musique - 491
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<strong>musique</strong><br />
ALAN WOODBRIDGE<br />
CHEF DE CHŒUR<br />
À L’OPÉRA DE LYON<br />
Puccini à “chœur” joie !<br />
Interview par Caroline Faesch<br />
Nommé chef de chœur à l’Opéra de Lyon en 1995,<br />
Alan Woodbridge a hissé cet ensemble au rang<br />
des meilleurs sur la scène lyrique internationale.<br />
Ce brio artistique a encore été salué par le public<br />
lyonnais, en octobre dernier, à l’issue de chacune<br />
des représentations du Nez de Chostakovitch,<br />
nouvelle production de l’Opéra. Désormais, Alan<br />
Woodbridge, qui se produit également comme pianiste,<br />
claveciniste, et organiste avec l’orchestre de l’Opéra<br />
national de Lyon, est dans les starting-blocks<br />
pour le festival Puccini Plus, soit 3 programmes<br />
réunissant chacun 3 œuvres d’un triptyque de<br />
Puccini et des opéras plus rares de Schoenberg,<br />
Hindemith et Zemlinsky.<br />
Comment fait-on techniquement pour améliorer le<br />
niveau d’un chœur ?<br />
La différence entre le travail de chœur et de soliste se<br />
situe au niveau de la sensibilité de l’ensemble : c’est<br />
fondamental qu’un artiste du chœur ait conscience<br />
qu’il assume une partie d’un groupe, ait une facilité à<br />
travailler en groupe. Et cela ne vient pas tout seul. C’est<br />
comme jouer seul ou en double au tennis, ou jouer au<br />
rugby ! Il faut avoir un esprit d’équipe, établir une<br />
confiance mutuelle.<br />
C’est donc une question de qualité d’équipe, mais<br />
également de temps ?<br />
Exactement ! Le fait que je sois là depuis plus de 15 ans m’a<br />
permis de conduire un travail en profondeur, de bien<br />
connaître le groupe, de créer de la stabilité. Quand des<br />
chœurs sont constitués exprès pour une production,<br />
c’est très difficile de souder les chanteurs, bien qu’il<br />
s’agisse souvent des mêmes gens… C’est pareil en sport :<br />
si le XV de France rate un match, c’est toujours l’entraîneur<br />
qui est pointé du doigt et la durée de son contrat qui<br />
est mise en cause. Cela prend du temps de “faire<br />
comme il faut” à la tête d’une équipe.<br />
Et ce festival Puccini, est-ce un défi pour un chœur<br />
tel que celui de l’Opéra de Lyon ?<br />
Pour interpréter Puccini, il faut une technique vocale<br />
qui est inévitablement très legato. Le style italien exige<br />
un vrai chant. Or, pour un choriste, ce sont les éléments<br />
verticaux qui comptent. Le chant de chœur peut alors<br />
manquer d’horizontalité. Pour un soliste, c’est à la fois<br />
facile, car il est seul, et difficile aussi, car si cela ne marche<br />
pas, il est condamné !<br />
Pour un chœur, il faut avoir la même ligne vocale entre<br />
les pupitres, et ce n’est pas donné. Il y a des chanteurs qui interprètent<br />
très bien la ligne individuellement, mais qui, une<br />
fois en groupe, n’y parviennent plus.<br />
Est-ce une difficulté de jouer dans la même soirée une<br />
œuvre de Puccini et une de Hindemith,<br />
porteuses de 2 esthétiques opposées ?<br />
Dans l’opéra Sancta Susanna de Hindemith (1922), le<br />
chœur chante finalement très peu, donc il n’y a pas de<br />
grand écart à travailler.<br />
Et pour d’autres soirées du festival qui mettent à<br />
l’affiche Il Tabarro de Puccini et Von Heute auf<br />
Morgen de Schoenberg, par exemple ?<br />
Sans doute, mais pour ma part je ne travaille que sur<br />
le programme Puccini et Hindemith ! Cela étant dit,<br />
Anton Webern disait toujours que Schoenberg était une<br />
continuation de la <strong>musique</strong> lyrique. La réussite tiendra<br />
dans l’horizontalité de la <strong>musique</strong>, c’est la ligne vocale<br />
qui compte.<br />
Y a-t-il un intérêt pour un chœur à travailler sur<br />
plusieurs œuvres d’un même musicien, comme<br />
dans ce festival ?<br />
Travailler ensemble 3 œuvres de Puccini, de Mozart ou<br />
encore de Tchaïkovski est toujours très intéressant. C’est<br />
aussi très prenant, car, par exemple, pour le cycle<br />
Tchaïkovski-Pouchkine-Stein donné à l’Opéra de Lyon<br />
en 2010, on passait d’une œuvre à une autre, sur des textes<br />
complexes où il fallait être sûr de ce que l’on faisait ; ce<br />
qui est amusant, c’est que je faisais parfois des cauchemars<br />
où ces partitions se mélangeaient !<br />
Puccini vous fait-il aussi faire des cauchemars ?<br />
Non, Puccini, c’est un plaisir, il n’y a pas de cauchemars<br />
là-dedans, bien que, au moment où je vous parle<br />
[novembre 2011], je ne connaisse pas encore la production.<br />
Le metteur en scène arrive en décembre et nous travaillerons<br />
ensuite plusieurs semaines. J’ai cependant vu le chef<br />
Lothar Koenigs, avec lequel nous avons parlé de la partition,<br />
mais c’est tout. Puccini est un plaisir, parce que comparé,<br />
par exemple, au monde du Nez de Chostakovitch, qui<br />
relève un peu de la folie, c’est plus simple.<br />
Parmi les concerts à venir, quel est celui qui vous<br />
tient à “chœur” ?<br />
C’est le concert du 29 mars prochain sur des œuvres de<br />
Bach, qui ne constituent pas vraiment un terrain<br />
d’élection des chœurs d’opéra. Faire un concert avec des<br />
cantates de Bach en mettant vraiment la <strong>musique</strong> chorale<br />
en valeur est un défi.<br />
Festival Puccini Plus,<br />
du 27 janvier au 13 février à l’Opéra de Lyon<br />
© Stofleth<br />
JANVIER 2012<br />
N° 177<br />
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