La Révolte des chandails malins - Cforp.ca
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www.cforp.on.<strong>ca</strong>/quad9<br />
Michèle <strong>La</strong>framboise<br />
<strong>La</strong> <strong>Révolte</strong><br />
<strong>des</strong> <strong>chandails</strong><br />
<strong>malins</strong>
17 h 47. Yvan se hâte vers le terrain de<br />
soccer. Son équipe, les Aigles de Montfort,<br />
a été sélectionnée pour prendre part au<br />
tournoi interécoles. En l’apprenant, Roxanne<br />
saute de joie, renversant son berlingot de lait.<br />
Albéric, leur <strong>ca</strong>pitaine, s’est rembruni.<br />
— Notre équipe n’a pas encore son uniforme<br />
officiel.<br />
— Bof, dit Roxanne en essuyant son dégât,<br />
ça ne va pas empêcher notre séance<br />
d’entraînement de ce soir d’avoir lieu!<br />
17 h 50. Albéric fait les cent pas près du<br />
filet de Roxanne. Cette dernière est l’arme<br />
secrète <strong>des</strong> Aigles : si la gardienne court un<br />
peu moins vite que les gars, elle bondit très<br />
haut et attrape presque tous les ballons lancés<br />
vers le filet! Ils attendent Yvan, leur meilleur<br />
attaquant.<br />
3
4<br />
17 h 56. Yvan contourne l’école pour se<br />
rendre sur le terrain. En passant devant le<br />
gros conteneur à déchets, il manque trébucher<br />
sur une <strong>ca</strong>isse de bois. Curieux : en quittant<br />
l’école, cet après-midi, il est passé au même<br />
endroit, sans voir de <strong>ca</strong>isse. Qui sait, il<br />
pourrait y trouver une console X-Box usagée?<br />
Yvan ouvre la <strong>ca</strong>isse. Tiens, elle contient<br />
<strong>des</strong> vêtements! Et en bon état, presque neuf!<br />
Soudain, il a une idée.<br />
18 h 5. Au moment où Albéric siffle le début<br />
de l’entraînement, il aperçoit Yvan qui trottine<br />
sur le terrain, une <strong>ca</strong>isse dans les bras.<br />
— Hé! regardez ce que j’ai trouvé! Il y en<br />
a assez pour nous tous!<br />
Tous les Aigles se penchent au-<strong>des</strong>sus de la<br />
<strong>ca</strong>isse.<br />
—Wow! Des uniformes!<br />
Albéric déplie doucement un <strong>des</strong> <strong>chandails</strong><br />
rouges numérotés en noir.<br />
— Eh bien! ces <strong>chandails</strong> arrivent à pic!<br />
Il en enfile un, qui s’avère être à sa taille.<br />
— Eh! Celui-là me va bien, dit Yvan, le plus<br />
costaud.<br />
Ses doutes et ses peurs disparaissent, laissant<br />
la place à une merveilleuse confiance. Bientôt,<br />
tous les joueurs ont enfilé un <strong>des</strong> <strong>chandails</strong>.
18 h 30. Roxanne se sent en pleine forme<br />
et déjoue tous les tirs au but! À la pause,<br />
elle examine son chandail. Le symbole qui<br />
représente son numéro a l’air d’un portail<br />
chinois.<br />
— Eh! c’est drôle, j’ai le nombre pi!<br />
— Pi, c’est entre 3 et 4? demande Albéric, qui<br />
n’est pas le plus fort en maths. Regarde, moi,<br />
j’ai le 9.<br />
— Non, c’est un « g » qui désigne<br />
l’accélération gravitationnelle, dit Roxanne.<br />
Ces <strong>chandails</strong> sont <strong>malins</strong>!<br />
— Moi aussi, j’ai une lettre, dit Yvan. Un<br />
« e ».<br />
Les autres joueurs portent les nombres 2, 5, 4,<br />
8… bref, <strong>des</strong> nombres entiers normaux.<br />
— Mon numéro est l’exponentielle naturelle,<br />
explique Roxanne. Un nombre magique.<br />
— Hé! hé! sourit Yvan. Magique comme mon<br />
jeu!<br />
Le temps du tournoi arrive enfin. Les<br />
Aigles affrontent, en huitième de finale, les<br />
Panthères. Malgré leurs numéros étranges, les<br />
Aigles remportent une victoire fra<strong>ca</strong>ssante.<br />
Albéric, le <strong>ca</strong>pitaine, est certain que les<br />
<strong>chandails</strong> <strong>malins</strong> leur portent chance.<br />
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6<br />
En quart de finale, le même scénario se répète<br />
face aux Coyotes. Victoire <strong>des</strong> Aigles.<br />
Semi-finale : le terrain a un air de fête, décoré<br />
avec <strong>des</strong> ballons multicolores. Les pan<strong>ca</strong>rtes<br />
<strong>des</strong> commanditaires disparaissent derrière les<br />
parents impatients d’immortaliser leur enfant<br />
en pleine action.<br />
<strong>La</strong> partie va bon train. Les Aigles montrent leur<br />
supériorité sur les Couguars : 1 à 0. Pendant<br />
la seconde période, Roxanne s’avance hors<br />
du but pour mieux suivre le jeu. Elle éprouve<br />
un doute : joueraient-ils aussi bien sans leurs<br />
<strong>chandails</strong> <strong>malins</strong>? Soudain, un attaquant<br />
<strong>des</strong> Couguars la bouscule, et elle tombe. Il<br />
marque dans son but sous les cris de la foule.<br />
— Misère, dit Albéric. Ils nous tiennent 1 à 1!<br />
— Seulement parce qu’ils ont fait trébucher<br />
Rox! gronde Yvan.<br />
Il reprend le ballon et le « tricote » avec ses<br />
jambes comme un pro. Hélas! un joueur<br />
<strong>des</strong> Couguars le bloque près du but. Yvan<br />
fait mine de tomber en ayant très mal. Sa<br />
ruse fonctionne; l’arbitre donne une punition<br />
à l’équipe adverse.<br />
« Quel bon comédien je suis! » pense-t-il.<br />
Au moment où Albéric s’apprête à botter le<br />
lancer de punition… une forte odeur d’œufs<br />
pourris lui monte aux narines.
Puis, la brise transporte une odeur de<br />
charogne qui lui lève le cœur. Ça vient de son<br />
chandail! Il n’est pas le seul; tous les Aigles<br />
s’empressent d’enlever leur chandail, sauf<br />
Roxanne qui s’éclipse vers les vestiaires. Les<br />
spectateurs abandonnent les gradins.<br />
L’arbitre s’approche en se pinçant le nez.<br />
— Hey! les farces et attrapes, c’est au vestiaire<br />
qu’il faut les laisser!<br />
— Mais… proteste Albéric.<br />
— <strong>La</strong> partie est annulée!<br />
Les Aigles, piteux, quittent le terrain. Les autres<br />
joueurs partis, Albéric recueille les <strong>chandails</strong><br />
puants dans un sac de poubelle. Yvan et lui<br />
rejoignent Roxanne au vestiaire.<br />
— C’est enrageant! dit-elle.<br />
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8<br />
— C’est d’ta faute, Rox, blâme Yvan. Si t’étais<br />
pas tombée, on aurait gagné!<br />
— Yvan! s’écrie Albéric, t’as pas d’esprit<br />
d’équipe! Tu as cédé à la tentation de tricher!<br />
— Moi?<br />
— Je suis comédien, moi aussi, mais au<br />
théâtre étudiant!<br />
Pendant l’alter<strong>ca</strong>tion, Roxanne remarque un<br />
garçon maigre, au teint brun et aux cheveux<br />
noirs, qui les écoute. Il porte un short rapiécé<br />
et un chandail semblable à ceux qu’ils ont<br />
jetés. Sur le chandail, elle remarque une<br />
lettre qu’elle reconnaît : la lettre « c » qui<br />
représente la vitesse de la lumière, soit<br />
300 000 km par seconde.
Étrange! Albéric et Yvan se tiennent devant la<br />
seule porte du vestiaire. Comment est-il entré?<br />
Roxanne s’approche du gars pour lui parler.<br />
Tout à coup, elle passe à travers lui!<br />
— Aah! un fantôme! s’écrie-t-elle.<br />
— Me llamo Tio.<br />
<strong>La</strong> voix parle en espagnol dans leur tête, mais<br />
les trois jeunes le comprennent comme si le<br />
garçon parlait français.<br />
Tio était Chilien et aimait bien jouer au<br />
soccer. Hélas! il est mort d’une maladie liée<br />
aux mauvaises conditions de vie dans son<br />
village. Son oncle, à la fois mathématicien et<br />
puissant sorcier, l’a aidé à apparaître dans<br />
notre monde.<br />
— Oh! ton oncle est un vrai sorcier? s’étonne<br />
Yvan.<br />
— Un adepte de magie blanche, corrige Tio.<br />
— Cela explique ce qui s’est passé avec les<br />
<strong>chandails</strong> à la suite de la tricherie d’Yvan,<br />
commente Albéric.<br />
<strong>La</strong> voix douce du fantôme poursuit dans leur<br />
tête.<br />
— J’adorais le soccer et je rêvais de voyager<br />
au Canada. Mon oncle Rugio a matérialisé<br />
les <strong>chandails</strong>. Notre village est en danger :<br />
<strong>des</strong> forces obscures le menacent. Nous avons<br />
besoin de votre aide!<br />
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Yvan regarde sa montre. Son émission de<br />
télévision favorite va commencer, et il aimerait<br />
retourner chez lui pour la regarder.<br />
— Écoute, ton histoire est bien triste, mais<br />
qu’est-ce qu’on peut faire? Nous sommes loin<br />
du Chili!<br />
— Si vous endossez les <strong>chandails</strong>, la distance<br />
sera abolie.<br />
Les jeunes hésitent. Albéric se décide et remet<br />
son chandail, fronçant le nez. Aussitôt, un<br />
vortex de lumière étourdissante apparaît. Le<br />
<strong>ca</strong>pitaine <strong>des</strong> Aigles y est aspiré, comme l’eau<br />
s’égouttant dans un drain d’évier.<br />
— Hé! attends-nous! crient Rox et Yvan.<br />
Yvan a l’impression que son corps est un<br />
élastique qui s’étire sur une longue distance.<br />
Quand l’impression de dislo<strong>ca</strong>tion le quitte,<br />
il se retrouve sur la pente d’une montagne<br />
qui surplombe <strong>des</strong> maisons basses. Le soir est<br />
tombé, mais il aperçoit les contours faiblement<br />
lumineux de Rox, d’Albéric et de Tio.<br />
— Nous sommes immatériels, comprend-il.<br />
Roxanne réfléchit.<br />
— Pour un fantôme, la vitesse de la lumière<br />
n’est pas un obstacle.<br />
— C’est marrant d’être un fantôme, dit Yvan.<br />
Wouhouuuuh! hurle-t-il en exécutant un triple<br />
salto arrière.
— Hé! dit Albéric, nous sommes ici pour aider<br />
Tio! Bon, où sont tes forces obscures?<br />
— Tout a l’air tranquille, dit Yvan, déçu.<br />
— Euh! Tio, je vois quelque chose, là-bas, dit<br />
Roxanne.<br />
Une ombre <strong>des</strong>cend de la montagne. On<br />
aurait pu croire à un paysan, si ce n’était de<br />
la lance effilée qu’il porte. Puis, une autre<br />
ombre le suit.<br />
Bientôt, une armée de spectres errent dans le<br />
village endormi. Ils portent <strong>des</strong> armures, <strong>des</strong><br />
épées et <strong>des</strong> <strong>ca</strong>sques de fer. De près, leurs<br />
visages hâves et leurs yeux vi<strong>des</strong> témoignent<br />
de leurs siècles d’errance.<br />
— Ces soldats espagnols sont morts au temps<br />
<strong>des</strong> conquêtes. Ils donnent <strong>des</strong> <strong>ca</strong>uchemars<br />
aux villageois, explique Tio. Mon oncle dit<br />
que quelque chose les retient près du village.<br />
Hélas! personne ne le croit, et il est trop vieux<br />
pour sortir dehors.<br />
Un chien aboie pour repousser les intrus.<br />
Soudain, l’animal pousse un gémissement<br />
et court se terrer au fond de sa niche. Les<br />
spectres traînent <strong>des</strong> filaments vaporeux qui<br />
ressemblent à de longues toiles d’araignée.<br />
Les jeunes ressentent un profond dégoût,<br />
comme si le contact de ces filaments avait<br />
effacé les couleurs et la joie de vivre, ne<br />
laissant que le gris sombre de la mort...<br />
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12<br />
Yvan ressasse toutes ses mauvaises actions;<br />
Roxanne se rappelle tous ses souvenirs tristes;<br />
Albéric ressent d’un coup tous ses échecs du<br />
passé. S’ils avaient leur corps, ils pleureraient<br />
à chau<strong>des</strong> larmes!<br />
Les spectres forment un cercle de déprime<br />
autour d’eux. Yvan peut sentir leur tristesse,<br />
immense, comme un puits sans fond.<br />
— Attention! prévient Tio. Leurs émotions<br />
négatives affectent vos pensées.<br />
Mais un filet de regrets paralyse les jeunes.<br />
Leurs émotions tournent en rond comme un<br />
fauve en <strong>ca</strong>ge. C’est à devenir fou…<br />
Albéric se rappelle qu’il est le <strong>ca</strong>pitaine de<br />
l’équipe. Même si la partie paraît perdue, il<br />
doit garder le moral.<br />
— Allez, les Aigles! s’écrie-t-il. On a un match<br />
à finir!<br />
Il bondit, son corps léger s’élevant sous la<br />
voûte étoilée. Il entraîne ses amis. Les soldats<br />
morts, provenant d’une époque sans avion et<br />
dénués d’imagination, demeurent près du sol.<br />
<strong>La</strong> déprime reflue comme une vague boueuse,<br />
se retirant de leur esprit. D’en haut, Albéric<br />
voit que ces toiles d’araignée ont tissé une<br />
prison de peur autour du village. Un cri monte<br />
vers eux dans la nuit : un petit enfant pleure,<br />
réveillé par un <strong>ca</strong>uchemar.<br />
— Nuit après nuit, ils reviennent nous hanter,<br />
dit Tio. Certains habitants ont déménagé.
— Alors, dit Roxanne, trouvons ce qui retient<br />
les spectres ici.<br />
Après <strong>des</strong> recherches qui leur paraissent très<br />
longues, à travers les bois et les collines, les<br />
jeunes fantômes se retrouvent près de la hutte<br />
qui abrite l’oncle de Tio.<br />
— Ah, là là! Toujours rien, grogne Yvan. Si<br />
j’avais mon corps, je serais épuisé.<br />
— Il faut continuer, dit Albéric.<br />
— Attends, dit Roxanne. Les spectres avaient<br />
l’air de <strong>des</strong>cendre de la montagne, par là. Si<br />
on allait voir?<br />
Sans effort, les trois fantômes et Tio se<br />
retrouvent au sommet de la montagne. Ils<br />
survolent les eaux <strong>ca</strong>lmes et noires d’un<br />
immense lac, celui qui alimente le village en<br />
eau potable. Et…<br />
— Regardez cette lueur, au fond du lac!<br />
s’écrie Yvan.<br />
En effet, une tache d’un vert maladif révèle les<br />
contours sombres de barils.<br />
— D’où viennent-ils?<br />
Un plouf sourd leur répond.<br />
Ils aperçoivent, ancré au centre du lac, un<br />
bateau. Des ombres jettent <strong>des</strong> barils par<strong>des</strong>sus<br />
bord. Puis, le bateau revient vers la<br />
rive opposée. Des hommes en débarquent et<br />
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marchent sur un chemin de terre où les attend<br />
une <strong>ca</strong>mionnette. Le véhicule porte un logo en<br />
forme de diamant.<br />
— Je reconnais ce logo, dit Albéric.<br />
C’est Lobotech, une <strong>des</strong> compagnies qui<br />
commandite notre tournoi.<br />
— Elle paie ces hommes pour déverser leurs<br />
déchets toxiques dans le lac!<br />
— Les sales pollueurs! Voilà pourquoi Tio a été<br />
si malade! s’écrie Yvan.<br />
— Non seulement ils empoisonnent l’eau<br />
potable, mais la pollution dérange les spectres<br />
qui vont hanter le village, admet Roxanne.<br />
Voilà la <strong>ca</strong>use que ton oncle soupçonnait, Tio.<br />
— Il faut les arrêter! gronde Yvan.<br />
— Et comment? demande Albéric, passant son<br />
bras à travers un tronc d’arbre.<br />
— Hé! les gars, j’ai une idée! Yvan, aimeraistu<br />
jouer au monstre?<br />
Les hommes fument une cigarette près de la<br />
<strong>ca</strong>mionnette. Soudain, <strong>des</strong> feuilles bruissent<br />
dans la forêt. Nerveux, ils regardent<br />
autour d’eux. Ils distinguent une pieuvre<br />
aux tentacules qui se terminent par <strong>des</strong><br />
crochets. <strong>La</strong> créature est suivie d’un couguar<br />
gigantesque aux <strong>ca</strong>nines menaçantes.<br />
Les hommes, superstitieux, reculent.
Un aigle géant fond sur eux, son cri strident se<br />
répercutant dans leur esprit. Un coup de vent<br />
fait tomber leur cigarette. Pris de panique, les<br />
hommes s’engouffrent dans la <strong>ca</strong>mionnette qui<br />
démarre sur-le-champ. Sur le chemin de terre<br />
se dresse un <strong>ca</strong>davre en armure...<br />
Le véhicule fait une embardée et s’éloigne,<br />
sous les rires de Tio.<br />
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— Eh bien! dit la pieuvre, je crois qu’ils ne<br />
reviendront pas de sitôt empoisonner votre<br />
eau potable!<br />
— Beau travail, l’équipe, dit l’aigle en<br />
reprenant la forme d’Albéric.<br />
— Cela ne suffira pas, dit le fauve, redevenant<br />
Roxanne. Ces gens ont <strong>des</strong> patrons. Il<br />
faudrait, disons, visiter quelques dirigeants…<br />
Yvan, ta pieuvre est géniale!<br />
<strong>La</strong> distance n’a pas d’importance pour les<br />
fantômes. Cette nuit-là, les responsables<br />
de la compagnie, au Chili et au Canada,<br />
se tournent et se retournent dans leur<br />
lit confortable, en proie à de terrifiants<br />
<strong>ca</strong>uchemars.<br />
Quand ils sont certains d’avoir fait du bon<br />
travail, les jeunes se retrouvent près du<br />
village.<br />
— J’ai parlé à mon oncle dans son sommeil,<br />
dit Tio. Il connaît la vérité, et les villageois<br />
trouveront les barils.<br />
— Je crois que Lobotech va cesser ses activités<br />
au Chili, dit Roxanne.<br />
— Merci, mes amis. Je peux partir en paix.<br />
Les jeunes fantômes et Tio se serrent la main,<br />
un contact aussi doux et réel que leur amitié.<br />
— Au revoir, Tio. On aurait aimé mieux te<br />
connaître.
— Nous nous reverrons peut-être, dans bien<br />
<strong>des</strong> années…<br />
Albéric, Roxanne et Yvan se réveillent dans le<br />
vestiaire.<br />
— Quelle histoire! dit Yvan. Il doit être tard,<br />
mes parents vont paniquer!<br />
— Tiens, il n’est même pas huit heures,<br />
remarque Albéric.<br />
Seulement quelques minutes se sont écoulées.<br />
— Personne ne va nous croire, dit-il. Hé! où<br />
sont nos <strong>chandails</strong>?<br />
Les trois amis regardent autour d’eux. Tous les<br />
<strong>chandails</strong> <strong>malins</strong> ont disparu.<br />
— Tu sais, j’ai pensé à quelque chose, dit<br />
Roxanne. Ces spectres qui faisaient si peur…<br />
— Quoi donc?<br />
— Je me demande s’ils ne voulaient pas, au<br />
fond, faire fuir les habitants du village pour<br />
les sauver <strong>des</strong> poisons.<br />
— De la seule manière qu’ils pouvaient<br />
imaginer, conclut Albéric : en faisant peur…<br />
Les Aigles remportèrent la semi-finale de<br />
reprise, sans les <strong>chandails</strong> <strong>malins</strong>.<br />
Et la finale? Faisons-leur confiance!<br />
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Michèle LeBlanc
— Voyons, Philippe, ce n’est pas si<br />
dramatique que ça de déménager. En plus,<br />
toi qui adores le hockey, tu pourras en<br />
profiter encore plus. Les plus gran<strong>des</strong> villes<br />
permettent d’y jouer, bien sûr, mais aussi<br />
d’aller voir <strong>des</strong> matchs, dit Zoé en fermant<br />
une boîte contenant ses objets personnels.<br />
— Ouais! mais je n’aurai plus mes amis. Ça<br />
ne sera plus pareil. J’aurais vraiment préféré<br />
demeurer ici, dit Philippe d’une voix triste.<br />
C’est sur cette note que se termine la dernière<br />
journée <strong>des</strong> <strong>La</strong>pointe dans leur maison de<br />
Kirkland <strong>La</strong>ke. Après demain, les quatre<br />
membres de la famille partiront pour North<br />
Bay, où M. <strong>La</strong>pointe commencera<br />
21
22<br />
son nouvel emploi. L’usine pour laquelle il<br />
travaillait doit fermer, mais, heureusement, on<br />
lui a proposé un autre travail. Pour cela, il doit<br />
cependant déménager avec sa famille. Nouvelle<br />
ville, nouveaux défis et nouveaux amis.<br />
Deux jours plus tard, les <strong>La</strong>pointe<br />
emménagent dans leur nouvelle maison.<br />
Heureusement, les déménageurs se chargent<br />
du gros du travail. Philippe, âgé de 13 ans,<br />
et Zoé, 14½ ans, s’occupent donc de ranger<br />
leur chambre respective. Claudette, leur<br />
mère, supervise le tout avec gaieté et<br />
vivacité. On prend une pause pour dîner, et<br />
le travail reprend. Toutefois, les deux jeunes,<br />
un peu ennuyés par le rangement, décident<br />
d’explorer en détail tous les coins de la<br />
maison, leur chien Filo à leur suite.<br />
Surprise! Au bout du corridor menant à leurs<br />
chambres se trouve une porte fermée à l’aide<br />
d’un petit crochet.<br />
— Où mène cette porte? demande Philippe<br />
à Zoé.<br />
— Aucune idée. Mais on va le savoir assez<br />
vite, dit Zoé en tirant le crochet.<br />
Un es<strong>ca</strong>lier apparaît devant eux. Les deux<br />
jeune se regardent et Zoé invite son frère à la<br />
suivre.
— Allez, viens, on va voir. J’imagine que<br />
c’est le grenier.<br />
— Ouais! Mais Maman nous a bien dit de<br />
nous limiter à nos chambres.<br />
— C’est vrai, mais c’est notre maison, après<br />
tout. En tout <strong>ca</strong>s, moi, je vais voir. Viens-tu,<br />
Filo?<br />
Ils grimpent l’es<strong>ca</strong>lier et débouchent sur une<br />
grande pièce qui fait office de grenier.<br />
Divers objets, quelques meubles et beaucoup<br />
de poussière : les yeux <strong>des</strong> deux jeunes<br />
examinent en détail la pièce.<br />
— Wow! s’exclame Zoé. Quel paradis!<br />
— Paradis? Où vois-tu un paradis?<br />
— Imagine ce qu’on peut faire de cette pièce.<br />
Ça pourrait devenir une salle spéciale pour<br />
nous.<br />
— Salle…<br />
Philippe ne termine pas sa phrase et montre<br />
du doigt un énorme banc en bois.<br />
— On regarde ce qu’il y a dedans?<br />
— Oui, Phil.<br />
Ils soulèvent donc le couvercle et aperçoivent<br />
divers objets anciens.<br />
— Qu’est-ce que vous faites là, les enfants?<br />
23
24<br />
<strong>La</strong> consigne était de terminer vos chambres,<br />
les surprend leur mère.<br />
— Mais, Maman, regarde les trésors qu’on<br />
vient de découvrir, dit Zoé.<br />
— Ne touchez à rien, dit Claudette en<br />
regardant de plus près. Ce sont <strong>des</strong> antiquités<br />
et, probablement, <strong>des</strong> objets auxquels<br />
tiennent les anciens propriétaires.<br />
— Voyons, Maman, ils les auraient apportés,<br />
dit Philippe.<br />
— C’est peut-être un oubli, dit leur mère.<br />
Ces gens vivaient ici depuis longtemps et il<br />
n’est pas évident, dans ce <strong>ca</strong>s, de quitter sa<br />
maison. Avant de toucher à quoi que ce soit<br />
dans ce banc, nous allons vérifier avec eux.<br />
De retour à l’étage, les deux adolescents<br />
supplient leur mère pour qu’elle leur<br />
téléphone immédiatement. Elle finit par céder<br />
à leur désir, mais la tentative échoue.<br />
— Continuons à travailler et je tenterai de les<br />
joindre plus tard, les informe leur mère.<br />
C’est à contrecœur que Zoé et Philippe se<br />
dirigent vers leurs chambres. À la fin de<br />
l’après-midi, ils reviennent toutefois à la<br />
charge.<br />
— Maman, tu essaies de les joindre de<br />
nouveau? demande Zoé.
Encore une fois, Mme <strong>La</strong>pointe accepte de<br />
leur téléphoner. Cette fois-ci, Mme Brassard,<br />
l’ancienne propriétaire, répond. Elle lui<br />
apprend qu’ils ont laissé délibérément <strong>des</strong><br />
objets dans le grenier. Ils ne leur servaient<br />
plus, ils dataient de très longtemps et ils leur<br />
rappellaient une vieille querelle qui perdurait<br />
entre eux et les voisins. En ce qui concerne<br />
la <strong>ca</strong>use de la chi<strong>ca</strong>ne, toutefois, pas moyen<br />
d’en apprendre davantage.<br />
Zoé et Philippe regardent leur mère qui vient<br />
de raccrocher. Elle semble troublée.<br />
— Qu’est-ce qu’il y a, Maman? s’inquiète<br />
Zoé.<br />
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26<br />
— Hum! rien, rien.<br />
— Pourquoi fais-tu cette tête-là, alors?<br />
— Je suis juste un peu surprise. Mme Brassard<br />
m’avait paru tellement avenante jusqu’à<br />
présent et, aujourd’hui, lorsque je lui ai parlé<br />
du grenier et <strong>des</strong> objets qui s’y trouvent, j’ai<br />
senti que quelque chose n’allait pas.<br />
Le lendemain matin, leur installation est loin<br />
d’être terminée, mais Mme <strong>La</strong>pointe décide<br />
de profiter du soleil et sort faire le tour du<br />
terrain. Elle espère voir les voisins et souhaite<br />
que les choses se passent bien avec eux.<br />
Heureux hasard, Mme Smith, la voisine,<br />
<strong>des</strong>cend l’allée en portant ses poubelles.<br />
Mme <strong>La</strong>pointe en profite.<br />
— Bonjour! Belle journée! Si je comprends<br />
bien, c’est la journée <strong>des</strong> ordures?<br />
Comme réponse, Mme Smith lui adresse un<br />
signe de tête. Comme elle désire clarifier la<br />
situation tout de suite, Mme <strong>La</strong>pointe reprend.<br />
— Aussi bien se présenter, puisque nous<br />
serons voisins. Claudette <strong>La</strong>pointe. Mon<br />
mari s’appelle Bernard et mes enfants, Zoé et<br />
Philippe.<br />
— Clara Smith, se limite-t-elle à dire.<br />
Comme elle semble vouloir mettre fin à leur<br />
conversation, Mme <strong>La</strong>pointe enchaîne tout de<br />
suite.
— Mme Smith, je sais que vous ne vous<br />
entendiez pas avec les anciens propriétaires,<br />
mais j’aimerais que ça puisse en être<br />
autrement entre nous.<br />
— Ah! je vois que Mme Brassard vous a parlé<br />
de nous. Ça ne me surprend pas.<br />
— Non, non, ne vous imaginez rien. Elle<br />
m’a simplement dit que les deux familles ne<br />
s’entendaient pas, mais que ça ne devrait pas<br />
nous nuire.<br />
— Juste cela? Sans plus de détails à propos<br />
de la dispute?<br />
— Non.<br />
— Alors, c’est sûrement la culpabilité qui la<br />
rongeait. Avez-vous le temps pour un <strong>ca</strong>fé?<br />
Mme <strong>La</strong>pointe s’empresse d’accepter<br />
l’invitation. Elle souhaite mettre les choses au<br />
clair. C’est ainsi qu’elle prend connaissance<br />
de toute l’histoire. <strong>La</strong> querelle remonte au<br />
temps où elle et M. Brassard étaient enfants.<br />
À cette époque, on ne verrouillait pas les<br />
portes. Un jour, un précieux médaillon<br />
appartenant à la famille depuis plusieurs<br />
générations disparut. Les parents de<br />
Mme Smith accusèrent les enfants Brassard<br />
d’avoir commis le vol. Des pistes menaient<br />
à leur maison. Les Brassard ont toujours<br />
nié avoir quoi que ce soit à faire dans cette<br />
histoire.<br />
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Pendant ce temps, Zoé et Philippe terminent<br />
leur déjeuner.<br />
— Phil, on va au grenier en attendant les<br />
ordres de Maman?<br />
— Ouais! c’est une idée!<br />
Filo sur les talons, ils montent au grenier.<br />
— Regarde les vieux patins à roulettes, Phil.<br />
Peut-être qu’on pourra les essayer plus tard?<br />
— Et ça, c’est quoi? On dirait <strong>des</strong> ciseaux.<br />
— Et ce pot? Wow! comme il est vieux! Une<br />
<strong>ca</strong>squette, un chandelier… Tous ces objets<br />
datent de quelle année, tu penses? demande<br />
Zoé.<br />
— Drôle de morceau de bois! À quoi peut-il<br />
bien servir?<br />
Philippe retourne la planche de bois pour<br />
découvrir qu’il s’agit, en fait, d’un petit miroir<br />
de fabri<strong>ca</strong>tion artisanale.<br />
— Oh! miroir, miroir, dis-moi qui est le plus<br />
fin dans cette maison? dit-il en riant.<br />
— Que tu es bête! dit Zoé, ce n’est pas un<br />
miroir magique. Et ce n’est vraiment pas une<br />
question à poser!<br />
Au même moment, une petite voix semble<br />
sortir du miroir. Philippe voit également<br />
apparaître le visage de deux enfants plutôt<br />
que son propre reflet.
— Bonjour, qui es-tu?<br />
— Zoé, vite, viens voir. Il y a deux jeunes de<br />
notre âge dans le miroir.<br />
Croyant encore que son frère rigole, elle<br />
s’approche doucement et, à son grand<br />
étonnement, découvre le visage de deux<br />
enfants, celui d’un garçon et celui d’une fille.<br />
Plus rapide que son frère, elle demande :<br />
— Qui êtes-vous, qu’est-ce que vous faites<br />
là? dit-elle d’une voix mal assurée.<br />
— N’ayez crainte. Nous ne vous voulons<br />
aucun mal. Nous sommes Sam et Anna.<br />
Nous avons vécu dans ce quartier, il y a bien<br />
<strong>des</strong> années, explique le garçon.<br />
— Et qu’est-ce que vous faites là? répète<br />
Zoé.<br />
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— Nous attendions de l’aide, mais cela fait<br />
un certain temps que personne ne s’était<br />
approché du miroir. Ce miroir est notre seul<br />
accès à votre monde. Comme vous êtes les<br />
premiers, vous êtes tout désignés pour nous<br />
aider, dit Anna.<br />
— Vous aidez à quoi? demande Zoé avec<br />
curiosité.<br />
— À mettre fin à un conflit qui dure depuis<br />
trop longtemps. Quels sont vos prénoms?<br />
s’informe Anna.<br />
— Moi, c’est Philippe, et ma sœur, c’est Zoé.<br />
Nous avons emménagé dans cette maison<br />
hier seulement. Mais de quoi est-il question?<br />
— Assoyez-vous, nous allons vous expliquer.<br />
C’est ainsi que Sam et Anna racontent<br />
à Philippe et à Zoé l’histoire de la chi<strong>ca</strong>ne<br />
entre la famille de M me Smith et la famille<br />
Brassard. Le vol de ce précieux médaillon<br />
est survenu durant l’hiver. Toute la famille<br />
était partie en visite, et c’est à leur retour<br />
qu’ils ont découvert le vol. Ils ont vécu cet<br />
événement comme un drame. Depuis très<br />
longtemps, le précieux médaillon appartenait<br />
à la famille. Il circulait de main en main, de<br />
génération en génération.
Les parents de M me Smith se mirent à la<br />
recherche <strong>des</strong> voleurs et le seul et unique<br />
indice qu’ils trouvèrent fut <strong>des</strong> pas partant<br />
de chez eux jusqu’à la maison <strong>des</strong> Brassard.<br />
Ils accusèrent donc les Brassard qui nièrent<br />
tout. C’est à partir de là que les deux familles<br />
voisines cessèrent de se parler. Il vous faut<br />
donc trouver où est <strong>ca</strong>ché le médaillon.<br />
Il pourra ainsi être rendu à la famille de<br />
M me Smith et, du même coup, innocenter les<br />
anciens propriétaires de votre maison.<br />
— Trouver le médaillon? Vous êtes mala<strong>des</strong>!<br />
dit Philippe. Si personne n’a mis la main<br />
<strong>des</strong>sus depuis tout ce temps, c’est qu’il est<br />
très bien <strong>ca</strong>ché ou que quelqu’un d’autre a<br />
disparu en l’emportant.<br />
— Pas de panique, petit frère, dit Zoé,<br />
attends d’en savoir plus.<br />
— Bien dit, rétorque Anna. Nous ne savons<br />
pas grand-chose, mais, à cette époque, une<br />
rumeur courait qui disait que le médaillon<br />
avait été volé par un jeune de l’orphelinat du<br />
village. Il paraît qu’il aimait les bijoux et qu’il<br />
s’en était approprié pour cette raison.<br />
— Nous avions tenté de le faire parler,<br />
continue Sam, et tout ce qu’il nous avait dit,<br />
c’est qu’il avait <strong>ca</strong>ché son coffre au trésor au<br />
pied d’un arbre.<br />
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— Au pied d’un arbre? Mais il y en a <strong>des</strong><br />
arbres, ici! se décourage Philippe.<br />
Leur conversation est interrompue par le<br />
retour de leur mère.<br />
— Zoé, Philippe, où êtes-vous? demandet-elle<br />
en revenant de chez la voisine.<br />
— Surtout, pas un mot de notre<br />
« existence », indique Anna. Vous devez<br />
garder le secret.<br />
— On arrive, Maman, répond Zoé. On est<br />
au grenier.<br />
Ils vont retrouver leur mère qui, à son tour,<br />
leur raconte l’histoire de leurs voisins.<br />
— Crois-tu que c’est vrai que les Brassard<br />
ont commis le vol? questionne Zoé.
— Je ne sais pas, mais l’important, pour<br />
nous, est d’éviter de faire partie de leur<br />
chi<strong>ca</strong>ne.<br />
Puisque l’installation de leurs chambres est<br />
presque terminée, leur mère leur donne<br />
congé. Il fait beau, ils peuvent visiter le<br />
quartier. C’est une chance, <strong>ca</strong>r ils pourront<br />
entreprendre leur mission.<br />
— Philippe, on retourne au grenier avant de<br />
sortir? demande Zoé.<br />
— Ouais! Après, on pourra faire du vélo,<br />
répond-il.<br />
En se dirigeant vers l’es<strong>ca</strong>lier, Filo toujours<br />
à leur suite, ils se demandent s’ils n’ont pas<br />
imaginé toute cette histoire. Un miroir qui<br />
parle et qui contient l’image de deux enfants.<br />
Philippe reprend le miroir et, immédiatement,<br />
Sam et Anna apparaissent, le sourire aux<br />
lèvres.<br />
— Ah! vous êtes de retour! dit Anna. Nous<br />
avions peur que vous ne reveniez pas.<br />
— On veut bien vous aider, dit Zoé. Mais<br />
comment faire? Par où commencer?<br />
— Nous allons vous aider à élaborer une<br />
stratégie, dit Sam. Mettez-vous à l’aise.<br />
Ils établissent donc un ordre de priorité quant<br />
à la recherche : leur propre terrain, le terrain<br />
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où vivait le jeune démuni, les parcs du quartier,<br />
et ainsi de suite. Sam et Anna recommandent<br />
surtout de se faire aider par Filo.<br />
— Faites-lui sentir les objets du coffre,<br />
apportez-en avec vous et tentez de vous<br />
mettre dans la peau du voleur pour trouver sa<br />
<strong>ca</strong>chette, explique Anna.<br />
— Ne fais pas cette tête, Philippe, dit Zoé.<br />
Allez, on y va! Ordre et méthode et, qui sait,<br />
peut-être découvrirons-nous quelque chose?<br />
— Je ne pense pas que la probabilité soit<br />
bien élevée. Ça fait environ 60 ans que ce<br />
médaillon a disparu.<br />
— En tous <strong>ca</strong>s, 60 ans ou pas, moi, je trouve<br />
que notre arrivée à North Bay commence<br />
bien. Je crois que je vais m’y plaire.<br />
Ils commencent leur recherche. <strong>La</strong> journée<br />
y passe, mais ils ne trouvent rien. Ils<br />
reviennent bredouilles et un peu découragés.<br />
Cependant, leur mère a organisé leur soirée,<br />
de sorte qu’ils ne peuvent y songer plus<br />
longuement. Souper au restaurant suivi d’un<br />
film au cinéma.<br />
Le lendemain matin, les fouilles reprennent.<br />
Cette fois, Philippe apporte avec lui le petit<br />
miroir. Zoé le regarde d’un air interrogateur.<br />
— Au <strong>ca</strong>s où il nous porterait bonheur.
Ils repartent en mission, toujours en<br />
compagnie de Filo. Comme ils se préparent<br />
à aller dîner, Filo se met à japper, à émettre de<br />
petits sons et à gratter le sol. Les deux jeunes<br />
se regardent. Il est au pied d’un énorme<br />
érable. Serait-ce la <strong>ca</strong>chette du voleur?<br />
— Je suis certaine que Filo a trouvé quelque<br />
chose, dit Zoé. Aidons-le à creuser.<br />
— Un os, peut-être. On ne peut pas creuser<br />
sans raison. Ce n’est pas notre terrain.<br />
— Regarde, il a commencé.<br />
Effectivement, Filo a commencé le travail et<br />
creuse avec ferveur. Comme cette race de<br />
chiens a un bon flair et qu’elle est <strong>ca</strong>pable de<br />
creuser <strong>des</strong> trous rapidement, ils le laissent<br />
aller en surveillant les alentours. Après<br />
plusieurs minutes, un trou d’un pied apparaît.<br />
— Tu vois, je le savais! Filo a trouvé un<br />
coffre! dit Zoé avec excitation.<br />
À deux, ils réussissent à le déterrer.<br />
Nerveusement, ils l’ouvrent. Le précieux<br />
médaillon est bel et bien là…<br />
C’est en vainqueur qu’ils retournent à la<br />
maison retrouver leur mère.<br />
— Maman, Maman, nous avons retrouvé le<br />
médaillon, dit Philippe, exalté.<br />
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Leur mère les regarde d’un air surpris. Sans<br />
entrer dans les détails, les deux adolescents<br />
expliquent que c’est Filo qui a creusé et<br />
découvert le coffre. Sans attendre, ils<br />
traversent chez les Smith pour s’assurer qu’il<br />
s’agit bien du précieux médaillon.<br />
Lorsque Mme Smith aperçoit l’objet, elle fond<br />
en larmes. Oui, c’est bien le médaillon perdu.<br />
Ainsi, les questions retentissent. Où l’ontils<br />
trouvé? Chez eux, n’est-ce pas? Et c’est<br />
bien les Brassard qui avaient commis le vol?<br />
Quel n’est pas son étonnement d’apprendre<br />
que c’est dans le parc voisin qu’ils ont fait<br />
leur découverte! Une fois la surprise passée,<br />
Mme Smith s’aperçoit de son erreur.<br />
— Tout ce temps, tout ce temps où nous<br />
avons accusé ces gens. J’ai honte. Je leur dois<br />
<strong>des</strong> excuses.<br />
— On pourrait peut-être organiser une petite<br />
fête pour mettre fin au conflit, s’empresse de<br />
proposer Mme <strong>La</strong>pointe.<br />
— Oui, il faudrait faire quelque chose, dit<br />
M. Smith. Il faudrait aussi en tirer une leçon.<br />
N’est-ce pas, Clara? fait-il remarquer à son<br />
épouse.<br />
— Oui. Je me rends compte que c’est peutêtre<br />
la jalousie qui a poussé ma famille à ne<br />
pas vouloir croire en leur innocence. Les
Brassard formaient une famille tellement unie<br />
et simple. Le bonheur rayonnait chez eux. Ce<br />
n’était pas le <strong>ca</strong>s dans ma famille. On enviait<br />
leur bonheur.<br />
— Il faut maintenant passer à autre chose,<br />
dit Mme <strong>La</strong>pointe d’un ton enjoué. Il y a eu<br />
suffisamment de tristesse. Mais qu’est-ce que<br />
tu fais avec ce miroir? demande-t-elle tout<br />
à coup à son garçon.<br />
— Ah! on jouait à miroir, miroir, dis-nous où<br />
est le médaillon? répond-il.<br />
Les adultes se regardent, perplexes.<br />
— Ben non, c’est une farce! les rassure<br />
Philippe. Je l’avais apporté juste pour nous<br />
porter chance. On peut retourner faire du<br />
vélo? demande-t-il pour changer de sujet.<br />
Une fois dehors, Philippe a beau regarder dans<br />
le miroir, il ne voit plus que son reflet.<br />
— Zoé, ils ne sont plus là, dit Philippe.<br />
— Peu importe, dit-elle. Mission accomplie.<br />
C’est l’essentiel… Maintenant, allons voir s’il<br />
y a <strong>des</strong> jeunes de notre âge au parc.<br />
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Achevé d’imprimer en février 2008<br />
sur les presses du<br />
Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques