actions #27 - Kodak
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©Claude Gassian<br />
<strong>#27</strong><br />
magazine professionnel cinéma & tv<br />
AUTOMNE 2006 3€ www.kodak.fr/go/cinema<br />
Captation Super 16<br />
Post production HD<br />
Mylène Farmer<br />
en concert
CHANGEMENTS<br />
DE BOBINES CHEZ KODAK !<br />
Développement<br />
du Super 8 Kodachrome :<br />
Notez que le Kodachrome 40 est à<br />
expédier désormais au laboratoire :<br />
> 02 <strong>actions</strong>27<br />
DIRECTEUR DIVISION<br />
CINÉMA & TÉLÉVISION<br />
Nicolas BERARD<br />
Tél : 01 40 01 43 76<br />
nicolas.berard@kodak.com<br />
assistée de Anne BENTO<br />
Tél : 01 40 01 43 76<br />
anne.bento@kodak.com<br />
DIRECTEUR DES VENTES<br />
David SEGUIN<br />
Tél : 01 40 01 30 17<br />
david.seguin@kodak.com<br />
LONGS MÉTRAGES<br />
Nathalie CIKALOVSKI<br />
Tél : 01 40 01 42 79<br />
nathalie.cikalovski@kodak.com<br />
assistée de Gladys DIAT<br />
Tél : 01 40 01 42 62<br />
gladys.diat@kodak.com<br />
COURTS MÉTRAGES /<br />
ÉCOLES<br />
Olivier QUADRINI<br />
Tél : 01 40 01 30 28<br />
olivier.quadrini@kodak.com<br />
assisté de Lonneke KELLER<br />
Tél : 01 40 01 37 45<br />
lanneke.keller@kodak.com<br />
DWAYNE’S PHOTO<br />
415 S. 32nd Street<br />
Parsons, KS, 67357<br />
USA<br />
www.K14movies.com<br />
Vivre l’expérience du film<br />
grâce au S16, un pari réussi !<br />
L’atelier « Vivre l’expérience du Film »<br />
organisé par <strong>Kodak</strong> les 4, 5 et 6 octobre<br />
dernier a fait le plein d’apprentis !<br />
Nous remercions chaleureusement<br />
Diane BARATIER (AFC) et Bart DURKIN<br />
(Chef-opérateur <strong>Kodak</strong>) d’avoir mené<br />
cet atelier avec grand professionnalisme,<br />
pédagogie et bonne humeur !<br />
<strong>Kodak</strong><br />
IMAGECARE<br />
Après ARANE-GULLIVER<br />
qui a rejoint la famille<br />
des laboratoires accrédités<br />
IMAGECARE pour le traitement des<br />
pellicules négatives en 2005, les laboratoires<br />
CINEDIA, ECLAIR, GTC et NEYRAC<br />
entament les démarches d’accréditation<br />
pour obtenir le même label de qualité.<br />
Automne 2006 - N°27<br />
Une publication de la Division Cinéma et Télévision <strong>Kodak</strong><br />
Directeur de la publication : Nicolas BERARD<br />
Rédacteur en chef : Fabien FOURNILLON<br />
Conception et réalisation :<br />
Bonnecarrère et Associés : 01.56.79.26.26<br />
Dépôt légal : novembre 2005 - ISNN 1271 - 1519<br />
KODAK 26, rue Villiot 75594 Paris Cedex 12<br />
Tél. : 01.40.01.46.15 - Fax : 01.40.01.34.63<br />
cinema@kodak.com www.kodak.com/go/cinema<br />
Nous remercions également Panavision<br />
et Cinélumière pour leur concours<br />
précieux et l’aide de leurs équipes.<br />
Merci aussi à notre Chef électro Pierre<br />
Yves DOUGNAC, Jean Claude (<strong>Kodak</strong>),<br />
Gaëlle (<strong>Kodak</strong>) et tous ceux qui ont<br />
contribué à la réussite de cette<br />
initiative.<br />
KODAK<br />
et les festivals :<br />
Retrouvez-nous sur les festivals !<br />
• Festival du Film de Sarlat :<br />
>>>>> du 7 novembre au 11 novembre 2006<br />
• Festival Européen du Film Court de Brest :<br />
>>>> du 11 novembre au 19 novembre 2006<br />
• Festival du Film Publicitaire de Méribel :<br />
>>>> du 12 décembre au 17 décembre 2006<br />
Une leçon de cinéma<br />
exceptionnelle !<br />
Pierre LHOMME (AFC) nous a fait le plaisir de<br />
présenter son film « L’armée des ombres » le<br />
17 octobre dernier à l’Espace Cinéma <strong>Kodak</strong>. Un<br />
moment de partage et d’échange inoubliable<br />
entre Pierre LHOMME et un public extrêmement<br />
curieux et passionné !<br />
© S. Biscioni
C<br />
omment ne pas perdre<br />
le Nord dans le flot<br />
d’innovations que nous<br />
avons pu découvrir au dernier<br />
salon IBC et qui inondent<br />
cette fin d’année ? Il<br />
est vrai que notre profession<br />
vit une lente mais profonde<br />
mutation technologique et<br />
si le rapport Goudineau<br />
propose des voies à explorer<br />
dans le domaine de la<br />
projection numérique, il<br />
demeure difficile d’être certain<br />
des bons choix à faire<br />
tant les routes possibles de<br />
la captation à la diffusion<br />
sont nombreuses et variées.<br />
Dans ce contexte, une seule<br />
certitude : le film reste et restera encore pour<br />
de nombreuses années le seul média compatible<br />
avec toutes les exigences d’aujourd’hui et de<br />
demain (HD, 2K, 4K) et surtout le seul capable<br />
d’assurer la pérennité des œuvres cinématographiques<br />
et audiovisuelles. Les nouveautés<br />
annoncées par <strong>Kodak</strong> à l’occasion du dernier<br />
IBC, mais aussi par les fabricants de caméras<br />
films, ainsi que l’arrivée de quatre nouveaux<br />
laboratoires français dans le programme de<br />
qualité <strong>Kodak</strong> ImageCare (après Arane-<br />
Gulliver) témoignent de la bonne santé du film<br />
et de son avenir.<br />
Je ne peux conclure cet éditorial sans rendre,<br />
au nom de toute l’équipe <strong>Kodak</strong> Division<br />
Cinéma & Télévision, un hommage chaleureux<br />
et sincère à Monique Koudrine qui, comme<br />
vous le savez, a décidé de prendre une retraite<br />
plus que méritée à la fin de l’année. Monique a<br />
été pendant de nombreuses années un capitaine<br />
hors pair et naviguer à ses côtés aura été<br />
pour nous tous une source de satisfaction et<br />
d’enrichissement. Monique aura mis toute sa<br />
passion, son énergie, son sens de la communication,<br />
bref son talent, non seulement au service<br />
de notre division, mais aussi à celui d’une<br />
profession tout entière.<br />
Bon vent à vous, Monique. Vous nous avez<br />
montré le cap !<br />
Nicolas BERARD<br />
Directeur Division Cinéma & Télévision<br />
© S. Biscioni<br />
04.REPORTAGE<br />
04<br />
L’argentique<br />
09.REPORTAGE<br />
09<br />
Retour au cinéma d’auteur<br />
pour Jean-Marc Fabre, AFC<br />
au service de Mylène Farmer<br />
12.RENCONTRE<br />
16.TECHNIQUE<br />
16<br />
Le Système <strong>Kodak</strong> VISION2 HD<br />
12<br />
Yves Cape, AFC :<br />
une expérience professionnelle<br />
22.ECOLES<br />
18.REPORTAGE<br />
« Sécurité intérieure » :<br />
1 ère 18 série TV tournée en 35mm<br />
par Pascal Caubère<br />
Double anniversaire<br />
22<br />
pour l’ENS Louis Lumière<br />
et la Femis<br />
<strong>actions</strong>27><br />
03
De l’ombre<br />
> 04 <strong>actions</strong>27<br />
Après six années de silence,<br />
Mylène Farmer est revenue au<br />
« live » avec… 13 concerts. Le<br />
lever de rideau a eu lieu le… 13<br />
Janvier 2006 dans l’immense<br />
salle de Bercy. Au total, 170.000<br />
privilégiés se sont pressés…<br />
13.000 (!!) par soir.<br />
Disposant d’une « petite » trentaine<br />
de caméras (tous concerts<br />
cumulés), la captation hors<br />
norme du spectacle a été confiée<br />
au réalisateur François Hanss et à<br />
son directeur de la photographie<br />
Dominique Fausset.<br />
L’entreprise est à la hauteur de<br />
l’événement : grandiose, démesurée,<br />
gigantesque (plus de soixante<br />
heures de rushes). L’exemple parfait<br />
d’une production Super 16<br />
post-produite en HD.<br />
à la lumière<br />
une captation Super 16<br />
pour le grand retour sur scène<br />
de Mylène Farmer.<br />
Sous les hurlements d’un public récompensé<br />
de sa longue patience, un sarcophage<br />
transparent descend très lentement<br />
du plafond de Bercy et vient se poser sur la<br />
scène en forme de croix de Malte qui<br />
occupe une bonne partie de la fosse. A l’intérieur,<br />
on devine la silhouette de la star<br />
allongée, comme morte. L’entrée est saisissante<br />
en même temps que « signifiante ».<br />
Fidèle aux symboles et aux mystères, aux<br />
signes et aux messages, Mylène Farmer a<br />
transformé pour l’occasion l’immense salle<br />
de concert en vaste temple oriental. Sur la<br />
scène traditionnelle où la chanteuse accède<br />
par un pont amovible, deux portes monumentales<br />
renvoient à la « porte d’or » du Dôme de<br />
Florence. Ce décor monumental et évidemment<br />
intransportable est l’œuvre du scénographe<br />
Mark Fisher, concepteur des tournées<br />
de « U2 » et des Rolling Stones. Rien que<br />
cela. Produit par Thierry Suc, le spectacle est<br />
« à la mesure de sa démesure ».<br />
Photos : ©Claude Gassian<br />
Après la tournée 1989, le Tour 96 et le<br />
« Mylenium Tour », « …c’est le quatrième<br />
spectacle que nous filmons », explique<br />
Paul Van Parys, directeur de la société<br />
« Stuffed monkey », société de Mylène<br />
Farmer productrice de la captation filmée.<br />
« Bercy est une salle difficile. Aux<br />
contraintes qui concernent le public et la<br />
sécurité, il faut ajouter une jauge de poids<br />
à ne pas dépasser. Ce concert est tellement<br />
énorme que la moindre caméra supplémentaire<br />
devient vite un problème… ».<br />
« Filmer un concert de Mylène Farmer<br />
revient à se poser dès le départ une multitude<br />
de questions », intervient le<br />
cinéaste François Hanss pourtant rompu à<br />
ce genre de « performance ». D’abord<br />
assistant-réalisateur de Laurent<br />
Boutonnat (réalisateur et compositeur<br />
attitré de la star) sur la captation des deux<br />
premières séries de concerts, il avait déjà<br />
fini seul dans « l’arène » au moment du
« Mylenium Tour » en 1999 (450.000 spectateurs<br />
à l’époque).<br />
« Les spectacles de Mylène priment par<br />
leur scénographie, poursuit-il. Par définition,<br />
le « live » est synonyme de liberté. Il<br />
n’exclut donc jamais les impondérables.<br />
Avec elle, la mise en scène, la lumière, la<br />
gestuelle et la chorégraphie sont toujours<br />
intéressantes. C’est vraiment quelqu’un<br />
qui apporte sans arrêt des choses nouvelles.<br />
Elle a beau multiplier les filages, les<br />
mises en place et les répétitions, c’est<br />
seulement le jour où elle entre en scène<br />
face au public qu’on découvre son spectacle.<br />
Filmer un concert de Mylène Farmer,<br />
c’est chercher à traduire sa personnalité.<br />
Il faut aimer son expression, aimer sa<br />
plastique et son visage, aimer la suivre<br />
dans des choses intimes. C’est là où le<br />
terme de « captation » devient peut-être<br />
impropre ».<br />
« Certains endroits étaient inaccessibles et<br />
il ne fallait pas gêner le public, reprend Paul<br />
Van Parys. Il a donc fallu à François une longue<br />
observation des répétitions pour savoir<br />
comment filmer le mieux possible tous les<br />
instants du concert avec le maximum<br />
d’axes capables d’offrir un vrai montage de<br />
qualité. Avec un réalisateur, le producteur<br />
se pose la question des moyens, mais aussi<br />
de la manière de les utiliser ». « Même si<br />
au fil des années, la culture du spectacle<br />
filmé fait que les spectateurs comprennent<br />
et acceptent mieux la présence d’une<br />
Louma dans la salle ou d’une caméra dans<br />
la fosse, dit François Hanss, on n’avait pas<br />
le droit de parasiter la perception du<br />
concert par les spectateurs. Cela a toujours<br />
été notre credo avec Laurent Boutonnat et<br />
Mylène Farmer. Il n’y a ainsi jamais de<br />
caméra sur scène, jamais non plus un<br />
cadreur ne vient près de l’artiste ou des<br />
danseurs. En revanche, comme Mylène l’a<br />
toujours pratiqué dans ses films précé-<br />
dents, on va chercher le regard du public<br />
sur elle. Ce contrechamp est intéressant, il<br />
permet d’échapper au point de vue frontal<br />
et ajoute de la dynamique et de l’émotion.<br />
Une guitare, une expression ou un mouvement<br />
de bras sont des plans sporadiques<br />
qui insufflent de la valeur ajoutée au montage.<br />
Pour les obtenir, il faut des positions<br />
de caméra très précises. Mon cahier des<br />
charges est de faire monter en puissance<br />
ce qui se passe dans la salle tout en respectant<br />
scrupuleusement la logique du<br />
déroulement du concert, la logique de la<br />
découverte des tableaux et des lumières<br />
telle qu’elle est conçue. Chaque chanson<br />
étant en soi un tableau de lumière et de<br />
chorégraphie, mon défi le plus important<br />
est de rendre logique et compréhensible<br />
ces chorégraphies dans leur déroulement<br />
sans jamais perdre de vue l’artiste, sans<br />
jamais la faire disparaître derrière les<br />
lumières ou le public. Je procède avec un<br />
découpage prévisionnel réparti sur<br />
« Filmer<br />
un concert<br />
de Mylène Farmer,<br />
c’est chercher<br />
à traduire<br />
sa personnalité ».<br />
François Hanss, réalisateur.<br />
« Chaque<br />
chanson est en<br />
soi un tableau<br />
de lumière et de<br />
chorégraphie ».<br />
François Hanss,<br />
réalisateur.<br />
<strong>actions</strong>27><br />
05
« Le plus<br />
surprenant, ce sont<br />
les détails que la<br />
Vision2 7299<br />
conserve dans les<br />
basses lumières ».<br />
Dominique Fausset,<br />
directeur de la photographie.<br />
©droits réservés<br />
> 06 <strong>actions</strong>27<br />
l’ensemble du planning des concerts. Il<br />
ne s’agit jamais pour nous de « filmer<br />
pour filmer ». Ma difficulté supplémentaire<br />
ici, c’est la présence des deux scènes.<br />
Après, on ajoute toujours quelques<br />
points de vue un peu spectaculaires et<br />
très utiles. Sur un ou deux titres, nous<br />
avons ainsi une caméra télécommandée<br />
en totale plongée. Les caméras à<br />
l’épaule, c’est plus pour l’ambiance, se<br />
retrouver à l’intérieur du public ou utiliser<br />
des amorces de mains. La vraie<br />
structure du film répond forcément aussi<br />
à des nécessités de plans beauté sur<br />
Mylène. L’esthétique est importante ».<br />
Huit mois avant le début des représentations<br />
parisiennes, la quatrième série de<br />
concerts donnée par l’artiste en dix-sept<br />
ans de carrière affichait déjà complet.<br />
Son titre ? « Avant que l’ombre… à<br />
Bercy ». Revêtue d’une tenue d’amazone<br />
lamée or surmontée d’une cape à<br />
frange, Mylène Farmer y mélange chansons<br />
nouvelles et grands classiques<br />
(« Libertine », « Désenchantée »…).<br />
« Au total, nous avons filmé les dix premiers<br />
concerts à deux ou trois caméras,<br />
précise le producteur Paul Van Parys.<br />
Une fois le spectacle bien rodé, nous<br />
sommes passés à cinq ou six caméras<br />
pour les deux derniers ». « Nous avons<br />
principalement travaillé avec des Aaton,<br />
précise de son côté le directeur de la<br />
photographie Dominique Fausset. Mais<br />
nous avions aussi une Arriflex pour<br />
varier la vitesse et l’obturation et une A-<br />
Minima, L’ouverture était plutôt agréable,<br />
entre 4 et 5.6 avec des profondeurs<br />
de champ intéressantes. Un concert est<br />
un spectacle vivant extrêmement particulier<br />
dans la mesure où on doit s’adapter<br />
à une multitude de lumières et d’axes<br />
différents avec obligation de cohérence<br />
au final. (La création lumière est l’œuvre<br />
de Frédérique Peveri qui aura toujours<br />
été à l’écoute de la fabrication du film).<br />
Les lumières de « live » comme on les<br />
appelle, ont de grandes variations de<br />
couleurs, de teintes, de mélanges et de<br />
puissance d’éclairage. Qui plus est, c’est<br />
un type de lumière très particulier. Dans<br />
ce contexte, l’idée est d’être le moins<br />
intervenant possible et de tout utiliser,<br />
jusqu’aux extinctions de lumière qui font<br />
partie du show. Le problème de Bercy,<br />
c’est qu’on a parfois des distances de<br />
caméra extrêmement éloignées - jusqu’à<br />
80 mètres - ce qui crée des présences<br />
très différentes à l’image. C’est dire<br />
combien le choix du support est prépondérant<br />
».<br />
Avec François Hanss, réalisateur de<br />
cinéma (« Corps à corps » en 2003 coréalisé<br />
par Arthur-Emmanuel Pierre),<br />
Laurent Boutonnat, (deux longs métrages<br />
à son palmarès avec « Giorgino » en<br />
1994 et « Jacquou le Croquant » cette<br />
année) et Mylène Farmer en personne<br />
dont les clips ont révolutionné le genre<br />
(de vrais courts-métrages, certains en<br />
cinémascope), le support de captation ne<br />
pouvait évidemment qu’être… argentique.<br />
« Il est évident que Mylène Farmer,<br />
Laurent Boutonnat et François Hanss<br />
sont des gens culturellement très attachés<br />
au cinéma, constate Paul Van Parys.<br />
Avec eux, la captation d’un concert équivaut,<br />
et tant mieux, à la réalisation d’un<br />
véritable film de cinéma, pas à l’enregistrement<br />
multi-caméras d’une émission<br />
de télévision. L’orientation film faisant<br />
partie de leur culture à tous les trois,<br />
l’alternative d’un tournage en HD a été<br />
très rapidement abandonnée. Au visionnage<br />
de tests suivis d’un télécinéma sur<br />
HD, on s’est rendu compte, notamment<br />
au niveau de la colorimétrie, que le film<br />
apportait beaucoup par rapport à la<br />
HD ». « Dès ses débuts, l’univers musical<br />
de Mylène s’est beaucoup imposé par<br />
l’image cinéma, souligne François<br />
Hanss. Il y a une part de comédienne en<br />
elle, elle a le goût de l’image. Dans un<br />
souci de beauté autant que de respect<br />
vis-à-vis du spectateur, elle a toujours<br />
défendu l’image film. A une époque où<br />
la vidéo pouvait se poser comme alternative,<br />
tous ses clips étaient tournés en<br />
film. Elle a toujours recherché l’exception,<br />
elle a toujours revendiqué une production<br />
artistique ambitieuse ».<br />
Sur scène ou juchée sur une nacelle en<br />
forme de chandelier, Mylène Farmer<br />
enchaîne les costumes au fil des numéros,<br />
portant justaucorps noir et chapeau<br />
haut de forme ou robe violette à cuissardes.<br />
Dans un spectacle qui mêle la sensualité<br />
et le sacré, l’amour, la mort et la<br />
spiritualité, des danseurs habillés de<br />
noir se produisent entre deux chansons<br />
dans des chorégraphies inspirées du flamenco.<br />
De chaque côté de la scène traditionnelle,<br />
deux écrans retransmettent<br />
les images du spectacle en train de se<br />
produire.<br />
« Peut-être mon regard est-il déformé<br />
par mon goût du cinéma, mais si nous<br />
avions tourné en vidéo, reprend François<br />
Hanss, j’aurais eu l’impression d’assister<br />
à une super émission de télévision.<br />
Pour moi, il était impensable de monter<br />
ou pré-monter le film dans un car-régie<br />
et de le finaliser dans la foulée. C’est au<br />
montage que le film va se mettre en<br />
place ». « Techniquement, le support film<br />
est de toute façon ce qui se fait de<br />
mieux, ajoute le chef-opérateur<br />
Dominique Fausset. Dans le genre<br />
d’exercice où l’on doit retranscrire au<br />
plus près possible les sensations du<br />
« live », la maniabilité de la pellicule est<br />
imbattable. L’argentique offre, qui plus<br />
est, un choix très intéressant d’outils de<br />
post-production. L’avantage de tourner<br />
en film, c’est aussi de pouvoir utiliser
« Pour retranscrire<br />
les sensations<br />
du « live »,<br />
la maniabilité de<br />
la pellicule est<br />
imbattable ».<br />
Dominique Fausset,<br />
directeur de la photographie.<br />
« On s’est rendu<br />
compte, notamment<br />
au niveau de la<br />
colorimétrie, que<br />
le film apportait<br />
beaucoup par<br />
rapport à la HD ».<br />
Paul Van Parys, producteur.<br />
des caméras complètement autonomes<br />
avec pour seule contrainte l’utilisation<br />
d’un code Aaton destiné à synchroniser<br />
les rushes. Cela laisse une grande<br />
liberté au cadreur qui, sur ce type de<br />
films, doit avoir beaucoup de rigueur.<br />
C’est ce qui nourrit la qualité de lumière,<br />
la qualité de présence des artistes et<br />
la cohérence indispensable pour le<br />
montage ».<br />
« L’argentique, explique Gilles Gaillard,<br />
directeur technique chez Mikros Image,<br />
agit comme un pur capteur. En dynamique,<br />
la base captée ainsi obtenue est<br />
plus large que celle d’un support numérique.<br />
C’est un cliché de dire que la capture<br />
numérique est plus sensible que la<br />
capture argentique. On voit bien que ce<br />
n’est pas vrai dès lors que les émulsions<br />
deviennent de plus en plus fines. En<br />
tirant parti des capacités de captations<br />
de la pellicule, les choix créatifs de postproduction<br />
sont donc forcément plus<br />
prononcés, ce qui était nécessaire avec<br />
un projet comme celui-ci qui requiert<br />
beaucoup de travail en aval. En faveur<br />
du film, on cite souvent un plus grand<br />
rapport de contraste toléré et une captation<br />
différente des couleurs. Mais la<br />
captation film permet aussi de repousser<br />
l’étape de numérisation sans être<br />
gênée par le filtrage quasi-obligatoire de<br />
la captation numérique. En numérique,<br />
on est contraint de choisir la balance des<br />
blancs et le tronçon sur lequel on va travailler<br />
au définitif (encore que certaines<br />
caméras commencent à mettre de côté<br />
ce type de réglages) et du coup, les<br />
choix d’image proviennent à 90% de la<br />
prise de vues. Ce n’est pas le cas en<br />
argentique. Avec une capture argentique,<br />
on peut faire des choix différents en<br />
post-production, privilégier les ombres<br />
ou les hautes lumières. En choisissant le<br />
spectre sur lequel on va travailler, on a<br />
davantage de liberté sur le rendu de<br />
l’image définitive. Si le placement des<br />
acteurs est relativement défini quand il<br />
s’agit d’un concert, l’emplacement des<br />
caméras définit aussi des gammes de<br />
rapports de contraste différents. Un personnage<br />
qui passe de l’ombre à la<br />
lumière se trouve dans une configuration<br />
qui fait que le contrôle des rapports de<br />
surexposition varie énormément. La latitude<br />
étant plus grande au moment de la<br />
prise de vues, il devient intéressant de<br />
pouvoir effectuer un travail sur le télécinéma<br />
au moment de la numérisation<br />
pour aller chercher des détails sur<br />
l’image plutôt que d’avoir un rendu<br />
homogène qui placerait systématiquement<br />
des gens dans l’ombre. Cela per-<br />
met de placer le spectateur entre « backstage<br />
» et pur concert ».<br />
Au service de la captation, Dominique<br />
Fausset a choisi d’expérimenter la toute<br />
nouvelle (à l’époque) pellicule <strong>Kodak</strong><br />
Vision2 7299. « C’est une pellicule qui va<br />
plus loin que ses consœurs de la gamme<br />
Vision2 dans les contrastes et les saturations<br />
de couleurs, précise-t-il. Pour le<br />
type de lumière et la configuration de<br />
tournage d’un concert, c’est une pellicule<br />
parfaite. Très malléable, elle emmagasine<br />
beaucoup d’informations. Il faut<br />
simplement la poser le plus « plat » possible<br />
dans la courbe pour obtenir un<br />
maximum de rendu dans les hautes et<br />
basses lumières. Le plus surprenant, ce<br />
sont les détails qu’elle conserve dans les<br />
basses lumières. C’était d’autant plus<br />
important pour nous que le stylisme<br />
comportait pas mal de noir (certaines<br />
tenues, beaucoup de chapeaux…).<br />
Malgré ce noir qui présentait parfois des<br />
densités très fortes, elle a en permanence<br />
continué de faire preuve de<br />
finesse. C’est une pellicule qui, malgré<br />
des mélanges de textures de néon et de<br />
lumière traditionnelle, valorise les natures<br />
d’arrière-plans et la profondeur de<br />
champ ». « C’est une pellicule qui présente<br />
un possible écart de contraste<br />
<strong>actions</strong>27><br />
07
08 <strong>actions</strong>27<br />
spectaculaire que les supports numériques<br />
ont encore du mal à posséder »,<br />
ponctue Gilles Gaillard.<br />
« Quand on filme un concert, il n’est pas<br />
question de trouver tel ou tel tableau<br />
trop « sombre » ou trop « lumineux »,<br />
explique encore le réalisateur. La grande<br />
force de l’argentique, c’est de « capter »<br />
les nuances d’ouverture de lumière et de<br />
ne trahir ni les carnations ni la dynamique<br />
des couleurs dont la palette est différente<br />
pour chaque tableau. Grâce à la<br />
latitude d’acceptation de cette pellicule,<br />
on peut « partir » assez loin et garantir<br />
au public la cohérence du spectacle. Sur<br />
la performance ou le côté spectral de la<br />
Vision2 7299, on voit bien qu’au standard<br />
de ce qu’on obtient, on possède<br />
déjà une image très douce et très définie.<br />
On garde le chatoyant du stylisme<br />
de Mylène, il n’y a rien d’ingrat ou de<br />
parasite, rien n’est « cramé » dans les<br />
hautes lumières. Le tableau final par<br />
exemple se devait de ressortir magnifiquement.<br />
Derrière un rideau de pluie, on<br />
découvre un escalier éclairé par différentes<br />
sources de lumière qui mettent<br />
en trompe-l’œil une perspective. Quand<br />
je vois le résultat en film, j’ai l’impression<br />
de me trouver devant un rendu technicolor.<br />
C’est plein de finesse et de<br />
demi-teintes ».<br />
« Sur ce type de tournage, l’utilisation<br />
d’une seule émulsion permet aussi<br />
d’avoir une continuité de profondeur, de<br />
grain et de texture d’image, approfondit<br />
Dominique Fausset. Il en résulte une<br />
cohérence entre les places de caméra,<br />
leurs distances et les variétés d’objectifs<br />
utilisés. En accord avec la post-production,<br />
j’avais ainsi décidé de ne rien filtrer<br />
même si avec ce type de lumière de<br />
concert, on récupère beaucoup de<br />
« flair ». Pour moi, cela donne de la vie<br />
aux images. Une lumière de concert, ça<br />
change tout le temps, on passe régulièrement<br />
du « chaud » au « froid » et en<br />
intensité, on va de très hautes lumières<br />
à des lumières éteintes. Cette Vision2<br />
est une pellicule qui tient très bien les<br />
montées de grain, les surexpositions<br />
comme les sous-expositions. C’est une<br />
pellicule que j’aurais vraiment envie<br />
d’utiliser maintenant avec des lumières<br />
modernes, de travailler dans la douceur<br />
sur des clips ou en publicité. Sur ce tournage,<br />
elle a été pour moi un véritable<br />
confort dans ma collaboration avec le<br />
coloriste Jacky Dufresne de chez Mikros<br />
Image, lequel m’a accompagné dans ce<br />
travail depuis le démarrage des tests<br />
jusqu’à la finalisation du master au<br />
lustre ».<br />
« Son bémol, intervient Gilles Gaillard,<br />
c’est que malgré une émulsion plus<br />
douce, on se retrouve vite avec une texture<br />
de grain comparable à « l’ancienne<br />
» 500. (La montée de grain n’était<br />
pas encore traitée par la boîte <strong>Kodak</strong> au<br />
moment où nous l’avons essayée). Nous<br />
n’avons pas utilisé directement la boîte<br />
<strong>Kodak</strong> pour ce qui est de la fabrication<br />
de l’image définitive mais pendant toutes<br />
les étapes de recherche créative. En<br />
faisant des combinaisons Vision2 7299 +<br />
boîte <strong>Kodak</strong>, on s’aperçoit que si la boîte<br />
est un peu stricte en terme de rendu, elle<br />
fournit quand même des indications qui<br />
permettent de déterminer des ambiances<br />
et d’offrir davantage de propositions<br />
».<br />
Avec un marché du CD en chute libre un<br />
peu partout, quelle sera l’exploitation<br />
principale du film ? « Le DVD est devenu<br />
un support très important, termine Paul<br />
Van Parys, c’est la trace du travail que<br />
l’artiste a fourni, un témoignage dans sa<br />
carrière, un point de repère dans l’évolution<br />
de ses concerts. L’exploitation du<br />
DVD est notre objectif aujourd’hui avec<br />
éventuellement celle du HD DVD dans la<br />
mesure où, quand nous sortirons ce film<br />
fin 2006, les lecteurs DVD HD commenceront<br />
à se mettre en place. Le fait que<br />
le film utilise la pellicule HD Vision2 et<br />
le fait qu’on dispose d’une post-production<br />
en HD peut nous permettre d’envisager<br />
une exploitation salles… même si<br />
tout le monde sait qu’elle est difficile à<br />
obtenir. Avec la définition d’image dont<br />
le film peut aujourd’hui s’enorgueillir,<br />
c’est en tout cas une chose possible en<br />
privilégiant délibérément la qualité ».<br />
Article rédigé par Dominique Maillet.<br />
Production : Stuffed monkey<br />
Réalisateur : François Hanss<br />
Directeur de la photographie : Dominique Fausset<br />
Etalonneur traditionnel : Alexandra Pocquet<br />
Etalonneur numérique : Jacky Dufresne<br />
Laboratoire : Arane Gulliver<br />
Pellicules : <strong>Kodak</strong> Vision2 7299<br />
« La grande force<br />
de l’argentique,<br />
c’est de « capter »<br />
les nuance d’ouverture<br />
de lumière et de ne trahir<br />
ni les carnations<br />
ni la dynamique<br />
des couleurs ».<br />
François Hanss, réalisateur.
avec<br />
« L’ami de<br />
Fred Astaire »,<br />
le directeur de la photographie<br />
Jean-Marc Fabre, AFC<br />
Photos : ©Toma Baquéni<br />
ENTRE LE DIRECTEUR DE LA<br />
PHOTOGRAPHIE JEAN-MARC FABRE,<br />
AFC ET LA RÉALISATRICE<br />
NOÉMIE LVOVSKY, L’HISTOIRE EST<br />
DÉJÀ VIEILLE D’UNE QUINZAINE<br />
D’ANNÉES. ELLE DÉBUTE PAR DES<br />
COURTS-MÉTRAGES ET SE POURSUIT<br />
AVEC DEUX FILMS DE LONGS-<br />
MÉTRAGES (« OUBLIE-MOI »<br />
EN 1994 ET « LES SENTIMENTS »<br />
EN 2003). TROISIÈME VARIATION<br />
AUTOUR DE LA CONDITION<br />
HUMAINE, LEUR NOUVEAU FILM<br />
S’INTITULE « L’AMI DE FRED<br />
ASTAIRE ».<br />
revient au cinéma d’auteur.<br />
Article rédigé par Dominique Maillet<br />
« AUJOURD’HUI,<br />
LES CHOIX DE<br />
PELLICULES SONT<br />
LE PLUS SOUVENT<br />
LIÉS À LA DEMANDE<br />
DU RÉALISATEUR ».<br />
><br />
<strong>actions</strong>27><br />
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La feuille de service du vendredi 8 Septembre prévoit le tournage<br />
en plein Paris d’une succession de courtes scènes. La première<br />
filme l’acteur Jean-Pierre Marielle dans un café (où il attend), la<br />
seconde est plus dynamique avec une voiture travelling qui lui<br />
colle au train alors qu’assis à l’arrière d’un scooter conduit par<br />
Arié Elmaleh, il est plus ou moins en train de s’endormir. « Il y a<br />
là un petit côté burlesque, commente le directeur de la photographie<br />
Jean-Marc Fabre, mais cela peut très vite muer… ».<br />
Oui, car le film - et son tournage - sont dans une mouvance<br />
permanente. Pour répondre à ce besoin de liberté créatrice, la<br />
réalisatrice dispose de douze semaines de prises de vues. « Cela<br />
ressemble à une course de fond, reprend Jean-Marc Fabre avec<br />
humour. Assez touffu, le scénario est constitué d’une suite de<br />
petites séquences dont on sait à l’avance que certaines d’entre<br />
elles disparaîtront sans que cela pose de problème<br />
majeur au montage. Nous allons tourner pas loin de trois<br />
heures de film pour n’en garder que deux maximum. Les<br />
choses prendront corps une fois assemblées. Comme je ne<br />
sais pas encore très bien ce qui restera au montage, je<br />
crée une atmosphère sur toute la longueur du film, c’est<br />
un challenge assez subtil ».<br />
Cette liberté dramatique passe-t-elle par la direction d’acteurs<br />
? « Noémie Lvovsky aime voir ce que proposent ses<br />
comédiens, confirme le directeur de la photographie. Elle<br />
cherche à ne jamais figer les choses. C’est quelqu’un<br />
qui n’impose par exemple aucune place à ses<br />
personnages. S’il y a des problèmes techniques,<br />
c’est à nous de nous<br />
débrouiller, ce qui nous oblige à<br />
être jusqu’au dernier moment<br />
le plus réactif possible à ses<br />
idées de mise en scène.<br />
Personnellement, je ne dis<br />
jamais « non » à rien, cela fait partie de ce que je dois apporter<br />
à un film. Travailler à 2 ou 5.6 ne me pose aucun problème.<br />
Beaucoup de choses étant décidées au dernier moment, il m’arrive<br />
(rarement, mais quand même) de tourner dans des décors<br />
que je n’ai pas repérés. Parfois c’est un lieu que je connais, mais<br />
dans lequel on a changé ce qui était prévu. Cela ne me gêne pas<br />
non plus, j’aime bien le côté « mobile » qui m’oblige à toujours<br />
anticiper pour ne pas être piégé dans mes installations. C’est là<br />
que je trouve mon plaisir sur un film qui ne présente par ailleurs<br />
pas de grands enjeux sur le plan strictement visuel. Comme nous<br />
avons surtout à faire à des scènes dialoguées, il faut être malin<br />
pour arriver à ses fins tout en laissant de la place à la mise<br />
en scène ».<br />
Dans cette configuration qui exige de la rapidité et de l’adaptabilité,<br />
le choix de la pellicule, évidemment crucial, est déterminant.<br />
C’est l’occasion de tirer profit de l’apparition des nouvelles<br />
sensibilités. « Sur un plateau, reprend Jean-Marc Fabre, je sais<br />
la plupart du temps quelles pellicules je vais utiliser sur telle ou<br />
telle séquence. Ici, je m’autorise un maximum de liberté. C’est un<br />
film où, a priori, j’aurais plutôt pensé utiliser la <strong>Kodak</strong> Vision2<br />
500T 5218, si ce n’est que j’aime beaucoup le contraste de la<br />
<strong>Kodak</strong> Vision2 250D 5205. Il m’est donc arrivé d’utiliser dans des<br />
configurations de lumière artificielle la 5205 (pour des scènes de<br />
soir par exemple). Il y a une question de rendement, mais aussi<br />
le fait que cette pellicule se mélange très bien avec la 5218.<br />
Grâce aux nouvelles générations, je n’ai aucun souci d’homogénéité.<br />
Aujourd’hui, les choix de pellicules sont le plus souvent<br />
liés à la demande du réalisateur. C’est parce que Dominik Moll<br />
voulait une image très définie dans « Lemming » que j’ai privilégié<br />
la <strong>Kodak</strong> Vision2 200T 5217 alors qu’il aurait été plus simple<br />
pour moi d’utiliser une 500 Asa. Ce qu’il faut, c’est comprendre<br />
la vision d’un metteur en scène. Ce qui me gêne en revanche<br />
dans le cinéma français d’aujourd’hui, c’est le manque de profondeur.<br />
Au point que parfois, c’est davantage mon souci de profondeur<br />
de champ que la définition d’une image qui me fait préférer<br />
une pellicule à une autre ».<br />
Le parcours de Jean-Marc Fabre est éclectique et riche d’expériences<br />
diverses. On le trouve aussi bien en Russie sur « Moi<br />
Ivan, toi Abraham » de Yolande Zauberman en 1993 qu’au côté<br />
de réalisateurs français tels que Jacques<br />
Audiard (« Un héros très discret » en<br />
1996) et Jean-Pierre Limosin (« Tokyo<br />
eyes » en 1998, « une expérience un peu<br />
particulière au sein d’une équipe entièrement<br />
japonaise »). Les cinéastes étrangers<br />
trouvent également leur place dans sa carrière,<br />
de James Ivory « La fille d’un soldat<br />
ne pleure jamais » à Amos Kollek (« Fast<br />
food, fast women » en 2000).<br />
« CE QUI ME GÊNE<br />
DANS LE CINÉMA<br />
FRANÇAIS<br />
D’AUJOURD’HUI,<br />
C’EST LE MANQUE<br />
DE PROFONDEUR<br />
DE CHAMP ».<br />
>
Rien ne le prédisposait au cinéma. « Mes parents étaient universitaires,<br />
précise-t-il. Au départ - c’est dire si je ne connaissais rien<br />
à la technique - je croyais que la caméra était tenue par le réalisateur.<br />
Et en entrant à l’école Louis Lumière, je pensais à la mise en<br />
scène, pas à la lumière. Ce sont les courts-métrages qui m’ont<br />
poussé à devenir chef-opérateur, à commencer évidemment par<br />
ceux de Noémie Lvovsky. En fait, j’ai été très peu assistant. A<br />
vingt-cinq ans, je faisais la lumière d’un long-métrage, c’était «Le<br />
ciel de Paris » de Michel Bena ».<br />
Le personnage principal de « L’ami de Fred Astaire », c’est<br />
Jean-Pierre Marielle. Fan de l’acteur-danseur américain, il<br />
pratique les claquettes et continue de s’émerveiller devant<br />
« Top hat ». Il ne vit plus avec sa femme (Bulle Ogier) qui est<br />
totalement détachée des biens matériels et se trouve même,<br />
bien qu’issue d’une famille fortunée, en proie désormais aux<br />
problèmes d’argent. Et puis il y a leur fille de<br />
quarante ans qui, avec le recul, se découvre un<br />
rôle de victime face à des parents qui, sur bien<br />
des plans, n’ont peut-être pas tout à fait<br />
grandi. Le jour où ce père, par ailleurs plein<br />
d’énergie, réalise qu’il est vieux à travers le<br />
regard des autres, le drame s’installe. C’est un<br />
mélange de moments graves et parfois comiques.<br />
« Le père est un personnage à la fois caustique et sympathique,<br />
analyse le chef-opérateur. Même s’il réagit quelquefois de<br />
manière révoltante, c’est quelqu’un que l’on aime bien. En tout cas,<br />
j’essaie de l’aimer dans ma façon de le filmer ».<br />
En parallèle, il y a les scènes qui s’inscrivent dans le film comme de<br />
vastes parenthèses, qui sont des voyages dans le temps ou dans<br />
l’imaginaire. C’est là où le film trouve son originalité et son identité.<br />
« Ce sont de petits « décrochages » liés au rêve ou au cauchemar,<br />
continue Jean-Marc Fabre. Pour filmer ces moments-là, il<br />
faut essayer le plus possible d’extraire les images qui appartiennent<br />
à la vision du metteur en scène. C’est à moi de les retranscrire<br />
en fonction de chaque situation ». Valeria Bruni-Tedeschi se revoit<br />
ainsi petite au côté de son père qui lui raconte comment il a tué<br />
Adolf Hitler… « Dans un décor très stylisé, le père lui tranche la<br />
gorge. C’est une séquence « gore » qui sera traitée comme un<br />
flash-back (elle n’est pas encore tournée) ». Dans une autre<br />
séquence, elle se retrouve la nuit sur un stade d’athlétisme en train<br />
de courir avec un ventre énorme alors qu’elle pensait ne pas pouvoir<br />
avoir d’enfant. Dans une autre séquence encore, Jean-Pierre<br />
Marielle visualise la mort, découvrant les cavaliers de l’apocalypse<br />
sur leurs chevaux déchirer le mur de sa chambre comme une feuille<br />
de papier et se précipiter vers lui comme s’ils sortaient du feu de<br />
l’enfer… Difficile dès lors de garder le cap d’une atmosphère<br />
linéaire ! « Je pars toujours d’un scénario sans a priori. J’ai une<br />
impression générale et j’en parle avec le metteur en scène. C’est<br />
quelque chose qui se construit petit à petit. La scène des cavaliers,<br />
c’est particulier, c’est vraiment un rêve qui se trouve en dehors du<br />
ton du film. Mais pour tout le reste, je « raccroche » mon image à<br />
l’univers des personnages ».<br />
Ce sera peut-être l’un des challenges du film. Jean-Marc Fabre est<br />
un habitué du « grand écart ». « Je me suis promené jusqu’à présent<br />
dans des registres très différents. Au départ, je me situais<br />
dans le cinéma d’auteur, je n’étais pas très « ouvert » dans mes<br />
choix. Plus tard, je me suis retrouvé sur des productions plus classiques<br />
comme lors du dernier film de Danièle Thompson,<br />
« Fauteuils d’orchestre ». Aujourd’hui, je reviens au cinéma<br />
d’auteur après un trajet qui m’a fait découvrir autre chose que le<br />
système français. Ce que je trouve agréable, c’est de travailler avec<br />
des gens différents. On y apprend beaucoup ».<br />
Entre Jean-Marc Fabre et Noémie Lvovsky, c’est une longue histoire.<br />
De celles qui façonnent les collaborations durables. « On se<br />
comprend bien et il y a de la confiance entre nous. En préparation,<br />
Noémie est quelqu’un qui aime bien formuler les choses. Sur<br />
« L’ami de Fred Astaire », elle avait insisté sur les différences de<br />
ton du récit et les répercussions que cela pouvait avoir sur l’image.<br />
Moi, je l’ai interprété un peu différemment : même lorsque je me<br />
trouve dans une scène qui « décroche » par rapport au ton du film,<br />
je reste dans l’image du film. Avec Noémie, je parle en fait beaucoup<br />
plus de cadre que de lumière. C’est, d’une certaine manière,<br />
notre façon de concevoir ensemble un découpage. Je sais<br />
qu’elle aime la sensualité qui se dégagera dans la façon<br />
dont je vais suivre ses acteurs. C’est une réalisatrice assez<br />
sobre qui cherche à aller droit vers ce que dégage la scène.<br />
Son cinéma est naturaliste. Le style, il vient après. Pour aller<br />
dans le sens de ce qui se déroule, certaines scènes sont<br />
tournées à l’épaule, surtout celles qui concer-<br />
><br />
« JE PARS<br />
TOUJOURS<br />
D’UN SCÉNARIO<br />
SANS A PRIORI ».<br />
nent le personnage de la fille (joué par Valeria<br />
Bruni-Tedeschi) qui est assez nerveux. Cette<br />
manière de filmer correspond à la personnalité<br />
de la comédienne qui a besoin d’une grande<br />
liberté pour ressentir les choses et les exprimer.<br />
Il faut qu’elle puisse aller là où elle le sent, pas<br />
forcément là où on l’attend. Avec Jean-Pierre<br />
Marielle, c’est différent, la caméra est plus souvent « posée »<br />
avec un mélange de plans quelquefois assez larges suivis de plans<br />
très proches. Mais tout cela, c’est de la théorie. Dans la pratique,<br />
rien n’est évidemment aussi radical ».<br />
Production déléguée :<br />
Why not production<br />
Réalisatrice :<br />
Noémie Lvovsky<br />
Directeur de la photographie :<br />
Jean-Marc Fabre<br />
Etalonneur traditionnel :<br />
Gérard Savary<br />
Laboratoires : Eclair<br />
Pellicules :<br />
<strong>Kodak</strong> Vision2 500T 5218<br />
<strong>Kodak</strong> Vision2 250D 5205<br />
<strong>actions</strong>27><br />
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SUR LE PLATEAU DU PREMIER FILM DE STÉPHANE<br />
ALLAGNON « VENT MAUVAIS », LE DIRECTEUR DE<br />
LA PHOTOGRAPHIE YVES CAPE, AFC (DONT LE FILM<br />
« FLANDRES » RÉALISÉ PAR BRUNO DUMONT ET<br />
PRIMÉ À CANNES VIENT DE SORTIR) REVIENT SUR<br />
SA DÉFINITION DU RÔLE ET DE LA FONCTION DE<br />
CHEF-OPÉRATEUR EN TIRANT PROFIT D’UNE<br />
SOLIDE EXPÉRIENCE ALLANT DU LONG-MÉTRAGE<br />
AU FILM PUBLICITAIRE. Propos recueillis par Dominique Maillet.<br />
Actions : Quelle est aujourd’hui la fonction du directeur<br />
de la photographie ? Quelle est sa part de liberté ?<br />
Yves Cape : Ayant été assistant-opérateur pendant plus de dix<br />
ans, j’ai été confronté à tous les cas de figure. Quelqu’un comme<br />
Bruno Dumont n’a évidemment pas besoin de mon aide pour<br />
décider d’une mise en scène (dans son cas millimétrée). Cela ne<br />
veut pas dire pour autant qu’il n’ait pas besoin de confronter ses<br />
idées aux miennes pour vérifier le bon fonctionnement de ses<br />
intentions. Les questions que l’on se pose sont parfois simples :<br />
vaut-il mieux utiliser le 60mm ou le 75mm, être un peu plus haut,<br />
un rien plus bas ?… ce qui ne nous empêche jamais, au tout dernier<br />
moment, de supprimer tel ou tel plan ou bien de décider un<br />
travelling. Certains réalisateurs savent ce qu’ils veulent voir à<br />
l’image, mais ne maîtrisent pas forcément les moyens de l’obtenir.<br />
On appréciait quelqu’un comme Bruno Nuytten car sans faire<br />
le travail des metteurs en scène, il était « aussi » là pour parer<br />
à certains de leurs manques. Tout comme Yves Angelo lorsqu’il<br />
était opérateur. Jean-Pierre Melville ou Pierre Granier-Deferre<br />
arrêtaient une scène au mot près. Pourquoi les réalisateurs d’aujourd’hui<br />
n’ont-ils plus cette maîtrise ? Je n’en sais rien, d’autant<br />
que les écoles de cinéma se sont développées. Le pro-<br />
blème, c’est qu’elles persistent à faire co-exister des techniciens<br />
avec des réalisateurs-artistes. Si les premiers ressortent<br />
avec un background extraordinaire, on n’apprend malheureusement<br />
plus aux seconds ce qu’est la technique de la mise en<br />
scène, le découpage, la direction d’acteurs ou la manière de travailler<br />
avec une production. On se réfugie derrière une pensée<br />
globale qui vise à faire croire que nous avons à faire à des<br />
« artistes » et que si un artiste ne veut pas découper son film,<br />
eh bien, il ne le découpe pas. Sauf que cela ne marche pas toujours.<br />
A. : Les deux chefs-opérateurs que vous venez de citer<br />
sont comme par hasard passés tous les deux à la mise en<br />
scène…<br />
Y.C. : C’est bien là où se situe l’ambiguïté. On m’a souvent<br />
demandé pourquoi je ne passais pas à la réalisation. Je serais<br />
franchement incapable d’écrire un film et de diriger des comé-<br />
« CE QUI M’INTÉRESSE<br />
LE PLUS DANS LE CINÉMA,<br />
C’EST LA COLLABORATION<br />
ENTRE LES TECHNICIENS<br />
ET LES COMÉDIENS ».<br />
© Moncef Fehri
©Gérôme<br />
diens. Techniquement, je peux les aider, mais certainement pas<br />
les orienter dans leurs émotions. Nombreux sont les opérateurs<br />
qui ne veulent pas mettre un pied dans la mise en scène. En tant<br />
qu’assistant, j’en ai souffert quand cela allait jusqu’à « bloquer<br />
» un tournage. A leur décharge, on sait aussi qu’en acceptant<br />
de mettre un pied dans la mise en scène, on devient « coresponsable<br />
» de son bon fonctionnement. Personnellement, je<br />
me considère comme le garant des souhaits et rêves que le réalisateur<br />
me confie en préparation. Je veux que ses rêves se<br />
retrouvent sur l’écran même si, pendant un tournage, il a mille<br />
et une raisons de les abandonner tant sont nombreux les aléas<br />
du plateau. Ce qui m’intéresse le plus dans le cinéma, c’est la<br />
collaboration entre les techniciens et les comédiens. C’est passer<br />
du rêve à la technique.<br />
A. : D’où votre besoin de cadrer ?<br />
Y. C. : J’aime bien occuper les deux postes même si, d’une certaine<br />
manière et comme le dit très bien Yves Vandermeeren (un<br />
cadreur que j’ai eu comme professeur et avec qui j’ai fait mes<br />
premières armes d’assistant caméra), « le cadre n’est pas de<br />
l’image, mais de la mise en scène ». Pour autant, je ne suis pas<br />
un virtuose et cela ne me dérange pas de ne pas être toujours<br />
très bon en faisant un 360°. Les rudiments que j’ai appris au<br />
contact de gens comme Yves Vandermeeren ou Walter Vanden<br />
Ende sont plutôt des idées philosophiques, des références à des<br />
tableaux, à des mouvements…<br />
A. : On a parfois l’impression chez vous d’une approche<br />
« épidermique » du cinéma…<br />
Y.C. : Je suis passionné par ce que je fais et j’ai une très haute<br />
estime de mon métier. Le chef-opérateur a une responsabilité<br />
sociologique. On ne doit jamais montrer ni dire n’importe quoi<br />
dans un film, que cela ait trait à la qualité de notre image ou à<br />
ce qui est raconté. Bruno Dumont m’a beaucoup influencé làdessus.<br />
« L’humanité » a été un moment-charnière dans ma carrière.<br />
Après sept années d’études de l’image dont trois passées<br />
à l’Insas, je n’avais pas attendu de le rencontrer pour savoir que<br />
les images ont un poids, mais je n’en avais peut-être pas mesuré<br />
toute la portée. Ce qui m’importe, c’est de défendre la qualité de<br />
mes images, que le film soit fait à l’épaule et sans lumière ou<br />
qu’il bénéficie d’un budget confortable comme c’est le cas sur<br />
« Vent mauvais » de Stéphane Allagnon...<br />
A. : … dont c’est aujourd’hui le quarante-cinquième et<br />
dernier jour de tournage. Quelle est, sur ce film, la spécificité<br />
de votre travail ?<br />
Y.C. : C’est un « polar d’ambiance » dans lequel les parti-pris<br />
sont moins voyants que chez Bruno Dumont. La référence du réalisateur,<br />
c’est « Le privé » d’Altman. On ne peut pas dire que la<br />
photo du « Privé » soit belle, mais elle est fantastique. La photographie<br />
de Vilmot Zsigmond dans les films américains des<br />
années 70 est une image à la limite du reportage avec des lampes<br />
explosées dans le champ, c’est une lumière brute. Stéphane<br />
« LE CHEF-OPÉRATEUR<br />
A UNE RESPONSABILITÉ<br />
SOCIOLOGIQUE. »<br />
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voulait des choses « naturelles », ce qui tourne vite à la<br />
gageure dès l’instant où vous choisissez de tourner en studio<br />
des décors de bureaux et de chambres, dès l’instant où certains<br />
décors naturels sont divisés sur quatre, voire cinq endroits différents.<br />
Pour être au plus près des « décors naturels », nous<br />
avons décidé avec le chef-décorateur Philippe Chiffre de rendre<br />
inamovibles les plafonds… sachant que nous tournons en scope<br />
et qu’à moins d’une vraie contre-plongée, il est difficile de les<br />
avoir dans le champ. Cette contrainte m‘intéressait dans la<br />
mesure où je savais qu’elle m’obligerait à travailler différemment<br />
tout en pouvant bénéficier d’une vraie lumière de bureau<br />
avec des plafonniers néon. (Pour être tout à fait honnête, il y a<br />
quand même quelques trappes dans les plafonds pour répondre<br />
aux envies de plans en plongée du réalisateur). Nous avons<br />
aménagé les plafonniers et peint des « nids d’abeille » en noir<br />
et en blanc pour que la lumière « éclate » (ou pas) vers les<br />
murs. Ce sont des plafonniers de quatre néons utilisables séparément,<br />
mais qui n’ont pas été mis sous dimer pour des raisons<br />
d’économie. Quand les gens passent en dessous, ils sont évidemment<br />
surexposés, mais je trouve que cela « fait » bien<br />
supermarché. Sur les comédiens, nous avons quand même un<br />
peu triché en compensant avec des Kinoflos pour leur éviter une<br />
trop vilaine douche de lumière sur le visage. Le plafond du<br />
supermarché comporte près de 360 réglettes. Le pré-light a duré<br />
deux journées entières. (Il s’agit bien entendu de néons équilibrés,<br />
ce qui n’est pas le cas dans les vrais supermarchés).<br />
A. : Quelles pellicules se prêtaient-elles le mieux au<br />
rendu désiré ?<br />
Y.C. : J’ai toujours préféré la <strong>Kodak</strong> Vision 250D 5246 à la <strong>Kodak</strong><br />
Vision 250D 5205 que je trouve trop lisse, sans caractère (sans<br />
doute pour correspondre aux normes de l’étalonnage numérique<br />
si ce n’est que peu de films peuvent se permettre le numérique<br />
sur toute leur longueur). La 5246 n’étant maintenant plus disponible<br />
- c’est une grande première pour moi - j’ai abandonné la<br />
250 Daylight pour le tournage de « Vent mauvais ». Stéphane<br />
voulait créer une rupture esthétique entre la période<br />
« tempête » dans le film et « l’après-tempête » qui devait au<br />
contraire être ensoleillée. Après les essais, je me suis orienté<br />
vers la Vision2 200T 5217 que j’ai filtrée avec un 85. L’image<br />
« neutre fredino » de la première période est un peu moins belle<br />
qu’elle n’aurait été avec la 5246, mais les décors jaunes-roux de<br />
la Hague où nous devions tourner collaient en revanche très bien<br />
avec ses propriétés pour la période ensoleillée. Le rendu de<br />
cette 5217 dans les hautes lumières est vraiment étonnant.<br />
Malgré pas mal d’extérieurs « jour » comportant des ciels assez<br />
surexposés, elle conserve des détails incroyables dans les<br />
blancs. Au niveau de la définition, c’est une pellicule extraordinaire.<br />
J’ai aussi travaillé avec la <strong>Kodak</strong> Vision2 500T 5218 que<br />
j’emploie depuis toujours. Ce que j’aime bien, c’est la durcir ou<br />
l’adoucir avec la lumière, directement à la prise de vues. Hier par<br />
exemple, Stéphane Allagnon a brusquement voulu que son film<br />
bascule dans une lumière « cinéma des années 30 ». Il avait<br />
imaginé des lampes au sol avec de grandes ombres portées au<br />
plafond, mais au final, cela ne lui plaisait pas. Je lui ai demandé<br />
un peu de temps pour construire quelque chose dans le même<br />
esprit en créant délibérément des zones de lumière très sombres<br />
et cela marche très bien. Avec des murs à moins 6 ou moins 7,<br />
on continue de voir quelque chose.<br />
A. : Vous êtes finalement coutumier de ce genre d’expériences…<br />
Y.C. : Pour une publicité destinée à la prochaine coupe du<br />
monde de rugby, j’ai parcouru il n’y a pas très longtemps de<br />
nombreuses villes la nuit autour du monde avec une caméra<br />
Aaton 35 et une série grande ouverture. J’ai ainsi traversé la<br />
Nouvelle-Zélande, le Japon ou l’Australie en filmant chaque<br />
fois, sans aucune lumière d’appoint, les courts moments qui se<br />
situent juste à la limite du coucher de soleil et juste avant l’aube<br />
naissante pour avoir un sentiment de nuit. (Le film est censé se<br />
passer exclusivement de nuit). Les conditions étaient parfois<br />
« limites » et là, j’ai exclusivement utilisé la Vision2 500T 5218<br />
en jouant, suivant les situations, avec les vitesses caméra. Tous<br />
les résultats sont étonnants, notamment la somme de détails<br />
dans les noirs. Si on ajoute à cela la définition et la qualité du<br />
“Vent Mauvais”<br />
photos de tournage<br />
©Gérôme<br />
« ENTRE LA DÉFINITION<br />
ET LA QUALITÉ DU GRAIN,<br />
LA HD A ENCORE<br />
BEAUCOUP DE CHEMIN<br />
À FAIRE… ».
grain, la HD a encore beaucoup de chemin à faire pour parvenir<br />
au même résultat. Pour les extérieurs nuit, mon film de référence<br />
demeure « Barrocco ». Je n’ai pas revu le film depuis<br />
longtemps, mais je garde l’impression d’extérieurs « nuit » qui<br />
jouent avec les lumières ambiantes, avec les couleurs de la nuit,<br />
les néons, les ambiances de réverbère… Même si ce ne sont<br />
pas les vraies images de « Barrocco », ce sont celles-là qui<br />
continuent de me nourrir. Pour moi, il se dégage de ce film une<br />
véritable dimension poétique de la nuit.<br />
A. : Etes-vous un adepte du mélange de pellicules sur un<br />
même film ?<br />
Y.C. : Je ne suis pas très chimiste, je n’aime pas jongler avec<br />
des stocks de pellicules différentes. En tant qu’assistant, je<br />
devenais dingue quand je tombais sur des opérateurs qui travaillaient<br />
de cette manière. Je demande le maximum à l’argentique,<br />
mais j’aime la simplicité. Le bon exemple pour moi, c’est encore<br />
« Flandres ». Après avoir testé beaucoup de pellicules pour<br />
obtenir les « vrais » rendus de l’hiver, du printemps et de l’été<br />
que Bruno voulait, j’ai fini par n’en choisir qu’une seule en laissant<br />
les saisons opérer sur elle. J’aime bien l’idée de laisser les<br />
éléments me diriger, il ne faut pas vouloir dominer la nature.<br />
A. : Quelles ont été les principales difficultés de tournage<br />
de « Flandres » ?<br />
Y.C. : L’un des problèmes principaux a été le manque d’argent et<br />
donc de temps et de gens étant entendu qu’il faut malgré tout<br />
essayer de ne faire aucune concession par rapport aux demandes<br />
de Bruno. La difficulté machinerie, c’étaient les longs travellings<br />
à répétitions tout au long de la journée (avec souvent<br />
des 180°), quel que soit le temps ou le terrain. En lumière, j’ai<br />
pris l’option de ne pas éclairer les extérieurs, sauf à utiliser des<br />
réflecteurs. Et puis, la météo nous a joué des tours avec du très<br />
beau temps en hiver et des pluies démentielles en été.<br />
« Flandres » est un film qui raconte quelque chose d’important.<br />
On en revient à notre responsabilité par rapport à ce que montre<br />
l’image. Comme Bruno travaille avec des comédiens qui n’en<br />
sont pas, on s’est aussi parfois retrouvé sur une ligne difficile.<br />
Excepté le héros, beaucoup de ceux qui jouent les soldats sont<br />
de vrais semi-délinquants dans la vie, donc des gens qui n’ont<br />
absolument rien à faire du cinéma et sont capables de quitter le<br />
plateau du jour au lendemain. Cela s’est d’ailleurs produit une<br />
fois. Leur communiquer notre plaisir de fabriquer ce film a été<br />
laborieux. Globalement, ils trouvaient que nous travaillions trop<br />
et que notre métier était trop dur. Ils préféraient continuer d’aller<br />
boire des coups avec leurs potes en touchant du chômage<br />
chez eux, à Bailleul.<br />
A. : Dans quel format le film a-t-il été tourné ?<br />
Y.C. : Pour des questions de budget et parce que nous cherchions<br />
un traitement particulier pour les séquences de guerre,<br />
une partie de « Flandres » a été tournée en Super 16mm gonflée<br />
numériquement en anamorphique. Du coup, la texture<br />
d’image est devenue intéressante. En Super 16, j’ai employé la<br />
<strong>Kodak</strong> Vision2 200T 7217 qui présentait le meilleur compromis<br />
de grain pour les extérieurs, les nuits et les intérieurs « jour ».<br />
L’Eastman EXR 50D 5245 aurait été trop contraste par rapport<br />
aux situations de lumière.<br />
A. : Le festival de Cannes a finalement été une belle<br />
récompense…<br />
Y.C. : Le film avait été programmé pour être présenté à Cannes et<br />
rien que la sélection représentait déjà une récompense énorme<br />
pour nous. Que le film obtienne ensuite un prix, c’était inespéré.<br />
Aussi incroyable que cela paraisse, cela n’empêche pas Bruno et<br />
3B (la production) d’avoir de plus en plus de mal à financer leurs<br />
films. Quand on travaille avec Bruno, on ne gagne pas bien sa vie,<br />
mais on gagne des prix !<br />
Sur le tournage de “Flandres”<br />
<strong>actions</strong>27><br />
15<br />
© Roger Arpajou
LE SYSTÈME<br />
KODAK VISION2 HD<br />
au service<br />
du téléfilm<br />
Le <strong>Kodak</strong> Vision2 HD<br />
System est destiné à la télévision<br />
en diffusion standard ou<br />
HD. Il se compose d’un processeur<br />
et d’une pellicule « spéciale<br />
scan » - la <strong>Kodak</strong> Vision2 7299 - qui,<br />
au moment du transfert télécinéma<br />
est capable à elle seule d’épouser le<br />
rendu d’image de tous les films négatifs couleurs <strong>Kodak</strong> actuels. Sa<br />
granularité et sa définition sont comparables à la pellicule négative<br />
couleur <strong>Kodak</strong> Vision2 500T 7218 avec une latitude d’exposition très<br />
supérieure.<br />
« C’est une pellicule que j’ai utilisée dans des conditions extrêmes<br />
avec des résultats chaque fois très satisfaisants, témoigne<br />
le directeur de la photographie Jean-Claude Hugon. De par ses gammas,<br />
elle fournit énormément de détails dans les hautes et basses<br />
lumières, y compris sur les fonds surexposés. Et je sais que<br />
les étalonneurs trouvent la saturation des couleurs très belle.<br />
Quant aux rapports de contraste, on n’en parle même pas, c’est<br />
impeccable ».<br />
Disponible en France au format Super 16, la <strong>Kodak</strong> Vision2 7299 se<br />
distingue par ses deux indices de pose possibles, EI 320 et 500. « Je<br />
l’ai expérimentée, continue Jean-Claude Hugon, en suivant des<br />
comédiens depuis l’ombre d’une pinède au Pyla jusqu’à la<br />
plage toute proche avec contre-jour sur l’eau. Au résultat, on<br />
trouve encore du détail dans les rouleaux de la mer. Je l’ai<br />
aussi testée dans la gare de Bordeaux qui ressemble à une<br />
> 16 <strong>actions</strong>27<br />
sorte de grand dôme noir. La SNCF nous avait accordé une<br />
demi-heure de tournage, pas davantage et sans apport de<br />
lumière. En filmant la découverte vers l’extérieur de la gare, en<br />
pleine canicule à deux heures de l’après-midi avec… 45 de<br />
diaph, on voit encore le pont et des voitures passer dessus !<br />
Dans un cas comme celui-là, on est bien content d’avoir ce<br />
type de pellicule. Ne la connaissant pas encore très bien à<br />
l’époque, j’ai doublé la scène avec la <strong>Kodak</strong> Vision2 500T 7218.<br />
Sur les fonds, on discerne moins de détails en 7218. Si on se<br />
trouve dans un intérieur qui comporte de grandes baies vitrées,<br />
on garde des détails sur les fenêtres là où il n’y aurait plus rien<br />
avec une image électronique (à moins de « ramener » les<br />
niveaux avec une tonne de lumière, du matériel électrique volumineux<br />
et une température intérieure ambiante insupportable<br />
l’été). C’est une pellicule qui se comporte vraiment bien, même<br />
en plein soleil. Deux réserves cependant : elle est tellement<br />
sensible qu’il faut utiliser des filtres neutres et le problème,<br />
c’est qu’à ce moment-là, le cadreur ne voit plus grand-chose<br />
dans la caméra. Il voit encore moins lorsqu’il s’agit de la reprise<br />
vidéo d’un steadicam. Et puis elle n’existe pas en 244 mètres,<br />
sauf commande spéciale, ni en 61 mètres pour l’A-Minima. Un<br />
avantage en revanche, c’est qu’étant donné sa grande sensibilité,<br />
on peut travailler avec moins de lumière ».<br />
V
ision2<br />
Diaphragme de chromaticité CIE 1931 (x, y)<br />
HD<br />
System<br />
Courbe sensitométrique<br />
7299 comparée à 7218 (prises à 500)<br />
Peut-on utiliser cette pellicule à 50 et 100 Asa ?<br />
« Elle se comporte là-aussi très bien, continue Jean-Claude<br />
Hugon. A 500 et 320, il n’y a déjà pas beaucoup de grain, à 50 et<br />
100, c’est encore moins ». Cette pellicule existe-t-elle dans le format<br />
35mm ? « Oui, explique Marie-Pierre Moreuil, directrice technique<br />
chez <strong>Kodak</strong>, car elle est utilisée pour les téléfilms américains.<br />
Bien qu’elle ne soit pas prévue pour la filière traditionnelle,<br />
certains longs-métrages se sont déjà tournés en 5299,<br />
notamment un film français à la recherche d’une image un peu<br />
surannée. Il s’agit évidemment là d’un choix artistique ».<br />
Après l’utilisation des films de la gamme Vision2 et grâce aux capacités<br />
technologiques nouvelles, le <strong>Kodak</strong> Vision2 HD System concernera<br />
très bientôt les films inversibles couleurs et les films noir et blanc.<br />
« Très rapidement en effet, il sera possible d’émuler des films<br />
qui n’existent plus ou qui possèdent des caractéristiques extrê-<br />
Ecran de contrôle via http du système <strong>Kodak</strong> Vision2 HD<br />
mement typiques comme la 5297, l’ancienne 5247 ou même les<br />
films des années 80, continue Marie-Pierre Moreuil. C’est un système<br />
qui fait évoluer la manière de travailler des directeurs de<br />
la photographie dans la mesure où ils ont désormais le choix<br />
d’utiliser un film unique et facile à exposer en lumière tungstène<br />
(il peut également être utilisé en extérieurs sans filtre) ».<br />
« Le fait d’utiliser une seule pellicule sur la longueur d’un tournage,<br />
corrobore Jean-Claude Hugon, présente l’avantage d’éviter<br />
aux assistants de jongler sans cesse avec les émulsions. Cela<br />
représente un gain de temps d’autant plus appréciable qu’aujourd’hui,<br />
on nous demande de travailler toujours plus vite. En<br />
cela aussi, la 7299 est une pellicule utile. C’est une autre<br />
manière de travailler, c’est vrai, mais il faut accepter les changements<br />
dans notre profession et se remettre en question. Le<br />
changement est de toute façon beaucoup plus grand lorsque<br />
l’on est en image électronique, ce que je connais très bien.<br />
Pour moi, la 7299 est une pellicule qu’il faut prendre et travailler<br />
(après essais) comme on en a envie à titre personnel<br />
sachant que l’on obtiendra des choses satisfaisantes même là<br />
où on ne peut pas contrôler certaines situations. Cela ne veut<br />
pas dire pour autant qu’il n’y a qu’à « laisser faire ».<br />
Evidemment, non ! A l’étalonnage, c’est une pellicule qui permet<br />
d’obtenir des images excessivement contrastées si on le<br />
désire. Ne serait-ce qu’à travers le processeur ! ».<br />
Un processeur d’images Vision2 HD qui autorise des transferts à<br />
lumière unique consistants, accepte les signaux vidéo standard (SD) et<br />
haute définition (HD). Qui contient 640 tables de conversion (luts 3D)<br />
et est contrôlé par tous les navigateurs Internet.<br />
« A noter que dans le KLMS, même si personne ne l’a encore<br />
utilisée, il existe également une option Vision2 HD pour les<br />
directeurs de la photographie, termine Marie-Pierre Moreuil. A<br />
eux d’en demander la licence s’ils veulent pouvoir directement<br />
fournir aux sociétés de post-production le look d’image qu’ils<br />
souhaitent ! ».<br />
<strong>actions</strong>27><br />
17
18 <strong>actions</strong>27<br />
Photos : ©Eric Vernazobres
«<br />
Carte<br />
blanche<br />
au directeur de la photographie<br />
Initiée par Canal Plus, réalisée par Patrick<br />
Grandperret (« Le maître des éléphants »,<br />
« Les meurtrières ») et photographiée par le<br />
chef-opérateur Pascal Caubère (« Le cœur<br />
des hommes » de Marc Esposito, « Madame<br />
Irma », le nouveau film de Didier Bourdon),<br />
« Sécurité intérieure » est la première série<br />
française à avoir été tournée en 35mm (3 perf).<br />
« C’est évidemment un format qui fournit une<br />
patine et une texture intéressantes, se réjouit<br />
d’emblée le directeur de la photographie, en<br />
même temps qu’il génère un piqué et une profondeur<br />
de champ très spécifiques. Ce qui est<br />
vraiment exceptionnel, c’est qu’une chaîne de<br />
télévision française ait enfin laissé « carte<br />
blanche » à la photographie. Ce droit inhabituel<br />
accordé à une image de « caractère » va<br />
permettre d’identifier plus facilement la<br />
série ».<br />
Dans la veine des productions américaines<br />
« Six feet under » ou « Twenty-four hours »,<br />
« Sécurité intérieure » (une série mi-policière,<br />
« Le droit inhabituel<br />
accordé à une image<br />
de « caractère »<br />
par une chaîne de télévision<br />
va permettre dÕi dentifier<br />
la série… ».<br />
«<br />
»<br />
Pascal Caubere<br />
sur la première série télévisuelle<br />
française tournée en 35mm.<br />
mi-espionnage produite par Jérôme Minet<br />
pour Studio International) raconte par le menu<br />
l’activité d’une cellule d’Etat créée pour<br />
déjouer les attentats et donc assurer la sécurité<br />
du pays. « Même si elles ont valeur de<br />
référence en France, il ne s’agit pas de copier<br />
le filmage de ces séries américaines, précise<br />
néanmoins Pascal Caubère (pris par ses<br />
engagements, il cédera sa place au directeur<br />
de la photographie Philippe Bottiglione sur les<br />
derniers épisodes de la série). En termes<br />
d’énergie, que ce soit dans l’écriture proprement<br />
dite ou dans le jeu des acteurs, on s’en<br />
inspire, mais avec la volonté de faire émerger<br />
une « particularité française ». C’est l’objectif<br />
de l’image que j’ai interprétée au fur et à<br />
mesure du tournage, en tenant compte des<br />
décors, des personnages et de la mise en<br />
scène. Avec la latitude de pose du 35mm plus<br />
un retour télécinéma HDCAM SR, il faut structurer<br />
l’image en contraste et couleurs de<br />
manière à ne pas trop ré-éclairer les faces<br />
tout en marquant davantage les effets<br />
<strong>actions</strong>27><br />
19
20 <strong>actions</strong>27<br />
(contre-jour, fenêtre…). Il faut également<br />
filtrer (soft fx) pour adoucir les<br />
peaux en gros plan et ne pas retomber<br />
dans un effet d’image trop lisse ».<br />
En réalité, deux images sont au rendezvous<br />
de la série : celle qui correspond<br />
aux enquêtes menées pour déjouer les<br />
activités terroristes ou crapuleuses et<br />
celle qui reste liée aux enregistrements<br />
effectués « sur le terrain » par les membres<br />
de la cellule. « La première suit le<br />
travail des policiers et des espions, explique<br />
encore le directeur de la photographie.<br />
Elle est délibérément réaliste, elle<br />
est crue dans les couleurs et marquée<br />
dans les contrastes avec très peu de rattrapage.<br />
La seconde, issue de la haute<br />
technologie mise à la disposition de ces<br />
hommes, est davantage stylisée. On la<br />
découvre sur les écrans de retour vidéo<br />
et les ordinateurs disposés au cœur du<br />
local de la DST (Direction de la Sécurité<br />
du Territoire). C’est une image désaturée<br />
et très contraste, voire monochrome<br />
issue de captations vidéo réalisées avec<br />
de petites caméras de surveillance.<br />
Cette image sera re-filmée en 35mm ».<br />
Devenu chef-opérateur sans véritablement<br />
passer par l’assistanat, Pascal<br />
Caubère a appris sur le terrain à concilier<br />
travail rapide et parti-pris d’image en<br />
s’appuyant principalement sur son expérience<br />
télévisuelle. « Sécurité intérieure<br />
» marque sa troisième collaboration<br />
avec Patrick Grandperret.<br />
Sélectionné au dernier festival de<br />
Cannes, leur long-métrage « Les meurtrières<br />
» s’est vu décerner le prix du<br />
Président du jury « Un certain regard »<br />
par le réalisateur américain Monte<br />
Hellman (« Macadam à deux voies »).<br />
C’est l’adaptation d’un scénario écrit<br />
dans les années soixante-dix par le<br />
cinéaste Maurice Pialat. Le film raconte<br />
l’errance de deux jeunes filles dans un<br />
monde inhospitalier.<br />
« Le cinéma de Patrick Grandperret,<br />
explique Pascal Caubère, a ceci d’intéressant<br />
qu’il fait constamment preuve<br />
d’un point de vue doublé d’une vision<br />
toujours juste sur la séquence à filmer.<br />
Fondamentalement différent de<br />
« Sécurité intérieure », « Les meurtrières<br />
» présente la particularité d’associer<br />
du scope anamorphosé argentique pour<br />
toutes les séquences « jour » avec de la<br />
haute définition (caméra Sony 900 équipée<br />
d’une série digiprime avec un gonflage<br />
35mm au ratio 2:35 chez Mikros)<br />
pour les nuits. En post-production, le<br />
laboratoire Arane-Gulliver a procédé à<br />
un traitement demi-grain fin sur l’internégatif.<br />
Comme l’histoire est violente et<br />
crue, je voulais a contrario une image<br />
plus douce et chaleureuse ».<br />
Tournée d’Avril à Septembre avec une<br />
Arricam Light et une 5-35B (rarement utilisées<br />
en même temps) équipées d’un<br />
zoom Optimo 24x290mm, d’une série fixe<br />
Cooke S4 et du nouveau zoom Zeiss<br />
15x40mm, « Sécurité intérieure » comptera<br />
au final huit épisodes de 48’ chacun.<br />
« L’intérêt de cette série, précise encore<br />
Pascal Caubère, est que je peux prendre<br />
des risques photo énormes avec des<br />
personnages en silhouette complète,<br />
très peu de rattrapage à la face ou<br />
encore des fenêtres ou des lampes qui<br />
« explosent »… Patrick Grandperret a<br />
une mise en scène très synthétique. Il<br />
tourne le plus souvent en plan-séquence<br />
sans re-découper et utilise par conséquent<br />
beaucoup la caméra à l’épaule.<br />
Avec lui, il faut savoir anticiper les déplacements<br />
». D’autant que le réalisateur<br />
est son propre cadreur. « Il n’aime pas<br />
tellement travailler en longue focale et<br />
utilise des objectifs qui vont principalement<br />
du 35 au 50, rarement plus. Comme<br />
il ne prévoit pas de découpage, il faut<br />
faire preuve de beaucoup de souplesse<br />
et d’intuition pour donner de l’espace à<br />
sa mise en scène. La grande joie de ce<br />
métier pour moi est de parvenir à<br />
m’adapter à des univers ou des partispris<br />
de « mise en images » aussi différents<br />
que ceux de Patrick Grandperret,<br />
Didier Bourdon ou Marc Esposito ».<br />
En dehors de la gamme classique des<br />
HMI ou des Jokers, j’utilise assez volontiers<br />
des Light Panel de 5 x 12cm qui sont
« Plus on nous<br />
réclamera<br />
une qualité<br />
d’image définie,<br />
plus le 35mm<br />
continuera<br />
de faire<br />
la différence ».<br />
Pascal Caubère<br />
de petits blocs de lumière composés de diodes<br />
lumineuses avec batteries indépendantes.<br />
Ils me permettent pendant les prises et en suivant<br />
les déplacements de la caméra, d’effectuer<br />
en direct un mélange de températures<br />
sur les visages. J’en prends fréquemment un<br />
dans chaque main, « chaud » d’un côté,<br />
« froid » de l’autre. En m’appuyant grâce à ces<br />
projecteurs sur une lumière assez douce mais<br />
directionnelle, je peux travailler mes contrastes<br />
« à l’œil ». »<br />
Deux pellicules sont utilisées sur la série : la<br />
<strong>Kodak</strong> Vision2 500T 5218 et la <strong>Kodak</strong> Vision2<br />
250D 5205. Pour Pascal Caubère, elles présentent<br />
des avantages complémentaires. « Ce<br />
sont deux pellicules qui se mélangent en effet<br />
très bien, précise-t-il. La 5218 est brillante,<br />
peu granuleuse et contraste. Elle est parfaite<br />
pour ce type de situations. La 5205 pour<br />
les extérieurs ou intérieurs « jour » est plus<br />
douce, mais garde beaucoup de détails dans<br />
les noirs et la surexposition. Elle garde un<br />
beau contraste sans qu’il soit nécessaire de<br />
trop ré-éclairer. Avec le système de diffusion<br />
HD qui se développe, plus on nous réclamera<br />
une qualité d’image définie, plus le 35mm<br />
continuera de faire la différence ».<br />
Depuis début septembre, retour au cinéma<br />
pour Pascal Caubère avec une autre approche<br />
et une autre écriture à l’occasion du tour-<br />
nage du « Cœur des hommes 2 » de Marc<br />
Esposito. Tourné cette fois à deux caméras<br />
(voire trois !!) (une Arri Light, une Arricam<br />
Studio et une Moviecam), le film choisit le<br />
contre-pied en privilégiant une mise en scène<br />
plutôt statique visant à permettre à ses<br />
acteurs une continuité dramatique de jeu.<br />
« Sur ce film, termine le directeur de la photographie,<br />
j’expérimente la toute nouvelle<br />
gamme de Light Panel. C’est une première en<br />
France. Il s’agit cette fois de blocs de leds de<br />
30x30cm lumière du jour avec correcteurs de<br />
gélatines intégrées ».<br />
Article rédigé<br />
par Dominique Maillet<br />
« Carte<br />
blanche»<br />
SÉCURITÉ INTÉRIEURE<br />
Production : Canal+, Studio International.<br />
Réalisateur : Patrick Grandperret<br />
Directeur de la photographie : Pascal Caubère<br />
Camera : Iris camera<br />
Etalonneur numérique : Philippe Matisse (Duboi)<br />
Laboratoire : LTC<br />
Pellicules : <strong>Kodak</strong> Vision2 500T 5218<br />
<strong>Kodak</strong> Vision2 250D 5205<br />
LES MEURTRIÈRES<br />
Production : Les Films du Worso - Studio Canal<br />
Réalisateur : Patrick Grandperret<br />
Directeur de la photographie : Pascal Caubère<br />
Camera : Alga / Technovision<br />
Etalonneur traditionnel : Michel Zambellie<br />
Etalonneur numérique : Gilles Gaillard (Mikros image)<br />
Laboratoire : Arane-Gulliver<br />
Pellicules : <strong>Kodak</strong> Vision2 500T 5218<br />
<strong>Kodak</strong> Vision2 200T 5217<br />
<strong>actions</strong>27><br />
21
80 bougies<br />
pour l’ENS Louis Lumière<br />
et 20 années<br />
pour la Femis<br />
lles sont reconnues<br />
dans le monde entier,<br />
de nombreuses générations<br />
de réalisateurs et<br />
techniciens du cinéma les<br />
ont été fréquentées et elles<br />
sont indissociables du<br />
paysage culturel français.<br />
« Elles », ce sont l’Ecole<br />
Nationale Supérieure<br />
Louis Lumière qui souffle<br />
cette année ses 80 bougies<br />
et la Fondation Européenne<br />
pour les Métiers de<br />
l’Image et du Son (dite la<br />
Femis) qui célèbre de son<br />
côté ses 20 années d’existence.<br />
Deux anniversaires<br />
qu’il nous fallait célébrer.<br />
> 22 <strong>actions</strong>27<br />
ENS Louis Lumière<br />
En matière d’école de cinéma, l’Ecole Technique de<br />
Photographie et de Cinématographie communément<br />
appelée « Vaugirard » (en raison de sa situation géographique<br />
d’origine) est l’établissement pionnier. Dès<br />
1926, les cours sont dispensés au 85 de cette rue dans<br />
un local mis à sa disposition par la Ville<br />
de Paris. L’idée de l’école a germé<br />
deux ans plus tôt dans l’esprit d’un<br />
petit groupe d’industriels à l’initiative<br />
de Paul Montel. Leur objectif : pallier<br />
au « manque de techniciens de valeur<br />
dans les professions touchant à l’industrie<br />
de la photographie ». Dans le premier conseil<br />
d’administration, on trouve les noms de Louis Lumière et<br />
de Léon Gaumont.<br />
En 1937, l’établissement rejoint l’enseignement technique<br />
et devient officiellement l’Ecole des Métiers. Pour<br />
qu’il n’existe pas de concurrence avec l’Institut des<br />
Hautes Etudes Cinématographiques qui vient tout juste<br />
de voir le jour à Paris (1942), une convention délimite<br />
les activités de chaque établissement. L’IDHEC à peine<br />
La FEMIS<br />
Avant la Femis, il y a eu<br />
l’IDHEC. De 1942 (date de<br />
sa création) au 24 Mars<br />
1988 (date de sa dissolution<br />
officielle), l’Institut<br />
des Hautes Etudes<br />
Cinématographiques voit<br />
défiler un nombre impressionnant de personnalités du<br />
cinéma. Les cinéastes Marcel Lherbier et Louis<br />
Daquin en sont successivement les premiers directeurs,<br />
Jean Mitry et Georges Sadoul quelques-uns des<br />
professeurs illustres.<br />
né s’interdit ainsi la formation de « techniciens de<br />
films sonores » .<br />
En 1964, l’Ecole devient le « Lycée Technique d’Etat de<br />
Photographie et de Cinématographie ». Un an plus<br />
tard, « Vaugirard » devient le « Lycée<br />
Louis Lumière ».<br />
Pour des raisons de sécurité, il doit<br />
quitter le lieu historique mais vétuste de<br />
la rue de Vaugirard. Dès 1975, on évoque<br />
alors son transfert à Marne la<br />
Vallée sur la commune de Noisy-le-Grand. Le bâtiment<br />
verra effectivement le jour, mais douze ans plus<br />
tard. Son installation s’opère de Février à Juin 1989.<br />
Le 27 Juin 1991, un décret confère à l’Ecole Louis<br />
Lumière le statut très convoité d’Ecole Nationale<br />
Supérieure.<br />
ENS LOUIS LUMIÈRE<br />
7, allée du Promontoire - 93161 – Noisy le Grand<br />
Tél. : 01 48 15 40 10 - www.ens-louis-lumiere.fr<br />
La Femis – Fondation Européenne pour les Métiers de<br />
l’Image et du Son – est créée en Octobre 1986 par<br />
Jack Gajos. Son premier Président est Jean-Claude<br />
Carrière. Très vite, l’école s’installe dans les anciens<br />
studios Pathé de la rue Francœur sur l’emplacement<br />
de ce qui s’appelait encore le « Grand bazar du bâtiment<br />
» à la fin du dix-neuvième siècle. En 1926, la<br />
société Rapid-films dirigée par Bernard Natan innove<br />
avec un premier laboratoire de traitement de la pellicule<br />
avant de s’attaquer à des plateaux de tournages<br />
de films publicitaires transformés un an plus tard en<br />
plateaux de tournages tout courts. Passés dans le
giron de Pathé avec qui la société Natan fusionne en<br />
1929, les studios Francœur demeurent en activité<br />
jusqu’au milieu des années 90.<br />
Disposant de ce haut-lieu historique, la Femis est<br />
dotée d’une infrastructure enviable : quatre plateaux<br />
de tournage, trente salles de montage, trois auditorium<br />
de mixage, un studio d’enregistrement, trois salles de<br />
projection, un laboratoire photo avec banc-titre, des<br />
caméras films 16mm, Super 16 et 35mm. Tous formats<br />
et supports confondus, la Femis produit chaque<br />
année plus de cent courts-métrages…<br />
Pour rendre hommage au travail accompli depuis vingt<br />
ans en faveur du septième art, la Cinémathèque<br />
Française vient de programmer une rétrospective des<br />
films d’école d’anciens élèves accompagnés de leur<br />
premier long-métrage. On y trouve Sophie Fillières<br />
(« Des filles et des chiens », « Gentille »), Marina de<br />
Van (« Bien sous tous rapports », « Dans ma peau »),<br />
Solveig Anspach (« Par amour », « Haut les cœurs »)<br />
ou encore Emilie Deleuze (« Monsieur Pierre », « Peau<br />
neuve ») et beaucoup d’autres…<br />
LA FEMIS<br />
6, rue Francœur - 75018 Paris<br />
Tél. : 01 53 41 21 00 - www.lafemis.fr<br />
Pourquoi avez-vous choisi de suivre l’enseignement<br />
de La Femis et que représentait pour<br />
vous cette école ?<br />
Pierre Lhomme, AFC : Je pensais que c'était<br />
l'endroit idéal pour prendre connaissance des<br />
outils nécéssaires à un cinéaste et commencer<br />
à les utiliser. J'ai fait trois ans : une mise à<br />
niveau en auditeur libre - car j'avais fait philo<br />
- et les deux ans du cursus de l'époque, 1950-<br />
1953.<br />
Antony Cordier : D’abord, c’était une école,<br />
justement. On n’est pas obligé de faire une<br />
école de cinéma pour faire du cinéma. Il faut<br />
accepter l’idée que le cinéma peut s’apprendre,<br />
s’enseigner, se transmettre. Un lycéen<br />
m’a dit récemment : “J’aimerais faire La Femis<br />
mais je ne supporterais pas qu’un prof essaie<br />
de me dire ce que c’est que le cinéma.” Je lui<br />
ai dit “Oublie la Femis, oublie l’école.”<br />
C’était aussi “l’excellence”. Comme je venais<br />
d’un milieu ouvrier et que j’avais la chance d’être<br />
bon à l’école, donc la possibilité sociale de “m’en<br />
sortir”, je n’avais pas le droit de gâcher cette<br />
chance en prétendant vouloir faire du cinéma. La<br />
Femis garantissait le sérieux de mon projet professionnel:<br />
“OK, je renonce à cette possibilité<br />
d’être “prof” par exemple, mais c’est pour faire<br />
une grande école.”<br />
Que retenez-vous principalement de l’enseignement<br />
que vous y avez reçu ?<br />
P.L. : Le B.A_BA et la confirmation du bon<br />
choix de style de vie que j'avais fait. Dès les<br />
premières vacances scolaires, je me suis<br />
lancé dans le reportage 16mm inversible avec<br />
Yann Le Masson. Le plaisir était grand et n'a<br />
jamais cessé.<br />
A.C. : Ce qu’on nous disait à La Femis, je le<br />
résumerais comme cela : “ça ne sert à rien de<br />
gloser, il faut faire des films. Et pour faire des<br />
Antony Cordier<br />
Ancien élève de la Femis, Antony Cordier<br />
(sur le tournage d’un film d’étudiant rue<br />
Francœur) a signé en 2004 son premier<br />
long-métrage, “Douches froides”.<br />
Pierre lhomme<br />
Ancien élève de “Vaugirard” et président<br />
d’honneur de l’AFC, Pierre Lhomme a travaillé<br />
avec les plus grands : Chris Marker, Joris<br />
Ivens, Alain Cavalier, Jean-Paul Rappeneau,<br />
Jean Eustache... Une carrière exceptionnelle.<br />
films, la théorie ne sert à rien : il y a ce qui<br />
marche et ce qui ne marche pas, c’est tout.”<br />
Pour apprendre le cinéma, c’est simple : il suffit<br />
de faire un petit film vidéo en une demijournée<br />
avec des copains, puis de le regarder.<br />
On compare ce qu’on a voulu faire et ce qu’on<br />
vient de voir. Et là, on voit “ce qui marche et<br />
ce qui ne marche pas”. La Femis réunit des<br />
copains, des pas-copains et des gens qui ont<br />
déjà fait des films.<br />
En quoi le fait de sortir de La Femis a-t-il aidé<br />
votre vie professionnelle ?<br />
P.L. : La rencontre avec des mordus de<br />
cinema. L'apprentissage du travail en équipe<br />
et le début d'amitiés qui perdurent encore<br />
aujourd'hui, cinquante ans plus tard.<br />
Jacques Demy, Philippe de Broca, François<br />
Lauliac, Jean Lavie nous ont quittés, Charles<br />
Bitsch, Jean-César Chiabaut, Yann Le<br />
Masson, Gilbert Duhalde sont bien là et pas<br />
loin ! Et puis j'ai presque toujours “puisé“ mes<br />
assistants et stagiaires au sortir de Vaugirard<br />
ou pendant les vacances scolaires :<br />
J.C Chiabaut , G.Duhalde , J.F. Robin, E.Serra,<br />
J. Renard, M.Cenet, G.Testa Rosa, E.Dumage,<br />
Y. Angelo....<br />
A.C. : La Femis est aussi la possibilité pour<br />
ceux qui n’ont pas de “réseaux” de se rencontrer<br />
et de travailler ensemble. Mon chef-opérateur<br />
actuel (Nicolas GAURIN) a par exemple<br />
éclairé mes premiers courts-métrages, il y a<br />
10 ans, et j’ai monté son film de fin d’études.<br />
C’est une chance inestimable de pouvoir se<br />
rencontrer comme ça et de travailler sur des<br />
“brouillons” de films que nous n’avions pas à<br />
produire ! Maintenant, quand il fait la lumière<br />
d’un de mes films, je n’ai même pas besoin de<br />
regarder dans le viseur, je peux m’occuper<br />
des acteurs tranquillement.<br />
<strong>actions</strong>27><br />
23
SHADOWS CAST.<br />
SHADOWS CAUGHT.<br />
INTRODUCING KODAK VISION2 50D FILM.<br />
THE DAYLIGHT FILM THAT’S NOT<br />
AFRAID OF THE DARK.<br />
KODAK VISION2 50D Color Negative Film is the latest<br />
addition to the breakthrough VISION2 Film family. A superb<br />
daylight film, its vast dynamic range lets you pull more<br />
detail from shadows—even in high-contrast scenes.<br />
And like all VISION2 Films, it sets a higher standard for<br />
flesh-to-neutral reproduction. Tell brilliant stories, even if<br />
they have a dark side. Visit www.kodak.com/vision2 or<br />
call your representative for a screening.<br />
KODAK VISION2 Motion Picture Films. What’s next.<br />
VISION2 50D Color Negative Film 5201/7201<br />
VISION2 100T Color Negative Film 5212/7212<br />
VISION2 200T Color Negative Film 5217/7217<br />
VISION2 250D Color Negative Film 5205/7205<br />
VISION2 Expression 500T Color Negative Film 5229/7229<br />
VISION2 500T Color Negative Film 5218/7218<br />
© Eastman <strong>Kodak</strong> Company, 2005. <strong>Kodak</strong> and Vision are trademarks.