegmann


Prochainement à Genève<br />

Brigitte CLOT<br />

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1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 47<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Véronique Zbinden<br />

Die Mauer ist weg<br />

Au revoir Genève.<br />

Octobre 1989, la<br />

sentence des parents<br />

est sans appel. Un 2 en<br />

allemand à l’examen<br />

de la Maturité me<br />

vaudra un séjour<br />

linguistique en<br />

Allemagne. Je viens à<br />

peine de fêter mes 18<br />

ans…pourquoi pas…<br />

Avais-je vraiment le<br />

choix ? Pas<br />

vraiment…<br />

Bonjour Berlin.<br />

Le 1er novembre, ceinture attachée, je me retrouve dans l’avion, destination Berlin une grande ville<br />

dont je ne connais pas grand chose. Une cité entourée d’un mur où l’on sent dès l’arrivée à l’aéroport<br />

une ambiance spéciale. C’est la première fois que je sui confrontée aux fouilles des bagages et des<br />

habits dans de petites cabines exigües. Mais de quoi ont-ils peur ?<br />

Je suis accueillie par Sabine une vielle connaissance de la famille qui avait fait le chemin inverse des<br />

années auparavant pour apprendre le français chez un oncle. Elle m’amène chez la famille Pankau<br />

dans la banlieue de Berlin. J’avais beau avoir lu « Romeo und Julia auf dem Dorfe» et<br />

« Schachnovelle» impossible de communiquer avec eux pour leur expliquer ce que je mange pour le<br />

petit déjeuner. Premiers jours frustrants. Pour pallier à cette gêne de baragouiner l’allemand, je<br />

m’adapte en tenant de longs discours avec les enfants qui viennent dans la maison. En effet Madame<br />

Pankau tous les matins pousse les meubles du salon et accueille dix enfants d’âge préscolaire. Au<br />

moins avec eux je peux reprendre les bases, jouer à la marchande et ainsi revoir mon vocabulaire.<br />

Je découvre les alentours, les transports en commun, il me faut environ une heure de trajet tous les<br />

jours pour atteindre mon institut. Moi qui ai toujours habité à côté de mon école, je découvre les joies<br />

du métro… parfait… en deux mois je lis toute la saga du Seigneurs des Anneaux. Les cours me<br />

conviennent, le professeur est sympa, on est un petit groupe d’étrangers motivés à relever notre niveau<br />

d’allemand. Et parmi eux, pour mon plus grand bonheur, un français qui est à Berlin depuis quelques<br />

années et promet de me faire découvrir la ville. J’ai envie de voir le mur qui entoure toute cette partie<br />

de la vile, et pourquoi pas de faire une excursion à l’Est. On entend tellement d’avis sur ce que vive<br />

les habitants de l’Allemagne de l’Est. Leur quotidien est si différent de l’autre côté du mur que j’ai<br />

très envie d’aller voir de plus près et profiter au maximum de mon séjour. Plus étonnant parmi les<br />

étudiants il y a un jeune turc qui a envie de s’intégrer au mieux dans cette ville. Arrivé comme<br />

beaucoup avec sa famille pour travailler en Allemagne. Une réalité va vite se dévoiler à moi, dès les<br />

premiers jours, ce qui me frappe et me révolte c’est le racisme de habitants de Berlin. Sous des airs de<br />

« peace and love » puisque les allemands habitant Berlin sont exemptés de service militaire, la<br />

ségrégation est dure, très dure. Les sorties de classe se font sans notre ami turc car il est interdit<br />

d’entrée dans les bars.<br />

Je m’acclimate, je prends mes marques, je m’installe…<br />

(suite page 49)


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 49<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

La chute dur mur.<br />

Le 9 novembre, je me lève, je descends prendre mon petit déjeuner et voilà la famille Pankau scotchée à la radio<br />

toute euphorique et ils m’annoncent que le mur est tombé. Si la nouvelle est incompréhensible pour les habitants<br />

de Berlin ainsi que pour le monde entier…et bien moi j’étais complètement larguée ! Très envie donc ce matin<br />

d’aller en cours pour que le professeur nous explique un peu plus en détail sur ce qui c’est passé. Et là, partout<br />

dans les rues, les journaux en première page avec leur plus grande police d’écriture proclament :<br />

« Die Mauer ist weg !!!!! »<br />

et sur chaque visage un sourire avec un regard ahuri.<br />

Le professeur nous explique les derniers événements, le mur est tombé, pendant toute la nuit des gens l’ont cassé<br />

et les gens ont pu traverser. Personne ne sait exactement pourquoi cette nuit tout a basculé.<br />

Les cours finis, je retourne chez moi prendre mon appareil photo et décide d’aller voir ce mur que je n’avais pas<br />

encore vu. Mais où vais-je trouver le mur ? Je savais juste prendre le métro pour aller à l’école…bon je verrai<br />

bien. Dans le bus trois américains me demandent si je vais au mur avec mon appareil photo. A ma réponse<br />

positive ils me proposent de m’accompagner. Ces soldats américains seront paradoxalement durant ces mois mes<br />

meilleurs guides de Berlin. La base américaine est près de chez moi, une ville dans la ville. Tout y est : bars,<br />

cinémas, magasins…et tout se paye en dollars ! Le matin (très tôt le matin) je les entends chanter en courant<br />

dans le quartier. Ils sont aussi mal vu que les turcs, décidément cette ville n’est pas facile à vivre, son histoire est<br />

compliquée et l’ambiance s’en ressent. Ils ont de la peine à digérer la présence des armées étrangères sur leur<br />

territoire imposée après la deuxième guerre mondiale. En effet les armées de France de L’Angleterre et des<br />

Etats-Unis sont présentes dans la ville suite à la défaite de L’Allemagne.<br />

Nous voilà enfin au pied de ce mur… au cœur de l’Histoire, c’est la fête, les gens chantent et toujours ce sourire<br />

sur tous les visages.<br />

Les soldats de l’armée de l’Allemagne de l’Est sont déjà là. Les autorités veulent contrôler cette effervescence.<br />

Sur le mur tous les trois mètres un soldats est posté mais eux aussi sont souriants ils saluent tout le monde. Les<br />

badauds leur jettent des cigarettes et des cadeaux. Tout le monde est heureux d’être là. On fait des photos, on<br />

hume l’ambiance, on se dit qu’on a de la chance de voir ça et on se promet de revenir demain avec un marteau<br />

pour casser ce mur.<br />

Les jours suivants sont empreints d’une très forte émotion. Lors de mes trajets en métro je vois des familles se<br />

retrouver sur les quais, ils pleurent de joie et moi aussi. Certaines personnes ne s’étaient pas revues depuis 28<br />

ans ! Même les inconnus se serrent dans les bras. La ville est vite envahie par les allemands de l’Est. Ils<br />

viennent avec leurs voitures les Trabants, et en quelques jours la cote d’alerte de pollution est atteinte. Les<br />

enfants et les personnes âgées sont priés de rester chez eux. Mais la population envahi toujours les rues malgré le<br />

froid, les queues interminables aux banques (chaque personne de l’Est recevait une somme à leur arrivée) et dans<br />

les magasins. Ils voulaient tous achetés les denrées si rares de l’autre côté du mur. A mon grand étonnement ils<br />

achètent des bananes. Aliments trop rares à l’Est, un exotisme inconcevable pour un pays dépendant de la<br />

Russie. La frontière est bondée, des heures pour la traverser. Je ne verrai donc jamais l’Est !<br />

On est retourné au mur, on l’a cassé et garder plein de morceaux en souvenir. Et on blêmi en voyant les plaques<br />

commémoratives des personnes tuées quelques mois auparavant en tentant de traverser clandestinement la<br />

frontière. Des milliers de personnes avaient essayé de la passer pour retrouver la famille restée de l’autre côté.<br />

Ma petite histoire a rencontré la grande Histoire… quelle inoubliable expérience !<br />

© Photographie de l’auteur<br />

Véronique Zbinden travaille aux Hôpitaux Universitaires de Genève en tant qu’assistante sociale en chirurgie ainsi<br />

qu’entant qu’artiste peintre dans son atelier Entrepôt 23. Elle est également vice-présidente de l'association bacAtrois –<br />

une association à but non lucratif qui a pour but de promouvoir la diffusion de toutes créations visuelles artistiques, ainsi<br />

que la rencontre et la coopération entre les artistes. Cette association qui crée les événements "prochain arrêt" pour les<br />

artistes (http://www.prochainarret.com).


Deyana Rakita<br />

Rue Emile-Yung 1 – 1205 Genève<br />

Tél. & fax : 022 786 53 69<br />

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1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 51<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Dominique Dolmieu<br />

Lettre à un élève<br />

En 1989 je travaillais comme régisseur dans un théâtre parisien. C’était<br />

un travail assez technique, qui ne laissait pas beaucoup de place à la<br />

création. J’avais donc envie de travailler davantage de ce côté-là. Comme<br />

il me restait encore quelques facilités d’écriture, et que mon statut<br />

d’intermittent du spectacle me permettait un peu de temps libre, j’ai<br />

décidé de tenter l’écriture d’une œuvre dramatique. J’ai toujours été<br />

sensible aux nouvelles technologies et aux utopies de l’avenir. Et c’est<br />

donc assez naturellement que j’ai demandé les droits d’adaptation de<br />

Brave new world de Aldous Huxley. Si tu connais ce roman, écrit en<br />

1932, tu sais peut-être aussi qu’il est inspiré de Nous autres de Eugène<br />

Zamiatine, un écrivain russe poursuivi par le NKVD (services secrets<br />

soviétiques) et mort d’angoisse à Paris dans les mêmes années. Tu<br />

connais aussi sûrement 1984, version plus tardive et plus violente, écrit<br />

par Georges Orwell, un ancien élève de Huxley.<br />

Une fois le texte écrit, je cherche un metteur en scène pour le monter.<br />

Peine perdue, je ne trouve pas ce qui me convient, et mes amis me conseillent de faire ça moi-même.<br />

En France, on fête le bicentenaire de la révolution française. Et puis voilà, patatras, le mur qui<br />

s’écroule. J’ai 23 ans à cette époque, et si bien sûr l’évènement m’intéresse en lui-même, je suis loin<br />

de mesurer l’impact qu’il aura sur le monde entier et moi-même. Quelques amis font le déplacement à<br />

Berlin, ramènent des morceaux de mur en souvenir.<br />

En 1991, je parviens à me faire admettre à la seule école de mise en scène qui existait alors en France,<br />

celle de Pierre Debauche. Il y a un projet de fin d’études à monter. Je veux garder le Huxley pour plus<br />

tard, pour un cadre plus accessible que l’école, mais je veux en profiter pour travailler sur un sujet<br />

comparable. Huxley parle beaucoup des sociétés totalitaires, celle de Staline en l’occurrence. A l’Est<br />

de l’Europe, les révolutions et les indépendances s’enchainent. L’Albanie fait parler d’elle en avril<br />

avec la prise des ambassades à Tirana et un exode massif vers ton pays. Mais, oui, l’Albanie est un des<br />

derniers pays communistes européens dont le régime est encore en place. Je me renseigne, je découvre<br />

quelques artistes et notamment le peintre Omer Kaleshi, pour moi un immense maître de la peinture et<br />

un saint homme. A l’ambassade, on me dit : « n’y allez pas, il n’y a rien ». Il fallait encore un visa à<br />

l’époque, je tends donc mon passeport. Evidemment.<br />

Et me voilà parti pour le pays des aigles, ou un collègue metteur en scène va m’accueillir et me piloter.<br />

Une semaine à peine après les émeutes contre la faim à Shkodra, qui ont fait une trentaine de morts,<br />

avec ma valise pleine de vivres. On ne peut pas trop sortir de la ville ni sortir le soir. De temps à autre,<br />

on entend une rafale de kalachnikov, un jeune soldat un peu nerveux. Les quelques rares voitures –<br />

celles-ci sont encore interdites, considérées comme un moyen de transport bourgeois – sont<br />

mouchetées d’impacts de balles. Je rencontre notamment Kasëm Trebeshina, le principal dissident<br />

albanais, et le peintre Edi Rama, devenu depuis maire de Tirana, et qui sera vraisemblablement le<br />

prochain président de la république. Edi est le seul à ne pas rire d’angoisse ou trembler comme une<br />

feuille dès qu’on prononce le nom de Kasëm. Kasëm a fait trois ans de prison sous les fascistes italiens<br />

qui occupaient le pays pendant la seconde guerre mondiale. Puis 17 ans de camps de travail, hôpitaux<br />

psychiatriques, etc., sous la dictature communiste albanaise. Sa Lettre à Enver Hoxha est restée<br />

célèbre dans le pays. C’est décidé, je monterai sa comédie tragique L’Histoire de ceux qui ne sont<br />

plus. Ce sera le début de longues aventures, qui perdurent jusqu’à maintenant, avec tant de projets de<br />

traduction, édition, créations… et la fondation de la Maison d’Europe et d’Orient.<br />

(suite page 53)


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1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 53<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

En 2001, le projet des « Petits/Petits en Europe orientale », a emmené une cinquantaine d’artistes<br />

d’une vingtaine de pays différents à travers le Caucase, les Balkans et l’Europe occidentale, en<br />

autobus, pour des spectacles de 7 minutes à jouer sur une scène de 1,07 mètres carrés. Il y avait même<br />

une équipe italienne, de Trieste, et ils étaient formidables.<br />

Cette année,<br />

nous voulions<br />

organiser deux<br />

manifestations<br />

d’importance<br />

pour le 20 ème<br />

anniversaire de<br />

la chute du mur<br />

de Berlin.<br />

« Dans ta<br />

gueule », une<br />

conférence<br />

internationale sur les nouvelles écritures théâtrales, nées après 1989 ; et « Au pied du mur », une<br />

nouvelle aventure itinérante qui devait nous emmener dans les endroits les plus divisés, les plus<br />

difficiles d’accès dans l’Europe de 2009 : Prishtina, Mostar, Skopje, Nicosie, Diyarbakir, Tbilissi,<br />

Simferopol, Tiraspol, Berlin, Bruxelles et Paris. Ebranler le mur de Schengen. Malheureusement, nos<br />

tutelles financières n’ont pas voulu nous suivre sur ces projets. Tout ce qu’ils peuvent faire pour nous,<br />

c’est nous donner juste assez d’argent pour qu’on ne proteste pas trop fort. La droite méprise la<br />

culture, et la gauche n’aime pas qu’on lui rappelle que l’idéologie qu’elle défend a mené la moitié de<br />

l’Europe à des dictatures de plusieurs décennies. Pour Sarkozy la culture n’est pas rentable, elle doit<br />

donc être éliminée. Mais cet individu est d’une inculture terrifiante. Les autres prennent la crise pour<br />

excuse, genre « désolé, ça va pas être possible ». Ils se disent de gauche mais pense qu’une bonne<br />

opération de prestige est préférable à des actions de sensibilisation en profondeur. D’autres encore ont<br />

de bons conseils à donner, mais n’ont aucun pouvoir… Ces deux projets ont donc dû, à notre grand<br />

regret, être annulés. Mais rassurons tout le monde, les cocktails mondains dans les ambassades et les<br />

ministères seront maintenus.<br />

Dominique Dolmieu est le Directeur artistique delà Maison d’Europe et d’Orient à Paris.


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 55<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Jacques Rupnik<br />

Le populisme post-communiste<br />

L’effondrement du communisme en Europe centrale et en Europe de l’Est il y a 15 ans a apporté des<br />

améliorations considérables en termes de démocratie. Mais en 2006, après plus d’une décennie<br />

d’efforts pour être reconnu par l’Occident, le vide moral et politique laissé par le communisme<br />

apparaît au grand jour. Est-il possible de trouver un nouvel équilibre entre la culture démocratique et<br />

les courants sous-jacents liés à l’Histoire politique et à la culture de la région ?<br />

En Pologne par exemple, le mélange dominant de catholicisme et de nationalisme a rendu la société<br />

particulièrement résistante au communisme (de manière évidente en comparaison avec culture<br />

égalitaire et socio-démocratique de Tchécoslovaquie avant la guerre). Mais ces anticorps<br />

anticommunistes se sont également retournés contre l’acceptation universelle de la démocratie libérale<br />

par les Polonais.<br />

Les populistes de droite en Pologne et ceux de gauche en Slovaquie sont maintenant alliés à des partis<br />

nationalistes extrémistes pour gouverner. En Hongrie, le principal parti d’opposition, le Fidesz,<br />

organise des manifestations en face du Parlement pour obtenir la démission du gouvernement, bien<br />

qu’il ait remporté un vote de confiance. En République tchèque, un gouvernement minoritaire de<br />

droite n’a pas obtenu la confiance du Parlement après six mois de dispute. L’entrée de la Bulgarie<br />

dans l’Union européenne a été marquée par une course à la présidence entre un ancien communiste (le<br />

vainqueur qui prétend aimer l’UE) et un proto-fasciste (qui dit détester les Turcs, les Tziganes et les<br />

juifs).<br />

L’instabilité politique et le comportement imprévisible des dirigeants élus est une caractéristique de<br />

toute la région. Encore plus inquiétante est l’érosion de la confiance dans les institutions<br />

démocratiques. Selon un récent sondage de Gallup International, les citoyens d'Europe centrale et<br />

d’Europe de l’Est sont extrêmement sceptiques à l’égard de la démocratie, qui n’obtient la confiance<br />

que d’un tiers des personnes interrogées. A l’opposé de la majorité des citoyens d’Europe occidentale,<br />

ils estiment que leurs élections ne sont pas libres et équitables. Lorsqu’on leur a demandé Estimezvous<br />

que votre voix a de l'importance ?, seuls 22% d’entre eux ont répondu affirmativement.<br />

Aujourd’hui, la démocratie est sans rival, mais elle a de moins en moins de soutien.<br />

Les mouvements populistes récoltent les fruits de ce mélange d’ambivalence et de mécontentement.<br />

Ils ne sont pas antidémocratiques, ils se disent la voix du peuple et réclament constamment de<br />

nouvelles élections ou un référendum. Mais ils sont antilibéraux, ils acceptent l’exigence de légitimité<br />

populaire mais ils rejettent l’exigence de constitutionnalisme (la séparation des pouvoirs). Selon eux,<br />

les valeurs et les légitimes protestations populaires doivent l’emporter sur les normes<br />

constitutionnelles et la démocratie représentative.<br />

En Pologne, la politique des valeurs se fonde sur l’idée qu’un ordre moral fondé sur la religion prime<br />

sur les libertés garanties par le libéralisme permissif dans des domaines tels que l'avortement, le droit<br />

des gays ou la peine de mort. En Slovaquie, la réaction antilibérale s'applique aussi au traitement des<br />

minorités nationales. Bien qu’il n'y ait pas eu jusqu’ici de changement significatif sur le terrain, la<br />

légitimation de la xénophobie est une caractéristique essentielle de l’attaque contre le libéralisme<br />

politique : Jan Slota, le dirigeant du Parti national slovaque, a déclaré qu’il enviait les Tchèques pour<br />

avoir expulsé les Allemands à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale et il accuse régulièrement la<br />

minorité hongroise d'oppresser la majorité. On assiste partout à une forte polarisation, héritage de la<br />

culture politique comme ennemi à abattre.<br />

Après 15 ans d’économie de marché, à Varsovie, à Bratislava et à Budapest, les libéraux veulent un<br />

retour de l’Etat. Et puisque même les partis socialistes ont poussé au libéralisme économique, il n’est<br />

pas surprenant que l’extrême-droite ait kidnappé la question sociale avec un arrière-fond nationaliste<br />

et protectionniste.<br />

(suite page 56)


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 56<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Les populistes remettent en question le consensus en faveur de l’économie de marché qui unit les élites prooccidentales<br />

de la région depuis 1990. Leur défi prend deux formes : la dénonciation de la corruption et la<br />

décommunisation.<br />

En Pologne, les deux se combinent en une dénonciation du péché originel le compromis de 1989 entre les élites<br />

dissidentes modérées et les élites communistes modérées qui a permis une sortie en douceur du communisme,<br />

mais aurait laissé les anciens communistes s'emparer du pouvoir économique en remplacement de leur pouvoir<br />

politique. D’où la nécessité d’une attaque sur deux fronts: la lutte contre la corruption et la décommunisation<br />

C'est un leitmotiv du Fiedesz en Hongrie et dans une certaine mesure Parti démocratique civique de droite<br />

maintenant au pouvoir à Prague.<br />

Les populistes attaquent l’UE en tant que projet imposé par une élite, tandis que les coalitions pro-européennes<br />

s’essoufflent, voire éclatent, depuis l'accession à l'UE en 2004. Il est significatif que les Premiers ministres<br />

polonais, tchèques et hongrois aient démissionné seulement quelques jours ou quelques semaines après avoir<br />

accompli leur tâche historique du retour à l’Europe.<br />

Les populo-nationalistes se présentent comme les seuls défenseurs de l’identité et de la souveraineté nationale<br />

contre les menaces extérieures, ainsi que le Premier ministre polonais Jaroslaw Kaczynski l’a formulé. Ils sont<br />

partisans d’une Europe chrétienne constituée d’Etats-nations souverains qui s’oppose au modèle existant,<br />

considéré comme matérialiste, décadent, permissif et supranational.<br />

L’UE peut sans doute apprendre à vivre avec eux, car elle n'a pas le choix. En fait le populisme fonctionne<br />

suivant un cycle. Les populistes arrivent au pouvoir en promettant de nettoyer la maison, mais une fois installés,<br />

ils risquent d'être identifiés aux pratiques qu'ils ont dénoncées ; ils retombent dans le clientélisme et profitent de<br />

la mainmise des partis au pouvoir sur l’Etat (ainsi qu'on le voit actuellement en Pologne), plutôt que de se<br />

radicaliser.<br />

Beaucoup d’observateurs estiment que le consensus pro-européen de la dernière décennie a vidé la politique de<br />

toute substance et a contribué à la réaction populiste à laquelle nous assistons aujourd’hui.<br />

Mais l’UE peut contenir le populisme. Les populo-nationalistes ont rejoint (et quitté) des coalitions<br />

gouvernementales en Autriche, en Italie, en Hollande et au Danemark. Et si le populo-nationalisme est un<br />

phénomène transeuropéen, contrairement à ce qui s’est passé dans les années 1930, il ne se pose pas en<br />

alternative à la démocratie.<br />

© Project Syndicate, 2006<br />

Jacques Rupnik est directeur de recherches au Centre d’Etudes<br />

et de Recherches Internationales (CERI) à Paris et professeur<br />

invité au Collège d’Europe à Bruges.


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 57<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Jan Skorzynski<br />

Vingt ans après Varsovie<br />

Varsovie – « La Pologne – dix ans, la Hongrie – dix mois, l’Allemagne de l’Est – dix semaines, la<br />

Tchécoslovaquie – dix jours ». En novembre 1989, cette formule était sans cesse répétée à Prague,<br />

reflétant la fierté et la joie engendrées par la Révolution de velours, mais aussi les efforts prolongés<br />

qu’il avait fallu faire pour mettre fin au communisme, dont l’agonie avait commencé à Varsovie en<br />

février de l’année précédente.<br />

En fait, le début de l’effondrement du communisme avait débuté dix ans plus tôt en Pologne, lors du<br />

premier pèlerinage du pape Jean-Paul II dans son pays natal, une visite qui devait ébranler les<br />

fondations mêmes du communisme. Dans l’année qui suivit, les ouvriers polonais se mettaient en<br />

grève pour obtenir le droit de former des syndicats indépendants, occupant les usines pour des<br />

périodes de quinze jours pour faire aboutir leurs revendications. Karl Marx aurait sans doute été fier<br />

d’eux, mais c’est le portrait du pape qui était accroché à la grille du chantier naval Lénine de Gdansk<br />

pendant la grève.<br />

Le syndicat Solidarnosc (Solidarité), né en 1980, entama le monopole du parti communiste sur le<br />

pouvoir. Il unifia dix millions de personnes : travailleurs et professeurs, paysans et étudiants, prêtres et<br />

libres-penseurs – tous membres de la société civile. Cette ébauche de démocratie fut brutalement<br />

suspendue avec l’instauration de la loi martiale en décembre 1981, avec la mise au ban de Solidarnosc<br />

et l’arrestation de dissidents. Mais cette répression totalitaire ne pouvait durer. La démocratie n’était<br />

pas morte, elle était juste devenue clandestine.<br />

Pendant les sept années qui suivirent, Solidarnosc se battit pour être à nouveau un mouvement légal,<br />

en organisant le réseau clandestin de résistance le plus important que l’Europe ait connu depuis la<br />

Seconde guerre mondiale. Mais cette résistance-ci était non-violente. Son arme principale était le<br />

langage de la liberté. Vers le milieu des années 1980, on comptait près de 1000 journaux indépendants<br />

et non censurés en Pologne. Ils couvraient tout un éventail de sujets, sous diverses formes – des tracts<br />

et bulletins des usines aux magazines intellectuels. Des centaines de livres interdits par les censeurs<br />

communistes (comme Le Tambour de Günther Grass) furent enfin publiés ouvertement.<br />

Emprisonné, le dirigeant de Solidarnosc, Lech Walesa, ne renonça pas au combat et su préserver<br />

l’estime de la population. En raison du déclin marqué de l’économie, les dirigeants polonais<br />

commencèrent à envisager de stabiliser le système politique et de rétablir les relations avec l’Occident.<br />

En 1986, le gouvernement relâcha les prisonniers politiques – ce qui était une condition préalable de<br />

l’opposition à l’ouverture de discussions. Mais il fallut encore deux ans aux communistes pour<br />

réaliser qu’ils ne pourraient pas mettre en œuvre de réformes économiques sans l’aval de Solidarnosc.<br />

C’est ainsi que débutèrent les négociations. La simple raison pour laquelle elles purent avoir lieu tient<br />

au fait que l’objectif de l’opposition n’était pas de renverser le régime par la force. L’idée de<br />

Solidarnosc était au contraire d’atteindre ses objectifs démocratiques par le biais d’un compromis avec<br />

les autorités.<br />

Walesa et ses principaux conseillers – Bronislaw Geremek et Tadeusz Mazowiecki – appuyèrent cette<br />

ligne politique modérée, en demandant la libéralisation tout en reconnaissant la réalité de la<br />

domination soviétique.<br />

En 1988, deux mouvements de grève obligèrent le gouvernement du général Jaruzelski à négocier<br />

avec Solidarnosc qui, après quelques mois de louvoiement, sera légalisé. Les discussions de la<br />

fameuse « Table ronde », destinées à modifier le système politique existant, pouvaient commencer.<br />

Les tractations se poursuivirent de février à avril 1989. Les principaux points de discussion furent la<br />

légalisation de l’opposition, la tenue d’élections partiellement libres et la création du poste de<br />

président pour remplacer celui de secrétaire du parti communiste.<br />

(suite page 58)


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 58<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Solidarnosc s’engagea à concéder une majorité parlementaire aux communistes. Alors que les élections au Sénat<br />

nouvellement créé seraient libres, l’opposition ne pouvaient présenter de candidats qu’à un tiers seulement des<br />

sièges de la Diète.<br />

Mais le point fondamental est que le monopole du parti sur le pouvoir avait été entamé. Solidarnosc saisit<br />

l’occasion pour créer des médias indépendants et une organisation politique sur des bases populaires. Enfin, le<br />

régime communiste accepta que les élections devant avoir lieu quatre ans plus tard seraient entièrement libres.<br />

La voie était libre pour la démocratie.<br />

Mais la chute du régime totalitaire se produisit plus rapidement que prévu. En juin 1989, l’opposition remporta<br />

une victoire écrasante lors des élections législatives et il devint impossible de former un gouvernement sans sa<br />

participation. Bien qu’il fût élu président, Jaruzelski du accepter la nouvelle répartition du pouvoir. La<br />

manœuvre politique décisive – la formation d’une coalition avec les alliés des communistes – fut menée à bien<br />

par Lech Walesa. Un représentant de Solidarnosc, Tadeusz Mazowiecki, devint Premier ministre.<br />

En septembre 1989, la Pologne était le premier pays du bloc soviétique à avoir un gouvernement constitué par<br />

des partis démocratiques. C’était une révolution, mais différente : le système politique avait été transformé mais<br />

sans effusion de sang, essentiellement grâce à la politique prudente de Solidarnosc.<br />

Mais ce furent les activités civiques – mouvements de résistance, grèves et autres manifestations de soutien – qui<br />

donnèrent du poids au syndicat. Michael Gorbatchev joua aussi un rôle important. Sa politique de nonintervention<br />

en Europe de l’Est signifia qu’il n’y eut pas de chars soviétiques pour supprimer les avancées<br />

démocratiques, comme ce fut le cas lors du Printemps de Prague.<br />

Les communistes polonais n’avaient aucune intention de mettre en place une démocratie : leur projet était<br />

d’absorber les groupes d’opposition modérés au sein d’un système politique légèrement modifié.<br />

Donner le pouvoir à Solidarnosc était bien la dernière chose qu’ils souhaitaient. Et pourtant le compromis de la<br />

Table Ronde s’est révélé leur être également favorable, donnant l’occasion à des « réformateurs » communistes<br />

de bâtir de nouvelles carrières politiques ou de se lancer dans les affaires (l’un d’entre eux, Aleksander<br />

Kwasniewski, devint le second président démocratiquement élu de la Pologne).<br />

La Table Ronde donna également aux communistes un sentiment de sécurité relatif qui atténua leur crainte d’un<br />

changement démocratique. Ils n’allaient pas être pendus le lendemain. Cette évolution fut observée de près et<br />

prise en exemple par les pays voisins de la Pologne appartenant au bloc soviétique.<br />

En l’espace de quelques mois, des négociations entre les régimes communistes et leurs opposants démocrates<br />

(souvent sous la forme de table ronde) ouvrirent la voie à des élections libres et à de nouveaux gouvernements<br />

démocratiques à Budapest, Prague, Berlin-Est et Sofia.<br />

À la fin 1989, l’Europe de l’après-<br />

Yalta était libre. Depuis lors, le<br />

symbole de la grande révolution<br />

de 1989 a été la chute du Mur de<br />

Berlin. Mais le rideau de fer avait<br />

commencé à être démantelé lors<br />

des débats de la Table Ronde 20<br />

ans auparavant à Varsovie.<br />

© Project Syndicate, 2009<br />

Jan Skorzynski, ancien rédacteur en chef adjoint de Rzeczpospolita, est l’auteur de plusieurs ouvrages sur<br />

l’histoire de l’opposition démocratique polonaise au communisme et sur le mouvement Solidarnosc.


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 59<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Michael Meyer<br />

Et le mur s’est écroulé<br />

Voici un quiz pour les amateurs d’Histoire : il y a 20 ans, l'année 1989 a été une année fatidique<br />

marquée par trois événements qui ont tous eu lieu le 4 juin. Quel est celui dont vous vous souvenez le<br />

mieux et lequel a été le plus lourd de conséquence pour la planète ?<br />

a) La répression sanglante de la place Tiananmen<br />

b) La mort de l'ayatollah Khomeini en Iran<br />

c) Les élections en Pologne<br />

Peu nombreux sont ceux qui répondent c). Car les événements de Pékin et le décès de Khomeini qui a<br />

défrayé la chronique on éclipsé la victoire du fameux syndicat d'opposition Solidarnosc lors de la<br />

première élection libre en Europe de l’Est depuis 1946. Pourtant, rien n'a contribué davantage à<br />

l'effondrement du communisme en Europe – et par conséquent à la refondation de l'ordre international<br />

d'après-guerre.<br />

Il y aura au cours des prochains mois toutes sortes de commémoration de la fin du communisme,<br />

notamment l'anniversaire de la chute du mur de Berlin en novembre 1989. Pour beaucoup de gens<br />

c’était une heure de gloire, emblématique de la victoire de l’Occident à l'issue de la Guerre froide, une<br />

victoire venue dont on ne sait où. Mais à avoir assisté à l’effondrement du bloc de l’Est depuis le<br />

début, on se rend compte que le processus a été long et complexe.<br />

L’élection en Pologne a été un point de non-retour, le moment où le mouvement en faveur du<br />

changement est devenu irréversible. Il avait acquis de la force après un été de grèves, lorsque le<br />

responsable communiste à la tête de la Pologne, le général Jaruzelski, a estimé que les problèmes<br />

économiques du pays étaient trop graves pour qu’il y fasse front tout seul. Pourquoi ne pas faire appel<br />

à l’opposition polonaise, s’est-il dit – si ce n'est pour trouver une solution – au moins pour lui faire<br />

partager la responsabilité de la situation ?<br />

Après six mois de marchandage, il a conclu un accord historique : il y aurait des élections législatives<br />

libres et équitables et Solidarnosc pourra y participer. Les dirigeants communistes (pas plus que<br />

Solidarnosc) n’ont envisagé un seul instant qu’ils pourraient perdre. Même dans leurs cauchemars les<br />

plus noirs, ils n’imaginaient pas qu’ils allaient être chassés du pouvoir. Pourtant, c’est ce qui est<br />

arrivé.<br />

Rétrospectivement, il est étonnant qu’il y ait pu avoir des doutes. Solidarnosc a fait sa campagne au<br />

culot. Une affiche célèbre détournée pour l’occasion, celle d’un grand classique du western, Le train<br />

sifflera trois fois, a connu un grand succès : on y voit un Gary Cooper un bulletin de vote à la main à<br />

la place d’un revolver, jouant le rôle du shérif [l’affiche est reproduite sur la page suivante]. Le 4 juin,<br />

fut le jour du jugement dernier. En ce dimanche matin lumineux, alors que le printemps allait donner<br />

naissance à l’été, les électeurs ont expédié les communistes polonais à l’abattoir.<br />

Pour leur dernier jour au pouvoir, les communistes polonais ont usé d’une ultime perversité qui s’est<br />

transformée en une auto-humiliation involontaire. Ils ont conçu un système électoral dans lequel les<br />

Polonais, au lieu de sélectionner les candidats de leur choix, devaient barrer les noms de ceux dont ils<br />

ne voulaient pas – autant dire tous les communistes qui figuraient sur les bulletins de vote.<br />

(suite page 60)


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 60<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Partout où l’on regardait, les gens se<br />

débarrassaient des autocrates détestés. Cela a<br />

été enfin le soulèvement populaire que la<br />

Pologne attendait de longue date, la revanche<br />

sur décembre 1980, lorsque Jaruzelski a<br />

décrété la loi martiale, interdit Solidarnosc et<br />

jeté ses dirigeants en prison. La révolution<br />

par le stylo ! Manié avec style, le stylo qui<br />

finit par l'emporter sur le sabre, devient<br />

l'arme d'une glorieuse vengeance. Certains<br />

électeurs déchiraient carrément leur bulletin,<br />

décapitant ainsi l’ancien régime d'un coup de<br />

main efficace. D’autres savouraient le<br />

moment, peut-être tiraient-ils sur une<br />

cigarette tout en barrant des noms sur les<br />

bulletins. « Celui-là, il a mis en prison mon<br />

cousin », Pfft!, « Tiens, cet apparatchik c'est<br />

enrichi sur notre pénurie », Pfft ! Pfft !<br />

Par contre, la campagne des communistes est<br />

passée presque inaperçue. Dans tout<br />

Varsovie, seuls deux candidats<br />

gouvernementaux ont pris la peine de mettre<br />

des affiches. La plupart comptaient sur le<br />

monopole dont ils disposaient dans les<br />

médias pour faire passer leur message :<br />

« Votez Lezek, un bon communiste ».<br />

On peut dire à son crédit que le régime a<br />

reconnu sa défaite avec une grâce remarquable. Le lendemain des élections, à trois heures de l'aprèsmidi,<br />

Jaruzelski a rassemblé les principaux responsables du parti pour leur déclarer : « Notre défaite<br />

est totale, il faut trouver une solution politique ». Il signifiait ainsi qu’il ne voulait ni violence ni<br />

trucage, les communistes auraient à vivre avec le résultat du scrutin.<br />

Vingt ans plus tard, je suis encore perplexe. Ceux d’entre nous qui couvrions l’Europe de l’Est savions<br />

que Solidarnosc allait gagner. Nous savions aussi que cette victoire pacifique serait un exemple pour<br />

le reste du bloc de l’Est. Le scrutin en Pologne a été extrêmement encourageant pour les<br />

anticommunistes partout dans le monde. Grâce à la Pologne, ce qui quelques jours auparavant<br />

semblait impossible devenait soudain réalisable.<br />

Il y a eu d'autres signes. En mai, les réformateurs hongrois ont commencé à abattre les grilles érigées<br />

sur la frontière avec l’Autriche – un trou dans le rideau de fer. A Moscou, Mikhail Gorbachev parlait<br />

d'une « Maison européenne commune » et rejetait la doctrine interventionniste de Brejnev. Pourtant<br />

quand le mur est tombé les dirigeants politiques et les experts l’ont reconnu unanimement : « Nous<br />

n’avons rien vu venir ». La Guerre froide a duré si longtemps que tout changement semblait<br />

impossible – jusqu'au jour où la liberté a éclaté.<br />

© Project Syndicate, 2009<br />

En 1989 Michael Meyer était responsable du bureau de Newsweek pour l'Allemagne et l'Europe<br />

de l'Est. Il est l’auteur d'un livre à paraître : The Year That Changed the World [L’année qui a<br />

changé le monde].


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 61<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Serguei Karaganov<br />

La guerre froide inachevée<br />

MOSCOU – Novembre prochain marquera le vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin.<br />

Pourtant, la fin de la confrontation en Europe pourrait n’être que temporaire. Un an après la guerre de<br />

l’été dernier en Géorgie, les vieilles divisions semblent ressurgir sous une forme différente. Même si<br />

l’on a déclaré que la guerre froide en Europe était finie, la vérité, c’est qu’elle ne s’est jamais<br />

réellement terminée.<br />

Quand l’Union soviétique s’est retirée d’Europe centrale et orientale, nous, Russes, avons cru que<br />

l’OTAN ne serait pas étendue aux pays et territoires desquels nous nous étions retirés. Nos espoirs<br />

reposaient dans l’unification avec l’Europe, « foyer européen commun », et la création d’une Europe<br />

« unie et libre ». Nos espoirs n’étaient pas nés d’un aveuglement naïf. Après tout, les dirigeants<br />

allemands et américains avaient promis à Mikhaïl Gorbatchev que l’OTAN ne s’élargirait pas vers<br />

l’Est.<br />

Dans un premier temps, après avoir vaincu le communisme, les Russes se considéraient comme des<br />

vainqueurs. Mais après plusieurs années d’euphorie, l’Occident commença à agir de plus en plus en<br />

triomphateur de la guerre froide. Dès lors que la « menace militaire » potentielle de l’Union soviétique<br />

s’évanouit, les vagues successives d’élargissement de l’OTAN n’avaient plus d’objectif militaire ni<br />

idéologique.<br />

La logique occidentale d’élargissement était géopolitique : il s’agissait de faire entrer les anciennes<br />

républiques soviétiques et les Etats socialistes d’Europe centrale et orientale dans la sphère d’influence<br />

politique et économique de l’Occident. On a tout d’abord déclaré que les nouveaux membres de<br />

l’OTAN remplissaient les critères démocratiques et militaires ; plus tard, ces critères furent<br />

abandonnés lorsque l’OTAN se mit à inviter les Etats les plus arriérés et corrompus à la rejoindre.<br />

Qui plus est, l’OTAN a élargi sa composition mais est aussi passée d’une alliance défensive<br />

anticommuniste à un groupement offensif (menant des opérations en Yougoslavie, en Irak et en<br />

Afghanistan). L’expansion de l’OTAN vers les frontières russes et l’adhésion de pays dont les élites<br />

souffrent de complexes historiques vis-à-vis de cette dernière ont exacerbé un sentiment antirusse au<br />

sein de l’alliance. De nombreux Russes voient désormais l’OTAN, malgré tous ses efforts pour<br />

redorer son image, comme une organisation bien plus hostile qu’il ne leur semblait durant les années<br />

90, voire avant.<br />

Par ailleurs, l’élargissement même de l’OTAN signifie que l’Europe n’est toujours pas sortie de la<br />

guerre froide. Si aucun traité de paix n’y a mis fin, c’est qu’elle n’est pas finie. La confrontation<br />

idéologique et militaire de cette période a beau être loin derrière nous, elle est remplacée par une<br />

nouvelle épreuve de force – entre la Russie, d’une part, et les Etats-Unis et certains des « nouveaux<br />

Européens », d’autre part.<br />

J’ai espoir que lorsque les historiens repenseront à l’attaque de la Géorgie contre l’Ossétie du Sud l’été<br />

dernier, il leur semblera que les Ossètes, les Russes et les Géorgiens victimes de cette guerre ne sont<br />

pas morts pour rien. Les troupes russes ont écrasé l’armée géorgienne sur le terrain et ont aussi porté<br />

un coup violent à la logique de l’expansion future de l’OTAN qui, si elle n’avait pas été freinée, aurait<br />

inéluctablement incité à une guerre majeure au cœur de l’Europe.<br />

(suite page 62)


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 62<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Pour l’heure, tout est encore possible. Les Etats-Unis n’ont pas réussi à provoquer quelque nouvelle<br />

forme de guerre froide après l’épisode de l’Ossétie du Sud, notamment en raison de la crise<br />

économique et financière mondiale.<br />

J’espère que cette crise économique et la présidence de Barack Obama replaceront l’idée saugrenue<br />

d’une nouvelle guerre froide dans son contexte. La grande Europe, dans laquelle j’inclus non<br />

seulement la Russie mais aussi les Etats-Unis, a besoin d’un nouveau traité de paix ou plutôt d’un<br />

système d’accords qui tire un trait sur l’horrible vingtième siècle européen, et permet ainsi d’empêcher<br />

une rechute historique.<br />

Ce dont nous avons besoin, c’est d’un nouveau traité paneuropéen de sécurité collective, signé soit par<br />

des pays individuels, soit par l’OTAN et l’Union européenne ainsi que par la Russie et la<br />

Communauté des Etats indépendants. Les pays qui ne font partie d’aucun système existant de sécurité<br />

pourront signer le traité et recevoir des garanties multilatérales. L’élargissement de l’OTAN serait de<br />

fait gelé.<br />

En gardant le démembrement de l’Union soviétique et de la Yougoslavie à l’esprit, nous devons<br />

chercher à empêcher toute nouvelle fragmentation d’Etats, de même que toute réunification forcée. Le<br />

Kosovo, l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie doivent être les derniers Etats à se séparer de force. Fermons<br />

la « boite de Pandore » de l’autodétermination.<br />

Dès lors qu’on aura soigné les séquelles de la confrontation héritée du vingtième siècle, de fortes<br />

réductions des arsenaux nucléaires russes et américains deviendront possibles, ainsi que la<br />

coordination de politiques militaires et stratégiques. Dans ce scénario, la coopération russo-américaine<br />

en vue de régler les situations de crise comme celle de l’Afghanistan ou d’enrayer la prolifération des<br />

armes de destruction massive deviendra encore plus profonde.<br />

En Europe même, une union entre la Russie et l’Union européenne devrait être établie sur la base d’un<br />

espace économique commun, d’un espace énergétique commun – avec la participation croisée de<br />

sociétés qui produisent, transportent et distribuent l’énergie – et d’un espace humain commun sans<br />

visas répondant à des politiques internationales coordonnées russes et européennes.<br />

Il convient également de mettre l’accent sur l’établissement d’un nouveau système pour régir<br />

l’économie et la finance mondiales, dont la création sera bien plus difficile si les désaccords de la<br />

guerre froide ne sont pas réglés.<br />

L’Europe, la Russie et les Etats-Unis doivent mettre un terme à cette « guerre inachevée ». Alors peutêtre<br />

que 2019 marquera le 100e anniversaire du Traité de Versailles et que nous finirons par dire adieu<br />

au vingtième siècle.<br />

© Project Syndicate, 2009<br />

Sergei Karaganov préside le Conseil de politique étrangère et de défense et est doyen de l’école<br />

d’économie internationale et d’affaires étrangères de l’Université d’État (Ecole supérieure<br />

d’économie) de Moscou.


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 63<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Ian Buruma<br />

Les leçons de Tiananmen<br />

NEW YORK – Il est assez effrayant de penser que précisément 20 ans après le « massacre de<br />

Tiananmen », peu nombreux sont les jeunes en République Populaire de Chine qui ont une quelconque<br />

idée de ce qui s’est passé pendant ces évènements. De nombreux citoyens sans armes ont été tués le 4<br />

juin 1989 par l’Armée Populaire de Libération, non seulement aux alentours de la place Tienanmen,<br />

mais aussi dans de nombreuses autres villes chinoises. La plupart n’étaient pas étudiants, lesquels ont<br />

été à l’origine des manifestations pacifiques contre la corruption et l’autocratie, mais bien des<br />

travailleurs ordinaires, le genre de personnes que le Parti Communiste devrait soutenir.<br />

Les jeunes ne savent pas parce que<br />

leurs parents n’ont jamais rien dit par<br />

crainte de se mettre et de mettre leurs<br />

enfants en danger et parce que le sujet<br />

n’est jamais abordé dans la presse<br />

officielle chinoise ; c’est un sujet<br />

tabou. Les sites internet qui font une<br />

quelconque référence aux évènements<br />

de 1989 sont fermés, les courriels<br />

interceptés. Celles et ceux qui<br />

continuent à vouloir en parler<br />

publiquement font fréquemment l’objet<br />

d’arrestations.<br />

Zhao Ziyang était le Secrétaire Général<br />

du Parti Communiste en 1989. Loin<br />

d’être démocrate lui-même, il avait pourtant exprimé une certaine sympathie pour les étudiants<br />

manifestants. Parce qu’il s’opposait à la ligne dure de son propre gouvernement, il a été arrêté et placé<br />

en résidence surveillée jusqu’à sa mort en 2005. Ses mémoires ont du être sorties du pays<br />

clandestinement sur des cassettes audio sensées être des enregistrements de l’Opéra de Pékin. Elles<br />

viennent d’être publiées en anglais et en chinois mais ne peuvent être légalement publiées en Chine.<br />

Le livre de Zhao Ziyang va sans aucun doute provoquer de nombreux débats sur les leçons à tirer de<br />

ce fameux 4 juin. Ces débats sont nécessaires. Si seulement ils pouvaient avoir lieu en Chine. Une des<br />

idées forte qui fut exprimée dès le début de la tuerie en 1989 est que les leaders étudiants les plus<br />

radicaux ont été pour le moins imprudents. Ils auraient du se rendre compte qu’une réaction violente<br />

des autorités était inévitable. En provoquant le régime, les étudiants ont sapé toute opportunité d’une<br />

réforme politique lente, qui avait été patiemment initiée par leurs aînés les plus modérés.<br />

Comme le font souvent remarquer les partisans de cette idée, la Chine n’était pas encore prête pour la<br />

démocratie. Et ce ne sont pas les manifestations de masse qui auraient pu y parvenir. En fait, les<br />

leaders étudiants radicaux ne comprenaient pas plus la démocratie que les leaders Communistes contre<br />

lesquels ils s’opposaient. La vie dans la capitale chinoise, comme dans de nombreuses villes du pays,<br />

fut considérablement perturbée. Le gouvernement chinois a réagi avec force, bien sur, mais était dans<br />

son plein droit pour restaurer l’ordre dans la rue.<br />

Si l’objectif des leaders étudiants avait vraiment été de renverser le gouvernement, et d’utiliser la<br />

violence pour se faire, cette théorie tiendrait la route. Rares sont les révolutions violentes qui laissent<br />

la place à des régimes libéraux. Mais rien ne prouve cependant que tel était l’objectif des étudiants,<br />

même des plus extrémistes, et les manifestations furent, dans l’ensemble, plutôt pacifiques. Tout ce<br />

que demandaient les manifestants était la liberté d’expression, développer un dialogue avec le<br />

gouvernement, des syndicats indépendants et que soit mis un terme à la corruption officielle.<br />

(suite page 64)


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 64<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Il est aussi facile de prétendre, rétrospectivement, que ces manifestations étaient vouées à l’échec et au<br />

sang. L’histoire ne répète peut-être pas toujours à l’identique, mais on peut tout de même définir<br />

certains modèles.<br />

De simples manifestations ne suffisent pas à renverser un régime ; mais elles peuvent y parvenir si<br />

elles sont associées à certains changements d’ordre politique, parfois soudains. Lorsque les<br />

Allemands de l’est se sont opposés aux autocrates en 1989, ils n’étaient pas non plus certains de<br />

réussir. Certains chefs de Partis voulaient même faire appel aux tanks, exactement comme leur<br />

camarades chinois. Mais lorsque Mikhail Gorbachev refusa de soutenir les mesures de répression<br />

allemandes, se sont alors enchaînés protestations publiques et cafouillages gouvernementaux qui ont<br />

finalement entraîner la chute du mur de Berlin.<br />

Les étudiants sud Koréens qui ont envahi les rues de Séoul en 1986 n’auraient pas non plus réussi à<br />

mettre fin au gouvernement militaire de l’époque. Là encore, ce fut un ensemble d’évènements<br />

(pressions américaines, imminence des Jeux Olympiques et présence de personnalités politiques<br />

d’opposition convaincantes) qui vint à bout de ce régime.<br />

Les étudiants de la place Tienanmem ne pouvaient connaître ce qui se tramait au sein même du Parti<br />

Communiste Chinois. Il y avait des désaccords importants entre ses membres mais personne ne<br />

pouvait savoir quelles en seraient les conséquences. L’approche plus conciliatrice de Zhao Ziyang, qui<br />

aurait pu donner lieu à certaines concessions, et aurait donc pu permettre une certaine ouverture<br />

politique, fut vaincue. Ce furent les défenseurs de la ligne dure qui ont gagné, en refusant<br />

d’abandonner leur monopole du pouvoir.<br />

Zhao Ziyang aurait-il pu s’imposer si les étudiants avaient reculé? C’est peu probable. De toute façon,<br />

ce n’était pas aux étudiants, ni même aux travailleurs qui les ont soutenu, de défendre telle ou telle<br />

ligne du gouvernement. Ils n’avaient pas assez d’autorité. Ils n’étaient pas des politiciens. Ils ne<br />

réclamaient qu’un peu plus de liberté. Et ce devrait être la principale leçon à tirer de ce Printemps de<br />

Pékin, de Shanghai, et de Guangzhou, et de tant d’autres endroits : les Chinois ont autant le droit de<br />

s’exprimer librement que d’autres peuples, sans craintes d’arrestations, et d’élire leurs propres chefs,<br />

d’avoir des lois qui s’appliquent à chacun, y compris aux leaders eux-mêmes.<br />

Le 4 juin 1989, des milliers de chinois ont été tués pour avoir demandé moins que cela. La meilleure<br />

façon de ne pas les oublier est de réaffirmer qu’ils ont le même droit aux libertés que des milliers<br />

d’autres à l’ouest ou ailleurs en Asie considèrent comme acquis. Le pire serait de blâmer quelques<br />

étudiants qui ont persisté à demander ce droit jusqu’à ce qu’il soit trop tard.<br />

© Project Syndicate, 2009<br />

Ian Buruma enseigne la démocratie, les droits de l’Homme et le journalisme au Bard College, à<br />

New York. Son dernier ouvrage s’intitule The China Lover (New York, Penguin Press, 2008).


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 65<br />

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Ivan Čolović<br />

La chute du Mur de Berlin vue depuis Belgrade<br />

[…] Il faut dire qu’à l’heure où le mur de Berlin tombe, la Serbie n’est pas la seule à être tentée de<br />

prendre, après le communisme, la voie du nationalisme plutôt que celle de la démocratie. Soumises à<br />

cette même tentation, d’autres républiques yougoslaves y succombent elles aussi. Au-delà, le<br />

nationalisme attire également certains pays d’Europe de l’Est en rupture de communisme, qui sont<br />

aujourd’hui encore, dans une certaine mesure, confrontés à l’alternative nationalisme ou<br />

démocratie19. À cette époque, la classe politique et l’opinion allemandes se demandent comment<br />

prévenir les conséquences fâcheuses que pourraient avoir la chute du communisme et le rattachement<br />

de l’ancienne RDA à la République fédérale d’Allemagne. Là aussi, il existe un risque sérieux que la<br />

société allemande, dans l’euphorie qui suit l’unification, ne fasse marche arrière et ne renoue avec le<br />

nationalisme, sinon avec le nazisme.<br />

Lors d’un débat au Bundestag le 16 novembre 1989,<br />

l’ancien président du SPD Willy Brandt évoque la<br />

crainte de certains de ses compatriotes : avec la chute du<br />

mur de Berlin, le dernier rempart contre une nouvelle<br />

percée du nationalisme allemand serait en train de<br />

disparaître. Le terme « réunification » ne lui plaît guère<br />

car « il suggère que tout pourrait être, à nouveau, comme<br />

autrefois ». Et quand Brandt décrit l’unification de<br />

l’Allemagne comme une « greffe » ressoudant les parties<br />

d’un tout – métaphore organiciste inattendue de sa part,<br />

comme l’a remarqué Helmut Dubiel dans un livre<br />

consacré aux débats sur le national-socialisme au<br />

Bundestag –, le tout auquel il pense n’est pas<br />

l’Allemagne, mais l’Europe : c’est de la « greffe<br />

réunissant deux parties de l’Europe » qu’il parle. Les<br />

autres députés du Bundestag qui participent au débat ne<br />

cachent pas leur souhait que l’unification des deux États<br />

allemands se fasse en accord avec les « valeurs<br />

européennes ». Lors d’une session tenue à la fin de l’été<br />

1990, le social-démocrate Oskar Lafontaine appelle à<br />

récuser la conception ethnique de la nation allemande et<br />

à définir l’État comme une « communauté de citoyens<br />

partageant les mêmes buts postulés dans la constitution ».<br />

Selon Dubiel, cela permettrait de « rompre avec la tradition du droit constitutionnel qui a été, sur les<br />

plans intellectuel et historique, une prémisse du génocide dont les Allemands portent la<br />

responsabilité. Car à la définition exclusive de l’appartenance nationale, inscrite dans cette tradition,<br />

les nationaux-socialistes n’ont eu qu’à ajouter un critère ethnobiologique pour se lancer dans la<br />

réalisation d’un programme terrifiant d’élimination de ceux qui n’étaient pas conformes».<br />

À l’heure où le mur de Berlin s’effondre et où le communisme disparaît, on se demande au Bundestag<br />

« dans quel esprit et au nom de quelles traditions unifier l’État allemand ». Pendant ce temps-là, en<br />

Serbie et dans les autres républiques yougoslaves, personne ne doute que démanteler l’État<br />

communiste commun et édifier sur son sol de nouveaux États indépendants est une nécessité, et<br />

personne ne doute des valeurs au nom desquelles il faut le faire. Pour les élites politiques, ce choix ne<br />

se pose pas et il n’y a qu’une seule voie possible : fonder des États nationaux sur une base ethnique,<br />

de sorte que chaque peuple ait « son » État ; certaines républiques y voient la réalisation d’un « rêve<br />

millénaire », tandis que d’autres y voient le renouveau de l’État indépendant d’autrefois, censément<br />

sacrifié au profit d’une création « artificielle » nommée Yougoslavie. Dans le même temps, les<br />

idéologues et les bâtisseurs de ces nouvelles nations ethniquement définies n’ont pas le moindre<br />

scrupule à présenter la mobilisation nationaliste des citoyens comme un processus démocratique<br />

d’émancipation, en parfaite harmonie avec les normes politiques européennes.<br />

(suite page 66)


1989–2009 : NOUVELLE <strong>lumiERE</strong> page 66<br />

…………………………………………………………………………………………………...<br />

Les guerres que les élites politiques des peuples ex-yougoslaves vont concevoir et mener entre 1991<br />

et 1999 montreront pourtant le peu de cas qu’elles font des valeurs démocratiques et européennes.<br />

L’élite regroupée en Serbie autour de Milošević l’emporte ici sur toutes les autres. C’est à elle que le<br />

peuple serbe doit d’avoir été bombardé au printemps 1999, dix ans après être « advenu » et avoir «<br />

pris la parole » pour saluer Milošević. Le bombardement de la Serbie (et du Monténégro) devait être<br />

le dernier épisode d’un régime qui se voulait le pionnier, dans l’est européen, de l’ouverture à la<br />

démocratie et à l’Europe occidentale. Aujourd’hui, vingt ans après la chute du mur de Berlin, la<br />

Serbie attend, en queue de peloton, un signal de l’Europe pour essayer de s’en rapprocher et peut-être<br />

même – bien que cela semble désormais relever d’un avenir lointain – de s’y intégrer.<br />

© Autrement. Extrait d’un texte traduit du serbe par Christine Chalhoub et publié sous le titre « tout a-t-il<br />

commencé en Serbie ? » dans l’ouvrage publié sous la direction de Jean-François Gossiaux et Boris Petric,<br />

Europa mon amour. 1989-2009 : un rêve blessé, Paris, Autrement (séries Frontières), 2009.<br />

Ivan Čolović fut écarté de l’enseignement durant le régime communiste. En 1971, il a cependant<br />

créé la collection «Bibliothèque du XXème siècle (Biblioteka XX vek)», consacrée aux sciences<br />

humaines. Il obtient le grade de docteur en ethnologie en 1983. En 1987, il fonde la revue de<br />

lettres yougoslaves «Migrations littéraires », éditée à Paris. De 1990 à 2001, il est affilié à<br />

l’Institut d’ethnographie de l’Académie serbe des arts et sciences à Belgrade. Il est en outre<br />

chevalier de la Légion d’honneur et titulaire du prix Herder 2000. Il est aujourd’hui chercheur<br />

indépendant spécialiste de l'anthropologie politique.


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