Le syndrome de l'homme raide Du diagnostic au traitement
CLINIQUE
Le syndrome de l’homme raide
Du diagnostic au traitement
Le syndrome de l’homme raide (SHR) fait partie des syndromes d’hyperactivité
neuromusculaire, anomalie de la contraction musculaire d’origine centrale ou
périphérique. Lorsque l’origine centrale est retenue et que les causes infectieuses,
toxiques et les lésions focales de la moelle épinière sont éliminées, on parle de SHR.
LA FORME TYPIQUE
Décrit initialement par Moersch
et Woltman en 1956 (1), la forme
classique du syndrome de l’homme
raide (SHR) a des critères diagnostiques
stricts récemment redéfinis
par Brown et coll. (2) (Tab. 1).
La forme clinique typique de ce
syndrome, qui survient chez l’adulte
d’âge moyen, est caractérisée par
la survenue progressive d’une rigidité
abdominale et paraspinale se
compliquant parfois d’une hyperlordose,
par des spasmes musculaires
douloureux déclenchés par
les émotions, les stimulations tactiles
ou les bruits (2, 3). Cependant,
au début de la maladie, les
troubles peuvent être discrets et
n’être perçus qu’à la marche. Une
atteinte proximale des membres
se voit dans quelques
cas (2). Par contre, il
n’y a pas de faiblesse
musculaire, pas de
trouble sensitif, pas
d’atteinte sphinctérienne
ni de signe clinique
d’atteinte du
tronc cérébral.
L’électromyogramme
porte le diagnostic
en mettant en évidence
une activité
motrice continue
dans l’ensemble des muscles examinés
(agonistes et antagonistes) ;
* Service de Neurologie, Hôpital Sainte-Anne, Paris
Rigidité axiale
et spasmes
musculaires
réflexes douloureux
doivent faire
évoquer le
diagnostic de SHR.
cette activité disparaît pendant le
sommeil.
Le liquide céphalorachidien est
normal ou présente quelques bandes
oligoclonales d’immunoglobulines
(4). Dans 90 % des
cas, cette forme clas-
sique de SHR est associée
à la présence
d’anticorps anti-acide
glutamique décarboxylase
(GAD),
enzyme synthétisant
l’acide gamma-amino
butyrique à partir de
l’acide glutamique.
Ces anticorps sont
détectés dans le sang
et le LCR.
L’imagerie du névraxe est normale
(4). Dans 70 % des cas, il existe des
anomalies du métabolisme glucidique
(2), de nombreux auto-anticorps
David Calvet*
Tableau 1 - Critères diagnostiques de SHR, d’après Brown et coll. (2).
1 – Raideur et rigidité des muscles axiaux (les muscles proximaux des membres
peuvent parfois être touchés)
2 – Posture anormale (habituellement, accentuation de la lordose lombaire)
3 – Spasmes musculaires surajoutés provoqués par les mouvements volontaires,
les émotions, les bruits et les stimuli somesthésiques
4 – Absence de signes d’atteinte du tronc cérébral, pyramidaux, extrapyramidaux et
d’atteinte du 2e motoneurone, de trouble sphinctérien et de la sensibilité, de
troubles cognitifs
5 – Activité motrice continue affectant au moins un muscle axial
peuvent également être détectés,
dirigés contre la thyroïde, le muscle
lisse, les récepteurs de l’acétylcholine,
les surrénales, la peau ou
l’estomac. Environ 40 % des patients
présentent une maladie autoimmune.
90 % de ces formes de SHR
s’améliorent sous traitement symptomatique
(4).
PHYSIOPATHOLOGIE
DU SHR
Elle reste incertaine, les autopsies
restant rares et peu contributives
lorsqu’elle sont réalisées (4). Cependant,
une origine autoimmune est
souvent évoquée devant la présence
d’anticorps anti-GAD et l’association
à des maladies autoimmunes,
mais le rôle précis de ces
anticorps reste à définir. Certaines
formes du SHR sont d’origine paranéoplasique
(3), parfois associées
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CLINIQUE
aux anticorps anti-amphiphysine,
anticorps non spécifiques.
D’un point de vue fonctionnel, il
existe un déséquilibre entre un système
descendant cathécholaminergique
facilitateur des réflexes en
flexion et un système
gabaergique inhibi-
teur (2, 3). L’intégration
de ces projections
se réalise au sein des
interneurones de la
substance grise de la
moelle épinière et du
tronc cérébral. Ce
déséquilibre fonctionnel
des projections
est responsable d’une décharge
continue des interneurones à l’origine
de la rigidité musculaire.
LES FORMES ATYPIQUES
DE SHR
Depuis une vingtaine d’années, de
nombreuses formes cliniques atypiques
sont rapportées dans la littérature
(2-4). Ainsi, on observe de
multiples observations avec une
atteinte encéphalomyélitique aiguë
ou chronique. Il existe des caractéristiques
cliniques devant alerter
le clinicien (2) (Tab. 2), en particulier
la présence d’une rigidité distale
des membres ou de signes d’atteinte
du tronc cérébral.
Trois formes distinctes peuvent être
décrites.
● Encéphalomyélite
progressive avec rigidité
(EMPR)
Il s’agit d’une forme subaiguë d’aggravation
progressive avec rigidité
majeure, et signes d’atteinte des
voies longues et du tronc cérébral.
La durée de vie est de quelques
mois seulement (inférieure à 3 ans)
du fait d’une mauvaise réponse aux
traitements symptomatiques et
immunomodulateurs. Une origine
paranéoplasique est souvent suspectée,
parfois confirmée (5).
L’EMPR diffère histologiquement
des autres SHR par la présence
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SHR : origine
autoimmune
probable,
paranéoplasique
parfois.
d’une démyélinisation, les faisceaux
cortico-spinaux sont très
longtemps épargnés (2, 4).
● Jerking stiff man syndrome
Forme chronique qui se caractérise
par la présence surajoutée
de myoclo-
nies des 4 membres.
La gravité de cette
forme vient des
troubles respiratoires.
En effet, les myoclonies
peuvent survenir
en salves rapprochées
et être
fatales. Une trachéotomie et une
ventilation assistée sont parfois
nécessaires en attendant l’efficacité
du traitement (2). Cependant, cette
forme clinique est compatible avec
une durée de vie prolongée (supérieure
à 10 ans), ce qui est plus en
faveur d’une origine autoimmune
que d’un syndrome paranéoplasique.
Les traitements immunomodulateurs
semblent avoir un
intérêt particulier (2, 3).
● Stiff limb syndrome ou
syndrome des membres
raides (SMR)
Le tableau clinique est dominé par
la présence d’une rigidité et de
spasmes distaux des 4 membres,
surtout des membres inférieurs
responsables de postures fixées. Il
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n’y a pas d’atteinte du tronc cérébral
ni de myoclonies. La particularité
biologique du SMR est l’absence
d’anticorps anti-GAD (positif
que dans 15 % des cas) (2, 3) mais
il existe une association fréquente
à d’autres maladies autoimmunes.
Quelques cas de SMR paranéoplasiques
avec parfois anticorps antiamphiphysine
sont décrits, associés
à l’existence d’un cancer du sein ou
d’un cancer pulmonaire à petites
cellules (2, 4) ; ces formes répondent
bien au traitement par prednisolone
et au traitement de la
tumeur (2). La durée de vie est prolongée,
mais 1/4 des patients sont
en fauteuils roulants, les 3/4 évoluent
par poussées et rémissions,
les traitements immunomodulateurs,
immunoglobulines intraveineuses
et échanges plasmatiques
ont un intérêt particulier
dans les rares formes avec anticorps
anti-GAD (6).
QUEL TRAITEMENT?
La prise en charge du SHR reste
délicate et la qualité de la réponse
au traitement est fonction de la
forme clinique. Les traitements
symptomatiques qui potentialisent
le GABA, tels le diazépam, le
baclofen, le vigabatrin (7) ou
l’acide valproïque, peuvent améliorer
les troubles. Des traitements
immunomodulateurs, tels
que les immunoglobulines et les
Tableau 2 - Caractéristiques cliniques évocatrices d’une forme
atypique de SHR, d’après Brown et coll. (2).
1 – Rigidité et posture anormale affectant au moins un membre, incluant la main ou le pied
2 – Myoclonies affectant les 4 membres
3 – Signe d’atteinte du tronc cérébral
4 – Signe d’atteinte des voies longues
5 – Signes d’atteinte du 2e motoneurone
6 – Troubles cognitifs (en particulier troubles de la mémoire)
7 – Dysautonomie, troubles sphinctériens
8 – Pléiocytose du LCR
échanges plasmatiques, sont souvent
utiles pour modifier l’histoire
naturelle de la maladie ou
diminuer les doses du traitement
symptomatique, afin
d’en limiter les effets
secondaires fréquents
avec les
posologies nécessaires
à l’amélioration
des troubles (4,
8, 9). La forme classique
du SHR répond
bien au traitement
avec 90 % de bonnes
réponses au traitement
symptomatique ; l’EMPR
répond très mal d’où son mauvais
pronostic et on observe 55 % de
réponses partielles et une autonomie
améliorée chez 25 % des
patients présentant un SMR
(2-4).
CONCLUSION
Le SHR présente de multiples formes
L’absence
d’anticorps
anti-GAD
n’élimine pas
le diagnostic.
cliniques différentes, ce qui rend
très utile les classifications proposées
par Brown et Coll. afin
d’orienter au mieux la démarche
diagnostique, étiologique
et thérapeutique.
Une meilleure compréhension
du mécanisme
étiopathogénique devrait
permettre ultérieurement,
une meilleure
prise en charge de la
maladie. ■
MOTS-CLÉS
SYNDROME DE L’HOMME RAIDE,
HYPEREXCITABILITÉ MUSCULAIRE,
SYNDROME DES MEMBRES RAIDES,
ENCÉPHALOMYÉLITE PROGRESSIVE
AVEC RIGIDITÉ,
ANTICORPS ANTI-GAD
CLINIQUE
BIBLIOGRAPHIE
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