You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Bruxel<strong>le</strong>s et Tunis négocient un accord de partenariat renforcé. L’UE a évité jusque là de se<br />
prononcer sur cette question, jugeant qu’el<strong>le</strong> fait partie de la souveraineté tunisienne. Cette<br />
nouvel<strong>le</strong> loi vise, à l’évidence, <strong>le</strong>s défenseurs des droits humains et <strong>le</strong>s journalistes qui<br />
chercheraient à dénoncer <strong>le</strong>s violations des droits humains et la corruption de l'appareil d’État<br />
tunisien. Une "minorité infime de Tunisiens qui [mettent] en doute [<strong>le</strong>s] réalisations et [<strong>le</strong>s]<br />
acquis [de la Tunisie]", selon <strong>le</strong>s termes de <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong>. Dans un discours prononcé en octobre<br />
2009, en p<strong>le</strong>ine campagne pour la présidentiel<strong>le</strong>, ce dernier ajoute: "Ceux-là n’auront pas<br />
estimé à sa juste va<strong>le</strong>ur <strong>le</strong>ur devoir de fidélité à l’honneur d’appartenir à la Tunisie; cet<br />
honneur qui <strong>le</strong>ur impose <strong>le</strong> devoir moral de bienséance et de réserve face à quiconque<br />
cherche à nuire à <strong>le</strong>ur patrie. Ils n’ont pas respecté <strong>le</strong> caractère sacro-saint de la patrie ni<br />
son intégrité..."<br />
Il ne fallait pas tant pour que <strong>le</strong>s organisations internationa<strong>le</strong>s, a<strong>le</strong>rtées par <strong>le</strong>s opposants<br />
tunisiens, tirent la sonnette d’alarme: "Dans la pratique, quiconque remet cette image en<br />
cause risque de devenir la cib<strong>le</strong> des forces de sécurité", note Amnesty International.<br />
L’organisation ajoute: "Les défenseurs des droits humains en Tunisie sont en butte à des actes<br />
de harcè<strong>le</strong>ment et d’intimidations. Bon nombre d’entre eux ont déclaré être surveillés en<br />
permanence par <strong>le</strong>s forces de sécurité et avoir été empêchés de voyager à l’étranger ou dans<br />
<strong>le</strong> pays, ce qui constitue une violation de <strong>le</strong>ur droit à la liberté de mouvement. Certains ont<br />
éga<strong>le</strong>ment signalé avoir été battus par des hommes en civil qui semblaient être des agents des<br />
forces de sécurité. Les autorités refusent systématiquement <strong>le</strong>s demandes de reconnaissance<br />
léga<strong>le</strong> présentées par <strong>le</strong>s organisations de défense des droits humains, qui ne sont<br />
juridiquement pas autorisées à exercer <strong>le</strong>urs activités tant qu’el<strong>le</strong>s n’ont pas de statut légal.<br />
El<strong>le</strong>s interfèrent dans <strong>le</strong>s activités des rares organisations officiel<strong>le</strong>ment enregistrées, parfois<br />
en organisant <strong>le</strong>ur prise de contrô<strong>le</strong> par des partisans du gouvernement. Des militants<br />
tunisiens qui avaient publiquement critiqué <strong>le</strong> bilan du gouvernement en matière de droits<br />
humains alors qu’ils se trouvaient à l’étranger ont été harcelés et interrogés à <strong>le</strong>ur retour en<br />
Tunisie. Plusieurs ne sont depuis plus autorisés à voyager à l’étranger."<br />
Ces inquiétudes d’Amnesty International ont été transmises au ministre des Affaires<br />
étrangères, qui est chargé de préserver l’image internationa<strong>le</strong> du pays, et à son collègue de la<br />
Justice et des Droits de l’homme, chargé de superviser <strong>le</strong> projet de modification de la loi.<br />
Devant <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce des partenaires internationaux de la Tunisie, notamment l’Union<br />
Européenne et <strong>le</strong>s Etats-Unis, <strong>le</strong>s autorités tunisiennes n’ont pas cru devoir répondre à ces<br />
inquiétudes. La loi a été examinée au pas de charge par la Chambre des députés et la Chambre<br />
des conseil<strong>le</strong>rs, qui y ont vu une avancée sur la voie du respect des libertés, des droits de<br />
l’homme et de l’Etat de droit, avant d’être promulguée sans coup férir.<br />
Le régime de <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> peut donc continuer à bâillonner <strong>le</strong>s Tunisiens et à empêcher tout<br />
frémissement de liberté et tout élan de changement, en écrasant sous <strong>le</strong> poids de sa<br />
mégalomanie et son insatiab<strong>le</strong> soif de pouvoir un pays où règne comme un si<strong>le</strong>nce des<br />
cimetières.<br />
75