05.07.2013 Views

Henry Gilly (1755-1844) et la saline du Lion

Henry Gilly (1755-1844) et la saline du Lion

Henry Gilly (1755-1844) et la saline du Lion

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

LA SALINE DU LION 87<br />

indiqué entre l'Agneau, le Mouton <strong>et</strong> Vitrolles. On y voit un p<strong>et</strong>it<br />

étang, mais, notons-le, dépourvu de tout signe figuratif de marais<br />

sa<strong>la</strong>nt, alors que, sur <strong>la</strong> même carte, un tel signe est répété, en abondance,<br />

au bord des étangs de Brignon <strong>et</strong> de Veine, près de Berre.<br />

De nos jours. par contre, au quartier <strong>du</strong> <strong>Lion</strong>, on trouve, comme<br />

au temps de Matberon, une <strong>saline</strong> 3 ; l'extrémité de celle-ci confine<br />

à l'aérodrome de Marignane, à 1.400 mètres de <strong>la</strong> racine <strong>du</strong> « Jaï "<br />

c<strong>et</strong>te espèce d'isthme très allongé qui sépare l'étang de Bolmont de<br />

l'étang de Berre, le jaclus maris, que <strong>la</strong> légende veut avoir été<br />

construit en une nuit par les soldats de Marius' .<br />

. '.<br />

Quelle est l'origine de c<strong>et</strong>te <strong>saline</strong> <strong>du</strong> <strong>Lion</strong>?<br />

Nous trouvons <strong>la</strong> réponse dans le dossier privé que j'ai pu<br />

consulter : « L'An X <strong>et</strong> dans le courant <strong>du</strong> mois de Fructidor le<br />

sieur Joseph Aubert de <strong>la</strong> Ville d'Aix, r ésidant à Marseille, afferma<br />

<strong>du</strong> sieur Cauv<strong>et</strong>, cy devant seigneur de Marignane, un étang appelé<br />

l'étang <strong>du</strong> Lyon, situé dans <strong>la</strong> susdite terre, sur le bord de l'étang<br />

de Berre, en dessous de Vitrolles pour y établir une <strong>saline</strong> en société<br />

des sieurs Gabriel, ex-juge <strong>du</strong> tribunal d'Aix ... Sur les avantages<br />

qu'offrait un pareil établissement ils engagèrent le sieur <strong>Henry</strong><br />

<strong>Gilly</strong>, cy devant negoeiant de <strong>la</strong> Ville de Marseille y résidant de se<br />

charger de c<strong>et</strong>te entreprise 5. ><br />

Dans une autre pièce, <strong>du</strong> 17 mars 1807 (citation par huissier<br />

De<strong>la</strong>porte contre Joseph Aubert), <strong>Gilly</strong> explique: « •• • pendant tout<br />

ce temps (Fruc. An X - Vent. An XIII), l'exposant a travaillé d'abord<br />

pour l'établissement de <strong>la</strong> <strong>saline</strong>, <strong>et</strong>, ensuite, pour <strong>la</strong> faire fructifier<br />

... ><br />

C'est c<strong>la</strong>ir <strong>et</strong> précis : ces termes, <strong>la</strong> phrase même de <strong>Gilly</strong>,<br />

indiquent bien qu'il ne s'agissait pas d'une <strong>saline</strong> déjà en activité,<br />

mais d'nne exploitation nouvelle à créer.<br />

3. Autrefois mise en location par ses propriétaires, les famUles de Br<strong>et</strong>tes<br />

Boyer d'Eguilles <strong>et</strong> Barrtgues de Montvallon, à <strong>la</strong> Société des Salins <strong>du</strong> Midi,<br />

<strong>la</strong> SaUne <strong>du</strong> <strong>Lion</strong>, appartient, actuellement, à <strong>la</strong> SOciété des Salins <strong>et</strong> Pêcheurs<br />

d'Hyères, à qui elle a été ven<strong>du</strong>e.<br />

4. Cf. Abbé Adrien pascal, op. cit.<br />

5. Archives de <strong>la</strong> famille GllIy.


LA SALINE DU LION 89<br />

avec véhémence 10, c'est possible, mais il n'est cependant question,<br />

en c<strong>la</strong>ir, dans ce document, ni de <strong>saline</strong> ni de sel, alors que, par<br />

exemple, quand un autre marquis, le marquis d'Albertas, devenu<br />

le citoyen Albertas, est propriétaire des salins de Berre, à une lieue<br />

au nord <strong>du</strong> <strong>Lion</strong>, les écritures re<strong>la</strong>tives au gardiennage de ces<br />

salins de 1790 à 1798, <strong>et</strong> aux sorties <strong>du</strong> sel en provenant <strong>du</strong> 6 octobre<br />

1790 au 6 octobre 1792, occupent deux registres entiers dont<br />

le premier a 185 feuill<strong>et</strong>s ".<br />

Sans entrer ici dans le détail des sondages que j'ai effectués, tant<br />

dans l'œuvre de Paul Moulin' 2 que dans les trente <strong>et</strong> un registres<br />

<strong>et</strong> liasses de <strong>la</strong> série des c Biens Nationaux . des Arcbives Départementales<br />

des Bouches-<strong>du</strong>-Rhône '", ainsi que dans deux grands<br />

livres cadastraux anciens encore en p<strong>la</strong>ce à <strong>la</strong> mairie de Vitrolles 14,<br />

je crois ponvoir dire que je n'ai rien trouvé qui prouve qu'une<br />

<strong>saline</strong>, au sens in<strong>du</strong>striel <strong>du</strong> terme, ait existé au <strong>Lion</strong> avant <strong>la</strong><br />

Révolution.<br />

D'ailleurs, si une telle <strong>saline</strong> avait déjà fonctionné avant l'an X,<br />

comment expliquer que <strong>Gilly</strong> - nous le verrons plus loin - ait dil<br />

y employer plus de quatre cents ouvriers tels que maçons, menuisiers,<br />

charpentiers, scieurs de long? Il fal<strong>la</strong>it hien qu'il s'agisse de<br />

constructions nouvelles, <strong>et</strong> non d'une <strong>saline</strong> ancienne.<br />

En floréal de l'an X, dans une leUre de Morel à <strong>Henry</strong> <strong>Gilly</strong>'",<br />

celui-ci est prié de c se porter sans dé<strong>la</strong>i chez Mr. Lombard fils,<br />

négociant p<strong>la</strong>ce Vivaux ... pour l'aviser que MM. B<strong>la</strong>nc ont donné<br />

son adresse pour connaître le capitaine qui va charger <strong>du</strong> vin à<br />

Marignane ct qui pourra charger nos bois [à Marseille] •.<br />

La leltre insiste : •... Tu lui feras voir le bois qui est au magasin,<br />

ensuite tu marchanderas pour le prix de manière à en tirer<br />

parti, car il doit être agréable pour ce capitaine de trouver un chargement<br />

prêt lorsqu'il vient à vuide ...•<br />

10. Cf. Abbé Adrien Pascal, op. cit. Y voir, en particulier : Mémoire de <strong>la</strong><br />

Commune de Vitrolles sur les Salines (destiné à l'Assemblée Nationale,<br />

décembre 1790) .<br />

11. Arch. Dép. des B.-<strong>du</strong>-Rh., 2 Q 183 <strong>et</strong> 2 Q 184.<br />

12. Cf. Paul Moulin, op. ctt.<br />

13. Arch. Dép. des B.-<strong>du</strong>-Rh .• Doss!ers 1 Q 153 à 9 Q 240.<br />

14. Je suis heureux de remercier ici M. Ed. Ba.ratier, conservateur aux<br />

Archives départementales, <strong>et</strong> M. Lucien Martin, secrétaire de <strong>la</strong> mairie de<br />

Vitrolles, qui m'ont si obligeamment facilité mes recherches.<br />

15. Archives de <strong>la</strong> famille <strong>Gilly</strong>.


90<br />

La recherche de ce l'l'<strong>et</strong> à bas prix remp<strong>la</strong>çant avantageusement<br />

un aller sur lest semble bien montrer l'importance des constructions<br />

CJue l'on faisait alors au <strong>Lion</strong>.<br />

Deva nt ce faisceau d'indices, <strong>et</strong> sous réserve de mise au jour<br />

d'autres documents, on peut conclure que <strong>Gilly</strong> n dit vrai: l'exploita<br />

tion <strong>du</strong> s<strong>et</strong> de l'étang <strong>du</strong> <strong>Lion</strong>, au moins sous forme notable, fut<br />

hicn crée " c<strong>et</strong>te époque de fructidor an X, l'nI' Auberl Morel ct<br />

Gabriel, <strong>et</strong> ceux-ci envoyèrent sur p<strong>la</strong>ce, comme homme de confiance,<br />

<strong>Henry</strong> <strong>Gilly</strong>.<br />

...<br />

Qui était <strong>Henry</strong> <strong>Gilly</strong> ? Eh hien ! c'était uu honnête bOUl·geois<br />

marseil<strong>la</strong>is, né à l'ombre <strong>du</strong> clocher des Accoules, égli se dans<br />

<strong>la</strong>quelle il avait été baptisé le 14 avril <strong>1755</strong>.<br />

Devenu négociant, <strong>Henry</strong> <strong>Gilly</strong>, devant M' Coste, notaire 1., avait<br />

signé son contrat de mariage avec demoiselle Marguerite-Rose Chalm<strong>et</strong>te,<br />

dernier rej<strong>et</strong>on d'une famille d'origine parisienne dont un<br />

représentant, <strong>Henry</strong> Chal m<strong>et</strong>te (1657-1742), banquier <strong>et</strong> m archand,<br />

avait ach<strong>et</strong>é, moyennant 8.000 livres ", <strong>la</strong> chargc ùe gardien de<br />

l'artillerie de <strong>la</strong> citadelle Saint-Nico<strong>la</strong>s.<br />

Un frère d'<strong>Henry</strong> <strong>Gilly</strong>, Louis-Fabien, avait épousé, en 1770,<br />

Jeanne Fremendity, d'une famille de négociants dont M. Charles<br />

Carrière, au cours de ses recherches sur l'histoire <strong>du</strong> commerce de<br />

Marseille, a établi l'impor<strong>la</strong>nce, en même temps qu'il r<strong>et</strong>rouvait des<br />

Iraces de l'activité maritime des ChalmeUe.<br />

De son mariage avec Rose Chal m<strong>et</strong>te, <strong>Henry</strong> <strong>Gilly</strong> devait avoir<br />

onze enfants. Parmi eux, Vincent, né en 1792, devait devenir, par<br />

son mariage, le 8 aoO t 1818, avec Marie-Anne B<strong>la</strong>nc, beau-frère de<br />

Joseph-Dominique Rol<strong>la</strong>nd, lequel n'cs t autre qu'un aïeul direct de<br />

16 Arch. Dép. des B.-<strong>du</strong>-Rh., Fonds Jourdan, Reg. no 205. - Me Noël Coste,<br />

notaire, an 1780, fo 31 v.<br />

17. Archives de <strong>la</strong> fam11le <strong>Gilly</strong>; voir aussi « Acte d'achat par <strong>Henry</strong><br />

Chalm<strong>et</strong>te de <strong>la</strong> charge de garde-magasin de l'ArtUlerle de <strong>la</strong> citadelle saint­<br />

Nico<strong>la</strong>s de MarseUle, à dlls sarrazin, veuve de Jacques papon des Branches<br />

(registres de Mt Lombardon, notaire, Arch. Dép., 394-E-56, Co 128 v.


LA SALINE DU LION 91<br />

M. Henri Rol<strong>la</strong>nd, l'éminent archéologue qui, en dépit des ravages<br />

de Trebonius, de Raymond de Turenne ·<strong>et</strong> <strong>du</strong> temps rongeur, a su<br />

ressusciter pour nous les sites de G<strong>la</strong>num <strong>et</strong> de Saint-B<strong>la</strong>ise ...<br />

Comme tous les Marseil<strong>la</strong>is, les <strong>Gilly</strong> furent certainement assez<br />

secoués par <strong>la</strong> tourmente révolutionnaire " ; quand les forces des<br />

sections marseil<strong>la</strong>ises, révoltées contre <strong>la</strong> Convention, sont vaincues<br />

par l'armée <strong>du</strong> général Carteaux, un frère d'<strong>Henry</strong> <strong>Gilly</strong>, Jacques,<br />

qui avait été élu par sa section au comité central, est obligé de se<br />

tenir caché pour se « soustraire au g<strong>la</strong>ive de <strong>la</strong> Loi ,. " <strong>et</strong> il est<br />

inscrit sur <strong>la</strong> trente-deuxième liste des émigrés.<br />

<strong>Henry</strong> <strong>Gilly</strong>, lui, parait avoir été moins atteint par les événements<br />

<strong>et</strong> dans sa personne <strong>et</strong> dans ses biens, au moins au début, car,<br />

en mai 1793, il trouve le temps <strong>et</strong> les moyens, par exemple, de payer<br />

<strong>la</strong> somme de 643 livres pour l'achat de quatre trumeaux <strong>et</strong> autres<br />

meubles ; d'autre part, alors que les routes sont peu sÔres, il se<br />

dép<strong>la</strong>ce : le 3 juin 1791, il va à Grasse, le 14 prairial an V à Nîmes.<br />

Pendant l'année 1792, il est volontaire dans <strong>la</strong> compagnie des gardes<br />

nationaux <strong>du</strong> capitaine Gueidon, aux bataillons 6, commandant en<br />

second J.-M. Rebecquy, <strong>et</strong> 7, commandant Rambert. Le 2 floréal<br />

an III, les officiers municipaux le reconnaissent pour • un bon<br />

citoyen <strong>et</strong> digne de porter les armes •.<br />

Tout ce<strong>la</strong> ressort de menus documents qui présentent l'avantage<br />

de nous donner un portrait précis de notre personnage : • <strong>Henry</strong><br />

<strong>Gilly</strong> : cinq pieds un pouce six lignes, cheveux <strong>et</strong> sourcils châtains,<br />

yeux gris, nez court, front <strong>la</strong>rge, visage ovale. deux verrues à <strong>la</strong><br />

foc<strong>et</strong>le <strong>du</strong> menton .•<br />

En 1792, il est domicilié rue Bouterie, isle 227, maison n' 3,<br />

mais en ran V il habite Bonneveine, dans J'ancienne propriété de son<br />

beau-père Chalm<strong>et</strong>le. Celle-ci existe encore au chemin <strong>du</strong> Sablier :<br />

elle est devenue <strong>la</strong> clinique de <strong>la</strong> Mutuelle chirurgicale.<br />

En l'an X, <strong>Henry</strong> <strong>Gilly</strong>, âgé de 47 ans, se trouve à <strong>la</strong> tête d'une<br />

famille de huit enfants encore vivants.<br />

18. Pour l'étude de ces événements, quelque peu compliqués, voir le limpide<br />

exposé qu'en a su faire Raoul Busqu<strong>et</strong> dans son Hlstotre de Mars<strong>et</strong>lle.<br />

19. Archives de <strong>la</strong> famllle <strong>Gilly</strong>.


92<br />

Sans doute n'est-ce pas le feu de paille qn'avait allumé une<br />

courte reprise de l'activité économique, après <strong>la</strong> paix d'Amiens,<br />

qui pouvait remonter le moral de <strong>Gilly</strong> dont les aITaires avaient,<br />

certainement, fini par subir Je contrecoup de dix années de révolution,<br />

de guerre civile, de guerre étrangère <strong>et</strong> d' un marasme particulièrement<br />

sensible à Marseille.<br />

Ces circonstances expliquent qu'Renry <strong>Gilly</strong> ait accepté l'olTre<br />

d'emploi que lui faisaient Aubert, Morel <strong>et</strong> Gabriel, <strong>et</strong> qu'il ait rejoint<br />

l'étang <strong>du</strong> <strong>Lion</strong>.<br />

« C'est le onze fruclidor An X, écrit-il, que l'exposant a<br />

commencé de se rendre à <strong>la</strong> Saline <strong>et</strong> a cessé son travail fin ventôse<br />

de l'An XIII. Pendant tout ce temps, l'exposanl a travaillé pour <strong>la</strong><br />

faire fructifier; il a quitté à Marseille ses aITaires de famille, il<br />

a couru SUI' ces lieux des dangers imminents re<strong>la</strong>livement à l'air<br />

pestiféré ... »<br />

Celte mention de <strong>la</strong> pestilence de « l'air , revient souvent sous<br />

<strong>la</strong> plume de <strong>Gilly</strong> ct peut surprendre le lecteur qui connalt l'actuelle<br />

salubrité de c<strong>et</strong>te région. Peut-être est-ce le pétrole qui a tué les<br />

dernières <strong>la</strong>rves d'anophèle? Celles-ci, autrefois, devaient pulluler<br />

à <strong>la</strong> surface des eaux el le paludisme. sans doute, sévissait-il dans<br />

le voisinage.<br />

<strong>Gilly</strong> résiste mieux, d'ailleurs quO Aubert : ce dernier tombe<br />

dangereusemen t ma<strong>la</strong>de. <strong>Gilly</strong>, le 6 vendémiaire an XII continue,<br />

seul, à diriger le travail des quatre cents ouvriers de tous corps de<br />

métiers qui s'affairent sur le chantier. Il ne s'arrête que dix jours<br />

« pour cause d'une impression d'air qu'il avait pris » (toujours<br />

« l'air » '). Le 12 vendemiaire an XII, cependant, il se rend à<br />

Marseille pour se réparer des fatigues <strong>et</strong> se désinfecter de l'air<br />

marécageux ... » .<br />

En brumaire de l'an XI, <strong>Gilly</strong> avait dQ faire précipitamment le<br />

Inême voyage « à deux heures de nuit » ; « malgré tout es mes<br />

démarches, écI'Ït-il, je n'ai pu sauver mon fils de <strong>la</strong> conscription ».<br />

Il s'agit de son fils alné, Joseph-Renry-Hippolyte, né le 29 octobre<br />

1780. le conscrit devait se bien con<strong>du</strong>ire d'ailleurs, el prendre part<br />

aux campagnes d'Italie, de Dalmatie, d'Allemagne el d'Espagne. Il<br />

franchit, patiemment, les échelons de <strong>la</strong> hiérarchie: caporal en 1803,<br />

nous le r<strong>et</strong>rouvons capitaine à Maubeuge, en 1825, puis à Bourbon-


LA SALINE DU LION 93<br />

Vendée. Ses l<strong>et</strong>tres à son père 20, j<strong>et</strong>tent de curieuses lueurs sur<br />

les peines <strong>et</strong> les joies d'un officier subalterne dans l'infanterie de<br />

c<strong>et</strong>te époque, <strong>et</strong> donnent, entre autres, quelques détails sur <strong>la</strong><br />

seconde guerre de Vendée, sous Louis-Philippe, luoins violente,<br />

bien sitr, que <strong>la</strong> première, mais que l'Histoire générale semble avoir<br />

quelque peu négligée.<br />

Le départ de ce fils ainé fut certainement pour <strong>Gilly</strong> un<br />

chagrin qui vint ajouter son poids à celui des déceptions qu'il<br />

éprouvait dans son travail à <strong>la</strong> <strong>saline</strong>.<br />

En elT<strong>et</strong>, lors de son entrée chez Aubert, Morel <strong>et</strong> Gabriel, <strong>Gilly</strong><br />

« croyant aux promesses qui lui étaient faites de <strong>la</strong> part de ses amis<br />

<strong>et</strong> sans en venir à une assurance par écrit > avait négligé de faire<br />

préciser ses appointements . croyant que le sieur Aubert les fixerait<br />

proportionnellement à ses peines >.<br />

Mais huit mois s'écoulent; <strong>Gilly</strong> commence à s'inquiéter <strong>et</strong><br />

demande des garanties; Morel <strong>et</strong> Aubert éludent <strong>la</strong> question. Le<br />

24 prairial an XII <strong>Gilly</strong> menace de s'en aller. Morel vient, en personne,<br />

calmer <strong>Gilly</strong> qui a <strong>la</strong> faiblesse de se <strong>la</strong>isser convaincre ct<br />

reprend son travail. Puis, de nouveau, il se révolte, non sans<br />

éloqnence : « C<strong>et</strong>te alTaire, écrit-il, serait terminée depuis longtemps<br />

sans les dilTicultés que toute âme généreuse éprouve en<br />

terminant par un procès une affaire qui commença sous les auspices<br />

de l'amitié <strong>la</strong> plus sincère ... Mais tout a un terme, le sieur <strong>Gilly</strong>,<br />

après avoir épuisé tous les moyens de patience, de conciliation <strong>et</strong><br />

de désintéressement ... est bien aise d'en voir une fin, en adressant<br />

sa p<strong>la</strong>inte à <strong>la</strong> Justice ... ><br />

Le 14 mai 1807, un jugement <strong>du</strong> tribunal de commerce de<br />

Marseille condamnait Aubert <strong>et</strong> Morel à payer à <strong>Gilly</strong> <strong>la</strong> somme de<br />

2.700 francs, 700 comptant, 1.000 fin novemhre 1808, 1.000 fin<br />

novembre 1809, décision qui fut acceptée par les parties.<br />

20. Archives de l'auteur.


94 R. BERNEX<br />

Ainsi se termina, pour <strong>Henry</strong> <strong>Gilly</strong>, l'affaire de <strong>la</strong> <strong>saline</strong> <strong>du</strong> <strong>Lion</strong>.<br />

Pouvait-il prévoir que ces pénibles balbutiements d'une in<strong>du</strong>strie en<br />

train de naitre dans <strong>la</strong> région de Berre seraient suivis de prodigieux<br />

développements ?<br />

Et quel eùt été son étonnement si, devant ses yeux, quelque<br />

prophète magicien avait brusquement fait surgir, sur le calme horizon<br />

des étangs, <strong>la</strong> f<strong>la</strong>mme des raffineries <strong>et</strong> l'envol des avions ? ...<br />

Raymond-Léon BERNEX.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!