Éducation thérapeutique du patient Comment améliorer le ... - Sfar
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n° 23 avril 2011<br />
VIGILANCE<br />
<strong>É<strong>du</strong>cation</strong> <strong>thérapeutique</strong><br />
<strong>du</strong> <strong>patient</strong><br />
<strong>Comment</strong> <strong>améliorer</strong><br />
<strong>le</strong> confort <strong>du</strong> <strong>patient</strong><br />
en réanimation ?<br />
Faut-il avoir peur de la<br />
liste des 77 médicaments<br />
de l’Afssaps ?<br />
Indicateur DAN : résultats<br />
<strong>du</strong> recueil national 2009
PHOTO L&C<br />
L’actualité de la SFAR est, en ce début d’année 2011, toujours plus<br />
riche, toujours plus prenante, toujours plus enthousiasmante. Parmi <strong>le</strong>s<br />
axes de réf<strong>le</strong>xion qui sont discutés au Conseil d’Administration, il en est<br />
un auquel je tiens tout particulièrement, c’est <strong>le</strong> souci de se mettre à<br />
l’écoute des plus jeunes de nos collègues, qu’ils soient encore en formation<br />
ou qu’ils soient déjà entrés dans la vie active.<br />
Lors <strong>du</strong> Congrès national 2010, nous avions mis une sal<strong>le</strong> à <strong>le</strong>ur<br />
disposition, afin qu’ils puissent débattre et échanger de <strong>le</strong>urs problématiques<br />
spécifiques. Pour y avoir été, j’ai retenu deux aspects différents<br />
de <strong>le</strong>urs attentes : l’un, très « professionnel », qui <strong>le</strong>ur est spécifique<br />
puisqu’en rapport avec l’évolution de <strong>le</strong>ur cursus d’internat et de<br />
post-internat mais qui reste sans lien direct avec la société savante ;<br />
l’autre, plus participatif, plus en accord avec l’idée de pouvoir s’impliquer<br />
au sein de la SFAR.<br />
L’intérêt pour notre Société est fondamental : l’objectif n’est pas la représentativité<br />
de tel<strong>le</strong> ou tel<strong>le</strong> composante, ou la nécessité d’augmenter <strong>le</strong><br />
nombre de mandants. Il me semb<strong>le</strong> que l’intérêt premier pour notre<br />
Société est <strong>le</strong> besoin de fraîcheur, d’enthousiasme, d’énergie, d’imagination,<br />
de créativité, voire d’audace. Comme avec <strong>le</strong>s <strong>patient</strong>s, il importe<br />
de s’intéresser à <strong>le</strong>urs attentes plutôt que de penser à <strong>le</strong>ur place, d’avoir<br />
des membres actifs/acteurs plutôt que des mandants captifs/passifs.<br />
Bref, se remettre en question sous <strong>le</strong> regard critique et avec l’aide de<br />
ceux qui ont fina<strong>le</strong>ment pour eux <strong>le</strong>ur « naïveté » mais aussi, et surtout,<br />
l’absence de tout conflit d’intérêt.<br />
La première « mesurette » a été de <strong>le</strong>ur permettre de devenir membre de<br />
la SFAR, pour un tarif réaliste de 10 euros à l’année, tout en notant qu’il<br />
ne <strong>le</strong>ur est plus demandé de prendre l’abonnement à la revue.<br />
L’animation d’un groupe de réf<strong>le</strong>xion a été confiée à Xavier Capdevila<br />
de Montpellier, membre <strong>du</strong> Bureau de la SFAR. Il est convenu de<br />
dégager un espace de discussion qui soit sans exigence pour que <strong>le</strong>s<br />
« jeunes » de la spécialité puissent s’exprimer, entre eux d’abord, et<br />
nous rapporter ensuite au Conseil d’Administration <strong>le</strong>urs attentes,<br />
<strong>le</strong>urs besoins, <strong>le</strong>urs désirs. Quel<strong>le</strong> pourrait être <strong>le</strong>ur place au sein<br />
d’une Société qui ne saurait évoluer sans qu’ils agissent en son sein<br />
même ? Xavier Capdevila et sa brigade légère ne manqueront pas de<br />
vous informer <strong>du</strong> fruit de cette réf<strong>le</strong>xion dans <strong>le</strong> prochain numéro de<br />
notre magazine.<br />
LAURENT JOUFFROY,<br />
PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE<br />
D’ANESTHÉSIE ET DE RÉANIMATION
PHOTO DR<br />
Éditorial<br />
LE MAGAZINE<br />
DE LA SFAR<br />
VIGILANCE<br />
La santé est à la fois l’état sanitaire d’une population et l’ensemb<strong>le</strong> des moyens<br />
col<strong>le</strong>ctifs susceptib<strong>le</strong>s de soigner et d’<strong>améliorer</strong> <strong>le</strong>s conditions de vie. Depuis <strong>le</strong><br />
XVIII e sièc<strong>le</strong>, la maladie a progressivement cessé d’être considérée comme une<br />
fatalité, et la santé est devenue un sujet de préoccupation socia<strong>le</strong> et un droit que<br />
<strong>le</strong>s États se doivent de garantir. Les sommes en jeu dans <strong>le</strong> domaine de la santé<br />
sont considérab<strong>le</strong>s, tant pour <strong>le</strong>s coûts in<strong>du</strong>its par <strong>le</strong>s maladies que par <strong>le</strong> marché<br />
des soins et des médicaments : en 2002, <strong>le</strong> marché mondial <strong>du</strong> médicament a<br />
été évalué à 430,3 milliards de dollars, contre 220 milliards en 1992. Le marché<br />
pharmaceutique a augmenté de 203 milliards d’euros et la consommation médica<strong>le</strong><br />
progresse plus rapidement que <strong>le</strong> PIB dans <strong>le</strong>s pays développés.<br />
Aujourd’hui, ces dépenses de santé, compte tenu en particulier de l’allongement<br />
de l’espérance de vie et son corollaire la dépendance, sont perçues dans nos sociétés<br />
modernes comme une fatalité et une charge pour la nation qui ne sait à quel saint se vouer pour <strong>le</strong>s<br />
freiner. Pour s’en convaincre faci<strong>le</strong>ment, il n’est que d’entendre <strong>le</strong> discours des dirigeants, de la classe politique<br />
et des médias, et que de constater <strong>le</strong>s remises en cause, partiel<strong>le</strong>s pour l’instant, des prises en charge des<br />
dépenses de santé et l’encadrement drastique des plateaux techniques pour contingenter ces mêmes dépenses.<br />
Curieusement, dans <strong>le</strong> pays <strong>le</strong> plus visité au monde (60 000 000 de touristes par an), un phénomène<br />
semb<strong>le</strong> avoir échappé sauf à quelques économistes* : celui des migrations sanitaires ou <strong>du</strong> tourisme<br />
médical comme disent <strong>le</strong>s présentateurs des chaînes peop<strong>le</strong> plus préoccupés d’implants dentaires ou<br />
de prothèses siliconées en hard discount que de l’efficacité de notre santé.<br />
Quelques chiffres pour s’en convaincre :<br />
– <strong>le</strong>s remboursements à la Sécurité socia<strong>le</strong> française par <strong>le</strong>s pays de la CEE pour <strong>le</strong>urs ressortissants<br />
hospitalisés en France représentent l’équiva<strong>le</strong>nt de 10 Airbus par an hors toutes dépenses liées à <strong>le</strong>ur<br />
présence sur notre territoire… ;<br />
– <strong>le</strong> coût de la pose d’une prothèse orthopédique aux États-Unis est estimé à 60 000 dollars alors qu’en<br />
France, en incluant l’ensemb<strong>le</strong> des charges de transfert <strong>du</strong> <strong>patient</strong>, <strong>le</strong>s honoraires des praticiens et<br />
l’ensemb<strong>le</strong> de l’hospitalisation, el<strong>le</strong> ne serait que de 15 à 20 000 euros.<br />
Dans un pays disposant d’une formation de qualité à tous <strong>le</strong>s étages <strong>du</strong> système de santé, de plateaux<br />
techniques modernes parfois sous-employés, il y a sans doute là une réf<strong>le</strong>xion à développer…<br />
Plus encore, de nombreux pays de l’ancienne Communauté française, comme <strong>le</strong> Maroc ou la Tunisie,<br />
ont de réels besoins sanitaires et, dans des situations aiguës et devant <strong>le</strong>s difficultés à hospitaliser <strong>le</strong>urs<br />
<strong>patient</strong>s sur notre territoire, ils se tournent vers des pays plus avancés de cette même ex-communauté…<br />
Une caractéristique de ces pays en voie de développement est <strong>le</strong>ur relative richesse en matières<br />
premières mais, s’il est diffici<strong>le</strong> d’échanger une dialyse ou une chimiothérapie contre une tonne de minerais,<br />
<strong>le</strong> troc est plus faci<strong>le</strong> à l’étage des nations, comme semb<strong>le</strong> l’avoir compris depuis longtemps avec<br />
la médecine cubaine, Fidel Castro qui n’a rien d’un économiste néolibéral…<br />
Une tel<strong>le</strong> stratégie sanitaire, sans déroger à l’éthique, serait sans doute un moyen de valoriser notre système<br />
de santé et de maintenir des liens forts et uti<strong>le</strong>s avec d’autres pays. Mais cela supposerait des ambitions à développer,<br />
des mentalités à changer, et peut-être des statuts à modifier afin que tous y trouvent satisfaction.<br />
Il y a sans doute là une réf<strong>le</strong>xion à développer et des manches à retrousser…<br />
MARC GENTILI, MEMBRE DU COMITÉ ÉDITORIAL<br />
* Philippe Askenazy<br />
AVRIL 2011 VIGILANCE N° 23 3
VIGILANCE<br />
VIGILANCE<br />
<strong>le</strong> Magazine de la SFAR<br />
74, rue Raynouard, 75016 Paris<br />
Directeur de la publication :<br />
Dan Benhamou<br />
Rédaction<br />
Secrétaire de rédaction :<br />
Jean-Marc Malinovsky<br />
Comité éditorial :<br />
Anissa Belbachir<br />
Dominique Chassard<br />
Marie-Laure Cittanova<br />
Jean-Marc Dumeix<br />
Marc Gentili<br />
Catherine Huraux<br />
Édition technique<br />
Éditions Scientifiques L&C<br />
122, avenue <strong>du</strong> Général Lec<strong>le</strong>rc<br />
75014 Paris<br />
Directeur des publications :<br />
Dr Pierric Couturier<br />
Coordination, suivi technique :<br />
Karine Demoux<br />
Re<strong>le</strong>cture :<br />
Manuella Montanary<br />
Pro<strong>du</strong>ction<br />
Conception graphique,<br />
mise en pages :<br />
Jacques Michel<br />
Illustration :<br />
Thierry Duchesne<br />
Image de couverture :<br />
<strong>É<strong>du</strong>cation</strong> <strong>thérapeutique</strong> <strong>du</strong> <strong>patient</strong><br />
(photo Jean-Christophe Pratt)<br />
Impression (UE) :<br />
Sagrafic,<br />
Plaza Urquinaona 14-7,3a<br />
08010 Barcelone (Espagne)<br />
Achevé d’imprimer en mai 2011<br />
Dépôt légal : mai 2011<br />
ISSN : 1960-2324<br />
www.editions-scientifiques.com<br />
info@editions-scientifiques.com<br />
LE MAGAZINE<br />
DE LA SFAR<br />
4 VIGILANCE N° 23 AVRIL 2011<br />
Agenda<br />
18 MAI 2011<br />
Journée monothématique de la SFAR<br />
Prise en charge périopératoire de la personne âgée :<br />
exemp<strong>le</strong> de la fracture <strong>du</strong> col fémoral<br />
HEGP, Paris 15 e<br />
25-28 MAI 2011<br />
29 e MAPAR<br />
Centre de congrès de la Cité des sciences et de<br />
l’in<strong>du</strong>strie, La Vil<strong>le</strong>tte, Paris 19 e<br />
11-14 JUIN 2011<br />
Euroanaesthesia 2011<br />
Congrès de l’European Society of Anaesthesiology<br />
(ESA)<br />
Amsterdam, Pays-Bas<br />
28-29 JUIN 2011<br />
Journées internationa<strong>le</strong>s de neuroréanimation<br />
Palais des congrès de Versail<strong>le</strong>s, Yvelines (78)<br />
21-24 SEPTEMBRE 2011<br />
Congrès national de la SFAR<br />
Palais des congrès, Paris 17e
Sommaire<br />
N° 23 avril 2011<br />
Dossier<br />
Consultation é<strong>du</strong>cative pour <strong>le</strong> <strong>patient</strong> 6<br />
JANINE-SOPHIE GIRAUDET-LE QUINTREC, ANISSA BELBACHIR<br />
L’é<strong>du</strong>cation <strong>thérapeutique</strong> <strong>du</strong> <strong>patient</strong> : 8<br />
une nouvel<strong>le</strong> approche dans la dou<strong>le</strong>ur chronique.<br />
Exemp<strong>le</strong> de l’arthrose<br />
SERGE PERROT<br />
<strong>É<strong>du</strong>cation</strong> <strong>thérapeutique</strong> <strong>du</strong> <strong>patient</strong>. Exemp<strong>le</strong> <strong>du</strong> diabète 10<br />
ANDRÉ GRIMALDI<br />
<strong>Comment</strong> <strong>améliorer</strong> <strong>le</strong> confort <strong>du</strong> <strong>patient</strong> en réanimation ? 12<br />
JEAN-FRANÇOIS PAYEN<br />
Mortalité maternel<strong>le</strong> d’origine anesthésique en France : 14<br />
bilan 2001-2006<br />
DOMINIQUE CHASSARD, FRÉDÉRIC MERCIER, DANIEL FILLETTE<br />
À la loupe<br />
Faut-il avoir peur de la liste des 77 médicaments 17<br />
de l’Afssaps ?<br />
CHARLES-MARC SAMAMA<br />
Courrier de l’Afssaps aux professionnels de santé 18<br />
Matériels et sécurité : bilan de la matériovigilance 19<br />
LAURENT BEYDON<br />
Nouvel<strong>le</strong>s technologies<br />
L’analgesia nociception index : un moniteur 21<br />
de la balance analgésie/nociception<br />
MATHIEU JEANNE, RÉGIS LOGIER, BENOÎT TAVERNIER<br />
Vie de la Société<br />
Indicateur de tenue <strong>du</strong> dossier anesthésique : résultats 23<br />
<strong>du</strong> recueil national 2009<br />
ANNE LE NOËL, YVES AUROY, MARC DAHLET, BÉATRICE EON,<br />
LAURENT JOUFFROY, JACQUES FUSCIARDI, DAN BENHAMOU<br />
Que répondre ?<br />
Que répondre à un <strong>patient</strong> qui a peur de perdre 26<br />
des cheveux après une anesthésie ?<br />
DOMINIQUE CHASSARD<br />
PHOTO DR<br />
© L&C<br />
LE MAGAZINE<br />
DE LA SFAR<br />
VIGILANCE<br />
Consultation<br />
é<strong>du</strong>cative<br />
pour <strong>le</strong> <strong>patient</strong><br />
AVRIL 2011 VIGILANCE N° 23 5<br />
PHOTO JEAN-CHRISTOPHE PRATT<br />
Améliorer<br />
<strong>le</strong> confort<br />
<strong>du</strong> <strong>patient</strong><br />
Que répondre ?<br />
PHOTO DR
DOSSIER<br />
Consultation é<strong>du</strong>cative<br />
pour <strong>le</strong> <strong>patient</strong><br />
Consultation é<strong>du</strong>cative<br />
pour <strong>le</strong> <strong>patient</strong> PHOTO<br />
ENDANT une consultation médica<strong>le</strong>, en prévision<br />
d’une intervention chirurgica<strong>le</strong>, beaucoup d’informations<br />
sont données mais peu sont perçues à<br />
cause de <strong>le</strong>ur abondance et <strong>du</strong> climat d’inquiétude,<br />
voire de stress, ressenti par <strong>le</strong> <strong>patient</strong>.<br />
De plus, une consultation est limitée dans <strong>le</strong> temps et il est<br />
très fréquent, pour <strong>le</strong> <strong>patient</strong>, que des interrogations surgissent<br />
ensuite et demeurent sans réponse.<br />
Les consultations é<strong>du</strong>catives pluridisciplinaires, créées en<br />
1992, ont représenté une véritab<strong>le</strong> nouveauté dans l’information<br />
<strong>du</strong> <strong>patient</strong> et ont beaucoup évolué depuis. Leur impact<br />
a été évalué par une étude scientifique publiée en 2003 (1) P<br />
qui<br />
a montré que l’é<strong>du</strong>cation préopératoire diminuait l’anxiété, la<br />
dou<strong>le</strong>ur postopératoire, et améliorait la reprise de fonction.<br />
PROBLÉMATIQUE ET CONTEXTE<br />
Les rhumatismes chroniques, en particulier l’arthrose, affectent<br />
la qualité de vie des personnes et sont responsab<strong>le</strong>s de<br />
complications fréquentes, de situations de handicap et d’absentéisme.<br />
Le Plan 2007-2011 pour l’amélioration de la<br />
qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques,<br />
publié par <strong>le</strong> ministère de la Santé au mois d’avril<br />
2007, a souligné la nécessité d’<strong>améliorer</strong> la prise en charge<br />
des personnes atteintes de tel<strong>le</strong>s maladies en développant<br />
notamment des programmes d’é<strong>du</strong>cation <strong>thérapeutique</strong>.<br />
Pour sa part, la HAS recommande de mettre à disposition<br />
des <strong>patient</strong>s chroniques des programmes d’é<strong>du</strong>cation <strong>thérapeutique</strong><br />
structurés.<br />
Le pô<strong>le</strong> ostéoarticulaire de l’Hôpital Cochin, l’Hôtel-Dieu et<br />
l’hôpital Broca disposent de moyens logistiques et pédagogiques<br />
propres à assurer des activités é<strong>du</strong>catives répondant<br />
aux critères de qualité fixés par la HAS : des locaux adéquats<br />
(sal<strong>le</strong> de staff pour <strong>le</strong>s séances col<strong>le</strong>ctives et box de consultations<br />
pour <strong>le</strong>s entretiens indivi<strong>du</strong>els) et des outils é<strong>du</strong>catifs<br />
adaptés (brochures é<strong>du</strong>catives et diaporamas). Ces derniers<br />
sont élaborés par des équipes multidisciplinaires : chirurgiens,<br />
anesthésistes-réanimateurs et réé<strong>du</strong>cateurs. L’hygiène de vie et<br />
<strong>le</strong> risque infectieux, quant à eux, seront traités en collaboration<br />
avec <strong>le</strong>s associations de malades et <strong>le</strong> CLIN de Cochin.<br />
Dans ce contexte, nous proposons un programme pour<br />
<strong>le</strong>s <strong>patient</strong>s souffrant d’arthrose de la hanche et/ou <strong>du</strong><br />
6 VIGILANCE N° 23 AVRIL 2011<br />
DR<br />
genou et nécessitant une intervention<br />
chirurgica<strong>le</strong> avec mise en place d’une<br />
prothèse.<br />
Ce projet, original et innovant, correspond<br />
aux axes prioritaires actuels et <strong>le</strong>s<br />
rassem b<strong>le</strong> en une unité de lieu :<br />
– information (loi <strong>du</strong> 04/03/02) (2 ) ;<br />
– é<strong>du</strong>cation des <strong>patient</strong>s (HAS 2007 –<br />
Loi HPST 2008 – Décrets 2010) (3-5) ;<br />
– prévention des infections (Programme<br />
national de lutte contre <strong>le</strong>s infections<br />
nosocomia<strong>le</strong>s 2005-2008) (6) ;<br />
– amélioration continue de la qualité<br />
des soins.<br />
Il permet une coordination transversa<strong>le</strong> et interdisciplinaire<br />
des professionnels de santé, en collaboration avec <strong>le</strong>s médecins<br />
de vil<strong>le</strong>, et <strong>le</strong>s soins de suite au service <strong>du</strong> <strong>patient</strong>.<br />
Les objectifs spécifiques de ce programme sont :<br />
– l’acquisition de connaissances, de compétences, pour un<br />
changement des habitudes <strong>du</strong> <strong>patient</strong> ;<br />
– une nouvel<strong>le</strong> hygiène de vie ;<br />
– de nouveaux comportements dans la vie quotidienne.<br />
L’impact final atten<strong>du</strong> est une réhabilitation précoce grâce<br />
aux moyens analgésiques qui permettent une réé<strong>du</strong>cation<br />
moins douloureuse et un <strong>le</strong>ver rapide, une diminution<br />
globa<strong>le</strong> <strong>du</strong> risque infectieux opératoire, qui reste <strong>le</strong> facteur<br />
essentiel de la politique de qualité des soins.<br />
Ce programme d’é<strong>du</strong>cation <strong>thérapeutique</strong> <strong>du</strong> <strong>patient</strong> (ETP)<br />
devrait permettre d’<strong>améliorer</strong> <strong>le</strong>s pratiques par l’implication<br />
des <strong>patient</strong>s dans la prévention <strong>du</strong> risque infectieux.<br />
À l’hôpital, <strong>le</strong> risque infectieux est omniprésent, et plus<br />
particulièrement en orthopédie. On admet communément,<br />
qu’en France, 6 % à 7 % des hospitalisations sont compliquées<br />
par une infection nosocomia<strong>le</strong> plus ou moins grave,<br />
soit environ 750 000 cas sur <strong>le</strong>s 15 millions d’hospitalisations<br />
annuel<strong>le</strong>s. La mortalité par infections nosocomia<strong>le</strong>s<br />
serait comprise entre 10 000 et 20 000 décès par an. La<br />
prévention de ce risque est donc fondamenta<strong>le</strong>.<br />
Un dispositif spécifique visant à organiser la lutte contre <strong>le</strong>s<br />
infections nosocomia<strong>le</strong>s au niveau local, régional et national<br />
a d’ail<strong>le</strong>urs été créé, des recommandations de bonnes<br />
pratiques ont été élaborées et diffusées, et un système<br />
national de surveillance épidémiologique et de signa<strong>le</strong>ment<br />
des événements « sentinel<strong>le</strong>s » a été mis en place.<br />
La mise en place de mesures spécifiques destinées à<br />
renforcer la prévention et la gestion <strong>du</strong> risque infectieux<br />
in<strong>du</strong>it par <strong>le</strong>s arthroplasties est fondamenta<strong>le</strong>.<br />
POPULATION CIBLE, NOMBRE DE PATIENTS<br />
PRIS EN CHARGE EN ETP EN 2009<br />
Ce programme est proposé en ambulatoire dans <strong>le</strong> service<br />
d’orthopédie et s’adresse systématiquement aux <strong>patient</strong>s<br />
<strong>du</strong> service souffrant de coxarthrose, de gonarthrose et<br />
candidats à la chirurgie prothétique.<br />
Les <strong>patient</strong>s sont informés de l’existence <strong>du</strong> programme par
voie d’affichage à la consultation et par courrier. Une<br />
inscription est demandée. Ils sont libres de refuser d’y<br />
participer et peuvent quitter la séance à tout moment. Les<br />
proches <strong>du</strong> <strong>patient</strong> peuvent y participer.<br />
Le programme accueil<strong>le</strong> environ 420 <strong>patient</strong>s par an.<br />
Le pô<strong>le</strong> ostéoarticulaire <strong>du</strong> CHU Cochin Paris a obtenu un<br />
financement au titre des Missions d’intérêt général et d’aide<br />
à la contractualisation (MIGAC) en 2010.<br />
ORGANISATION DES SÉANCES<br />
Le programme a été établi à partir d’entretiens auprès des<br />
<strong>patient</strong>s, afin de répondre à <strong>le</strong>urs besoins, à <strong>le</strong>urs attentes<br />
et à <strong>le</strong>urs craintes. Il est évolutif et amélioré régulièrement<br />
selon <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s données scientifiques et <strong>le</strong>s questions<br />
ou craintes des <strong>patient</strong>s.<br />
En 2008, nous avons proposé deux séances au lieu d’une<br />
seu<strong>le</strong>, pour développer en parallè<strong>le</strong> un programme complémentaire<br />
de prévention <strong>du</strong> risque infectieux à l’hôpital. Le<br />
programme a été élaboré avec Le Lien, association de<br />
défense des <strong>patient</strong>s et des usagers de la santé, dont l’action<br />
s’exerce dans <strong>le</strong> cadre de la lutte contre <strong>le</strong>s infections<br />
nosocomia<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s accidents médicaux.<br />
Les dates prévisionnel<strong>le</strong>s des séances sont proposées tous <strong>le</strong>s<br />
6 mois par l’équipe et adaptées aux vacances, grèves et congés.<br />
Le programme ambulatoire repose actuel<strong>le</strong>ment sur deux<br />
interventions consécutives et complémentaires chaque mois.<br />
Il s’agit de séances col<strong>le</strong>ctives (groupe de 20 à 30 <strong>patient</strong>s)<br />
organisées deux fois par mois (à une semaine d’interval<strong>le</strong>) <strong>le</strong><br />
vendredi de 14 h à 17 h, par une équipe multidisciplinaire<br />
comprenant une infirmière, un rhumatologue, un chirurgien,<br />
un anesthésiste-réanimateur et une diététicienne.<br />
Première séance col<strong>le</strong>ctive<br />
Les formations sont assurées par <strong>le</strong>s spécialistes respectifs :<br />
– <strong>le</strong>s pathologies articulaires (rhumatologue) ;<br />
– la chirurgie prothétique des membres inférieurs, <strong>le</strong>s pro -<br />
thèses, <strong>le</strong>s techniques, <strong>le</strong>s bénéfices et risques et <strong>le</strong> suivi<br />
postopératoire (chirurgien) ;<br />
– <strong>le</strong>s différents types d’anesthésie, la consultation préalab<strong>le</strong>,<br />
<strong>le</strong>s complications thromboemboliques, la transfusion et <strong>le</strong>s<br />
techniques analgésiques (anesthésiste-réanimateur) ;<br />
– <strong>le</strong>s points pratiques (infirmière) ;<br />
– la réé<strong>du</strong>cation (kinésithérapeute).<br />
Seconde séance col<strong>le</strong>ctive<br />
Prévention <strong>du</strong> risque infectieux lié aux soins :<br />
– infections liées aux soins (chirurgien, présidente <strong>du</strong> CLIN) ;<br />
– prévention et hygiène (infirmière) ;<br />
– atelier hygiène des mains (infirmière) ;<br />
– hygiène alimentaire (diététicienne).<br />
Ces séances d’é<strong>du</strong>cation <strong>thérapeutique</strong> sont col<strong>le</strong>ctives,<br />
pour l’acquisition des connaissances, des compétences<br />
d’auto-soins et d’adaptation. El<strong>le</strong>s favorisent <strong>le</strong>s échanges<br />
entre <strong>le</strong>s <strong>patient</strong>s et avec l’équipe.<br />
Un guide d’entretien pour envisager un diagnostic é<strong>du</strong>catif<br />
indivi<strong>du</strong>el et un dossier d’é<strong>du</strong>cation (traçabilité) sont en<br />
cours d’élaboration.<br />
Consultation é<strong>du</strong>cative<br />
pour <strong>le</strong> <strong>patient</strong><br />
DOSSIER<br />
COORDINATION DE L’ÉQUIPE<br />
El<strong>le</strong> se fait comme suit :<br />
– rédaction <strong>du</strong> diaporama avec <strong>le</strong>s associations et révision<br />
régulière ;<br />
– préparation <strong>du</strong> programme et synthèse de chaque<br />
programme é<strong>du</strong>catif mensuel (2 séances par mois) ;<br />
– réunions régulières de mise au point pour <strong>améliorer</strong> <strong>le</strong><br />
contenu et <strong>le</strong> dérou<strong>le</strong>ment des séances ;<br />
– participation aux réunions d’ETP organisées au sein <strong>du</strong> pô<strong>le</strong> ;<br />
– formations extérieures ;<br />
– participation aux congrès spécifiques d’ETP ;<br />
– réunions FETCH (Fédération d’ETP Cochin-Hôtel-Dieu-Broca).<br />
COORDINATION AVEC LES AUTRES ACTEURS<br />
DU PARCOURS DE SOINS<br />
Les chirurgiens et <strong>le</strong>s anesthésistes-réanimateurs sont<br />
informés de la participation des <strong>patient</strong>s au programme.<br />
La réalisation d’un compte ren<strong>du</strong> spécifique et <strong>le</strong> dossier de<br />
traçabilité (fiche d’identité, entretien, évaluation) sont en<br />
cours d’élaboration.<br />
CONCLUSION<br />
Il s’agit d’une démarche d’établissement associant des<br />
professionnels de terrain, des hygiénistes et <strong>le</strong>s associations<br />
de malades.<br />
L’impact de ce programme é<strong>du</strong>catif sur l’organisation des<br />
soins, sur <strong>le</strong>s dynamiques professionnel<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s collaborations<br />
transdisciplinaires pourra être évalué dans un second temps.<br />
La complémentarité avec <strong>le</strong>s acteurs de santé <strong>du</strong> secteur<br />
extrahospitalier permettra la continuité des soins (médecins<br />
traitants, réseaux vil<strong>le</strong>-hôpital...). Á<br />
JANINE-SOPHIE GIRAUDET-LE QUINTREC<br />
RHUMATOLOGUE<br />
janine-sophie.<strong>le</strong>quintrec@cch.aphp.fr<br />
ANISSA BELBACHIR<br />
ANESTHÉSISTE-RÉANIMATEUR<br />
SERVICE DE CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE<br />
GH COCHIN-HÔTEL-DIEU-BROCA<br />
anissa.belbachir@cch.aphp.fr<br />
RÉFÉRENCES<br />
1. Giraudet-Le Quintrec JS, Coste J, Vastel L et al. Positive effect of <strong>patient</strong> e<strong>du</strong>cation<br />
for hip surgery. A randomized trial. Clin Orthop Relat Res 2003 ; 414 : 112-120.<br />
2. Loi n° 2002-303 <strong>du</strong> 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité<br />
<strong>du</strong> système de santé.<br />
3. Haute Autorité de Santé, Institut National de Prévention et d’<strong>É<strong>du</strong>cation</strong> à la<br />
Santé. Structuration d’un programme d’é<strong>du</strong>cation <strong>thérapeutique</strong> dans <strong>le</strong> champ<br />
des maladies chroniques. Guide méthodologique, juin 2007.<br />
4. Loi n° 2009-879 <strong>du</strong> 21 juil<strong>le</strong>t 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux<br />
<strong>patient</strong>s, à la santé et aux territoires (1).<br />
5. Décret n° 2010-904 <strong>du</strong> 2 août 2010 relatif aux conditions d’autorisation des<br />
programmes d’é<strong>du</strong>cation <strong>thérapeutique</strong> <strong>du</strong> <strong>patient</strong>. Décret n° 2010-906 <strong>du</strong> 2 août 2010<br />
relatif aux compétences requises pour dispenser l’é<strong>du</strong>cation <strong>thérapeutique</strong> <strong>du</strong> <strong>patient</strong>.<br />
6. Ministère de la Santé et de la Protection socia<strong>le</strong>. Programme national de lutte<br />
contre <strong>le</strong>s infections nosocomia<strong>le</strong>s 2005-2008.<br />
AVRIL 2011 VIGILANCE N° 23 7
DOSSIER<br />
L’é<strong>du</strong>cation <strong>thérapeutique</strong> <strong>du</strong> <strong>patient</strong> : une nouvel<strong>le</strong> approche<br />
dans la dou<strong>le</strong>ur chronique. Exemp<strong>le</strong> de l’arthrose<br />
Les éditeurs de Vigilance souhaitent montrer la complémentarité des deux textes suivants d'une part, et l'importance qu'ils<br />
attachent aux nouveaux processus de « médecine qualitative » d’autre part. Ils attirent donc l'attention des <strong>le</strong>cteurs de la<br />
revue sur ces publications qui permettent d'entrevoir un nouveau mode d'exercice de la médecine.<br />
La médecine « quantitative » est cel<strong>le</strong> que nous connaissons aujourd'hui en Occident, fondée sur la preuve scientifique,<br />
et qui exige des résultats à la fois chiffrés mais aussi comparés grâce à l'emploi de méthodes statistiques validées.<br />
La médecine « qualitative » aura, certes, <strong>le</strong>s mêmes exigences scientifiques (il faudra toujours démontrer l'efficacité des<br />
stratégies développées) mais el<strong>le</strong> relèvera plus des sciences psychosocia<strong>le</strong>s. Cette médecine « qualitative » s'oppose en<br />
apparence dans <strong>le</strong> concept mais pas dans <strong>le</strong> but puisque l'objectif reste bien d'<strong>améliorer</strong> la santé des <strong>patient</strong>s.<br />
L'é<strong>du</strong>cation <strong>thérapeutique</strong> est un enjeu de santé publique et représentera une arme sans doute importante. Même si el<strong>le</strong><br />
joue probab<strong>le</strong>ment un rô<strong>le</strong> moindre en anesthésie et en réanimation que dans <strong>le</strong>s spécialités qui prennent en charge des<br />
pathologies chroniques, el<strong>le</strong> s'adresse directement à nos <strong>patient</strong>s présentant une dou<strong>le</strong>ur chronique, par exemp<strong>le</strong>.<br />
El<strong>le</strong> s'adresse aussi aux anesthésistes-réanimateurs dans <strong>le</strong>ur pratique quotidienne car la médecine<br />
« qualitative » inscrit <strong>le</strong> <strong>patient</strong> comme acteur de sa propre santé et <strong>le</strong> place<br />
au centre <strong>du</strong> soin (<strong>patient</strong> centered-care).<br />
L’é<strong>du</strong>cation <strong>thérapeutique</strong> <strong>du</strong> <strong>patient</strong> :<br />
une nouvel<strong>le</strong> approche<br />
dans la dou<strong>le</strong>ur chronique<br />
Exemp<strong>le</strong> de l’arthrose<br />
L<br />
A DOULEUR chronique est une des pathologies<br />
chroniques invalidantes <strong>le</strong>s plus fréquentes, bien<br />
que souvent mal identifiée en tant que tel<strong>le</strong>. Selon<br />
la définition <strong>du</strong> rapport OMS-Europe publié en<br />
1996, l’é<strong>du</strong>cation <strong>thérapeutique</strong> <strong>du</strong> <strong>patient</strong> (ETP)<br />
« vise à aider <strong>le</strong>s <strong>patient</strong>s à acquérir ou maintenir <strong>le</strong>s<br />
compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux<br />
<strong>le</strong>ur vie avec une maladie chronique ». Depuis plusieurs<br />
années, de nombreuses pathologies chroniques comme <strong>le</strong><br />
diabète, <strong>le</strong>s maladies cardiovasculaires ou <strong>le</strong>s bronchopathies<br />
chroniques ont fait l’objet de programmes d’ETP. En<br />
rhumatologie, c’est surtout la polyarthrite rhumatoïde qui a<br />
fait l’objet de nombreux travaux, depuis la fin des années<br />
1980 (1) , <strong>le</strong>s programmes étant moins développés dans la<br />
dou<strong>le</strong>ur. Néanmoins, ce retard à rattraper fait aujourd’hui la<br />
vitalité de la recherche en ETP dans <strong>le</strong>s pathologies douloureuses<br />
chroniques, et notamment dans l’arthrose.<br />
QUELS OBJECTIFS POUR L’ETP DANS LA<br />
DOULEUR CHRONIQUE DE L’ARTHROSE ?<br />
La prise en charge de la dou<strong>le</strong>ur de l’arthrose est un<br />
problème comp<strong>le</strong>xe, autant lié au terrain (population<br />
souvent âgée), qu’aux multip<strong>le</strong>s symptômes associés<br />
8 VIGILANCE N° 23 AVRIL 2011<br />
(handicap) et à la nécessité de mettre en place des<br />
approches multidisciplinaires. Dans l’arthrose, des<br />
programmes d’ETP ont donc été développés essentiel<strong>le</strong>ment<br />
pour :<br />
– coordonner la prise en charge multidisciplinaire : traitements<br />
symptomatiques, traitements locaux, approches<br />
physiques, psychosocia<strong>le</strong>s, diététiques, orthèses et aides<br />
à la marche, pour gérer la prise en charge des symptômes<br />
en fonction des objectifs <strong>du</strong> <strong>patient</strong> (la dou<strong>le</strong>ur, <strong>le</strong><br />
handicap, <strong>le</strong> retentissement social, physique, professionnel,<br />
etc.) ;<br />
– gérer la toxicité éventuel<strong>le</strong> des traitements antalgiques<br />
utilisés, en particulier <strong>le</strong>s AINS et <strong>le</strong>s antalgiques chez <strong>le</strong>s<br />
personnes âgées (2) ;<br />
– optimiser la prise en charge chirurgica<strong>le</strong>, et notamment<br />
la pose de prothèse.<br />
QUELS PROGRAMMES DANS L’ARTHROSE ?<br />
Dans l’arthrose, des programmes d’ETP classiques ont été<br />
développés comme dans la plupart des pathologies chroniques,<br />
souvent associés à des approches physiques.<br />
Une particularité de l’ETP dans l’arthrose est <strong>le</strong> développement<br />
de programmes dits de « self management ».
Ces programmes ont pour but de changer <strong>le</strong>s comportements,<br />
d’apprendre aux <strong>patient</strong>s à identifier <strong>le</strong>s problèmes<br />
et à <strong>le</strong>s résoudre, et à mettre en place des actions spécifiques.<br />
Il peut s’agir de programmes génériques, tels que<br />
proposés dans <strong>le</strong>s maladies chroniques en général, ou au<br />
contraire de programmes spécifiques à l’arthrose, tels que<br />
<strong>le</strong> programme de Stanford (3) .<br />
LE PROGRAMME DE STANFORD<br />
Un des programmes phares en rhumatologie, qui ne<br />
concerne pas que la dou<strong>le</strong>ur de l’arthrose mais aussi<br />
d’autres atteintes articulaires comme la polyarthrite<br />
rhumatoïde, est <strong>le</strong> programme de Stanford (Arthritis Self<br />
Management Programs ou ASMP). Ce programme a été<br />
mis en place par Kate Lorig, infirmière californienne<br />
bien connue des rhumatologues, spécialiste de l’é<strong>du</strong>cation<br />
<strong>thérapeutique</strong> en rhumatologie. Il s’agit de<br />
programmes proposés à des groupes, mais où <strong>le</strong>s intervenants<br />
sont <strong>le</strong> plus souvent des <strong>patient</strong>s partenaires<br />
formés (4) . Ce programme ASMP a été testé dans un<br />
grand nombre d’études, aux États-Unis et en Grande-<br />
Bretagne, qui ont confirmé l’efficacité et l’intérêt de cette<br />
approche pour la dou<strong>le</strong>ur, la qualité de vie et <strong>le</strong><br />
handicap fonctionnel.<br />
L’APPORT DE GROUPES D’ÉDUCATION À UNE<br />
PRISE EN CHARGE PHYSIQUE À DOMICILE :<br />
L’EXEMPLE DE MANCHESTER<br />
L’équipe de McCarthy (5) à Manchester a montré l’intérêt<br />
d’un programme d’é<strong>du</strong>cation mené par un kinésithérapeute,<br />
deux fois par semaine, pendant 8 semaines, en plus<br />
d’un programme d’é<strong>du</strong>cation <strong>thérapeutique</strong>. Ce programme<br />
s’est montré efficace sur la dou<strong>le</strong>ur et la fonction, avec un<br />
effet <strong>du</strong>rab<strong>le</strong> pendant au moins 12 mois, et <strong>le</strong>s résultats<br />
montrent éga<strong>le</strong>ment une supériorité en terme de coût de<br />
santé à long terme.<br />
LA CONSULTATION ORIENTÉE VERS L’ETP :<br />
L’ÉTUDE ARTIST<br />
Ravaud et al. (6) ont récemment publié une étude visant à<br />
comparer l’intérêt de consultations ciblées sur un objectif,<br />
comparativement à des consultations standard, en France.<br />
Les <strong>patient</strong>s ont été suivis pendant 3 consultations orientées<br />
chacune vers l’un des objectifs suivants : é<strong>du</strong>cation au traitement,<br />
conseils diététiques et activité physique, comparativement<br />
à des consultations classiques. À 4 mois, <strong>le</strong>s résultats<br />
montrent une ré<strong>du</strong>ction significative <strong>du</strong> poids, une plus<br />
grande activité physique, une ré<strong>du</strong>ction de l’activité globa<strong>le</strong><br />
de la maladie et de la dou<strong>le</strong>ur. Cette étude montre que des<br />
programmes d’ETP légers, en consultation, dirigés vers un<br />
objectif précis, peuvent apporter un bénéfice non négligeab<strong>le</strong><br />
et <strong>du</strong>rab<strong>le</strong> aux <strong>patient</strong>s atteints d’arthrose douloureuse.<br />
L’é<strong>du</strong>cation <strong>thérapeutique</strong> <strong>du</strong> <strong>patient</strong> : une nouvel<strong>le</strong> approche<br />
dans la dou<strong>le</strong>ur chronique. Exemp<strong>le</strong> de l’arthrose<br />
DOSSIER<br />
QUELS RÉSULTATS POUR L’ETP DANS LA<br />
DOULEUR CHRONIQUE DE L’ARTHROSE ?<br />
Comme pour la plupart des approches non médicamenteuses,<br />
<strong>le</strong>s études réalisées dans <strong>le</strong> domaine de l’ETP se<br />
heurtent à un écueil méthodologique important : l’absence<br />
de doub<strong>le</strong> aveug<strong>le</strong>. Le plus souvent <strong>le</strong>s investigateurs sont<br />
aveug<strong>le</strong>s vis-à-vis <strong>du</strong> traitement, et <strong>le</strong>s <strong>patient</strong>s contrô<strong>le</strong>s<br />
sont souvent des <strong>patient</strong>s en listes d’attente.<br />
De façon globa<strong>le</strong> Warsi et al. (7) , dans <strong>le</strong>ur revue systématique<br />
sur <strong>le</strong> self management dans diverses pathologies<br />
chroniques, ont mis en évidence une tendance à un bénéfice<br />
dans <strong>le</strong>s dou<strong>le</strong>urs chroniques ostéoarticulaires. Ces<br />
programmes comprenaient l’apprentissage de stratégies de<br />
prise en charge de la dou<strong>le</strong>ur, des exercices, la prévention<br />
des chutes, <strong>le</strong>s approches cognitives, l’identification des<br />
problèmes, la mise en place d’objectifs.<br />
Les résultats sont variab<strong>le</strong>s selon <strong>le</strong>s études, la méthodologie,<br />
la population étudiée, mais montrent en général un<br />
impact positif sur la dou<strong>le</strong>ur, la fonction (8) , et même en<br />
terme d’économie de soins (9) .<br />
COMMENT DÉVELOPPER UN PROGRAMME D’ETP<br />
DANS LA DOULEUR CHRONIQUE ?<br />
L’ETP a essentiel<strong>le</strong>ment pour but de motiver <strong>le</strong>s <strong>patient</strong>s à<br />
réaliser <strong>le</strong>s changements comportementaux nécessaires<br />
pour <strong>améliorer</strong> <strong>le</strong>ur vie, altérée par une pathologie chronique<br />
comme la dou<strong>le</strong>ur chronique, et à <strong>le</strong>s aider à élaborer<br />
des stratégies adaptées et efficaces. La gestion des antalgiques,<br />
et notamment des opioïdes ou des AINS, est un<br />
élément important pour une meil<strong>le</strong>ure adhésion des<br />
<strong>patient</strong>s à <strong>le</strong>ur traitement.<br />
En pratique, <strong>le</strong>s programmes d’ETP dans la dou<strong>le</strong>ur chronique<br />
seront souvent associés à des programmes de prise<br />
en charge physique, où l’é<strong>du</strong>cation s’associe à la réé<strong>du</strong>cation<br />
(10) . Ces programmes devraient comporter des<br />
sessions en face à face, indivi<strong>du</strong>el<strong>le</strong>s ou de groupe, et<br />
surtout des sessions avec des <strong>patient</strong>s partenaires, formés<br />
spécifiquement.<br />
En conclusion, l’ETP est un des nouveaux enjeux de la<br />
prise en charge de la maladie chronique, et notamment de<br />
la dou<strong>le</strong>ur chronique. L’ETP doit permettre de guider <strong>le</strong>s<br />
<strong>patient</strong>s vers <strong>le</strong>urs propres objectifs, de manière active,<br />
seuls ou en groupe, avec éventuel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> soutien de<br />
<strong>patient</strong>s formés, véritab<strong>le</strong>s partenaires dans la prise en<br />
charge de ces <strong>patient</strong>s diffici<strong>le</strong>s. Á<br />
SERGE PERROT<br />
SERVICE DE MÉDECINE INTERNE ET THÉRAPEUTIQUE<br />
ET CENTRE DE LA DOULEUR, HÔTEL DIEU, PARIS<br />
UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES, INSERM U987<br />
serge.perrot@htd.aphp.fr<br />
AVRIL 2011 VIGILANCE N° 23 9
DOSSIER<br />
<strong>É<strong>du</strong>cation</strong> <strong>thérapeutique</strong> <strong>du</strong> <strong>patient</strong><br />
Exemp<strong>le</strong> <strong>du</strong> diabète<br />
RÉFÉRENCES<br />
1. Mul<strong>le</strong>n PD, Lavil<strong>le</strong> EA, Bidd<strong>le</strong> AK, Lorig KR. Efficacy of psychoe<strong>du</strong>cational<br />
interventions on pain, depression, and disability in peop<strong>le</strong> with arthritis : a metaanalysis.<br />
J Rheumatol 1987 ; 14 (suppl. 15) : 33-39.<br />
2. Superio-Cabuslay E, Ward MM, Lorig KR. Patient e<strong>du</strong>cation interventions in<br />
osteoarthritis and rheumatoid arthritis : a meta-analytic comparison with<br />
nonsteroidal anti-inflammatory drug treatment. Arthritis Care Res 1996 ; 9 (4) :<br />
292-301.<br />
3. Lorig KR, Mazonson PD, Holman HR. Evidence suggesting that health e<strong>du</strong>cation<br />
for self-management in <strong>patient</strong>s with chronic arthritis has sustained health<br />
benefits whi<strong>le</strong> re<strong>du</strong>cing health care costs. Arthritis Rheum 1993 ; 36 : 439-446.<br />
4. Lorig K. Partnerships between expert <strong>patient</strong>s and physicians. Lancet 2002 ;<br />
359 : 814-815.<br />
5. McCarthy CJ, Mills PM, Pul<strong>le</strong>n R et al. Supp<strong>le</strong>mentation of a home-based<br />
exercise programme with a class-based programme for peop<strong>le</strong> with osteoarthritis<br />
of the knees : a randomised control<strong>le</strong>d trial and health economic analysis. Health<br />
Technol Assess 2004 ; 8 (46) : iii-iv, 1-61.<br />
<strong>É<strong>du</strong>cation</strong> <strong>thérapeutique</strong> <strong>du</strong> <strong>patient</strong><br />
Exemp<strong>le</strong> <strong>du</strong> diabète<br />
A<br />
U-DELÀ des définitions institutionnel<strong>le</strong>s plus ou<br />
moins longues et sophistiquées, l’é<strong>du</strong>cation<br />
<strong>thérapeutique</strong>, la bien nommée, suppose un<br />
préalab<strong>le</strong> et comporte deux éléments indissociab<strong>le</strong>s.<br />
Le préalab<strong>le</strong> est d’ordre <strong>thérapeutique</strong>. Il ne<br />
peut pas y avoir d’é<strong>du</strong>cation <strong>thérapeutique</strong> si la <strong>thérapeutique</strong><br />
el<strong>le</strong>-même est erronée ou inadaptée au <strong>patient</strong>. Au<br />
moins un tiers des <strong>patient</strong>s adressés dans l’unité d’é<strong>du</strong>cation<br />
<strong>thérapeutique</strong> <strong>du</strong> service ont un traitement inapproprié<br />
et trois quarts d’entre eux sortent de l’unité avec des modifications<br />
de <strong>le</strong>ur traitement d’entrée. L’é<strong>du</strong>cation <strong>thérapeutique</strong><br />
n’est pas une activité séparée indépendante ; c’est<br />
une pratique qui s’inscrit dans une stratégie et une expertise<br />
<strong>thérapeutique</strong>. L’é<strong>du</strong>cation <strong>thérapeutique</strong> comporte,<br />
d’une part un apprentissage pratique et spécialisé pour<br />
l’acquisition de compétences <strong>thérapeutique</strong>s, et d’autre<br />
part une aide aux changements de comportements de<br />
soins pour atteindre des objectifs personnalisés. Ce n’est<br />
pas l’un sans l’autre. Ce n’est ni une simp<strong>le</strong> information, ni<br />
une simp<strong>le</strong> formation, ni un simp<strong>le</strong> accompagnement.<br />
L’é<strong>du</strong>cation <strong>thérapeutique</strong> vise donc à apprendre au <strong>patient</strong><br />
à résoudre des problèmes <strong>thérapeutique</strong>s personnalisés.<br />
Si l’é<strong>du</strong>cation <strong>thérapeutique</strong> a pour but d’apprendre au<br />
<strong>patient</strong> diabétique à être son propre médecin, il est naturel<br />
de se demander comment se comportent et quels sont <strong>le</strong>s<br />
résultats des médecins diabétiques, pas n’importe quels<br />
médecins bien sûr, mais ceux compétents en diabétologie ?<br />
Il y a certes des anxieux, un peu obsessionnels, qui veu<strong>le</strong>nt<br />
10 VIGILANCE N° 23 AVRIL 2011<br />
6. Ravaud P, Flipo RM, Boutron I et al. ARTIST (osteoarthritis intervention<br />
standardized) study of standardised consultation versus usual care for <strong>patient</strong>s<br />
with osteoarthritis of the knee in primary care in France : pragmatic randomised<br />
control<strong>le</strong>d trial. BMJ 2009 ; 338 : b421.<br />
7. Warsi A, Wang PS, LaVal<strong>le</strong>y MP et al. Self-management e<strong>du</strong>cation programs<br />
in chronic disease : a systematic review and methodological critique of the<br />
literature. Arch Intern Med 2004 ; 164 : 1641-1649.<br />
8. Co<strong>le</strong>man S, Briffa K, Conroy H et al. Short and medium-term effects of an<br />
e<strong>du</strong>cation self management program for indivi<strong>du</strong>als with osteoarthritis of the<br />
knee, designed and delivered by health professionals : a quality assurance study.<br />
BMC Musculoske<strong>le</strong>t Disord 2008 ; 9 : 117.<br />
9. Ofman JJ, Badamgarav E, Henning JM et al. Does disease management improve<br />
clinical and economic outcomes in <strong>patient</strong>s with chronic diseases ? A systematic<br />
review. Am J Med 2004 ; 117 : 182-192.<br />
10. Yip YB, Sit JW, Wong DY et al. A 1-year follow-up of an experimental study<br />
of a self management arthritis programme with an added exercise component of<br />
clients with osteoarthritis of the knee. Psychol Health Med 2008 ; 13 : 402-414.<br />
absolument obtenir des va<strong>le</strong>urs biologiques strictement<br />
norma<strong>le</strong>s, mais on ne peut qu’être interpellé par un certain<br />
nombre de médecins qui, bien que compétents en diabétologie,<br />
n’appliquent aucune des règ<strong>le</strong>s élémentaires des traitements<br />
; comme cette ophtalmologiste spécialiste de la<br />
rétinopathie diabétique phobique de l’hypoglycémie par<br />
exemp<strong>le</strong>, traitant au laser la rétine de ses <strong>patient</strong>s, pendant<br />
que son rein se détériorait à cause <strong>du</strong> déséquilibre de son<br />
diabète jusqu’à bénéficier d’une greffe rein-pancréas. De ce<br />
constat banal, il faut tirer une conclusion radica<strong>le</strong> : la<br />
connaissance est nécessaire, indispensab<strong>le</strong>, mais el<strong>le</strong> n’est<br />
jamais suffisante pour changer <strong>le</strong>s comportements et<br />
même pour changer <strong>le</strong>s croyances.<br />
Quel est donc <strong>le</strong> problème posé par <strong>le</strong> diabète ? C’est bien<br />
sûr <strong>le</strong> risque de complications à long terme. C’est un<br />
problème à la fois angoissant, abstrait, et lointain. L’annonce<br />
<strong>du</strong> diagnostic d’une maladie chronique entraîne en effet une<br />
rupture dans <strong>le</strong> train-train des jours qui passent et qui se<br />
suivent, cela ne sera plus jamais comme avant et ce sera<br />
pour toujours, et ce « jamais plus » et ce « pour toujours »<br />
évoquent évidemment <strong>le</strong> terme, c’est-à-dire la mort. C’est<br />
pourquoi <strong>le</strong> travail d’acceptation de la maladie a été assimilé<br />
à un travail de deuil. Il n’échappe donc pas aux lois <strong>du</strong><br />
deuil : tout nouveau deuil ravive tous <strong>le</strong>s deuils antérieurs et<br />
tout deuil non fait interdit tout nouveau deuil. On comprend<br />
dès lors la dérision des discours lénifiants qui infiltrent l’é<strong>du</strong>cation<br />
<strong>thérapeutique</strong>, qu’il s’agisse <strong>du</strong> discours pédagogique<br />
qui pense que pour ré<strong>du</strong>ire <strong>le</strong>s difficultés il suffit de définir
des micro-objectifs personnalisés, ou <strong>du</strong> discours de grande<br />
sagesse philosophique : « La vie fait ce qu’el<strong>le</strong> peut. Santé<br />
et maladie ne sont que deux formes de cet effort de vivre…<br />
qu’est la vie el<strong>le</strong>-même. »<br />
La prévention des complications <strong>du</strong> diabète est donc un<br />
problème angoissant, mais c’est aussi un problème abstrait.<br />
Cette prévention ne pourra jamais être vécue comme tel<strong>le</strong>.<br />
Tous <strong>le</strong>s soignants participant à l’é<strong>du</strong>cation <strong>thérapeutique</strong><br />
des <strong>patient</strong>s diabétiques se posent <strong>le</strong> problème de la concrétisation<br />
<strong>du</strong> risque de complications à long terme. Le risque<br />
de complications est un problème angoissant et abstrait,<br />
mais c’est aussi un problème lointain, dans la mesure où<br />
el<strong>le</strong>s surviennent 10 à 20 ans après <strong>le</strong> début <strong>du</strong> diabète.<br />
Penser à un avenir si éloigné est tout naturel pour un a<strong>du</strong>lte<br />
qui veil<strong>le</strong> sur son capital santé, mais quel sens cela a-t-il<br />
pour un ado<strong>le</strong>scent pour qui 10 ans sont une éternité, pour<br />
un épicurien qui jouit de l’instant, pour un aventurier dont<br />
la vie manquerait de piment sans l’incertitude <strong>du</strong> <strong>le</strong>ndemain,<br />
pour un « ça passe ou ça casse » pour qui <strong>le</strong> sel de<br />
la vie réside dans <strong>le</strong> risque de la perdre, pour un précaire<br />
qui ne sait pas où il dormira ce soir, pour un déprimé pour<br />
qui la vie n’a plus de sens, pour un phobique condamné à<br />
l’évitement, pour un toxicomane tyrannisé par <strong>le</strong> manque ?<br />
La prévention des complications <strong>du</strong> diabète dans 10 ou<br />
20 ans est d’autant plus diffici<strong>le</strong> à mentaliser que <strong>le</strong><br />
diabète n’entraîne, <strong>le</strong> plus souvent, aucun symptôme : pas<br />
de dou<strong>le</strong>ur, pas de prurit, rien de visib<strong>le</strong>. Pour aider <strong>le</strong><br />
malade à mentaliser sa maladie, il faut donc chercher à<br />
créer <strong>du</strong> symptôme, ce que font d’ail<strong>le</strong>urs la plupart des<br />
diabétologues en demandant à <strong>le</strong>urs <strong>patient</strong>s de mesurer<br />
<strong>le</strong>ur glycémie grâce à une piqûre au bout <strong>du</strong> doigt. Mais il<br />
ne faut pas se tromper sur la nature <strong>du</strong> symptôme créé, il<br />
ne s’agit pas réel<strong>le</strong>ment de la dou<strong>le</strong>ur de la piqûre, mais de<br />
l’angoisse suscitée par <strong>le</strong> résultat. L’angoisse est bien <strong>le</strong><br />
maître symptôme des maladies chroniques. La question<br />
qui se pose est alors : comment traiter l’angoisse ?<br />
L’angoisse trop importante peut provoquer la panique.<br />
L’angoisse répétée sans solution est une méthode expérimenta<strong>le</strong><br />
pour in<strong>du</strong>ire une dépression. Lorsque <strong>le</strong> <strong>patient</strong><br />
diabétique se trouve dans cette situation, il est naturel qu’il<br />
arrête de mesurer ses glycémies capillaires aux résultats<br />
stressants, ou qu’il se contente de noter des chiffres fantaisistes<br />
sur son carnet pour faire plaisir au diabétologue. Au<br />
contraire, nous cherchons à faire de l’angoisse un moteur<br />
pour l’action. Nous proposons au malade d’agir sans délai<br />
pour corriger son hyperglycémie, et obtenir ainsi <strong>le</strong> soulagement,<br />
voire <strong>le</strong> plaisir <strong>du</strong> bon résultat. Cependant, pour<br />
agir, il faut être motivé. Mais la motivation, pour se soigner,<br />
ne peut être qu’une motivation extrinsèque qui ne<br />
comporte en soi aucun plaisir mais dont <strong>le</strong> seul but est<br />
l’évitement d’une conséquence négative. D’où l’ambiva<strong>le</strong>nce<br />
de cette motivation tiraillée par des désirs contraires.<br />
En effet, l’être humain est une trinité comprenant trois<br />
<strong>É<strong>du</strong>cation</strong> <strong>thérapeutique</strong> <strong>du</strong> <strong>patient</strong><br />
Exemp<strong>le</strong> <strong>du</strong> diabète<br />
DOSSIER<br />
instances <strong>du</strong> moi : un moi animal, obéissant à la satisfaction<br />
de besoins primaires plus ou moins impératifs tels que<br />
la faim, la soif, l’évitement de la dou<strong>le</strong>ur, la sécurité ; un<br />
moi rationnel, tendant à l’universel, régi par des normes et<br />
des règ<strong>le</strong>s ; un moi sujet identitaire, à l’irré<strong>du</strong>ctib<strong>le</strong> singularité,<br />
régi par la loi d’homéostasie thymique, c’est-à-dire<br />
l’optimisation <strong>du</strong> bien-être, en tout cas l’évitement de la<br />
souffrance. La motivation par la norme est puissante, car<br />
sortir de la norme suscite la peur de l’anormalité, et donc<br />
de l’exclusion. Or l’evidence based medicine se tra<strong>du</strong>it en<br />
recommandations qui pro<strong>du</strong>isent de la norme. Ainsi dans<br />
<strong>le</strong> diabète, de grandes campagnes de communication ont<br />
médiatisé l’objectif d’une HbA1c inférieure à 7 %, si bien<br />
que la plupart des diabétiques qui ont une HbA1c audessous<br />
de 7 % sont soulagés, tandis que ceux qui ont une<br />
HbA1c au-dessus de 7 % interrogent <strong>le</strong>ur médecin avec<br />
inquiétude sur <strong>le</strong>urs risques. Certes, la norme est un puissant<br />
régulateur comportemental, mais ne pas prendre son<br />
traitement, ne pas faire d’hypoglycémie, ne pas se piquer<br />
en public, c’est une manière d’être comme <strong>le</strong>s autres et<br />
d’éviter <strong>le</strong> risque d’exclusion. De plus, <strong>le</strong> moi sujet identitaire<br />
ne supporte pas d’être ré<strong>du</strong>it à la norme. En effet,<br />
chacun veut bien être différent mais pas anormal, car<br />
chacun a peur que la maladie ne <strong>le</strong> dévalorise au regard<br />
des autres. En réalité, <strong>le</strong> désir d’agir de façon rationnel<strong>le</strong><br />
peut être anéanti par deux désirs plus puissants. Il peut<br />
s’agir d’un besoin primaire, irrépressib<strong>le</strong>, auquel on peut<br />
assimi<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s compulsions et <strong>le</strong>s troub<strong>le</strong>s addictifs qui<br />
con<strong>du</strong>isent <strong>le</strong> <strong>patient</strong> à dire « c’est idiot, mais c’est plus fort<br />
que moi ». À l’opposé, ce peut être l’impératif de maintenir<br />
un sentiment d’identité et de bien-être qui con<strong>du</strong>it à refuser<br />
la maladie et ses contraintes <strong>thérapeutique</strong>s. On ne peut<br />
pas proposer à un <strong>patient</strong>, au nom de bienfaits à long<br />
terme, des changements qui in<strong>du</strong>isent chez lui une dépression.<br />
Si l’arrêt <strong>du</strong> tabac provoque une anxiodépression, il<br />
n’est pas raisonnab<strong>le</strong> de continuer à fumer, mais cela est<br />
rationnel.<br />
La question posée aux soignants est donc : comment favoriser<br />
la motivation <strong>du</strong> <strong>patient</strong> ? Cela suppose de l’aider à<br />
« intérioriser », au moins partiel<strong>le</strong>ment, la maladie et son<br />
traitement, pour transformer <strong>le</strong>s contraintes en une simp<strong>le</strong><br />
routine et parfois même trouver au traitement quelque<br />
bénéfice ou quelque intérêt. Pour cela, il est essentiel de<br />
faciliter l’expression <strong>du</strong> « moi identitaire » <strong>du</strong> <strong>patient</strong>, à<br />
travers <strong>le</strong> conte de sa vie (autobiographie) si besoin, grâce<br />
à des « ateliers d’écriture », et mieux encore grâce au<br />
« théâtre <strong>du</strong> vécu » permettant au <strong>patient</strong> de se distancier<br />
des traumas de la vie et ainsi de <strong>le</strong>s surmonter pour<br />
avancer sur <strong>le</strong> chemin de l’acceptation. Á<br />
ANDRÉ GRIMALDI<br />
SERVICE DE DIABÉTOLOGIE-MÉTABOLISME<br />
GROUPE HOSPITALIER PITIÉ-SALPÊTRIÈRE, PARIS<br />
andre.grimaldi@psl.aphp.fr<br />
AVRIL 2011 VIGILANCE N° 23 11
DOSSIER<br />
<strong>Comment</strong> <strong>améliorer</strong> <strong>le</strong> confort<br />
<strong>du</strong> <strong>patient</strong> en réanimation ?<br />
<strong>Comment</strong> <strong>améliorer</strong> <strong>le</strong> confort<br />
<strong>du</strong> <strong>patient</strong> en réanimation ?<br />
COMME l’a rappelé à juste titre la conférence de<br />
consensus SFAR/SRLF « Mieux vivre la réanimation<br />
» en 2009, la réanimation est à la fois un lieu<br />
de vie, vies mises en jeu et vies sauvées, et une<br />
zone d’agression vis-à-vis <strong>du</strong> <strong>patient</strong> et des<br />
proches. La notion de confort, ou plutôt de limitation des<br />
agressions que peut en<strong>du</strong>rer <strong>le</strong> <strong>patient</strong> de réanimation,<br />
prend de l’amp<strong>le</strong>ur. Cette nouvel<strong>le</strong> exigence signifie qu’il est<br />
diffici<strong>le</strong>, en 2011, de cantonner <strong>le</strong>s missions de la réanimation<br />
au maintien et/ou à la restauration des grandes<br />
fonctions vita<strong>le</strong>s de nos <strong>patient</strong>s. Pourquoi prêter de l’importance<br />
au confort <strong>du</strong> <strong>patient</strong> ? Quel<strong>le</strong>s sont <strong>le</strong>s pistes sur<br />
<strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s équipes peuvent engager <strong>le</strong>ur réf<strong>le</strong>xion ?<br />
POURQUOI AMÉLIORER LE CONFORT DU PATIENT<br />
EN RÉANIMATION ?<br />
Outre la dimension humaniste de la question, des<br />
éléments factuels s’accumu<strong>le</strong>nt en faveur de l’impact de<br />
mesures dites de confort sur <strong>le</strong> devenir <strong>du</strong> <strong>patient</strong>, à<br />
court et à long terme. Ainsi, il est bien montré que l’emploi<br />
excessif des hypnotiques allonge la <strong>du</strong>rée de ventilation<br />
mécanique et de séjour, et augmente l’incidence<br />
des complications acquises et de la confusion menta<strong>le</strong> (1, 2) .<br />
Ces effets vont à <strong>le</strong>ur tour favoriser l’apparition de troub<strong>le</strong>s<br />
neuropsychiatriques à distance <strong>du</strong> séjour, en particulier<br />
<strong>le</strong> syndrome de stress posttraumatique, et contri-<br />
12 VIGILANCE N° 23 AVRIL 2011<br />
buer à la dégradation de la qualité de vie (3, 4) . La contention<br />
physique utilisée de principe, <strong>le</strong> bruit des alarmes, la<br />
persistance d’une lumière intense ont montré eux aussi un<br />
impact négatif sur la qualité de vie <strong>du</strong> <strong>patient</strong> à distance<br />
<strong>du</strong> séjour en réanimation (4, 5) .<br />
AMÉLIORER LA PRESCRIPTION<br />
DE LA SÉDATION/ANALGÉSIE<br />
La sédation/analgésie a fait l’objet d’une conférence de<br />
consensus SFAR/SRLF en 2007. Il est en effet urgent<br />
de changer nos habitudes dans ce domaine, à<br />
commencer par l’évaluation des effets des hypnotiques<br />
et analgésiques sur <strong>le</strong> niveau de vigilance et de dou<strong>le</strong>ur<br />
afin d’adapter <strong>le</strong>urs posologies. Alors que ces médicaments<br />
sont prescrits chez plus de 80 % des <strong>patient</strong>s en<br />
ventilation mécanique, seuls 40 % des <strong>patient</strong>s<br />
ventilés sont évalués par des outils appropriés (6) .<br />
L’absence d’évaluation régulière <strong>du</strong> niveau de vigilance<br />
et de dou<strong>le</strong>ur est à l’origine de prescriptions excessives<br />
de sédatifs et de morphiniques, voire de curares, avec<br />
un retentissement direct sur l’allongement de la <strong>du</strong>rée<br />
de ventilation et des délais de réveil, et une exposition<br />
au risque de syndrome de sevrage (7) . Dans ce contexte,<br />
l’utilisation de protoco<strong>le</strong>s écrits est une aide majeure<br />
pour <strong>le</strong>s équipes soignantes pour formaliser <strong>le</strong> choix<br />
des outils d’évaluation, <strong>le</strong>ur rythme d’utilisation, et <strong>le</strong>s<br />
décisions <strong>thérapeutique</strong>s qui en décou<strong>le</strong>nt. Ainsi,<br />
PHOTO DR
plusieurs études ont montré que la <strong>du</strong>rée de ventilation<br />
et de séjour en réanimation pouvait être ré<strong>du</strong>ite de 30<br />
à 50 % par l’implantation d’un protoco<strong>le</strong> de gestion de<br />
la sédation/analgésie.<br />
Par ail<strong>le</strong>urs, des stratégies ont été développées pour<br />
restreindre au maximum l’emploi des hypnotiques, en<br />
particulier des benzodiazépines. La sédation basée sur<br />
l’analgésie est un concept qui met l’accent sur <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong><br />
de la dou<strong>le</strong>ur sans rechercher une altération de la vigilance.<br />
La sédation intermittente est une stratégie en vogue aux<br />
États-Unis. Sa simplicité de mise en œuvre (arrêt quotidien<br />
de la sédation/analgésie après <strong>le</strong>s soins de la matinée) et<br />
son apparente innocuité sur <strong>le</strong> plan neuropsychique ne<br />
doivent pas occulter certaines faib<strong>le</strong>sses : risque d’autoextubation<br />
accidentel<strong>le</strong>, possib<strong>le</strong> rebond de dou<strong>le</strong>ur et d’inconfort.<br />
Tester quotidiennement la ventilation spontanée<br />
est une approche permettant de ré<strong>du</strong>ire la sédation, la<br />
<strong>du</strong>rée <strong>du</strong> sevrage ventilatoire, et l’incidence des réintubations<br />
trachéa<strong>le</strong>s. Il faut certainement revoir la prescription<br />
systématique des hypnotiques pour tous <strong>le</strong>s <strong>patient</strong>s de<br />
réanimation ; <strong>le</strong> <strong>patient</strong> lisant son journal tout en étant sous<br />
assistance circulatoire extracorporel<strong>le</strong> (ECMO) en est un<br />
bon exemp<strong>le</strong> (photo). Enfin, parmi <strong>le</strong>s médicaments<br />
pouvant prévenir ou traiter <strong>le</strong>s troub<strong>le</strong>s neuropsychiques,<br />
on peut citer l’halopéridol et la dexmédétomidine (Dex),<br />
alpha 2-agoniste central. Bientôt disponib<strong>le</strong> en France, cet<br />
agent a des propriétés à la fois sédatives et analgésiques,<br />
sans effet dépresseur respiratoire. Par rapport au lorazépam<br />
et au midazolam, la Dex peut ré<strong>du</strong>ire de l’ordre de 20 %<br />
l’incidence de la confusion menta<strong>le</strong> et des troub<strong>le</strong>s de<br />
conscience au cours d’une sédation de 3 à 5 jours (8) .<br />
MOBILISER PRÉCOCEMENT LE PATIENT<br />
Avec une prescription raisonnée des hypnotiques, il est<br />
possib<strong>le</strong> d’avoir des <strong>patient</strong>s plus a<strong>le</strong>rtes et coopérants.<br />
Dès lors, une mobilisation précoce avec <strong>le</strong> kinésithérapeute<br />
<strong>du</strong> service devient possib<strong>le</strong>. Lutter précocement contre <strong>le</strong>s<br />
positions vicieuses et autres enraidissements va permettre<br />
de débuter la réé<strong>du</strong>cation postréanimation dans de bonnes<br />
conditions. Aujourd’hui, la mobilisation passive et active<br />
(mouvements des jambes, mise en position assise, déambulation)<br />
chez certains <strong>patient</strong>s intubés et ventilés est<br />
possib<strong>le</strong> dès <strong>le</strong> 2 e jour de réanimation (9) . Cela permet de<br />
ré<strong>du</strong>ire la <strong>du</strong>rée la <strong>du</strong>rée de ventilation, de diminuer l’incidence<br />
de la confusion menta<strong>le</strong>, et d'offrir une aptitude plus<br />
importante à réaliser <strong>le</strong>s gestes de la vie courante à la<br />
sortie d’hôpital (9) .<br />
FAVORISER UN ENVIRONNEMENT MOINS<br />
AGRESSIF<br />
Ces mesures ont été amp<strong>le</strong>ment détaillées dans la conférence<br />
de consensus « Mieux vivre la réanimation ». El<strong>le</strong>s<br />
doivent évidemment tenir compte de la situation clinique<br />
<strong>Comment</strong> <strong>améliorer</strong> <strong>le</strong> confort<br />
<strong>du</strong> <strong>patient</strong> en réanimation ?<br />
DOSSIER<br />
de chaque <strong>patient</strong> et de l’organisation et des moyens <strong>du</strong><br />
service de réanimation. Voici quelques mesures dont <strong>le</strong>s<br />
effets bénéfiques ont été rapportés :<br />
– limiter <strong>le</strong> niveau sonore des alarmes au strict nécessaire ;<br />
– respecter <strong>le</strong>s phases spontanées de sommeil nocturne <strong>du</strong><br />
<strong>patient</strong> sans détresse vita<strong>le</strong>, en élargissant <strong>le</strong>s interval<strong>le</strong>s<br />
de la surveillance infirmière ;<br />
– ré<strong>du</strong>ire la luminosité des chambres la nuit pour favoriser<br />
l’alternance de lumière entre <strong>le</strong> jour et la nuit ;<br />
– organiser la présence des famil<strong>le</strong>s avec l’équipe<br />
soignante dans <strong>le</strong> subtil équilibre entre nécessité de soins<br />
et entourage familial. La liberté d’accès des parents est la<br />
règ<strong>le</strong> dans de nombreuses réanimations pédiatriques,<br />
el<strong>le</strong> s’étend peu à peu dans <strong>le</strong>s réanimations a<strong>du</strong>ltes.<br />
Pour <strong>améliorer</strong> <strong>le</strong> confort <strong>du</strong> <strong>patient</strong> en réanimation, il n’y a<br />
pas de solution mirac<strong>le</strong>, mais une succession de petits<br />
gestes. L’exemp<strong>le</strong> doit venir de l’équipe médica<strong>le</strong> dont <strong>le</strong><br />
changement d’attitude vis-à-vis de cette nouvel<strong>le</strong> exigence<br />
peut entraîner toute l’équipe soignante vers des soins de<br />
meil<strong>le</strong>ure qualité. Á<br />
JEAN-FRANÇOIS PAYEN<br />
PÔLE D’ANESTHÉSIE-RÉANIMATION<br />
HÔPITAL MICHALLON, GRENOBLE<br />
jean-francois.payen@ujf-grenob<strong>le</strong>.fr<br />
RÉFÉRENCES<br />
1. Kress JP, Pohlman AS, O’Connor MF, Hall JB. Daily interruption of sedative<br />
infusions in critically ill <strong>patient</strong>s undergoing mechanical ventilation. N Engl J Med<br />
2000 ; 342 : 1471-1477.<br />
2. Ely EW, Shintani A, Truman B et al. Delirium as a predictor of mortality in<br />
mechanically ventilated <strong>patient</strong>s in the intensive care unit. JAMA 2004 ; 291 :<br />
1753-1762.<br />
3. Jones C, Bäckman C, Capuzzo M et al. Precipitants of post-traumatic stress<br />
disorder following intensive care : a hypothesis generating study of diversity in<br />
care. Intensive Care Med 2007 ; 33 : 978-985.<br />
4. Granja C, Lopes A, Moreira S et al. for the JMIP study group. Patients’<br />
recol<strong>le</strong>ctions of experiences in the intensive care unit may affect their quality of<br />
life. Crit Care 2005 ; 9 : R96-109.<br />
5. Rotondi AJ, Chelluri L, Sirio C et al. Patients’ recol<strong>le</strong>ctions of stressful<br />
experiences whi<strong>le</strong> receiving prolonged mechanical ventilation in an intensive care<br />
unit. Crit Care Med 2002 ; 30 : 746-752.<br />
6. Payen JF, Chanques G, Mantz J et al. Current practices in sedation and<br />
analgesia for mechanically ventilated critically ill <strong>patient</strong>s : a prospective<br />
multicenter <strong>patient</strong>-based study. Anesthesiology 2007 ; 106 : 687-695.<br />
7. Payen JF, Bosson JL, Chanques G et al. Pain assessment is associated with<br />
decreased <strong>du</strong>ration of mechanical ventilation in the intensive care unit : a post<br />
Hoc analysis of the DOLOREA study. Anesthesiology 2009 ; 111 : 1308-1316.<br />
8. Riker RR, Shehabi Y, Bokesch PM et al. Dexmedetomidine vs midazolam for<br />
sedation of critically ill <strong>patient</strong>s : a randomized trial. JAMA 2009 ; 301 : 489-499.<br />
9. Schweickert WD, Pohlman MC, Pohlman AS et al. Early physical and occupational<br />
therapy in mechanically ventilated, critically ill <strong>patient</strong>s : a randomised control<strong>le</strong>d<br />
trial. Lancet 2009 ; 373 : 1874-1882.<br />
AVRIL 2011 VIGILANCE N° 23 13
DOSSIER<br />
Mortalité maternel<strong>le</strong><br />
d’origine anesthésique en<br />
France : bilan 2001-2006<br />
Mortalité maternel<strong>le</strong> d’origine<br />
anesthésique en France :<br />
bilan 2001-2006<br />
ANALYSE régulière de l’ensemb<strong>le</strong> des décès maternels<br />
en France par <strong>le</strong> Comité national d'experts sur la<br />
mortalité maternel<strong>le</strong> (CNEMM) existe depuis 1995<br />
et permet de connaître <strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s causes responsab<strong>le</strong>s<br />
de cette mortalité maternel<strong>le</strong>. L’analyse approfondie<br />
de l’histoire médica<strong>le</strong> et obstétrica<strong>le</strong> de chaque femme<br />
décédée con<strong>du</strong>it à la publication régulière d’un rapport dont <strong>le</strong><br />
plus récent concerne la période 2001-2006 (1) .<br />
Même s’ils ne sont pas tota<strong>le</strong>ment exhaustifs, ces rapports<br />
permettent de mettre sous <strong>le</strong> projecteur des pathologies<br />
particulières, d’en analyser l’origine et, ainsi, de pouvoir<br />
proposer des mesures correctrices. Le point <strong>le</strong> plus sensib<strong>le</strong><br />
qui a été sou<strong>le</strong>vé ces dernières années est celui des hémorragies<br />
<strong>du</strong> post-partum qui représentent la première cause<br />
de mortalité maternel<strong>le</strong> en France (25 % des 80 morts<br />
maternel<strong>le</strong>s survenant chaque année) et dont l’analyse a<br />
con<strong>du</strong>it à proposer des recommandations de pratique<br />
clinique destinées à <strong>améliorer</strong> <strong>le</strong>ur prise en charge.<br />
Si la mortalité maternel<strong>le</strong> a tendance à baisser au fil des ans,<br />
certaines caractéristiques sont maintenues. L’âge est un facteur<br />
de risque important puisque, par rapport à la tranche d’âge<br />
20-24 ans, <strong>le</strong> risque est multiplié par 3 entre 35 et 39 ans et<br />
par 8 pour <strong>le</strong>s femmes entre 40 et 44 ans. De plus, il existe<br />
des disparités régiona<strong>le</strong>s très importantes, puisque la mortalité<br />
dans <strong>le</strong>s DOM est 3 fois plus importante qu’en métropo<strong>le</strong>.<br />
Même au sein de la métropo<strong>le</strong>, il existe des disparités, avec un<br />
taux de mortalité variant de 0 (dans <strong>le</strong> Limousin) jusqu’à 14<br />
(en Bretagne). Les autres groupes à risque sont représentés par<br />
des femmes nécessitant des césariennes et <strong>le</strong>s populations<br />
migrantes en provenance de pays hors CEE.<br />
La mortalité maternel<strong>le</strong> globa<strong>le</strong> en France (8,8 pour<br />
100 000 naissances) est proche de la mortalité enregistrée<br />
dans d’autres pays européens, comme <strong>le</strong> Royaume-Uni, la<br />
Finlande ou <strong>le</strong>s Pays-Bas, mais reste 4 fois supérieure à<br />
cel<strong>le</strong> de la Suède (2 pour 100 000) (2) L’<br />
. Les causes obstétrica<strong>le</strong>s<br />
directes représentent, en France, 73 % de la mortalité<br />
maternel<strong>le</strong>. Ces causes sont détaillées dans <strong>le</strong> tab<strong>le</strong>au 1. La<br />
mortalité liée à l’anesthésie représente moins de 2 % des<br />
cas de mortalité maternel<strong>le</strong> en France ce qui représente<br />
moins de 3 cas sur 1 million de naissances. Le CNEMM<br />
avait retenu 6 cas pour la période 1996-1998, 1 seul cas<br />
(syndrome de Mendelson) pour la période 1999-2001, et<br />
7 cas sur la toute dernière période. Ces chiffres sont comparab<strong>le</strong>s<br />
à ceux publiés aux États-Unis ou au Royaume-Uni.<br />
14 VIGILANCE N° 23 AVRIL 2011<br />
ANALYSE DES NOUVEAUX CAS<br />
Le premier cas est une femme ayant eu une révision<br />
utérine sous anesthésie généra<strong>le</strong> (propofol et succinylcholine).<br />
Immédiatement après l’injection, survenue d’une<br />
tachycardie, chute de la pression artériel<strong>le</strong> et érythème<br />
généralisé. Le diagnostic retenu est celui d’un choc<br />
anaphylactique à la succinylcholine.<br />
Le deuxième cas est celui d’une <strong>patient</strong>e admise aux<br />
urgences pour confusion fébri<strong>le</strong>. Une ponction lombaire et<br />
une hémoculture vont révé<strong>le</strong>r une méningite à pneumocoque.<br />
La <strong>patient</strong>e est intubée avec thiopental et succinylcholine<br />
en raison de convulsions. Immédiatement après<br />
l’intubation surviennent un bronchospasme, une instabilité<br />
hémodynamique, et une inefficacité circulatoire. Les diagnostics<br />
évoqués sont une intubation œsophagienne ou une<br />
al<strong>le</strong>rgie aux pro<strong>du</strong>its d’anesthésie.<br />
Le troisième cas est celui d’une femme chez laquel<strong>le</strong> une<br />
césarienne sous rachianesthésie est programmée en raison<br />
de mauvaises conditions obstétrica<strong>le</strong>s. Une péri<strong>du</strong>ra<strong>le</strong> est<br />
posée après échec de cette rachianesthésie. Après extraction<br />
de l’enfant, une anesthésie généra<strong>le</strong> (thiopental et succinylcholine)<br />
est réalisée en raison de dou<strong>le</strong>urs en cours de fermeture<br />
pariéta<strong>le</strong>. La <strong>patient</strong>e présente alors un bronchospasme<br />
compliqué d’une dissociation é<strong>le</strong>ctromécanique. Le diagnostic<br />
de choc anaphylactique à la succinylcholine semb<strong>le</strong><br />
probab<strong>le</strong> en raison des résultats des tests biologiques.<br />
Le quatrième cas est celui d’une femme chez laquel<strong>le</strong> une<br />
césarienne avec anesthésie généra<strong>le</strong> est programmée en<br />
raison d’un placenta praevia. Un stagiaire IADE réalise une<br />
intubation œsophagienne (détectée immédiatement) lors<br />
de l’in<strong>du</strong>ction anesthésique (thiopental et succinylcholine).<br />
La sonde est repositionnée dans la trachée par l’anesthésiste<br />
puis une injection secondaire d’atracurium est<br />
réalisée. Devant la persistance d’une difficulté à venti<strong>le</strong>r la<br />
<strong>patient</strong>e, d’une désaturation artériel<strong>le</strong> profonde et d’une<br />
va<strong>le</strong>ur de CO 2 expiré proche de zéro, <strong>le</strong>s dosages sanguins<br />
sont réalisés et se révé<strong>le</strong>ront être en faveur d’une forte<br />
suspicion d’al<strong>le</strong>rgie à un curare.<br />
La cinquième <strong>patient</strong>e avait accouché avec une péri<strong>du</strong>ra<strong>le</strong><br />
par voie basse. Dans <strong>le</strong>s suites survient une hémorragie de<br />
la délivrance motivant une hystérectomie sous anesthésie<br />
généra<strong>le</strong>. Dans <strong>le</strong>s suites, une incompétence myocardique<br />
profonde nécessite une assistance ventriculaire gauche de<br />
type Thoratec ® . La <strong>patient</strong>e est sevrée de cette assistance
Mortalité maternel<strong>le</strong><br />
d’origine anesthésique en<br />
France : bilan 2001-2006<br />
À LA LOUPE<br />
Tab<strong>le</strong>au 1. Répartition des décès maternels, selon la cause obstétrica<strong>le</strong> détaillée, France, 2001-2003 et 2004-2006<br />
CAUSES 2001-2003 2004-2006 TAUX (1)<br />
EFFECTIFS % EFFECTIFS % 2001-2003 2004-2006<br />
Causes obstétrica<strong>le</strong>s directes 178 71,2 156 73,2<br />
Hémorragies 61 24,4 55 25,8 2,6 2,3<br />
Consécutive à grossesse ectopique 7 2,8 9 4,2 0,29 0,3<br />
Consécutive à avortement 0 0 1 0,5<br />
Placenta praevia, placenta accreta 4 1,6 4 1,9<br />
Hémorragie précédant l’accouchement 20,8 1 0,5<br />
Hémorragie pendant l’accouchement 20,8 1 0,5<br />
Hématome rétroplacentaire 4 1,6 2 0,9<br />
Hémorragie <strong>du</strong> post-partum 28 11,2 33 15,5<br />
Rupture utérine 11 4,4 2 0,9<br />
Plaies chirurgica<strong>le</strong>s et lésions 3 1,2 2 0,9<br />
Embolies amniotiques 23 9,2 34 16,0 1,0 1,4<br />
Thromboembolies 26 10,4 20 9,4 1,1 0,8<br />
Embolie pulmonaire 22 8,8 18 8,5<br />
Thrombose veineuse cérébra<strong>le</strong> 4 1,6 2 0,9<br />
Hypertension artériel<strong>le</strong> 29 11,6 17 8,0 1,2 0,6<br />
Prééclampsie 7 2,8 6 2,8<br />
Éclampsie 15 6,0 8 3,8<br />
HELLP syndrome 4 1,6 3 1,4<br />
Autres HTA 3 1,2 0 0,0<br />
Infections 12 4,8 7 3,3 0,5 0,3<br />
Septicémie 8 3,2 5 2,3<br />
Consécutive à avortement 2 0,8 0 0,0<br />
Autres 2 0,8 2 0,9<br />
Complications d’anesthésie 4 1,6 3 1,4<br />
Autres directes<br />
Myocardiopathie <strong>du</strong> péripartum<br />
23 9,2 20 9,4 1,0 0,8<br />
Dépression post-partum 1 0,4 0 0,0<br />
Stéatose hépatique gravidique 1 0,4 1 0,5<br />
Diabète gestationnel 0 0 1 0,5<br />
Complication d’un acte de chirurgie obstétrica<strong>le</strong> 0 0 2 0,9<br />
Autres 4 1,6 4 1,9<br />
Mort d’origine obstétrica<strong>le</strong> de cause non précisée 11 4,4 11 5,2<br />
Causes obstétrica<strong>le</strong>s indirectes 72 28,8 57 26,8 3,0 2,3<br />
Accident vasculaire cérébral 27 10,8 16 7,5 1,1 0,7<br />
Maladies cardiaques 10 4 11 5,2 0,4 0,5<br />
Dissection aortique 5 2 3 1,4<br />
Maladies infectieuses et parasitaires 5 2 7 3,3<br />
Maladies respiratoires 6 2,4 1 0,5<br />
Cancer 4 1,6 6 2,8<br />
Maladies auto-immunes 3 1,2 4 1,9<br />
Maladies <strong>du</strong> système nerveux 4 1,6 0 0,0<br />
Maladies métaboliques et endocriniennes 10,4 2 0,9<br />
Maladies congénita<strong>le</strong>s (2) 0 0 2 0,9<br />
Autres 5 2 5 2,3<br />
Toutes causes 250 100 213 100 10,4 8,7<br />
Source : Inserm-CépiDc unité 953.<br />
1. Taux pour 100 000 naissances vivantes. – 2. Un syndrome de Marfan et une neurofibromatose.<br />
AVRIL 2011 VIGILANCE N° 23 15
DOSSIER<br />
Mortalité maternel<strong>le</strong><br />
d’origine anesthésique en<br />
France : bilan 2001-2006<br />
à j 20 mais reste intubée et ventilée. Au cours d’un épisode<br />
d’agitation, survient une auto-extubation suivie d’une réintubation<br />
diffici<strong>le</strong> et d’un syndrome de Mendelson.<br />
DISCUSSION<br />
Ce qui est tout à fait troublant dans ce dernier rapport, c’est<br />
l’émergence de décès par choc al<strong>le</strong>rgique à la succinylcholine<br />
ou autres curares. C’est tout à fait nouveau par rapport aux<br />
précédentes données françaises <strong>du</strong> CNEMM ou aux données<br />
anglaises récentes. L’anaphylaxie est rare pendant la grossesse<br />
et <strong>le</strong>s antibiotiques en sont la principa<strong>le</strong> cause. La<br />
préva<strong>le</strong>nce de l’anaphylaxie peut être estimée à 0,03/1 000<br />
grossesses (19 cas non mortels sur 2 ans) à partir d’une<br />
étude ayant inclus 700 000 parturientes au Texas (3) . On sait<br />
que l’al<strong>le</strong>rgie aux curares est la première cause d’anaphylaxie<br />
en anesthésie (60 %) et qu’el<strong>le</strong> survient pour environ<br />
1/10 000 anesthésies comportant un curare (4) . Les cas<br />
mortels d’anaphylaxie sont cependant rarement décrits au<br />
cours de la grossesse. Deux cas mortels par curares avaient<br />
été décrits dans <strong>le</strong> rapport confidentiel réalisé au Royaume-<br />
Uni pour <strong>le</strong>s années 1991-1993 et un cas pour <strong>le</strong>s années<br />
2000-2002. Dans la littérature, environ dix cas d’anaphylaxie<br />
à la succinylcholine ont été décrits chez des femmes<br />
enceintes au cours des 30 dernières années, dont un seul cas<br />
mortel. Il faut noter que cinq chocs anaphylactiques non<br />
mortels sont rapportés dans <strong>le</strong> dernier rapport <strong>du</strong> Confidential<br />
Enquiry into Maternal And Child Health (CEMACH), sans que<br />
l’on sache si certains sont liés à la succinylcholine.<br />
L’intubation trachéa<strong>le</strong>, avec une séquence associant thiopental<br />
et succinylcholine, est recommandée lors d’une anesthésie<br />
généra<strong>le</strong> en obstétrique pour éviter la survenue d’un<br />
syndrome de Mendelson. On peut<br />
se poser la question de la nécessité<br />
<strong>du</strong> recours à une anesthésie<br />
généra<strong>le</strong> dans la plupart des cas<br />
présentés dans <strong>le</strong> dernier rapport<br />
<strong>du</strong> CNEMM. Une rachianesthésie<br />
était une solution possib<strong>le</strong> pour <strong>le</strong><br />
cas n° 1 et sans doute aussi pour<br />
<strong>le</strong> cas n° 4. En dehors d’une<br />
situation urgente, <strong>le</strong> début de la<br />
chirurgie ne doit pas se dérou<strong>le</strong>r<br />
sans avoir testé la bonne efficacité<br />
de l’anesthésie (règ<strong>le</strong> non<br />
respectée pour <strong>le</strong> cas n° 3). La<br />
nécessité de réintuber en urgence<br />
la <strong>patient</strong>e n° 5 n’est pas certaine<br />
(épreuve de sevrage non<br />
réalisée). Ce cas n° 5 nous<br />
rappel<strong>le</strong> aussi que <strong>le</strong> syndrome<br />
de Mendelson existe certes en<br />
anesthésie mais aussi en réanimation<br />
et que la technique<br />
d’anesthésie en séquence rapide<br />
s’applique aussi dans ces lieux. Il<br />
Composition <strong>du</strong> Comité national<br />
d’experts sur la mortalité maternel<strong>le</strong><br />
(CNEMM), décembre 2009<br />
Pr Gérard Lévy, Président <strong>du</strong> comité, Aix-en-Provence<br />
Dr Albertine Aouba, INSERM CépiDc, Le Vésinet<br />
Dr André Benbassa, Clinique Bel<strong>le</strong>donne, Grenob<strong>le</strong><br />
Marie-Hélène Bouvier-Col<strong>le</strong>, Épidémiologiste,<br />
Directeur de recherche INSERM, Paris<br />
Pr Dominique Chassard, Hôpital Mère-Enfant, Bron<br />
Dr Henri Cohen, Institut mutualiste Montsouris, Paris<br />
Dr Serge Favrin, Clinique de l’Union, Toulouse<br />
Dr Daniel Fil<strong>le</strong>tte, Clinique Ambroise-Paré, Toulouse<br />
Mme Marie-Josée Kel<strong>le</strong>r, présidente <strong>du</strong> Conseil<br />
national de l’ordre des sages-femmes, Bennwihr Gare<br />
Dr Corinne Le Goaster, Institut de veil<strong>le</strong> sanitaire,<br />
Saint-Maurice<br />
Pr Frédéric Mercier, Hôpital Antoine-Béclère et<br />
Université Paris-Sud, Clamart<br />
Pr Francis Puech, Hôpital Jeanne de Flandres, Lil<strong>le</strong><br />
Dr Stéphane Saint-Léger, CHI Robert-Ballanger,<br />
Aulnay-sous-Bois<br />
16 VIGILANCE N° 23 AVRIL 2011<br />
reste que, quand cela est possib<strong>le</strong>, il faut continuer à privilégier<br />
une technique locorégiona<strong>le</strong> chez la femme enceinte et<br />
en post-partum.<br />
Le CNEMM analyse que <strong>le</strong>s décès maternels et ceux liés<br />
directement à une anesthésie apparaissent rares. Il est<br />
cependant fort probab<strong>le</strong> que l’anesthésie et la réanimation<br />
aient pu contribuer au décès de certaines <strong>patient</strong>es sans en<br />
être la cause principa<strong>le</strong>. À titre d’exemp<strong>le</strong>, des <strong>patient</strong>es<br />
ayant des hémorragies graves <strong>du</strong> péripartum ont eu un<br />
syndrome de Mendelson au décours de la réanimation (par<br />
application d’une technique anesthésique inadaptée), mais<br />
<strong>le</strong>s <strong>patient</strong>es ont été classées en final dans la catégorie<br />
hémorragie et non pas dans la catégorie anesthésie.<br />
Chez une femme enceinte, en cas d’état de choc, il est<br />
impératif d’effectuer des prélèvements sanguins pour<br />
confirmer ou infirmer ultérieurement <strong>le</strong> diagnostic étiologique<br />
d’al<strong>le</strong>rgie. Dans chaque maternité, comme au bloc<br />
opératoire, un kit de prélèvements sanguins pour « al<strong>le</strong>rgie<br />
grave » doit donc être constamment disponib<strong>le</strong>. Á<br />
DOMINIQUE CHASSARD<br />
SERVICE D’ANESTHÉSIE-RÉANIMATION, CHU DE LYON<br />
dominique.chassard@chu-lyon.fr<br />
FRÉDÉRIC MERCIER<br />
DÉPARTEMENT D’ANESTHÉSIE-RÉANIMATION CHIRURGICALE,<br />
HÔPITAL ANTOINE-BÉCLÈRE, CLAMART<br />
frederic.mercier@abc.aphp.fr<br />
DANIEL FILLETTE<br />
CLINIQUE AMBROISE PARÉ, TOULOUSE<br />
danielfil<strong>le</strong>tte45@gmail.com<br />
RÉFÉRENCES<br />
1. La mortalité maternel<strong>le</strong> en France : bilan<br />
2001-2006. InVS, Bul<strong>le</strong>tin Épidémiologique<br />
Hebdomadaire 2010 ; 02-03.<br />
2. Cooper GM, McClure JH. Maternal deaths<br />
from anaesthesia. An extract from Why<br />
Mothers Die 2000-2002, the Confidential<br />
Enquiries into Maternal Deaths in the United<br />
Kingdom. Chapter 9 : Anaesthesia. Br J<br />
Anaesth 2005 ; 94 : 417-423.<br />
3. Mulla ZD, Ebrahim MS, Gonza<strong>le</strong>z JL.<br />
Anaphylaxis in the obstetric <strong>patient</strong> : analysis<br />
of a statewide hospital discharge database.<br />
Ann Al<strong>le</strong>rgy Asthma Immunol 2010 ; 104 :<br />
55-59.<br />
4. Mertes PM, Laxenaire MC et <strong>le</strong>s membres<br />
<strong>du</strong> GERAP. Épidémiologie des réactions<br />
anaphylactiques et anaphylactoïdes<br />
peranesthésiques en France. Septième<br />
enquête multicentrique (Janvier<br />
2001–Décembre 2002). Ann Fr Anesth<br />
Reanim 2004 ; 23 : 1133-1143.
Faut-il avoir peur de la liste<br />
des 77 médicaments de l’Afssaps ?<br />
Faut-il avoir peur de la liste<br />
des 77 médicaments<br />
de l’Afssaps ?<br />
LA FIN <strong>du</strong> mois de janvier 2011, suite à l’affaire<br />
<strong>du</strong> Mediator ® et conformément à la demande<br />
des ministres chargés de la Santé, l’Afssaps a<br />
publié une liste de 77 médicaments et<br />
12 classes <strong>thérapeutique</strong>s qui font l’objet<br />
d’une enquête de pharmacovigilance ou d’un suivi<br />
renforcé, notamment à travers la mise en place de plans<br />
de gestion des risques (PGR). La publication de cette<br />
liste a causé un certain émoi dans la communauté médica<strong>le</strong><br />
et notamment chez <strong>le</strong>s anesthésistes-réanimateurs<br />
impliqués dans la prise en charge périopératoire des<br />
malades d’orthopédie.<br />
En effet, dans cette liste, figurent deux nouveaux anticoagulants<br />
oraux, <strong>le</strong> dabigatran (Pradaxa ® ) et <strong>le</strong> rivaroxaban<br />
(Xarelto ® ), et un nouvel antiplaquettaire, <strong>le</strong> prasugrel<br />
(Efient ® À<br />
). Un certain nombre de collègues se sont interrogés<br />
sur l’opportunité d’interrompre ces traitements ou sur<br />
la nécessité de <strong>le</strong>s poursuivre.<br />
QUELQUES ÉCLAIRCISSEMENTS<br />
SONT NÉCESSAIRES<br />
Depuis 2005, pour tout nouveau médicament, la rég<strong>le</strong>mentation<br />
européenne applicab<strong>le</strong> nationa<strong>le</strong>ment oblige à<br />
la mise en place de PGR. Il s’agit de renforcer l’approche<br />
par la pharmacovigilance et de protéger <strong>le</strong>s <strong>patient</strong>s<br />
contre d’éventuels effets indésirab<strong>le</strong>s qui n’auraient pas<br />
été détectés lors des études de phases I, II ou III. Les<br />
plans de gestion des risques s’appliquent notamment à<br />
toute nouvel<strong>le</strong> substance active. Ils permettent de mieux<br />
caractériser et quantifier <strong>le</strong>s risques d’un médicament,<br />
de compléter <strong>le</strong>s données disponib<strong>le</strong>s au moment de la<br />
mise sur <strong>le</strong> marché, et de surveil<strong>le</strong>r <strong>le</strong> bon usage dans <strong>le</strong>s<br />
conditions réel<strong>le</strong>s d’utilisation. Ces conditions réel<strong>le</strong>s<br />
À LA LOUPE<br />
d’utilisation n’ont pas souvent grand-chose à voir avec<br />
<strong>le</strong>s conditions d’une étude. Lorsque cela devient nécessaire,<br />
des investigations complémentaires peuvent être<br />
déc<strong>le</strong>nchées, comme un suivi renforcé de pharmacovigilance,<br />
des études de sécurité d’emploi ou des mesures<br />
de minimisation <strong>du</strong> risque, avec envoi de documents<br />
d’informations pour <strong>le</strong>s professionnels de santé ou pour<br />
<strong>le</strong>s <strong>patient</strong>s.<br />
Le Pradaxa ® , <strong>le</strong> Xarelto ® et l’Efient ® font l’objet de PGR qui,<br />
pour l’instant, sont négatifs pour <strong>le</strong>ur vo<strong>le</strong>t pharmacovigilance,<br />
et ces agents figurent donc à ce titre sur la liste des<br />
77 médicaments incriminés. Leur présence sur cette liste<br />
ne doit pas inquiéter <strong>le</strong>s cliniciens. El<strong>le</strong> est légitime et<br />
atten<strong>du</strong>e. On ne doit pas interrompre un traitement parce<br />
qu’il est inscrit sur cette liste. Il ne faut confondre <strong>le</strong>s molécu<strong>le</strong>s<br />
objets d’un PGR avec d’autres molécu<strong>le</strong>s, comme <strong>le</strong><br />
buflomédil par exemp<strong>le</strong>, sous surveillance depuis de<br />
nombreuses années, et dont <strong>le</strong> retrait de la commercialisation<br />
est en question.<br />
Il faut bien reconnaître que la communication de<br />
l’Afssaps a été compliquée. À la fois, on publie une liste<br />
de médicaments qui apparaissent ainsi sous <strong>le</strong> feu des<br />
projecteurs et, dans <strong>le</strong> même temps, on explique aux<br />
médecins qu’ils ne doivent pas tenir compte de cette liste<br />
dans <strong>le</strong>ur gestion des médicaments au quotidien. En fait,<br />
<strong>le</strong> problème principal est que cette liste est un peu un<br />
fourre-tout avec des PGR ou des questionnements spécifiques<br />
et légitimes, mais aussi des menaces de retrait<br />
pour d’autres agents. Diffici<strong>le</strong> de faire la part des choses<br />
quand on n’est pas au courant. Á<br />
CHARLES-MARC SAMAMA<br />
CHEF DU SERVICE D’ANESTHÉSIE-RÉANIMATION<br />
HÔTEL-DIEU, PARIS<br />
marc.samama@htd.aphp.fr<br />
AVRIL 2011 VIGILANCE N° 23 17
À LA LOUPE<br />
Courrier de l’Afssaps<br />
aux professionnels de santé<br />
18 VIGILANCE N° 23 AVRIL 2011
LES AGENTS anesthésiques et médicaments que<br />
nous utilisons quotidiennement nous sont familiers.<br />
Ils font l’objet d’un enseignement structuré<br />
de la Faculté à la formation continue ; <strong>le</strong>s incidents<br />
et accidents sont signalés par <strong>le</strong>s commissions<br />
de pharmacovigilance, et font l’objet de publications<br />
et mises aux points généra<strong>le</strong>ment relayées par la<br />
presse scientifique, <strong>le</strong>s pharmaciens et firmes pharmaceutiques.<br />
En regard, <strong>le</strong>s dispositifs médicaux (DM), près<br />
de 100 fois plus nombreux que <strong>le</strong>s médicaments,<br />
demeurent confidentiels. Plusieurs raisons y contribuent<br />
: des procé<strong>du</strong>res de mise sur <strong>le</strong> marché dépendantes<br />
<strong>du</strong> marquage CE, qui est lui-même établi par et<br />
sous la responsabilité <strong>du</strong> fabricant ; une autorité de régulation<br />
(matériovigilance en France), récente et dotée de<br />
moyens limités ; l’absence de vecteurs pour analyser et<br />
faire connaître <strong>le</strong>s problèmes liés aux DM ; enfin, la<br />
quasi-absence de formation des étudiants médecins et<br />
paramédicaux sur <strong>le</strong>ur utilisation.<br />
Matériels et sécurité :<br />
bilan de la matériovigilance<br />
Matériels et sécurité :<br />
bilan de la matériovigilance<br />
Incidents sévères<br />
(dont décès [n])<br />
100<br />
75<br />
50<br />
25<br />
0<br />
0<br />
À LA LOUPE<br />
Nous avons pu analyser la base de données de matériovigilance<br />
(Afssaps) pour <strong>le</strong>s DM utilisés en anesthésie-réanimation.<br />
Cette analyse comparative à 8 ans<br />
d’écart* nous permet de saisir l’évolution de la sinistralité<br />
liée aux DM, entre 1998 (1) et 2005-2006 (2) . On<br />
peut la résumer en quelques chiffres. L’Afssaps recense<br />
annuel<strong>le</strong>ment environ 2 000 incidents pour <strong>le</strong>s DM de<br />
notre discipline. En termes de gravité, ils sont graves<br />
dans 12 % des cas (décès : 2 % ; accidents sévères :<br />
10 %). Ils se distribuent de façon différente selon <strong>le</strong>s<br />
famil<strong>le</strong>s de DM (figure 1) avec une prédominance de<br />
causes liées aux utilisateurs (mésusage et utilisation de<br />
matériels obsolètes ou présentant des problèmes de<br />
maintenance).<br />
L’analyse fine des causes de mésusage laisse apparaître<br />
des erreurs souvent trivia<strong>le</strong>s (mauvais montage des circuits,<br />
défaut d’usage des modes de ventilation, réponse<br />
inadaptée aux alarmes…). Enfin, si la fréquence des<br />
erreurs liées aux fabricants est restée stab<strong>le</strong> entre 1998 et<br />
ALR<br />
Chambres<br />
Défibrillateurs<br />
Gaz<br />
Incubateurs<br />
Moniteurs<br />
Perfusion<br />
Ventilation<br />
Dialyse<br />
Drainage<br />
Transfusion<br />
Figure 1. Chambres : chambres à KT implantab<strong>le</strong>s ; gaz : fluides médicaux<br />
■ Mésusage<br />
■ Obsolète ; problème<br />
de maintenance<br />
■ Fabrication<br />
■ Panne<br />
■ Conception<br />
AVRIL 2011 VIGILANCE N° 23 19
À LA LOUPE<br />
Matériels et sécurité :<br />
bilan de la matériovigilance<br />
2005-2006 et résolues dans 59 % des cas, <strong>le</strong>s mésusages<br />
ont augmenté (toutes gravités confon<strong>du</strong>es) de 10 %<br />
(p < 0,05). Le taux d’incidents sévères est resté stab<strong>le</strong> sur<br />
la période étudiée.<br />
Les mésusages constituent donc <strong>le</strong> cœur de la réf<strong>le</strong>xion. Ils<br />
sont, par nature, amendab<strong>le</strong>s et constituent un enjeu<br />
important pour notre spécialité.<br />
On peut envisager plusieurs axes de travail pour <strong>améliorer</strong><br />
la situation.<br />
– Une offre pédagogique intégrée qui unirait <strong>le</strong>s données<br />
issues de l’Afssaps, des in<strong>du</strong>striels et de la SFAR. On<br />
peut imaginer l’intérêt d’une base d’informations en ligne<br />
offrant, pour chaque type de matériels, des informations<br />
uti<strong>le</strong>s pour comprendre <strong>le</strong>s causes d’incidents, <strong>le</strong>s<br />
bonnes pratiques. Une réf<strong>le</strong>xion est en cours entre la<br />
SFAR et <strong>le</strong>s in<strong>du</strong>striels via <strong>le</strong>ur syndicat (SNITEM). La<br />
mise en commun des causes pour nourrir une réf<strong>le</strong>xion<br />
commune sous forme d’un observatoire tripartite présenterait<br />
un réel intérêt. Par ail<strong>le</strong>urs, des artic<strong>le</strong>s orientés<br />
autour des matériels ont été publiés dans <strong>le</strong>s Anna<strong>le</strong>s<br />
Françaises d’Anesthésie et de Réanimation, mais mériteraient<br />
d’être encouragés.<br />
– Penser et promouvoir la fonction de « référent matériel »<br />
pour <strong>le</strong>s dispositifs médicaux, dans <strong>le</strong>s services : cette<br />
fonction de référent qu’on imagine comme un binôme<br />
(médecin/infirmier) aurait de nombreux avantages. Il<br />
permettrait d’assurer la formation sur site des acteurs<br />
dont <strong>le</strong> turn over est important, mais aussi de faciliter <strong>le</strong>s<br />
contacts avec <strong>le</strong>s in<strong>du</strong>striels qui déplorent de ne pas avoir<br />
d’interlocuteurs fiab<strong>le</strong>s au niveau clinique. Cette fonction<br />
de référent semb<strong>le</strong> suffisamment pertinente pour justifier<br />
une prise en compte des tutel<strong>le</strong>s <strong>du</strong> gain qu’apporterait<br />
cette fonction sur la qualité des soins.<br />
– Renforcer la culture de check-list et de suivi des parcs<br />
installés : l’arrêté <strong>du</strong> 3 octobre 1995 (relatif aux modalités<br />
d’utilisation et de contrô<strong>le</strong> des matériels et dispositifs<br />
médicaux assurant <strong>le</strong>s fonctions et actes cités aux artic<strong>le</strong>s<br />
D. 712-43 et D. 712-47 <strong>du</strong> Code de la santé publique)<br />
formalise <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> avant ouverture de sal<strong>le</strong> d’opération,<br />
la formation des utilisateurs à la mise en service de<br />
nouveaux appareils, la maintenance organisée.<br />
20 VIGILANCE N° 23 AVRIL 2011<br />
Néanmoins, force est de constater que ces opérations de<br />
contrô<strong>le</strong> ont vieilli, ne sont souvent pas réactualisées, et<br />
mériteraient d’être revisitées au niveau local.<br />
Ainsi, on ne peut nier <strong>le</strong> fait que nous sommes confrontés<br />
à un réel enjeu de sécurité et de formation dans ce<br />
domaine. Un travail concerté, où <strong>le</strong>s données uti<strong>le</strong>s<br />
seraient accessib<strong>le</strong>s de façon commode par <strong>le</strong>s utilisateurs,<br />
constitue à notre avis la clé <strong>du</strong> débat. Les Al<strong>le</strong>mands<br />
ont ren<strong>du</strong> obligatoire la formation de tout utilisateur à l’ensemb<strong>le</strong><br />
des DM qu’il est susceptib<strong>le</strong> d’utiliser. Cette<br />
approche rég<strong>le</strong>mentaire contraignante, si son efficacité<br />
était démontrée, ne pourrait s’envisager qu’une fois que<br />
l’utilisateur pourrait, de façon commode, disposer de la<br />
formation requise.<br />
Le moment est venu de créer un outil informatique en ligne,<br />
vivant, actualisé et issu des sources indépendantes que<br />
détiennent <strong>le</strong>s in<strong>du</strong>striels et l’Afssaps, d’une part, et corroborées<br />
par <strong>le</strong>s données issues de la littérature, d’autre part.<br />
Ensemb<strong>le</strong>, mettons-nous au travail, <strong>le</strong> besoin est là ! Á<br />
LAURENT BEYDON<br />
CHU D’ANGERS, PÔLE D’ANESTHÉSIE-RÉANIMATION<br />
lbeydon.angers@invivo.e<strong>du</strong><br />
* Réalisée sous l’égide de la SFAR, de l’AFIB (Association Française des Ingénieurs<br />
Biomédicaux) et de l’Afssaps.<br />
RÉFÉRENCES<br />
1. Beydon L, Conreux F, Le Gall R, Safran D, Cazalaa JB. Analysis of the French<br />
health ministry’s national register of incidents involving medical devices in<br />
anaesthesia and intensive care. Br J Anaesth 2001 ; 86 : 382-387.<br />
2. Beydon L, Ledenmat PY, Soltner C et al. Adverse events with medical devices in<br />
anesthesia and intensive care unit <strong>patient</strong>s recorded in the French safety<br />
database in 2005-2006. Anesthesiology 2010 ; 112 : 364-372.
E PATIENT sous anesthésie<br />
généra<strong>le</strong> (AG) peut actuel<strong>le</strong>ment<br />
être monitoré en routine clinique<br />
pour deux des trois composantes<br />
de l’AG : la composante hypnotique<br />
et la curarisation. La mise au<br />
point d’une mesure de la composante<br />
analgésique de l’AG constitue un axe<br />
essentiel de la recherche en anesthésie<br />
aujourd’hui. Plusieurs moniteurs ont<br />
ainsi été récemment développés et sont<br />
en cours d’évaluation (1) .<br />
Le Cic-It 807 INSERM et <strong>le</strong> pô<strong>le</strong> d’anesthésie-réanimation<br />
<strong>du</strong> CHU de Lil<strong>le</strong> ont<br />
réalisé depuis 2003 une série d’études<br />
au cours d’AG programmées afin de<br />
déterminer si la variabilité sinusa<strong>le</strong> <strong>du</strong><br />
rythme cardiaque contenait une information<br />
cliniquement pertinente pour<br />
évaluer l’état de la balance analgésie/<br />
nociception (2) . Le but de ces études était<br />
de mettre en évidence quels éléments,<br />
obtenus initia<strong>le</strong>ment par analyse spectra<strong>le</strong><br />
des séries RR (3) , permettraient<br />
d’anticiper <strong>le</strong>s épisodes de réactivité<br />
hémodynamique. L’objectif final, en cas<br />
de résultats positifs, était de concevoir<br />
un moniteur capab<strong>le</strong> de fournir cette<br />
information en temps réel.<br />
Dans une première approche, 49 <strong>patient</strong>s<br />
a<strong>du</strong>ltes, ASA 1 ou 2, ont été étudiés. La<br />
composante hypnotique était monitorée par l’index bispectral<br />
(BIS XP, Aspect Medical System) et maintenue dans<br />
l’interval<strong>le</strong> (40-60) en adaptant la cib<strong>le</strong> de propofol<br />
(Diprifusor TM ). La réactivité <strong>du</strong> <strong>patient</strong> était définie comme<br />
la survenue d’une augmentation de fréquence cardiaque<br />
(FC) ou de pression artériel<strong>le</strong> systolique (PAS) de 20 % par<br />
rapport aux va<strong>le</strong>urs de référence. L’analyse des séries RR,<br />
obtenues à partir d’enregistrements ECG, a montré que <strong>le</strong><br />
contenu spectral normalisé haute fréquence HFnu<br />
L’analgesia nociception index :<br />
un moniteur de la balance analgésie/nociception NOUVELLES<br />
TECHNOLOGIES<br />
L’analgesia nociception index :<br />
un moniteur de la balance<br />
analgésie/nociception<br />
L<br />
PHOTO DR<br />
Figure 1. Exemp<strong>le</strong> en orthopédie (prothèse tota<strong>le</strong> de hanche).<br />
Écran <strong>du</strong> moniteur PhysioDoloris ® v1<br />
L’ECG se dérou<strong>le</strong> dans l’écran inférieur. Au-dessus : série RR normalisée ; la surface<br />
d’influence des motifs ventilatoires est hachurée. En haut : évolution de l’ANI (jaune<br />
clair) et de sa moyenne sur 5 min (orange). En haut à droite : mesure instantanée de<br />
l’ANI (tonus pS relatif instantané). Le bouton « Navigation ANI » permet de visualiser<br />
l’évolution sur une intervention complète ; « Reset ECG » permet de recalibrer <strong>le</strong> capteur.<br />
(0,15–0,5 Hz) diminuait significativement dans <strong>le</strong>s 5 à<br />
10 minutes précédant un épisode de réactivité, alors que<br />
l’hémodynamique n’avait pas encore changé (4) . Le<br />
contenu HF reflète <strong>le</strong> tonus parasympathique (pS) grâce à<br />
l’interaction cardioventilatoire : chaque cyc<strong>le</strong> respiratoire<br />
entraîne une brève <strong>le</strong>vée <strong>du</strong> tonus pS, entraînant une accélération<br />
transitoire de FC, et donc un raccourcissement des<br />
interval<strong>le</strong>s RR. Le résultat est clairement visib<strong>le</strong> dans la<br />
série RR sous forme d’un « motif ventilatoire ». La diminu-<br />
AVRIL 2011 VIGILANCE N° 23 21
PHOTO DR<br />
NOUVELLES<br />
TECHNOLOGIES<br />
L’analgesia nociception index :<br />
un moniteur de la balance analgésie/nociception<br />
tion <strong>du</strong> contenu spectral HFnu permettait d’émettre l’hypothèse<br />
que <strong>le</strong>s motifs ventilatoires disparaîtraient précocement<br />
dans <strong>le</strong>s périodes d’analgésie insuffisante et, plus<br />
généra<strong>le</strong>ment, permettraient de mesurer <strong>le</strong> tonus pS relatif<br />
<strong>du</strong> <strong>patient</strong>. Des algorithmes de détection de contours ont<br />
permis de montrer que la surface d’influence des motifs<br />
ventilatoires était fortement corrélée à HFnu, établissant<br />
ainsi <strong>le</strong> lien entre tonus pS et indices « graphiques » chez<br />
<strong>le</strong> <strong>patient</strong> anesthésié (5) . Des séries RR simulant différentes<br />
fréquences ventilatoires à partir d’un motif ventilatoire<br />
unique ont permis de valider ces indices graphiques, en<br />
montrant <strong>le</strong>ur indépendance vis-à-vis de la fréquence ventilatoire<br />
(5) . L’analgesia nociception index (ANI), qui décou<strong>le</strong><br />
des indices graphiques et évolue entre 0 et 100, a ensuite<br />
été évalué en temps réel au bloc opératoire (figure 1) (6) .<br />
Une étude réalisée sous AG chez des <strong>patient</strong>s a<strong>du</strong>ltes, ASA<br />
1 ou 2, a montré que l’ANI diminuait au cours <strong>du</strong> tétanos<br />
sous rémifentanil (rémi) à 3 ng.ml-1 et que l’augmentation<br />
<strong>du</strong> rémi à 6 ng.ml-1 atténuait fortement cette réaction (7) .<br />
En conclusion, la recherche d’un moyen de monitorer la<br />
balance analgésie/nociception au cours de l’AG se heurte<br />
évidemment aux questions de définition de la profondeur<br />
de l’anesthésie et à l’absence de gold standard. Nous nous<br />
sommes focalisés sur la réactivité hémodynamique <strong>du</strong><br />
<strong>patient</strong> sous AG, avec pour objectif de l’anticiper. La<br />
mesure de l’influence des motifs ventilatoires dans <strong>le</strong>s<br />
séries RR a permis de mettre au point un moniteur marqué<br />
CE, aujourd’hui commercialisé par une jeune société<br />
MetroDoloris ® . L’aboutissement de cette première étape a<br />
valu aux porteurs <strong>du</strong> projet d’être distingués aux dernières<br />
Victoires de la Médecine (figure 2). La mise à disposition<br />
Figure 2. Remise <strong>du</strong> trophée des Victoires de la Médecine<br />
2010 dans la catégorie Technologie Médica<strong>le</strong> à l’équipe <strong>du</strong><br />
CHU de Lil<strong>le</strong><br />
De gauche à droite : Pr Benoît Tavernier, Dr Régis Logier et<br />
Dr Mathieu Jeanne.<br />
de la communauté scientifique de ce nouveau monitorage<br />
devrait permettre de déterminer son intérêt et ses limites, et<br />
de savoir s’il apporte un bénéfice au <strong>patient</strong> opéré. Pour <strong>le</strong><br />
praticien en anesthésie, il est certainement déjà une source<br />
de questionnement, et probab<strong>le</strong>ment d’apprentissage, sur<br />
<strong>le</strong> fonctionnement <strong>du</strong> SNA et de ses interactions avec <strong>le</strong>s<br />
stimuli nociceptifs et <strong>le</strong>s médicaments utilisés pour en atténuer<br />
<strong>le</strong>s effets sur l’organisme. Á<br />
MATHIEU JEANNE<br />
PÔLE D’ANESTHÉSIE-RÉANIMATION<br />
CIC-IT 807 INSERM, CHU DE LILLE<br />
mathieu.jeanne@chru-lil<strong>le</strong>.fr<br />
RÉGIS LOGIER<br />
CIC-IT 807 INSERM, CHU DE LILLE<br />
regis.logier@chru-lil<strong>le</strong>.fr<br />
BENOÎT TAVERNIER<br />
PÔLE D’ANESTHÉSIE-RÉANIMATION<br />
CHU DE LILLE<br />
benoit.tavernier@chru-lil<strong>le</strong>.fr<br />
22 VIGILANCE N° 23 AVRIL 2011<br />
RÉFÉRENCES<br />
1. Longrois D. Monitorage de la profondeur de l’anesthésie. Conférence<br />
d’actualisation de la SFAR. Elsevier Masson, 2008 : 25-46.<br />
2. Pichot V, Gaspoz JM, Molliex S et al. Wave<strong>le</strong>t transform to quantify heart rate<br />
variability and to assess its instantaneous changes. J Appl Physiol 1999 ; 86 :<br />
1081-1091.<br />
3. Heart rate variability. Standards of measurement, physiological interpretation<br />
and clinical use. Task Force of the European Society of Cardiology and the<br />
North American Society of Pacing and E<strong>le</strong>ctrophysiology. Circulation 1996 ; 93 :<br />
1043-1065.<br />
4. Jeanne M, Logier R, De Jonckheere J, Tavernier B. Heart rate variability <strong>du</strong>ring<br />
total intravenous anesthesia : effects of nociception and analgesia. Auton<br />
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5. Jeanne M, Logier R, De Jonckheere J, Tavernier B. Validation of a graphic<br />
measurement of heart rate variability to assess analgesia/nociception balance<br />
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6. Logier R, Jeanne M, De Jonckheere J et al. PhysioDoloris : a monitoring device<br />
for analgesia/nociception balance evaluation using heart rate variability analysis.<br />
Conf Proc IEEE Eng Med Biol Soc 2010 ; 1 : 1194-1197.<br />
7. Lafanechère A, Jeanne M, Lenci H et al. Évaluation de la balance analgésie<br />
nociception par la réactivité <strong>du</strong> diamètre pupillaire et la mesure de<br />
l’« analgesia nociception index » sous anesthésie généra<strong>le</strong>. Congrès National<br />
de la SFAR 2010 : R197.<br />
Les docteurs Jeanne et Logier sont consultants scientifiques auprès de la société<br />
MetroDoloris ® (loi sur l’innovation).
DANS un contexte de développement d’outils de<br />
mesure de la qualité des soins, la Haute Autorité<br />
de Santé (HAS) a défini onze indicateurs de<br />
qualité des soins (tab<strong>le</strong>au 1). Ces indicateurs,<br />
issus <strong>du</strong> projet de Coordination pour la mesure de<br />
la performance et l’amélioration de la qualité hospitalière<br />
(COMPAQH), visent à renforcer <strong>le</strong>s stratégies d’amélioration<br />
de la qualité déjà en place, et répondent éga<strong>le</strong>ment aux<br />
besoins de transparence et d’information exprimés par <strong>le</strong>s<br />
<strong>patient</strong>s. Leur recueil a été généralisé en 2008 à l’ensemb<strong>le</strong><br />
des établissements ayant des activités de médecine,<br />
de chirurgie et d’obstétrique (MCO), et est maintenant<br />
réitéré annuel<strong>le</strong>ment. À l’issue de cette première campagne<br />
de recueil, <strong>le</strong> ministère de la Santé avait fixé un objectif<br />
qualité de 80 % à atteindre en 3 ans, soit 80 % de dossiers<br />
conformes en 2011. L’ensemb<strong>le</strong> de ces résultats est mis en<br />
ligne et consultab<strong>le</strong> sur une Plateforme d’informations sur<br />
<strong>le</strong>s établissements de santé (PlatInES).<br />
L’indicateur portant sur la tenue <strong>du</strong> dossier d’anesthésie,<br />
construit à partir <strong>du</strong> référentiel d’évaluation des pratiques<br />
Indicateur de tenue <strong>du</strong> dossier<br />
anesthésique : résultats<br />
<strong>du</strong> recueil national 2009<br />
VIE DE LA SOCIÉTÉ<br />
Indicateur de tenue <strong>du</strong> dossier<br />
anesthésique : résultats <strong>du</strong> recueil<br />
national 2009<br />
Tab<strong>le</strong>au 1. Les 11 indicateurs retenus par la HAS pour<br />
l’évaluation de la qualité des soins à l’échelon national<br />
(hors infections nosocomia<strong>le</strong>s)<br />
Thème « Dossier <strong>patient</strong> » : 4 indicateurs<br />
– Tenue <strong>du</strong> dossier <strong>patient</strong><br />
– Délai d’envoi <strong>du</strong> courrier de fin d’hospitalisation<br />
– Traçabilité de l’évaluation de la dou<strong>le</strong>ur<br />
– Dépistage des troub<strong>le</strong>s nutritionnels<br />
Thème « Tenue <strong>du</strong> dossier anesthésique » : 1 indicateur<br />
Thème « Prise en charge hospitalière de l’infarctus <strong>du</strong> myocarde<br />
après la phase aiguë » : 6 indicateurs<br />
– Prescription d’aspirine<br />
– Prescription de bêtabloquant<br />
– Mesure de la FEVG et prescription d’inhibiteur de l’enzyme de<br />
conversion<br />
– Prescription de statine et suivi à distance <strong>du</strong> bilan lipidique<br />
– Sensibilisation aux règ<strong>le</strong>s hygiénodiététiques<br />
– Délivrance de conseils pour l’arrêt <strong>du</strong> tabac<br />
professionnel<strong>le</strong>s défini par <strong>le</strong> Collège français d’anesthésie-réanimation<br />
(CFAR) et la HAS en 2005, est l’un<br />
de ces onze indicateurs. Il est présenté sous la forme<br />
d’un score de qualité compris entre 0 et 100, calculé à<br />
partir de 13 critères couvrant la totalité de la période<br />
périopératoire (figure 1). Pour chaque établissement de<br />
soins (ES) concerné, l’indicateur a été calculé sur un<br />
échantillon de 60 séjours tirés au sort puis renseignés<br />
sur une plateforme Internet sécurisée, permettant à<br />
chaque établissement d’obtenir des résultats indivi<strong>du</strong>els<br />
ou comparatifs.<br />
Les résultats de la deuxième campagne de recueil, réalisée<br />
en 2009, sont disponib<strong>le</strong>s depuis avril 2010. L’indicateur<br />
national a été calculé sur 60 690 dossiers, pour 1 015<br />
établissements de soins (ES). Parmi <strong>le</strong>s 1 023 ES pour<br />
<strong>le</strong>squels <strong>le</strong> recueil était obligatoire car réalisant plus de<br />
500 séjours MCO par an, seuls 31 n’ont pas répon<strong>du</strong>, soit<br />
une diminution <strong>du</strong> taux de non-réponse de 40 % par<br />
rapport à 2008 ; 29 ES ayant un statut facultatif ont choisi<br />
d’effectuer <strong>le</strong> recueil.<br />
La va<strong>le</strong>ur moyenne nationa<strong>le</strong> <strong>du</strong> score de qualité de la<br />
tenue <strong>du</strong> dossier d’anesthésie est de 75 %, ce qui représente<br />
une augmentation de 8 points par rapport à 2008.<br />
La tenue <strong>du</strong> dossier anesthésique s’est améliorée au niveau<br />
national et <strong>le</strong> résultat de la moitié des ES a progressé. Cette<br />
amélioration touche chacun des critères de qualité<br />
évalués : <strong>le</strong>s scores de chacun de ces critères sont représentés<br />
sur la figure 1. Les critères ayant <strong>le</strong>s moins bons<br />
résultats sont l’évaluation préopératoire de conditions<br />
d’abord des voies aériennes supérieures (63 %), la<br />
rubrique des incidents peranesthésiques renseignée<br />
(42 %), et la trace écrite des prescriptions médicamenteuses<br />
postanesthésiques (45 %), même si ces deux<br />
derniers critères sont ceux ayant <strong>le</strong> plus progressé (14 et<br />
13 points respectivement).<br />
L’analyse des résultats selon la catégorie d’ES montre que<br />
<strong>le</strong>s résultats des ES sont comparab<strong>le</strong>s (moyennes<br />
comprises entre 74 et 78 %, médianes entre 74 et 79 %)<br />
et que seuls se détachent <strong>le</strong>s centres de lutte contre <strong>le</strong><br />
cancer (CLCC) avec un score moyen de 89 % : ils sont <strong>le</strong>s<br />
AVRIL 2011 VIGILANCE N° 23 23
VIE DE LA SOCIÉTÉ<br />
Indicateur de tenue <strong>du</strong> dossier<br />
anesthésique : résultats<br />
<strong>du</strong> recueil national 2009<br />
13. Rubrique permettant de re<strong>le</strong>ver <strong>le</strong>s incidents<br />
ou accidents périanesthésiques renseignée<br />
12. Trace écrite des prescriptions médicamenteuses<br />
en phase postanesthésique<br />
11. Autorisation de sortie <strong>du</strong> <strong>patient</strong> de SSPI<br />
validée par un médecin anesthésiste<br />
seuls à dépasser l’objectif de 80 % et 90 % des CLCC ont<br />
un score moyen supérieur à la moyenne nationa<strong>le</strong>. Plus de<br />
la moitié des CLCC, des centres hospitaliers (CH), et des<br />
centres privés a progressé par rapport à 2008. Les ES<br />
privés ont la plus grande dispersion des résultats, avec des<br />
scores compris entre 28 et 100 % et une médiane de<br />
74 %.<br />
L’analyse des résultats par région montre éga<strong>le</strong>ment une<br />
grande disparité. En Aquitaine, Midi-Pyrénées, Haute-<br />
Normandie, Alsace et Picardie, plus de 50 % des ES ont<br />
un score supérieur à la moyenne nationa<strong>le</strong> ; en revanche,<br />
la Martinique, la Réunion, <strong>le</strong>s Pays de la Loire et la<br />
Bretagne se distinguent par la plus grande proportion d’ES<br />
significativement inférieurs à la moyenne nationa<strong>le</strong>.<br />
L’intérêt <strong>du</strong> développement d’un indicateur qualité en anesthésie<br />
est incontestab<strong>le</strong>. Construit à partir de l’analyse des<br />
facteurs associés au risque anesthésique, il permet une<br />
évaluation de la pratique professionnel<strong>le</strong>, repro<strong>du</strong>ctib<strong>le</strong><br />
quel que soit l’observateur. Dans un contexte de « démocratie<br />
sanitaire », il constitue éga<strong>le</strong>ment un outil de comparaison<br />
des ES, informant sur la qualité des soins délivrés.<br />
Enfin, dans une démarche d’amélioration de la qualité, il<br />
représente un support pour fixer des objectifs à atteindre.<br />
Toutefois, l’indicateur défini par la HAS souffre de certaines<br />
faib<strong>le</strong>sses. Les critères choisis pour calcu<strong>le</strong>r cet indicateur<br />
100<br />
89<br />
80<br />
83<br />
60<br />
24 VIGILANCE N° 23 AVRIL 2011<br />
40<br />
2820<br />
32<br />
0<br />
10. Identification <strong>du</strong> médecin anesthésiste sur <strong>le</strong><br />
document traçant la phase postinterventionnel<strong>le</strong><br />
81<br />
73<br />
83<br />
88<br />
9. Mention de la technique d’abord des voies aériennes<br />
supérieures en phase peranesthésique<br />
89<br />
93<br />
8. Identification <strong>du</strong> médecin anesthésiste sur <strong>le</strong><br />
document traçant la phase peranesthésique<br />
78<br />
67<br />
1. Identification <strong>du</strong> <strong>patient</strong> sur<br />
toutes <strong>le</strong>s pièces <strong>du</strong> dossier<br />
45<br />
42<br />
47<br />
64<br />
55 64<br />
56<br />
63<br />
■ 2009 ■ 2008<br />
Figure 1. Critères composant <strong>le</strong> score « tenue <strong>du</strong> dossier d’anesthésie »<br />
2. Identification <strong>du</strong> médecin anesthésiste<br />
sur <strong>le</strong> document traçant la phase préanesthésique<br />
85<br />
89<br />
79<br />
93<br />
85<br />
3. Trace écrite de la visite préanesthésique<br />
94<br />
4. Mention <strong>du</strong> traitement habituel<br />
ou de l’absence de traitement<br />
5. Mention de l’évaluation <strong>du</strong> risque<br />
anesthésique<br />
6. Mention <strong>du</strong> type d’anesthésie proposée<br />
au <strong>patient</strong><br />
7. Mention de l’évaluation des conditions d’abord<br />
des voies aériennes supérieures en phase préanesthésique<br />
ne couvrent pas toute l’éten<strong>du</strong>e <strong>du</strong> champ anesthésique :<br />
par exemp<strong>le</strong>, l’évaluation <strong>du</strong> risque al<strong>le</strong>rgique n’est pas<br />
cotée. De plus, l’analyse <strong>du</strong> dossier d’anesthésie, réalisée<br />
au travers de cette gril<strong>le</strong> de <strong>le</strong>cture, donne une image<br />
biaisée de sa qualité réel<strong>le</strong>. Le jugement porte principa<strong>le</strong>ment<br />
sur la forme sans que <strong>le</strong> fond, à savoir la pertinence<br />
<strong>du</strong> protoco<strong>le</strong> anesthésique ou des prescriptions postopératoires,<br />
ne soit évalué. Tous <strong>le</strong>s items <strong>le</strong> composant doivent<br />
être renseignés pour qu’un critère soit considéré comme<br />
conforme : ainsi, l’identification de l’anesthésiste responsab<strong>le</strong><br />
représente un problème récurrent de la phase pré -<br />
anesthésique aux prescriptions postopératoires, car el<strong>le</strong><br />
n’est pas conforme si <strong>le</strong> nom, lisib<strong>le</strong>, et la signature ne sont<br />
pas tous deux retrouvés.<br />
Par ail<strong>le</strong>urs, la corrélation de la non-conformité des critères<br />
retenus dans <strong>le</strong> calcul de cet indicateur avec l’exposition <strong>du</strong><br />
<strong>patient</strong> à un risque anesthésique accru reste à prouver.<br />
L’absence des éléments évalués dans <strong>le</strong> dossier d’anesthésie<br />
pourrait être associée à un défaut de prise en charge<br />
anesthésique, mais <strong>le</strong> niveau de preuve est insuffisant pour<br />
affirmer qu’il existe un impact sur <strong>le</strong> pronostic des <strong>patient</strong>s.<br />
Enfin, l’objectif d’une proportion de 80 % de dossiers bien<br />
remplis a été fixé arbitrairement et sans concertation avec<br />
la discipline.<br />
Cette analyse révè<strong>le</strong> cependant des points perfectib<strong>le</strong>s de la<br />
prise en charge anesthésique. L’évaluation de l’abord des
voies aériennes supérieures n’est conforme que dans deux<br />
tiers des dossiers. L’absence de validité chez l’enfant de<br />
certains critères d’intubation diffici<strong>le</strong>, comme <strong>le</strong> score de<br />
Mallampati, est avancée pour expliquer ce résultat. Il faut<br />
cependant noter que <strong>le</strong> critère est satisfait lorsque <strong>le</strong> score<br />
de Mallampati, la distance thyromentonnière et l’ouverture<br />
de bouche sont retrouvés, ou lorsqu’il existe une conclusion<br />
explicite. Les dossiers pédiatriques ne permettent donc pas<br />
de justifier <strong>le</strong> faib<strong>le</strong> score obtenu pour ce critère, qui devra<br />
être une cib<strong>le</strong> d’amélioration, tout comme <strong>le</strong>s prescriptions<br />
médicamenteuses postopératoires et <strong>le</strong> renseignement des<br />
incidents peranesthésiques.<br />
Les CLCC obtiennent des résultats remarquab<strong>le</strong>s. Leur<br />
supériorité peut être partiel<strong>le</strong>ment expliquée par <strong>le</strong>ur faib<strong>le</strong><br />
nombre, car ils représentent moins de 2 % des ES intégrés<br />
dans la base de référence nationa<strong>le</strong>. Par ail<strong>le</strong>urs, ces<br />
centres ont souvent des dossiers informatisés : peut-être<br />
faut-il chercher là une piste pour <strong>améliorer</strong> la qualité <strong>du</strong><br />
dossier anesthésique (et plus généra<strong>le</strong>ment <strong>du</strong> dossier<br />
<strong>patient</strong>) et faire progresser cet indicateur ?<br />
L’objectif national fixé par <strong>le</strong> ministère de la Santé pour<br />
2011 est un taux de qualité de 80 %.<br />
Pour atteindre cet objectif, l’information des médecins<br />
anesthésistes est essentiel<strong>le</strong>, afin de faire connaître l’existence<br />
de cet indicateur et des critères qui <strong>le</strong> composent.<br />
L’adhésion des acteurs concernés à cette démarche qualité<br />
peut être facilitée par <strong>le</strong> développement de supports<br />
(dossier standardisé informatique ou papier), facilitant la<br />
prise en compte des items composant l’indicateur à chaque<br />
étape de la prise en charge anesthésique, et évitant à la fois<br />
<strong>le</strong>s oublis et une consommation excessive de temps.<br />
L’anesthésie-réanimation est une (sinon LA) spécialité qui<br />
a travaillé <strong>le</strong> plus jusqu’ici sur <strong>le</strong> domaine de la sécurité<br />
des soins. Qualité et sécurité sont intimement liées. Il est<br />
aujourd’hui nécessaire de travail<strong>le</strong>r sur la qualité des<br />
prises en charge anesthésiques car il est logique de penser<br />
que cette stratégie est porteuse d’amélioration de la sécurité.<br />
Il est ainsi logique, sinon probab<strong>le</strong>, qu’un dossier<br />
d’anesthésie bien renseigné sur <strong>le</strong> thème de l’accès aux<br />
voies aériennes permette d’éviter un nombre significatif<br />
d’intubations diffici<strong>le</strong>s imprévues, donc de complications<br />
anesthésiques et de situations de stress. On rappel<strong>le</strong>ra<br />
simp<strong>le</strong>ment que l’enquête SFAR-INSERM a mis en<br />
évidence environ 20 décès annuels associés à une intuba-<br />
Indicateur de tenue <strong>du</strong> dossier<br />
anesthésique : résultats<br />
<strong>du</strong> recueil national 2009<br />
VIE DE LA SOCIÉTÉ<br />
tion diffici<strong>le</strong> imprévue et que <strong>le</strong> recueil des EPR ciblés a<br />
permis de col<strong>le</strong>cter plusieurs centaines de ces situations<br />
en quelques années.<br />
Un dossier bien tenu est aussi <strong>le</strong> ref<strong>le</strong>t <strong>du</strong> souci <strong>du</strong> travail<br />
bien fait, de la prise en compte permanente <strong>du</strong> détail qui<br />
fait <strong>le</strong> lit d’une amélioration <strong>du</strong> pronostic des <strong>patient</strong>s, et de<br />
la satisfaction qu’ils ressentent lors de <strong>le</strong>ur prise en charge.<br />
Notre discipline doit donc se saisir de l’opportunité qui lui<br />
est donnée par <strong>le</strong> suivi de ces indicateurs, non seu<strong>le</strong>ment<br />
pour rendre ses résultats (ren<strong>du</strong>s publics) meil<strong>le</strong>urs, mais<br />
aussi et surtout pour gagner une nouvel<strong>le</strong> victoire contre <strong>le</strong>s<br />
accidents anesthésiques au plus grand bénéfice de nos<br />
<strong>patient</strong>s. Á<br />
Ce texte a éga<strong>le</strong>ment été publié dans Les Infos <strong>du</strong> Collège, <strong>le</strong>ttre de liaison <strong>du</strong><br />
Collège Français des Anesthésistes-Réanimateurs de décembre 2010 (supplément<br />
au n° 30).<br />
Avec l’accord des auteurs.<br />
ANNE LE NOËL<br />
DÉPARTEMENT D’ANESTHÉSIE-RÉANIMATION,<br />
HIA BÉGIN, SAINT-MANDÉ<br />
anne<strong>le</strong>noel@wanadoo.fr<br />
YVES AUROY<br />
COMITÉ ANALYSE ET MAÎTRISE DU RISQUE DE LA SFAR<br />
yves.auroy@wanadoo.fr<br />
MARC DAHLET<br />
PRÉSIDENT DU GROUPE RÉFÉRENTIEL EPP « TENUE DU<br />
DOSSIER D’ANESTHÉSIE », CFAR<br />
marc.dah<strong>le</strong>t@free.fr<br />
BÉATRICE EON<br />
CHEF DE PROJET RÉFÉRENTIEL EPP « TENUE DU DOSSIER<br />
D’ANESTHÉSIE », CFAR<br />
beatrice.eon@ap-hm.fr<br />
LAURENT JOUFFROY<br />
PRÉSIDENT DE LA SFAR<br />
president@sfar.org<br />
JACQUES FUSCIARDI<br />
PRÉSIDENT DU CFAR<br />
fusciardi@med.univ-tours.fr<br />
DAN BENHAMOU<br />
COMITÉ ANALYSE ET MAÎTRISE DU RISQUE DE LA SFAR<br />
dan.benhamou@bct.aphp.fr<br />
AVRIL 2011 VIGILANCE N° 23 25
Que répondre?<br />
Que répondre à un <strong>patient</strong> qui<br />
a peur de perdre des cheveux<br />
après une anesthésie ?<br />
Que répondre à un <strong>patient</strong><br />
qui a peur de perdre des cheveux<br />
après une anesthésie ?<br />
CERTAINS <strong>patient</strong>s expriment<br />
une peur de perdre <strong>le</strong>urs<br />
cheveux après une<br />
intervention chirurgica<strong>le</strong><br />
sous anesthésie.<br />
La consultation de<br />
PubMed Medline montre<br />
que cette complication est<br />
très rarement rapportée<br />
dans <strong>le</strong>s journaux scientifiques<br />
; en revanche,<br />
cel<strong>le</strong> de différents blogs<br />
sur Internet montre que<br />
cette question est plus<br />
fréquente que l’on peut <strong>le</strong><br />
croire et que <strong>le</strong> lien entre<br />
chute de cheveux et anesthésie<br />
est affirmé, comme en<br />
témoignent ces deux extraits :<br />
« Oui, effectivement, l’anesthésie<br />
donne des problèmes au niveau <strong>du</strong><br />
cuir chevelu et des cheveux. Moi j’ai eu<br />
cette année 3 anesthésies généra<strong>le</strong>s, et j’ai<br />
eu des pertes de cheveux, des cheveux que se<br />
cassaient, et qui partaient par poignées en me lavant <strong>le</strong>s<br />
cheveux. Mon chirurgien m’a dit que c’est à cause des<br />
pro<strong>du</strong>its anesthésiants, et que tout reviendrait en ordre,<br />
mais cela dépend <strong>du</strong> corps de chacun… »<br />
« Il faut d’abord attendre que <strong>le</strong>s pro<strong>du</strong>its toxiques de<br />
l’anesthésie soient éliminés par <strong>le</strong> corps, c’est pour cela<br />
qu’el<strong>le</strong> perd ses cheveux. Vous pouvez effectivement lui<br />
donner des vitamines B, de la <strong>le</strong>vure de bière, laver <strong>le</strong>s<br />
cheveux avec un shampoing au quinquina, etc., mais il<br />
faut surtout beaucoup boire… »<br />
Pour répondre correctement à une angoisse de perte de<br />
cheveux, il faut, dans un premier temps, connaître un peu<br />
mieux notre cuir chevelu.<br />
Les cheveux sont implantés à quelques millimètres de notre<br />
cerveau. De fait, l’apparence de nos cheveux exprime souvent<br />
notre imaginaire et notre personnalité. C’est un des éléments<br />
26 VIGILANCE N° 23 AVRIL 2011<br />
de notre corps que nous pouvons<br />
modifier à loisir pour faire passer<br />
des messages vers l’autre. Ainsi,<br />
<strong>le</strong>s cheveux courts sont assimilés<br />
à la rigueur, l’absence<br />
tota<strong>le</strong> de cheveux peut<br />
donner un air monacal<br />
symbo<strong>le</strong> de la sagesse.<br />
Les cheveux longs, au<br />
contraire, con<strong>du</strong>isent au<br />
fantasme de la liberté<br />
ou sont là pour cacher <strong>le</strong><br />
visage. La longueur <strong>du</strong><br />
cheveu est aussi <strong>le</strong> ref<strong>le</strong>t<br />
d’une identité sexuel<strong>le</strong><br />
(court pour <strong>le</strong> masculin,<br />
long pour <strong>le</strong> féminin).<br />
Une altération imprévue <strong>du</strong><br />
cheveu et de son implantation<br />
est capab<strong>le</strong> de déstructurer<br />
une personnalité ; la chute des<br />
cheveux chez une femme est à même<br />
de modifier son image féminine, avec une<br />
sensation de perte d’identité. La perception <strong>du</strong><br />
regard des autres dans cette situation peut engendrer des<br />
altérations de l’humeur.<br />
Le follicu<strong>le</strong> pi<strong>le</strong>ux peut être considéré comme un organe<br />
cib<strong>le</strong> comme un autre et certaines maladies ou médicaments<br />
sont capab<strong>le</strong>s de l’altérer : <strong>le</strong> cheveu peut donc<br />
exprimer la maladie, et son altération renforcer encore<br />
certains troub<strong>le</strong>s psychiques face à cette épreuve.<br />
© L&C<br />
VIE ET MORT DU FOLLICULE PILEUX<br />
Chaque follicu<strong>le</strong> pi<strong>le</strong>ux vit plusieurs cyc<strong>le</strong>s <strong>du</strong>rant notre vie<br />
comportant chacun trois phases :<br />
– la phase anagène (phase de pousse de 3 à 7 ans) ;<br />
– la phase catagène : arrêt de la pousse en 1 à 2 semaines,<br />
sorte de mort <strong>du</strong> follicu<strong>le</strong> pi<strong>le</strong>ux ;<br />
– la phase télogène : <strong>le</strong> follicu<strong>le</strong> pi<strong>le</strong>ux reste attaché au cuir<br />
chevelu <strong>du</strong>rant 3 mois avant de tomber.
Nous avons environ 80 000 à 120 000 follicu<strong>le</strong>s pi<strong>le</strong>ux<br />
pro<strong>du</strong>isant autant de cheveux. À l’image des végétaux, ces<br />
cheveux poussent, vivent et meurent. Il est normal que <strong>le</strong>s<br />
cheveux morts soient remplacés par de jeunes cheveux. Une<br />
chute inférieure à 100 cheveux par jour est norma<strong>le</strong> alors<br />
qu’el<strong>le</strong> devient pathologique si el<strong>le</strong> dépasse 100 cheveux. La<br />
chute peut engendrer des zones localisées présentant moins<br />
de follicu<strong>le</strong>s pi<strong>le</strong>ux, appelées zones d’alopécie ou el<strong>le</strong> peut<br />
être généralisée à l’ensemb<strong>le</strong> des follicu<strong>le</strong>s.<br />
El<strong>le</strong> peut résulter de perturbations des différentes phases<br />
<strong>du</strong> cyc<strong>le</strong> pilaire :<br />
– phase anagène : défaut de la pro<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> follicu<strong>le</strong><br />
pi<strong>le</strong>ux sous la dépendance de facteurs hormonaux et<br />
génétiques (alopécie androgénétique), métaboliques<br />
(carence martia<strong>le</strong>, pathologie thyroïdienne...), chimiothérapie...<br />
;<br />
– phase télogène : effluvium télogène, sorte de mort<br />
prématurée de nombreux cheveux.<br />
Le follicu<strong>le</strong> pi<strong>le</strong>ux peut aussi présenter des anomalies de<br />
structure de sa tige pilaire ou être détruit par un agent<br />
infectieux (teigne), un phénomène auto-immun (pelade),<br />
un traumatisme (brûlure).<br />
ALOPÉCIE DIFFUSE RÉVERSIBLE :<br />
L’EFFLUVIUM TÉLOGÈNE<br />
L’effluvium télogène est une chute de cheveux liée à un<br />
passage rapide en phase télogène d’un certain nombre de<br />
cheveux. Parmi <strong>le</strong>s causes évoquées, on retrouve régulièrement<br />
une cause organique (carence en fer, troub<strong>le</strong>s des<br />
règ<strong>le</strong>s, période qui suit l’accouchement et/ou période de<br />
l’allaitement, maladie, prise de médicaments, intervention<br />
chirurgica<strong>le</strong>, fièvre prolongée supérieure à 39,5 °C, etc.),<br />
voire psychologique à type de stress, tel un deuil… Les<br />
cheveux « morts » restant accrochés au cuir chevelu <strong>du</strong>rant<br />
environ 3 mois avant de tomber, on retrouve souvent <strong>le</strong><br />
facteur déc<strong>le</strong>nchant dans <strong>le</strong>s 2-3 mois précédant <strong>le</strong> début<br />
de la chute de cheveux. L’alopécie est bruta<strong>le</strong> et prédomine<br />
au niveau des tempes et autour des oreil<strong>le</strong>s. El<strong>le</strong> est réversib<strong>le</strong><br />
en 4 à 6 mois, mais une année complète est nécessaire<br />
à la restitution <strong>du</strong> volume de la chevelure antérieure<br />
chez la femme. Des traitements vitaminiques ou par acides<br />
aminés soufrés peuvent aider à la repousse et rassurer <strong>le</strong>s<br />
<strong>patient</strong>s. Le minoxidil topique doit être évité en période<br />
d’effluvium aigu car il peut, dans un premier temps, accentuer<br />
la chute par élimination plus rapide des cheveux télogènes.<br />
Ensuite, au décours de la phase aiguë, <strong>le</strong> minoxidil<br />
peut accélérer la repousse.<br />
L’anesthésie (par son stress ou ses agents) pourrait être<br />
classée dans cette catégorie. Cependant aucune étude<br />
scientifique n’a cherché à prouver une relation entre anesthésie<br />
et chute des cheveux de type effluvium télogène.<br />
Que répondre à un <strong>patient</strong> qui<br />
a peur de perdre des cheveux<br />
après une anesthésie ?<br />
Que répondre?<br />
Seuls certains médicaments utilisés parfois par notre<br />
spécialité (gabapentine, agents dopaminergiques<br />
[Parkinson] et <strong>le</strong>s bêtabloquants) ont été retrouvés responsab<strong>le</strong>s<br />
d’effluvium télogène.<br />
ALOPÉCIE LOCALISÉE<br />
Des cas d’alopécie localisée ont été décrits au niveau de la<br />
partie occipita<strong>le</strong> <strong>du</strong> cuir chevelu. Cette chute de cheveux<br />
correspond à un déficit circulatoire de la zone concernée<br />
par une pression prolongée et excessive sur cette zone. Des<br />
colliers ou dispositifs de fixation ont aussi provoqué ce type<br />
d’alopécie.<br />
Signalons éga<strong>le</strong>ment que des embolisations artériel<strong>le</strong>s<br />
céphaliques ont provoqué des alopécies tempora<strong>le</strong>s ou<br />
occipita<strong>le</strong>s par un phénomène ischémique.<br />
Cette alopécie n’est pas toujours réversib<strong>le</strong> et peut nécessiter<br />
la réalisation de lambeaux. Sa prévention repose sur<br />
l’utilisation de protection de la zone concernée par la pression,<br />
par la mobilisation de la tête (rotation alternée) au<br />
cours des chirurgies de plus de 4-5 heures.<br />
CONCLUSION<br />
L’alopécie localisée par ischémie est une réalité connue<br />
dans <strong>le</strong>s suites d’une chirurgie prolongée. El<strong>le</strong> doit être<br />
prévenue car el<strong>le</strong> peut être définitive. L’alopécie généralisée<br />
de type effluvium télogène dans la période postopératoire<br />
est réversib<strong>le</strong>, multifactoriel<strong>le</strong>, et la responsabilité de l’anesthésie<br />
n’est pas directement prouvée. Devant un <strong>patient</strong><br />
exprimant cette peur particulière, la rareté de cette complication<br />
et la connaissance de deux mécanismes différents<br />
exposés ci-dessus permettront de lui tenir un discours<br />
rassurant. Á<br />
DOMINIQUE CHASSARD<br />
SERVICE D’ANESTHÉSIE-RÉANIMATION, CHU DE LYON<br />
dominique.chassard@chu-lyon.fr<br />
RÉFÉRENCES<br />
1. Desai SP, Roaf ER. Telogen Effluvium after Anesthesia and Surgery. Anesth<br />
Analg 1984 ; 63 : 83-84.<br />
2. Eker HE, Cok OY, Aribogan A. Alopecia associated with gabapentin in the<br />
treatment of neuropathic pain. J Pain Symptom Manage 2009 ; 37 : e5-6.<br />
3. Mounsey AL, Reed SW. Diagnosing and treating hair loss. Am Fam Physician<br />
2009 ; 80 : 356-362.<br />
4. Wi<strong>le</strong>s JC, Hansen RC. Postoperative (pressure) alopecia. J Am Acad Dermat<br />
1985 ; 12 (1 Pt 2) : 195-198.<br />
AVRIL 2011 VIGILANCE N° 23 27
INFORMATION<br />
EuSOS :<br />
une étude européenne des pratiques<br />
de soins en chirurgie lourde non cardiaque<br />
POURQUOI EuSOS ?<br />
Certaines études suggèrent que <strong>le</strong> sous-groupe de <strong>patient</strong>s<br />
identifiés à risque é<strong>le</strong>vé est responsab<strong>le</strong> de 80 % des<br />
décès postopératoires constatés pour seu<strong>le</strong>ment 15 % des<br />
procé<strong>du</strong>res (1,2) . En dépit d’évidences fortes de l’impact de<br />
complications postopératoires, peu de chose est connu<br />
concernant la disponibilité de ressources d’unités de<br />
surveillance continue et de réanimation pour <strong>le</strong>s <strong>patient</strong>s<br />
de chirurgie non cardiaque et l’impact d’une admission<br />
dans de tel<strong>le</strong>s structures sur <strong>le</strong> devenir clinique de ces<br />
<strong>patient</strong>s. La survie parmi <strong>le</strong>s <strong>patient</strong>s développant des<br />
complications postopératoires varie largement entre <strong>le</strong>s<br />
hôpitaux (3) .<br />
De nouvel<strong>le</strong>s approches <strong>thérapeutique</strong>s peuvent<br />
<strong>améliorer</strong> significativement <strong>le</strong> devenir des <strong>patient</strong>s à<br />
risques é<strong>le</strong>vés en chirurgie non cardiaque. Une sortie<br />
prématurée de réanimation ou l’absence d’admission ont<br />
été identifiées comme des facteurs de risque importants<br />
de décès postopératoire, suggérant un échec de l’identification<br />
appropriée des <strong>patient</strong>s devant être admis en<br />
réanimation (1,2) .<br />
EuSOS : QUELS OBJECTIFS ?<br />
Le projet EuSOS (European Surgical Outcome Study),<br />
soutenu et cofinancé par l’European Society of<br />
Anaesthesiology (ESA) et l’European Society of Intensive<br />
Care Medicine (ESICM), est une évaluation de la<br />
pratique des soins en chirurgie lourde non cardiaque.<br />
Cette étude observationnel<strong>le</strong> multicentrique sera<br />
con<strong>du</strong>ite au mois d’avril prochain sur une période de<br />
7 jours dans 28 pays européens (dont de nombreux<br />
centres hospitaliers français). EuSOS ambitionne l’inclusion<br />
de plus de 20 000 <strong>patient</strong>s consécutifs afin de<br />
répondre aux questions suivantes.<br />
1. Quel<strong>le</strong> est la mortalité intra-hospitalière pour <strong>le</strong>s<br />
<strong>patient</strong>s subissant une chirurgie non cardiaque en<br />
Europe ?<br />
2. Quel<strong>le</strong> est la <strong>du</strong>rée d’hospitalisation pour <strong>le</strong>s <strong>patient</strong>s<br />
subissant une chirurgie non cardiaque en Europe ?<br />
3. Quel est l’état actuel de l’offre de soins de réanimation<br />
postopératoire pour <strong>le</strong>s <strong>patient</strong>s subissant une<br />
chirurgie non cardiaque en Europe ?<br />
4. Quel est <strong>le</strong> standard actuel de monitorage hémodynamique<br />
pour <strong>le</strong>s <strong>patient</strong>s subissant une chirurgie non<br />
cardiaque en Europe ?<br />
5. Existe-t-il des différences dans <strong>le</strong>s standards de soins<br />
périopératoires proposés pour <strong>le</strong>s <strong>patient</strong>s subissant<br />
une chirurgie non cardiaque dans <strong>le</strong>s différents<br />
systèmes de santé en Europe ?<br />
6. Existe-t-il des différences de <strong>du</strong>rées de séjour et de mortalité<br />
pour <strong>le</strong>s <strong>patient</strong>s subissant une chirurgie non cardiaque<br />
dans <strong>le</strong>s différents systèmes de santé en Europe ?<br />
7. Quels facteurs déterminent une admission programmée<br />
et non programmée en réanimation après chirurgie ?<br />
8. Existe-t-il une similitude des facteurs associés avec<br />
l’admission en réanimation et ceux associés avec <strong>le</strong><br />
décès en postopératoire ?<br />
EuSOS constitue une formidab<strong>le</strong> opportunité de construction<br />
d’un réseau de recherche en médecine périopératoire.<br />
Une évaluation rigoureuse des standards de soins<br />
périopératoires européens pourrait fournir des données<br />
importantes et servir de support à un changement de<br />
notre approche actuel<strong>le</strong> de prise en charge des <strong>patient</strong>s<br />
subissant une chirurgie lourde non cardiaque.<br />
1. Jhanji S, Thomas B, Ely A, et al. Mortality and utilisation of critical care<br />
resources amongst high-risk surgical <strong>patient</strong>s in a large NHS trust.<br />
Anaesthesia 2008 ; 63 : 695-700.<br />
2. Pearse RM, Harrison DA, James P, et al. Identification and characterisation of the<br />
high-risk surgical population in the United Kingdom. Crit Care 2006 ; 10 : R81.<br />
3. Ghaferi AA, Birkmeyer JD, Dimick JB. Variation in hospital mortality associated<br />
with in<strong>patient</strong> surgery. N Engl J Med 2009 ; 361 : 1368-1375.<br />
Pour toute information complémentaire, al<strong>le</strong>z sur <strong>le</strong> site Web<br />
de l’étude : http://eusos.esicm.org/ ou contactez :<br />
Coordinateurs France<br />
Emmanuel FUTIER (efutier@chu-c<strong>le</strong>rmontferrand.fr) et Jean-Yves<br />
LEFRANT (jean-yves.<strong>le</strong>frant@wanadoo.fr).<br />
Steering committee<br />
Benoît VALLET (benoit.val<strong>le</strong>t@chru-lil<strong>le</strong>.fr)<br />
CHRU de Lil<strong>le</strong> – Pô<strong>le</strong> d'Anesthésie-Réanimation<br />
Rue Eugène Avinée – 59037 Lil<strong>le</strong> Cedex<br />
Téléphone secrétariat : +33 3 20 44 62 69