les civils en picardie pendant la grande guerre journal d'un ... - Epagny
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Lundi 11 octobre 1915.<br />
Monsieur Duval qui est allé à Origny dit qu’il est passé de <strong>la</strong> troupe de 9 heures à midi,<br />
toutes sortes d’armes mé<strong>la</strong>ngées ; tous <strong>les</strong> chevaux <strong>en</strong> mauvaise état. Les troupes<br />
v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t de Marle et se dirigeai<strong>en</strong>t sur Bohain. Il faut que <strong>les</strong> tombes soi<strong>en</strong>t arrangées<br />
pour ce soir, et que <strong>les</strong> guérites soi<strong>en</strong>t repeintes. On suppose qu’il va passer un membre<br />
de <strong>la</strong> famille impériale. Les patrouil<strong>les</strong> circul<strong>en</strong>t toujours.<br />
Lundi 18 octobre 1915.<br />
Il arrive des chasseurs à cheval, <strong>en</strong> prov<strong>en</strong>ance de Russie, à ce qu’il paraît, <strong>en</strong>viron 150.<br />
Aussi des dragons. Dimanche, j’ai mis pour <strong>la</strong> première fois des pantalons longs. Lundi<br />
vers 9 heures, le Kaiser et le Konprinz pass<strong>en</strong>t à Guise, se dirigeant vers Saint-Qu<strong>en</strong>tin.<br />
Beaucoup de patrouil<strong>les</strong>. A certains postes se trouvant sur le trajet de l’empereur, on<br />
déshabil<strong>la</strong>it tout le monde pour <strong>la</strong> fouille. (Mesure contre un att<strong>en</strong>tat ?) C’était comme au<br />
conseil de révision, à cette<br />
Différ<strong>en</strong>ce prés que <strong>les</strong> femmes y passai<strong>en</strong>t aussi. Guil<strong>la</strong>ume est repassé vers midi, se<br />
dirigeant sur Vervins. On dit qu’il va t<strong>en</strong>ter un coup du côté de Rethel.<br />
Jeudi 11 octobre 1915.<br />
Vie monotone. Les Allemands dis<strong>en</strong>t que <strong>la</strong> <strong>guerre</strong> sera finie dans quelques semaines, à<br />
leur avantage, bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du. Sur <strong>les</strong> journaux qu’ils nous livr<strong>en</strong>t (gazette des Ard<strong>en</strong>nes),<br />
le principal sujet, c’est <strong>les</strong> affaires Balkaniques. Ils ne parl<strong>en</strong>t presque plus de <strong>la</strong> Russie,<br />
ni de <strong>la</strong> France, ni de l’Italie. Cette dernière a cep<strong>en</strong>dant subi un grand désastre ces<br />
jours-ci, dis<strong>en</strong>t-ils. Sur leurs journaux à eux, ils avou<strong>en</strong>t paraît-il que <strong>la</strong> Roumanie est<br />
avec nous, et que <strong>la</strong> Serbie a confié son trésor à <strong>la</strong> Grèce. Les Russes battrai<strong>en</strong>t donc <strong>les</strong><br />
Autrichi<strong>en</strong>s à <strong>la</strong> frontière Roumaine, et aussi <strong>en</strong> Serbie, où ils arriv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> traversant <strong>la</strong><br />
Roumanie. Les Français <strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t aussi des r<strong>en</strong>forts par Salonique, dis<strong>en</strong>t ces journaux<br />
(qu’il est très difficile de se procurer pour <strong>les</strong> Français). Un monsieur a trouvé sur <strong>la</strong><br />
cheminée d’une maison occupée par <strong>les</strong> Allemands une caricature du père Noël, <strong>en</strong><br />
casque à pointe, s’il vous p<strong>la</strong>it, et ce « boche » comme ils dis<strong>en</strong>t quand ils traduis<strong>en</strong>t un<br />
article de <strong>journal</strong> Français, fait danser de petits pantins représ<strong>en</strong>tant des soldats alliés.<br />
On se promet de r<strong>en</strong>voyer cette carte à Berlin, avec dessus, quelques mots bi<strong>en</strong> s<strong>en</strong>tis,<br />
quand <strong>la</strong> victoire Française tant att<strong>en</strong>due sera arrivée.<br />
Petite histoire vraie que l’on racontera sans doute avec p<strong>la</strong>isir plus tard : un gramophone<br />
joue « Sambre et Meuse ». Un officier Allemand s’arrête pour écouter att<strong>en</strong>tivem<strong>en</strong>t<br />
cette musique, appréciée aussi <strong>en</strong> Allemagne. Une petite vieille passe et écoute aussi ces<br />
notes si chères aux Français <strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t. Patriote à sa mode, elle s’arrête prés de<br />
l’officier, le regarde bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> face et lui dit : « ça c’est notre musique. Ici bi<strong>en</strong>tôt on<br />
l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dra tant qu’on voudra mais vous, vous ne l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>drez plus ! Au revoir Monsieur ».<br />
Puis elle part avant qu’il n’a pu répondre un mot. Bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t, il y a des personnes plus<br />
hardies que <strong>les</strong> autres pour dire aux Allemands <strong>la</strong> façon de p<strong>en</strong>ser de leurs compatriotes.<br />
Monsieur Devilliers, médecin, Monsieur Sivi<strong>en</strong>de, directeur de l’usine à gaz, et Monsieur<br />
Dezaux tanneur, sont désignés comme otages, c’est à dire qu’ils subiront des représail<strong>les</strong><br />
au cas où il y aurait des att<strong>en</strong>tats sur <strong>les</strong> voies ferrées dép<strong>en</strong>dant de Guise.<br />
Ier novembre 1915.<br />
Le jour de <strong>la</strong> Toussaint et le jour des morts sont deux bi<strong>en</strong> tristes cérémonies. P<strong>en</strong>dant <strong>la</strong><br />
messe et <strong>les</strong> vêpres, et surtout p<strong>en</strong>dant que Monsieur le Doy<strong>en</strong> prêche, on est bi<strong>en</strong><br />
absorbé par <strong>les</strong> sombres p<strong>en</strong>sées inspirées par <strong>les</strong> malheurs prés<strong>en</strong>ts : L’éloignem<strong>en</strong>t de<br />
<strong>la</strong> famille, de <strong>la</strong> maison, des morts qui nous sont chers et repos<strong>en</strong>t dans de lointains<br />
cimetières. La voix du canon semble vouloir nous rappeler le devoir pieux <strong>en</strong>vers <strong>la</strong><br />
patrie.<br />
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