14.07.2013 Views

les civils en picardie pendant la grande guerre journal d'un ... - Epagny

les civils en picardie pendant la grande guerre journal d'un ... - Epagny

les civils en picardie pendant la grande guerre journal d'un ... - Epagny

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

chacune de leurs questions. Mais je dois l’avouer, nous sommes un petit peu rassurés par l’air<br />

"un peu comme nous" de certains d’<strong>en</strong>tre eux.<br />

La rive droite de l’Aisne, c’est là, paraît-il, qu’ils se cramponn<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ant.<br />

Du 12 septembre au 8 décembre 1914<br />

La vie est monotone, bi<strong>en</strong> que chaque jour nous jette face à face avec une nouvelle réalité.<br />

D’abord, nous nous ress<strong>en</strong>tons de <strong>la</strong> retraite de Villers-Cotterêts. Puis, <strong>les</strong> mêmes convois<br />

repass<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t, al<strong>la</strong>nt toujours dans <strong>la</strong> même direction. Nous avons fréquemm<strong>en</strong>t des<br />

soldats à loger. La première fois, <strong>la</strong> maison est remplie de soldats au premier étage, plus cinq<br />

officiers et sous-officiers. P<strong>en</strong>dant leur séjour (de trois jours), sur l’invitation d’un soldat, nous<br />

allons assister à une messe militaire <strong>en</strong> plein air, célébrée dans un pré, derrière <strong>la</strong> ferme. Très<br />

étrange souv<strong>en</strong>ir.<br />

Chaque jour il faut faire <strong>la</strong> queue au moulin où <strong>les</strong> habitants de cinq ou six communes vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

chercher leur pain. Le commandant de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce fait souv<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>ouveler des "ordonnances" au<br />

sujet des signaux de lumière sévèrem<strong>en</strong>t interdits.<br />

Plusieurs fois pass<strong>en</strong>t des prisonniers français. Nous sommes navrés de <strong>les</strong> voir aller atterrir ou<br />

et pour combi<strong>en</strong> de temps, après avoir souffert au combat. J’<strong>en</strong> ai vu pleurer un, un vieux,<br />

barbu. Il att<strong>en</strong>dait depuis plusieurs jours <strong>la</strong> triste nouvelle de <strong>la</strong> mort de son père. Quand,<br />

maint<strong>en</strong>ant, serait-il <strong>en</strong> contact avec sa famille ?<br />

Quelques obus d’artillerie lourde arriv<strong>en</strong>t, de temps <strong>en</strong> temps, jusque chez nous. L’un d’<strong>en</strong>tre<br />

eux tombé dans le marécage proche du petit <strong>la</strong>voir, nous a tant effrayé <strong>en</strong> soulevant une<br />

énorme quantité de terre que nous sommes restés deux heures dans <strong>la</strong> cave. Inutilem<strong>en</strong>t, car<br />

ri<strong>en</strong> d’autre n’est tombé ce jour là.<br />

Souv<strong>en</strong>t vers le soir, <strong>la</strong> bataille redouble. Dans <strong>les</strong> feux du soleil nous cherchons avidem<strong>en</strong>t à<br />

interpréter quelques indices du combat. Mais le vil<strong>la</strong>ge est dans un trou, et nous ne voyons<br />

jamais que <strong>les</strong> flocons b<strong>la</strong>ncs des tirs contre avion. Avec quelle anxiété suivons-nous souv<strong>en</strong>t le<br />

tir sec de leurs pièces, qui nous paraît tellem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>açant pour nos aviateurs.<br />

Quand <strong>la</strong> nuit tombe, <strong>la</strong> fusil<strong>la</strong>de paraît souv<strong>en</strong>t déborder du vil<strong>la</strong>ge jusque vers <strong>la</strong> ferme de<br />

Saint-Léger. Ces soirs là, plus le canon tonne, plus nous sommes cont<strong>en</strong>ts. Les Français<br />

paraiss<strong>en</strong>t avancer. Peut être serons délivrés cette nuit ? Hé<strong>la</strong>s ces illusions, de moins <strong>en</strong> moins<br />

fréqu<strong>en</strong>tes, finiss<strong>en</strong>t par disparaître : chaque l<strong>en</strong>demain matin, le canon et <strong>la</strong> mitrailleuse se<br />

font <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre du coté de TARTIERS, comme <strong>la</strong> veille à <strong>la</strong> même heure.<br />

Un jour, tous <strong>les</strong> hommes sont emm<strong>en</strong>és sur <strong>la</strong> P<strong>la</strong>ce. On <strong>les</strong> fouille avec minutie. Les femmes<br />

sont t<strong>en</strong>ues à l’écart et ne peuv<strong>en</strong>t même pas ajouter un mouchoir au ballot prévu pour un<br />

départ habituel. Je suis du nombre, et j’ai treize ans et demi. Après plus d’une heure d’att<strong>en</strong>te<br />

angoissée, nous sommes tous r<strong>en</strong>voyés chez nous.<br />

Quelques jours plus tard, nouvelle rafle, mais cette fois, pas d’exception pour <strong>les</strong> femmes. Mais<br />

ce jour là, <strong>la</strong> chance est avec nous. Nous avons logé des hommes et des officiers du 27 éme<br />

régim<strong>en</strong>t d’infanterie (bavarois je crois), et ils nous aid<strong>en</strong>t à échapper à cette condamnation<br />

dans <strong>les</strong> deux granges ou tout le vil<strong>la</strong>ge doit être conc<strong>en</strong>tré. « Que <strong>la</strong> petite demoiselle se<br />

couche », nous dit une ordonnance, « et nous dirons tous qu’elle est ma<strong>la</strong>de et que vous <strong>la</strong><br />

soignez ». Le soir, le lieut<strong>en</strong>ant modifie <strong>la</strong> manœuvre. « Il vaudrait mieux que ce soit le jeune<br />

homme, qui soit ma<strong>la</strong>de ». Et Jeanne aussitôt, de me « passer sa ma<strong>la</strong>die ». Cet officier vieux<br />

père de famille, a sans doute pitié de notre malheureux trio et il invite Jeanne à partager son<br />

repas du soir.<br />

Le l<strong>en</strong>demain matin, nous constatons que toute <strong>la</strong> rue du Pré, oubliée, a échappé à <strong>la</strong> rafle. Par<br />

précaution, je demeure « ma<strong>la</strong>de ».<br />

10

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!