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INTRODUCTION À L'ÉPISTÉMOLOGIE DES SCIENCES ...

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mot, ces conditions matérialisent un rapport de forces dans un énoncé. Mais en retour,<br />

la seule considération de cet énoncé ne délivre pas de manière transparente les<br />

conditions normatives et les rapports de forces qui le soutiennent. C'est pourquoi, dans<br />

la citation précédente, Cavazzini utilise la notion freudienne de refoulement : les nonsdits<br />

ne sont pas le contraire de ce qui est dit, les silences ne sont pas ailleurs que dans<br />

les énoncés enregistrés par le passé et que l'historien entend prendre en charge : ils en<br />

sont au contraire le revers, une dimension intrinsèque – comme si les discours<br />

enregistrés n'étaient qu'une manière de dissimuler, de « déguiser » ou de « déplacer »<br />

(Freud), une impossibilité première à dire (des répressions, des oppressions et des<br />

refoulements, en un mot des rapports de forces qui font parler, qui entrent donc dans la<br />

constitution matérielle même des discours inscrits (« traces »), mais toujours en<br />

excluant d'autres possibilités de discours).<br />

Il s'ensuit cette difficulté fondamentale pour la possibilité même du travail<br />

historien, au regard des limites, qui sont plus profondément des aveuglements ou des<br />

méconnaissances, que lui impose la matière première de son activité d'interprétation et<br />

d'explication :<br />

Il faudrait en effet, pour saisir ce refoulé – enveloppant toujours des potentialités de la vie sociale<br />

effacées par des rapports de force – pouvoir faire dire à la source ce qu’elle ne dit pas, et surtout<br />

ce qu’elle ne peut pas dire. L’invention par l’historien de pratiques de déchiffrage capables<br />

d’arracher aux sources ce qu’elles ne peuvent pas exhiber en pleine lumière dépend d’un rapport<br />

aux instances qui pré-codent toute source historique : nous appelons ces instances,<br />

conformément à l’usage d’auteurs tels que Michel Foucault, Arlette Farge et Jacques Derrida,<br />

l’archive. L’archive n’est pas un dépôt matériel de documents mais un dispositif abstrait, bien<br />

que producteur d’effets matériels – il s’agit d’un agencement de conditions et de règles<br />

permettant la connaissance d’époques révolues. Cet agencement relie les uns aux autres les<br />

éléments suivants : les sources ; les méthodes d’interprétation, déchiffrage et critique ; une<br />

certaine idée de la façon dont une source peut signifier le passé ; et des contenus supposés<br />

appartenir à la période étudiée. 6<br />

2.2. Histoire et rapports de pouvoir : Une historiographie des dominés est-elle<br />

possible ?<br />

On voit qu'on a changé de registre d'analyse, par rapport à nos considérations<br />

précédentes sur Jules Michelet ou sur Marc Bloch. On est passé du registre du caché et<br />

du dévoilé, à celui du refoulement et du symptôme, ou de la répression et de l'échappée.<br />

Dans cette nouvelle perspective, on appellera une « archive », au sens précis, c'est-àdire<br />

technique, du terme forgé par Michel Foucault 7 , un « dispositif d'archivage », qui<br />

est en réalité un dispositif qui intériorise toujours des rapports de forces conditionnant<br />

l'inscription des discours (donc leur lisibilité, leur visilibité, le type d'interprétation dont<br />

ils sont susceptibles de faire l'objet, mais aussi à la limite, leur illisibilité, leur<br />

6 Ibid.<br />

7 Voir M. FOUCAULT, L'Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969 ; et surtout le magnifique essai de<br />

Foucault paru en 1977 sous le titre La Vie des hommes infâmes, et réédité dans les Dits et écrits, Paris,<br />

Gallimard. Cavazzini fait allusion également ici, d'une part, au travail de l'historienne Arlette FARGE (Le<br />

Goût de l'archive, Paris, Seuil, 1989), dont il sera question plus loin, et qui a d'ailleurs collaboré un temps<br />

avec Foucault, d'autre part à Jacques DERRIDA, Mal d'archive. Une impression freudienne, Paris,<br />

Ed.Galilée, 1995. Sur ce dernier texte, on pourra consulter avec profit l'article de Marc AYMES,<br />

« L'archive dans ses oeuvres (Rancière, Derrida) », Labyrinthe, n° 17, 2004, accessible en ligne : URL :<br />

http://labyrinthe.revues.org/index175.html.

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