Témoignage - Malgré-Nous
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<strong>Témoignage</strong>s<br />
Les incorporés de force face à leur destin<br />
Plaque d’identification de Pierre Roesch au RAD.<br />
(coll. Roesch)<br />
6<br />
que mes parents s’inquiétaient de ne pas<br />
avoir de mes nouvelles et j’ai eu droit à une<br />
engueulade. En fait, j’avais déjà écrit quatre<br />
lettres qui sont arrivées plus tard, toutes en<br />
même temps! J’ai appris par mes parents que<br />
les lettres étaient ouvertes et leur contenu<br />
contrôlé.<br />
A Leibniz, nous allions au bistrot le dimanche,<br />
pendant nos deux heures de liberté.<br />
<strong>Nous</strong> étions sous la surveillance discrète d’un<br />
kapo qui nous observait à travers un trou<br />
pratiqué dans son journal! Lors d’une réunion<br />
du parti nazi à Leibniz, nous avions été<br />
convoqué pour encadrer la manifestation.<br />
<strong>Nous</strong> étions debout autour de la salle. C’est<br />
là que le Kreisleiter a annoncé la destruction<br />
de la cathédrale de Strasbourg et, après qu’il<br />
ait fustigé les habitants pour la guerre totale,<br />
nous avons trouvé les Autrichiens plus nazis<br />
que les Bavarois. Sans doute la nostalgie de<br />
l’Empire austro-hongrois restauré par les<br />
Nazis y était-elle pour quelque chose. Toujours<br />
est-il qu’ils applaudissaient à tout rompre,<br />
les larmes aux yeux. <strong>Nous</strong> étions surpris!<br />
Berlin en ruine<br />
A Leibniz, le 6 septembre 1944, on nous a<br />
jeté du lit à 5 heures du matin. Surprise: on<br />
nous a informés d’une mission de 48 heures<br />
à Berlin, en train aller-retour. <strong>Nous</strong> étions à<br />
dix pour aller chercher 40 fusils de chasse. Le<br />
voyage s’est fait par Linz, Prague, Dresde et<br />
Berlin en ruine!<br />
En sortant du train, nous avons pris le métro<br />
(U-Bahn). <strong>Nous</strong> avons été hébergés au camp<br />
RAD de Bestensee. Après avoir réceptionné<br />
les fusils dans un château, au nord de Berlin,<br />
nous sommes repartis en train pour Leibniz<br />
dans la nuit. Ce qui nous avait frappé, c’était<br />
la vision chaotique de la capitale allemande.<br />
Plus aucune maison n’était debout et, pourtant,<br />
la discipline des Allemands était intacte.<br />
Leur attitude en pareille situation était<br />
surprenante. En cas d’alerte, ils se réfugiaient<br />
dans d’immenses bunkers souterrains. Sinon,<br />
les habitants étaient dehors, mais ils ne s’attroupaient<br />
pas. Ils se croisaient rapidement,<br />
comme des fourmis, pour aller se ravitailler.<br />
Et les gares et les trains fonctionnaient. Dans<br />
le train, nous avons discuté avec des pilotes