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<strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> n’oublie pas cette scène de sitôt. Juste après <strong>le</strong> 7 novembre, Belhassine est renvoyé<br />
dans ses foyers. On lui signifie par la suite qu’il est redevab<strong>le</strong> à l’Etat d’une somme de plus de<br />
cent mil<strong>le</strong> dinars. En fait, on lui demande de rembourser tous <strong>le</strong>s frais des différentes<br />
missions, y compris <strong>le</strong> prix des bil<strong>le</strong>ts d’avion, des voyages qu’il avait effectués à l’étranger.<br />
On semb<strong>le</strong> oublier qu’il accompagnait <strong>le</strong> président Bourguiba à titre de secrétaire particulier.<br />
C’est une histoire absurde. La somme est énorme et Belhassine ne peut rembourser. On <strong>le</strong><br />
traîne en justice, et on l’enferme en prison. Libéré après deux ans, il apprend que ses biens ont<br />
été confisqués, dont sa maison à Carthage. Ayant la doub<strong>le</strong> nationalité et bénéficiant d’une<br />
pension de retraite en France, il s’expatrie.<br />
Un président de la république qui asservie la justice de son pays, pour des raisons privées,<br />
n’est pas digne d’être un président. Un président se doit d’être magnanime. La vengeance lui<br />
donne un visage hideux. Mais on n’en est pas encore là…<br />
Mercredi 4 novembre<br />
C’est la fête du Mou<strong>le</strong>d, jour férié. Belhassine se dirige vers l’aéroport de Tunis-Carthage. At-il<br />
senti <strong>le</strong> danger? Officiel<strong>le</strong>ment, il veut passer quelques jours de vacances en France. Mais<br />
il est empêché de prendre l’avion et renvoyé à son domici<strong>le</strong>.<br />
Jeudi 5 novembre<br />
Bourguiba a-t-il oublié ses propos d’il y a 48 heures? Il demande son secrétaire particulier, on<br />
lui répond que M. Belhassine n’a pas rejoint son bureau parce qu’il est malade. Le chef de<br />
l’Etat reçoit <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> sans animosité, l’écoute mais ne prolonge pas, ni pour lui-même ni pour<br />
son vis-à-vis, <strong>le</strong> supplice d’un entretien sans intérêt.<br />
Une fois seul de nouveau, Bourguiba retourne à son passe-temps favori. Il tourne <strong>le</strong> bouton de<br />
son poste de radio. L’aiguil<strong>le</strong> de cadran est toujours fixée sur Radio Tunis. Quel<strong>le</strong> chance! Un<br />
chroniqueur historien annonce qu’il se propose de rappe<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s événements de novembre<br />
1956: l’admission de la Tunisie à l’ONU, <strong>le</strong> 12, et <strong>le</strong> discours de Bourguiba devant<br />
l’Assemblée généra<strong>le</strong> des Nations Unies <strong>le</strong> 22 du même mois, il y a trente et un ans.<br />
Immédiatement, Bourguiba fait venir Saïda et Belhassine. "Venez vite ; venez. Ecoutez avec<br />
moi", <strong>le</strong>ur dit-il, en mastiquant ses mots et en <strong>le</strong>ur faisant signe de s’asseoir.<br />
A 10 heures, <strong>le</strong> président reçoit une délégation de par<strong>le</strong>mentaires américains accompagnés de<br />
<strong>le</strong>ur ambassadeur. Le président, d’une voix rauque et bégayant, <strong>le</strong>ur souhaite la bienvenue,<br />
puis vite son discours devient incohérent, mêlant <strong>le</strong> présent et son passé glorieux. Il semb<strong>le</strong><br />
entrer dans un état hallucinatoire. Les par<strong>le</strong>mentaires sont éberlués. Ils <strong>le</strong> quittent et<br />
demandent à être reçus par <strong>le</strong> Premier ministre. L’audience à lieu dans la foulée auprès de <strong>Ben</strong><br />
<strong>Ali</strong>. Ils lui font part de <strong>le</strong>urs appréhensions et lui demandent d’agir rapidement pour éviter<br />
tout dérapage: c’est un feu vert clair.<br />
Vendredi 6 novembre:<br />
Vers 13 heures 30, avant d’al<strong>le</strong>r faire la sieste, Bourguiba confie à Saïda Sassi sa décision de<br />
nommer un nouveau Premier ministre dès la première heure du <strong>le</strong>ndemain. La télévision sera<br />
invitée à enregistrer l’événement, précise-t-il.<br />
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