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N°31, Juillet 2005. - Centre Régional des Lettres de Basse-Normandie

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livresenpoche<br />

numéro spécial été<br />

> Le choix <strong>de</strong> Michel Besnier<br />

Parti<br />

<strong>de</strong> François Salvaing<br />

Voilà bien un livre pour l’été : sous la plage, les pavés. Je ne fais pas allusion<br />

à son épaisseur (540 pages dans l’édition originale), mais à sa fonction d’objet lancé. Non<br />

dans une vitrine (François Salvaing avait écrit en 1980 un livre démontant le mécanisme <strong>de</strong> la<br />

provocation), mais dans la mare historique, pour faire apparaître à la surface ce qui s’était<br />

déposé dans les profon<strong>de</strong>urs oublieuses. Une facétie <strong>de</strong> la langue française veut que le participe<br />

du verbe « partir » soit aussi le mot désignant, selon mon dictionnaire, une « organisation<br />

dont les membres mènent une action commune à <strong><strong>de</strong>s</strong> fins politiques ». Parmi tous les partis,<br />

l’un parvint à ne se faire accompagner que <strong>de</strong> l’article défini, rendant superflus les <strong>de</strong>ux<br />

adjectifs « communiste » et « français ». François Salvaing écrit donc son au revoir à une organisation<br />

qui avait occupé une gran<strong>de</strong> place dans sa vie. D’autres l’ont précédé et se sont livrés<br />

soit à <strong><strong>de</strong>s</strong> autocritiques soit à <strong><strong>de</strong>s</strong> règlements <strong>de</strong> comptes. La force <strong>de</strong> Parti est d’échapper à<br />

ces penchants pour <strong>de</strong>venir une gran<strong>de</strong> fresque stendhalienne.<br />

L’amitié entre Marc Elissal<strong>de</strong>, membre du comité central et Frédéric Sans que l’on voit <strong>de</strong>venir<br />

communiste, journaliste et écrivain, donne au roman sa vertigineuse structure en miroirs. Dans<br />

ce jeu <strong>de</strong> lentilles, défile la pellicule <strong>de</strong> quarante années. Ils se sont connus au Quartier Latin<br />

dans les années soixante, au temps <strong>de</strong> De Gaulle, <strong>de</strong> la guerre d’Algérie, <strong><strong>de</strong>s</strong> cinémas, <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

Truffaut, <strong><strong>de</strong>s</strong> Antonioni. Leurs rivalités ont duré jusqu’au temps <strong>de</strong> Zidane. Entre l’adhésion <strong>de</strong><br />

Frédéric et son départ, que d’événements, que <strong>de</strong> rencontres ! Le pathétique du livre tient à sa<br />

matière principale, cette forme <strong>de</strong> souffrance qui n’est pas la mieux partagée, la souffrance politique.<br />

Cela <strong>de</strong>vrait rendre plus mo<strong><strong>de</strong>s</strong>tes ceux qui ne se sont jamais trompés, qui sont revenus<br />

<strong>de</strong> tout sans jamais être partis. Le livre ne nous apprend pas que les gran<strong><strong>de</strong>s</strong> causes ne sont pas<br />

toujours servies par <strong>de</strong> grands hommes, on le savait, mais il nous fait entrer dans une interrogation<br />

chatoyante, profon<strong>de</strong>, nuancée et désolée, sur les causes et l’évolution d’une hémorragie.<br />

Michel Besnier<br />

Parti <strong>de</strong> François Salvaing, Le Livre <strong>de</strong> Poche.<br />

ùNé dans le nord du Cotentin, Michel Besnier vit aujourd’hui dans la région parisienne. Enseignant, il a publié plusieurs<br />

ouvrages chez Stock mais aussi chez Møtus, éditeur <strong>de</strong> livres jeunesse et <strong>de</strong> livres-objets, installé près<br />

<strong>de</strong> Cherbourg. Son <strong>de</strong>rnier roman, Une maison n’est rien (Stock, 2003) dresse l’émouvant inventaire <strong><strong>de</strong>s</strong> lieux<br />

et <strong>de</strong> la mémoire d’un narrateur revenu dans sa région natale, le Cotentin, pour vendre la maison <strong>de</strong> son enfance.<br />

En 2004, il publie avec la complicité <strong>de</strong> l’illustrateur Henri Galeron, Mes poules parlent chez Møtus.<br />

> Le choix d’Abdourahman Waberi<br />

SurVivantes :<br />

Rwanda - histoire d’un génoci<strong>de</strong><br />

d’Esther Mujawayo et Souâd Belhaddad<br />

DR<br />

Du génoci<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> Tutsis (et <strong><strong>de</strong>s</strong> Hutus opposants) qui a fait près d’un million<br />

<strong>de</strong> victimes au Rwanda sous l’œil impavi<strong>de</strong> <strong>de</strong> la communauté internationale, on a désormais une<br />

vision <strong>de</strong> plus en plus claire du déroulement étalé sur les cent funestes jours (6 avril-7 juillet 1994)<br />

alors que l’on fêtait en <strong>Normandie</strong> le cinquantenaire du Débarquement. De toutes les catégories rwandaises<br />

touchées par ce génoci<strong>de</strong>, les rescapés sont les plus incompris, les démunis et les plus silencieux.<br />

Enfin, les témoignages <strong><strong>de</strong>s</strong> rescapés du génoci<strong>de</strong> sont très rares et celui <strong>de</strong> Esther Mujawajo<br />

est avec celui <strong>de</strong> Vénuste Kayimahe (France-Rwanda : les coulisses du génoci<strong>de</strong>, témoignage d’un<br />

rescapé, L’Esprit frappeur/Dagorno) l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> plus précieux à maints égards. Et pas seulement parce<br />

qu’ils brisent la muraille du silence.<br />

Esther Mujawayo est née en 1958 dans un Rwanda déjà engagé dans une course contre la montre.<br />

Souâd Belhaddad, qui a recueilli respectueusement les propos <strong>de</strong> Mujawajo, est une jeune journaliste<br />

française hantée par la mémoire <strong>de</strong> la guerre d’Algérie. Et Simone Weil livrera dans un ultime échange<br />

avec la Tutsie le mot <strong>de</strong> la fin <strong>de</strong> ce livre.<br />

Esther a le mot juste, la mémoire brûlante chevillée au corps : « Si tu vis en étant morte au-<strong>de</strong>dans,<br />

les tueurs ont encore gagné. C’est pour ça que j’ai décidé d’être vivante-vivante plutôt que survivante<br />

». Un regard luci<strong>de</strong>, une méditation profon<strong>de</strong> qui ne se paie pas <strong>de</strong> mots. Une lecture salutaire.<br />

juillet-août 2005 - livre / échange 6<br />

DR<br />

Abdourahman Waberi<br />

SurVivantes : Rwanda - histoire d’un génoci<strong>de</strong> d’Esther Mujawayo et Souâd Belhaddad, Éditions <strong>de</strong> l’Aube, 2005<br />

ùNé à Djibouti, installé dans la région caennaise, professeur d’anglais, Abdourahman Waberi est aussi l’auteur <strong>de</strong> plusieurs<br />

ouvrages dont le <strong>de</strong>rnier, Transit, est paru dans la collection « Continents noirs » chez Gallimard (2003). Ce roman salué<br />

à nouveau par la critique est la chronique universelle <strong>de</strong> la guerre et <strong>de</strong> l’exil dans une langue savoureuse et drolatique<br />

où les drames <strong>de</strong> notre époque se jouent dans l’ironie et l’humour. C’est avec la complicité d’Abdourahman Waberi que<br />

le <strong>Centre</strong> régional <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Lettres</strong> <strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong> organise régulièrement les soirées Latitu<strong><strong>de</strong>s</strong>, consacrées à la littérature<br />

francophone.

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