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L'Ecrit d'Angkor N°4 - Free

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CULTURE<br />

Les Apsaras, danseuses célestes<br />

De la magnificence de la civilisation angkorienne, les Apsaras sont le reflet vivant que nos ancêtres<br />

nous ont laissé, et bien plus qu'un bas-relief, c'est celui de la danse classique khmère. Figées<br />

dans les pierres, elles ont dansé pour les dieux, renaissant dans les beautés khmères, les danseuses<br />

célestes éblouissent nos yeux par leurs mouvements gracieux et lents à faire arrêter le temps.<br />

IImmortalisées dans les bas-reliefs des<br />

temples <strong>d'Angkor</strong>, ces danseuses célestes<br />

- mi-humaines et mi-divines, intermédiaires<br />

entre les dieux, le roi et le peuple<br />

- que sont les Apsaras, reflètent l'apanage<br />

de la culture khmère. Il y a déjà de cela plus<br />

d'un millénaire que naquit cette tradition de<br />

danses classiques royales dans les fabuleux<br />

temples <strong>d'Angkor</strong> qui, à l'époque, était un<br />

rituel destiné à communiquer avec les<br />

dieux, à les divertir. La reine des Apsaras<br />

accompagnée de ses suivantes est descendue<br />

du paradis d'Indra et a exécuté une<br />

danse pure pour le seul plaisir des yeux des<br />

humains.<br />

Selon une légende, le mariage d'un<br />

ermite indien, Kampu, avec une danseuse<br />

Apsara, Mera, a été nommé Kampumera,<br />

qui est devenu le Cambodge. Les enfants de<br />

cette union étaient les Khmers.<br />

Historique<br />

Le plus ancien texte khmer mentionnant<br />

des danseuses est, semble-t-il, une<br />

inscription du VIe ou VIIe siècle. A l'apogée<br />

<strong>d'Angkor</strong>, au XIIe siècle, elles seront<br />

des milliers attachées aux grands temples et<br />

au palais du roi.<br />

De 500 danseuses à l'époque d'Ang<br />

Duong (1796-1859), souverain poète et<br />

protecteur des arts, la troupe royale passa à<br />

un nombre amenuisé d'une cinquantaine de<br />

ballerines au début du XXe siècle. Cela<br />

n'empêcha pourtant pas ces déesses d'inspirer<br />

bien des gens, notamment Auguste<br />

Rodin qui fut subjugué lors de l'été 1906<br />

par leur beauté et laissa une série de dessins<br />

affirmant la grandeur et la splendeur du ballet<br />

royal khmer.<br />

Fort heureusement cet art divin est<br />

défendu et sauvé par la reine Kossamak,<br />

mère du roi Sihanouk qui, après 35 années<br />

d'efforts, lui a rendu tout son éclat. Dans les<br />

années 50, la princesse Bopha Devi, fille du<br />

roi Sihanouk, donna vie aux danseuses<br />

célestes, figées dans les pierres, en créant la<br />

danse des Apsaras.<br />

Malgré les années rouges de Pol Pot,<br />

grâce à quelques danseuses survivantes de<br />

cette période de terreur, l'université des<br />

Beaux Arts fut ouverte en 1981. Elles ont<br />

pu ainsi perpétuer l'essentiel de la grande<br />

tradition chorégraphique khmère.<br />

Un apprentissage draconien<br />

Traditionnellement, les danseuses sont<br />

formées dès leur plus jeune âge (huit ans),<br />

et c'est avec une concentration extraordinaire<br />

que ces petites fleurs étudient les mouvements<br />

lents et minutieusement codifiés de<br />

la danse classique khmère : les doigts<br />

recourbés, la taille cambrée, l'orteil redressé,<br />

positions des mains, pas et postures du<br />

corps, tout doit être répété des centaines de<br />

fois pour atteindre la perfection.<br />

Dix longues et laborieuses années d'apprentissage<br />

vont éprouver la morphologie<br />

des danseuses qui doivent littéralement se<br />

Grâce, harmonie et beauté<br />

plier aux contraintes de la danse, et cela tout<br />

en sachant que rien ne laisse supposer qu'elles<br />

deviendront à leur tour, le maillon de la<br />

tradition.<br />

Je me rappelle de ma visite à l'école des<br />

Beaux Arts, où l'on peut admirer ces petites<br />

danseuses qui s'entraînent et enchaînent les<br />

postures sous l'œil attentif des "neak krou"<br />

(maîtresses). Un entraînement en groupe,<br />

puis chacune des danseuses peaufinent son<br />

propre personnage, donc son propre Kbach.<br />

Les déplacements des rôles féminins restent<br />

délicats et gracieux tandis que les rôles<br />

masculins, des géants et des singes deviennent<br />

plus amples…<br />

Costumes célestes<br />

Chaque rôle, se différencie par un<br />

costume, une coiffure, des bijoux et parfois<br />

3<br />

un masque. Les costumes, "des étoffes"<br />

pliés, drapés et cousus à même le corps se<br />

transforment en parure somptueuse. Les<br />

costumes des personnages masculins sont<br />

portés de la manière d'un sampot, drapé en<br />

culotte bouffante, alors que les personnages<br />

féminins le revêtent à la façon d'un sarong.<br />

A tout cela viennent s'ajouter un ou deux<br />

kilogrammes d'ornements, de bijoux et<br />

pierres précieuses. Tous ces préparatifs sont<br />

très longs et durent en moyenne 3 heures.<br />

Le gestuel, un véritable langage<br />

Une longue initiation est nécessaire<br />

pour suivre parfaitement le déroulement<br />

d'une légende interprétée par les danseuses<br />

khmères. Chaque geste a sa propre signification,<br />

elle-même modifiée par les gestes<br />

qui suivent ou qui précèdent, ainsi que par<br />

les circonstances dans lesquelles il est exécuté.<br />

Telle pose de la tête, des bras, des jambes<br />

a sa désignation que vient compléter,<br />

atténuer ou nuancer telle autre pose, tel<br />

regard, voire une imperceptible contraction<br />

des sourcils.<br />

Malgré une codification rigoureuse, ces<br />

danses constituent un véritable langage gestuel<br />

d'environ 4500 mots et expressions<br />

avec son vocabulaire, sa grammaire et sa<br />

syntaxe.<br />

"La danseuse khmère est une actrice,<br />

une mime. Elle représente un personnage<br />

de légende. Elle exprime les sentiments et<br />

représente les actions que chante le chœur.<br />

Chaque phrase des chanteuses sollicite un<br />

geste ou détermine une attitude de la danseuse,<br />

toujours muette. Ces attitudes, ces<br />

gestes sont rituels, uniques et se sont transmis<br />

de génération en génération sans qu'il<br />

en existe une didactique, un modèle écrit et<br />

précis."<br />

"Ces gestes aboutissent généralement à<br />

une attitude précise, marquée l'espace d'un<br />

temps, que le rythme soit lent ou précipité,<br />

et abandonnée après être restée juste le<br />

temps qu'on la perçoive, qu'on l'admire et<br />

qu'on la regrette." (George Groslier)<br />

La danse classique khmère est une invitation<br />

au voyage, à la paix, à l'harmonie et<br />

offre pour vos yeux une inoubliable note de<br />

poésie et de féerie.<br />

Brigitte TAVEAU<br />

L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004

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