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Le trilby « Charlie » en feutre bordé. Dessous, Irina Lazareanu, top, rockeuse et amie de Laetitia Crahay. 172 ELLE BELGIQUE octobrE.08 François Rotgers LAETITIA CRAHAY ET LA MAISON MICHEL tÊtE à tétE Prenez Irina Lazareanu. Mettez-lui un chapeau appelé Charlie, griffé Maison Michel, Paris, signé Laetitia Crahay. Placez-les devant l’objectif de François Rotgers. Surtout, gardez Laetitia dans les parages. Vous aurez un truc fort, mi-voyou, mi-voyelle. Très Chanel, en somme. La preuve par l’image. Et par une rencontre nu tête. octobrE.08 ELLE BELGIQUE 173
- Page 2 and 3: La capeline « Blanche » en feutre
Le trilby « Charlie » en feutre<br />
bordé. Dessous, Irina Lazareanu,<br />
top, rockeuse et amie de Laetitia<br />
Crahay.<br />
172 ELLE BELGIQUE octobrE.08 François Rotgers<br />
LAETITIA CRAHAY ET LA MAISON MICHEL<br />
tÊtE à<br />
tétE<br />
Prenez Irina Lazareanu.<br />
Mettez-lui un chapeau<br />
appelé Charlie, griffé <strong>Maison</strong><br />
<strong>Michel</strong>, Paris, signé Laetitia<br />
Crahay. Placez-les devant<br />
l’objectif de François Rotgers.<br />
Surtout, gardez Laetitia dans<br />
les parages. Vous aurez un<br />
truc fort, mi-voyou, mi-voyelle.<br />
Très Chanel, en somme.<br />
La preuve par l’image.<br />
Et par une rencontre nu tête.<br />
octobrE.08 ELLE BELGIQUE 173
La capeline « Blanche »<br />
en feutre.<br />
174 ELLE BELGIQUE octobrE.08 François Rotgers<br />
Le petit casque « Rita »<br />
cousu de plumes.<br />
La belge Laetitia crahay secoue la vénérable maison <strong>Michel</strong>. chapeau !<br />
chapeau ! LaEtitia crahay<br />
octobrE.08 ELLE BELGIQUE 175
Laetitia Crahay devant l’objectif<br />
de Karl Lagerfeld.<br />
L’immense et culte boîte à<br />
chapeau <strong>Maison</strong><br />
<strong>Michel</strong>, Paris.<br />
La couronne de plumes « Violette ».<br />
pour ce shooting, Laetitia voulait une mise en abyme : Irina devant<br />
une toile, comme un tableau. Parce que, petite, elle fut proche de Paul<br />
Delvaux, le peintre, et que pour elle, c’est évident, ce rapport à l’art.<br />
Laetitia Crahay, on le sait, est responsable accessoires et bijoux chez<br />
Chanel. Depuis peu, elle est aussi directrice artistique de la maison<br />
<strong>Michel</strong>. Fondée en 1936 et passée maître dans l’art du couvre-chef, la<br />
maison a été reprise par Chanel en 1997. La collection automne-hiver<br />
2008, ligne de prêt-à-porter, est déjà dans les boutiques (chez Louise<br />
54 à Bruxelles). Elle est signée Laetitia Crahay bien sûr, Liégeoise de<br />
Paris. Qui parle, en rafale, de ses nouvelles créations. Là, le trilby qui<br />
s’appelle Charlie. Ici, un bijou de tête qui porte le prénom de Rita, pour<br />
Rita Hayworth, forcément, avec des plumes qui font penser à un petit<br />
parapluie japonisant qu’on met dans les verre à cocktails, « J’adore. » Et<br />
là, cette capeline baptisée Blanche, inspiration « Dernier Tango à Paris »,<br />
« c’est toujours joli, une capeline, c’est romantique et facile à porter… »<br />
Ou ici, ce chapeau « de collégienne perverse, qui fait penser au canotier<br />
de Coco ; mais en même temps, on l’a fait à la façon d’une schoolgirl<br />
japonaise, à la mode des mangas ».<br />
Pour mettre en scène ses créations, il lui fallait un appartement. Pas<br />
n’importe où : dans le quartier Notre-Dame des Victoires, à côté de cette<br />
église qui abrite sainte Rita, « la sainte des cas désespérés, qui bizarrement<br />
est aussi celle des prostituées et des homos. C’est une sainte un peu<br />
kitsch… » Il lui fallait aussi une famille, sa bande. Soit une mannequin,<br />
Irina Lazareanu, parce que c’est sa « meilleure amie ». « C’est une actricenée.<br />
Elle comprend le vêtement, elle est intelligente, c’est une artiste, une<br />
rockeuse. Quand elle a chanté avec Sean Lennon pour le défilé croisière<br />
Chanel à Londres, il y avait une authenticité. Cela se sent, quand c’est<br />
vrai ou quand c’est monté de toutes pièces. » Irina, Canadienne venue<br />
au mannequinat pour payer son loyer, chanteuse, amie d’enfance de<br />
Pete Doherty (elle compose des chansons pour les Babyshambles) puis,<br />
à force, de Kate Moss. Enfin, il fallait un photographe, François Rotgers.<br />
Elle avait travaillé avec lui il y a dix ans, quand à l’époque elle assistait<br />
Olivier Theyskens, jeune génie encensé, c’était sur un shooting pour le<br />
magazine Vogue. Cette fois-ci, c’est pour la maison <strong>Michel</strong> qu’ils se sont<br />
retrouvés. Le résultat s’étale là sous vos yeux. On pense « chapeau ! »<br />
Chapitre suivant. Dans son bureau noir, blanc et un peu rose, il y a<br />
un vélo ramené en pièces détachées des States, des rangées de colliers<br />
qui pendent, accrochés à des S, on dirait des rideaux, une bibliothèque,<br />
sainte Rita qui trône dans sa mini-chapelle, une peau de zèbre, une<br />
photo originale de Audrey Hepburn, très « Breakfast at Tiffany’s », et<br />
une autre de Karl en contre-jour, prise par elle. Un univers-cocoon où<br />
Romy Schneider<br />
en Chanel.<br />
Clope et bibi,<br />
Gabrielle Chanel.<br />
Laetitia Crahay tourbillonne, se pose, invente des verbes, pense accessoires,<br />
bijoux et chapeaux, mange une compote et répond au téléphone,<br />
c’était Irina, Sean sera là ce soir, ils iront manger ensemble. Elle se lève,<br />
bondit, touche du bout des doigts le collier qu’elle porte au cou, deux<br />
gros cœurs, deux C emmêlés, s’empare d’un petit carnet qui ressemble<br />
au milliard d‘autres petits carnets qu’elle collectionne, qu’elle annote,<br />
bien sûr. « C’est clair que les meilleures idées ne sont jamais celles que<br />
l’on trouve assise devant son bureau, mais toujours dans des endroits<br />
surréalistes. Je crée instinctivement, après, seulement, viennent les heures<br />
de mise au point. C’est très difficile d’où ça naît, comment ça germe<br />
dans la tête… Ce sont des années d’observation et puis, tout à coup, on<br />
régurgite une idée de dix mille madeleines de Proust. Toutes les disciplines<br />
s’entremêlent. Impossible de croire que l’on peut créer sans savoir.<br />
Karl est au courant de tout, du dernier groupe d’électronique et des<br />
correspondances de Flaubert. » Elle ne peut pas faire l’impasse sur Karl.<br />
« J’ai choisi de travailler avec la personne la plus inspirante qui soit… »<br />
Alors s’il s’agit de trouver un portrait pour illustrer cet article, elle se lève<br />
d’un bond, va demander illico à Karl s’il veut bien la photographier, elle<br />
revient, elle sourit, il a dit oui.<br />
Elle sait que de La Cambre, section Mode[s], il lui reste « beaucoup de<br />
choses, tout », qu’on lui a offert « la possibilité d’apprendre » et qu’après<br />
c’est à elle d’y puiser. Elle ajoute qu’il lui reste aussi « tout » de sa famille,<br />
de l’école Decroly, de la vie. Elle se souvient « des petites taches rouges<br />
et jaunes » de Kandinsky qu’elle avait vues, un peu ennuyée, lors d’une<br />
expo, elle sait que cela ressortira un jour ou l’autre. Elle dit : « Plein de<br />
choses me font penser à plein d’autres trucs, un animal, une peinture de<br />
Klimt… » Elle sort comme par magie la photo d’Irina avec son bandeau<br />
et ses plumes, elle n’a pas tort. Puis Laetitia lâche : « Je fais quand même<br />
des chapeaux qui embellissent les femmes ! » On n’en avait jamais douté.<br />
Et si elle réduit désormais leur taille, c’est pour « qu’ils ne se voient pas à<br />
dix kilomètres, qu’ils deviennent un accessoire, qu’on ose les porter tous<br />
les jours, pas uniquement pour un événement exceptionnel. » Elle dit<br />
que tout le monde a une tête à chapeau, même si « Karl répète que seules<br />
les petites femmes en ont ». Elle se saisit d’un serre-tête avec chaîne, le<br />
pose sur ses cheveux si longs qu’ils lui chatouillent les reins. Ça lui fait<br />
comme une tiare, elle dit « on n’a plus l’air d’une bobonne avec ça, même<br />
quand on met une robe de soirée ». Laetitia en reine du hippie chic, à la<br />
fois délicate et furieusement rock. Un seul slogan : « Débobonnisons ! »<br />
Le verbe est de mademoiselle Crahay, qui n’a pas peur de chahuter<br />
la langue française, ni la mode. C’est frais. Dévastateur. Et moderne.<br />
Comme tout ce qu’elle touche. AnnE-FrAnçoIsE Moyson<br />
chapeau ! LaEtitia crahay<br />
La fine couronne « Liz »,<br />
en perles et plumes.<br />
176 ELLE BELGIQUE octobrE.08 octobrE.08 ELLE BELGIQUE 177<br />
La forme<br />
du « Charlie ».<br />
François Rotgers, Karl Lagerfeld, prese