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maître et, partant, que celui de tous <strong>le</strong>s officiers transférés, <strong>le</strong>squels, tout en savourant son<br />
bul<strong>le</strong>tin quotidien, évitaient l’homme de peur de figurer un jour dans son rapport.<br />
* * *<br />
Du temps où il était célibataire, <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> se déplaçait dans une vieil<strong>le</strong> Panhard, rendait souvent<br />
visite à ses parents et <strong>le</strong>s assistait dans la mesure de ses moyens. A partir de son mariage, <strong>le</strong>s<br />
visites s’espaçaient graduel<strong>le</strong>ment jusqu’à s’arrêter tout à fait. Ce fut au tour du père de rendre<br />
visite à son fils. Une fois par mois, <strong>le</strong> vieux, Sidi <strong>Ali</strong> <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong>, avec son chapeau de pail<strong>le</strong> à<br />
larges bords, sa blouse amp<strong>le</strong> et grise et ses grosses sanda<strong>le</strong>s se présentait à la villa du Bardo.<br />
Si <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> n’est pas à la maison, Naïma – c’est <strong>le</strong> prénom de sa première épouse –<br />
n’accueillait jamais son beau-père, mais lui demandait d’attendre son fils sur <strong>le</strong> seuil de la<br />
porte d’entrée. Au cas où <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> est chez lui, il introduisait son père dans <strong>le</strong> vestibu<strong>le</strong> et<br />
après un rapide échange de formu<strong>le</strong>s de civilité, lui glissait quelques dinars et prenait congé<br />
de lui.<br />
Par la suite, <strong>Ali</strong> <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong>, saisissant l’absence de sympathie de sa bru, prit l’habitude d’al<strong>le</strong>r<br />
voir son fils au bureau. L’accueil était des plus froids. L’entretien ne dépassait pas quelques<br />
minutes.<br />
Vers <strong>le</strong> milieu des années soixante, <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong>, excédé, ordonna à son père de ne plus <strong>le</strong><br />
déranger. Ce jour-là, plusieurs témoins virent un vieillard à la stature gigantesque, de grosses<br />
larmes coulant des yeux, descendre en titubant <strong>le</strong>s escaliers des cinq étages du bâtiment.<br />
* * *<br />
Par contre, avec sa mère <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> était affectueux. Il l’aimait d’autant plus qu’el<strong>le</strong> n’avait<br />
jamais quitté <strong>le</strong> village.<br />
Il avait un frère prénommé Moncef qui l’importunait de temps en temps. Sous-officier à la<br />
caserne de Bouchoucha dans <strong>le</strong> bataillon hors rang, c’est-à-dire non destiné au combat, il<br />
dilapidait rapidement sa solde. Beau garçon, il lui arrivait de faire <strong>le</strong> gigolo pour bouc<strong>le</strong>r ses<br />
fins de mois ou de venir <strong>le</strong> voir dans sa petite Austin rouge pour <strong>le</strong> taper de quelques dinars.<br />
Plus tard, à la tête de l’Etat, à 51 ans, <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> a semblé prendre soin de sa mère. Est-ce là des<br />
regrets et une façon de se racheter ou seu<strong>le</strong>ment de la poudre aux yeux du public? Comme dit<br />
l’autre: "va savoir !" Deux faits sont à souligner cependant : la télévision ne l’a jamais montré<br />
entouré de ses ascendants d’une part et, d’autre part, Jeune Afrique avait provoqué sa colère<br />
pour avoir révélé <strong>le</strong>ur existence dans un reportage illustré publié peu après <strong>le</strong> 7 novembre<br />
1987.<br />
* * *<br />
Revenons sur la vie de <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong>, jeune marié. Il était heureux, p<strong>le</strong>in de soin et de tendresse<br />
pour son épouse. Pour l’interpel<strong>le</strong>r, il ne l’appelait pas par son prénom mais il criait "Ya<br />
M’ra !" (Eh ! Femme). Naïma, de son côté, quand el<strong>le</strong> parlait de son mari, el<strong>le</strong> disait:<br />
"Hammamni" (Hammamois, originaire de Hammam-Sousse). C’était conforme à la tradition<br />
dans plusieurs de nos villages.<br />
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