Actes CIDE2_Mise en page 1 - L'enfant, l'adolescent à l'hôpital et la loi
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Convention Internationale des Droits de l’Enfant en France :
20 ans de progrès et d’illusions…
La convention des droits de l’enfant. L’enfant sujet de droits : un grand défi ! 5
Jean ZERMATTEN
L’actualité de la CIDE : de la promotion à la défense des droits de l’enfant 9
Dominique VERSINI
La CIDE: incitation réelle au respect des droits ? 15
Pascale BOUCAUD
JUSTICE PÉNALE : DES MINEURS SOUS HAUTE PROTECTION
OU SOUS HAUTE SURVEILLANCE ?
Mineurs étrangers : d’abord mineurs ou d’abord étrangers ? 25
Laurent GIOVANNONI
Allons, enfants ! 29
Dominique ATTIAS
TOUSÀL’ÉCOLE : UNE RÉALITÉ EN MARCHE OU EN MARGE ?
La scolarisation des enfants handicapés mentaux :
à la croisée des chemins, 4 ans après la loi 35
Elisabeth DUSOL
L’éducation, un droit pour tous ou pour chacun ? 39
Barbara WALTER
Une même école pour des enfants différents ? 43
Marie-Anne MONTCHAMP
La Convention Internationale des Droits de l’Enfant, opinion publique
et parlementaire français : quels regards, quels enjeux ? 49
Laurence BEDEAU
LA SANTÉ DE L’ENFANT : DES ACQUIS À CONFORTER ?
Qui connaît les droits de l’enfant à l’hôpital ? 59
Sylvie ROSENBERG-REINER
3
Sommaire
Fêtes et défaites de la pédopsychiatrie 65
Bernard GOLSE
En 2009, le mineur hospitalisé peut-il exercer ses droits ? 71
Catherine PERRIN
QUI «FAIT» PARENT AUJOURD’HUI ?
La CIDE, un texte trop flou 77
Maurice BERGER
Les enfants peuvent-ils faire la loi ou dire leurs besoins ? 81
Marc JUSTON
La parentalité au risque des droits des enfants 87
Daniel COUM
Parent et enfant à l’heure de la bioéthique 91
Marie-Thérèse HERMANGE
CONTRIBUTIONS COMPLÉMENTAIRES
La situation des mineurs isolés étrangers au regard de la
Convention Internationale des Droits de l’enfant 97
Claude ROMEO
Une politique de santé de l’enfant et de l’adolescent existe-t-elle
dans notre pays ? 101
Danièle SOMMELET
Dans la famille «famille» je demande les Grands-Parents 105
Jeanne-Marie HEBBINCKUYS
La dimension européenne des droits de l’enfant tels qu’ils sont définis
par la convention des Nations-Unies 107
Francis HERBERT
Quelles perspectives pour rétablir leurs droits et leur dignité ?
Filiation culturelle, première ressource de paix 113
Patrice MEYER-BISCH
BIBLIOGRAPHIE 119
4
La Convention des droits de l’enfant.
L’enfant sujet de droits : un grand défi !
5
La Convention des Nations relatives
aux droits de l’enfant (ci-après la
Convention ou la CDE) a célébré le
20 novembre 2009, son 20 ème anniversaire.
Cet instrument contraignant
a fait entrer la notion « droits de
l’enfant » dans le vocabulaire commun, sans que l’on ait pris véritablement conscience de l’impact de
ce traité sur les politiques des Etats, sur les travaux des législateurs, sur les pratiques des services de
protection, des instances judiciaires et administratives, sur la vie des familles et sur les enfants euxmêmes.
Enfant, sujet de droits
Jean ZERMATTEN
Directeur de l’Institut international des droits de
l’enfant (IDE), Vice-Président du Comité de l’ONU
des droits de l’enfant, ancien Président du Tribunal
des mineurs du canton du Valais, Suisse
La Convention a consacré une nouvelle posture de l’enfant, celle d’être considéré comme une personne
à part entière et non seulement comme un petit d’homme, ou comme un adulte miniature. Cette reconnaissance
est symbolique certainement ; mais elle est davantage, puisqu’elle rend l’enfant détenteur de
droits, « sujet de droits », selon la terminologie consacrée, expression qui prend le contrepied de l’enfant
objet : objet de prestations et de protection, mais si souvent objet de l’exploitation des adultes.
Le nouveau défi à relever : passer d’une vision paternaliste, protectrice et « assistentialiste » des enfants,
à une approche basée sur le droit, qui reconnaît que l’enfant à droit à… et non seulement que les Etats,
ou les familles ou les adultes doivent… le nourrir, l’alimenter, le protéger, le soigner et l’éduquer.
Approche très nouvelle qui nécessite que, nous autres, les adultes, nous acceptions ce fait que les
enfants, nos enfants, tous les enfants, aient des droits !
Lorsque les 193 Etats 1 , parties à la Convention, ont ratifié cet instrument contraignant, aucun d’entre eux
1. Au moment de la rédaction de cet article, 193 Etats sont parties à la CDE. Il s’agit donc d’une ratification presque universelle.
La Somalie et les Etats-Unis n’ont pas encore ratifié ce traité. Il s’agit du traité des droits humains le plus ratifié de l’histoire.
Editorial
La Convention des droits de l’enfant. L’enfant sujet de droits : un grand défi !
n’était véritablement préparé à l’application immédiate et complète de ses dispositions. D’une manière
générale, l’on peut dire que si les mécanismes étatiques de prestations (alimentation, hébergement,
éducation, santé, …) et les dispositifs de protection (contre les situations d’abandon, de négligence ou
de maltraitance, contre l’exploitation économique, sexuelle, contre les épidémies…) étaient relativement
bien développés, par contre, les Etats n’étaient, de mon point de vue, pas ou très peu préparés à affronter
cette nouvelle évidence que les enfants, par le fait même de leur naissance, détenaient des droits.
Et des droits strictement personnels qu’ils pouvaient faire valoir, soit directement, soit par représentation,
selon leur âge et leur degré de maturité; et que même en cas de représentation, les enfants disposaient
de la possibilité d’avoir un représentant autonome, différent du ou des parent(s), surtout dans les cas de
conflit d’intérêts entre parents et enfants ou en cas de violence domestique.
La légitimité de cette position nouvelle doit être recherchée dans l’article 12 de la CDE qui donne le droit
à l’enfant capable de discernement d’exprimer son opinion dans toutes les décisions qui l’affectent. Cet
article 12 consacre un droit de pouvoir influencer les décisions qui concernent l’enfant, individu singulier,
ou les enfants (le groupe collectif des enfants, groupes identifiés ou enfants en général) et oblige les Etats
d’une part à recueillir la parole de l’enfant, d’autre part à lui accorder une considération particulière. Il ne
s’agit donc pas seulement pour l’enfant d’être entendu pro forma, mais bien plus d’être écouté et entendu.
Cela signifie la possibilité pour l’enfant d’avoir une prise sur les décisions à prendre, donc sur son avenir.
Cet article 12 est, pour moi, indissociable de l’article 3, qui impose à tous les décideurs publics ou privés
d’évaluer avant de prendre une décision où se trouve l’intérêt supérieur de l’enfant (donc de procéder à
une évaluation individualisée de chaque situation avant chaque décision) ; puis de favoriser la solution qui
sera la plus favorable à l’enfant, au moment de la décision, mais aussi dans la perspective de l’évolution
de l’enfant. Cette démarche s’appuie de manière obligatoire sur la parole de l’enfant, comme le prévoit
l’art. 12. Dès lors, l’art. 12 est le moyen privilégié de déterminer quel est le meilleur intérêt de l’enfant.
L’art. 12 est au service de l’art. 3, dans le sens où la parole de l’enfant devient opérationnelle, puisque outil
de décision en vue de son intérêt ; et l’art. 3 est le faire-valoir de l’art.12, dans le sens où la parole de l’enfant
n’est pas seulement un prétexte, un alibi, mais bien une opinion respectée. Je n’hésite pas à dire que si
l’art. 3 et l’art. 12 sont désignés comme des principes généraux de la CDE, (au même titre que l’art. 2, nondiscrimination
et l’art. 6, droit à la vie, survie et développement), ils constituent surtout les deux piliers
sur lesquels repose la notion nouvelle de l’enfant, sujet de droits.
Ce statut de l’enfant est franchement nouveau et l’histoire n’a pas connu de précédent. Les Etats se trouvent,
dès lors, devant une modification très importante de leurs rapports envers l’enfant, être singulier
ou les enfants, groupe pluriel. Nous autres les adultes, parents, enseignants, magistrats, responsables de
services, hommes politiques ou simple quidam, devons trouver une nouvelle manière d’aménager nos
relations avec nos enfants, non encore citoyens à part entière, mais déjà détenteurs de droits. Nous ne
pouvons plus nous contenter de décider ou d’ordonner, nous devons écouter, expliquer, informer, faire
la balance, si possible entendre, et nous installer dans un processus de communication horizontale et
non plus seulement verticale du haut vers le bas, comme cela a été le cas pendant si longtemps.
Obligation des Etats
Sans faire injure aux Etats, il faut bien admettre que la plupart des Parties à la CDE n’ont pas encore
compris toutes les conséquences de la ratification de la Convention et ce que le Comité des droits de
l’enfant (organe de contrôle de l’application de la CDE) constate, c’est que les Etats ont fait des efforts
substantiels pour mettre en application les différents droits subjectifs que promulgue la Convention, mais
qu’ils ne prennent pas encore assez en compte cette nouvelle dimension basée sur le droit que postule
la Convention. C’est ici que se trouve la grande difficulté et le grand défi : comment mettre en place, au
quotidien, ce nouveau statut ?
Ce que je constate dans l’activité de Membre du Comité :
- les systèmes organisés et structurés, comme les systèmes judiciaires, ont développé des procédures
pour recueillir la parole de l’enfant et pour mettre en avant le principe de l’art. 3 CDE,
- les écoles commencent à comprendre qu’il faut impliquer les enfants dans les prises de décision,
non seulement disciplinaires, mais surtout les enfants, lorsqu’on construit des programmes ou que
l’on met en place des chartes d’établissement ;
6
- les politiques ont vu l’intérêt de préparer les enfants, ici, les adolescents surtout, à l’exercice de leurs
futures tâches de citoyen, en aménageant des parlements d’enfants aux niveaux national, régional
et municipal ; certains pays songent même à abaisser l’âge de la majorité civique ;
- les ONGs fournissent un effort très soutenu pour imposer l’approche basée sur les droits et utilisent
la Convention comme le cadre éthique de leurs actions et les droits énoncés comme la base de leur
programme sur le long terme.
Mais d‘une manière générale, les visions restent assez traditionalistes et il existe encore beaucoup de
résistance à considérer vraiment l’enfant comme une personne à part entière. Et souvent, je ressens qu’il
subsiste une crainte récurrente de voir les enfants comme se posant en rivaux des adultes, car possédant
des droits, sous le leitmotiv de l’enfant qui serait devenu roi… Crainte nourrie par l’ignorance de la
Convention, de son contenu, de son sens et de l’importance qu’elle attache à la famille. Cette résistance est
aussi le fait des politiques qui rechignent à considérer l’enfant comme autre chose qu’un objet de protection,
qui peinent à voter des budgets et qui n’entendent pas considérer les enfants comme un sujet distinct.
D’ailleurs, les enfants sont rarement un sujet politique en soi. Sans parler des média, qui donnent souvent
une image très négative des enfants et des adolescents, violents, délinquants…
Comment sortir de cette situation ? A mon avis, les Etats ont trop longtemps considéré la CDE comme
une belle Déclaration mais rien de plus, alors que cet instrument les oblige, de plusieurs manières :
- les cadres normatifs qui touchent les enfants doivent être revus et modifiés pour être mis en conformité
avec la CDE ; c’est le domaine où les Etats parties ont pour le moment le plus travaillé non seulement
par l’adoption ou la modification de lois spécifiques, mais souvent aussi en modifiant leur constitution ;
- les Etats doivent coordonner les actions de leurs différents ministères, départements, offices, pour
éviter la sectorialisation / segmentation des champs d’activités : les droits de l’enfant touchent tous
les aspects de la vie communautaire et pas seulement l’école ou la santé ; il faut donc coordonner
les actions. Très souvent, les Etats ne disposent pas d’une entité gouvernementale qui exerce le leadership
en matière de politique de l’enfance, mais d’une multitude d’organisations agissant sans concertation.
De grands efforts doivent être consentis pour faire admettre cette idée que les droits de l’enfant traversent
tous les domaines ;
- les Etats parties devraient disposer d’un plan national d’action pour guider leurs stratégies envers les
enfants ; de très nombreux Etats ont des programmes multiples pour répondre à la multiplicité des
problèmes ; mais pas d’objectifs communs, ni de planification globale, ni encore de vision d’ensemble
de l’action à mener pour l’application et le respect des droits de l’enfant ;
- les Etats devraient disposer de mécanismes fiables de récolte des données : le but est de donner aux
gouvernements les indications objectives sur la situation des enfants dans les différents domaines
d’intervention de l’Etat, pour permettre la définition des politiques utiles;
- les Etats devraient disposer d’institutions nationales indépendantes des droits de l’enfant ; un
certain nombre d’Etats ont des Ombudsperson, ou des Médiateurs, Défenseurs à l’enfance spécialisés
; leur rôle est très important dans cette idée de vision intégrée, puisqu’ils sont, tout à la fois,
aiguillon et défendeur de la culture « droits de l’enfant », en même temps que ceux qui contrôlent l’application
des droits de l’enfant et peuvent recevoir des plaintes individuelles des enfants. Cette double
position permet la promotion des droits subjectifs, en partant des cas individuels pour favoriser l’application
de manière globale et concertée des principes généraux et la philosophie de la CDE ;
- les Etat parties ont la lourde tâche (art.42 CDE) de faire connaître la CDE. Cela veut dire à la fois sensibiliser
la population en général et lui expliquer ce qu’est l’enfant sujet de droits ; d’instruire les enfants
sur leurs droits ; et former les professionnels qui travaillent avec les enfants;
- l’art. 4 de la CDE impose aux Etats de mettre à disposition des moyens financiers pour la réalisation
des droits des enfants ; ici aussi, non d’une manière trop sectorielle, mais d’une manière à promouvoir
une politique globale de l’enfant.
Régression ?
Hélas, nous percevons, dans un certain nombre de pays, non une progression, mais une régression de la
cause des droits de l’enfant. Au lieu de promouvoir l’enfant sujet de droits et d’établir de véritables politiques
7
Editorial
La Convention des droits de l’enfant. L’enfant sujet de droits : un grand défi !
de l’enfance (et de la famille), politiques, autorités, média insistent lourdement sur le poncif de l’enfant -
roi, qui minerait l’autorité des adultes, notamment des parents, voire de l’école et finalement de l’Etat pour
revenir à des schémas autoritaristes, qui réagissent au coup par coup, sur le court terme, dans une stratégie
du « tout, tout de suite », qui est d’habitude l’apanage des adolescents…
Très exemplatif est la situation de la Justice juvénile qui fait la manchette de tous les quotidiens du
monde occidental, qui sont les porteurs de tous les stigmates de notre monde devenu paranoïaque. Les
réformes législatives se basent sur un constat biaisé que la délinquance juvénile est devenue plus grave,
plus violente et qu’elle met en péril nos républiques. Dès que l’on regarde les chiffres de près, l’on s’aperçoit
que la réalité n’est pas aussi caricaturale et que les réponses à des phénomènes nouveaux devraient
être nuancées et ne pas se borner à augmenter le seuil d’intolérance, à stigmatiser les adolescents et
surtout à les mettre tous hors d’état de nuire, je veux dire en prison. On est en train de perdre la raison
et les propositions d’abaisser l’âge de la majorité pénale, de considérer les enfants qui sont en conflit
avec la loi pénale comme des adultes, d’ «ouvrir » des institutions « fermées », de refouler tous les jeunes
migrants, de perdre les spécialisations des juges, des psy… et des travailleurs sociaux constituent clairement
des violations de la Convention, ou des mesures de régression !
L’on pourrait prendre d’autres exemples, dans le domaine de l’allocation des budgets, où les coupes touchent
très souvent les systèmes de sécurité sociale, donc prétéritent une fois de plus les femmes (surtout
les femmes seules) et les enfants ; le domaine des politiques migratoires, où l’enfant étranger n’est pas
considéré comme un enfant, mais comme un problème dont il faut se débarrasser au plus vite ; le domaine
de l’école, où le nombre des maîtres diminue, les salaires stagnent, la formation des enseignements
plafonne, mais où on développe un ensemble des règles disciplinaires impressionnant.
Ayant à peine soufflé les 20 bougies de la Convention, je pèse les défis que la Convention doit encore
relever. Après l’âge d’or de son adoption, on attend toujours l’âge d’or de son application. Cette période
viendra lorsque les adultes auront compris cette nouvelle dynamique créée par le statut de personne
enfin conféré à l’enfant.
La reconnaissance de sa dignité et de sa valeur en tant que personne implique un changement de
mentalité très fort de notre part, pour réaliser non seulement le changement de paradigme, mais surtout
pour accorder aux enfants toute l’attention que leur personne mérite.
Et certainement pas pour nous affaiblir, mais pour nous bonifier !
8
L’actualité de la CIDE :
de la promotion à la défense des droits de l’enfant
crédit photo ministère santé-solidarité/SICOM/ Vincent Blocquaux
Dominique VERSINI
Défenseure des enfants
Il y a 10 ans était célébré le dixième
anniversaire de la CIDE après qu’une
commission d’enquête parlementaire
constituée de représentants de
tous les groupes politiques avait
conclu à l’unanimité que la mise en
œuvre des droits de l’enfant en France tels que stipulés par la Convention était encore un édifice largement
inachevé avec une applicabilité ou un effet direct contesté, une transposition législative incomplète, un
droit existant insuffisamment mis en œuvre sur le terrain. Reprenant la proposition qu’elle avait faite, les
parlementaires français ont voulu à l’issue d’une discussion approfondie de 2 mois par un vote à l’unanimité
des 2 Chambres donner aux 15 millions d’enfants et d’adolescents en France davantage de possibilités
d’être informés de leurs droits, de les faire valoir et de les faire respecter, dans tous les domaines de leur
vie...
C’est ainsi qu’une loi du 6 mars 2000 a créé l’institution du Défenseur des enfants : autorité indépendante
chargée de défendre et promouvoir les droits de l’enfant non seulement consacrés par le droit interne
mais aussi stipulés par la CIDE et les autres engagements internationaux de la France..
Je suis la seconde Défenseure des enfants après Madame Claire Brisset qui est aujourd’hui la Médiatrice
de la ville de Paris. J’ai été nommée pour 6 ans en juin 2006 par décret du Président de la République
adopté en Conseil des ministres. La loi a garanti mon indépendance et je ne peux recevoir d’instructions
ni du Président de la République, ni du Gouvernement, ni des ministres, ni du Parlement, ni des juges
ni de l’administration.
Trois missions principales me sont confiées par ce texte :
- Ma première mission est de faire connaître la convention internationale des droits de l’enfant auprès
des professionnels et des enfants eux-mêmes. A cet effet, je dispose d’un réseau de 55 correspondants
9
Allocution
d’ouverture
L’actualité de la CIDE : de la promotion à la défense des droits de l’enfant
territoriaux répartis sur toute la France et a mis en place une équipe de 34 jeunes ambassadeurs qui
font leur service civil volontaire et interviennent notamment dans les collèges, les centres sociaux et
services hospitaliers auprès des enfants pour les informer et susciter leur réflexion sur leurs droits fondamentaux.
- Ma seconde mission est de recevoir et traiter des réclamations portant sur des situations où le
réclamant estime que les droits de l’enfant n’ont pas été respectés : dans ce cadre, la Défenseure des
enfants peut être saisie par des parents, des associations, des services sociaux ou des services de
santé mais surtout par des enfants eux-mêmes. Depuis la création de l’institution, c’est près de
20 000 réclamations qui ont été traitées par mes services pour 20 000 enfants et ont conduit à des
interventions diverses auprès des institutions compétentes.
- Ma troisième mission c’est une mission de veille législative et d’identification de dysfonctionnements
collectifs ou de vides juridiques. Nous suivons toutes les lois qui concernent les enfants et menons
des enquêtes pour identifier les atteintes aux droits de l’enfant et au respect des exigences de la CIDE.
Je produis ainsi régulièrement des avis et recommandations, voire des mises en garde pour que les
droits fondamentaux des enfants soient mieux pris en compte.
Ces rôles sont bien ceux prescrits par le Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies qui est en
charge de veiller au respect des engagements pris par les Etats concernant la pleine mise en œuvre de la
CIDE. Celui-ci rappelle en effet régulièrement que la mise en place d’institutions indépendantes en charge
de la défense des droits de l’enfant fait partie de l’engagement pris par les Etats lors de la ratification de la
Convention.
Il a demandé à ce propos dans son observation générale de novembre 2002 que de telles institutions
aient une pleine capacité :
- à surveiller, promouvoir et protéger les droits de l’enfant dans l’indépendance et avec efficacité;
- à établir des contacts directs avec les enfants et à les impliquer et à les consulter de manière
appropriée (notamment à travers des conseils d’enfants appelés à servir d’organe consultatif);
- à faire rapport directement, indépendamment et séparément sur la situation des droits de l’enfant.
C’est bien ce que je me suis efforcé de faire au cours de mes 3 premières années de mandat pour que
les recommandations du Comité des droits de l’enfant ne soient pas un catalogue de vœux pieux.
La Convention internationale des droits de l’enfant est un idéal pour tous les enfants du monde. Elle
énonce des grands principes universels ambitieux et particulièrement exigeants quant à leur mise en
œuvre car ils interrogent durablement nos sociétés.
Comme le relevait récemment le président de la conférence des religieux et religieuses en France,
le frère Nicolas Capelle, les droits de l’enfant interrogent nos paresses, nos habitudes, notre écoute, nos
approches et mêmes les réflexes anti-jeunes qui menacent insidieusement nos sociétés qui vieillissent.
Quelles représentations avons-nous de nos enfants ? Ignorerions-nous qu’ils sont aussi le produit d’un
environnement en plein changement ? Oublierions-nous qu’ils ont des énergies et une compréhension des
choses qu’il nous serait fatal de négliger ?
La CIDE comprend en effet 2 grandes dimensions :
1. La CIDE fixe des obligations aux adultes, en termes de protection à apporter aux enfants et de prestations
à leur fournir. On est là dans le « classique » prévu dans la quasi totalité des systèmes juridiques
et sociaux de la planète, adapté aux législations dont disposent les pays car elle prend d’abord en
compte la vulnérabilité, la faiblesse de l’enfant qu’il convient de protéger, d’assister. Outre le droit
d’être entouré d’adultes avec un rôle primordial assigné à la famille, lui sont reconnus le bénéfice des
droits civils, sociaux, économiques et culturels nécessaire non seulement pour sa survie mais aussi
pour son développement. Pour prendre une image : tout adulte normalement constitué voyant un petit
enfant seul en larmes, que ce soit dans une rue de Paris ou sur une piste de l’altiplano bolivien, va
se pencher vers lui et essayer de lui venir en aide. C’est ce qu’il est convenu d’appeler « l’éthique
de la sollicitude », qui devrait caractériser l’attitude des adultes envers les enfants.
10
2. La CIDE comprend également une dimension de participation/citoyenneté que l’on pourrait qualifier
de particulièrement novatrice car elle définit de véritables droits de l’homme de l’enfant. Celui-ci étant
considéré comme une personne dans la cité, bénéficiant de droits-liberté propres qui le préparent à
sa vie d’adulte :
- droit d’expression (« sur toute question l’intéressant, l’opinion de l’enfant doit être dûment prise en
considération eu égard à son âge et à son degré de maturité » art.12) ;
- droit à la liberté de pensée, de conscience ou de religion (art.14) ;
- droit à la liberté d’association et à la liberté de réunion pacifique (art.15),
- droit au respect de sa vie privée comprenant notamment l’interdiction de porter atteinte à son honneur
et à sa réputation (art.16)...
Tous droits dont l’exercice est essentiel pour le développement de l’enfant, qu’il soit non seulement
physique et mental mais aussi spirituel, mental et social comme l’impératif en est cité par les articles 5,
6, 18 et 27 de la CIDE qui précisent les responsabilités des parents ou le cas échéant les membres de
la famille, les tuteurs ou autres personnes légalement responsables de l’enfant et qui demandent à l’Etat si
nécessaire, de les aider à mettre en œuvre cet impératif. L’article 29 précisant que l’éducation de l’enfant
doit viser à favoriser l’épanouissement de sa personnalité et le développement de ses dons et de ses
aptitudes mentales et physiques dans toute la mesure de leurs potentialités. Et l’article 40 demandant que
pour tout enfant considéré comme délinquant soit pris en compte la nécessité de faciliter sa réintégration
dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif au sein de celle-ci.
Alors qu’est célébré le vingtième anniversaire de la CIDE quels sont, de façon très résumée, les principaux
constats et recommandations que je peux faire quant à une meilleure prise en compte de la convention.
J’ai présenté au début de cette année au Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies un rapport
« directement, indépendamment et séparément » sur la situation des droits de l’enfant en France alors
que celui-ci s’apprêtait à examiner le rapport que le gouvernement lui avait transmis sur le même sujet.
Ce rapport, je l’ai réalisé en prenant en compte les milliers de plaintes que j’ai reçues émanant de parents,
d’enfants et d’adolescents eux-mêmes ou d’associations qui signalent des situations individuelles ou
collectives dans lesquelles les droits des enfants ne sont pas respectés ainsi que les travaux d’enquête
et d’élaboration de propositions de réforme que j’ai conduits au cours des dernières années
J’ai eu ensuite la satisfaction de constater que les recommandations que le Comité a publié en juin dernier
à l’issue de son évaluation de la mise en œuvre de la CIDE par la France reprenaient pour l’essentiel ce
que j’avais moi-même proposé et de vérifier ainsi l’importance du rôle que le législateur français avait
confié à la Défenseure des enfants.
Je tiens à votre disposition un document qui résume mes observations et la suite que le Comité leur a
données. Ce document sera intégré dans mon rapport annuel 2009 qui sera mis en ligne sur mon site
internet dans 10 jours.
Dans ce rapport, je relève qu’un très important travail législatif a été mené au cours des dernières années
pour mettre les règles du droit français en conformité avec les engagements souscrits par la France à
travers sa ratification de la CIDE et que la grande majorité des enfants et adolescents qui vivent dans
notre pays ont des conditions de vie plutôt bonnes, une santé protégée, une éducation assurée et des
droits fondamentaux globalement respectés.
Toutefois, j’ai souligné qu’il reste d’importants déficits à combler et la nécessité de mieux prendre en
compte l’intérêt supérieur de l’enfant dans le contenu et la mise en œuvre de certaines réformes engagées
reste d’une grande actualité.
Ainsi la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance a constaté une avancée unanimement saluée ;
en effet, elle renforce le repérage et la prévention à travers notamment un rôle accru confié aux départements
pour collecter et analyser les informations préoccupantes et mieux aider les parents et elle permet
aussi de diversifier les modes de prise en charge des enfants en limitant le plus possible leur placement
en dehors des familles et répond bien aux recommandations de la Convention internationale. Mais j’ai
relevé, toutefois, qu’il y avait des retards pour sa pleine mise en œuvre sur le terrain comme vient de
le souligner un rapport récent de la Cour des Comptes.
11
Allocution
d’ouverture
L’actualité de la CIDE : de la promotion à la défense des droits de l’enfant
Notamment pour la mise en place d’un projet individuel pour chaque enfant assisté qui devrait lui éviter
le parcours souvent chaotique dénoncé par Philippe Seguin et un plan d’action et de soutien en direction
des parents ainsi que le cas échéant des frères, sœurs et grands-parents.
La loi de février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes
handicapées constitue également une avancée importante en reconnaissant à tout enfant porteur
de handicap le droit d’être inscrit en milieu ordinaire dans l’école la plus proche de son domicile.
Toutefois, d’importants progrès restent à faire car j’ai constaté que ces enfants restent encore insuffisamment
scolarisés et que leur prise en charge relève encore trop souvent pour leurs parents du
parcours du combattant et qu’il y a encore une insuffisance de prise en charge dans le domaine de l’autisme.
Il y a eu aussi d’importants progrès accomplis dans le champ du droit de la famille ces dernières années
et, notamment, en matière d’autorité parentale conjointe et d’audition de l’enfant. J’ai souligné toutefois que
la préservation de l’équilibre psychique des enfants nécessite de se donner les moyens de systématiser la
médiation familiale à l’occasion des séparations parentales et d’affirmer le droit de l’enfant à maintenir des
relations personnelles avec ses deux parents tout en professionnalisant la prise en compte de la parole de
l’enfant. De même, un statut des tiers qui partagent ou ont partagé la vie d’un enfant devrait sécuriser les
relations juridiques de l’enfant avec l’ensemble de son entourage et réduire les traumatismes dus aux
ruptures affectives successives.
Alors que le Comité des droits de l’enfant avait en 2004 demandé à la France de faciliter la participation
de l’enfant pour toutes questions l’intéressant, j’ai mené une grande consultation nationale entre mai
2008 et juin 2009 donnant la parole aux collégiens et lycéens sur 10 sujets qui les concernent (famille,
éducation, discriminations, violences, justice, handicap, santé, expression et la participation ...). Leurs
200 propositions issues du tour de France avec des forums thématiques successifs sur l’ensemble
des sujets abordés réunissant à chaque fois environs 180 collégiens et lycéens et d’un forum internet,
rassemblées dans un livre d’or de la parole des jeunes et destinées au Président de la République et au
Parlement, seront rendues publiques par leurs porte-parole à la Sorbonne le 20 novembre 2009.
Je me suis félicitée du plan santé jeunes présenté en février 2008 par la ministre de la santé de la jeunesse
et des sports pour les jeunes de plus de 16 ans qui reprend un certain nombre des préconisations que
j’avais faites dans mon rapport 2007 « Adolescents en souffrance : plaidoyer pour une véritable prise ne
charge ». J’ai rappelé toutefois que les 15% des adolescents de plus de 11 ans qui présentent des signes
inquiétants de souffrance psychique (tentatives de suicide, alcoolisation précoce et massive, consommation
quotidienne de cannabis, scarifications, cyberdépendance, …) nécessitent la mise en place d’un plan
national pour régler la crise des centres médico-psychologiques, de combler les besoins en lits d’hospitalisation
en pédopsychiatrie et en relais diversifiés de post-hospitalisation, de développer sur l’ensemble du
territoire des Maisons des Adolescents; de généraliser les équipes mobiles et les permanences hors les
murs; de sensibiliser et informer les parents sur le repérage des signes éventuels de mal-être de leur
enfant et les accompagner par la mise en place d’une ligne nationale d’écoute téléphonique parents ».
Toutefois, j’ai aussi mis en évidence un certain nombre de zones d’ombres : à savoir que certaines
catégories d’enfants restent dans des situations de grande fragilité et que les mesures prises pour un
meilleur respect de leurs droits restent insuffisantes, voire, dans certains cas, s’éloignent de leur intérêt
au cours des dernières années.
Les familles des « Gens du voyage » et des « Roms » voient leurs enfants connaître des problèmes
sérieux de scolarisation et vivre dans des conditions d’habitat très précaires.
Les mineurs étrangers dont les familles font l’objet de reconduite à la frontière ou les mineurs non
accompagnés arrivant sur le territoire national voient leurs droits les plus fondamentaux insuffisamment
protégés.
En ce qui concerne les enfants en conflit avec la loi dont des lois récentes augmentent la sévérité des
sanctions, j’ai déploré que les réponses éducatives en milieu ouvert destinées aux jeunes délinquants
souffrent d’un manque de moyens matériels et humains, se traduisant notamment par des délais de
prise en charge de quelques semaines à quelques mois, ce qui limite la prévention de la récidive. J’ai
demandé instamment à plusieurs reprises et encore récemment que soit considéré qu’il existe une
distinction profonde en termes de maturité entre les enfants et les adultes ; pensé la réponse judiciaire
12
de façon individualisée ; pris en compte le temps éducatif avant et après la sanction ; limité la judiciarisation
des actes commis par les mineurs, conservé à l’incarcération des mineurs un statut d’exception avec un
accompagnement éducatif spécifique. J’ai souligné enfin que les enfants victimes et les mineurs auteurs
sont souvent les mêmes adolescents et que leurs parents et l’implication d’autres partenaires sont
essentiels dans leur prise en charge.
Pour conclure encore par une question d’actualité, je rappellerai que la place particulière de l’institution
du Défenseur des enfants, sa proximité avec les enfants et les adolescents, le fait de ne pas être identifié
à une structure administrative, sa référence permanente à la Convention internationale sur les droits de
l’enfant et aux recommandations du Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies lui permettent de
faire remonter au Président de la République, au gouvernement et au Parlement une vision dynamique
et non conformiste de choix et des cadres qu’offre notre société qui concernent les enfants.
Cette neutralité lui permet aussi d’être dépositaire de la parole des enfants et adolescents et de valoriser
de façon impartiale l’intérêt supérieur des enfants auprès des différentes institutions.
S’il est évident que la création du Défenseur des droits, comme le prévoit le projet de loi organique qui devrait
être discuté dans les prochains mois par les assemblées parlementaires, renforcera les compétences
du Médiateur de la République qui pourra être saisi directement, permettez moi de vous faire part d’une
conviction qui, je le sais, est largement partagée si j’en crois les 42 000 signatures de soutien en ligne sur
notre site, les très nombreux communiqués de presse publiés par les réseaux associatifs dans tous les domaines
et les motions adoptées par les villes ou conseils généraux : pour les enfants, il est indispensable
de maintenir un défenseur clairement identifié et spécialement chargé de la défense et de la promotion de
leurs droits.
Janusz Korczak, ce pédiatre polonais qui, tout au long de sa vie s’est battu pour le respect des droits fondamentaux
des enfants et en 1942, a accompagné volontairement 200 enfants dans la chambre à gaz
demandait pour les enfants « du respect… du respect pour ce dur travail qu’est la croissance. Du
respect pour leur chagrin et pour leurs larmes. Laissons, disait-il, laissons l’enfant, confiant, boire la
gaieté du matin ». 1
1. Le Monde (24 septembre 2009) Dominique Versini et Claire Brisset
13
Allocution
d’ouverture
La CIDE : incitation réelle au respect des droits ?
Pascale BOUCAUD
Docteur en Droit, Professeur Habilitée à diriger les
recherches, Directrice de l’Institut des Sciences de
la Famille de Lyon.
15
Pour répondre à cette question, je
voudrais argumenter sur trois
points :
1 er point : Cette convention a permis
la mise en évidence de l’interdépendance
obligée entre les droits de différente nature qu’elle proclame : droits civils, libertés fondamentales,
droits économiques, sociaux et culturels.
Le Comité International des Droits de l’Enfant , chargé de faire respecter cette convention, a par exemple,
relevé à plusieurs reprises les incidences de la pauvreté sur les relations familiales des enfants.
Ce constat est concrétisé sur le plan régional européen par la jurisprudence de la Cour Européenne des
Droits de l’Homme. La Cour reconnaît, de ce fait, la justiciabilité de certains droits sociaux et culturels
de l’enfant.
Dans l’arrêt Wallova et Walla contre la République Tchèque du 26 octobre 2006 et dans l’arrêt Havelka
et autres contre ce même état, du 21 juin 2007, la Cour considère que la détresse économique ne justifie
pas l’ingérence de l’Etat dans la vie familiale de l’enfant et de ses parents.
« Le fait qu’un enfant puisse être accueilli dans un cadre plus propice à son éducation ne saurait en soi
justifier qu’on le soustraie de force aux soins de ses parents biologiques. Le déplacement de l’enfant ne
peut ainsi être fondé sur une carence matérielle des parents. Celle-ci doit au contraire être compensée
par des moyens autres que la séparation de la famille ».
La Cour Européenne a également reconnu la justiciabilité du droit à l’instruction dans son arrêt Timichev
contre la Russie du 13 mars 2006.
Selon l’article 2 du protocole n°1 à la CEDH, « nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction…»
Introduction
La CIDE : incitation réelle au respect des droits ?
La Cour rappelle qu’ en s’interdisant de refuser le droit à l’instruction, les Etats contractants garantissent à
quiconque relève de leur juridiction, un droit d’accès aux établissements scolaires existant à un moment
donné et la possibilité de tirer, par la reconnaissance officielle des études accomplies, un bénéfice de
l’enseignement suivi.
Elle insiste sur le fait que « dans une société démocratique, le droit à l’instruction, indispensable à la réalisation
des droits de l’homme, occupe une place si fondamentale qu’une interprétation restrictive de la première
phrase de cet article 2 ne correspondrait pas au but de cette disposition ».
En conséquence conclut-elle, « il ne fait pas de doute que le droit à l’éducation garantit l’accès à l’instruction
élémentaire, primordiale pour le développement des enfants ».
En l’espèce, la Cour condamne l’Etat pour violation du droit à l’instruction.
2 ème point : la CIDE est une convention a minima, devant conduire au développement progressif
des normes internes et internationales en faveur des droits de l’enfant.
- Développement de normes internationales : l’article 41 de la CIDE insiste sur la promotion de
nouveaux instruments sur les droits de l’enfant. Parmi ces nouveaux textes, il faut bien sûr citer les
deux protocoles additionnels à cette convention, protocole relatif à la vente d’enfants, à la prostitution
et la pornographie mettant en scène des enfants et protocole relatif à l’implication d’enfants dans les
conflits armés.
Ces deux protocoles ont conduit à l’adoption de textes régionaux importants, notamment dans le cadre
du Conseil de l’Europe.
Citons tout d’abord la Convention Européenne sur la lutte contre la traite des êtres humains, adoptée le
16 Mai 2005, entrée en vigueur le 2 Février 2008, ainsi que la Convention sur la protection des enfants
contre l’exploitation et les abus sexuels, adoptée le 25 octobre 2007.
Ces derniers textes ont incité la Cour Européenne des Droits de l’Homme à donner une interprétation
nouvelle à son article 4, selon lequel « nul ne peut-être tenu en esclavage ni en servitude » et « nul ne
peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire ».
Dans l’affaire Siliadin contre la France, du 26 juillet 2005, la Cour est saisie par une ressortissante
togolaise, mineure, amenée en France avec l’accord de son père, par une ressortissante française d’origine
togolaise, la jeune fille est alors âgée de 15 ans.
Il avait été convenu que la jeune fille travaillerait dans le commerce de sa « tutrice » jusqu’au remboursement
de son billet d’avion, à charge pour cette tutrice de la scolariser et de faire les démarches nécessaires
pour régulariser sa situation administrative.
La réalité fut bien différente : la jeune fille devint la domestique d’un couple français. Pendant plus de trois
ans, elle travailla 15 heures par jour, sans jour de repos, sans être payée, sans papiers d’identité, son
passeport lui ayant été confisqué.
En 1998, le Comité contre l’esclavage moderne, alerté par une voisine saisit le parquet.
Le couple fut poursuivi pour obtention abusive de la part d’une personne vulnérable ou dépendante, de
services non rétribués ou insuffisamment rétribués.
En 1ère instance, les juges condamnèrent les époux B pour avoir enfreint l’article 225-13 du code pénal :
« le fait d’obtenir d’une personne, en abusant de sa vulnérabilité ou de sa situation de dépendance, la
fourniture de services non rétribués ou en échange d’une rétribution manifestement sans rapport avec
l’importance du travail accompli est puni de deux ans d’emprisonnement et de 83000 euros d’amende ».
Le tribunal estima que la situation de vulnérabilité et de dépendance de la requérante vis-à-vis des époux
B était prouvé par le fait que celle-ci était en situation irrégulière sur le territoire, craignant d’être arrêtée
et que le couple entretenait cette crainte en lui faisant miroiter une régularisation. Quant à l’absence de
rétribution, le Tribunal releva que la jeune fille ne pouvait être assimilée à une aide familiale ménagère,
laquelle doit être déclarée, qu’elle était occupée toute la journée et n’apprenait pas de métier et que si
elle n’avait pas été à leur service, les époux B auraient dû engager une tierce personne vu l’ampleur du
travail nécessité par la présence de quatre enfants au foyer. Les époux B firent appel et la Cour d’Appel
les relaxa de toutes les charges retenues contre eux. Elle estima que l’Etat de vulnérabilité ou de
16
dépendance n’était pas établi, la vulnérabilité ne résultant que de l’irrégularité de sa situation. Le parquet
général ne s’étant pas pourvu en cassation, la relaxe devint définitive.
La requérante invoqua devant la Cour européenne des Droits de l’Homme, la violation de l’article 4 de
la CEDH qui interdit le travail forcé, la servitude et l’esclavage.
La Cour rappelle que cet article 4 énonce un droit intangible, insusceptible de restrictions ni de dérogations.
Pouvait-on retenir le travail forcé ? Comment est-il défini par les conventions internationales ? Il s’agit
de « tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel
l’individu ne s’est pas offert de son plein gré ».
Elle constate que les deux éléments constitutifs du « travail forcé » sont en l’espèce réunis :
- la menace d’une sanction tenant à la situation irrégulière de l’intéressée ;
- l’absence de consentement de celle-ci au travail fourni.
La situation de contrainte, physique ou morale, caractéristique du travail forcé est patente et la Cour
souligne que Melle Siliadin était mineure et qu’elle a, « au minimum été soumise à un travail forcé ».
La Cour rechercha, en second lieu, si en outre, la requérante avait été maintenue dans un état de servitude.
Y a-t-il eu servitude ? La servitude est « l’obligation de fournir à autrui certains services, sous l’empire de
la contrainte, l’obligation de vivre sur la propriété d’autrui avec impossibilité de changer de condition ».
La Cour constate que Melle Siliadin, amenée en France, par une relation de son père n’avait pas choisi
de travailler chez les époux B.
Mineure, elle était sans ressources, vulnérable et isolée et n’avait aucun moyen de vivre ailleurs que chez
les époux B.
Elle était entièrement à la merci de ce couple puisque ses papiers lui avaient été confisqués et qu’il lui
avait été promis que sa situation serait régularisée, ce qui ne fut jamais fait.
N’ayant, par ailleurs, pas été scolarisée malgré ce qui avait été promis à son père, la requérante ne pouvait
espérer voir sa situation évoluer.
La Cour conclut donc que la requérante, mineure au moment des faits, a été tenue en état de servitude
au sens de l’article 4 de la Convention.
Conséquence pour l’Etat français : l’article 4 fait obligation à l’Etat partie de prendre les mesures nécessaires
afin de protéger toute personne relevant de sa juridiction contre des pratiques privées contraires à cet
article.
L’obligation positive issue de l’article 4 implique « la criminalisation et la répression effective de tout acte
tendant à maintenir une personne dans ce genre situation ».
Ce sont les lacunes de la loi française et son application défaillante par la Cour d’Appel qui ont justifié
un constat de violation de l’art 4 : l’absence de pourvoi du procureur général contre l’arrêt de relaxe de
la Cour d’appel de Paris a interdit que les auteurs des traitements, contraires à l’art. 4, auxquels a été
soumise la requérante, soient punis pénalement.
Dans ces conditions, le constat selon lequel le droit pénal français n’a pas assuré à la requérante « une
protection concrète et effective contre les actes dont elle a été victime » ne prêtait pas à discussion.
La France a donc violé l’art. 4 en manquant aux obligations positives qui lui incombaient en vertu de cette
disposition. Suite à la condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, un
nouveau texte a été adopté, la loi du 18 mars 2003, qui vient combler ces lacunes : d’abord la loi facilite
désormais la reconnaissance des infractions prévues par les articles 225-13 et 225-14 du code pénal 1 .
Elle remplace la condition d’abus de la vulnérabilité ou de la situation de dépendance par : « le fait que
la vulnérabilité ou d’état de dépendance soit apparent ou connu ». Ensuite le nouvel article 225-15-1 du
code pénal établit une « véritable présomption de vulnérabilité ou dépendance » au profit de mineurs et
1. Article 225-14 du Code Pénal : le fait de soumettre une personne, en abusant de sa vulnérabilité
ou de sa situation de dépendance, à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine est
puni de deux ans d’emprisonnement et de 83000 euros d’amende.
17
Introduction
La CIDE : inictation réelle au respect des droits ?
des personnes qui sont victimes à leur arrivée sur le territoire français des faits visés aux articles 225-13
et 225-14 cp.
Enfin, la loi crée une nouvelle incrimination : la traite des êtres humains (art 225-4-1 à 225-4-9 du code
pénal), qui permettra la répression de la « servitude ».
Un autre exemple très probant de développement des normes internationales en faveur des enfants
concerne les pratiques traditionnelles. La Convention, pour la première fois, abordait dans son article 24-3
cette délicate question, en des termes très prudents, demandant aux Etats de prendre toutes « les mesures
efficaces et appropriées en vue d’abolir les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé de l’enfant ».
Le Comité International des Droits de l’enfant recommandait la suppression de ces pratiques. Il fut soutenu
dans son action par l’adoption de nouveaux textes régionaux plus précis : tout d’abord, la Charte africaine
des droits de l’homme et du bien-être de l’enfant, adoptée en juillet 1990, entrée en vigueur en 1999, qui
demande aux Etats parties dans son article 21-1, de « prendre toutes les mesures appropriées pour abolir
les coutumes et les pratiques négatives, culturelles et sociales qui sont au détriment du bien-être, de la
dignité, de la croissance et du développement de l’enfant, en particulier : les coutumes et pratiques préjudiciables
à la santé, voire à la vie de l’enfant ».
Le second texte va plus loin : il s’agit du protocole additionnel à la Charte africaine des Droits de l’Homme
et des peuples adopté en 2003, entrée en vigueur en 2006. Ce protocole relatif aux droits des femmes
en Afrique prévoit dans son article 5 que les Etats doivent interdire par des mesures législatives assorties
de sanctions, toute forme de mutilation génitale féminine, la médicalisation de ces mutilations et toute
autre pratique néfaste. L’impact sur les droits nationaux a été très important : 17 pays africains condamnent
aujourd’hui pénalement ces pratiques.
- Développement de normes nationales en faveur des droits de l’enfant.
Selon l’article 1 de la Convention, « les Etats parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés
dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de sa juridiction ».
Le législateur ou la jurisprudence de chaque Etat partie, ont, par touches successives, intégré les droits
reconnus par la Convention. Si cette intégration n’est pas encore parfaite, certaines évolutions sont
cependant remarquables.
Un exemple très probant concerne l’interdiction de la peine capitale sur les mineurs de 18 ans par la Cour
Suprême des Etats-Unis, le 21 mars 2005, dans l’affaire Roper C. Simmons.
La Cour Suprême, dans cette affaire, dit avoir pris en considération les évolutions à l’échelon national
et international ainsi que les appels émanant d’organisations de défense des droits de l’Homme et des
droits de l’enfant.
Elle considère que les personnes mineures ne peuvent se voir appliquer le même traitement pénal que
les adultes du fait de leur manque de maturité.
La Cour s’exprime ainsi : « l’interdiction internationale (référence directe à la CIDE) d’exécuter des personnes
pour des crimes commis alors qu’elles étaient des enfants fait écho à une conception commune selon
laquelle la vie des mineurs délinquants, en raison de l’immaturité, de l’impulsivité, de la vulnérabilité, ne
doivent jamais être jugées irrécupérables, aussi monstrueux que puisse être le crime ».
Ce positionnement est remarquable si l’on se souvient que les Etats-Unis ont refusé de signer la Convention
principalement en raison de cette interdiction.
Les exemples relatifs au droit français sont très nombreux .Nous n’en citerons que quelques-uns :
Tout d’abord, le droit de l’enfant à une appartenance familiale a conduit à la modification du droit de la
filiation avec la reconnaissance d’un établissement principalement biologique et automatique de la filiation
maternelle (art 311-25 du code civil).
L’art. 7 de la CIDE favorise aussi la construction de l’identité de l’enfant en instituant « le droit, dans la
mesure du possible, de connaître ses parents ».
Depuis la loi du 22 janvier 2002, relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de
l’Etat, une avancée importante a été réalisée, même si elle ne satisfait pas le Comité International des
18
Droits de l’enfant. Sans instaurer un droit absolu à la connaissance de l’identité des parents biologiques
et notamment de la mère, cette loi organise la réversibilité du secret de l’identité de la mère. Ainsi la
femme qui désire accoucher anonymement, est invitée à laisser son identité sous pli fermé ainsi que des
renseignements destinés à l’enfant portant sur sa santé et celle du père, ses origines et les circonstances
de sa naissance. En 2005 et 2006, plus de la moitié des 500 femmes ayant accouché anonymement ont
accepté de laisser leur identité soit ouvertement dans le dossier de l’enfant qui y aura donc accès
directement soit sous pli fermé, ce qui nécessitera, en cas de demande d’accès de l’enfant, la médiation
du Conseil national pour l’accès aux origines afin de recueillir le consentement de la mère de naissance
à la levée du secret.
Certes cette loi ne permet pas une découverte systématique des origines, mais elle permet de ne plus
laisser à la seule volonté des adultes le besoin de l’enfant de se structurer.
Depuis 2007, la saisine du Conseil National est réservée à l’enfant lui-même, sous réserve qu’il ait atteint
l’âge de discernement et que ses représentants légaux aient exprimé leur accord.
Par ailleurs, le principe de non discrimination posé par l’article 2 de la CIDE a également conduit le
législateur, suite à l’intervention de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, dans l’affaire MAZUREK
du 1er février 2002, à parfaire l’égalité successorale entre les enfants quelle que soit leur situation à la
naissance (loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités).
Mais c’est sans doute le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, ainsi que
la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative le concernant, prévu par
l’article 12 de la CIDE, qui ont suscité, immédiatement après la ratification de la Convention par la France,
le plus grand intérêt.
Le recours à l’avocat pour l’enfant ou la désignation d’un administrateur ad hoc ont été rapidement
intégrés au droit interne : art. 388-1 du code civil.
La loi du 5 mars 2007 sur la réforme de la protection de l’enfance est venue compléter ce droit d’être
entendu : le juge ne peut plus refuser cette audition à l’enfant qui en fait personnellement la demande ;
il pouvait jusque-là le faire en motivant son refus.
L’enfant sera entendu par le juge ou une personne désignée à cet effet, seul, avec un avocat ou une personne
de son choix.
Ce même texte donne également la possibilité aux membres de la famille de l’enfant, aux services médicaux
et sociaux et aux membres du parlement de saisir la Défenseure des enfants.
D’autres réformes importantes doivent être signalées, notamment la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention
et la répression des violences commises contre les mineurs ainsi que la nomination, le 16 janvier 2009,
d’un Haut Commissaire à la Jeunesse, chargé de l’élaboration d’une politique cohérente pour les 16-26 ans.
3ème point : La question de l’applicabilité directe de la Convention devant les juridictions nationales
des Etats parties.
La France est l’un des Etats où les plus hautes juridictions nationales se sont d’abord refusé à voir dans
la CIDE une source de droits subjectifs au profit des particuliers.
En réalité, jusqu’en 2005, une scission existait entre les juridictions administratives et judiciaires.
Alors que le Conseil d’Etat admettait que certains articles puissent être invoqués directement par les
particuliers, comme l’art 3-1 relatif à l’intérêt supérieur de l’enfant, l’art. 37 relatif aux conditions d’emprisonnement,
la Cour de Cassation rejetait cette possibilité. Selon une formule classique, cette juridiction tirait
parti du texte de l’article 4 de la convention selon lequel les états « s’engageaient à mettre en œuvre les
droits reconnus par la Convention », pour souligner qu’il n’y avait là que des obligations à leur charge,
non des dispositions directement applicables en droit interne.
Cette attitude se justifiait par le caractère « flou » ou indéterminé de l’énumération des droits de l’enfant.
Il faudra donc attendre 2005 pour que la Cour de Cassation par 2 arrêts rendus les 8 et 23 novembre 2005
approfondisse un revirement commencé le 18 mai 2005 : ces nouveaux arrêts tentent de définir le contenu
positif des dispositions de l’article 3 (intérêt supérieur) et 12-2 (droit d’être entendu dans toute procédure
intéressant l’enfant).
19
Intrroduction
La CIDE : incitation réelle au respect des droits ?
La jurisprudence du Conseil d’Etat, quant à elle, témoigne aujourd’hui de l’application de la Convention
dans des domaines aussi divers que le traitement des mineurs en détention, la protection de la santé des
étrangers ou encore les mesures de reconduite à la frontière.
La Convention Internationale des Droits de l’enfant a joué un rôle essentiel en matière pénitentiaire,
dans un arrêt du Conseil d’Etat du 31 Octobre 2008 . Le juge administratif a considéré que l’article 1er du
décret du 21 Mars 2006 relatif à l’isolement des détenus devait être annulé en tant qu’il s’appliquait aux
mineurs. En effet, ses dispositions prévoyaient un régime d’isolement commun aux détenus majeurs et
mineurs. Le juge insiste sur le fait que cette Convention, dans son article 37, oblige l’Etat partie à « adapter
le régime carcéral des mineurs dans tous ses aspects pour tenir compte de leur âge » et « à accorder
une attention primordiale à l’intérêt supérieur des enfants pour toutes les décisions qui les concernent ».
Pour ces raisons, le Conseil d’Etat a soumis la validité d’un régime d’isolement concernant les mineurs
à l’adoption de modalités spécifiques prenant en compte « l’âge, le régime de détention, sa durée, les
conditions de sa prolongation, notamment le moment où interviennent les avis médicaux ». Le décret précité
ne respectait pas ces exigences et méconnaissait donc les articles 3-1(intérêt supérieur de l’enfant) et
37 (conditions de détention) de la Convention.
Le Conseil d’Etat a, par ailleurs, consacré l’importance de la Convention dans le domaine de la protection
des mineurs étrangers. Par un arrêt du 7 juin 2006, Association Aides et autres, il annulait les décrets
du 28 Juillet 2005, relatifs à l’aide médicale d’Etat, ces décrets conditionnant l’aide médicale au séjour
ininterrompu d’une durée d’au moins trois mois en France.
Le Conseil d’Etat a jugé que de telles dispositions contrevenaient aux exigences de l’article 3-1 de la
CIDE selon lequel « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit
être la considération primordiale ». Selon le Conseil d’Etat, cet article interdit que les enfants connaissent
des restrictions dans l’accès aux soins nécessaires à leur santé.
La Convention est enfin fréquemment invoquée devant les juridictions administratives en matière de
reconduite à la frontière.
Elle peut ainsi faire échec à une mesure de reconduite de la mère d’un enfant né en France dont le père,
titulaire d’une carte de résident, assume la charge effective : « la circonstance, non contestée par le préfet,
que ce ressortissant haïtien, titulaire d’une carte de résident, assume la charge effective de deux enfants
français et du fils qu’il a eu avec Mme A, est de nature à faire obstacle à l’exécution de la mesure de
reconduite à la frontière de cette femme ».
Dans ses observations finales du 22 juin 2009, suite à l’examen du rapport présenté par la France, le
Comité International des droits de l’enfant se félicite de cet alignement de la jurisprudence de la Cour
de Cassation sur celle du Conseil d’Etat mais il se dit préoccupé par le petit nombre de dispositions
reconnues comme étant directement applicables : aujourd’hui, ces dispositions sont au nombre de quatre :
articles 3-1, 7, 12-2 et 37.
Le Comité recommande à l’Etat français de « continuer à prendre des mesures pour que la Convention,
dans sa totalité, soit directement applicable et pour que les dispositions de la Convention puissent être
invoquées en tant que base juridique et être appliquées par les juges à tous les niveaux des procédures
administratives et judiciaires ».
Conclusion
Les avancées apportées par la Convention sont donc très importantes. Cependant beaucoup reste à
faire. Les observations finales du Comité International des droits de l’enfant, évoquées précédemment,
en sont la preuve.
Le Comité insiste en particulier sur la stigmatisation dont sont victimes, y compris dans les médias et
à l’école, certains groupes d’enfants, enfants vulnérables et enfants vivant dans la pauvreté, enfants
appartenant à des minorités, enfants vivant dans les banlieues.
Il insiste également sur les conditions de détention des mineurs, sur le nombre élevé de cas où des agents
de la force publique, en particulier des policiers, auraient fait un usage excessif de la force à l’encontre
d’enfants et sur le faible nombre d’affaires ayant donné lieu à des poursuites et condamnations.
20
La critique la plus importante porte sur l’administration de la justice pour mineurs.
La loi du 10 août 2007 remettant en cause le principe de l’atténuation des peines pour les mineurs de
16 à 18 ans, autorisant leur placement en garde en vue pour une durée pouvant atteindre 96 heures, soit
4 jours, lorsqu’ils sont soupçonnés de crime organisé et de terrorisme, n’est pas conforme aux normes
internationales concernant la justice pour mineurs.
Des régressions apparaissent alors que d’autres solutions pourraient être trouvées dans le renforcement
du rôle des familles et des communautés.
Les droits reconnus aux enfants par cette convention internationale créent autant de devoirs pour l’enfant
lui-même, pour ses parents, pour les tiers avec lesquels l’enfant est amené à partager sa vie, ainsi que
pour l’Etat.
Depuis l’entrée en vigueur de cette Convention en France, les adultes n’ont pas vraiment réalisé à quel
point ce texte les obligeait, en particulier à une éducation de leurs propres enfants aux devoirs comme
aux droits.
21
Introduction
Justice pénale : des mineurs sous haute protection
ou sous haute surveillance ?
Mineurs étrangers :
d’abord mineurs ou d’abord étrangers ?
Laurent GIOVANNONI
Secrétaire général de la Cimade
25
C’est la question qui se pose dès
lors que l’on observe la façon dont
les mineurs étrangers sont traités
sur le territoire français.
Si l’on commémore les 20 ans de la
Convention Internationale des Droits de l’Enfant, chacun a encore en tête les commémorations relatives
aux 20 ans de la chute du mur de Berlin.
Aucun rapport entre ces deux anniversaires ? Et pourtant !
Et pourtant, il faut comprendre que le bouleversement géopolitique que fut l’effondrement du bloc
soviétique coïncide avec le véritable début d’une politique européenne en matière de contrôles des flux
migratoires, qui impacte aujourd’hui fortement le sort des migrants, hommes, femmes et enfants : chamboulement
dû à l’effondrement du bloc soviétique, peur d’une immigration massive en provenance des
pays d’Europe de l’Est, évolution de l’économie mondiale sous l’impulsion du néo-libéralisme avec ses
conséquences sociales, montée en puissance des mouvements nationalistes et xénophobes. Ces facteurs
déterminants ont influencé les gouvernements de l’époque - droite ou gauche confondues - qui travaillaient
à la construction d’une politique européenne pour l’asile et l’immigration.
Pris dans ces bouleversements, ces gouvernements ont d’une certaine façon « paniqué » face au renforcement
de la pression migratoire, et apeurés par la pression encore plus forte de leurs opinions publiques,
ils ont décidé qu’il convenait de protéger l’Europe des migrations.
Ce fut : les accords de Schengen, puis de Dublin, la généralisation de l’exigence des visas puis la raréfaction
de la délivrance de ces visas, le développement des contrôles policiers dès le pays de départ età
l’arrivée dans les aéroports, les notions restrictives pour le statut de réfugié, la restriction des droits sociaux
des demandeurs d’asile, le durcissement des règles du regroupement familial, le développement
des fichiers, des centres de rétention, des charters européens - rebaptisés par cet euphémisme de « vols
groupés ».
Justice
Mineurs étrangers : d’abord mineurs ou d’abord étrangers ?
Le 11 septembre 2001, et l’arsenal sécuritaire qui en a suvi, a fait monter encore de plusieurs crans
cette dérive ul trasécuritaire qui se poursuit encore.
Toutes ces mesures depuis 20 ans, sont caractérisées par une logique simple : contrôler les entrées et
les sorties, dissuader et empêcher les arrivées de nouveaux migrants - sauf les « personnes choisies ».
Ce n’est pas une Europe forteresse, car aucun mur n’empêchera les gens de venir, mais une Europe qui
dissuade par des signaux de plus en plus durs. C’est une Europe qui exclut, qui sépare, une Europe qui
distingue ceux qui ont des droits et ceux qui n’en ont pas.
Cette évocation du contexte et de la tendance lourde des politiques européennes permet de comprendre
pourquoi nous nous trouvons, de fait, devant une contradiction de plus en plus tendue entre, d’une part,
les outils internationaux de protection des droits de l’homme et, d’autre part, les lois ou les pratiques
développés par les Etats à l’égard des populations vulnérables dès lors qu’elles sont d’abord perçues
comme populations migrantes.
C’est le cas avec le droit d’asile et la façon dont la convention de Genève sur les réfugiés est maltraitée.
Il suffit de constater le sort réservé aux exilés Irakiens ou Afghans. A d’autres époques, ils auraient, à
l’évidence, été reconnus réfugiés et accueillis avec une politique sociale conséquente. Aujourd’hui, ils
sont renvoyés comme des balles de ping-pong entre la Grande-Bretagne et la France, avant d’être tout
simplement renvoyés par charter vers Kaboul.
C’est le cas du droit au respect de la vie privée et familiale : en quelques années, les conditions
permettant le regroupement familial se sont considérablement durcies, le statut des membres de famille
rejoignant – et donc souvent les femmes - a été précarisé, les mariages mixtes entre français et étranger
sont devenus un véritable parcours d’obstacle et de suspicion.
Et c’est, bien évidemment, le sort réservé aux mineurs étrangers, à l’égard desquels, malheureusement,
le statut d’étrangers, l’étiquette de migrant priment la plupart du temps sur celui de mineurs qu’il convient
de protéger.
Il y a visiblement contradiction entre la logique de contrôle et de maîtrise des flux migratoires et celle qui,
en application des outils de protection internationaux, privilégie la protection de la personne mineure.
Quelques exemples :
L’enfermement des mineurs en zone d’attente des ports et aéroports
La France enferme dans les zones d’attente de ses ports et aéroports internationaux les mineurs étrangers
qui se présentent seuls à ses frontières. Que leur demande d’asile soit déclarée « manifestement infondée »
ou qu’il leur manque un document pour entrer sur le territoire, ils subissent le même sort que les adultes :
jusqu’à 20 jours d’enfermement, destinés à permettre à la Police aux Frontières de préparer leur renvoi.
Ils comparaissent au cours d’audiences publiques au quatrième jour de leur enfermement. Il est bien
prévu qu’ils soient assistés d’un administrateur ad hoc, mais celui-ci n’est pas systématiquement présent,
et surtout, il ne s’agit que d’une protection bien fictive. Les conditions et le principe même de cette mesure
de privation de liberté, souvent suivie d’une mesure de refoulement, ne violent-elles pas les droits les plus
élémentaires de l’enfant ? Le mineur a été « oublié » et, donc, l’intérêt supérieur de l’enfant avec : c’est
la mesure de contrôle de l’Immigration qui prime.
Plusieurs fois durement critiquée par des Instances internationales, les autorités françaises tardent à
prendre en compte cette nécessaire protection et à donner suite aux demandes de la Défenseure des
enfants, de l’UNICEF, et des ONG qui ne cessent de réclamer une véritable protection de ces enfants.
Que disent les ONG ? Un constat : du seul fait de son isolement, une situation de danger doit être présumée
dès lors qu’un mineur étranger se présente à la frontière. Il convient donc que des mesures de protection
légales soient mises en œuvre.
Pour cela, deux principes à respecter :
- un mineur isolé ne doit donc pas faire l’objet ni d’un refus d’entrer, ni d’un placement en zone d’attente,
- le retour d’un mineur isolé étranger ne doit être envisagé que dans le cas où la décision a été prise
26
par le juge dans l’intérêt supérieur de l’enfant, après enquête sociale et avec suivi de la situation du
mineur dans le pays.
Autant dire aujourd’hui que nous en sommes encore loin.
Deuxième exemple : les expertises médicales
De nombreux mineurs étrangers isolés sont exclus du dispositif de protection de l’enfance après avoir été
soumis à un examen médical visant à déterminer leur âge. Cet examen comprend un examen physique
et des radiographies du poignet du coude ou de la hanche. Cette expertise médicale ne peut fournir
qu’une estimation très approximative de l’âge. Il est établi que la marge d’erreur est de 18 mois.
Plusieurs études commandée par le ministère des affaires sociales sur l’accueil des mineurs isolés en France
ont constaté – je cite « qu’examen osseux systématique et réticence à mettre en place une protection au
regard de l’enfance en danger vont souvent de pair ».
Une mission de l’IGAS en 2005 constatait que « l’appel plus ou moins fréquent à une expertise osseuse
demandée par le parquet » constitue « un des principaux signes de différenciation » entre les départements
voulant donner à ces jeunes « les meilleures chances de protection et d’insertion » et ceux qui « ne les
accueillent qu’à regret ».
Comment dire plus directement que le recours à l’expertise osseuse est un moyen commode de limiter
le nombre de prises en charge des mineurs étrangers isolés ?
Les tentatives d’encadrer un tant soit peu ces expertises n’ont pas abouti. C’est pourquoi nombre d’associations
estiment que l’expertise médicale de détermination de l’âge est une mauvaise méthode utilisée
pour de mauvaises raisons ; et qu’il convient de les abandonner.
Malheureusement, le raisonnement qui prévaut trop souvent actuellement concernant les jeunes étrangers
isolés est qu’il vaut mieux risquer de laisser un enfant à la rue plutôt que de prendre en charge un jeune
majeur au titre de l’assistance éducative. Il serait temps d’inverser les priorités.
Troisième exemple : le placement d’enfants dans les centres de rétention
Alors que, pendant des années, les mineurs étaient protégés contre toute mesure d’expulsion ou de
reconduite à la frontière, des brèches se sont ouvertes petit à petit pour permettre et désormais banaliser
le placement d’enfants en rétention avec leurs parents, pour une période de privation de liberté pouvant
aller jusqu’à 32 jours.
Ce fut tout d’abord la première exception avec l’introduction du concept de réadmission en vertu des accords
de Schengen et de Dublin. Dans l’attente d’une réadmission, la loi ne prévoit aucune protection particulière
à l’égard des mineurs.
Ce fut ensuite la banalisation de discours et de pratiques selon lesquels « dans l’intérêt de l’enfant, il
convient de ne pas le séparer de ses parents ». En conséquence, si les parents sont placés en rétention
dans l’attente d’une reconduite à la frontière, il est selon l’administration « dans l’intérêt de l’enfant d’être
avec ses parents en rétention ». Tous les témoignages, toutes les expertises attestent du choc et du
traumatisme vécu par les enfants, des mineurs, des enfants, parfois des nourrissons. Et pourtant, des
centres de rétention spécialement prévus pour recevoir des familles avec enfants sont encore en
construction (le prochain au Mesnil Amelot), le ministère de l’Immigration continuant d’affirmer son désir
de ne pas séparer les familles…
Dans les mois qui viennent, la France devra transposer en droit interne la « directive retour » adoptée
par l’Union européenne en 2008. Une directive qui autorise l’enfermement en rétention pendant 6 voire
18 mois, une directive qui autorise le placement en rétention et l’expulsion de mineurs isolés, et leur
renvoi vers un pays tiers.
Ce texte que nous avons été nombreux à dénoncer comme la directive de la « honte » en ce qu’elle
symbolise, à elle seule, la dérive de l’Europe dans une escalade sécuritaire à l’égard des migrants, comporte
de nombreuses dispositions foulant plusieurs textes internationaux de protection des droits de l’Homme.
Dans cette directive, le sort réservé aux mineurs est en totale contradiction avec l’esprit et la lettre
de la convention internationale des droits de l’enfant.
27
Justice
Mineurs étrangers : d’abord mineurs ou d’abord étrangers ?
Que faire ?
Etre attentifs et présents lorsque les parlementaires auront à transposer cette directive en droit interne.
Mais d’une façon plus générale, il est temps de prendre conscience que la logique de contrôle et de
protection que l’Europe se construit contre les migrants sape petit à petit l’universalité des outils internationaux
de protection des droits de l’Homme.
Un mineur étranger est-il d’abord un mineur dont les droits doivent être respectés ? Ou un étranger auquel
une politique de contrôle et de restriction s’applique ?
Il y a une priorité et un choix clair à faire. Dans les déclarations, dans les textes, dans les actes.
28
Allons, enfants !
Dominique ATTIAS
Avocate à la cour d’appel de Paris, responsable
de l’antenne des mineurs, Membre du Conseil de
l’Ordre du Barreau de Paris, Membre du Conseil
National des Barreaux
29
Je parle en mon nom mais aussi au
nom de tous les avocats d’enfants.
Tel que vous le savez, des groupements
d’avocats d’enfants spécialement
formés à leur assistance et
à leur défense, ont été constitués dans les plus importants Barreaux de France.
Notre vœu et notre objectif sont que tous les Barreaux de France aient en leur sein des avocats d’enfants
auxquels ces derniers pourront s’adresser pour se faire conseiller, assister ou représenter.
L’article 40 de la Convention internationale des droits de l’enfant précise que « les Etats parties reconnaissent
à tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d’infraction à la loi pénale, le droit à un traitement qui soit
de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle…, et qui tienne compte de son
âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société et de lui faire assumer un
rôle constructif au sein de celle-ci ».
Dans le même sens, l’article 37 de la Convention impose aux Etats que « tout enfant privé de liberté, soit
traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine et d’une manière tenant
compte des besoins des personnes de son âge ».
Je vous rappelle que l’article 1 de la Convention Internationale des droits de l’enfant précise qu’un enfant
s’entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de
la législation qui lui est applicable.
En France, tel que vous le savez tous, et tel que le rappelle l’article 488 du Code Civil, la majorité est
fixée à 18 ans accomplis.
Il peut être étrange de rappeler cela, mais cela me semble important, car divers textes et certains en préparation
réservent un sort différent aux jeunes à partir de 16 ans.
Justice
Allons, enfants !
Nous les avocats d’enfants, assistons les jeunes aussi bien au civil qu’au pénal. Au civil, c’est-à-dire
lorsque l’enfant est considéré en danger devant le juge des enfants, ou lors de l’audition devant le juge aux
affaires familiales.
Si de nombreux progrès ont été effectués au niveau civil, par exemple en mettant notre droit en conformité
avec l’article 12 de la Convention internationale des droits de l’enfant qui précise que « l’enfant qui est
capable de discernement a le droit d’exprimer librement son opinion sur toutes les questions l’intéressant »,
une étrange dichotomie est en train de se produire entre l’enfant au civil et l’enfant qui est “en conflit avec
loi ».
Il apparaît qu’aux yeux de notre droit et même de nos concitoyens, l’enfant dans les actes de la vie civile
n’est pas le même que l’enfant qui a commis un délit ou plutôt qui est en conflit avec la loi.
« Etre en conflit avec la loi » est le terme retenu par tous les textes internationaux au lieu « d’enfant
délinquant ». Le mot « enfant » est également retenu dans tous les textes internationaux, alors que nous
nous orientons vers la disparition de ce mot dans le cadre du droit pénal qui leur est applicable, le mot
« mineur » étant en but de le remplacer.
Or, il n’y a pas d’un côté au niveau civil, des enfants à protéger et, de l’autre côté, au niveau pénal, des
mineurs délinquants à exclure de la société. Ce sont les mêmes, fragiles, et la plupart du temps en danger.
L’acte commis est souvent un appel au secours, une manière de marquer son mal-être.
La Convention rappelle dans son article 3 que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants,
l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». Hélas, depuis quelques années,
cet intérêt primordial semble disparaître au profit du prétendu intérêt de la société. Comme si l’intérêt de
la société était différent de l’intérêt des enfants alors que ceux-ci sont notre avenir. De sombres nuages
se sont accumulés au-dessus de l’enfant en conflit avec la loi.
Peu après la ratification de la Convention internationale des droits de l’enfant, un sort plus favorable semblait
être réservé à cet enfant « délinquant ».
Une loi du 4 janvier 1993 avait rendu la présence de l’avocat obligatoire auprès de l’enfant tout au long
de la procédure pénale et ce, dès la première comparution devant le juge pour enfants et dès lors qu’une
infraction pénale était susceptible d’être retenue contre ce jeune. Cette réforme avait également étendu
les droits de la défense lors de la garde à vue du mineur. Depuis 2000, l’avocat pouvait même rencontrer
ce jeune dès sa première heure de garde à vue. Hélas, à partir de 2002, « le vent a tourné ».
Un article du Code Pénal, l’article 122-8, prévoit désormais que les mineurs capables de discernement sont
pénalement responsables des crimes et délits dont ils ont été reconnus coupables. Le deuxième alinéa
de cet article indique que des sanctions éducatives peuvent être prononcées à l’encontre des mineurs de dix
ans. Cela signifie jusqu’à l’heure actuelle, aucun âge n’est fixé pour la responsabilité pénale d’un jeune.
Celui-ci peut donc être mis en examen dès son plus jeune âge puisque seul le discernement sera pris
en compte par le juge. Je vous rappelle que le discernement est une notion totalement subjective et
empirique. Au sens du petit Robert : « c’est une disposition de l’esprit à juger clairement et sainement les
choses », et pour le Petit Larousse : « la faculté de juger et d’apprécier avec justesse ; le sens critique ».
Cela signifie qu’un enfant peut être mis en examen et donc être déféré devant le juge des enfants, dès l’âge
de 7 ans, puisque des décisions de justice en matière de responsabilité ont retenu le discernement d’un
enfant dès cet âge-là. D’ailleurs, les Juges aux affaires familiales à Paris, entendent les enfants à peu
près à partir de l’âge de 7 ans.
Les sanctions éducatives qui sont prononcées sont également portées sur leur casier judiciaire. La suppression
des mesures sur le casier judiciaire est d’ailleurs soumis au régime du droit commun applicable aux
majeurs. Depuis 2004, plus d’effacement automatique du casier judiciaire à 18 ans.
D’autres lois ont vu le jour en 2004 puis 2007, rapprochant de plus en plus la justice pénale réservée aux
enfants de celle des majeurs. De nouveaux délits ont été créés, notamment le fait de stationner à plusieurs
dans des halls d’immeubles (article 121-3 du Code Pénal). A titre d’exemple, ce délit est puni de deux
mois d’emprisonnement et de 3.750 € d’amende.
30
Lorsque ce délit est accompagné de voies de fait ou de menaces, les peines sont doublées. Les peines
encourues par les jeunes sont largement aggravées. En principe, tout mineur ne pouvait se voir prononcer
une peine supérieure à la moitié de la peine encourue.
Désormais, « en raison des circonstances de l’espèce ou la personnalité du mineur », vous dit le texte, le
Tribunal peut décider qu’il n’y a pas lieu de diminuer la peine. Cela signifie qu’un mineur pourra encourir
les mêmes peines d’emprisonnement qu’un majeur.
Les derniers textes sur la récidive et les peines dites plancher, achèvent de rapprocher la justice applicable
aux enfants de celle des majeurs. Nos enfants semblent être devenus désormais des adultes en miniature.
Tel que je vous l’ai indiqué précédemment, un nouveau code spécialement dédié à la jeunesse délinquante
doit venir en réflexion en 2010 au parlement. Peut-on espérer que les nuages s’éclaircissent ? Hélas, je
suis très inquiète. Pourtant voilà une initiative qui pouvait être saluée. En effet, l’idée de base est de créer
un Code plus lisible et dédié plus spécialement à la jeunesse.
Bonne initiative, à condition, comme l’a indiqué d’ailleurs la Défenseure des enfants qui, entre parenthèses,
est amenée à disparaître, que ce code regroupe, les avocats d’enfants le demandent également, toutes
les mesures civiles et pénales consacrées à l’enfant. Ces mesures rassemblées, donneraient plus de
lisibilité à tous les professionnels et pourquoi pas, aux enfants.
Mais l’avant-projet de code, qui nous est pour le moment proposé, ne répond à aucun de ces critères et
est pour le moment extrêmement confus.
Bonne idée également, ce qui nous permettait de nous mettre en règle avec les textes internationaux,
de fixer un âge de la responsabilité pénale du jeune. Nous, avocats d’enfants, allons proposer l’âge de
14 ans. Je vous rappelle qu’à 14 ans un enfant est en quatrième.
Ne croyez-vous pas que, même s’il a commis un délit, l’acte commis révèle plus un mal-être et un dysfonctionnement
qu’une véritable volonté de nuire ? Pour cela des mesures éducatives et un juge des enfants
dans ce cadre-là, devraient pouvoir remettre le jeune dans le droit chemin. Les textes en préparation
proposent l’âge de 13 ans.
On nous propose la disparition de la société civile dans les tribunaux pour enfants alors que cette
société civile doit s’impliquer dans l’éducation des enfants. Disparition donc des assesseurs c’est-à-dire
des personnes qui siègent avec le juge des enfants, pour le remplacer par un juge unique.
Disparition du mot “enfant” au profit, tel que je vous l’ai indiqué, du mot « mineur ». Nous, parents et
grands-parents, avons-nous à notre table des mineurs et des petits mineurs ou nos enfants et nos
petits-enfants ?
Création de la possibilité pour un tribunal de juger en flagrant délit un jeune de 13 ans avec possibilité
de l’envoyer en prison dès cet âge là. Or, le temps est capital pour permettre de comprendre le geste
d’un jeune et surtout lui permettre de se réhabiliter, de montrer que son acte, certes répréhensible, sera
sanctionné mais qu’il aura des moyens de se racheter.
La convention consacre de manière solennelle le droit de l’enfant à une protection spéciale. Cette protection
juridique spéciale trouve son expression dans la philosophie du droit de l’enfance délinquante se
traduisant par le principe fondamental de la prééminence de l’éducatif sur le répressif dans le
traitement du jeune ayant commis un délit.
Il convient de rappeler le principe fondamental de cette vision pleine d’espoir de l’ordonnance du 2 février 1945
dans son préambule si souvent cité :
« la France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des
êtres sains ».
« Le gouvernement provisoire de la République Française, entend protéger efficacement les mineurs et plus
particulièrement les mineurs délinquants ».
Si cette ordonnance signée par le Général de Gaulle est amenée à disparaître, nous devons rester dans
la droite ligne de son message : croire en notre jeunesse et lui apporter l’espoir.
Vous êtes tous là en raison de votre intérêt pour la jeunesse dans son ensemble. Je ne doute pas que
vous tous, qui constituez la société civile, y veillerez.
31
Justice
Tous à l’école : une réalité en marche ou en marge ?
La scolarisation des enfants handicapés mentaux : à la
croisée des chemins, 4 ans après la loi
Elisabeth DUSOL
Administratrice de l’Union nationale des associations
de parents, de personnes handicapées mentales et
de leurs amis (UNAPEI)
pour parvenir au degré d'autonomie et d'intégration sociale le plus élevé possible.
35
Enfants handicapés (article 23).
L'enfant handicapé a le droit de bénéficier
de soins spéciaux ainsi que d'une
éducation et d'une formation appropriées
pour lui permettre de mener une vie
pleine et décente, dans la dignité, et
Objectifs de l'éducation (article 29). L'éducation doit viser à favoriser l'épanouissement de la personnalité de
l'enfant, le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure des
ses potentialités. Elle doit préparer l'enfant à une vie adulte active dans une société libre et encourager en lui
le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que de la culture et
des valeurs d'autrui.
Introduction
L’arrivée d’un enfant porteur de handicap mental va bouleverser le mode de vie de toute sa famille. Après le
diagnostic, les projets de cette famille vont tourner autour de la prise en charge de cet enfant différent. Il faut
bien comprendre que ces turbulences vont impacter terriblement sur la vie future, et les aspirations de chacun,
sans parler des inquiétudes nombreuses liées au handicap lui-même. Dans ce contexte, la scolarisation apparaît
comme un retour à une « normalité », comme la possibilité donnée à l’enfant et à ses parents de retrouver
un statut là où l’on vit. C’est pour cela que notre Union dont les familles constituent la majorité des 60 000
adhérents est très attentive à cette loi sur la scolarisation, et veille à sa bonne application.
I. La scolarisation : texte de la loi 2005
Le handicap d’un enfant déficient intellectuel est rapidement mis en évidence par les difficultés d’intégration : que
ce soit la halte-garderie, la crèche, les structures de loisirs, l’école, le travail, tous ces milieux lui seront particulièrement
difficiles d’accès, malgré les textes de loi.
Éducation
La scolarisation des enfants handicapés mentaux : à la croisée des chemins, 4 ans après la loi
Pour la question de la scolarisation, c’est un combat permanent de parents qui a amené des associations
comme l’Unapei, l’APF, l’UNAFAM, et d’autres à s’unir pour avancer au mieux.
La loi de 1975 avait ébauché des textes, la loi de 2005 va plus loin :
- inscription de tout enfant dans l’école de son quartier,
- scolarisation et non plus intégration scolaire,
- selon la situation de l’enfant, scolarisation à temps plein dans un établissement scolaire, ou médicosocial,
ou en alternance,
- formation accrue des personnels enseignants et non-enseignants,
- inscription du sujet « handicap » dans les programme d’instruction civique des établissements d’enseignement,
- recrutement d’enseignants référents comme autant de ressources pour les enseignants et garant de
l’effectivité de mise en œuvre du PPS.
La réalité montre encore des écarts entre l’inscription et l’accès effectif à la scolarisation, entre autre
à cause de l’hétérogénéité des publics concernés par le handicap. Il existe en effet une très grande
diversité en matière de handicap mental et sa prise en charge se doit d’être adaptée. Même si la question
de la scolarisation concerne tous les enfants porteurs de handicap mental, son application doit être pensée
de façon individuelle. Des décrets viennent encore de sortir mais les moyens financiers ne sont pas adaptés
à la lourdeur ou aux différents types de handicaps.
II. Scolarisation, certes, mais est-ce une scolarisation bien adaptée ?
L’école s’appuie sur le triptyque :
- savoir
- savoir faire
- savoir vivre.
Comment mettre en pratique ces trois critères indispensables au bon équilibre de la scolarisation, en y
incluant les enfants porteurs de handicap ?
Voulons-nous mettre une barre, et si oui, qui la met et à quel niveau ? Est-ce le rôle des parents, des
éducateurs, ou des enseignants ?
- Cette notion de « savoir » passe par une base minimum, certes, mais surtout par une base adaptée
à chaque enfant en fonction du degré de son handicap et de son projet de vie.
La présence d’aide humaine (AVS ou EVS) pour certains enfants porteurs de handicap est indispensable
pour une bonne réussite (en terme de qualité comme de durée). Les associations de parents font pression
sur le gouvernement et exigent des solutions pour que ces emplois frappés, du sceau de la précarité,
deviennent de vrais métiers.
Cependant le dispositif des auxiliaires de vie scolaire qui devait faciliter la vie de l’enfant handicapé dans
le groupe classe est devenu dans la bouche de la majorité des enseignants une condition indispensable
à l’acceptation de l’enfant à l’école parce que les enseignants se disent eux-mêmes insuffisamment formés
à l’accueil d’un enfant handicapé dans leur classe.
- Nos établissements médico-sociaux ont fait leurs preuves en matière de « savoir vivre » et beaucoup
d’enfants ont retrouvé une stabilité affective et comportementale grâce à la compétence des professionnels.
Comment ajuster les missions de l’école et faire se rapprocher les compétences des uns
et des autres ? La mise en place des décrets du 2 avril 2009 concernant la coopération entre les établissements
médico-sociaux et ceux de l’éducation nationale doit se faire car ces décrets seront les pivots
de la réussite du dispositif de scolarisation pour tous exposé dans la loi du 11 février 2005.
III. Economie ou désir réel d’amélioration de l’accueil ?
Certains pays européens pratiquent depuis de nombreuses années la politique de l’école inclusive.
Le résultat n’est pas glorieux partout - en Italie par exemple où en sortant de l’école, bien souvent les
personnes à l’âge adulte n’ont pas de débouché sur le plan du travail.
36
Nous avons une position originale due à notre histoire. Aujourd’hui, nous devons faciliter le rapprochement
du médico-social et de l’éducation nationale. Avant tout, le législateur a cherché par cette loi 2005 à individualiser
les projets de vie des personnes handicapées, et il serait dommage, par manque de financement
de réduire la portée des effets de la loi.
Le contexte économique n’a-t-il pas poussé le législateur à scolariser tous les enfants dans le but de
libérer des places en établissement médico-social, places qui sont onéreuses et pèsent sur le budget de
la sécurité sociale ? Nous aurions souhaité que cette mesure soit prise simplement parce que nos enfants
doivent avoir les mêmes droits que les autres, qu’il est souhaitable pour eux d’avoir des copains et des
copines, que notre pays doit penser à valoriser leur potentiel aujourd’hui pour qu’ils soient moins
dépendants demain.
Scolarisation encore difficile, pourquoi ?
- Le Conseil d’Etat estime qu’il appartient à l’Etat de faire respecter « le droit à l’éducation » : et pourtant
depuis trois ans, les actions en justice menées par les parents pour faire respecter les droits de leur
enfant sont fréquents. Est-ce une réponse adaptée ? Ces actions nuisent aux parents qui s’usent
dans la lutte, aux enfants encore plus rejetés et à l’image de l’éducation nationale.
- Les chiffres de scolarisation sont peu précis : la fréquentation d’un enfant, de façon très partielle, est
comptabilisée de la même façon qu’un autre à temps plein. Sur ce point, l’Unapei semble avoir été
entendue puisqu’un nouveau système de comptage doit être mis en place à la rentrée 2009. Nous en
attendons avec impatience les fruits.
- Mettre un enfant handicapé à l’école est encore un parcours du combattant tant par la multiplicité
des prises en charges, ou intervenants, des dossiers à remplir etc.
- A l’Unapei, les parents désirent que leurs enfants reçoivent une éducation adaptée à leurs besoins,
avec l’accès à l’école quand cela est possible, mais refusent une éducation au rabais par manque de
moyens.
- Manque d’informations des parents : Les parents remontent aux associations tous les freins aux
quels ils se heurtent le plus souvent : classes trop chargées, enfant pas propre, pas d’AVS, scolarisation
possible sans soutien Sessad ou Camsp … Nous rencontrons des parents démunis qui ont peur
pour leur enfant, peur de le mettre en difficulté. D’autres parents sont au contraire trop exigeants.
Par méconnaissance des lieux d’informations, ils n’osent pas réclamer ou chercher de l’aide dans les
associations.
- Manque de formations et d’informations des personnels, enseignants et encadrants : A ce jour, le
manque crucial de formation des enseignants et des AVS est un obstacle supplémentaire au bon
déroulement d’une scolarisation. Un sondage effectué par La Halde fin 2008 est éloquent. La pluridisciplinarité
des établissements médico-sociaux devrait être mise à profit pour aider à la formation des
divers intervenants autour de l’enfant.
IV. Quel avenir à la scolarisation ?
Quand l’expérience de la scolarisation s’est faite de façon satisfaisante, tout le monde est gagnant : l’enfant,
l’enseignant de l’enfant et ses collègues, et aussi les autres enfants de l’école qui vont vivre de façon
positive le contact avec la différence.
La scolarisation permet à l’enfant handicapé, dès son plus jeune âge, de « vivre » comme les autres, avec
les autres. Il n’est plus considéré dans la famille comme le « vilain canard » qui fait pleurer et prend tout le
temps de ses parents aux dépens des autres enfants de la famille. Une mère de famille passe beaucoup
de temps entre les différentes rééducations d’orthophonie, de psychomotricité, les consultations médicales,
et cela pendant de nombreuses années. Lorsque l’enfant peut intégrer une scolarisation en maintenant ses
rééducations le soir ou le mercredi, on a fait un grand pas dans la reconnaissance des capacités propres
à la personne handicapée.
Mais nous savons que pour arriver à ce résultat, il faut de la patience et du temps :
- aux institutions politiques
- aux institutions spécialisées
37
Éducation
La scolarisation des enfants handicapés mentaux : à la croisée des chemins, 4 ans après la loi
- à l’éducation nationale
- à la société en général,
Car la sensibilité et l’ouverture de la société à la différence paraissent un élément déterminant pour la
réussite de ce grand projet qu’est la scolarisation. La loi du 11 février 2005 prévoit que les programmes
scolaires intègrent un volet sur la connaissance du handicap, mais nous constatons que ces programmes
ne sont pas mis en œuvre.
Nous souhaitons que le handicap ne fasse plus peur, que par une meilleure connaissance de ce que peut
apporter la diversité, la richesse des rapports humains, nos enfants trouvent une vraie place, et des
soutiens pour vivre « avec» les autres.
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L’éducation, un droit pour tous ou pour chacun ?
Barbara WALTER
Directeur recherche et projets à la Société Lyonnaise
pour l’Enfance et l’Adolescence, docteur en sciences
de l’éducation, présidente du COFRADE
39
A priori, ce titre n’a guère de sens
puisque si l’éducation est un droit
pour tous, chacun devrait logiquement
s’y (re)trouver. Ainsi, nul ne
formulera de doute sur l’effectivité
du droit à l’éducation pour tous. La
Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) affirme clairement dans son article 28 ce droit
à l’éducation de tous les enfants sans discrimination aucune et c’est bien sur ce principe que se fonde
l’égalité des chances. En outre, la loi française affirme l'instruction obligatoire pour les filles et les
garçons, âgés de 6 à 16 ans, résidant sur le territoire français, quelle que soit leur nationalité.
Ainsi, dans l’absolu, tous les enfants ont accès à l’éducation. Mais qu’en est-il de chaque enfant pris
individuellement : enfant porteur de handicap, enfant que l’on voit mendier dans les rues, enfant avec
des troubles du comportement, enfant décrocheur, enfant malade, enfant en prison…
Dans un arrêt rendu le 8 avril 2009, le Conseil d’Etat a considéré qu’il appartient à l’Etat de prendre les
mesures et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que le droit à l’éducation et l’obligation
scolaire soient garantis à chacun quelles que soient les situations et les handicaps. Cet arrêt fait suite à
la plainte de parents dont l’enfant handicapé n’avait pas eu accès à un institut médico-éducatif depuis
la rentrée 2003.
On peut donc dire que notre pays a bien la volonté de faire accéder l’ensemble des enfants à l’Education
mais tous n’y accèdent pas ou difficilement ou en pointillés et des efforts restent à faire.
De même faut-il s’interroger sur cette notion d’éducation érigée en droit. N’est-il question que du droit
d’accès au processus éducatif, c'est-à-dire l’ouverture physique à l’établissement scolaire ? Ou doit-on
aussi considérer le droit à l’éducation comme un droit à la réussite ? Auquel cas, tout enfant devrait
accéder aux apprentissages, aux cursus de son choix, mais devrait aussi accéder à la réussite non pas
seulement en termes d’acquisition des fondamentaux mais aussi en termes de diplômes.
Éducation
L’éducation, un droit pour tous ou pour chacun ?
Démarche éducative, contenus de l’éducation, objectifs à atteindre, le droit à l’éducation devrait englober
l’ensemble de la procédure pour l’ensemble des enfants mais nous allons voir, à partir de quelques
exemples, que le parcours peut être semé d’embûches.
Une démocratisation scolaire ségrégative
La question se pose dès le plus jeune âge. Sylvie Chevillard, chercheuse à l’Université Paris VIII, défend
l’accès à l’école dès 2 ans pour les enfants issus de milieux défavorisés. Elle s’appuie sur des études
pour affirmer que pour les petits des couches populaires, une scolarisation précoce présente un énorme
avantage dans l’apprentissage du langage et dans la construction de la sociabilité. Cet accès est remis
en cause aujourd’hui et veut être remplacé par le jardin d’éveil. Mais, du fait de la non gratuité de cette
nouvelle formule, ce ne sont plus les enfants de milieux défavorisés qui pourront y accéder en priorité…
A la fin de l’école primaire, malgré l’effort des enseignants, des enfants demeurent encore illettrés ou gardent
d’énormes difficultés dans la pratique du lire et écrire. 4,3% de garçons et de filles sont repérés en situation
d’illettrisme lors de la journée d’appel de préparation à la Défense (chiffres 2005).
Le collège unique entraîne des progrès de la scolarisation en augmentant le nombre d’élèves et en allongeant
la durée de la scolarité. Mais le revers de la médaille est une importante hétérogénéité des élèves du
point de vue du niveau et de l’origine sociale. Ceci entraîne des difficultés de gestion et d’adaptation et influe
sur la qualité de vie des établissements. Ces difficultés ont fait dire à François Bayrou, alors ministre de
l’Education nationale, que le problème n’est pas que le « collège soit unique, mais uniforme donc injuste ».
En effet, la démocratisation n’atténue pas ou n’exclut pas ce que Bourdieu appelle la logique de reproduction.
On trouve plus souvent les mauvais résultats chez les enfants des milieux les moins favorisés et l’on sait
que l’investissement financier, matériel et intellectuel de parents des milieux aisés contribue à la réussite
scolaire de leur enfant.
Une ségrégation existe ensuite dans le choix de la bonne section ou du bon établissement. Marie Duru-
Bellat, sociologue et professeur d’université constate qu’à peine 20% d’enfants de parents ouvriers non
qualifiés fréquentent une filière S et que moins de 1% d’enfants de parents ouvriers non qualifiés accèdent
à une grande école.
Les sorties du système scolaire sans qualification concernent de 110 000 à 170 000 jeunes selon la méthode
de calcul que l’on retient. La classification française distingue les sorties sans qualification et les sorties
sans diplôme. Alors que la classification internationale (Classification Internationale Type de l’Education)
considère que l’élève est réputé qualifié s’il a achevé avec succès son cycle de formation.
Dans ce dernier mode de calcul, ce sont alors 20% d’une génération (entre 150 000 à 160 000 jeunes
qui sortent du système éducatif sans qualification. (cf. Lettre d’information VST-INRP, juin 2007).
Un des facteurs majeurs du désinvestissement scolaire est celui de l’orientation de fin de 3ème qui se
réduit souvent pour les élèves peu performants à intégrer une filière de l’enseignement professionnel en
fonction des places disponibles et non pas en fonction de centres d’intérêt ou d’aptitudes ou encore de
choix.
Parmi les jeunes qui intègrent l’enseignement supérieur, 1 sur 5 en sortira sans diplôme.
Des élèves qui décrochent ou qu’on ne retient pas
De plus en plus d'élèves sont absents de manière régulière, déplore l’ancien ministre de l’Education
nationale, Xavier Darcos, en ajoutant que « l'absentéisme mène au décrochage, qui conduit à l'échec
scolaire, lequel mine l'insertion professionnelle et sociale des jeunes ». (Le Monde, 22/01/2009)
Selon le Ministère, l’absentéisme, calculé à partir d’un seuil de 4 demi-journées d’absence par mois,
concernerait 5% des élèves mais peut atteindre 10% des jeunes en lycée professionnel. L’absentéisme
grave, c'est-à-dire plus de 10 demi-journées par mois concerne 1% des élèves.
L’absentéisme scolaire n'est pas un phénomène nouveau, mais, parce qu'il est devenu un phénomène
de société, il suscite désormais de l'intérêt, quand ce n'est pas de l'inquiétude, jusqu'à une mobilisation
politique nationale. Entre l’adolescent qui sèche un cours occasionnellement pour s’investir parfois dans
d’autres activités, et celui qui décroche totalement parce qu’il ne parvient plus à trouver la motivation
nécessaire, ou est en proie à une phobie scolaire par exemple, il existe un certain nombres d’enfants et
40
d’adolescents qui sont certes, physiquement présents, sans pour autant s’investir activement dans l’activité
scolaire et dans l’apprentissage des savoirs fondamentaux. Le terme d’absentéisme ou de décrochage
scolaire recouvre des réalités très diverses. Ainsi peut-il apparaître, selon les cas, comme une transgression
normale accompagnant le processus d’adolescence, comme l’expression d’une indifférence ou d’une
absence de sens pour la « chose scolaire » ou encore comme le symptôme d’une pathologie.
Comportement d’élève inadapté
Le contexte scolaire est souvent un révélateur de conduites ou de comportements inadaptés de certains
enfants : de l’enfant qui perturbe volontairement à celui qui est incapable de rester assis sur une chaise
plus de 5 minutes en passant, par l’enfant qui se fait oublier à force d’inertie. La gamme est vaste et pour,
l’enseignant qui a en charge une classe entière, il est souvent difficile de gérer un groupe d’élèves lorsque
un ou plusieurs d’entre eux ont des problèmes de comportement allant jusqu’aux troubles de la conduite
et/ou du comportement.
Le comportement de ces élèves d’intelligence normale les empêche d’accéder sereinement aux
apprentissages et les place, de ce fait, dans un processus handicapant. Que faire de ces enfants pour
respecter au mieux le droit à l’éducation ?
Outre l’intégration des troubles du comportement dans le champ du handicap que beaucoup de parents
refusent, l’inscription de l’enfant dans un institut spécialisé (Instituts Thérapeutique, Educatif et Pédagogique)
ne lui permet que rarement de réintégrer le milieu scolaire ordinaire. Même si la loi préconise que l’enfant,
quel que soit son handicap - et donc aussi avec des troubles du comportement - doit être inscrit dans son
école de référence et peut bénéficier d’aides pédagogiques, éducatives et thérapeutiques complémentaires
à partir d’un SESSAD ou d’un ITEP.
Une fois les troubles du comportement repérés ou déterminés par la Maison départementale des personnes
handicapées (MDPH), on se trouve confronté à une double difficulté, celle de la lourdeur du dispositif
d’orientation de la MDPH et celle du manque de place dans les Instituts thérapeutique, éducatif et
pédagogique (ITEP).
Le décret du 2 avril 2009 définit, concrètement, les modalités de coopération entre les établissements
scolaires et les établissements ou services médico-sociaux. Cette réglementation fait du projet personnalisé
de scolarité un volet incontournable du projet individualisé d’accompagnement de chaque enfant accueilli
en institut thérapeutique, éducatif et pédagogique. Plus globalement, l’enfant est inscrit dans l’école de
son quartier et, si besoin, est accompagné d’un assistant de vie scolaire. Mais, là encore, le manque de
moyens en nombre d’AVS et en nombre d’heures ne permet pas toujours à l’enfant d’être contenu dans
un comportement d’élève.
Un droit réduit à l’éducation
Un enfant de 8 ans jette une chaise à travers la classe, heureusement sans blesser personne. Cet événement
fait suite à d’autres actes violents et l’enseignant n’en peut plus. Un dossier MDPH est constitué. L’école
diminue le temps scolaire de l’enfant (4 demi journées par semaine) et demande à ce que l’enfant ne
vienne plus manger à la cantine.
Un enfant de 8 ans vole 10 euros dans le portefeuille de l’auxiliaire de vie scolaire. Ayant déjà à son actif
d’autres vols, une commission éducative est appelée à statuer. Résultat, un dossier MDPH est constitué,
une diminution du temps scolaire est demandée et l’enfant est interdit de cantine.
Deux exemples montrant que le droit à l’éducation peut être restreint en attendant que l’enfant pose un
énième acte provoquant ainsi l’exclusion définitive.
De par ma fonction de chercheur dans le social (protection de l’enfance et secteur médico-social), je recueille
les témoignages de directeurs d’établissement qui, unanimement, évoquent la difficulté de maintenir des
enfants présentant des troubles du comportement et de la conduite dans le circuit scolaire habituel. Enfants
bolides, enfants violents, perturbés et perturbateurs, agissant par pulsions incontrôlables, sans limites qui
ne peuvent que faire exploser un groupe classe et perturber ainsi l’accès aux apprentissages.
41
Éducation
L’éducation, un droit pour tous ou pour chacun ?
Les représentants de l’inspection académique de ma région ont beau affirmer qu’il n’existe pas d’exclusion
scolaire, qu’il suffit de contacter l’académie pour qu’un enfant, en situation d’être exclu d’une école, soit
ré-affecté dans une autre école dans un délai d’une semaine, j’ai en tête de nombreux exemples :
- 1 garçon de 14 ans, en 4ème a été exclu définitivement de son collège le 23 avril et n’a réintégré un
autre collège que le 30 mai.
- 4 jeunes de 14 et 15 ans étaient déscolarisés suite à exclusion, depuis plus d’un mois pour les uns,
et plus de 2 mois pour 2 d’entre eux au moment de l’admission en foyer de l’aide sociale à l’enfance.
Mais 2 de ces jeunes sont scolarisés à temps partiel car le collège ne les prend pas à temps plein !
- 2 jeunes de 15 et 16 ans en situation d’errance à l’admission dans un service de protection de l’enfance
n’étaient plus scolarisés depuis plusieurs mois, car exclus répétitivement des différents collèges. Ils
ont été orientés en apprentissage alternance.
- 1 jeune de 14 ans, déscolarisé en mai, n’a été rescolarisé qu’en septembre.
- 2 jeunes collégiens sont scolarisés à temps très partiel (1 jour pas semaine) car le collège refuse de
les avoir à temps plein.
En fait, il y a le problème des exclusions mais il y a surtout le problème d’un système scolaire qui n’est pas
en capacité de s’adapter à des jeunes qui posent problème. L’école intégrée dans les instituts thérapeutiques,
éducatifs et pédagogiques accueille 6 à 7 enfants par classe et la gestion de ceux-ci nécessite des
compétences pédagogiques de l’ordre du dévouement. Comment dès lors imaginer qu’un enseignant seul
dans sa classe peut faire œuvre pédagogique alors qu’un ou plusieurs enfants présentent des difficultés
psychologiques et des souffrances psychiques telles qu’elles envahissent la dynamique même du groupe ?
Et pour autant, ces enfants ont comme tout enfant le droit à l’éducation, voire à une forme de réussite
éducative.
Ainsi, le droit à l’éducation concerne tous les enfants, certes, à condition que les enfants soient conformes
à l’élève type attendu dans une classe. Mais le droit à l’éducation pour chacun semble parfois impossible
lorsque ce chacun ne peut se couler dans le moule ou n’a pas le profil nécessaire à l’intégration dans
notre système scolaire.
Une utopie créatrice
Ainsi, dans le fonctionnement actuel de notre système scolaire, il y a bien un droit à l’éducation pour tous
mais il y a encore trop d’enfants laissés pour compte parce qu’ils n’ont pas intégré le métier d’élève,
parce qu’ils s’inscrivent dans un parcours d’échec, parce qu’ils sont atypiques, non adaptés ou non adaptables
à l’uniformisation voulue par le système. Les enfants changent, leur relation à l’adulte n’est plus
celle d’il y a 50 ans, les sources d’excitation sont innombrables, zaping et SMS sont le pain quotidien de
nos enfants, les relations se virtualisent. Peut-être que le système scolaire n’est plus adapté à ces modes
de vie et d’apprentissage ? Peut-être faut-il interroger les finalités éducatives que nous souhaitons pour
nos enfants ? Doit-on privilégier l’accès de tous aux mêmes fondements éducatifs ou doit-on veiller à ce
que chaque enfant accède à un parcours éducatif qui lui permette de réussir « sa » vie ?
Il s’agirait alors de penser le droit à l’éducation de manière individuelle pour chaque enfant, chaque adolescent,
en fonction de sa spécificité, de ses aptitudes, de son rythme d’évolution et d’apprentissage. Vaste
programme qui peut sembler utopique mais l’utopie n’est-elle pas la faculté d’imaginer un monde où chaque
enfant aurait non pas une place par défaut mais Sa place à partir de laquelle il pourrait s’épanouir sereinement.
42
Une même école pour des enfants différents ?
Marie-Anne MONTCHAMP
Députée du Val-de-Marne, ancienne Secrétaire
d’Etat aux personnes handicapées
43
Je suis ravie d’être parmi vous ce
matin pour parler d’un sujet qui nous
renvoie à l’épisode législatif de 2005
avec la loi du 11 février qui, disons
le, a été largement coproduite avec
les associations sans lesquelles le
législateur aurait été bien démuni. Je me suis souvent demandé, quand j’étais en position de défendre
cette loi à l’Assemblée et au Sénat, jusqu’où notre société était capable de comprendre que l’on puisse
aller trop loin. La question de la place du curseur s’est posée tout le temps parce que, quand on est
dans un processus législatif, outre le fait qu’on est jamais sûr d’avoir totalement raison, outre le fait qu’on
est plus empli de doutes que de certitudes, l’idée c’est malgré tout d’arriver par l’impulsion législative à
mettre la société en mouvement sans jamais avoir la prétention de penser qu’elle pourrait accepter de
comprendre ce qu’on veut lui faire passer, si l'on va juste un peu trop loin.
Sur la question de la scolarisation des enfants handicapés où nous avons redit dans la loi une chose,
somme toute assez simple, c’est que l’école de la République est faite pour tous les enfants de la
République et que l’inscription de droit de l’enfant, fusse-t-il handicapé, dans l’école de son quartier, doit
être un de nos fondamentaux. C’était à la fois d’une banalité terrible et d’une difficulté immense. D’ailleurs
dans la présentation qu’ont faite Elisabeth Dusol et Barbara Walter, vous nous avez apporté le signe de
ce décalage entre ce que la loi a voulu porter comme impulsion et de notre capacité à faire tout simplement.
Quand vous parlez de la frilosité de l’école, de la frilosité de l’enseignant, de la peur des
parents, de la montagne administrative de la MDPH, de la CDAPH, du parcours du combattant et de ces
AVS qu’on est en train de décruter alors qu’on en a besoin et qu’il faut pourtant recruter alors qu’on va
les avoir perdues précisement quand elles étaient formées, on a l’impression d’être chez Kafka. Nous
nous battons, nous avançons, mais malgré tout, les inerties sont là et quand vous dites, « il faut changer
l’école », permettez-moi de penser (ce n’est pas très politiquement correct) que vous n’avez pas tort.
Éducation
Une même école pour des enfants différents ?
Mais comment changer l’école ? Je me suis essayée, en réfléchissant à ce que nous pourrions nous dire
ici, à quelques pistes.
Tout d’abord ce qu’on trouve dans la loi du 11 février, c’est le droit au projet. Il me semble qu’avant le droit
à l’éducation, à l’enseignement ou au transfert de savoirs, il y a un droit fondamental que j’ai découvert
quand j’ai rencontré des parents d’enfants handicapés, qui est ce droit au projet. Ce que j’en ai compris
(je le dis avec mes mots), c’est que quand dans une famille naît un enfant différent, il y a un moment de
sidération qui se produit, un moment où la famille prend conscience du handicap de son enfant. Cela
varie en fonction du handicap : si l’enfant est porteur d’une trisomie 21, on peut le savoir assez vite ; s’il
est atteint d’un syndrome autistique, l’errance thérapeutique fait qu’on peut attendre des années alors
que la mère sait bien que son enfant ne la regarde pas. On peut attendre des années avant de voir
poser le mot qu’elle attend, non pas pour se rassurer mais pour pouvoir engager un parcours fait de
solutions et de projets pour cet enfant différent. Cet instant de sidération pendant lequel on sent la
différence de l’enfant qui n’aurait pas le même droit au projet de vie qu’un enfant ordinaire, c’est sans doute
ce qui rend l’accès à l’école tellement difficile parce que, pendant des années, l’école a servi de centre de
diagnostic brutal, violent à la famille qui, de force, cherchait à conduire son enfant comme tous les enfants
sur le chemin de l’école et entendait dans la parole de l’enseignant « vous ne croyez pas qu’il y a quelque
chose qui ne va pas avec l’enfant ». Et c’est l’école, lieu de projet, lieu de transmission de savoirs, lieu
d’avenir qui disait à la famille - et le dit encore souvent - surtout quand il ne s’agit pas de handicap mais
de troubles de comportement, de différence d’accès aux savoirs à l’apprentissage « vous ne pensez
pas qu’il y a quelque chose qui cloche avec le petit ».
Cela provoque ce que j’ai appelé ce temps de sidération où la vie s’arrête et où nous sommes les uns
et les autres en panne, la famille mais également la collectivité. Je veux redire l’importance des centres
médico-sociaux pédagogiques précoces, les CAMSP, qui sont ces unités extraordinaires parce qu’il s’y
joue à peu près tout et surtout l’histoire de cette famille dont le cours s’infléchit avec la naissance de l’enfant
différent, et qui peut repartir tout de suite vers du projet, leur rôle est absolument décisif.
C’est pour cela qu’on ne peut plus penser l’école comme une entité en tant que telle, il faut la penser dans
la chaîne logique et du diagnostic et de l’accueil et de l’émergence d’un projet et de l’inclusion sociale.
Faire en sorte que l’école ne soit plus tellement isolée dans cette dimension pédagogique. On a pris
l’habitude de penser l’école à travers la classe, j’imagine que si nous faisions un micro-trottoir en repartant
et que nous demandions à nos compatriotes « alors l’école c’est quoi, dessinez-moi une école ! », ils nous
dessineraient à peu près une salle de classe ou quelque chose comme ça. Sauf que l’école ça n’est plus
la classe, l’école on l’a dehors, l’école on l’a à la télé, l’école on l’a sur internet, l’école on l’a à la cantine,
l’école on l’a au centre de loisirs, l’école on l’a déjà en tout petit à la halte-garderie, bref, cette continuité
que vous avez évoquée Elisabeth Dusol, qui est en fait, cette inclusion de l’école dans la vie, alors même
que nous avons appris à la penser comme une entité disjointe, limitée, séparée, différenciée et qui, par son
mode d’accès spécifique, génère une partie de cette discontinuité que vous avez pointée l’une et l’autre.
Nous avons cherché collectivement à mettre en place des solutions de médiation. L’auxiliaire de vie scolaire
est une solution de médiation puissante dès lors qu’on a bien identifié de quel métier il s’agit, (le mot est
lâché ! ). Je fais partie de ceux qui militent pour aller vers une logique de métier pour les auxiliaires de
vie scolaire. Stop au gaspillage humain autant qu'à l’inertie ! Il va falloir au passage, (message pour les
budgétaires) dont je fais partie de temps en temps à mes heures perdues, se poser la question des
financements. Je ne pense pas que la responsabilité de l’auxiliaire de vie scolaire repose simplement sur
un financement Education Nationale. Pour le temps scolaire bien sûr, pour ce qui est de l’accessibilité
éducative stricte, bien sûr qu'il s'agit de sa responsabilité, mais pour tout ce qui est l’accompagnement
périphérique, de la cantine au centre de loisirs, pourquoi ne pas imaginer des financements croisés qui
permettraient de résoudre cette question qui, au fond, fait échec au projet d’auxiliaire de vie scolaire.
Pourquoi cela coince-t-il, pourquoi les décrute-on ? Tout simplement parce qu’on ne sait pas comment
les financer. Je ne peux pas vous dire que la période soit particulièrement euphorique sur la question des
financements, elle ne l’est pas ! Pour trouver des solutions, imaginons des sources de financement complémentaires,
faisons des partenariats un peu inédits ou des pools de financeurs : associations, collectivités
locales, Etat, Education nationale pour mutualiser des modes de financement qui permettraient enfin de
passer par-dessus cet écueil qu’on nous objecte.
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Je voudrais parler aussi de la bientraitance à l’école parce que, l’école est trop souvent maltraitante. On
parle en ce moment de la souffrance au travail mais, pour certains enfants de la République, la souffrance
au travail, elle commence très tôt. Elle commence très tôt dans les modes d’accueil, elle commence très
tôt dans l’organisation des locaux. On a beaucoup ri ou glosé sur le mauvais état des conditions d’accueil
sanitaire des enfants à l’école, on n’a pas à être très fiers de ça. Imaginons-nous être transplantés brusquement
dans le milieu scolaire et obligés de vivre comme certains de nos enfants vivent parfois, je pense
que nous y serions terriblement mal à l’aise avec très peu de choix, avec des injonctions parfois assez
brutales.
Rassurer les enseignants sur cette capacité à aborder la relation scolaire sur un mode mieux traitant, par
une plus grande confiance dans l’action qu’ils y conduisent, dans la mission qu’ils y remplissent, je pense
que cela devra à un moment faire partie de nos préoccupations collectives parce, la scolarisation des
enfants handicapés, est une forme de question laboratoire - si vous permettez cette expression. En améliorant
l’accessibilité physique, en améliorant l’accessibilité éducative, en améliorant le savoir accueillir
la différence, l’investissement que nous faisons pour ces enfants-là, apprenons tout de suite à le transférer
sur tous les enfants. Et au lieu de traiter la question du handicap comme une question subsidiaire, qu’on
traite seulement après que les autres ont été traitées, commençons par investir dans celle-là, car elle est
réformatrice pour la République. La réforme douce, la réforme dans la pratique, la réforme qui se transmet
par le savoir-faire et par le savoir-vivre.
Changer l’école par une autre accessibilité en visant cet objectif d’inclusion qui, en fait, se fonde sur la
compréhension que le collectif se fait de l’intérêt de la différence en son sein. C’est un programme gigantesque
pour une société qui s’interroge. Mais je crois qu’à travers la question de l’enfant handicapé à
l’école, nous sommes tout simplement en train de réfléchir à la question de la citoyenneté.
C’est vrai, qu’en 2005, forts de l’élan que nous nous étions donné les uns les autres, nous avons fait
écrire dans le marbre de la loi que tous les petits enfants de la République française auraient leur place
dans l’école de la République. Ce jour là, nous avons pris un peu d’élan et nous avons sans doute omis
de regarder précisément où nous en étions. Mais si vous voulez que je vous dise le fond de ma pensée,
je n’ai aucun regret de cela.
45
Intervention retranscrite
Éducation
Enquête d’opinion grand public et parlementaires
La Convention Internationale des Droits de l’Enfant, opinion
publique et parlementaire français : quels regards, quels enjeux ?
Laurence BEDEAU
Directrice d’études, responsable de l’expertise Société
au sein du Département Stratégies d’opinion, TNS
Sofres
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La Fondation pour l’Enfance en
partenariat avec l’Unicef France a
commandé une série d’études à
l’institut de sondage TNS sofres.
Il s’agissait pour nous de connaître
au mieux la perception et la
connaissance des droits de l’enfant et en particulier de la Convention Internationale des Droits
de l’Enfant par le grand public mais aussi par les parlementaires. Le dispositif mis en place a
cette particularité de permettre de croiser les regards à la fois entre la population et ses représentants
aux deux assemblées, mais aussi entre adultes et adolescents puisque le choix a été
fait d’interroger les 15 ans et plus et d’identifier les réponses des 15-18 ans.
A noter que cette opération a pu être réalisée grâce au soutien de Sanofi-Aventis. L’ensemble
des résultats chiffrés sont consultables en annexes de ce document.
Bonjour à tous et à toutes, je remercie la Fondation pour l’Enfance de me donner l’opportunité de vous
présenter les résultats de ce dispositif d’enquêtes innovant puisque permettant le regard croisé entre le grand
public et les parlementaires sur la question des droits de l’enfant. Je vais commencer par les Français et les
droits de l’enfant, l’étude a été réalisée par téléphone au mois de juin 2009, auprès d’un échantillon
représentatif de français de 15 ans et plus. J’insiste sur cet échantillon puisque nous avons souhaité
interroger, avec la Fondation pour l’Enfance et l’UNICEF France, des adultes mais également des adolescents
âgés de 15 à 18 ans ce qui nous a permis de croiser leur regards et leurs perceptions avec celui des adultes.
Premier point, la perception du respect des droits de l’enfant dans le monde, qu’en est-il aujourd’hui :
pour 1 Français sur 2 la situation est stable depuis 15 ans, et pour 37% d’entre eux il y a des progrès, les
droits de l’enfant seraient mieux respectés aujourd’hui. Une minorité, mais 11% tout de même, estiment au
contraire que la situation se dégrade et que les choses vont plutôt moins bien dans le monde.
Enquête
d’opinion
La Convention Internationale des Droits de l’Enfant, opinion publique et parlementaire français :
quels regards, quels enjeux ?
Quand on demande aux Français quels sont aujourd’hui les droits de l’enfant qui leur semblent les plus
importants à faire respecter, ce sont l’intégrité physique, l’alimentation et la scolarisation qui viennent en
premier. La question de la scolarisation fait écho à ce qui a été dit ce matin dans cette salle, on constate
qu’il y a, sur ce point, entre les adolescents et les adultes un écart de perception. Les enfants accordent
encore plus d’importance à l’accès à la scolarisation que ne le font les adultes, les 15-18 ans sont 75%
à dire qu’il s’agit d’un droit fondamental à faire respecter dans le monde.
Les droits de l’enfant en France qu’en est-il ? Le bilan est un peu morose ! Pourquoi ? On constate
notamment que plus de ¾ des Français estiment que le fait de ne pas pouvoir partir en vacances est une
situation répandue pour les enfants et pour 20% d’ente eux, elle est très répandue. En ce qui concerne
le racket à l’école, 70% des français estiment qu’il s’agit d’une situation répandue. Quels sont les écarts
par rapport à la réalité ? Est-ce qu’on a l’expression de craintes qui ne seraient pas avérées ou au
contraire de réalités vécues par des parents ? Quoi qu’il en soit, 17% estiment que c’est une situation
très répandue, ce qui est considérable.
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Ne pas avoir suffisamment d’argent pour aller à la cantine quant un enfant est à l’école, 57% disent que
c’est une situation répandue, c’est un chiffre très élevé au regard de la problématique. Enfin pour ce qui
est des violences sexuelles, d’être battu, ou maltraité dans sa famille, 49% estiment que c’est une
situation répandue en France. C’est un diagnostic pour le moins morose si ce n’est inquiétant, et qui pose
un certain nombre de questions aux pouvoirs publics et au tissu associatif.
Venons en maintenant à la situation des 15-18 ans en France. Nous avons demandé aux Français
de nous dire s’ils jugeaient leur situation satisfaisante en matière d’accès à la santé, à l’éducation, de
niveau de vie, de place dans la société, et en ce qui concerne la manière dont on les considère et leurs
perspectives d’avenir.
Deux éléments importants sont à retenir : sur la question de l’accès à la santé, il y a un consensus
positif assez fort. On peut dire aujourd’hui que nos adolescents de 15-18 ans ont un bon accès à la
santé et pour près d’1/4 de la population c’est une situation très satisfaisante. La situation est jugée en
amélioration par rapport à 2007 en gagnant 3 points, ce qui est tout à fait significatif.
En revanche pour tous les autres thèmes, nous sommes sur des constats beaucoup plus mitigés : 66% de
satisfait pour l’accès à l’éducation, ce qui reste une majorité positive mais on tombe en deçà du ¼ de la
population pour qui la situation est très satisfaisante, 46% nous disent qu’elle est assez satisfaisante,
c’est une échelle de réponse qui en tant que telle est assez neutre, mais derrière ce chiffre très mitigé il
y a beaucoup de questions, d’incertitudes et peut-être encore d’inquiétudes. Et 33% nous disent bien que
la situation n’est pas satisfaisante.
En ce qui concerne le niveau de vie, on observe une dégradation et un jugement encore plus mitigé, qui
est à rapprocher du contexte de crise économique actuel, et très probablement aussi pour la place que
les adolescents ont dans la société, la façon dont elle les considère et leurs perspectives d’avenir. Nous
n’avons plus que 17% de la population qui dressent un bilan satisfaisant, chiffre en progression depuis
3 ans. En revanche en ce qui concerne la santé, la scolarisation, le niveau de vie et des perspectives
d’avenir des 15-18 ans, nous constatons que le pessimisme est un pessimisme des plus âgés, et c’est
un pessimisme qui augmente avec l’âge, car pour ceux qui sont directement concernés, à savoir les
adolescents, ils sont les moins nombreux à juger la situation insatisfaisante.
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Enquête
d’opinion
La Convention Internationale des Droits de l’Enfant, opinion publique et parlementaire français :
quels regards, quels enjeux ?
Venons-en aux instances d’écoute et de défense des droits de l’enfant en France, elles sont unanimement
jugées utiles, en revanche, elles sont jugés très insuffisamment actives.
En ce qui concerne d’abord l’écoute et la prise en compte de l’avis des enfants nous avons aujourd’hui
47% des Français qui estiment que les adultes n’écoutent pas ou ne prennent pas assez souvent en
compte la parole de l’enfant, 34% estiment qu’on le fait comme il faut, et 17% qu’on le fait un peu trop
souvent.
Le défenseur des enfants est un médiateur jugé utile, les chiffres sont très clairs : 78% des Français
nous le disent, mais moins qu’il y a 10 ans (91% en 1999). Mais attention à une lecture trop simple de
ces chiffres, on ne remet pas en cause l’utilité du défenseur des enfants, en revanche on s’interroge
depuis sa mise en place sur son efficacité (quelle place ? quel rôle lui a-t-on accordé ? lui en a-t-on
accordé suffisamment ?).
En ce qui concerne la CIDE, elle est globalement peu connue : à peine 1/3 des Français ne savent
aujourd’hui ne serais-ce que de nom de quoi il s’agit, on est sur une connaissance très molle, et parmi
les jeunes elle est pour ainsi dire nulle, puisque seulement 10% en ont entendu parler. Ce qui ne veut
pas dire pour autant que les jeunes n’ont pas conscience de leurs droits.
52
Enfin on a parlé du défenseur des enfants rapidement mais quels sont pour les Français les acteurs aujourd’hui
considérés comme les mieux placés pour garantir le respect des droits de l’enfant. Je pense que
le constat est assez clair pour tout le monde, c’est le tissu associatif qui arrive en première place : pour 52%
des Français ce sont les ONG dont les associations de défense des droits de l’enfant comme l’Unicef ou
la Fondation pour l’Enfance qui arrivent très largement en tête. En ce qui concerne les pouvoirs publics :
gouvernement, parlement européen ou français, ils arrivent en queue de liste. Sans pouvoir interpréter
précisément ce chiffre on ne peut qu’affirmer que la confiance est donnée dans ce domaine en priorité
aux associations et aux travailleurs sociaux. Le défenseur des enfants arrive en milieu de classement
avec 18% ce qui pose encore une fois la question de son efficacité, sa capacité effective à garantir le
respect des droits de l’enfant, ne remettant pas en cause son utilité.
Là encore entre adolescents et adultes, il y a des écarts. Sur la question du défenseur des droits de
l’enfant l’écart est considérable, les adolescents sont très attachés à toutes les instances qui leur sont
dédiées, les adolescents lui accordent un rôle et une capacité d’écoute et de prise en compte de leur
parole beaucoup plus importante, mais comme les adultes ils mettent les associations très largement en
tête de leur classement.
Qu’en est-il des parlementaires et des droits de l’enfant ? Le dispositif d’étude est inédit, l’enjeu était
d’envoyer aux 920 parlementaires français, un questionnaire imprimé. La réponse étant bien entendu
libre. La bonne nouvelle c’est que 135 parlementaires nous ont effectivement répondu, ces réponses sont
revenues spontanément, cela peut paraître peu, mais c’est beaucoup sur ce type de démarche, et c’est
probablement le sujet qui a motivé ce niveau de réponse par les parlementaires, qui par ailleurs sont très
sollicités notamment par les instituts de sondage.
Nous avons, dans cet échantillon de 135 parlementaires répondant, une majorité de députés en respectant
quasiment l’équilibre réel entre députés et sénateurs, idem pour un bon équilibre de représentants de la
majorité et de l’opposition.
Quelle est leur perception des droits de l’enfant à travers le monde et en France ? Nous avons tout
d’abord voulu les interroger sur la façon dont ils hiérarchisaient les priorités puisque aujourd’hui, tout
sujet est prioritaire en France. Sans surprise le chômage et l’emploi arrivent en tête du classement avec
85% des réponses. Quant à la place des droits de l’enfant, elle est en queue de liste, ne totalisant que
12% des citations, sachant que nous leur avions donné la possibilité de choisir 4 réponses. Sur ce point,
nous ne constatons aucun écart entre députés et sénateurs. Pourquoi cette place dans la hiérarchie ?
Est-ce parce que les parlementaires considèrent qu’aujourd’hui en France les droits de l’enfant sont
somme toute, plutôt bien garantis ? C’est une des hypothèses puisque lorsqu’on leur pose la question,
78% nous disent que les droits de l’enfant sont bien respectés en France. Toutefois à noter que seul 3%
des parlementaires estiment que les droits de l’enfant sont très bien respectés, le bilan est clairement
positif mais pas d’une fermeté excessive.
53
Enquête
d’opinion
La Convention Internationale des Droits de l’Enfant, opinion publique et parlementaire français :
quels regards, quels enjeux ?
La situation est jugée positive notamment au regard d’autres droits, nous avons demandé aux parlementaires
de se prononcer sur les droits de l’homme, les droits de l’enfant, la liberté de la presse, les
droits de la femme, le droits des homosexuels, et le droit des étrangers. Si on hiérarchise ces différents
droits, les droits de l’enfant arrivent juste après les droits de l’homme, avec 68% des parlementaires
nous disant que la situation est plutôt satisfaisante.
En termes de comparaison par rapport aux autres pays européens, le constat est assez clair : ou bien nous
sommes à peu près au même niveau, les droits de l’enfant ne serait ni mieux ni moins bien respectés que
dans les autres pays européens pour 44%, ou bien pour 47 % donc une majorité relative, mieux respectés :
cocorico ou réalité, la question est posée. Mais ils ne sont que 8 % à considérer que les droits seraient
moins bien respectés en France. Sur ce sujet nous avons aussi interrogé des parlementaires en entretiens
qualitatifs, en prenant plus de temps. Il y a une véritable conviction que la France occupe en Europe et
dans le monde un rôle de fer de lance sur la question des droits de l’enfant, comme elle l’a été sur la
question des droits de l’homme.
Dans le détail toutefois, la réalité selon les thèmes est assez variée, sur le droit d’aller à l’école, 92% des
parlementaires estiment que la situation est satisfaisante, et près d’1/3 nous disent qu’elle est très
satisfaisante. En revanche, cette conviction est nettement moins affirmée sur tous les autres sujets y
compris sur l’accès aux services médicaux de qualité dans des délais acceptables, près des 3/4 nous
disent que la situation est satisfaisante mais avec une majorité de « plutôt satisfaisant », et sur les
autres sujets, on a l’expression d’une inquiétude ou du constat d’un échec partiel à ce jour. Ainsi en ce
qui concerne le droit d’être entendu lors des procédures judiciaires, la question de la parole de l’enfant
le constat n’est pas bon, 53% uniquement des parlementaires trouvent la situation satisfaisante et
concernant le droit d’être protégé contre toute forme de violence, on a une majorité négative. Des écarts
entre sénateurs et députés existent mais avec un constat similaire.
En ce qui concerne, cette fois-ci, les acteurs et les moyens dédiés aux respects des droits de l’enfant, on
a vu quel était le jugement des Français. Qu’en est-il pour les parlementaires ? En ce qui concerne la
CIDE, elle est connue mais beaucoup plus de nom que pour la travailler véritablement et s’en servir dans
les travaux parlementaires : 43% nous disent qu’ils y font référence lors de leurs travaux parlementaires,
55% qu’ils la connaissent mais uniquement de nom. Sans surprise, la CIDE est mieux appréhendée par
les parlementaires que par le grand public. En revanche en termes d’outil de travail, d’outil de référence,
on reste sur une majorité qui ne la connaît pas véritablement. Le constat est un peu plus pessimiste sur
la question des rapports d’application de la CIDE, puisque nous avons une majorité qui n’en connaît pas
même l’existence, 14% seulement y ont déjà fait référence dans leurs travaux parlementaires, et 31% les
54
connaissent « mais simplement de nom ». Bien entendu dans cet échantillon de répondants, on a constaté
que les parlementaires qui travaillaient régulièrement sur la question des droits de l’enfant, étaient les
plus compétents.
Quid de la prise en compte des droits de l’enfant dans les travaux parlementaires, pour tous les sujets
touchant à l’enfant, famille, justice, éducation ? Pour 7% d’entre eux les droits de l’enfant sont suffisamment
pris en compte dans les travaux parlementaires, pour 54% « oui plutôt », et pour 37% c’est l’admission
que les droits de l’enfant ne sont pas suffisamment pris en compte dans les travaux parlementaires.
Quant à la question de l’arbitrage entre les droits de l’enfant et d’autres enjeux, 23% des parlementaires
qui nous ont répondu affirment avoir dû arbitrer à plusieurs reprises entre différents intérêts.
A la question : quels sont les acteurs les mieux placés pour garantir l’application de la CIDE ? Contrairement
à la réponse de l’ensemble des Français qui faisaient apparaître une nette hiérarchie, pour les parlementaires
les 5 premiers acteurs (Parlement français et européens, défenseur des enfants, magistrats, ONG) sont
tous dans des proportions comparables. C’est l’expression d’un partage des responsabilités. Cependant,
certains parlementaires ont parlé de dilution des responsabilités, parce qu’à multiplier les intervenants on
multiplie les occasions de transmettre la responsabilité, de ne pas l’assumer directement. Ainsi, si les
parlementaires se placent en tête pour être garants de l’application de la CIDE, ils estiment qu’ils ne sont
pas seuls. C’est un travail qui implique d’autres acteurs dont le défenseur des enfants, les parlements
(européen et français) et les ONG.
55
Enquête
d’opinion
La santé de l’enfant : des acquis à conforter ?
Qui connaît les droits de l’enfant à l’hôpital ?
Sylvie ROSENBERG-REINER
Pédiatre et anesthésiste, présidente d’APACHE Connaître les droits de l’enfant ?
Les sens du terme connaître sont
multiples. La connaissance est importante,
certes, mais elle est bien
insuffisante. Connaître les droits n’a
d’intérêt qui si les professionnels se
sentent concernés pour contribuer à appliquer ces droits au quotidien au bénéfice des enfants malades
ce qui est loin d’être simple ou facile.
I. Petit rappel d’histoire
En France, nous avons une tradition qui consiste à multiplier les textes officiels. On peut se demander
si cet amoncellement de lois, de décrets, de circulaires, de recommandations est utile pour le sujet qui
nous occupe et facilite les progrès.
1. La circulaire de 1983
La façon, dont la circulaire1 de 1983 2 sur l’hospitalisation des enfants a été écrite mérite qu’on s’y arrête.
Il y a 26 ans, lorsqu’APACHE a eu connaissance de cette circulaire, nous avons demandé à rencontrer
le rédacteur de ce texte.
1. Dans la fonction publique française, une circulaire est un texte émanant d'un ministère et destiné à donner une interprétation
d'un texte de loi ou d'un règlement (décret, arrêté), afin que ce texte soit appliqué de manière uniforme sur le territoire.
2. Cette circulaire est signée de Pierre Beregovoy, Ministre des affaires sociales, Edmond Hervé chargé de la santé et Georgina
Dufoy, chargée de la famille.
59
Santé
Qui connaît les droits de l’enfant à l’hôpital ?
Celui-ci, un haut fonctionnaire nous a très clairement expliqué sa démarche. Après quelques lectures il
a compris que les progrès les plus significatifs avaient été faits en Grande-Bretagne 3 . C’est donc après
une visite d’étude dans les hôpitaux anglais et l’analyse des textes anglais, que ce haut fonctionnaire
a rédigé la circulaire sur l’hospitalisation des enfants. Ce document, dont les principes sont à ce jour
incomplètement appliqués, reste à nos yeux un modèle. Elle est claire, bien écrite, dans une langue
simple et compréhensible. Une seule critique peut lui être faite : la circulaire de 1983 n’a aucun caractère
contraignant.
Les réactions à cette circulaire ont été très diverses. La satisfaction pour les uns : enfin l’Etat reconnaissait
l’importance de la prise en compte des problèmes psychologiques et affectifs liés à l’hospitalisation
d’un enfant et cautionnait le travail déjà entrepris par certains services. Pour d’autres, ce fût le rejet pur
et simple : « Ce n’est pas au gouvernement de me dire ce que je dois faire » « Je fais ce que je veux
dans mon service ».
2. La Charte européenne de l’enfant hospitalisé
L’étymologie du mot « Charte » mérite quelques précisions. Au Moyen-âge, c’est un titre de propriété ou
un privilège accordé par un seigneur. Par la suite, ce terme désigne les lois et les règles fondamentales
d’une organisation officielle4 . Depuis, l'usage de ce mot s'est élargi. Les chartes sont souvent associées
à la lutte contre des formes de discrimination ou d'exclusion. Elles ont une valeur symbolique forte et
correspondent à un engagement5 .
De très nombreuses associations agissant dans le domaine social ont adopté des chartes qui précisent les
valeurs auxquelles elles sont attachées. Ces chartes ne sont donc pas des lois, ni des textes réglementaires.
Elles définissent des valeurs, une éthique, des engagements.
En 1988, douze associations européennes se sont réunies aux Pays-Bas à Leiden et ont rédigé la
Charte européenne de l’enfant hospitalisé. Cette charte a été initialement rédigée en anglais puis traduite
par les associations européennes dans leurs langues respectives.
Si les associations se sont réunies en 1988 pour rédiger cette charte, c’est que, deux ans auparavant,
une résolution du Parlement européen (soutenue par le comité hospitalier de la communauté économique
européenne) s’engageait à rédiger une Charte européenne de l’enfant hospitalisé. Mais le Parlement
européen en restait aux intentions et n’a donné aucune suite à ce projet.
Les associations européennes ont donc décidé de rédiger elles-mêmes cette Charte 6 en 1988 et d’agir
dans leurs pays respectifs pour en faire adopter les principes. A partir des besoins spécifiques des enfants
malades et/ou hospitalisés, cette « charte » définit des droits.
3. La convention relative aux droits de l’enfant 7
La convention a un statut différent puisqu’il s’agit d’un traité international. Cette convention a été promulguée
en 1989, c’est-à-dire un an après la Charte européenne de l’enfant hospitalisé.
Lorsque les associations européennes ont analysé en détail les 54 articles de la convention, elles ont
pu constater que chacun des dix points de la charte faisait référence à un ou plusieurs points de la
convention. La convention est un texte général sur les droits de l’enfant et la charte est, en quelque sorte,
l’énoncé des droits et des besoins des enfants dans une situation particulière qui est la maladie et l’hôpital.
Pour les associations européennes auteurs de la charte, ces deux textes sont donc intimement liés et
nous nous appuyons sur l’un et l’autre pour faire progresser la prise en compte des droits et des besoins
des enfants malades et/ou hospitalisés.
Il reste à se demander ce qu’il en est de la connaissance et de la pénétration de ces principes dans le
monde hospitalier.
3. En effet après le film du psychologue anglais Robertson, « Un enfant de deux ans va à l’hôpital », le Ministère de la santé
britannique a commandé un rapport, connu sous le nom de rapport Platt, rédigé en 1959. C’est à la suite de ce rapport qui
confirmait les conséquences désastreuses pour l’enfant d’une séparation d’avec la mère, qu’une loi avait été votée en GB,
imposant aux hôpitaux d’hospitaliser l’enfant avec sa mère.
4. Charte des Nations Unies : San Francisco 26 juin 1945
5. Charte olympique, Charte Marianne
6. Chacun des dix points de cette charte ont été détaillés et développés en 2001 sous le titre de Commentaires de la charte
7. Souvent désignée par l’abréviation : CIDE que nous désignerons également par la « convention »
60
II. Les positions des différents acteurs
L’organisation et le fonctionnement des hôpitaux en France sont dominés par un principe hiérarchique.
Certes des personnes motivées, enthousiastes et déterminées ont pu faire progresser les droits des enfants
malades en dehors de toute hiérarchie.
Mais chacun sait que lorsqu’un ministre, un chef de service, un directeur, un cadre décide que le principe
directeur de ses actions sera le respect des droits des enfants dans la réalité quotidienne de l’hôpital,
les façons de penser, d’agir des uns et des autres se modifient plus rapidement, plus efficacement.
Il est donc logique de voir de quelle façon les différentes instances hiérarchiques de l’hôpital se situent
par rapport à ces deux textes : la charte et la convention.
1. L’Etat et le Ministère de la Santé
La Charte du patient hospitalisé8 , annexée à la circulaire ministérielle n° 95-22 du 6 mai 1995, fait explicitement
référence à la « Charte de l’enfant hospitalisé » à propos de l’information des enfants (désignés
comme mineurs dans ce texte).
A partir de 2002, APACHE a souhaité obtenir du Ministère de la santé et plus particulièrement de la
DHOS (Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins) une officialisation de la « charte » de
façon à ce qu’elle s’inscrive dans une démarche de qualité de l’accueil et d’un meilleur respect des droits
des enfants hospitalisés. En 2006 (après des relances et des rencontres avec des conseillers techniques),
la DHOS nous a convoqués, ainsi que d’autres associations et quelques professionnels hospitaliers,
à une réunion pour nous proposer une version DHOS de la charte. Cette version DHOS en 13 points
inspirée de la charte des associations omettait plusieurs points qui nous paraissent essentiels :
- la présence gratuite (pour la nuit) d’un parent auprès de son enfant hospitalisé
- l’absence de perte de salaire pour le parent qui doit momentanément arrêter son travail pour rester
auprès de son enfant malade
- le refus qu’un enfant soit hospitalisé dans un service d’adulte
Les participants à la réunion, associations comme professionnels, ont refusé de cautionner la proposition
de la DHOS, estimant qu’il s’agissait d’une régression par rapport et à la « charte » et à la « convention ».
Les choses en sont donc restées là.
2. La Haute autorité en santé (HAS)
La HAS, est un organisme public indépendant de l’Etat. Parmi ses attributions, il y a celle de définir des
critères de qualité et de sécurité pour les établissements de santé. La direction de l’amélioration de la
qualité et de la sécurité des soins vient de publier le Manuel de certification des établissements de santé
- version 2010.
Sur une durée d’environ neuf mois, de très nombreux groupes de travail, regroupant des professionnels
d’horizons divers ainsi que des responsables associatifs ont été sollicités pour réfléchir sur les différents
aspects du management des établissements et de la prise en charge du patient.
J’ai participé à un des groupes de travail sur le thème « droits et place du patient » dans lequel j’ai défendu
les principes de la charte et de la convention. A ma grande surprise, la catégorie « enfant » n’apparaissait
pas dans le manuel qui nous a été proposé à la relecture (alors que d’autres catégories de population
étaient clairement identifiées comme par exemple, les personnes âgées, les patients en fin de vie, les
patients en situation de précarité, etc.).
J’en ai donc informé les différents acteurs de la pédiatrie : associations de parents, associations de défense
des droits de l’enfant, sociétés savantes, syndicat de pédiatres hospitaliers, etc. C’est collectivement que
nous avons développé nos arguments pour une réelle prise en compte par les hôpitaux des particularités
de l’hospitalisation des enfants. Les échanges de courrier ont duré plusieurs mois. Nous avons demandé
à la HAS de reconnaître les droits des enfants et des adolescents et la spécificité de leur prise en charge
dans le manuel de certification.
8. Simone Veil était ministre des affaires sociales et Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé
61
Santé
Qui connaît les droits de l’enfant à l’hôpital ?
La HAS a répondu positivement à nos demandes. Dans le manuel de certification, version 2010, figure
un chapeau introductif sur les besoins spécifiques des enfants et des adolescents ainsi que les références
à la circulaire de 1983, à la convention et à la charte. De plus la HAS a proposé aux acteurs de la
pédiatrie qui s’étaient mobilisés, la poursuite d’une collaboration sur ces thèmes.
Certes, il ne suffit pas d’un critère dans un manuel de certification, mais ce résultat positif est encourageant
car il prouve qu’une autorité de régulation peut tout à fait accepter les critiques et s’engager avec des
acteurs de terrain dans un projet à long terme pour un meilleur respect des droits des enfants malades.
3. Les directions des hôpitaux
La plupart des hôpitaux qui ont un site internet, y font figurer la charte9 sans en préciser toutefois les auteurs
ou le caractère associatif du texte. C’est une des raisons pour laquelle, la charte européenne de l’enfant
hospitalisé est assimilée à un texte légal par bon nombre de personnes.
APACHE reçoit des courriers de parents se plaignant de ce que divers points de la charte affichée dans
les services ne sont pas respectés… !
La convention, par contre, est très rarement citée.
Il s’agit là de politiques d’affichage qui sont de plus en plus souvent mises en œuvre mais ne préjugent
en rien de ce qui se passe au quotidien dans les services.
III. Sur le terrain
Au contact des enfants et des familles
Le simple fait de poser la question des droits des enfants est un progrès en soi mais peut-on réellement
croire que cela soit suffisant ? Pour savoir ce qui se passe dans les services, pour apprécier la façon dont
sont respectés ou non les principes de la convention et de la charte, nous pouvons nous appuyer sur les
expériences personnelles, les témoignages des parents comme des enfants, les enquêtes, les plaintes,
les réponses aux questionnaires de satisfaction distribués dans les services, les rapports (Conférence
nationale de santé, Commissions de relation avec les usagers).
Là, on constate une extraordinaire diversité des pratiques, qui vont du meilleur au pire, rendant toute généralisation
hasardeuse. La multiplicité des sources oblige à la prudence mais on peut, néanmoins, retenir les
éléments suivants :
- Si la confiance dans les services hospitaliers et dans les compétences techniques des personnels
soignants (les infirmiers sont en général plébiscités) reste élevée, les insuffisances sont nombreuses.
- Contrairement à une opinion communément admise ce ne sont pas toujours les grands services
prestigieux des CHU qui respectent le mieux les droits de l’enfant.
- Le manque de temps des professionnels et leur pénurie est profondément ressentie par les familles.
- Or, pour bien accueillir, pour donner une information complète et cohérente aux enfants et aux parents,
il faut du temps, de la disponibilité et une formation. L’obligation d’informer apparaît plus comme une
contrainte aux équipes que comme le moyen d’établir une relation de confiance et un authentique
partenariat avec l’enfant et ses parents. En l’absence d’une réflexion sereine sur l’information à donner,
le moment pour la donner, la façon de la donner, la multiplicité des supports d’information peut
conduire à des effets pervers.
Le temps est ce qui manque souvent aux équipes. Il est surprenant d’avoir, d’une part, une loi 10 et des
injonctions claires pour mettre en place une information de qualité et, d’autre part, d’ignorer le temps
qu’elle nécessite dans l’estimation de l’activité d’un service.
Savoir donner une information, savoir écouter et entendre ce qu’ont à dire les enfants comme leurs parents,
ne s’improvise pas : cela s’apprend. L’information est un contenu qui ne vit qu’à travers une relation. Les
médecins ne reçoivent pas de formation de ce type. A l’inverse, on commence à voir de telles formations
9. Les hôpitaux ont pour seule obligation de faire figurer la « charte de la personne hospitalisée » circulaire
n°DHOS/E1/DGS/SD1B/SD1C/SD4A/2006/90 du 2 mars 2006 relative aux droits des personnes hospitalisées et comportant
une charte de la personne hospitalisée. Cette charte est une actualisation de la « charte du patient hospitalisé », circulaire
du 6 mai 1995
10. Loi du 4 mars 2002
62
pour les infirmiers. Ces formations, pour les médecins comme pour les infirmiers sont d’autant plus nécessaires
que les dispositions légales se multiplient notamment en matière de consentement éclairé des
jeunes.
Les résultats des enquêtes
L’information est donc souvent jugée insuffisante par les parents, trop complexe et surtout peu cohérente
entre les différents membres d’une équipe. Les livrets distribués aux enfants et aux parents ne doivent
pas se substituer à l’information donnée par les professionnels.
Il est intéressant de noter les points de vue contradictoires des professionnels et des parents à propos
de l’information. Ainsi, confirmant d’autres enquêtes antérieures, celle réalisée par Sparadrap en 2004 11
met ces discordances en évidence.
Les difficultés pour les parents à pouvoir rester la nuit à côté de leur enfant hospitalisé persistent.
Bon nombre de témoignages soulignent que des services demandent le paiement de la nuit du parent
(et cela hors de tout repas). Les tarifs varient d’un service à l’autre. Il s’agit là d’une situation choquante,
qui est loin d’être rare, et est tout à fait connue.
Au delà de la difficulté à rester la nuit auprès de leur enfant, les témoignages de parents soulignent que dans
beaucoup de services, le nécessaire partenariat entre les parents et les équipes soignantes est encore
loin d’être la règle. Par exemple la présence des parents au moment des soins, c’est à dire lorsque
les enfants ont le plus besoin du soutien de leurs parents (pose de perfusion, prise de sang, ponction
lombaire, etc.) est très limitée. Les réponses des services « … ça dépend du type de soin, de l’infirmière,
du parent… » suggèrent bien la difficulté que cette présence pose aux professionnels et explique l’ambivalence
de leurs réponses. De même, la présence des parents au moment de l’induction anesthésique
ou en salle de réveil est tout à fait exceptionnelle.
Sur la douleur beaucoup de progrès ont été accomplis mais il ne faudrait cependant pas croire que la
prise en charge de la douleur est effective dans tous les services d’enfants notamment lorsqu’il s’agit de
douleurs liées aux soins.
L’importance du rôle du psychologue dans un service d’enfants a été suffisamment abordée dans la
littérature pour qu’il ne soit pas nécessaire d’y revenir. Son rôle est d’aider enfants et parents à faire face
à l’épreuve de l’hospitalisation. Intégré à l’équipe médicale et soignante, dans une position de professionnel
qui ne soigne pas le corps, le psychologue peut aider à faire circuler la parole, à donner du sens
aux interrogations, aux résistances, à faire progresser cette difficile relation triangulaire enfant-soignantparent,
si caractéristique de la pédiatrie. Or, on constate une grande disparité entre les CHU et le CHG.
L’hospitalisation des enfants dans les services d’adultes 12 est une réalité qui représente environ
30% des hospitalisations d’enfants alors qu’existe dans l’hôpital un service de pédiatrie. La plupart de
ces hospitalisations le sont en chirurgie.
Dans quelques cas, le service de chirurgie adulte a fait l’effort d’aménager un espace spécifique aux enfants
dans le service. L’hospitalisation des enfants dans des services d’adultes est donc loin d’être une situation
marginale. Ces résultats sont d’autant plus choquants que notre enquête portait sur les hôpitaux comportant
un ou plusieurs services de pédiatrie. Il est vraisemblable que cette méconnaissance des besoins et
des droits des enfants se manifeste dans d’autres hôpitaux sans service de pédiatrie, privant ainsi les
enfants d’une prise en charge de qualité par des professionnels compétents en pédiatrie.
Pour ce qui est de l’accueil aux urgences des enfants, elle se fait dans de trop nombreux cas dans
les urgences adultes qui ne disposent pas toujours de pédiatres pour prendre en charge les enfants.
Moins d’un service sur deux a une école. Et pourtant les textes règlementaires, les circulaires et les lois
existent 13 . Dans la situation actuelle, un grand nombre d’enfants hospitalisés sont privés de ce lien
essentiel, de ce droit, qui leur est reconnu par la convention, d’avoir une école à l’hôpital.
Le jeu est essentiel pour le développement de l'enfant. Il l’est également à l’hôpital. Les salles de jeu
existent dans les services de pédiatrie. Mais le jeu se déprofessionnalise dans la mesure où les hôpitaux,
11. Enquête nationale sur la place des parents à l’hôpital - Colloque Sparadrap – Paris 2004
12. Enquête APACHE – Guide de l’hospitalisation des enfants – Paris 2000
13. « La scolarisation est un droit. La scolarisation de tous les enfants et adolescents, quelles que soient les déficiences ou maladies
qui perturbent leur développement ou entravent leur autonomie est un droit fondamental » (circulaire n°99-187 du 19-11-1999).
63
Santé
Qui connaît les droits de l’enfant à l’hôpital ?
en raison des compressions budgétaires embauchent de moins en moins d’éducateurs de jeunes enfants
(EJE) et confient la charge des salles de jeu aux bénévoles des associations.
Il faudrait s’étendre très longuement sur l’insuffisante prise en charge des adolescents et de la souffrance
psychique des jeunes. En Europe de l’Ouest, la France se situe parmi les pays avec le plus fort
taux de suicides de jeunes (15 à 24 ans) et le taux de récidive est important (un bon nombre d’adolescents
ayant fait une tentative de suicide n’est jamais hospitalisé, ni même suivi). Les inégalités de répartition
des pédopsychiatres sur le territoire, l’insuffisance des places dans les services, le déficit de recrutement de
jeunes pédopsychiatres, la faible attractivité de la spécialité dans le secteur public, l’émergence de nouveaux
problèmes (violences scolaires, violences familiales, violences sexuelles, addictions) expliquent qu’une
grande partie des problèmes ne sont ni pris en charge de façon adaptée, ni même repérés. Les professionnels,
pédopsychiatres, psychologues, psychothérapeutes, infirmiers psychiatriques mais également les
pédiatres, les médecins généralistes constatent quotidiennement ces manques.
IV. Pour conclure…
Il convient de réfléchir sur les logiques contradictoires que sont, d’un côté, l’intérêt supérieur de l’enfant et
de l’autre, la logique économique. Est-ce que malgré l’affichage et les discours, l’intérêt supérieur de l’enfant
a réellement été pris en considération à l’occasion des regroupements ou de fermetures de services, ou
encore lors des insuffisances de recrutement de personnel soignant et médical ?
La France a été auditionnée par le Comité des droits de l’enfant le 26 juin 2009 . Madame Nadine Morano
a représenté notre pays devant ce comité et répondu aux préoccupations et aux questions des experts.
Il est intéressant de noter que certaines des questions posées portaient sur la santé et notamment l’accès
aux soins des enfants vivant dans des familles pauvres, sur la prise en charge de la santé mentale des
enfants et des adolescents, sur la prévention du suicide chez les jeunes et enfin sur la formation des
personnels de santé à la Convention internationale des droits de l’enfant, que le Comité des droits de
l’enfant considère par ailleurs comme étant insuffisante.
Il nous reste donc encore des progrès à faire et ces quelques questions peuvent guider notre réflexion
et notre travail pour les années à venir.
L’opposition entre des « gentils » qui respecteraient les droits de l’enfant à l’hôpital et les autres, ne nous
semble pas opérante. Il ne s’agit pas de stigmatiser les personnes mais de comprendre que dans
l’organisation complexe, qui permet à un hôpital de fonctionner au quotidien, au delà de la responsabilité
personnelle de chacun, les différents acteurs ont des intérêts différents et sont, donc, dans des logiques
différentes qui n’intègrent pas obligatoirement la dimension des droits de l’enfant.
Le comprendre ne suffit pas bien sûr mais permet de mettre en œuvre des stratégies efficaces pour faire
progresser ces droits dans la réalité.
64
Fêtes et défaites de la pédopsychiatrie
Bernard GOLSE
Pédopsychiatre-Psychanalyste / Chef du service de
Pédopsychiatrie de l'Hôpital Necker-Enfants Malades
(Paris) / Professeur de Psychiatrie de l'enfant et de
l'adolescent à l'Université René Descartes (Paris 5) /
Inserm, U669, Paris, France / Université Paris-Sud
et Université Paris Descartes, UMR-S0669, Paris,
France
65
Introduction
Nous vivons une époque de mutation
fascinante mais … difficile !
Que l’on soit pessimiste ou pas, l’affaire
est inquiétante, suffisamment
inquiétante, en tout cas, pour qu’on s’y arrête un instant : la psychiatrie a disparu, tandis que la pédopsychiatrie
est en voie d’extinction.
Que l’on ne se méprenne pas, pourtant, sur le sens de mes propos.
On recense toujours des psychiatres et des pédopsychiatres sur notre planète, et des activités dénommées
« psychiatriques » ou « pédopsychiatriques » peuvent encore être répertoriées, mais la conception de
la psychiatrie et de la pédopsychiatrie en tant que disciplines fondées sur la psychopathologie, c’est-àdire
sur l’espoir et la tentative de donner du sens aux divers destins individuels et à la souffrance des
personnes, se voit aujourd’hui plus que menacée, et dores et déjà confinée dans un statut de vestige du
passé.
A ranger au vestiaire, et à comptabiliser dans la rubrique des accessoires démodés, diraient certains …
Il reste cependant qu’il nous faut donner du corps à cette impression, et comprendre ce qui se passe,
car on a un petit peu le sentiment que le courant dit progressiste a aujourd’hui changé de camp, et
qu’une supposée modernité se trouverait désormais du côté de la psychiatrie quantitative, biologique et
prédictive, ce qui ne va pas sans compromettre gravement le champ de la psychopathologie.
Après quelques réflexions sur l’évolution de la demande du socius à l’égard de la pédopsychiatrie, nous
présenterons quelques réflexions sur les spécificités du modèle auquel se réfère la (pédo)psychiatrie,
Santé
Fêtes et défaites de la pédopsychiatrie
avant de nous interroger sur les destins actuels de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie, en particulier.
Evolution de la demande du socius à l’égard de la pédopsychiatrie
Les sociologues nous aident à repérer ce type de modifications progressives.
Il est clair par exemple qu’en France, la demande sociale dans les années 1960/70, à l’égard de la pédopsychiatrie,
était une demande principalement centrée autour de la question du sujet, de sa souffrance et
de ses conditions de soin.
C’est dans cette perspective, que s’est déployé, me semble-t-il, tout le mouvement de sectorisation (en
psychiatrie de l’adulte comme en psychiatrie de l’enfant) dont on sait, par ailleurs, qu’il renvoyait également
à des objectifs égalitaires, et qu’il cherchait à tenir compte, pour lutter contre l’enfermement, de la terrible
et douloureuse expérience concentrationnaire à laquelle la seconde guerre mondiale avait, hélas, donné
lieu.
La politique de sectorisation est, certes, loin d’avoir été menée à son terme, on pourrait même dire qu’elle
s’essouffle quelque peu (G. Schmit, M.Bouvet et M.-O. Hincky). En tout état de cause, à l’heure
actuelle, il ne semble plus, en tout cas, que les mêmes objectifs ou que les mêmes idéaux soient en jeu
et, de ce fait probablement, la demande sociale s’est désormais modifiée.
On parle moins du sujet 1 , on parle moins de sa souffrance, on parle moins d’enfermement et l’on parle
davantage de symptômes parmi lesquels, les projecteurs médiatiques se focalisent par exemple sur la
violence des adolescents, sur la maltraitance sexuelle, sur les troubles obsessivo-compulsifs (TOC), sur
la maladie de Gilles de la Tourette (maladie des tics), et plus récemment sur les troubles oppositionnels
avec provocation (TOP) …
La tentation est grande, alors, de rechercher la réponse psychotrope qui permettrait rapidement de
supprimer le symptôme, sans avoir besoin de se livrer à une analyse psychopathologique complète de
la situation, forcément lente et plurifactorielle.
C’est ce que l’on a vu pour les TOC, les tics, les comportements psychotiques sans structure psychotique
avérée et c’est, à mon sens, dans cette dynamique des idées et des attentes que l’hyperactivité
de l’enfant a acquis, peu à peu, un statut clinique particulier, et que s’est rapidement développé un
engouement - dans le grand public et dans les médias – pour les traitements médicamenteux de type
amphétaminique.
Fort heureusement, en France, à propos de l’hyperactivité, la situation n’est pas encore devenue aussi
caricaturale que dans certains autres pays européens ou anglo-saxons, et les parents continuent à se
poser souvent de bonnes questions quant à l’étiologie complexe d’un tel désordre. Certains collègues
et moi avions cru bon, cependant, il y a quelque temps, de tirer la sonnette d’alarme pour tenter d’éviter
que ne se mettent en place d’éventuelles dérives irréversibles (Cl. Bursztejn et coll.)
Quelques réflexions théoriques sur les modèles pédiatrique, psycho-pathologique et pédopsychiatrique
La question n’est pas de savoir si tel modèle est plus valide qu’un autre, mais de souligner que chaque
discipline, en fonction de sa pratique et de ses objectifs, se réfère à des modèles qui lui sont propres, et
qui lui sont donc utiles.
La pédiatrie se réfère à un modèle médical - comme l’ensemble des disciplines somatiques - soit à un
modèle plutôt monofactoriel (une seule cause étant censée rendre compte de la situation pathologique),
déductif (fondée sur des relations univoques de cause à effet) et renvoyant à une temporalité de type
linéaire (organisée selon la flèche du temps au sens habituel du terme).
La psychanalyse (et la psychopathologie psychodynamique, en général) se réfère à un modèle différent,
soit à un modèle fondamentalement polyfactoriel (tel que S. FREUD l’avait proposé avec son concept de
« série complémentaire »), inférentiel (procédant par associations de pensées et non pas par déduction),
et fondé sur une temporalité circulaire (intégrant les effets dits d’après-coup, le passé rendant compte
1. Sauf peut-être précisément, dans le champ de la psychiatrie dite périnatale puisque, on le sait, grâce à B. MARTINO, « le
bébé est une personne » …
66
en partie du présent, mais le présent permettant aussi, en permanence, de rétrodire, de réécrire et de
reconstruire le passé).
Notons déjà que le modèle somatique déductif vise une efficacité rapide, alors que le modèle psychopathologique
inférentiel ne peut prétendre contrôler le tempo de la compréhension, de l’élaboration et de
la décision).
En tout état de cause, le modèle pédopsychiatrique cherche sa place et son identité par rapport à ces
deux modèles.
Selon les pays, et selon les époques, le modèle psychiatrique se trouve plus ou moins proche de l’un
des deux modèles précédents.
Aujourd’hui, dans les pays anglo-saxons, le modèle pédopsychiatrique s’avère très voisin du modèle
médical, tandis qu’en France, il demeure encore, en quelque sorte, à égale distance du modèle médical
et du modèle psychopathologique, encore assez fortement imprégné par les références psychanalytiques
qui ont présidé à la naissance de la pédopsychiatrie dans notre pays.
Il est donc clair que les pédiatres d’un côté, les pédopsychiatres, les psychologues et les psychanalystes
d’enfants d’un autre côté, ne se réfèrent pas au même modèle.
En tout état de cause, le modèle polyfactoriel s’avère très heuristique en pédopsychiatrie, et d’une grande
force épistémologique, avec notamment la possibilité de distinguer – ce qui est essentiel - facteurs de
risque (ou de vulnérabilité) et facteurs de décompensation (ou de fixation).
Que sont la psychiatrie et la pédopsychiatrie devenues ?
Il existe, à l’évidence, un consensus très fort entre les médias et le grand public pour évacuer sans cesse
toute complexité minimum qui nous confronte immanquablement à la souffrance, à la sexualité et à la
mort.
I. Ceci menace fondamentalement notre approche psycho-pathologique
Nous ne manquons malheureusement pas de preuves à l’appui de cette triste vision des choses.
Tout à trac, je citerai :
• L’usage perverti, depuis de trop longues années, du DSM IV2 en tant que manuel de psycho-pathologie
pour les étudiants en psychiatrie ou en pédo-psychiatrie (qui n’en peuvent mais …), alors même
qu’initialement, il n’avait pour objectif que d’être une classification internationale des maladies ou
affections, seulement utile pour suivre l’évolution des patients, ou pour constituer des groupes
homogènes de sujets permettant aux équipes de recherche de mettre leurs travaux en perspective,
et, ceci notamment, sur le plan international. Purement descriptif, prétendument a-théorique (c’est-àdire,
en fait, grossièrement anti-psychanalytique), il réduit évidemment la clinique (pédo)-psychiatrique
à une activité de recension de symptômes aussi plate qu’abêtissante, et bientôt propre à pouvoir être
effectuée par des ordinateurs qui seraient certains l’espèrent certainement - enfin susceptibles d’esquiver
la rencontre humaine dont on sait les imperfections et les inexactitudes !
• La mise en œuvre annoncée du PMSI (Programme de Médicalisation des Systèmes Informatiques),
ou de ses variantes à peine édulcorées qui, en dépit de tous les efforts déployés pour l’éviter
(M. Caron-Lefevre, F. Cosseron et B. Golse), permettra prochainement à nos instances de tutelle,
sous couvert d’optimisation démocratique des coûts, de rationaliser en réalité la pénurie, et de vider
la psychiatrie et la pédopsychiatrie de ce qui fait le vif de leur essence, à savoir la créativité et l’inventivité
clinique, théorique et thérapeutique permettant à chaque rencontre avec un patient, d’être singulière
et spécifique ceci étant dit, sans aucune intention de faire l’apologie de l’ineffable, car je sais bien,
tout de même, la nécessité démocratique absolue d’une auto-évaluation sérieuse de nos pratiques.
• Les trois expertises collectives de l’INSERM, enfin, qui ont successivement voulu démontrer « scientifiquement
» la victoire de la pédopsychiatrie quantitative et biologique dans le repérage et le dépistage
des troubles mentaux des enfants et des adolescents, la suprématie déclarée incontestable des
thérapies cognitivo-comportementales (dites TCC) sur les psychothérapies psychanalytiques ou d’inspi-
2. 4ème édition du “Diagnostic and Statistical Manual”
67
Santé
Fêtes et défaites de la pédopsychiatrie
ration psychanalytique, la possibilité enfin de repérer dès la crèche les futurs adolescents délinquants
de nos cités de demain (B. Golse) …
On croit rêver, et l’on se demande dans quel monde nous voulons vivre !
De la première expertise collective, Claude Burstezjn (Strasbourg) et Didier Houzel (Caen), tous deux
professeurs de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, et moi-même avions bruyamment démissionné,
après plusieurs années d’un travail difficile, pour ne pas cautionner la parution d’un document final qui
nous paraissait être, finalement, un torchon méthodologique dangereux et en réalité malhonnête
(B. Golse, D. Houzel et Cl. Bursztejn).
En tout état de cause, la question se pose, aujourd’hui, de savoir quelle psychiatrie, quelle pédopsychiatrie
souhaite véritablement soutenir l’INSERM, et quelles sont ses intentions réelles à ce sujet, intentions qui
se cacheraient (peut-être ?) derrière le parti pris de singer la méthodologie de « l’Evidence Based
Medecine » seulement capable, pourtant, de venir laminer la clinique psychopathologique, et la vider de
sa substance même.
La question des investissements financiers dans la recherche en (pédo)psychiatrie est donc ouverte,
mais les choses semblent pencher aujourd’hui du bien mauvais côté …
II. Les raisons d’une telle évolution
Je ne me risquerai, ici, qu’à trois hypothèses, mais qui sont, me semble-t-il, des hypothèses fortes en
ce qu’elles renvoient à des tendances lourdes !
1. Une hypothèse sociologique tout d’abord,qui concerne les modifications, précédemment rappelées,
de la demande de la collectivité envers les psychiatres et les pédopsychiatres.
2. Une hypothèse économique ensuite. La pression des laboratoires pharmaceutiques est énorme dans
le champ de la psychiatrie adulte, privant d’ailleurs les enseignants d’une possibilité de transmission
véritablement libre des connaissances, et la situation, si nous n’y prenons garde, risque de devenir identique
dans le champ de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent.
Fort heureusement, nombre de parents, nous l’avons vu, ne veulent pas s’en tenir à un traitement symptomatique
médicamenteux, mais la dérive, pourtant, est déjà en route.
Même si nous n’en sommes pas encore à la situation scandaleuse des Etats-Unis, et malgré toutes les précautions
prises en matière de première prescription, la consommation des produits amphetamine-like a
triplé, en France, au cours des quatre dernières années dans son indication concernant l’hyperactivité …
alors même que l’analyse psychopathologique des troubles pourrait, en fait, donner lieu à des choix
thérapeutiques multidimensionnels fort intéressants.
Il n’y a donc pas, pour peu qu’on se donne la peine de penser, “la Ritaline, sinon rien d’autre !”
Quant au dernier rapport INSERM évoqué ci-dessus, il ouvre délibérément la porte à une prescription
élargie de psychotropes chez l’enfant dans une perspective dite “préventive” et ceci, avant l’âge de trois
ans (alors que jusqu’à maintenant, les autorisations de mise sur le marché sont encore très resserrées
en psychiatrie infanto-juvénile, ne serait-ce qu’en raison d’un principe élémentaire de précaution).
3. Une hypothèse psychologique ou anthropologique, enfin. Le consensus anti-complexité qui existe entre
les medias et le grand public, rend compte, me semble-t-il, de la fascination actuelle d’un grand nombre
d’équipes psychiatriques pour une clinique de l’instant et les mirages de l’évaluation, au détriment d’une
clinique de l’histoire, alors même que les deux axes se devraient de demeurer étroitement liés, j’y
revendrai dans ma conclusion.
Or, la vie psychique n’est pas simple, et les troubles de la vie psychique non plus. Vouloir le faire croire
est une escroquerie, mais une escroquerie qui se fonde sur ce paradoxe que l’humain s’attaque toujours
à ce qu’il a de plus précieux, à savoir sa capacité de penser.
De ce fait, tout se passe comme si la pensée avait horreur d’elle-même, comme s’il existait, partout et
toujours, une sorte de haine de la pensée envers elle-même.
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Pouvons-nous vraiment croire, comme on nous l’annonce régulièrement, qu’il existe un gène du bonheur,
un gène de l’héroïsme, un gène de la violence, un gène de l’homosexualité, et même … un gène de
l’autisme ?
Les choses sont bien plus complexes que cela, et quand bien même il y aurait une participation génétique
à ces différentes problématiques (ce qui est d’ailleurs hautement probable), les généticiens authentiques
et dignes de ce nom savent désormais qu’il s’agit d’une génétique infiniment subtile et sophistiquée, d’une
génétique dite des « traits complexes », soit une génétique de vulnérabilité qui laisse une place à l’impact
de l’environnement, et non pas une génétique causale qui rendrait l’homme, telle l’amibe, littéralement
prisonnier de son génome, pour reprendre, ici, les termes de F. Jacob.
Cette haine de la pensée pour elle-même renvoie donc à un masochisme fondamental de l’être humain.
Nous ne le modifierons pas d’un tour de main, bien évidemment… Mais nous avons à veiller à ce que ce
masochisme ne soit pas trop efficient au niveau de la demande collective en matière de soins psychiques,
et pas trop utilisé par les firmes pharmaceutiques pour faire gagner du terrain à leurs entreprises déjà
florissantes.
III. Mais il existe, pourtant, quelques raisons d’espérer …
1) Je crois tout d’abord que nous entrons dans une période tout à fait propice au dialogue entre les neurosciences
et la psychopathologie, voire même la psychanalyse, période rendant ainsi, enfin, pensable une
articulation entre causalité physique et causalité psychique.
Ce dialogue et cette communication semblent aujourd’hui plus possibles que jamais, et cette opportunité
me paraît liée, notamment, à l’émergence du concept d’intersubjectivité, concept véritablement à même
d’inaugurer, dans le champ des neurosciences, une authentique biologie de la relation et, dans le même
temps, de rendre enfin possible le dépassement de ce si coûteux clivage entre théorie des pulsions et
théorie des relations d’objet dans le champ de la métapsychologie (L. Ouss, D. Widlocher, N. Georgieff
et B. Golse).
Nos travaux, sur le site hospitalo-universitaire Necker-Enfants Malades, à propos des prémices du
langage et de la communication, montrent bien, par exemple, une convergence intéressante des
réflexions psychopathologiques et des résultats de ma neuro-imagerie cérébrale quant au rôle du lobe
temporal supérieur dans l’étiopathogénie des organisations autistiques (B. Golse et L. Robel).
2) L’essor considérable du concept de psychiatrie périnatale apparaît également comme une source
d’espoir, et en particulier du point de vue d’une prévention précoce, prévenante et ouverte - chez le bébé
et dès la période prénatale - d’un certain nombre de risques psychopathologiques ultérieurs.
La théorie de l’attachement (J. Bowlby) a ouvert, ici, un champ considérable, surtout si on en fait un corpus
complémentaire de celui de la métapsychologie (B. Golse).
3) La formation, enfin, représente un domaine dans lequel les choses changent, et qui nous permet d’espérer.
A nouveau, en effet, nous voyons des étudiants en médecine, futurs psychiatres ou pédopsychiatres,
qui ne veulent plus se contenter des données d’une pédopsychiatrie purement descriptive, quantitative
et biologique, qui veulent échapper au mythe du tout-génétique, et qui se passionnent pour les apports des
sciences humaines (anthropologie, sociologie, philosophie, linguistique…) dont ils voient bien comment ils
peuvent éclairer la dialectique éternelle entre nature et environnement, et enrichir notre compréhension du
sujet humain.
Je ne sais pas si ce regain d’intérêt sera suffisamment intense et durable pour contrebalancer le triomphalisme
ambiant de la biologie, mais je sens qu’il y a, là, un véritable espoir pour la pédopsychiatrie et,
probablement, l’occasion de futurs échanges fructueux entre certains neuroscientifiques non réducteurs,
et des pédopsychiatres bien formés qui n’idéaliseraient pas une approche biologique que, par, ils ne
peuvent qu’insuffisamment intégrer.
Conclusions
De fêtes en défaites, je conclurai donc sur deux points seulement :
* Le clivage qui nous guette ne concerne pas seulement l’opposition classique entre organogenèse ou
psychogenèse des difficultés psychiques. Un autre clivage nous guette également qui opposerait une
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Santé
Fêtes et défaites de la pédopsychiatrie
clinique synchronique purement descriptive à une clinique diachronique qui puisse historiciser les troubles
de l’enfant, de la dyade ou de la triade, c’est à dire les réinscrire dans le fil d’une histoire personnelle,
familiale et parfois même sociale ou culturelle.
Bien entendu, notre clinique se doit d’être le plus finement descriptive que possible, mais elle se doit aussi
d’être interactive, de prendre soigneusement en compte le vécu du praticien et enfin d’être historicisante.
La mise en récit des troubles n’est pas un luxe, c’est une nécessité absolue car l’être humain est fondamentalement
un être de narration.
Comme Paul Ricoeur nous l’a appris, son identité est d’abord et avant tout une « identité narrative » et,
de ce fait, il n’y pas de thérapeutique digne de ce nom qui puisse faire l’économie de cette mise en récit
de la pathologie, sauf à amputer le sujet d’une dimension essentielle de lui-même et à l’enfermer dans
des modèles très réducteurs, trop simplificateurs et parfois même totalitaires dans la mesure où - on ne
le sait que trop, hélas – l’histoire est partout et toujours la cible première de toutes les dictatures.
* Dans le champ de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie , si nous renonçons à comprendre, c’est-à-dire
à donner du sens, alors nous ouvrons un boulevard aux traitements psychotropes linéaires et monotones,
nous nous privons de toute analyse psychopathologique complexe mais fascinante, et nous laissons libre
champ à notre masochisme fondamental.
Ce n’est pas seulement l’existence d’une psychopathologie authentique qui est, ici, en cause.
Il en va tout simplement du respect et de la dignité des enfants et des familles dont nous avons la responsabilité
en tant que professionnels et soignants de la psyché, car la rencontre avec des soignants opératoires
ne peut faire figure, pour les uns et pour les autres, que de répétition dommageable et traumatique.
70
En 2009, le mineur hospitalisé peut-il exercer ses droits ?
Catherine PERRIN
Cadre de santé puéricultrice, Urgences pédiatriques,
Pôle de pédiatrie médicochirurgicale et de génétique
clinique, CHU de Rennes
l’Enfant entérinée par les nations unies en 1959.
71
Le 20 Novembre 1989, l’Assemblée
Générale des Nations Unies, adoptait
à l’unanimité la Convention internationale
des droits de l’Enfant, 30 ans
après la Déclaration des Droits de
En 1983, paraissait la circulaire ministérielle sur l’hospitalisation des enfants, dite Charte de l’enfant hospitalisé
puis en 1988, paraissait la Charte européenne des enfants hospitalisés.
La loi du 4 mars 2002, amenait des droits nouveaux pour le mineur : avoir une autonomie de décision
pour ses soins à l’hôpital.
Quelle évolution pour l’enfant hospitalisé ? Nous citerons d’abord les textes de référence puis développerons
leur application à l’hôpital avant de proposer des pistes d’amélioration.
Dans le préambule de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) il est stipulé que « l’enfant,
en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d’une protection spéciale et de soins
spéciaux, notamment d’une protection juridique appropriée, avant, comme après la naissance ». En ce
qui concerne la santé de l’enfant, nous pouvons retenir les articles suivants :
« L’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale » (article 3-1), « les Etats parties
veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré… » (article 9-1), « les Etats
parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion
sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard
à son âge et à son degré de maturité » (article 12-1), « les Etats parties s’emploient de leur mieux pour
Santé
En 2009, le mineur hospitalisé peut-il exercer ses droits ?
assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour
ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement » (article 18-1), « les Etats parties prennent
toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant
contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence,
de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la
garde de ses parents ou de l’un des d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne
à qui il est confié » (article 19-1), « les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur
état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s’efforcent de garantir
qu’aucun enfant ne soit privé d’avoir accès à ces services » (article 24-1).
La charte de l’enfant hospitalisé évoque en introduction qu’une « séparation brutale avec le milieu habituel
de vie entraîne toujours des effets néfastes ». Dans ses recommandations, nous pouvons retenir « admettre
l’enfant avec un de ses parents » (point 4), « faire participer les parents » (point 5), « développer les
visites » (point 7) et « informer les parents au cours du séjour » (point 8).
La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, intégrée dans le Code de la Santé Publique (CSP)
légifère la place du mineur dans son parcours de soins : « … les intéressés (les mineurs) ont le droit
de recevoir eux – mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d’une
manière adaptée (soit) à leur degré de maturité… » (article L1111-2), « … le consentement du mineur …
doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision… »
(article L111-4), « …le médecin peut se dispenser d’obtenir le consentement du ou des titulaires de l’autorité
parentale… dans le cas où cette dernière (la personne mineure) s’oppose expressément à la consultation
du ou des titulaires de l’autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé. Toutefois, le
médecin doit dans un premier temps s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à cette consultation.
Dans le cas où le mineur maintient son opposition… (il) se fait accompagner d’une personne de son
choix » (article L1111-5).
Les lois n° 88-1138 du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des
recherches biomédicales (dite loi « Huriet Sérusclat »), et n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative aux prélèvements
d’organe et de tissus humains sur les mineurs avaient donné, avant la loi du 4 mars 2002, une
place au consentement spécifique du mineur.
La loi n°2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et de contraception,
avait permis à la personne mineure d’obtenir une prise en charge sans l’accord d’un titulaire de l’autorité
parentale ; elle doit se faire accompagner « d’une personne majeure de son choix » pour une interruption
de grossesse.
Quel chemin parcouru depuis 1959 et quelle place fait-on aujourd’hui à l’enfant et à ses parents à l’hôpital ?
Pour prendre en charge l’enfant à l’hôpital, les soignants se réfèrent presque uniquement à la charte de
l’enfant hospitalisé qui est affichée dans les services de pédiatrie (critère de la certification V1 de la Haute
Autorité de Santé (HAS) juin 2003. La CIDE est moins connue mais les pratiques soignantes l’intègrent
implicitement (cf article 24-1 par exemple).
Malgré ces textes, la présence des parents, de la fratrie pendant le séjour de l’enfant à l’hôpital n’est réellement
encouragée que depuis une quinzaine d’années. La charte de l’enfant hospitalisé a fait se questionner
les pratiques soignantes : pourquoi ? pour qui ? exclure les parents le matin, la nuit, pendant les actes
de la « vie quotidienne » (repas, toilette), pendant les soins « pour protéger les parents du traumatisme
des essais de ponction veineuse » ou autre, mais il a fallu du temps pour ouvrir les portes des services,
accepter le regard des parents pendant les soins, les considérer comme partenaires et non obstacles à
la relation enfant-soignant.
Les professionnels de santé spécialisés en pédiatrie ont été impliqués dans la prise en charge de la
douleur dès le premier plan gouvernemental anti-douleur (1998-2000) même s’il a fallu un peu de temps
pour qu’il soit inimaginable de pratiquer des soins invasifs à l’enfant sans mettre en place une analgésie
(cutanée ou autre). La prise en charge de la douleur a ensuite été légiférée dans la loi du 4 mars 2002
(article L1110-5 du CSP) « toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur »
et déclinée dans les 2 autres plans gouvernementaux de lutte contre la douleur (2002-05 et 2006-10).
72
Les formations paramédicales, infirmière, puéricultrice, auxiliaire de puériculture font référence à la charte
de l’enfant hospitalisé mais étudier la CIDE permettrait de partager les valeurs de cette convention. Ces
formations ont cependant largement participé à l’évolution de la conception du soin à l’enfant. Comment
parler de prise en charge globale et individualisée sans inclure l’environnement familial ?
Parallèlement, les usagers prennent une place dans le fonctionnement de l’hôpital (représentants des
usagers présents lors des conseils d’administration des hôpitaux, création de « commissions de relations
avec les usagers », par exemple) et l’évolution sociétale donne une place de plus en plus importante à
l’enfant.
La CIDE, la charte de l’enfant hospitalisé renforcent la place des parents comme s’il s’agissait d’une évidence
(en dehors des situations de maltraitance). La loi du 4 mars 2002 répond aux besoins de protection du
mineur par ses parents mais amène également une notion nouvelle, celle du « consentement du mineur »
à sa propre prise en charge et transforme la relation binaire soignants – parents en relation triangulaire
soignants – parents – enfants. Elle amène aussi une certaine complexité : qui peut juger du degré de
maturité du mineur ? Si l’âge peut être un repère, les parcours de vie influent, entre autres sur le degré
de maturité. Si le langage courant des soignants évoque « les parents », il est plus juste de parler de
« titulaires de l’autorité parentale » afin de respecter la place de chacun dans l’entourage du mineur
hospitalisé.
Mais à l’hôpital, les soignants sont-ils prêts à faire place à cette autonomie du mineur autorisée par la
loi du 4 Mars 2002 ? Le mineur hospitalisé devient alors un acteur à part entière avec ses questions, ses
approbations mais aussi ses refus qui alors compliquent la prise en charge : en effet, il faut prendre
le temps pour « s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à la consultation du ou des titulaires de
l’autorité parentale ».
Pour prendre sa place dans les décisions le concernant, le mineur doit être informé de ses droits, or, en
pratique, il ne l’est pas ou peu. Le mineur est depuis longtemps informé du déroulé de prise en charge,
son avis est demandé pour les décisions médicales mais sans référence au cadre juridique : il ne connaît
donc pas ses droits, il ne peut donc pas questionner et remettre en cause ; le mineur ne participe donc
pas juridiquement aux décisions le concernant. En référence à l’article L111-5, si le mineur s’oppose à
l’information des titulaires de l’autorité parentale, les informations contenues dans son dossier ne doivent
pas être communiquées, ce qui nécessite une annotation dans le dossier de l’enfant. Les soignants
ne sont généralement pas suffisamment informés et formés à accepter cette autonomie des mineurs.
Les entretiens avec le mineur pour le persuader d’informer ses parents prennent du temps, ceci n’est pas
toujours facile dans le contexte hospitalier. Il faut analyser ce qui relève d’une part de la volonté profonde
du mineur pour le secret d’une part, et d’autre part, de la peur de « dire » le motif de consultation à un
ou aux deux parents ; la présence du médecin sera d’autant plus importante pour « s’efforcer d’obtenir
le consentement du mineur » (art L1111-5 du CSP). Ce temps de négociation est difficile à mettre en
œuvre dans un service d’urgences alors que le diagnostic est souvent posé dans cette unité et qu’il est
difficile d’évaluer le « degré de maturité » du mineur. Si la loi du 4 mars 2002 laisse une part d’autonomie
au mineur pour les informations le concernant, elle met les soignants en difficulté pour la sortie de l’hôpital
car seuls les titulaires de l’autorité parentale sont autorisés à sortir l’enfant (cette sortie peut également se
faire par un tiers, mais ce dernier doit être désigné et authentifié par les titulaires de l’autorité parentale).
Le mineur est donc à la fois autonome mais devant rendre des comptes ; s’il ne veut pas informer ses parents
de la raison de son admission à l’hôpital, comment va-t-il ensuite gérer le questionnement parental ?
Les soignants doivent également faire face aux titulaires de l’autorité parentale qui montrent leur
incompréhension face aux droits de leur enfant hospitalisé. Dans les services de pédiatrie, hormis les
unités d’adolescents, des jeunes d’âges très différents se côtoient, les soignants doivent alors s’adapter
aux demandes individuelles dans un cadre législatif autorisant l’autonomie pour certains et la dépendance
pour d’autres, nous pouvons comprendre qu’il est plus facile d’appliquer les mêmes droits à tous les
jeunes patients.
En ce qui concerne la situation particulière des mineures demandant soit un moyen de contraception soit
une interruption volontaire de grossesse, un accompagnement spécifique est légiféré : les soignants et
psychologues ont intégré les démarches et proposent un accompagnement singulier.
73
Santé
En 2009, le mineur hospitalisé peut-il exercer ses droits ?
Des organismes de formation continue se sont adaptés à cette évolution et proposent des programmes
de formation sur la situation du mineur hospitalisé au regard de la loi du 4 mars 2002. Par contre, en
interrogeant les programmes de formation d’infirmière puéricultrice, nous avons pu constater que cette
évolution n’était pas prise en compte.
Chaque établissement hospitalier doit mettre à disposition de chaque patient un livret d’accueil avec la
charte du patient hospitalisé en lien avec la loi du 4 mars 2002. Peu font place aux droits spécifiques du
mineur ; ce dernier ne les connaît pas et ne peut donc pas les faire reconnaître. Sur leurs sites internet
respectifs l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris(APHP) et des Hôpitaux de Lyon(HCL), des
rubriques spécifiques sont consacrées aux droits des mineurs hospitalisés ; un livret pour les
médecins à l’APHP et des fiches juridiques aux HCL informent les soignants et facilitent la prise en
charge des mineurs sur le plan juridique.
Des améliorations pourraient permettre au mineur hospitalisé d’exercer ses droits. Le mineur doit être
informé de ses droits au même titre que le patient majeur : il doit donc pouvoir bénéficier d’un livret d’accueil
comportant la charte européenne de l’enfant hospitalisé mais aussi les articles commentés de la loi du
4 mars 2002 le concernant. La création d’unité d’adolescents, même si l’âge de l’adolescence n’est pas
défini, permettrait aux patients et aux soignants d’avoir un cadre de référence identique avec, bien sûr,
une adaptation au degré de maturité de chaque jeune hospitalisé. Le questionnaire de satisfaction contenu
dans le livret d’accueil pourrait comporter des items non seulement sur la qualité du séjour mais aussi sur
le respect des droits du mineur hospitalisé. Les modalités de sortie devraient également évoluer ; en effet,
si le mineur décide de se faire soigner « accompagné d’une personne de son choix » (article L1111-5
du CSP), il devrait pouvoir garder cette autonomie pour sa sortie. Cependant, en même temps, cette
situation susciterait des interrogations et inquiétudes chez les soignants : cette personne majeure est-elle
digne de confiance ? Peut-elle protéger le mineur ? Celui-ci reste sous la responsabilité des titulaires de
l’autorité parentale sauf cas particuliers.
En outre, les formations paramédicales doivent apprendre aux soignants à prendre en charge le mineur
hospitalisé avec les droits que lui confère la loi du 4 mars 2002 ; si la responsabilité des titulaires de l’autorité
parentale est étudiée, les droits du mineur hospitalisé ne le sont pas ou très peu.
Les établissements de santé doivent tenir compte de l’évolution des textes et donc informer les soignants
et les aider en leur proposant des procédures aidantes, comme les fiches de l’APHP et des HCL, par
exemple.
Depuis 1989, nous avons parcouru beaucoup de chemin, mais la route est encore longue pour que les
droits du mineur hospitalisé soient connus donc reconnus.
74
Qui « fait » parent aujourd’hui ?
La CIDE, un texte trop flou
Maurice BERGER
Chef de service de pédopsychiatrie au CHU de
Saint-Etienne
77
Comme pédopsychiatre, je voudrais
poser ainsi la question « Qui fait
parent aujourd’hui ? », quelles sont
les qualités minimum que doit avoir
un adulte pour permettre à son
enfant de se développer à peu près
normalement ? La Déclaration des droits de l’enfant de l’ONU en 1959 y répond en stipulant que « L’enfant
doit se voir accorder les possibilités d’être en mesure de se développer d’une façon saine et normale sur
le plan physique, intellectuel, moral, spirituel et social ». Ceci est repris dans l’article 6 de la CIDE : « Les
Etats assurent le développement de l’enfant », ce qui est trop imprécis. La preuve : ce texte peut être
interprété de manière contradictoire par des personnes ayant des points de vue totalement divergents.
Certes, la CIDE, et sa signature par de nombreux Etats, a constitué une avancée considérable au niveau
des traumatismes très « visibles » qu’un enfant peut subir dans une société essentiellement non démocratique
: elle affirme le droit de l’enfant à la vie, le droit de garder son nom et sa nationalité, de ne pas
être enrôlé comme soldat au dessous de quinze ans, etc. Mais en ce qui concerne les traumatismes
relationnels qui se produisent à l’intérieur de la famille et qui peuvent être aussi dévastateurs, ce texte
est très insuffisant. Je vais illustrer cela à partir de deux sortes de situations fréquentes, les enfants dont
les parents présentent des difficultés éducatives importantes et les enfants petits dont les parents
divorcent.
Dans les situations de difficultés éducatives parentales, le dispositif de protection de l’enfance français
est assez protecteur pour les traumatismes visibles, coups, abus sexuels, défauts graves de soins qui
constituent 22 % des signalements ; mais il est fréquemment insuffisamment protecteur pour les 78 %
restants. Ceci concerne entre autre les traumatismes psychiques précoces répétitifs qui surviennent
pendant les deux premières années de la vie : parents imprévisibles, chaotiques, négligents, absents
Famille
La CIDE, un texte trop flou
pendant de très longues périodes, angoissants, délirants et impliquant leur enfant dans leur délire, soumettant
leur enfant au spectacle de violences conjugales.
On devient parent au niveau affectif et éducatif en fonction de son histoire, et les parents dont il est question
ici ne sont pas coupables au sens où ils ont eux-mêmes vécu une enfance désastreuse qui les empêche de
comprendre les besoins élémentaires de leur nourrisson ; et souvent l’aide à la parentalité, adéquate
pour des situations relativement simples, constitue une protection insuffisante pour leur enfant.
Les conséquences de ce type de traumatisme sont les suivantes :
1) Des troubles de l’attachement, c'est-à-dire une impossibilité d’établir des liens stables avec autrui, et une
enquête de l’INED en 2006 a montré que 40 % des SDF âgés de 18 à 24 ans provenaient du dispositif de
protection de l’enfance.
2) La violence pathologique extrême dont la fréquence augmente, les enfants concernés devenant de
plus en plus tôt de plus en plus violents. A noter qu’au Québec où le dispositif est très clairement centré
sur la protection du développement de l’enfant avant deux ans, le nombre de mineurs commettant des
délits a diminué de 7 %, et de 5,7 % pour ceux commettant des crimes, ceci chaque année depuis 2006,
alors qu’en France, la tendance est inverse. Ceci devrait nous inciter à réfléchir.
3) Autre conséquence fréquente, une atteinte de la capacité de penser, retard qui se transforme fréquemment
en handicap. Un économiste, Esping Andersen (2008), a montré que l’échec scolaire était souvent
déterminé par la manière dont les parents s’étaient occupé de leur enfant pendant les trois premières
années de sa vie, c'est-à-dire avant l’entrée à l’école.
L’autre exemple concerne la garde alternée pour les enfants de moins de trois ans, et même de moins
de six ans. Des centaines d’enfants présentent actuellement dans ce contexte les symptômes suivants
(M. Berger, 2009) : un sentiment d’insécurité avec apparition d’angoisses d’abandon, l’enfant ne
supportant plus l’éloignement de sa mère et demandant à être en permanence en contact avec elle ;
un sentiment dépressif avec un regard vide pendant plusieurs heures ; des troubles du sommeil, de
l’eczéma, de l’asthme ; de l’agressivité ; une perte de confiance dans les adultes.
Ces symptômes qui laissent des séquelles à l’âge adulte se retrouvent chez les nourrissons lorsque le droit
d’hébergement comprend de grands week-ends depuis le vendredi matin jusqu’au lundi soir. Et le plus
souvent, les décisions inadaptées sont prises sans volonté judiciaire de possibilité de retour en arrière.
Dans le même temps, des associations de pères font déposer des projets de loi pour que la résidence
alternée égalitaire soit obligatoire, en s’appuyant sur l’article 9 de la CIDE, lequel indique que l’enfant doit
pouvoir entretenir des relations personnelles avec ses deux parents, mais ne spécifie pas que le temps
de l’enfant doit être strictement partagé entre eux, et alors que depuis 1994, la Californie a renoncé légalement
aux résidences alternées égalitaires imposées judiciairement étant donné les dégâts psychiques
observés chez les enfants.
Quand on cherche pourquoi on aboutit à de tels dysfonctionnements, on est en permanence ramené à la
question de l’intérêt de l’enfant. La CIDE indique « L’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération
primordiale », mais ne précise pas à quoi il est supérieur. Ainsi entend-on que l’intérêt supérieur d’un enfant
est toujours de vivre avec ses parents biologiques, alors que cela dépend de leurs qualités éducatives,
ou encore que l’intérêt supérieur d’un enfant de cinq mois est de vivre la moitié du temps chez son père
et la moitié du temps chez sa mère parce son psychisme doit se construire à égalité à partir de ce qu’il
reçoit de ses deux parents, sans tenir compte des effets que produit une telle discontinuité sur un bébé.
Pour rendre ce concept moins subjectif, plusieurs pays ont pris la décision de considérer que l’intérêt d’un
enfant est que ses besoins minimum soient satisfaits et se sont attachés à définir précisément ces
besoins. Si tout le monde est d’accord sur la nature des besoins physiques, on peut débattre sur la
nature de certains besoins affectifs et intellectuels. Mais tous les spécialistes sont d’accord sur le fait qu’il
est indispensable qu’un enfant reçoive suffisamment de stimulations non excitantes et puisse jouer dès
tout petit pour que son intelligence se développe.
Surtout, l’ensemble des chercheurs considèrent comme essentiel qu’un enfant se sente en sécurité dès les
premiers jours de sa vie, et qu’il dispose pour cela d’une figure d’attachement sécurisante, c'est-à-dire d’un
adulte stable, fiable, prévisible, accessible, capable de comprendre ses besoins et d’apaiser ses tensions.
78
Ceci nécessite une empathie suffisante de la part de cet adulte, capacité d’avoir accès au monde émotionnel
de l’enfant, d’interpréter de manière adéquate les signes par lesquels il manifeste ses besoins et
d’y répondre.
Les troubles que j’ai décrits dans les deux circonstances citées ci-dessus sont des troubles de l’attachement.
Surtout, ces troubles se fixent rapidement, souvent avant l’âge de deux ans, et ils sont très difficiles
à soigner. C’est pourquoi au Québec on dit qu’un enfant ne peut pas attendre qu’on lui offre une figure
d’attachement de qualité, il n’est pas un appareil vidéo qu’on peut mettre sur pause.
Et il faut savoir qu’il y a encore en France des enfants qui doivent quitter la famille d’accueil dans laquelle
ils vivent depuis nourrisson pour suivre les errances géographiques de leurs parents.
Les droits de l’enfant reposent donc sur son intérêt, lequel consiste en la reconnaissance de ses besoins et
en leur hiérarchisation. Compris ainsi, l’intérêt de l’enfant est un concept qui n’augmente pas la subjectivité
des professionnels mais qui, au contraire, la diminue. Par exemple, quand on veut évaluer le développement
d’un enfant de moins de deux ans, on peut mesurer précisément son quotient de développement, ce qui
permet d’évaluer s’il présente un retard qui s’aggrave au fil des mois. Mais en France, on ne l’entend pas
ainsi, ce qui ne cesse d’étonner les professionnels étrangers. Ainsi en décembre 2003 est apparu dans
la loi le terme « intérêt de l’enfant » accompagné du commentaire : « Les décisions concernant l’enfant
doivent être prises en stricte considération de son intérêt ». Ceci n’a entraîné aucun changement dans
les pratiques.
C’est dans la loi de mars 2007 réformant la protection de l’enfance qu’apparaissent le mieux les résistances
françaises puisque les associations de magistrats, les représentants des Conseils Généraux, d’autres groupes
professionnels et le Ministre de la Famille se sont opposés à ce que figure une définition de l’intérêt de
l’enfant dans la loi. Cependant, au cours du débat, la nécessité d’une définition a été imposée par les représentants
des quatre partis politiques présents unis en l’occasion, ce qui est suffisamment rare pour être
souligné, afin d’éviter que chaque professionnel n’en donne sa propre définition. Mais deux points font que
cette définition est actuellement contestée. Dans l’article L.112-4 du Code d’action sociale et des familles
est indiqué : « L’intérêt de l’enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels,
sociaux et affectifs, ainsi que le respect de ses droits, doivent guider toutes décisions le concernant ».
Premier point, cette définition ne figure pas dans le Code civil, en particulier dans l’article 375, donc un
certain nombre de magistrats considèrent qu’elle ne fait pas partie de leurs outils. Deuxièmement, lors
du débat à l’Assemblée Nationale, au lieu de mettre « L’intérêt de l’enfant, c'est-à-dire, la prise en compte
de ses besoins… », la Rapporteure a remplacé les mots « c'est-à-dire » par une virgule. Certains
professionnels considèrent donc qu’il n’y a toujours pas dans le droit français de définition de l’intérêt de
l’enfant puisqu’on ne se trouve pas devant une apposition, les premiers termes « l’intérêt de l’enfant »
jouant un rôle déterminant par rapport aux seconds, mais devant une juxtaposition de mots n’ayant pas
forcément de liens entre eux. Dans quel autre pays ferait-on dépendre d’une virgule le destin de centaines
de milliers d’enfants?
L’idéologie souvent exprimée est que la loi de mars 2007 vise à trouver un équilibre entre les droits de
l’enfant et les droits des parents. C’est une ineptie car il n’y a pas de symétrie possible. L’enfant petit est
immature, sa personnalité est en développement, il est vulnérable, totalement dépendant de son environnement,
à la différence de ses parents il n’a pas ou peu la parole pour exprimer ce qu’il ressent et émouvoir
les professionnels. Il arrive donc que les droits des parents et les droits des enfants ne soient pas compatibles,
et tant qu’il ne sera pas inscrit clairement dans la loi que dans ces circonstances, l’intérêt de l’enfant
a préséance sur celui des adultes, aucune avancée ne se produira dans nos pratiques. Un exemple
fréquent : la question de cet équilibre joue en permanence au moment où il faut tenter d’obtenir des
visites médiatisées parce qu’un enfant est mal après chaque rencontre avec ses parents, non pas que
ces derniers soient toujours inadéquats sur le moment mais parce que l’enfant vit alors des reviviscences
des traumatismes passés. Il faut alors un certain temps de visites médiatisées pour traiter ces troubles
sinon ils risquent de persister à vie, et souvent ce cadre n’est pas accordé.
Pour ces raisons et d’autres encore, je considère que la loi de 2007 a aggravé la situation des enfants
qui se trouvent le plus à risques, et qu’il y en a de plus en plus que nous ne parvenons pas à soigner.
Cette loi renonce à la réalité psychique de l’enfant, aux processus indispensables à son développement,
et fait une référence constante et idéale à la famille « prise à temps » et qui pourrait toujours évoluer
positivement.
79
Famille
La CIDE, un texte trop flou
En conclusion, le terme de « droits de l’enfant » est trop général et cache ce sur quoi ces droits reposent :
les besoins minimum qui doivent être satisfaits pour qu’un enfant soit capable dans sa vie d’être autonome,
d’apprendre, en particulier un métier, de vivre en groupe, et de ne pas frapper. Pourtant les
connaissances sont là, concernant aussi bien les conséquences des traumatismes relationnels précoces
(E. Bonneville, 2008) que les conséquences de la résidence alternée pour des enfants petits. Dans ce
dernier domaine, il y a des mises en garde faites par des professeurs de pédopsychiatrie, Golse, Delion,
Yvon Gauthier, Jouselme, Jeammet, et Sommelet, ex-présidente de l’Association Française de pédiatrie,
et il y a des publications sur les effets nocifs de la résidence alternée non conflictuelle chez l’enfant petit.
La Commission des droits de l’enfant de l’ONU a repéré ces faiblesses françaises et souligne l’absence de
délégation parlementaire permanente sur l’enfance au sein des deux assemblées en France, considérant
qu’il est nécessaire qu’elle soit mise en place. J’ajouterai que pour toute loi concernant un enfant, un avis
devrait être demandé aux professionnels qui doivent soigner des enfants quand ils vont mal, principalement
à la Société Française de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, à la branche française de l’Association
mondiale de santé mentale du nourrisson, à l’Association Française de Psychiatrie, et à l’Association
Française de Pédiatrie. Ce n’est pas le cas.
Plusieurs dispositifs étrangers s’étayent sur des publications ayant une valeur scientifique, et non pas une
valeur d’opinion personnelle. Chez nous, beaucoup de professionnels considèrent que ces connaissances
sont inacceptables parce qu’elles remettent en cause leur manière de travailler et leurs croyances personnelles.
Le fantasme de Big Brother est immédiatement brandi, rendant impossible toute réflexion sereine.
Nous refusons le principe de causalité, à savoir que tel traumatisme psychique répété a de fortes
probabilités d’avoir telles conséquences graves, sans qu’on puisse parler de prédictivité absolue.
S. Cirillo, un des grands noms de la protection de l’enfance en Italie, dit qu’en France, quand les faits et
les idées ne coïncident pas, ce sont les faits qui ont tort. Résultat, nous nous privons de boussoles
essentielles dans nos décisions, souvent nos aides à la parentalité n’ont pas d’axe directeur, et les
placements ont lieu trop tard (je précise qu’il ne s’agit pas de placer plus).
Pour toutes ces raisons, la CIDE, non seulement, ne constitue pas un progrès marquant pour notre pays, mais
elle est utilisée comme un alibi pour favoriser le point de vue de certains adultes. Tant que nous refuserons
d’évaluer les résultats de nos décisions judiciaires, administratives, thérapeutiques, c'est-à-dire comment
vont les enfants concernés, nous continuerons à être un pays auto-satisfait qui se ment à lui-même.
Nous ne sommes pas prêts à penser l’enfance hors des macro-traumatismes et en regardant l’évolution de
nos pratiques depuis que je travaille en pédopsychiatrie, c'est-à-dire depuis trente huit ans, je suis devenu
très pessimiste pour l’avenir.
80
Les enfants peuvent-ils faire la loi ou dire leurs besoins ?
Marc JUSTON
Juge aux Affaires Familiales, président du Tribunal
de Grande Instance de Tarascon
81
Introduction
Sujet de droit, l’enfant a longtemps
été réduit au silence, sous couvert
de la protection dont il faisait l’objet.
Le droit positif a cependant pris en
compte la personnalité de l’enfant, lui conférant depuis près de trente ans, de plus en plus d’autonomie,
au travers de réformes inspirées de l’idée que le respect de la personne de l’enfant devait conduire à ce
que son intérêt soit pris en compte.
La convention internationale relative aux droits de l’enfant a la première consacrée un véritable droit à
la parole pour l’enfant qui a suscité d’importantes controverses auprès des praticiens.
Le mouvement de libération de la parole de l’enfant a depuis continué son évolution, allant jusqu’à une
consécration en droit positif par la loi du 8 Janvier 1993, l’article 388.1 du code civil disposant que
« désormais, dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut (…) être
entendu », l’audition de l’enfant lorsque celui ci en fait la demande ne pouvant être écartée que par une
décision spécialement motivée.
La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a marqué une nouvelle étape, disposant
notamment que « l’audition de l’enfant est de droit quand il en fait la demande ». Ce droit à la parole
de l’enfant n’est pas sans poser question. Les praticiens sont toujours en recherche de réponses, tant
l’équilibre est difficile à atteindre entre le respect du droit à la parole de l’enfant et la nécessaire protection
dont il doit faire l’objet.
Après un bref rappel des nouvelles dispositions, seront évoquées les difficultés d’application au regard
de la pratique.
Famille
Les enfants peuvent-ils faire la loi ou dire leurs besoins ?
I. Les dispositions légales
La loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale met sur un plan d’égalité chacun des parents, elle
garantit le maintien des liens entre les deux parents et leurs enfants après la séparation et légalise la
résidence alternée. Cette loi a centré la définition de l’autorité parentale sur l’intérêt de l’enfant. L’enfant
a un droit à la coparentalité. La loi impose que les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent,
selon son âge et son degré de maturité (article 371.1 alinéa 3 du code civil ).
La loi du 26 mai 2004 relative au divorce tend à apaiser les procédures et à favoriser un règlement
plus responsable des conséquences de la rupture. Cette loi est une prise de conscience des effets des
séparations conflictuelles, qui se révèlent particulièrement négatifs pour les enfants.
Il est désormais demandé aux praticiens de travailler dans un état d’esprit plus consensuel, de manière
à protéger l’enfant des conflits parentaux. L’enfant, la protection de l’enfant, l’intérêt supérieur de l’enfant
sont à l’évidence le fil rouge de ces deux lois.
Les dispositions légales relatives à l’audition de l’enfant sont limitées à quelques articles, à savoir
l’article 388-1 du code civil, l’article 373-2-11 du code civil et les articles 338-1 à 338-12 du code de procédure
civile (décret du 20 mai 2009 relatif à l’audition de l’enfant en justice). Peu de dispositions légales
donc, ce qui n’est pas sans conséquence. Les praticiens du droit doivent, comme souvent, faire face.
A – Le droit de tout enfant capable de discernement à être entendu
Tout enfant est légalement reconnu comme sujet de droit et la dernière rédaction de l’article 388.1 du
code civil sur l’audition de l’enfant a été introduite par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection
de l’enfance.
La loi vise à encourager, voire à systématiser l’audition de l’enfant et à recueillir son avis.
L’article 388.1 du code civil donne aux enfants capables de discernement le droit d’être entendus dans
toute procédure judiciaire les concernant s’ils le souhaitent, tout en leur garantissant la possibilité de
refuser une audition demandée par l’autorité judiciaire ou par l’un ou les parents.
Désormais, dans chaque procédure concernant un enfant, le juge aux affaires familiales doit s’assurer
que l’enfant a été informé de son droit d’être entendu et d’être assisté d’un avocat.
Pour ce faire, le juge aux affaires familiales adresse, avec la convocation aux parents, une notice
demandant aux parents d’informer leurs enfants qu’ils ont le droit d’être entendus, et à l’audience,
le juge aux affaires familiales doit vérifier auprès des parents que cette information a été donnée aux
enfants. Dans certains tribunaux, des avocats produisent des attestations sur l’honneur des parents
indiquant qu’ils ont informé leurs enfants, d’autres le mentionnent simplement à l’audience ou dans leurs
conclusions.
Dans sa décision, le juge aux affaires familiales devra mentionner que l’enfant a été informé par les
parents, titulaires de l’autorité parentale, de son droit à être entendu.
Pour être entendu, le mineur doit être capable de discernement. Force est de constater que le discernement
n’est pas qu’une question d’âge, même si le juge sera plus prudent sur cette notion à l’égard d’un
enfant de 5 ans, qu’à l’égard d’un mineur de 16 ans.
Lorsque l’audition est demandée par un enfant discernant, elle est de droit. Mais, quand l’audition est
sollicitée par un parent, elle n’est pas de droit, le juge continue de disposer d’un pouvoir d’appréciation,
et il convient de motiver le refus, s’agissant d’un chef de demande.
B – Le compte rendu de l’audition de l’enfant
Le décret du 20 mai 2009 (articles 338-1 à 338-12 du code de procédure civile) relatif à l’audition de l’enfant
en justice, présenté par la circulaire du 3 juillet 2009 de la direction des affaires civiles et du Sceau précise
les conditions d’application de l’article 388-1 du code civil.
82
Deux questions principales se posent :
- par qui est recueillie la parole de l’enfant ?
- de quelle manière est transcrite la parole de l’enfant ?
S’agissant de la personne chargée de recueillir la parole de l’enfant, l’article 338-9 du code de procédure
civile dispose que « lorsque le juge estime que l’intérêt de l’enfant le commande, il désigne pour procéder
à son audition une personne qui ne doit entretenir de liens ni avec le mineur ni avec une partie. Cette
personne doit exercer ou avoir exercé une activité dans le domaine social, psychologique ou médico -
psychologique ». En règle générale, le juge aux affaires familiales se chargera lui même de procéder à
l’audition. A noter que si le mineur souhaite être assisté d’un avocat, celui-ci peut être choisi par le mineur
ou désigné par le bâtonnier sur demande du juge.
Concernant la manière dont est transcrite la parole de l’enfant, l’article 338-12 du code de procédure civile
précise que « dans le respect de l’intérêt de l’enfant, il est fait un compte rendu de cette audition. Ce
compte rendu est soumis au respect du contradictoire ».
Ce compte rendu, qui doit être porté à la connaissance des parents et de leurs conseils, n’est pas un procès
verbal d’audition.
S’agissant du contenu de ce document, force est de constater que les pratiques les plus variées des
juges aux affaires familiales ont cours.
Ledit compte rendu peut consister en une synthèse rédigée par le juge dans le secret de son cabinet,
après l’audition du mineur, le magistrat décidant de lui-même d’indiquer ce qui lui paraît essentiel et ce
qui ne l’est pas, ou ce qui est conforme à l’intérêt de l’enfant et ce qui ne l’est pas.
Ou bien à l’opposé, il peut s’agir d’un véritable procès verbal d’audition, reprenant l’ensemble des
déclarations du mineur.
Toutes les variantes entre ces deux types de compte rendus sont envisageables, notamment par exemple
une rédaction conforme à une entente entre le juge et le mineur sur la formulation de ses dires ou une
transcription portant uniquement sur les propos que le mineur est prêt à dire à ses parents.
De plus, l’approche de l’audition du mineur peut être différente selon les magistrats. Certains juges aux
affaires familiales souhaitent poser au mineur des questions précises pour les aider à la prise de décision,
d’autres utilisent l’audition pour permettre à l’enfant de s’exprimer sur sa vie et de se faire une idée sur
sa personne, sans même lui demander son avis sur les modalités de la résidence.
Il ne faut jamais ignorer, toutefois, que le juge aux affaires familiales doit avoir un rôle de protection vis à
vis de l’enfant, et qu’il doit éviter de contribuer à une situation où l’enfant serait victime de rétorsions de la
part de l’un de ses parents. Il ne faut pas oublier les risques qu’une audition peut faire peser sur l’enfant.
En tout état de cause, il est patent que les conditions de recueil de la parole de l’enfant peuvent influer
sur celle-ci, et que la parole de l’enfant pourra être sensiblement différente selon la personne qui aura
entendu l’enfant et les modalités de retranscription de la parole du mineur.
A l’évidence, l’aléa, source d’insécurité juridique, peut faire de l’enfant la première victime d’un dispositif
censé le protéger.
II. La parole de l’enfant : remède ou poison? Toute puissance de l’enfant ou expression de ses
besoins ?
Force est de constater que l’audition de l’enfant, c’est comme la langue d’ESOPE. Cela peut être selon
les cas, la pire ou la meilleure des solutions.
Certes le divorce, la séparation des parents non mariés sont aussi l’affaire des enfants. Mais, la systématisation,
constatée actuellement, de l’audition de l’enfant ne parait pas être, dans de nombreuses situations,
la meilleure des réponses pour lui. Faire du « sur mesure » parait être une meilleure solution.
83
Famille
Les enfants peuvent-ils faire la loi ou dire leurs besoins ?
Toutefois, respecter le droit de l’enfant d’être entendu est d’autant plus important que la plupart des juges
reconnaissent que l’audition est le plus souvent utile, la parole de l’enfant aide très souvent le juge, à
prendre une décision.
Mais la vraie question n’est elle pas de savoir si le recueil de la parole de l’enfant est aidant pour
l’enfant ?
Il est certain qu’en s’enfermant dans le recours systématique de la parole de l’enfant, même si l’enfant sait
qu’il ne peut pas décider et qu’il ne donne qu’un avis, il peut s’agir pour lui très souvent d’un piège qui
peut se refermer sur lui. De plus, la réalité démontre que l’avis de l’enfant fait très souvent la décision.
L’expérience démontre en effet que dans de nombreux cas, la parole de l’enfant peut créer plus de conflit
que de paix. Elle porte souvent plus d’inconvénients que d’avantages, en risquant d’affaiblir l’autorité des
parents dans certaines familles, et de ce fait d’être un facteur de désordre social. Et, ce pouvoir donné
à l’enfant au lieu de le structurer, de l’aider, de le protéger, très souvent le fragilise et l’affaiblit.
Il existe plusieurs dangers, et le principe de précaution doit être la règle. Le principal est de faire de l’enfant,
un enfant décideur. Dans le contexte d’une impasse décisionnelle entre ses parents, l’enfant est
devenu dans beaucoup de procédures « le décideur », celui qui tranche les débats et celui qui prend les
décisions. Jocelyne DAHAN, médiatrice familiale, dit très justement : « Il ne faut jamais laisser un enfant
en capacité de choisir; si sa parole fait loi, est-il encore à sa place d’enfant ? ».
Lorsqu’ au moment de la séparation de ses parents, le juge aux affaires familiales demande à un enfant
s’il préfère habiter avec papa ou avec maman, le juge lui donne un pouvoir que dans la plupart des cas
il ne peut pas assumer, parce qu’il n’est malgré tout qu’un enfant, même s’il est une personne. Il est demandé
à l’enfant une maturité qu’il n’a pas. Et, il est vrai que dans certains cas, l’enfant est obligé de
prendre partie.
Dans de nombreuses situations, l’enfant n’est plus seulement l’enjeu, mais il est devenu l’arbitre.
Le couple est incapable de décider et s’en rapporte à la parole de l’enfant et tente de faire de lui l’arbitre.
L’enfant est tellement acteur qu’il en devient arbitre. Les conséquences de cette situation se manifestent
par le risque de déresponsabilisation des parents, de démission et d’abdication des parents.
A travers certaines procédures, il ressort que les parents attendent de leurs enfants que ce soient eux
qui les sécurisent. L’on constate souvent une inversion des rôles, les parents hésitent à se mettre à dos les
enfants, ils ont peur de dire non, et ce sont les parents qui ont peur d’être rejetés et de ne pas être aimés
de leur progéniture.
Si l’excès des parents est nuisible, l’absence d’autorité parentale par contre n’est certainement pas épanouissante
pour les enfants. Cet état de fait est inquiétant. Cette situation ne donne pas à l’enfant un
cadre parental satisfaisant, dans une situation difficile pour l’enfant qu’est la séparation conflictuelle de
ses parents, et ne prépare l’enfant :
- ni au monde scolaire (l’on ne demande pas son avis au mineur sur le choix de ses professeurs, et
pourtant chacun sait que les professeurs ont une importance capitale sur l’évolution, la structure et
l’avenir des enfants),
- ni au monde professionnel (rares sont ceux qui peuvent donner leur avis sur le choix de leur employeur
et de leurs collègues de travail),
- ni au monde des adultes,
- ni à la résistance à la frustration,
- ni aux contraintes du quotidien.
Plus que la question de l’audition de l’enfant, le challenge des avocats et des juges aux affaires familiales,
compte tenu de la multiplication des séparations et des divorces, est de tout mettre en œuvre pour
protéger les enfants des conflits entre leurs parents, pour que les enfants ne soient pas décideurs, et ce
tout en respectant et appliquant les dispositions de l’article 388.1 du code civil.
Comment la justice familiale peut-elle tenter de remédier aux dangers, aux risques de l’audition de l’enfant
et aux dérives que peut entraîner la parole de l’enfant ?
84
Certes, le juge aux affaires familiales ne peut qu’être d’accord pour réaffirmer les droits de l’enfant. Mais,
il doit réaffirmer aussi la notion d’autorité parentale. Un enfant a besoin de parents adultes responsables
en face de lui, capables de réinventer leurs rôles respectifs quand ils se séparent, et d’associer étroitement
et intelligemment leur enfant aux décisions à prendre.
La notion d’autorité parentale n’est pas synonyme de domination, même s’il n’y a pas d’éducation sans
contrainte, un enfant a besoin d’adultes responsables en face de lui. Et le juge aux affaires familiales doit
tenter d’investir ou de réinvestir les parents de leur responsabilité dans le respect de l’enfant, qui ne
mérite jamais de supporter le fardeau d’un conflit parental.
Conclusion
Comment tenter de remédier aux dérives possibles de l’audition de l’enfant ?
Ne serait-il pas bon, dans nombre de situations, de penser autrement, de faire appel au bon sens, en
aidant le père et la mère à réfléchir ensemble en bonne intelligence et en parents responsables à ce qu’ils
pourraient faire pour éviter les dérives de l’audition de l’enfant ?
Comment faire pour que la Justice protège l’ENFANT, tout en entendant et respectant la parole de l’enfant,
l’aide dans des procédures de séparations parentale conflictuelles ?
Il est essentiel, en amont ou pendant la procédure de séparation, de responsabiliser les parents
et de les convaincre de se séparer en bonne intelligence.
A cet effet, la médiation familiale est un outil précieux. Elle permet une déconflictualisation des relations
parentales.
Et la parole de l’enfant ne peut être sérieusement entendue et vraie qu’à partir du moment où des parents
se respectent et se parlent, et dans ce cadre, l’enfant s’il est entendu exprimera réellement ses besoins
qui peuvent être discutés par les parents.
Il est possible d’envisager la présence de l’enfant en médiation familiale. Les recommandations
du conseil des ministres du conseil de l’Europe plaident d’ailleurs pour l’intégration des enfants dans la
médiation, lieu dans lequel les enfants peuvent exprimer leurs besoins.
Il est opportun, avant d’intégrer l’enfant en médiation que les parents aient commencé à « travailler »
ensemble dans le processus de médiation. Une fois que ce travail de reprise de dialogue entre les
parents a été fait, que les parents ont réussi à prendre en compte l’ensemble des besoins de l’enfant,
de ses aspirations, de son développement et de sa personnalité, l’intégration de l’enfant peut avoir lieu
en médiation.
Certes, en règle générale, il convient de rester prudent sur la place de l’enfant dans la médiation familiale.
Il est important de tenir compte de l’âge de l’enfant et de ne pas oublier qu’un certain nombre d’enfants
sont « coincés » dans un conflit de loyauté, voire sont victimes du syndrome d’aliénation parentale.
Force est de constater, toutefois, que dans un certain nombre de situations, il est intéressant d’intégrer
l’enfant en fin de médiation pour que les parents l’écoutent en présence du médiateur, dialoguent avec
lui et lui expliquent la décision prise. Cela doit permettre à l’enfant de discuter avec ses parents de son
choix de vie adapté à ses besoins et le plus favorable au maintien de la coparentalité.
A ce titre, il est important que le juge donne pour mission au médiateur familial dans les décisions dans
lesquelles l’enfant peut (ou doit) prendre sa place de « rétablir le dialogue entre les parents et de faciliter
la reprise des contacts entre l’enfant et son père (ou sa mère) ».
Le juge aux affaires familiales, confronté au quotidien au droit de la famille, aux droits de l’enfant, à la
déresponsabilisation des parents, à la crise de l’autorité parentale, à l’enfant trop souvent devenu décideur,
doit se rappeler en permanence qu’il faut traiter l’enfant en enfant.
La médiation familiale est un outil privilégié permettant la responsabilisation des parents, la mise en
place de la coparentalité et le respect de ce qu’est l’enfant, c’est-à-dire un être en devenir.
La médiation familiale permet de laisser sa place à l’enfant, et de faire travailler les adultes pour qu’ils
soient capables de prendre en charge leurs enfants, même en étant séparés.
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Famille
La parentalité au risque des droits des enfants
Daniel COUM
Psychologue clinicien, directeur de l’association
PARENTEL, Brest
cause, il s’agit de production d’adultes à l’endroit des enfants !
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Des enfants partenaires ?
L’actualité fourmille d’anecdotes qui en
disent long sur les productions imaginaires
de notre société s’agissant du
statut donné à l’enfant. En tout état de
La Convention internationale des enfants dont nous fêtons le 20 ème anniversaire et tout particulièrement les
débats enflammés qui ont accompagné sa ratification auront permis cette avancée spectaculaire dans les rapports
sociaux entre enfants et adultes qui consista à faire passer l’enfant d’un statut d’objet de soins à celui de sujet
de droit.
Cependant, il faut noter, pour être juste dans l’analyse que nous devons faire aujourd’hui de ses effets, que la
CIDE mêla deux traditions juridiques contradictoires. D’un côté le « droit à » (la santé, l’éducation, etc.) héritée
de la philosophie des Lumières selon laquelle l’homme devient libre que pour avoir été initié durant l’enfance
à l’usage de cette liberté et qui justifiait, de fait, une protection garantie par une juridiction d’exception (le droit
des mineurs datant de 1945) ; d’un autre côté le « droit de… » (expression, participation, etc.) au motif que la
protection dont jouissent les enfants serait une forme moderne d’oppression d’une minorité désormais à libérer.
Ce parti-pris a donné naissance à l’utopie de la capacité de l’enfant à s’auto-déterminer et à être maître de sa
destinée au point que, par exemple, le principe même de l’autorité parentale ait pu être mis en cause…
C’est, dès lors, la place anthropologique de l’enfant qui s’en trouva bousculée et, avec lui, celle de l’adulte.
Que reste-t-il aujourd’hui de ce débat sinon l’antagonisme biaisé de positions extrêmes ? Il y aurait d’une part
« les anciens », partisans effrayés, par conservatisme, d’un paternalisme devenu honteux dont toute notion
Famille
La parentalité au risque des droits des enfants
d’autorité porterait encore en elle la trace et supposerait la domination forcément abusive de l’enfant :
autant dire que la position est difficile à tenir et que ses abus - de véritables conservateurs - l’expose
utilement à la contestation… Il y aurait d’autre part « les modernes », approchant l’enfant enfin libéré de
toute tutelle sur le modèle de la symétrie des positions et inscrit dans une nouvelle altérité qui substitue
à la tradition et à la hiérarchie la liberté et l’égalité. Autant dire que cette position généreuse dans son
principe mais calamiteuse dans ses effets est difficile à ne pas tenir par les temps qui courent !
L’issue, face à un tel choix, réside nous semble-t-il dans le dépassement que nous tentons, si possible
par le haut, de l’alternative, par une troisième voie dont nous essayons de tracer les contours.
Des parents démissionnés ?
Force est de constater que nous sommes aujourd’hui en train de récolter les effets d’une telle démagogie :
en soutenant l’enfant contre l’autorité en général et celle de ses parents en particulier, c’est bel et bien
les parents qui ont été mis en difficulté d’exercer ce qu’intuitivement tout un chacun, en tant que parent,
estime avoir à assumer à savoir une responsabilité que l’immaturité de l’enfant rend nécessaire.
Dans ce sens, les parents ont, bel et bien, été « démis » ou « destitués » plus que « démissionnés » par
une conjonction de forces conjointes. Celle du droit tout d’abord : certains ont même proposé que l’enfant
puisse saisir le juge en cas de conflit entre ses parents et lui-même aussi bien quand il n’y a pas de danger,
c’est-à-dire quand l’exercice de l’autorité parentale n’est pas fondamentalement mis en cause ! Celle du
savoir des experts par ailleurs, qui ont trouvé dans ce procès en suspicion parentale le fer de lance d’un
service permanent à rendre : sur le plan du savoir en tant que sachant - sur fond de vérité scientifique -
ce qu’il en est de l’intérêt « supérieur » de l’enfant autant que sur le plan de la praxis comme recours savant
et rendu nécessaire pour les parents désormais désorientés parce que préalablement délégitimés !
Difficile, dès lors, de ne pas prétendre occuper une place exceptionnelle et incontestable mettant les
parents sous dépendance !
Un enfant mis en difficulté
Cela suffit pour que certains (François de Singly entre autres) se réjouissent encore aujourd’hui de ce que
ce qu’ils appellent « démocratie familiale » préfigure les contours de la nouvelle famille comme « réunions
d’individus devant être considérées comme des personnes à part entière ». Car le mythe de « l’épanouissement
individuel » promu au rang d’idéal du moi comme nouveau principe organisateur du lien familial
n’en finit pas de piéger les protagonistes, les parents en premier lieu, et de, paradoxalement et contre
toute attente de ceux qui s’en font les promoteurs, fragiliser le statut de l’enfant en le privant d’un droit
par principe inaliénable, celui à l’enfance.
Un certain nombre de question se posent. N’y a-t-il pas en effet, dans cet évident souci de mieux prendre
en compte l’enfant, les prémisses d’un positionnement qui pourrait bien lui nuire ? Que dit-on à l’enfant de
son nécessaire rapport à la loi de l’asymétrie des générations quand on lui laisse entendre qu’il pourrait bien
s’y soustraire ? Quels sont les intérêts secrets du côté de l’adulte à assigner l’enfant dans une telle place
de pouvoir ? Quels effets sur le lien social que de mettre, par idéalisme, l’enfant à une place qui ne lui
revient pas d’occuper ?
Et l’on s’étonne alors que le rapport puisse s’inverser, c’est-à-dire que les enfants puissent sembler vouloir
exercer un pouvoir sur les adultes. Les situations dans lesquelles le désir des enfants semble triompher de
l’autorité des parents ou des adultes qui s’en occupent sont tout à fait intéressantes à étudier à cet égard en
ce qu’ils confinent toujours à la psychopathologie… de l’enfant. On se plaît à parler « d’enfant maltraitant »
et de « parents dépassés ».
Mais cette violence enfantine ou juvénile n’est-elle pas, au bout du compte, que le témoignage douloureux
des effets sur leur existence d’enfant d’un mode de traitement - à la fois pratique et théorique - inadéquat ?
Souvenons-nous ce que disait Cocteau : « les enfants sont des monstres que les adultes fabriquent
avec leurs regrets ! »
Il apparaît alors que le sur-investissement affectif dont l’enfant est l’objet est de nature à contredire la
dimension généalogique qui inscrit la place de l’enfant comme étant dans une génération autre que celle
de ses parents. Françoise Dolto ne disait pas mieux qui soutenait qu’il n’est pas de l’intérêt de l’enfant
d’être le centre d’attention exclusif de ses parents.
88
Là est la véritable violence faite à l’enfant aujourd’hui : elle n’est ni physique ni affective, elle est symbolique
en ceci qu’elle le prive des coordonnées essentielles à son existence en ce qu’elles garantissent sa
place d’enfant. On ne cesse de le dire : le droit premier de l’enfant c’est l’enfance et l’on ne peut, sans
dommage, non seulement pour l’enfant, mais pour le lien social lui-même faire de l’enfant un partenaire
social au même titre qu’un adulte peut l’être vis à vis d’un autre adulte. L’enfant n’est pas un autre comme
les autres !
Cette idéalisation de la position d’enfance a été questionnée depuis belle lurette…
Hannah ARENDT 1 , visionnaire à plus d’un titre, dénonçait déjà dans ses écrits de 1954 cette absurdité qui
consiste à considérer les enfants comme une minorité opprimée à libérer. « L’autorité dit-elle a été abolie
par les adultes et cela ne peut signifier qu’une chose : que les adultes refusent d’assumer la responsabilité
du monde dans lequel ils ont placé leur enfant ».
Et, pour reprendre les termes d’Irène THERY, commentant les abus de sens produit par le discours ambiant
sur les Droits des Enfants : « Est-ce vraiment respecter l’enfant, que de faire de lui la référence mythique
qui tutélarise des adultes infantilisés » 2
Et BRUCKNER, essayiste qui n’a rien à envier aux philosophes a cette phrase sans appel dans son
excellent livre 3 , « Le bébé devient l’avenir de l’homme quand l’homme ne veut plus répondre ni du monde
ni de soi ! »
Cet obscur objet du désir
Devenant parent (ou professionnel de l’enfance), l’adulte trouve en l’enfant dont il s’occupe (et en son
enfant en particulier), comme une réponse à l’incertitude et à l’indéfinition de son être. Cela contribue
à soutenir, en croyant pouvoir la réaliser ne serait-ce que momentanément, la quête narcissique de
chacun, qui est en fait quête de soi-même. « Cet enfant dans lequel je me re-trouve » entend-on les
parents dire.
Autrement dit, en réponse à l’incertitude de l’être-adulte l’enfant vient, illusoirement et momentanément
mais véritablement, s’offrir comme réceptacle aux aspirations féminines et masculines, bref existentielles
devenues parentales trouvant dans l’enfant l’objet idéal.
A la question « Qui suis-je ? » qui nous hante et, qu’en tant qu’adulte, nous avons à supporter qu’il n’y
a pas de réponse, se substitue, avec la parentalité, la question : « Que ne serai-je pas, que l’enfant que
j’ai pourra, pour moi, à ma place, devenir ? »
C’est donc le propre de l’enfant que de s’offrir, à son corps et à son âme défendant, comme réponse à
la question du manque à être de chacun de ses deux parents. C’est le propre de l’enfant, en dehors de
celui de ne pas être responsable, que de s’offrir comme réceptacle privilégié des projections des adultes
en général, de ses parents en particulier.
Mais Freud ne disait rien d’autre, en 1914, lorsqu’il expliquait l’amour des parents pour leur enfant comme
la marque de la reviviscence de leur propre narcissisme. Qu’observe-t-il ? Que cet amour possède toutes
les caractéristiques de l’amour narcissique : surestimation de l’objet, (« il existe ainsi une compulsion à
attribuer à l’enfant toutes les perfections ce que ne permettrait pas la froide observation… ») ; revendication -
au nom de l’enfant - de privilèges auxquels l’on a soi-même renoncé (« L’enfant aura une vie meilleure
que ses parents et il ne sera pas soumis aux nécessités dont on a fait l’expérience qu’elles dominaient
la vie ») ; bref économie de la confrontation à tous les maux de la terre : il sera le centre tout-puissant d’un
monde idéal et dont nous avons été déchu : « Maladie, mort, renonciation à la jouissance, restrictions de
sa propre volonté ne vaudront pas pour l’enfant, les lois de la nature comme celles de la société s’arrêteront
devant lui, il sera réellement à nouveau le centre et le cœur de la création. His majesty the baby,
comme on s’imaginait être jadis. (...) L’amour des parents, si touchant et au fond si enfantin n’est rien
d’autre que leur narcissisme qui vient de renaître (...) » 4 .
1. Cf Hannah ARENDT, La crise de la culture, 1989, Gallimard.
2. Irène THERY, Le démariage, Odile JACOB, 1993.
3. BRUCKNER A. La tentation de l’innocence, Grasset, 1994.
4. Freud, Pour introduire le narcissisme, in La Vie sexuelle, PUF, 1914
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Famille
La parentalité au risque des droits des enfants
Quelque chose de la réparation de soi-même - mis à mal en cas de handicap par exemple - est en jeu
pour l’adulte à travers l’enfant qui conduit celui-ci à être attendu, sinon assigné à une place particulière
dont on désire qu’il la tienne, celle-là et pas une autre… C’est donc toujours d’un enfant de rêve dont il
s’agit, chargé de la mission de compenser, de rétablir, de réparer ce qui, dans l’histoire du parent ou du
professionnel, fut jugé déficient, ressenti comme un manque, vécu comme une peine, bref, chargé de
prolonger ce à quoi il a du, durant sa propre enfance, renoncer.
Voilà pourquoi il est finalement si difficile autant de partager un enfant que de lui dire « non » !
De la parentalité dans l’intérêt de l’enfant
L’on comprend dès lors pourquoi la question de la filiation se superpose à la question de la référence dont
on attend, utilement, qu’elle transcende un engagement parental qui tend à se réaliser aujourd’hui au
nom du seul désir… Et parce que la raison d’être parent n’est plus de droit divin ni de droit naturel, la
responsabilité de la société est immense qui a à définir ses nouveaux repères. Vous comprenez alors
aussi pourquoi les discours qui fonde le lien familial sur l’élection affective et le principe du plaisir, fut-il
réciproque, d’être ensemble dans une illusion groupale partagée nous inquiètent. Optant pour une intersubjectivité
où « chacun tend à l’autre le miroir qui lui donne consistance et reconnaissance » elle expose le
parent à épuiser son désir dans la recherche d’une satisfaction qui ne viendra, de fait, jamais, et pire encore,
elle expose l’enfant à être mis en lieu et place d’être « un autre comme les autres », un « partenaire »…
La question de la référence - de ce qui fait socialement référence pour aider tout un chacun à se situer
dans son rapport au désir - est centrale et, en même temps, actuellement défaillante, malmenée par un
discours social qui ne soutient même plus ceci : que l’enfant n’est redevable, à l’égard de ses parents, de
rien même s’il n’est pas sans contracter une dette dont il ne s’acquittera que vis à vis de la génération à
venir !
Nous savons que ce qui caractérise l’état d’enfance tient à cette immaturité constitutionnelle qui destine le
petit d’homme à devoir être porté physiquement, psychiquement et socialement pendant quelques temps
avant d’advenir. « Hilflösigkeit » disait Freud. Désaide dirons-nous, pour rendre compte du dénuement
extrême qui caractérise l’état d’enfance et qui oblige l’aide que l’on apporte à l’enfant.
Prenons acte, si vous le voulez bien de ce que l’immaturité de l’enfant confère à qui s’en occupe une
responsabilité qu’il y a lieu d’assumer et de partager. Tel est le processus de parentalité qui n’a qu’une
fonction, maintenir l’enfant à sa place d’enfant, le temps de son initiation.
90
Parent et enfant à l’heure de la bioéthique
Marie-Thérèse HERMANGE
Sénatrice de Paris, membre du Comité consultatif
national d'éthique pour les sciences de la vie et de
la santé, membre correspondant de l'Académie nationale
de Médecine, membre du Haut conseil de
la population et de la famille
91
Madame la Présidente, c’est un honneur
et une joie de participer aujourd’hui à
votre colloque. J’y retrouve votre volonté
de faire progresser la protection de
l’enfance. De même, je suis heureuse
de retrouver certaines personnes que
j’ai côtoyées quand je m’occupais d’aide sociale à l’enfance mais c’est sous un autre angle que je voudrais poser
la question de « qui fait parent ? ». Comme l’a dit Axel Kahn, nous allons bientôt réviser les lois de bioéthique.
Ces lois porteront une certaine vision de l’homme sur les choix que nous ferons, sur les générations futures, sur
les relations intergénérationnelles. Je me pose encore bien des questions, et je voudrais vous les poser pour
que vous les intériorisiez de façon à ce que, lors du vote de la loi, vous puissiez dire oui ou non pour aller dans
tel ou tel sens. Les questions inhérentes à la bioéthique nous montrent que les modifications impliquées par
les techniques médicales de procréation sont susceptibles d’entraîner aujourd'hui une large modification des
relations parent-enfant et du rôle de chacun et elles nous posent un certain nombre de questions.
Le désir d’enfant aussi légitime soit-il, entraîne-t-il d’office le droit d’avoir un enfant ? Avoir un projet parental estce
suffisant pour avoir un enfant ? A contrario, ne plus avoir de projet parental et laisser 176 000 embryons
surnuméraires dans nos congélateurs c’est-à-dire la population d’une ville comme Aix-en-Provence, est-ce
suffisant pour remettre en cause l’existence d’un enfant ? Doit-on faire primer le lien génétique sur tout autre
lien ? Avec les progrès de la science, on serait passé ainsi du lien naturel au lien biologique, seul pertinent
aujourd’hui, caractérisé par deux tendances autour de la procréation : la première étant de faire primer la technique
sur la nature et la deuxième étant de faire primer la sélection avec toutes les techniques de diagnostic prénatal,
préimplantatoire, sur l’accueil de l’enfant et sur sa vulnérabilité. Je n’évoquerai devant vous que le premier
point, compte tenu du temps qui nous est imparti.
Famille
Parent et enfant à l’heure de la bioéthique
Je voudrais rappeler qu’au départ l’assistance médicale à la procréation avait une finalité exclusivement
thérapeutique. Sans garde-fou, on pourrait tomber dans l’écueil d’un ordre biologique supplantant totalement
la nature, telle une fabrique du vivant de l’enfant sans mystère. Pour autant, aujourd’hui on voit se dessiner
à certains égards l’ébauche d’un vivant devenu matériau manipulable à souhait et s’ordonner une économie
générale qui associe au désir d’enfant un impératif de production, de consommation et de recherche.
Aujourd’hui, le mot biologique désigne le vivant tel qu’il est fabriqué en laboratoire et on parle de biologique
pour ce qui était désigné hier comme naturel.
Ainsi, là où la nature fait défaut, la biologie s’est immiscée. Elle a ainsi réparé heureusement ce qui était
considéré comme des injustices de la nature, posant tout à la fois les questions des limites de son intervention
dans la sphère naturelle. Comment créer un être tout en lui garantissant des liens non techniques
avec son entourage ? Jusqu’où peut aller la technique sans compromettre les liens naturels qui font d’un
couple des parents et d’un enfant, un fils ou une fille ?
Vous voyez donc qu’à partir de ces questions générales, l’assistance médicale à la procréation interroge
la société pour le modèle de filiation et peut-être que, demain, les questions de protection de l’enfance,
se poseront par rapport aux techniques de l’AMP.
Si vous étiez parlementaire, et alors que je viens de vous dire qu’aujourd’hui l’assistance médicale à la
procréation a une finalité thérapeutique, élargiriez-vous systématiquement l’accès à l’AMP aux femmes
célibataires ou à l’homoparentalité érigeant, ainsi, un nouveau mode de parentalité sortant du référentiel
naturel qui prévaut aujourd’hui comme conception de la famille.
La question à laquelle nous allons avoir à répondre est : faut-il garder une finalité thérapeutique à l’AMP
pour répondre à un désir d’enfant, à un problème de stérilité ou faut-il l’élargir et créer une multitude de
formes de parentalité, quitte à avoir deux droits : un droit de la filiation naturelle et un droit de la famille
issu des procréations médicales assistées ?
Deuxième question que nous aurons à nous poser : quel lien parent-enfant se construit à partir de l’anonymat
du don de gamètes ? Le don de gamètes intervient quand il y a assistance médicale à la procréation
avec tiers donneur, c’est-à-dire quand l’un des gamètes reproducteur, le spermatozoïde ou l’ovocyte, provient
d’un donneur. Si elle ne concerne qu’une minorité de cas, l’insémination avec donneur peut être mise
en œuvre lorsqu’il y a risque de transmission d’une maladie d’une particulière gravité. Toujours est-il
que la loi a construit la filiation sur l’anonymat et en quelque sorte sur un artefact. Lors des travaux de la
mission parlementaire, nous avons auditionné quelqu’un qui arrivait avec une valise et le président de la
mission parlementaire lui a demandé d’où il venait. Cette personne n’a pas répondu de Nantes, ou de
Brest, elle a répondu : je viens du CECOS, je viens chercher mon identité. Il venait la chercher auprès du
médecin qui était le seul à la détenir.
Faut-il continuer à maintenir l’anonymat ? Si nous en restons à la législation en vigueur, nous affirmons la
suprématie totale du lien social sur le lien biologique puisque le tiers que représente le donneur de gamète
dans l’AMP est effacé au profit des parents qui élèvent l’enfant. Est-ce cohérent avec le principe de
l’AMP qui vise à créer une filiation biologique sans que l’enfant ait le droit de connaître son géniteur ou
son ascendant biologique ? A l’inverse si le lien social est aussi primordial, comme le disait Axel Khan,
lorsqu’on oppose à l’enfant l’interdit de connaître ses origines biologiques, alors pourquoi n’a-t-on pas
dirigé directement les parents vers l’adoption ? Cette question de la levée de l’anonymat nous renvoie
au fait qu’ayant artificialisé la naissance et l’ayant fait passer dans la sphère technique, nous avons été
conduits à créer des artéfacts, en l’occurrence l’anonymat et qu’à partir de cet artéfact, nous sommes
obligés de reconstruire pour les enfants un autre artéfact pour donner une logique à la dissociation que
nous avons opérée entre le lien social et le lien biologique.
Deuxième question, si vous souhaitez lever partiellement l’anonymat, alors à ce moment-là, y a-t-il un
moyen terme à la quête des origines ? Qu’est ce qui nous paraît important dans la filiation biologique ?
Est-ce l’image que nous pouvons nous faire de notre parent biologique à partir d’éléments qui nous sont
donnés ou faute de connaître l’histoire familiale, est-ce l’information sur des données biologiques qui
pourraient aider l’enfant à s’approprier son corps et plus spécifiquement le rassurer sur son capital santé
à l’heure où la médecine prédictive se développe ? La question de l’anonymat relève-t-elle du droit à
connaître ses origines (levée totale) ou du droit médical (accès à des données non identifiantes, notamment
dans le domaine de la santé) ?
92
Troisième solution : est-ce qu’il faut lever totalement l’anonymat des donneurs aux 18 ans de l’enfant.
Si nous autorisons cela, nous laissons la priorité à la filiation sociale, puisque l’enfant ne pourra connaître
l’identité de son donneur qu’à sa majorité mais nous reconnaissons aussi que le lien biologique, mais
seulement après 18 ans, est porteur d’identité. Dans ces conditions, on peut se poser une autre question
plus fondamentale : est-ce qu’on peut considérer, aujourd’hui, un don de sang, un don de sperme, un don
d’ovocyte, et un don d’organe sur le même plan ? Comment faire fi du don d’hérédité qui est inhérent à tout
homme, et n’est-il pas en contradiction avec le fait que, dans le cas d’une procédure judiciaire et en dehors
d’une PMA, la loi peut obliger un homme à reconnaître la paternité d’un enfant, si un test génétique établit
qu’il est géniteur ? Comment donc justifier la dénégation du lien biologique dans un cas et sa reconnaissance
dans un autre ? Si vous étiez législateur, comment répondriez-vous intérieurement à ces questions sur la
levée de l’anonymat puisque in fine, ici, nous faisons des discours mais ensuite nous avons deux boutons :
soit oui, soit non.
Je vais rapidement poser aussi la question de la gestation pour autrui, puisque je ne peux parler d’insémination
post-mortem qui pose aussi énormément de problèmes sur la question de la parentalité. Est-ce
que vous autoriseriez ou non la gestation pour autrui et qu’est-ce que ferait le législateur s’il autorisait la
gestation pour autrui ? Soit nous disons, nous abolissons le principe de droit « mater semper certa est »
(c’est la femme qui accouche qui est mère) et nous faisons de la maternité une présomption de maternité,
quel progrès ! Soit nous disons, nous gardons ce principe de la mère est celle qui accouche, alors dans ce
cas, qui est mère ? Vous voyez qu’il y a une totale différence avec l’adoption car, là, le législateur répare un
préjudice et l’enfant est accueilli par la société, alors qu’en légalisant la gestation pour autrui, si je garde
ce principe, le législateur légalise un abandon d’enfant. Est-ce que c’est possible ? C’est la question que
je voulais vous poser.
Est-ce qu’il faut par ailleurs maintenir l’interdit ? En maintenant l’interdit, nous estimons alors que le désir
d’enfant, tout aussi légitime soit-il, ne fonde pas le droit à l’enfant. Les principes qui protègent la femme
et l’enfant de l’instrumentalisation et assurent à l’enfant sa filiation à la naissance, ne peuvent être mis
en cause. Les inconvénients psychologiques et médicaux qui ne peuvent être ignorés, imposent me
semble-t’il le principe de précaution face à une pratique qui ne constitue pas un progrès médical.
Finalement, les questions de l’AMP et de la gestation pour autrui nous renvoient à la question du corps
et plus particulièrement à celle-ci : qu’est-ce que donner lorsque c’est son corps que l’on donne ? Le
considérons-nous comme indissociable de la personne ou peut-il être instrumentalisé sans marquer une
atteinte aux principes objectifs de dignité humaine et de filiation que je peux faire subir à autrui et donc
à l’enfant ? Et comment reconstruire l’unité de la personne entre le lien biologique et le lien social ?
L’assistance médicale à la procréation n’est-elle pas en train de reproduire finalement pour ces enfants que
nous fabriquons avec cette fabrique du vivant que nous mettons en place, les mêmes questionnements que
vous vous êtes posés et que nous nous posons tous lorsque nous avons des enfants qui viennent de
l’aide sociale à l’enfance ?
Voilà très brièvement, les quelques questionnements que je voulais vous évoquer parce que, devenue
spécialiste de ces questions au Sénat, ils me hantent quelquefois. Je vous les ai posés sous forme
de questions parce que le gouvernement pour réviser les lois de bioéthique a décidé de consulter les
organismes officiels, conseil d’état, office parlementaire des scientifiques et techniques et d’organiser les
états généraux de la bioéthique. Tout le monde n’a pas pu y participer, c’est une façon aujourd’hui de
vous renvoyer ce questionnement qui nous pose aussi la question de la loi, de l’autonomie et du désir.
Aujourd’hui l’autonomie ne désigne plus comme chez Kant la soumission à la loi de ma raison, c’est-à-dire,
ce qui est universel en moi, mais elle tend à devenir ce qu’il y a de plus particulier en chacun de nous.
Est-ce que la loi est là pour faire la somme des désirs individuels de chacun avec son désir de parentalité,
ou est-ce que la loi est là pour construire une éthique du vivre ensemble en mettant en exergue une
éthique de l’humilité, une éthique de la vulnérabilité, une éthique de la sollicitude ? Je voudrais rappeler les
propos de Levinas qui disait « il y a droit de l’homme et donc droit de l’enfant parce que l’autre homme
m’oblige avant tout » et c’est en ce sens que l’éthique irrigue la politique, c’est-à-dire ce qui fait filiation,
ce qui fait filiation entre nous, ce qui fait fraternité, ce qui fait filiation aussi entre parent et enfant.
Si toutefois intérieurement vous avez répondu à ces questions, vous pouvez m’envoyer par mail vos
réponses, parce que ça sera une façon de participer au débat de la bioéthique. Merci Madame de m’avoir
donné la possibilité de témoigner de cette façon devant vous.
93
Intervention retranscrite
Famille
Contributions complémentaires
La situation des mineurs isolés étrangers au regard
de la Convention Internationale des droits de l’enfant
Claude ROMEO
Directeur de la Protection des Mineurs Isolés
Etrangers, France Terre d’Asile
97
France Terre d’Asile, fondée en
1971 dans le but de promouvoir et
de défendre le droit d’asile, se mobilise
depuis la fin des années 1990 en
faveur des mineurs isolés étrangers.
L’organisation a ainsi créé en 1999
l’unique centre d’accueil pour les
mineurs isolés demandeurs d’asile
(CAOMIDA Stéphane Hessel à Boissy St Léger). Elle est en outre un acteur central du dispositif d’accueil
pour les mineurs isolés étrangers mis en place par l’Etat à Paris. Elle gère également une structure spécifique
assurant le suivi socio-éducatif et l’hébergement des mineurs isolés à Caen (Service d’Accueil des Mineurs
Isolés Etrangers, SAMIE). A travers ces dispositifs et au regard de sa capacité d’accueil (environ 800 mineurs
isolés sont accueillis chaque année par ses services), elle est l’une des principales associations assurant
une prise en charge effective de ces jeunes.
France Terre d’Asile a ainsi acquis une expertise de premier plan sur le sujet des mineurs isolés étrangers
en France. A ce titre, elle a remis en novembre 2008 au Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies
un rapport alternatif sur la situation des mineurs isolés étrangers en France au regard de la Convention
internationale des droits de l’enfant, et a présenté ce rapport aux experts du Comité en février 2009 à
Genève.
Le thème des mineurs isolés étrangers est généralement examiné au regard de leur double statut, à la
fois enfants et étrangers. Ces sujets de droits seraient donc soumis à une double série de normes, celles
concernant l’entrée, le séjour en France et la demande d’asile, et celles portant sur la protection de l’enfance.
Cette analyse est juste sur le plan des normes nationales : contrairement aux enfants de nationalité française,
les mineurs isolés sont concernés par de nombreuses dispositions du Code de l’entrée et du séjour des
Contributions
supplémentaires
La situation des mineurs isolés étrangers au regard de la Convention Internationale des droits de l’enfant
étrangers et du droit d’asile (CESEDA), qui viennent s’ajouter au cadre législatif et réglementaire concernant
la protection de l’enfance lorsqu’il s’agit d’enfants à protéger. L’opposition vient du fait que, globalement,
un de ces corpus juridique tend à poser des restrictions tandis que l’autre apporte certaines garanties.
Un regard vers les textes internationaux de protection des droits fondamentaux permet toutefois de
nuancer cette contradiction. En effet, le mineur isolé étranger entre dans le champ d’application de la
Convention internationale des droits de l’enfant, qui s’applique à tous les enfants de moins de 18 ans sans
considération de l’origine nationale, ethnique ou sociale (article 2). Or ce texte, signé le 20 novembre 1989
et ratifié à ce jour par 191 pays, n’entre pas en concurrence avec les dispositions nationales sur l’immigration
: au sens de la Constitution française et des principes du droit international, il a valeur supérieure et
s’impose aux législations nationales. Les droits fondamentaux reconnus dans la Convention internationale
des droits de l’enfant ne sauraient donc être atténués par le statut d’étranger de ces enfants et les politiques
de maîtrise des flux migratoire mises en œuvre par les Etats.
Une analyse de la situation des mineurs isolés étrangers en France au regard de la Convention 1 fait
pourtant apparaître de nombreuses atteintes aux droits qui y sont consacrés.
La disposition phare concernant les mineurs isolés étrangers est l’article 20 qui précise que « tout enfant
qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial (…) a droit à une protection et une
aide spéciales de l'État ». On relève néanmoins de nombreuses lacunes dans la mise en œuvre d’une
protection adaptée à la situation des mineurs isolés en France. Les disparités sont très importantes entre
les départements, qui assurent cette mission décentralisée, ce qui entraîne des degrés de protection différents
sur le territoire. Les pratiques et les dispositifs permettant la mise à l’abri d’urgence sont extrêmement
variables d’une collectivité à une autre. Certains départements assument en effet une charge considérable
depuis quelques années, pouvant aller jusqu’à 15 % du budget annuel consacré à l’aide sociale à l’enfance.
Dans le Pas de Calais par exemple, plus de 2400 mineurs isolés étrangers ont été confiés à l’aide sociale
à l’enfance en 2008. Cette même année à Paris, un dispositif unique a permis le repérage et la mise à
l’abri de plus de 700 mineurs isolés.
Malgré les efforts consentis par les départements, les dispositifs de prise en charge des mineurs isolés
étrangers dans les départements accueillant un grand nombre d’entre eux ne permettent pas une protection
optimale de ces jeunes. Les réponses apportées à ces situations exceptionnelles se trouvent limitées
par les capacités financières des départements et leurs compétences en matière d’immigration, domaine
relevant de l’Etat. Cette question renvoie ainsi à celle du partage des compétences et des charges
financières entre les départements et l’Etat.
Actuellement, l’absence de coordination au niveau national visant à harmoniser les pratiques et à identifier
les besoins spécifiques de ce public fait ainsi obstacle à une protection effective des mineurs isolés
étrangers en France.
Au-delà de ce constat général, d’autres articles de la Convention internationale des droits de l’enfant touchent
à la situation des mineurs isolés étrangers.
L’article 8 impose aux Etats de respecter « le droit de l'enfant de préserver son identité, y compris sa
nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu'ils sont reconnus par la loi ». Or les autorités française
n’envisagent la détermination de l’âge que d’un point de vue médico-légal, en ordonnant des expertises
d’âge dont l’imprécision a été dénoncée tant sur le plan national 2 qu’international 3 , ce qui a pour effet d’exclure
de nombreux mineurs de la protection sans pour autant leur procurer d’état civil.
Le droit à la réunification familiale, consacré par l’article 10 de la Convention, est également mis à mal
en France. En effet, les enfants maintenus en zone d’attente ont beaucoup de difficultés à faire valoir ce
1. L’interprétation de la Convention est éclairée par l’Observation générale n° 6 (CRC/GC/2005/6) sur le traitement des
enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine du Comité des Droits de l’Enfant des Nations
Unies.
2. V. par exemple : Académie Nationale de Médecine, « Rapport sur la fiabilité des examens médicaux visant à déterminer l’âge
à des fins judiciaires et la possibilité d’amélioration en la matière pour les mineurs étrangers isolés », janvier 2007 ; Comité
Consultatif National d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé, « Sur les méthodes de détermination de l’âge à des
fins juridiques », avis n° 88, 23 juin 2005 - http://www.ccne-ethique.fr/docs/fr/avis088.pdf (visité le 25 août 2008)
3. V. par exemple : Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, « Rapport sur le respect effectif des Droits de
l’Homme en France suite à sa visite du 5 au 21 septembre 2005 », 15 février 2006, § 291 ;
98
droit et il est fréquent qu’ils soient refoulés alors même qu’ils apportent des éléments prouvant l’absence
de liens familiaux dans leur pays d’origine et l’existence de tels liens en France.
L’article 12 de la Convention consacre le droit de l’enfant à « être entendu dans toute procédure judiciaire
ou administrative l'intéressant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant (…) ». Or on
constate que la mise en œuvre de cette représentation légale souffre de certaines lacunes. A la frontière,
la loi prévoit que tout mineur isolé étranger se fasse représenter par un administrateur ad hoc. On
constate pourtant que, malgré des améliorations ces derniers mois, la représentation reste imparfaite :
la notification du maintien en zone d’attente se fait sans administrateur, les administrateurs ad hoc ne
sont pas toujours désignés - en particulier pour les mineurs en transit - ou disponibles pour assurer leurs
missions, et aucune compétence en droit des étrangers n’est requise pour être administrateur. La question
de la formation, mais aussi de la disponibilité, s’applique également aux administrateurs ad hoc qui
doivent représenter les mineurs demandeurs d’asile sur le territoire. Enfin, la mise sous tutelle,
procédure de représentation de droit commun, se heurte à certains obstacles pour les mineurs isolés
étrangers. En effet certains juges des tutelles refusent de se saisir au regard des incertitudes qui pèsent
sur la minorité du jeune, son identité ou encore l’existence de liens familiaux.
La Convention protège également le droit des enfants à demander l’asile et fait obligation aux Etats parties
de prendre « les mesures appropriées pour qu'un enfant qui cherche à obtenir le statut de réfugié ou qui
est considéré comme réfugié (…) bénéficie de la protection et de l'assistance humanitaire voulues (…) »
(article 22). En France pourtant, la procédure de demande d’asile pour les mineurs isolés étrangers est
globalement identique à celle des adultes. Il est pourtant indispensable que les demandes soient instruites
systématiquement par des agents de protection ayant acquis une compétence en matière d’entretien et
d’écoute des mineurs. On constate également une carence en terme de dispositifs d’accueil spécifiquement
dédiés aux mineurs isolés, permettant de les sécuriser, de les guider dans la procédure de demande
d’asile, de favoriser leur resocialisation et de mettre en œuvre des projets individuels d’orientation.
Les Etats sont également tenus, au titre de l’article 28 de la Convention, d’assurer le plein accès à l’éducation
et à la formation professionnelle pour tous les enfants. Les mineurs isolés étrangers éprouvent
pourtant plusieurs difficultés dans l’exercice effectif de ce droit à l’éducation : intégrer une classe adaptée
à leur situation avant 16 ans (âge limite de l’obligation scolaire), être simplement scolarisés entre 16 et
18 ans, et enfin avoir la possibilité de suivre une formation professionnelle - qui suppose la délivrance
d’une autorisation de travail qui oriente le choix de formation – après 16 ans.
L’article 37 de la Convention, qui impose que l’enfermement ne soit qu’une « mesure de dernier ressort »
et dans un lieu « séparé des adultes », prend lui un écho particulier au regard de la situation des mineurs
isolés en zone d’attente.
L’enfermement y est systématique en l’absence de document autorisant l’entrée sur le territoire, et aucune
solution alternative n’est recherchée à l’arrivée du mineur. De plus, les mineurs de plus de 13 ans sont
enfermés dans le même lieu que les adultes, tandis que les moins de 13 ans sont hébergés dans un hôtel
dans des conditions rudimentaires et sans cadre juridique clair.
Enfin, il convient également de rappeler que l’une des pierres angulaires de la convention, l’intérêt
supérieur de l’enfant consacré à l’article 3-1, s’applique aux mineurs isolés étrangers. Dans « toutes les
décisions qui [les] concernent, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection
sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs », il doit constituer une
considération primordiale. On constate pourtant que les procédures permettant d’évaluer cet intérêt
supérieur sont absentes dans de nombreux aspects de la prise en charge des mineurs isolés étrangers,
du maintien en zone d’attente au suivi éducatif et social sur le territoire.
Ainsi, de nombreux articles de la Convention internationale des droits de l’enfant s’appliquent à la
situation des mineurs isolés étrangers et l’examen de la situation française démontre que de nombreux
progrès restent à accomplir pour se mettre en conformité avec ce texte international. Ce constat, largement
exprimé par les associations, est régulièrement partagé par les organisations internationales.
99
Contributions
supplémentaires
La situation des mineurs isolés étrangers au regard de la Convention Internationale des droits de l’enfant
Le Comité des droits de l’enfant, organe des Nations-Unies chargé d’examiner tous les 5 ans l’application
de la Convention internationale des droits de l’enfant par les Etats parties, a ainsi récemment rendu ses
observations finales relatives à la France 4 . Dans ce document, rendu public le 20 juin 2009, les experts
du Comité formulent de nombreuses préconisations et soulèvent d’importants sujets de préoccupation
concernant la situation des mineurs isolés étrangers. C’était le sens du rapport alternatif remis par France
Terre d’Asile à cet organe des Nations-Unies.
Le Comité se dit particulièrement préoccupé par la situation des mineurs en zone d’attente et l’absence
de recours effectif contre la décision de placement, ainsi que par la non application des obligations légales
concernant la représentation par un administrateur ad hoc. Les experts des Nations-Unies évoquent
également les refoulements de mineurs isolés étrangers placés en zone d’attente sans garanties suffisantes,
dans des pays où ils risquent l’exploitation.
En outre, le Comité note une absence de prise en charge systématique des mineurs isolés par les services
de protection de l’enfance de droit commun et les établissements scolaires.
En conclusion, le Comité des droits de l’enfant recommande à l’Etat français de modifier au plus vite ses
législations et pratiques sur ces sujets afin de se mettre en conformité avec la Convention internationale
des droits de l’enfant.
Afin de respecter ses engagements internationaux, et plus généralement le principe de l’Etat de droit qui lui
impose de se soumettre à une hiérarchie des normes impliquant que les textes internationaux prévalent
sur la législation nationale, la France ne peut continuer à considérer avec une égale importance les statuts
d’enfant et d’étranger des mineurs isolés.
Les impératifs politiques liés à la problématique sensible de la maîtrise des flux migratoires ne devraient
pas éclipser la nécessité pour chaque Etat de veiller au respect des droits fondamentaux sur son propre
territoire.
Il en va de la crédibilité de la France auprès de ses partenaires internationaux et vis-à-vis des instances
intergouvernementales, en particulier l’Organisation des Nations Unies, au sein duquel elle joue un rôle
majeur. Au-delà de ces considérations politiques, il s’agit de la vie de milliers d’enfants particulièrement
vulnérables, qui ont besoin d’une protection forte et affirmée jusqu’à leur majorité pour se construire un
avenir et devenir des adultes dignes et responsables.
Concernant la mise en œuvre de cette protection au plan national, un groupe de travail interministériel
sur les mineurs isolés étrangers a été lancé en février 2009. Ses conclusions ne sont pas connues à
l’heure où nous écrivons ces lignes.
Au regard du parcours migratoire de ces enfants, il est également impératif de travailler sur une protection à
l’échelle européenne. C’est dans cette perspective que France Terre d’Asile organisera le 17 décembre 2009,
à Lille, les premières assises européennes sur les mineurs isolés étrangers.
4. Observations finales du Comité des droits de l’enfant: France - CRC/C/FRA/CO/4
http://www2.ohchr.org/english/bodies/crc/docs/co/CRC.C.FRA.CO.4_fr.pdf
100
Une politique de santé de l’enfant et de l’adolescent
existe-t-elle dans notre pays ?
Une politique de santé ciblée sur l’enfant
et l’adolescent de la naissance à
18 ans engage la responsabilité de
l’Etat aux côtés de celle des parents,
au travers d’objectifs clairement
définis grâce à des données épidémiologiques
précises concernant la santé au sens OMS du terme, physique, mentale et sociale. La mise en
œuvre de ces objectifs repose sur une organisation cohérente grâce à la coordination des acteurs et des
structures, la lisibilité du parcours de suivi et de soins, l’évaluation de la faisabilité des mesures proposées
et de leur impact sur l’état de santé et le devenir à l’âge adulte1 Danièle SOMMELET
Professeur de Pédiatrie, Hôpital d’Enfants, CHU de Nancy
.
Quelles sont les attentes des parents et de leurs enfants ?
Rappelons tout d’abord la nécessité de respecter les droits des enfants, ce qui donne des devoirs à tous
les pays signataires de la Convention internationale des droits de l’enfant (New York 1989) ratifiée par
la France en 1990 : principe de non discrimination, sauvegarde de l’intérêt supérieur de l’enfant, respect
des droits des parents, mais aussi protection de l’enfant, droit à la santé.
Les parents (et les enfants) doivent être entendus, ou plutôt écoutés et leurs inquiétudes prises en
compte. Ils doivent être assurés d’un suivi du développement de leur enfant par des professionnels formés
et coordonnés, sachant les orienter si nécessaire et prenant en compte les difficultés sociales et/ou
familiales éventuelles, notamment dans le contexte actuel de précarité croissante. En cas de maladies
SOMMELET D. Rapport de mission sur l’amélioration de la santé de l’enfant et de l’adolescent. “L’enfant et l’adolescent : un
enjeu de société, une priorité du système de santé”.
Site web du Ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, Mars 2007, 601 pages
http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/sommelet/rapport.pdf
http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/sommelet/annexes.pdf
http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/sommelet/12_propositions.pdf
101
Contributions
supplémentaires
Une politique de santé de l’enfant et de l’adolescent existe-t-elle dans notre pays ?
aiguës et chroniques, ils doivent compter sur des soins de qualité et sur la proposition d’un projet thérapeutique
et d’un projet de vie, alliant technicité et humanité. Ainsi, selon la complexité des diagnostics
et des traitements, l’enfant sera orienté vers un Centre de Référence (inter)régional, voire national, où
il bénéficiera de décisions fondées sur une concertation pluridisciplinaire et d’un accès à un plateau
technique adapté ; des soins de proximité pourront être proposés, soit en amont, soit en aval, selon la
nature et l’étape de la pathologie ; partout, un environnement adapté à l’âge doit contribuer à l’épanouissement
de l’enfant depuis la maladie.
Les parents (et l’enfant en mesure de comprendre le langage adapté) doivent être informés sur les modalités
de la prévention, de l’éducation pour la santé et recevoir si nécessaire un soutien psychologique et/ou social.
Le diagnostic d’une affection aiguë ou chronique et d’un handicap doit être transmis avec précision, tout
en respectant leurs besoins et en sachant répéter les entretiens. Tout doit être dit sur les méthodes de
traitement, sans aggraver inutilement leur angoisse ; en cas d’inclusion dans un protocole de recherche,
le recueil d’un consentement libre, écrit, éclairé, est un moment délicat, surtout si la mise en œuvre du
traitement est urgente.
Quelle que soit la situation, mais surtout en cas de maladie grave, la question de la guérison est posée,
l’incertitude peut s’installer, parfois la défiance. L’annonce du ou des risques liés à la pathologie et/ou au
traitement est également recommandée, mais les mots, le ton, les regards conditionnent en grande partie
leurs effets.
Une réponse adaptée aux attentes des parents et des enfants sous-tend la confiance qui doit s’établir
entre les médecins et l’équipe soignante en vue d’une alliance indispensable au déroulement du traitement
et à l’adhésion aux décisions proposées. Rappelons cependant que cette alliance est sans cesse remise
en question et qu’il convient en permanence de s’interroger sur les raisons d’un doute, d’une résistance
ou d’une dérive dans les relations. Chacun sait que l’enfant est « sujet », qu’il faut savoir, savoir faire,
savoir être, savoir dire, respecter les silences, prêter attention aux gestes, aux regards. La compétence
technique ne suffit pas, il convient de faire preuve d’ouverture et d’humanité. Ceci est valable à tout âge
en médecine, mais n’oublions pas les spécificités de l’enfant et de l’interaction de son développement
avec l’environnement.
Un état de santé globalement satisfaisant, mais…
La médecine de l’enfant a évolué, des progrès dans les traitements de maladies autrefois mortelles ont
amélioré les données de mortalité et de morbidité. Le nombre d’enfants atteints de maladies chroniques
et de polyhandicaps s’élève ; la précarité risque de faire régresser les résultats encourageants liés au
principe de « la santé pour tous » et, bien entendu, aux progrès scientifiques. Les pathologies mentales
et sociétales, dont le nombre augmente, vont retentir aussi sur la santé physique.
On note des inégalités d’accès aux mesures de prévention, notamment à certains dépistages dans le domaine
des troubles du développement (et/ou de leur prise en charge) et d’éducation pour la santé. Les inégalités
touchent aussi les enfants en situation de vulnérabilité physique, mentale et/ou sociale, depuis l’étape
du diagnostic jusqu’à l’âge adulte. Elles sont dues surtout à l’hétérogénéité de répartition des compétences
dans des établissements hospitaliers souvent concurrents et dont les moyens gagneraient à être
mutualisés.
Quelles sont les raisons de ces inégalités ?
Nous citerons :
1. la méconnaissance partielle des besoins de santé et des indicateurs d’évaluation en raison de l’insuffisance
de données épidémiologiques fiables.
2. le défaut de lisibilité des acteurs et des structures contribuant à la santé de l’enfant : pédiatres,
généralistes, spécialistes d’organes d’adultes, psychiatres et psychologues, médecins de l’Education
Nationale, Protection Maternelle et Infantile, établissements hospitaliers de court, moyen et long
séjour, milieux associatifs… Leurs périmètres de missions sont flous, la coordination est personnes/
dépendante.
102
3. le cloisonnement persistant entre les domaines sanitaire et social, en dépit des recommandations
de la loi de Santé Publique d’août 2004
4. les dysfonctionnements de la permanence des soins : ils s’expliquent par la pénurie de pédiatres et
de généralistes formés à la pédiatrie, par une complémentarité mal assurée entre ces deux catégories
de médecins, par les « commodités » apportées aux parents qui travaillent de recourir aux urgences
hospitalières ; celles-ci les rassurent, alors que près de 90 % sont de fausses urgences, exposant
à des hospitalisations inutiles, détournant les médecins hospitaliers des malades plus sévèrement
touchés, contribuant à des dépenses inutiles et finalement à une insécurité.
5. l’évolution sociétale, le travail des mères, l’aspiration à une « vie de qualité », les exigences (tout,
tout de suite), les inquiétudes souvent irraisonnées aggravent encore la situation.
6. l’hétérogénéité de la formation initiale et continue des acteurs, l’insuffisance (mais aussi l’excès) de
référentiels, recommandations, procédures… transformant le malade en un algorythme, au dépens
de l’interrogatoire, de l’examen clinique et de la réflexion
7. la pénurie démographique programmée à court terme, mais déjà existante, en raison des conditions
de travail, dont les besoins sont mal formulés sur des critères insuffisants sans tenir compte des redondances,
des inégalités territoriales et de l’ensemble des acteurs. L’évaluation de l’activité médicale
quantitative et qualitative demeure insuffisante.
8. le financement des soins est inadapté à la pédiatrie, à domicile comme à l’hôpital, où la T2A n’est
pas applicable à une « médecine lente », en raison du temps passé à la prévention, à l’éducation,
au suivi des anomalies du développement, à l’information des parents et des enfants, au diagnostic
et au suivi des problèmes complexes, sanitaires et sociaux.
On peut conclure à la sous-estimation de l’impact de la santé des enfants et des adolescents et des
conséquences à l’âge adulte, puisque toutes les annonces récentes concernent de façon ponctuelle les
situations de violence, les suicides chez le jeune adolescent, les morts évitables des bébés…ou reprennent
des thèmes déjà soutenus par des programmes et des plans : alcool, tabac et autres conduites addictives,
surpoids et sédentarité, santé mentale, handicap…
Quel est le contexte institutionnel et politique depuis 2000 ?
Au niveau national
Rappelons la création du Défenseur des Enfants en 2000 et les chantiers ouverts par Claire Brisset
et poursuivis par Dominique Versini.
La place de l’enfant est reconnue dans certains Plans et programmes découlant de la loi de Santé Publique
de 2004 ou concernant certaines pathologies pédiatriques ; on peut citer aussi le Plan National Nutrition-
Santé 1 et 2, et certaines actions d’éducation pour la santé. Citons aussi le volet pédiatrique du SROS3,
la réforme de la loi de Protection de l’Enfance de 2007.
En revanche, l’enfant semble avoir été complément oublié, dans la plupart des documents récents : le Plan
de Prévention, le Plan Santé des Jeunes (qui débute à 16 ans), le rapport sur la Permanence des Soins,
le document synthétique sur l’organisation des soins primaires, le rapport sur l’Education Thérapeutique,
les rapports sur l’avenir de l’hôpital.
Des lois sont demeurées sans décrets d’application ; des circulaires ont défini l’organisation de certaines
catégories de soins, mais les autorisations ultérieures n’ont pas toujours confirmé les recommandations ;
les moyens octroyés sont susceptibles d’être révisés (exemple : la cancérologie pédiatrique).
Au niveau décentralisé
Un grand nombre de Groupes régionaux de santé publique (GRSP) et de conférences régionales
de santé ignorent l’enfant. En revanche, les Conseils généraux, les villes et communautés urbaines ou
communautés de communes, les mouvements associatifs ont ciblé partiellement leur politique de santé
sur l’enfant et l’adolescent, mais de façon hétérogène. Sans remontée nationale, les actions locales
exemplaires demeurent méconnues.
103
Contributions
supplémentaires
Une politique de santé de l’enfant et de l’adolescent existe-t-elle dans notre pays ?
1. protéger l’enfant dans sa globalité, dans le cadre d’une réflexion collective médicale et socio-culturelle,
alliant en permanence le soin individuel et la santé publique et permettant un développement harmonieux
et un bien être, de la conception à l’âge adulte
2. maintenir la qualité de la relation triangulaire enfant-parents-médecin(s), sans omettre la notion d’interdisciplinarité,
3. comprendre les modifications du développement actuel de l’enfant dans une société en mutation
4. si l’on veut rompre avec les inégalités, il faut instaurer un stop dans le cloisonnement des acteurs
et des champs, un stop des actions ponctuelles, détachées du terrain et ne valorisant que les individus
qui les annoncent, un stop à l’hypertechnicité sans humanité, à la technocratie croissante.
Que répondre à la question initialement posée ?
A la différence des pays industrialisés, une politique globale de santé de l’enfant et de l’adolescent n’a
jamais été activée en France ; l’insuffisance des données épidémiologiques favorise la méconnaissance
de la dégradation prévisible des indicateurs de santé, en dépit de la richesse potentielle que constitue
l’enfant dans un pays dont la natalité est la plus élevée d’Europe.
Les composantes de la santé sont gérées en fonction de leur rapprochement institutionnel ou de leur
éclatement, par exemple : les problèmes sociaux, le handicap, la famille ne dépendent pas du ministère
de la Santé, alors : pourquoi plutôt le Sport ?
Les recommandations visant à inscrire l’enfant et l’adolescent dans les décrets d’application de la loi
Hôpital, Patients, Santé et Territoires (HPST) devraient se décliner ainsi :
- veiller à l’adéquation entre les besoins de santé, les missions des acteurs, leur répartition démographique,
l’évaluation de leurs pratiques (rôle potentiel majeur des agences régionales de santé en vue
de l’élaboration de programmes régionaux)
- rétablir dans les établissements hospitaliers la reconnaissance de la spécificité de la prise en charge
de l’enfant et de la disponibilité des acteurs et ne pas supprimer les moyens en exigeant d’augmenter
la rentabilité des services de pédiatrie, qu’ils soient ou non hyper spécialisés
- réorganiser les soins primaires et la permanence des soins en amont et en aval de l’hôpital. La pédiatrie
sociale et humanitaire n’est pas réservée aux pays non industrialisés et doit relever d’une réflexion
commune entre les décideurs et les professionnels de terrain
« Si tu n’espères pas l’inespéré, tu ne le trouveras pas » Héraclite
104
Dans la famille « famille » je demande les Grands-Parents
Jeanne-Marie HEBBINCKUYS
Présidente, Ecole des Grands-Parents Européens
Nord
105
Plus nombreux, plus jeunes, plus dynamiques,
plus actifs, en meilleure
santé : « qui sont les nouveaux
grands-parents dans la vie de tous
les jours ? » ils font les belles heures
de magazines de société à la télé et
des articles sympathiques dans les journaux. Ils ont développé de nouveaux intérêts et de nouveaux
besoins.
Le rôle des Grands-Parents a bien changé ces dernières décennies. Il a pris une importance nouvelle,
sous l’effet des grands changements sociaux : évolution démographique, augmentation de l’espérance
de vie, transformation de la structure familiale, adaptation des rôles traditionnellement masculins et féminins.
Ces bouleversements ont obligé les grands-parents à s’adapter, à composer avec cette évolution.
Sans pour autant prendre la place des parents, les grands-parents ont un rôle « d’éducateurs en second »
dans l’éducation de leurs petits-enfants. Cette place est particulièrement appréciée des plus jeunes pour
lesquels ils sont, et resteront toujours, les racines de la famille, les passeurs de mémoire, les transmetteurs
de l’histoire et des valeurs familiales, les gardiens du lien entre les générations. Et les grands-parents
tiennent à garder cette place délicieusement privilégiée!
Les «nouveaux grands-parents » veulent comprendre, s’engager, prendre une part active, constructive et
créative dans la vie familiale et sociale. Ils souhaitent améliorer le dialogue entre les générations. Ils essaient
d’apporter aux jeunes du temps, leurs expériences, leurs savoirs, leurs valeurs telles que tolérance,
respect, et enfin leur donner de l’amour tout simplement.
Contributions
supplémentaires
Dans la famille « famille » je demande les Grands-Parents
Et pourtant dans certaines situations familiales difficiles, les grands-parents sont parfois privés de leurs
petits-enfants et se trouvent dans l’incapacité de jouer le rôle qu’ils désireraient avoir auprès d’eux.
Conflits familiaux, divorce des jeunes couples ou éloignement géographique, ces ruptures provoquent
chagrin et incompréhension de ces situations. Ces fractures pénalisent les adultes et les enfants qu’ils
privent de leurs racines et des liens affectifs auxquels ils ont droit.
Les raisons de ruptures familiales sont multiples, conflits mineurs ou importants : divorces, deuils,
recomposition des familles quelquefois répétée plusieurs fois, et pour les cas les plus graves soupçons
ou certitude de maltraitance ou d’inceste.
Le point commun de toutes ces situations : la souffrance que ressentent les grands-parents d’être privés
de leurs petits-enfants. Souffrance également de l’enfant privé du contact avec ses grands-parents, car
lui, au contraire des adultes, a rarement un endroit où prendre conseil ou simplement confier son chagrin.
On affirme que pour croire en son avenir, un enfant doit savoir d’où il vient pour savoir où il va et s’inscrire
sur ses deux lignées. On n’insistera jamais assez pour que les liens intergénérationnels soient maintenus.
Les entretiens de médiation familiale confiés à de véritables professionnels formés pour cette « technique »
permettent de renouer des liens familiaux. Ce n’est pas un coup de baguette magique mais progressivement,
les uns faisant un pas vers les autres, les situations conflictuelles s’apaisent et il est possible
de retrouver des relations plus harmonieuses.
Si l’on considère que la place des grands-parents dans la famille est importante, il faut également penser
qu’ils peuvent encore tenir un rôle actif dans la vie sociale. L’allongement de durée de la vie lorsque
l’état de santé de santé le permet, autorise après la vie active de trouver de nouveaux centres d’intérêt
en mettant son expérience au service des autres.
Participer activement et jouer à l’avenir un rôle à « développement durable » par des actions concrètes :
être grands-parents au XXIème siècle, ce n’est pas être ringard, c’est une mission de première nécessité !
106
La dimension européenne des droits de l’enfant tels
qu’ils sont définis par la convention des Nations-Unies
Francis HERBERT
Secrétaire général de la Fédération Européenne
pour les enfants disparus et exploités sexuellement
(Missing Children Europe)
107
Missing Children Europe (la Fédération
Européenne pour les enfants
disparus et exploités sexuellement)
n’est qu’une des très nombreuses organisations
qui célèbrent aujourd’hui
le 20 ème anniversaire de la Conven-
tion des Nations-Unies relative aux droits de l’enfant. Si cette convention n’est pas le premier instrument
international à consacrer les droits de l’enfant 1 , elle n’en est pas moins fondamentale en raison de sa portée
géographique mondiale et de la liste exhaustive des droits de l’enfant, généraux comme spécifiques, qu’elle
énonce.
Missing Children Europe est un organisme qui regroupe 23 organisations nationales, réparties dans 16 Etats
membres de l’UE, qui traitent d’affaires d’enfants disparus et/ou de maltraitance sexuelle ou d’exploitation
d’enfants 2 .
Les dispositions suivantes de la Convention des Nations-Unies sont donc d’intérêt pour Missing Children
Europe et ses membres.
1. En ce qui concerne les enfants disparus ainsi que les enfants maltraités sexuellement :
- Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques
ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes
1. Voir, par exemple, les Conventions de droit privé international de La Haye sur la protection des mineurs (1961), sur la loi applicable
et l’exécution des décisions en matière d’obligations alimentaires envers les enfants (1956-1973 et 1958-1973), et sur l’enlèvement
international d’enfants (1980), ainsi que la Convention européenne sur la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière
de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants
2. Autriche, Belgique, République tchèque, Danemark, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Pologne, Portugal,
Roumanie, Slovaquie, Espagne et Royaume-Uni
Contributions
supplémentaires
La dimension européenne des droits de l’enfant tels qu’ils sont définis par la convention des Nations-Unies
législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale 3 .
- Tout enfant a un droit inhérent à la vie 4 ;
- Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son
propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de
l’Etat 5 ;
- Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral
pour empêcher l’enlèvement, la vente ou la traite d’enfant à quelque fin que ce soit et sous
quelque forme que ce soit 6 .
2. En ce qui concerne les enfants disparus (disparitions, enlèvements parentaux, enlèvements
par un tiers, fugues, mineurs non accompagnés) :
- Tout enfant a le droit de connaître ses parents et d’être élevés par eux 7 ;
- Les Etats parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré 8 ;
- Les Etats parties respectent le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir
régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf
si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant 9 ;
- Un enfant dont les parents résident dans des Etats différents a le droit d’entretenir, sauf circonstances
exceptionnelles, des relations personnelles et des contacts directs réguliers avec ses deux parents 10 ;
- Les Etats parties prennent des mesures pour lutter contre les déplacements et les non-retours illicites
d’enfants à l’étranger 11 ;
3. En ce qui concerne la maltraitance sexuelle ou l’exploitation d’enfants
- Les Etats parties prennent toutes les mesures [...] appropriées pour protéger l’enfant contre toute
forme de violence [...] y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents
ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié 12 ;
- Les Etats parties s’engagent à protéger l’enfant contre toutes les formes d’exploitation sexuelle et
de violence sexuelle. A cette fin, les Etats prennent en particulier toutes les mesures appropriées
sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour empêcher : a) que des enfants ne soient incités
ou contraints à se livrer à une activité sexuelle illégale, b) que des enfants ne soient exploités à des
fins de prostitution ou autres pratiques sexuelles illégales, c) que des enfants ne soient exploités
aux fins de la production de spectacle ou de matériel de caractère pornographique 13 .
A cette liste impressionnante, il faut ajouter le protocole facultatif à la Convention relatif à la vente d’enfants,
la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (2000) ainsi que le protocole
de Palerme (2000) contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.
Comme l’indique son nom, Missing Children Europe concentre ses activités sur tout ce qui doit se faire
au niveau européen, qu’il s’agisse du problème des disparitions d’enfants ou de celui de la maltraitance
sexuelle et de l’exploitation d’enfants. Dans ces deux domaines, la Convention des Nations-Unies, ratifiée
par tous les Etats membres de l’UE, s’est vue compléter au fil des années par un certain nombre d’outils
européens élaborés les uns par le Conseil de l’Europe, les autres par l’Union Européenne. En Europe,
les mesures qui sont prises (ou devraient l’être) à l’échelon national disposent donc d’un fondement
juridique « international » très varié.
3. Article 3 (1)
4. Article 6 (1)
5. Article 20(1)
6. Article 35
7. Article 7 (1)
8. Article 9 (1)
9. Article 9 (3)
10. Article 10 (2)
11. Article 11 (1)
12. Article 19 (1)
13. Article 34
108
Il se compose de la Convention des Nations Unies et de ses protocoles, des conventions de la Haye susmentionnées
14 , des Conventions du Conseil de l’Europe 15 et du droit communautaire 16 .
L’efficacité de ces instruments est variable.
Les Conventions des Nations-Unies, notamment les Conventions de droit international privé (Conventions
de La Haye), et les Conventions du Conseil de l’Europe sont des outils classiques de la coopération
juridique internationale. Elles ne sont pas directement applicables : elles doivent être signées, ratifiées
et intégrées dans la législation nationale pour acquérir une force juridique.
Les instruments de l’UE, en revanche, ne requièrent ni signature, ni ratification. Leur efficacité est variable
et dépend de leur statut et, à l’heure actuelle, de leur fondement juridique. Certains de ces outils sont
non-contraignants (c’est le cas de la Résolution du Conseil de 2001 sur la contribution de la société civile
dans la recherche des enfants disparus ou exploités sexuellement.) Quant aux instruments contraignants,
certains sont « applicables directement », ce qui veut dire qu’il n’est pas nécessaire de les intégrer ni
de les transposer dans la législation nationale (il en va ainsi du Règlement CE n° 2201/2003 du Conseil
relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en
matière de responsabilité parentale), tandis que pour d’autres, il faut appliquer des mesures nationales de
transposition dans le système national (c’est le cas des décisions-cadres relatives à la traite humaine et à
l’exploitaition sexuelle.) Certains de ces instruments ont un effet direct potentiel dans la mesure où, si la
disposition est suffisamment claire et inconditionnelle, le bénéficiaire peut l’invoquer devant un juge national,
et elle pourra même prévaloir sur une disposition contraire de la législation nationale. Là encore, c’est
le cas du règlement CE sur l’exécution et la compétence. Tant que le Traité de Lisbonne ne sera pas entré
en vigueur, les décisions-cadres JAI (Justices et affaires intérieures) relatives à la traite humaine et à l’exploitation
sexuelle des enfants ne pourront, quant à elles, engendrer un effet direct de ce type.
Il va sans dire que l’efficacité de ces instruments juridiques internationaux est également fonction des
mécanismes de mise en œuvre et d’applicabilité.
Dans la Convention des Nations-Unies, ces mécanismes, établis par les articles 43 à 45, sont assez faibles
et relèvent du contrôle du Comité sur les droits de l’enfant.
Les outils européens sont dotés de mécanismes de mise en oeuvre plus forts. Dans le cas d’une violation
de la Convention européenne relative aux droits de l’homme, il est possible, après épuisement des recours
judiciaires nationaux, d’engager une procédure auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.
Le cadre juridique de l’UE comporte deux mécanismes de suivi.
La Commission européenne a des pouvoirs d’exécution étendus en vertu du traité CE. Toutefois, ce
n’est pas le cas actuellement 17 de la plupart des lois susmentionnées (toutes celles relevant des JAI),
qui reposent sur des dispositions du traité de l’UE, notamment les dispositions du titre VI sur la coopération
policière et judiciaire en matière d’affaires criminelles.
14. voir note de bas de page 1
15. la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (1950), la Charte sociale européenne révisée
de 1966, la Convention européenne sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de garde des enfants et le
rétablissement de la garde des enfants (1980), la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants (1996), la
Convention sur la Cybercriminalité (2001), la Convention sur les relations personnelles concernant les enfants (2003) la
Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (2005), la Convention du Conseil de l’Europe
sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (2007)
16. Décision N° 276/1999 du Parlement Européen et du Conseil adoptant un plan d’action communautaire pluriannuel visant à promouvoir
une utilisation plus sûre d’Internet par la lutte contre les messages à contenu illicite et préjudiciable diffusés sur les
réseaux mondiaux, la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne de 2000 (article 2 : droit à la vie ; article 5 :
interdiction de la traite des êtres humains ; article 24 : droits de l’enfant) ; Décision 2000/375/JAI du Conseil pour lutter contre
la pédopornographie sur l’Internet, la Résolution du Conseil de 2001 sur la contribution de la société civile dans la recherche
des enfants disparus ou exploités sexuellement, la Décision-cadre 2002/629/JAI relative à la traite des êtres humains (actuellement
en cours de révision : voir Proposition de « décision-cadre du Conseil concernant la prévention de la traite des êtres humains
et la lutte contre ce phénomène, ainsi que la protection des victimes » ; Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil relatif à la
compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale,
Décision-cadre 2004/68/JAI relative à la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie (actuellement
en cours de révision : voir proposition de Décision-cadre relative à la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie)
17. Si le Traité de Lisbonne entre en vigueur, les pouvoirs d’exécution de la Commission s’étendront aux dispositions des JAI, lesquelles
seront intégrées dans le « Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne » (l’actuel Traité CE).
109
Contributions
supplémentaires
La dimension europeenne des droits de l’enfant tels qu’ils sont definis par la convention des nations unies
Le second mécanisme de suivi s’appuie sur la possibilité - l’obligation dans certains cas -, qu’ont les tribunaux
des Etats membres de l’UE de renvoyer des affaires devant la Cour européenne de justice, et ce dès les
débuts de la procédure nationale, par le mécanisme dit de « renvoi préjudiciel ». Ce dernier permet à toutes
les parties concernées de présenter directement leurs arguments devant la CJE et à la CJE de prononcer
un jugement qui liera la juridiction de renvoi ; de façon indirecte, ce jugement déterminera également la
portée d’application des dispositions concernées sur l’ensemble du territoire de l’UE. Là encore,
dans l’attente de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, cette possibilité est beaucoup plus limitée pour
les affaires « JAI » que pour celles qui relèvent strictement de la CE (par exemple les enlèvements
parentaux, dans la mesure où ils sont régis par le Règlement CE sur l’exécution et la compétence).
Les instruments régionaux sont donc à même de renforcer considérablement les dispositions des
Nations-Unies, et la protection de l’enfance dans l’UE est susceptible de se voir étayée par une plus
grande efficacité des instruments ainsi que par des mécanismes de suivi plus rigoureux si le traité de
Lisbonne entre en vigueur.
Pourquoi ces instruments internationaux, ou supranationaux dans le cas du droit communautaire, sont-ils
indispensables à la protection des droits de l’enfant ?
La première raison est qu’ils expriment un consensus international sur l’importance et la nécessité d’une
protection efficace des droits fondamentaux de l’enfant. On peut donc espérer qu’ils constitueront le fondement
des législations et des actions au niveau national.
Depuis quelques années, une deuxième dimension se profile. Dans les deux domaines qui préoccupent
Missing Children Europe et ses membres, les disparitions d’enfants et la maltraitance sexuelle d’enfants, les
aspects transfrontaliers sont de plus en plus nombreux. Le besoin d’une coopération transfrontalière
s’accentue de jour en jour. C’est tout particulièrement le cas au sein de l’Union européenne, qui est fondée
sur l’abolition des frontières internes et qui, de fait, a supprimé les contrôles à l’intérieur de l’espace de
Schengen. D’où la nécessité absolue d’une coopération active de tous les pays européens concernés,
et, au moins, d’une coordination de leurs droits applicables respectifs.
Ce processus législatif européen est amorcé et il s’avère intéressant à plusieurs égards.
Tout d’abord, il reconnaît la nécessité d’établir un partenariat entre forces de l’ordre et société civile 18 .
C’est on ne peut plus vrai dans le cas des enfants « disparus ». Le terme « disparus » se refère à un
élément factuel. Il implique toute une gamme de situations qui peuvent entrer en jeu dans une affaire de
disparition d’enfant. Il est très souvent impossible de qualifier plus précisément la disparition au moment
où elle se produit. La qualification recouvre des situations qui peuvent entraîner ou non des implications
immédiates des services de police (notamment les enlèvements par un tiers, la traite par opposition à la
fugue, des enfants égarés.) D’autres situations peuvent, selon le contexte, relever des deux catégories
(notamment les enlèvements parentaux).
L’engagement de la société civile à travers l’intervention d’ONG qualifiées telles que les membres de MCE
constitue une contribution précieuse. Il aide à filtrer les affaires tout en prévenant efficacement le risque
que la réponse apportée soit inadéquate en raison d’une surcharge de travail ou d’une sous-estimation
du danger encouru (notamment dans le cas de fugues à répétition).
L’implication des ONG qualifiées tant dans la recherche des enfants disparus que dans la lutte contre la
violence sexuelle envers des enfants a également l’avantage d’offrir un deuxième canal pour la collecte
d’informations utiles et de « tuyaux ». L’expérience des membres de Missing Children qui ont mis en place
des numéros d’urgence montre que, pour diverses raisons, certains informateurs potentiels éprouvent de
la réticence à contacter directement les organismes de répression, alors qu’ils demeurent disposés à
fournir des informations précieuses aux ONG.
Enfin, les ONG sont en position d’apporter leur soutien aux parents de l’enfant disparu tout au long d’une période
de stress et d’angoisse, ce qui permet aux forces de l’ordre de concentrer leurs efforts sur l’enquête ;
de surcroît, elles établissent le lien nécessaire entre les parents et les forces de l’ordre.
18. Voir Résolution du Conseil de 2001 sur la contribution de la société civile dans la recherche des enfants disparus ou exploités
sexuellement.
110
Comme exemple de l’engagement actif d’ONG qualifiées dans la politique de l’UE relative aux disparitions
d’enfants figure la mise en place des numéros d’urgence européens116 000 19 pour les cas d’enfants
disparus, qui s’accompagne d’une implication croissante des ONG dans le développement du réseau de
systèmes d’avertissement sur les enfants recherchés 20 .
Une autre évolution importante est que l’UE tout comme les gouvernements nationaux reconnaissent qu’il
est nécessaire de travailler en multi-partenariat, en impliquant les services de police et les ONG, mais
aussi les acteurs économiques concernés.
La coalition financière européenne contre l’exploitation sexuelle des enfants sur Internet à des fins commerciales
en est une parfaite illustration. Son objectif est de faciliter des opérations de police correctement
coordonnées, ainsi que d’autres interventions visant les individus qui tirent profit de ces activités criminelles.
Missing Children Europe fait partie des membres fondateurs de cette coalition, qui mène actuellement
un projet financé par la Commission européenne. La direction du projet est assurée par un groupe
de pilotage qui comprend le CEOP (le service britannique de lutte contre l’exploitation de l’enfance et de
protection sur Internet), la police italienne de la poste et de l’administration, Europol, Mastercard, Visa
Europe, Paypal, Microsoft, Inhope et Missing Children Europe. Le projet de coalition a été initié les 3
et 4 mars 2009 à Londres et l’on espère que le lancement opérationnel de la coalition se fera dans la
seconde moitié de l’année 2010.
Ces tendances européennes confirment que si le 20ème anniversaire de la Convention des Nations-
Unies est incontestablement une date à fêter, il invite aussi à de nouvelles initiatives. La Convention doit
être complétée par des instruments régionaux contraignants et exécutoires supplémentaires ainsi que
par des projets en multi-partenariat avec différents acteurs pour protéger les enfants et leurs droits.
Missing Children Europe et ses membres, dont la Fondation pour l’Enfance, sont prêts à contribuer avec
enthousiasme à ces efforts afin que les droits de l’enfance deviennent une réalité pour tous les enfants
d’Europe.
19. Décision de la Commission 2007/116/CE du 15 février 2007
20. Il existe maintenant, en France, en Grèce, aux Pays-Bas, en Irlande, au Portugal et en République tchèque, des systèmes d’avertissement
à l’échelle nationale qui font appel au public dans certains cas de disparitions d’enfants inquiétantes. En Belgique, il
existe un système d’alerte qui intervient dès les premiers temps dans tous les cas de disparition et qui est lui aussi fondé sur une
entière coopération entre les forces de l’ordre et Child Focus, le membre belge de MCE qui gère le numéro d’urgence 116 000
111
Contributions
supplémentaires
Quelles perspectives pour rétablir leurs droits et leur dignité ?
Filiation culturelle, première ressource de paix
Patrice MEYER-BISCH
Constat
Que peut bien signifier une nouvelle
mobilisation pour l’enfance, en 2009 ?
Est-ce utile d’appeler à la générosité
pour une cause si importante, puisqu’elle
devrait être évidente ? S’il faut aller de l’avant et dégager de nouveaux chemins de réalisation, de
nouvelles promesses, ce n’est pas au prix de l’inconscience. Nous sommes en face de violations massives
et quotidiennes, étroitement liées à une indifférence qui est proportionnelle. Cela nous conduit à l’insupportable
certitude : les droits des enfants vont être encore massivement ignorés dans les décennies
à venir. Le Sommet mondial de l'ONU sur l'enfance, il y sept ans1 Observatoire de la diversité et des droits culturels,
Institut Interdisciplinaire d'Éthique et des Droits de
l'Homme (IIEDH)
, renouvelait une fois de plus l'objectif
général de créer « un monde digne des enfants ». Or, nous savons pertinemment que nous ne le ferons
pas. Le monde de demain reproduira en grande partie les discriminations actuelles. Les populations riches
ne vont pas partager, elles continueront de faire exactement le contraire en reproduisant sur leurs enfants
les discriminations d'aujourd'hui à la fois mécaniquement et volontairement. Nous pouvons espérer corriger
quelques unes des injustices les plus criantes; nous voulons introduire ici et là plus de rationalité et de
justice, mais notre monde ne fera guère plus : il n'a pas cette capacité de changement rapide. Il ne sera
pas moins cruel, nous n'avons pas le droit de nous leurrer ni de leurrer nos enfants. La faim et la pauvreté
ne sont pas que des problèmes de disponibilité de nourriture et de richesses, ce sont des phénomènes
sociaux dont nous ne savons actuellement pas maîtriser la complexité politique. Les promesses du millénaire
ne peuvent pas être tenues, car nous n’en n’avons pas les moyens. Force est donc de constater
que cette cause n’est pas si évidente. A quel surcroît de clairvoyance pouvons-nous donc aujourd’hui
contribuer ?
1. Session extraordinaire de l'Assemblée générale, New York, 8-10 mai 2002.
113
Contributions
supplémentaires
Quelles perspectives pour rétablir leurs droits et leur dignité ? Filiation culturelle, première ressource de paix
Enjeu
Les enfants sont vulnérables, non seulement en eux-mêmes, mais aussi pour toute notre humanité dans
ce qu’elle est a de plus vivant. La dignité d’une personne ne s’arrête pas à sa peau : l’enfant est porteur
d’une dignité de filiation, d’une solidarité entre tous les êtres humains pour gérer les actifs et les passifs de
ce lourd héritage. Répondre aux droits de l’enfant, c’est lui apprendre aussi à en répondre. Si un progrès
est possible, c’est dans ce face à face avec les enfants présents et à venir, incluant les anciens. Dans
la continuité de ce dialogue intergénérationnel se trouvent les ressources à dégager. Ces ressources sont
d’abord culturelles.
1. Le drame des drames : les enfants sont des cibles pour atteindre les adultes
On pourrait croire, à entendre les discours convenus et à voir le nombre de ratifications de la Convention
sur les droits de l’enfant, que la « communauté internationale » est davantage préoccupée par les droits
des enfants que par celui des adultes. Cette affirmation est politiquement et éthiquement correcte. En
réalité nous assistons plutôt au contraire. Depuis les questions de malnutrition jusqu’aux enfants soldats
en passant par le déni d’éducation, les enfants prennent de plein fouet toutes les logiques discriminatoires.
Qu’il soit perçu comme le petit adulte, l’adulte de demain, voire celui dont la vie n’est pas encore aussi
précieuse que celle de l’adulte d’aujourd’hui, l’enfant n’est en réalité pas compris, au niveau politique,
avec la gravité qui convient : l’être porteur d’une humanité nouvelle. Le constat est amer, mais comment
pouvons-nous expliquer autrement la permanence du scandale ? Ne pas scolariser des populations entières
d’enfants, ou les scolariser dans une langue autre que la leur, c’est s’assurer de l’aliénation de la population
de demain, tout en maintenant dans la honte les parents d’aujourd’hui. On fait, au moins, une violence
double : on atteint le principe de la filiation en y imprimant les stigmates qui « justifient » les discriminations
d’aujourd’hui et de demain. Qu’est-ce qu’un père, une mère, une communauté dont les enfants sont
humiliés ? Que peut devenir un enfant dont la filiation est publiquement dénigrée ? Le principe des
discriminations multiples est installé là où il fait le plus de dégâts, au cœur du lien. C’est le grand gâchis.
2. L’enfant témoin
Pire. Outre la logique brutale qui consiste à faire perdurer des pouvoirs arbitraires au prix de la pauvreté
durable et du maintien des violences, il y a encore une autre raison : les enfants sont les témoins de l’intime
universalité, indivisibilité et interdépendance des droits de l'homme. Ils sont témoins du caractère durable -
reproduit de génération en génération - de toutes les injustices. Pourquoi « intime » ? Parce que l’intégrité
de l’enfant est immédiatement en jeu dans n’importe quelle violation : toute violation de ses droits
fondamentaux est une atteinte directe à son identité. Qu’il s’agisse de la division des droits de l'homme,
de la faible place accordée à une éducation de qualité partout où il y a pauvreté dans les régions riches
comme dans celles qui sont démunies, du peu d’attention à la nutrition et à la santé des adolescents,
des mines anti-personnelles, du gaspillage des témoignages des anciens, etc., force est de constater que
ces enfants sont pour nous mutilés et rendus muets en toute impunité. Chaque atteinte efface un peu
plus leur identité et donc leur capacité d’être entendus, accueillis et restaurés dans la singularité de
chaque attente.
2.1. L’appel inaudible
Leur cri n’est pas tolérable, car nous constatons que nous ne sommes pas capables de leur laisser un
monde digne d’eux et de nous, y compris à l’intérieur de nos propres communautés et nations. C’est l’inverse
des promesses politiques officielles et donc politiquement incorrect. On fait croire que la pauvreté est un
état, alors qu’elle est un acte permanent d’appauvrissement, une violation de tous les droits fondamentaux,
en particulier des enfants. Le monde dans lequel on saurait écouter les enfants serait un monde de
richesse, de paix et d’admiration ; nous en sommes loin car ce sont des témoins trop difficiles à écouter,
comme tous les pauvres : leur témoignage intime, ou leur mutisme, ne vient pas d’une absence de
capacité intérieure, mais d’une discordance entre le trop plein de désirs et les faibles possibilités de se
faire entendre.
Les institutions, nos institutions, sont trop souvent là pour trouver des explications à la permanence du
drame, à la limitation de nos efforts « dans les limites des ressources disponibles ». Alors que les premières
ressources sont « nos » enfants : le possessif signifie ici qu’il nous appartient de leur répondre.
114
Ce n'est pas du pessimisme: la lutte pour les droits humains n'a jamais progressé lorsqu'elle a cru trop
simplement en un monde meilleur, mais seulement lorsqu'elle s'est fondée sur la conviction si souvent
vérifiée que le pire est toujours possible, souvent probable, et que la seule façon de l'éviter est de le prévenir
: le déceler, le démontrer et le dénoncer publiquement afin de présenter d’autres voies. A ce prix,
mais à ce prix seulement, un progrès est envisageable. Le problème est que ces violations sont tellement
graves et évidentes, tout en étant déniées, qu'il n'est pas possible aux institutions, comme à nousmêmes,
de supporter cette mise en présence sans vaciller, sans perdre pour les institutions leur crédibilité,
pour nous notre sérénité.
2.2. Le témoignage de la reconnaissance pour un double don
Bien des moyens sont utilisés pour ne pas entendre des enfants : il suffit de les réduire au « trop petit »,
au consommateur, au roi, au naturellement bon ou naturellement sauvage ou méchant. En réalité ils
sont avides de culture pour authentifier et exprimer l’appartenance au monde qu’ils ressentent. Pour
que leur nouvelle humanité puisse contribuer à la nôtre, ils ont le besoin vital de connaître et reconnaître
leurs capacités en s’essayant aux disciplines culturelles, conditions de toute communication.
En raccourci, le témoignage d’un enfant revient à manifester que la dignité humaine est le fruit d’un double
don, ou double affiliation :
• de la nature, il est le fruit impensable de toute une histoire biologique aux mille croisements, à la fois
unique et universelle, qui nous lie à toute la nature, à l’intime de soi comme à son milieu, autour de
soi ;
• de la culture, il est le fruit impensable de toute une histoire culturelle aux mille croisements de savoirs,
qui nous lie à l’universel présent à l’intime de soi comme en chaque milieu culturel.
En d’autres termes, il est le témoin de l’importance de la filiation : la dignité est individuelle, mais elle ne
se réalise que dans l’expérience du don et de la réciprocité. Les dons de culture (une famille, une langue,
des savoirs et des valeurs, un mode de vie…) fournissent des savoirs par lesquels il peut reconnaître et
apprécier les dons de nature, cultivés en lui et dans les autres. Pour lui, la nature vivante est révélée,
plus ou moins bien par les capacités culturelles auxquelles il a accès. Sa dignité est à fleur de peau : son
alimentation a immédiatement une valeur culturelle et sociale ; une violation de ce droit est donc immédiatement
grave pour ses liens sociaux et son identité autant que pour sa santé. Il en va ainsi de chacun
de ses droits.
Il ne faudrait pas croire cependant que les deux dimensions de la filiation, naturelle et culturelle, soient
déterminées, ou que la première le serait quand la seconde seulement pourrait être libre. Toute filiation
humaine, pour être pleinement féconde, implique une affiliation, au sens volontaire que peut prendre cette
expression : le choix et la reconnaissance d’un lien qui oblige. Les dons de nature ne se réduisent pas à
la création d’un code génétique, ils impliquent aussi la possibilité de choisir et d’apprécier une diversité de
ressources naturelles en soi et autour de soi, liant l’interne à l’externe : des milieux, des paysages, des terres,
des eaux, des fruits, des compagnons, la capacité d’enfanter, de courir… De même, les dons de culture, ou
transmission de savoirs, permettent de choisir et d’apprécier une diversité de ressources culturelles. La
nature n’est pas une couche brute sur laquelle se développerait un travail, une interprétation, culturelle.
La nature est un travail puissant dans lequel le travail culturel s’entremêle, en choisissant, neutralisant
ou développant certaines capacités et opportunités. L’enfance est ce stade, ou plutôt cette face, de la
vie où se joue cet entremêlement, avec, très tôt, l’entrée en scène de la personne elle-même, et en elle,
le risque de sa liberté. La partie est abruptement engagée dès le tout début du jeu. Les occasions
perdues, le sont souvent définitivement.
Un droit culturel est un droit de participer à cette dynamique de la filiation reconnue puis choisie, de l’entremêlement
du travail naturel et culturel. Il n’y a rien de plus essentiel pour la dignité humaine et pour son
enfantement. La dignité de la personne ne s'arrête pas à sa peau, encore moins à celle de l'enfant : il
est porteur d'une dignité de filiation (mais non d'une tare, d'une «indignité de filiation»!) d'une solidarité
entre tous les humains pour gérer les actifs et les passifs de cet héritage à la fois puissant et vulnérable.
Dans cette perspective, les droits de l’enfant ne sont pas seulement à considérer en tant que droits de
personnes en situation vulnérable, mais en tant que personnes qui portent les enjeux culturels (physiques
et spirituels) d’une société. Ce sont les droits des personnes qui portent et reportent la force et la vulnérabilité
de nos familles et de nos sociétés.
115
Contributions
supplémentaires
Quelles perspectives pour rétablir leurs droits et leur dignité ? Filiation culturelle, première ressource de paix
3. Le peuple enfant ou la paix
La paix se joue dans ce passage de témoin entre des espaces de liberté : la transmission par affiliation
reconnue et choisie de dons de nature et de culture, et par là de l’admiration pour la richesse de notre bien
commun : la dignité de l’être humain capable d’admirer, de résister, de créer et d’enfanter. Porteur de la
dignité de filiation, l’enfant témoigne du « courant de dignité » qui passe entre les hommes et entre les
générations : des valeurs choisies ou subies, un actif et un passif. Lui répondre, c'est aussi lui apprendre
peu à peu à en répondre. Il est ainsi porteur d'une notion politique délicate: celle de «peuple», notion dont
nous avons en grande partie aujourd'hui perdu la consistance politique en dehors de son acception formelle,
celle du corps électoral. Un peuple est comme un enfant : son essence est la filiation. Il est promesse de
transmission d’une culture propre de la dignité humaine ; il est porteur d’espoirs et de traumatismes ; il
est auteur souverain de la paix. Mais en même temps, sa fragilité est immense : on peut trop facilement
le faire taire, le tromper, l’instrumentaliser, faire parler en son nom les pouvoirs arbitraires, et le pervertir.
Un peuple est toujours enfant car il apprend à vivre sa difficile liberté. Si toute politique démocratique
place en principe les enfants en première priorité, c’est, bien sûr pour eux-mêmes et pour les générations
qui viennent, mais c’est aussi parce qu’ils sont les premiers témoins - avec les personnes âgées - des
valeurs à sauvegarder et à développer. Un peuple, comme le pressentait Nietzsche, est une capacité
d’évaluation, de transmission, plus exactement, de transmission d’un acte d’évaluation 2 .
L‘enjeu est en effet au cœur du politique : la compréhension de l’enfance est une élaboration culturelle,
un ensemble de données naturelles interprétées en des milieux culturels, avec leurs richesses, mais
aussi leurs faiblesses et incohérences. La compréhension de ce que signifie l’enfant pour une société
est centrale, car en elle se joue le nœud de ses valeurs fondamentales et, concrètement, la richesse et
l’efficacité de sa « reproduction » culturelle et, par là, sociale. Les compréhensions de l’enfance sont liées
à celles de peuple et de communauté et ne sont pas séparables de celles de l’« âge mûr ». Qu’est-ce
qu’une communauté peut reconnaître et privilégier dans l’enfant qui vient ? Ce qu’elle a de meilleur, ce
qui fait son identité, ce qui est digne d’être transmis. Dans la mesure, au contraire, où cette dignité est
humiliée ou ignorée, la place est abandonnée aux violences et aux pauvretés. Si cette place de la transmission
s’amenuise, elle est prise par l’arbitraire et l’aveuglement du court terme et des sociétés émiettées.
Le cœur de chacun, comme de celui d’une communauté familiale ou politique, est la reconnaissance de
l’identité en devenir de l’enfant, de son « identité témoin ». Dans le respect des droits culturels des enfants
se joue toute notre capacité culturelle.
4. Spécificité des droits culturels de l’enfant
La paix se développe dans l’édification de l’identité qui, au lieu d’être un repli, est la découverte de la
grande diversité et de la grande richesse des savoirs, comme autant de références culturelles avec
de nombreuses possibilités de choix. Une bonne part des violences vient des réductions identitaires,
des humiliations. Les droits culturels, au contraire, assurent les libertés de choix tout au long de son
processus permanent d’identification. 3
L’enfant découvre les grandes dialectiques au travers desquelles chacun doit faire des choix pour assumer
son processus identitaire tout au long de sa vie. Les pôles sont donnés et sont incontournables, car ils
sont inhérents à la dignité humaine, mais les libertés que l’individu exerce, seul et en commun, permettent
de tracer des chemins singuliers dans une grande diversité et richesse culturelles. Voici, au moins quatre
oppositions de valeurs qui constituent les processus d’identification :
2. Ainsi parlait Zarathoustra, notamment : Des mille et uns buts. Diverses éditions.
3. Voir la définition des droits culturels que nous allons publier dans le commentaire, article par article de la Déclaration de Fribourg
sur les droits culturels : Les droits culturels désignent les droits et libertés pour une personne, seule ou en commun, de choisir
et d’exprimer son identité, et d’accéder aux références culturelles, comme à autant de ressources qui sont nécessaires à son
processus d’identification. La Déclaration est accessible sur notre site en diverses langues, avec de nombreux Documents de
Synthèse explicatifs : www.droitsculturels.org. Voir aussi le dossier « débat » qui lui est consacré dans la Revue Droits fondamentaux
(en ligne), 2007- 2008 : www.droits-fondamentaux.org
4. J’ai développé ces quatre dialectiques constitutives du « nœud identitaire ». Voir : Quatre dialectiques pour une identité, in Comprendre,
Revue de philosophie et de sciences sociales, N01, Paris, 2000, PUF, Les identités culturelles, (ss.la dir de Will Kymlicka
et Sylvie Mesure), pp. 271-295. Voir pour l’ensemble de la thématique mon prochain livre : Introduction aux droits culturels.
116
personne - communauté chacun situe, choisit et développe ses liens appropriés, son «être social»
universel - particulier chacun situe, choisit et développe sa singularité
unité - diversité : chacun situe / choisit la diversité avec laquelle il développe sa richesse
passé - futur chacun situe, choisit et développe son présent
C’est l’affrontement avec les limites de la condition humaine au quotidien. Ces limites se dessinent peu à
peu pou brutalement, comme le « terrain de jeu » de la vie et le milieu de toutes les rencontres possibles.
Si elles sont mal placées, non assumées, les rencontres n’auront pas lieu : il y aura absence de contacts
ou chocs violents, aliénations subies ou provoquées.
Pour que ces droits, libertés et responsabilités soient effectifs, encore faut-il que les enfants, comme les
adultes, aient accès à des ressources culturelles de qualité : des savoirs portés par des hommes et
contenus dans des œuvres. Un être humain est culturellement pauvre quand il n’a pas pu faire l’expérience
de la libération que signifie communiquer par la maîtrise de disciplines culturelles (langues, arts, jeux,
sciences, fêtes, repas,…). Mais pour l’enfant, il y a urgence : s’il passe le moment où son être s’éveille le
plus, il risque de ne jamais accéder à ces droits, comme pour les autres droits de l'homme. A l’inverse de
cette pauvreté, la richesse culturelle signifie l’expérience variée et répétée de l’étonnement, de l’admiration
et de la création partagée.
4.1. Les droits culturels de l’enfant, au sens strict
Si l'indivisibilité des droits de l'homme est immédiatement manifeste pour les droits de l'enfant, l'importance
des droits culturels y est également plus claire, plus forte ; le développement de l'enfant étant toujours
directement conditionné par l'équilibre de son processus d'identification. Les droits culturels sont des
catalyseurs de l’indivisibilité. Un enfant qui n’a pas pu faire l’expérience de l’admiration et de l’expression
grâce à la maîtrise d’une discipline culturelle, reste culturellement pauvre et faible pour l’obtention de l’ensemble
de ses autres droits. La faible transmission de savoirs, ou la transmission de savoirs falsifiés,
réduit d’autant les capacités d’accès aux ressources naturelles et culturelles.
Témoin de l’indivisibilité, l’enfant est aux sources du symbolisme, là où matière et esprit n’ont pas subi
le divorce. Quelques exemples.
• Les droits culturels, y compris au sens restreint de droit à la créativité et à la communication, particulièrement
le droit d’exercer une activité culturelle, sont pour l’enfant une question immédiatement
vitale : jeu, dessin, danse, tendresse, théâtre, exploration de l’environnement, etc.... Les exemples
de réinsertion d’enfants victimes de violence par le théâtre, le cirque, la danse, le dessin ou la musique
sont nombreux. L’enfant a soif d’image : il est capable d’investir de son intériorité une poupée de chiffon,
un animal, un caillou, un son, une odeur et un paysage. Cette sensualité, ou proximité à l’esthétique
et à ses jeux, le rend sans doute plus sensible et plus vulnérable aux visages. En témoignent les dégâts
consécutifs à la destruction d’un de ces objets témoins.
• Que dire d’un droit à l’éducation qui ne respecterait pas le droit à la mémoire ? Sans accès à une
lisibilité raisonnable de son passé individuel et social, l’enfant ne peut donner du sens ni à son présent
ni à son futur.
• De façon générale, le droit de participer à la vie culturelle conditionne le droit de participer à la vie
sociale et politique, car il lui en fournit la matière et la lisibilité : l’expérience des valeurs partagées.
L’article 31 de la Convention sur les droits de l’enfant ne donne pas explicitement cette ouverture, mais
il ne l’interdit pas non plus . Loisir, repos et récréation sont placés en premier, alors qu’il s’agit d’abord
d’identité. Comme pour l’article 14 du Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels, le droit de
participer à la vie culturelle demande aujourd’hui à être déployé dans toutes ses dimensions.
5. « 1. Les Etats parties reconnaissent à l'enfant le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives
propres à son âge et de participer librement à la vie culturelle et artistique.
2. Les Etats parties respectent et favorisent le droit de l'enfant de participer pleinement à la vie culturelle et artistique et encouragent
l'organisation à son intention de moyens appropriés de loisirs et d'activités récréatives, artistiques et culturelles, dans des
conditions d'égalité. »
117
Contributions
supplémentaires
Quelles perspectives pour rétablir leurs droits et leur dignité ? Filiation culturelle, première ressource de paix
A contrario, la gravité des violations des droits culturels est donc extrêmement forte, car elle atteint la personne
immédiatement au cœur de son identité, elle la stérilise dans ses capacités d’impression et d’expression,
et donc de communication avec autrui, la nature et elle-même : elle met ses autres droits hors de portée.
4.2. Les dimensions et contenus culturels des autres droits de l’enfant
Mais en plus des droits culturels stricto sensu, il faut aussi considérer les dimensions et contenus
culturels des autres droits de l’enfant. Notre hypothèse est que l’objet de chaque droit de l’homme doit
être « adéquat » (comme l’alimentation ou le logement adéquats), notamment sur le plan culturel. Cela
signifie : respectueux de l’identité des personnes, de leurs ressources culturelles propres, et considérant les
forces et faiblesses de leurs milieux. La dimension culturelle du droit à l’alimentation signifie que l’enfant
apprend les différentes dimensions du repas, mais aussi les valeurs symboliques et environnementales
des minéraux, des végétaux et des animaux. L’objet du droit à l’alimentation est cet accès au sens plein
de l’acte culturel et social : personne ne devrait méconnaître le sens vital de la nourriture pour l’intégrité de
la personne (et non une valeur symbolique qui s’ajouterait à la qualité biologique) et de ses relations au
monde.
Si le droit à l’alimentation a une dimension culturelle, les libertés classiques, notamment la liberté
d’expression, ont un contenu culturel, ce qui est encore plus fort : s’exprimer, c’est maîtriser une discipline
culturelle. Là encore, il y a symbolisme, qu’il s’agisse de langue, de danse, de musique, de cuisine
ou de théâtre, l’expression est une maîtrise du lien corps-esprit par le moyen des œuvres. Cela est vrai
pour l’adulte, mais est plus clair et plus immédiat pour l’enfant, car celui-ci vit intensément les dimensions
symboliques de toutes choses et de tous gestes. Alors que nous avons souvent à faire un effort de créativité
pour ajouter à l’utilitaire les dimensions symboliques, l’enfant procède à l’inverse : tout est d’abord symbole,
nourriture pour l’âme avant toute dichotomie corps – esprit.
La dimension culturelle d’un droit n’est donc pas une relativisation mais une valeur ajoutée : l’universel
est compris en relation avec les situations particulières dans une logique d’éclairage mutuel. L’exercice
d’un droit culturellement adéquat, ou compris dans ses contenus culturels, permet de puiser dans les
ressources culturelles, au besoin d’aller en chercher d’autres et de participer à la grande aventure
humaine du croisement des savoirs.
Les enfants témoignent de cet universel, à chaque fois vécu au singulier, qui appelle à la paix toutes celles
et tous ceux qui veulent tenter de leur répondre, tout en reconnaissant leur propre pauvreté face à toute
richesse culturelle, quelle qu’elle soit. Ils ont à répondre aussi de notre enfance commune, de notre capacité
d’admiration et de révolte devant l’injustice et la médiocrité. La paix n’est possible que dans l’humilité éprouvée
et partagée devant la grandeur de l’enfance, présente en chacun, passée et à venir, vulnérable et forte.
Toute autre promesse de paix, toute autre politique est en-deça des droits de l'homme.
Enfance et culture sont de même nature. L’adulte se sent démuni face à l’une comme à l’autre. Toutes
deux sont fortes et vulnérables, elles sont notre espoir si souvent méprisé à chaque fois qu’elles ne sont
pas traitées avec le soin que requiert le goût de l’excellence. C’est ainsi que j’interprète la citation de
Janusz Korczak qui clôt si bien l’appel du BICE : « Vous dites : c’est épuisant de s’occuper des enfants.
Vous avez raison. Vous ajoutez : parce que nous devons nous mettre à leur niveau. Nous baisser, nous
pencher, nous courber, nous rapetisser. Là, vous vous trompez. Ce n’est pas tant cela qui fatigue le plus
que le fait d’être obligés de nous élever jusqu’à la hauteur de leurs sentiments. De nous élever, de nous
étirer, nous mettre sur la pointe des pieds, nous tendre. Pour ne pas les blesser. » Le problème est que nos
sociétés sont presque totalement occupées à se conserver, et non à admettre qu’au centre de l’expérience
humaine et des droits de la personne, se trouvent deux blessures profondes : la souffrance d’autrui, et – eu
égard à la richesse possible - la pauvreté culturelle de chacun de nous. Or nous avons besoin d’admettre la
faiblesse générale pour tenter de répondre à nos enfants, présents et à venir.
* Ce texte a été publié dans l’Appel mondial à une nouvelle mobilisation pour l’enfance, Genève, édité par le Bureau
International Catholique de l’Enfance, pp. 35-40
118
Bibliographie
Consultables à la Fondation pour l’Enfance, sauf références précédées d’un *
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Au tribunal pour enfants : l'avocat, le juge, le procureur et
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Voulons-nous des enfants barbares ? Prévenir et traiter
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Le placement de l'enfant victime : une mesure irrespectueuse
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Aimer et protéger la vie : Pour comprendre les vrais
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Comment aimer un enfant suivi de Le droit de l'enfant au
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Les droits de l'enfant
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fichage des mineurs et justice pénale des mineurs) juin 2009,
10 p.
www.ldh-toulon.net/spip.php?article3337
Brochures
APCEJ Association pour la Promotion de la Citoyenneté des
Enfants et des Jeunes
La Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant
du 20 novembre 1989 en 89 questions...15 ans après
Pantin : DEI-France, 2004, 148 p.
ASMAE ; Association Soeur Emmanuelle
Petit guide juridique sur la protection de l'enfance : droits
de l'enfant
Paris : Fabert, 2007, coll. Droits de l'enfant, 96 p.
FRANCE-Ministère de la Justice ; Direction des Affaires Criminelles
et des Grâces
Enfants victimes d'infractions pénales : guide de
bonnes pratiques. Du signalement au procès pénal,
2003, 87 p.
Administrateur ad hoc. Représentation judiciaire et accompagnement
des enfants victimes d'infractions
sexuelles - Guide méthodologique, 2003, 85 p.
FRANCE-Ministère de la Santé et des Solidarités
L'accueil du mineur et du jeune majeur, 39 p.
Intervenir à domicile pour la protection de l'enfant, 33 p.
Prévention en faveur de l'enfant et de l'adolescent, 100 p.
www.famille.gouv.fr
2007, coll. Guide pratique
Réseau Education Sans Frontières ; RESF
* Jeunes scolarisés sans papiers : régularisation, mode
d'emploi. Guide pratique et juridique. 2005, 46 p.
www.educationsansfrontières.org
Unapei ; ALLOUCHE F., BRETON S., COLONNA C. et al.
Les droits des personnes handicapées mentales et de
leurs proches. Guide. Paris : Unapei, 2008, 262 p.