Séparer ou pas, les enfants de leurs parents - Uniopss

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pas, leurs parents ? ur le thème « séparer ne pas séparer, quel choix, quels risques », es et Xavier Pidoux, vice-président chargé du tribunal pour enfants d’Avignon, s sur cette épineuse question. la famille est donc vue comme un risque nécessaire. Elle est à la fois dangereuse tout en étant incontournable. Xavier Pidoux : Ce dogme a peut-être existé mais il est aujourd’hui fragilisé par de nombreux professionnels du secteur. Il s’agit moins de maintenir l’enfant à tous prix à son domicile que de favoriser la mise en place de solutions alternatives ou d’aider leurs parents à exercer leurs compétences dans les meilleures conditions. Union Sociale : Sur quel fondement repose ce dogme ? Catherine Sellenet : Que l’on prenne les textes à vocation internationale ou la loi nationale, la primauté de la famille est sans cesse rappelée. La Convention des droits de l’enfant met fortement l’accent sur le droit de l’enfant à vivre avec ses deux parents. La séparation, prônée autrefois comme la meilleure solution, est aujourd’hui vue comme un ultime recours. De plus, il ne s’agit plus seulement de séparer pour protéger l’enfant mais de séparer pour réunir au plus vite, comme le rappelle avec force le Centre international pour les droits de l’enfant. La loi du 5 mars 2007 comporte également plusieurs articles qui rappellent que la famille est première. Le maintien, ou le retour rapide sont des priorités imposées aux services de protection de l’enfance. La formule, « c’est au sein de la famille que se trouvent les meilleures conditions © S. Albaric pour le développement optimal de l’enfant », pose comme un a priori le fait que rien ne peut rivaliser avec celle-ci. Xavier Pidoux : Ce dogme repose sur une vision traditionnelle de la famille et également sur une valorisation de la place des parents biologiques de l’enfant. Il se fonde aussi sur des considérations légales désignant les parents comme uniques détenteurs de l’autorité parentale. C’est à partir de ce principe que les placements sont par nature provisoires et qu’un retour au sein de la famille devra un jour ou l’autre avoir lieu. Union Sociale : Quelles sont ses conséquences de celui-ci ? Catherine Sellenet : Les parents, en protection de l’enfance, ont longtemps été les grands oubliés, dépossédés et stigmatisés de leurs droits sans bénéficier d’une aide appropriée. Aujourd’hui un réel effort est fait en ce sens. Mais comme toute nouvelle stratégie, celle-ci peut créer des effets négatifs si on la transforme en dogme, en instrumentalisant l’enfant au nom de l’aide dispensée aux adultes. Tout est question d’évaluation de la situation. Or c’est souvent celle-ci qui reste difficile à mettre en œuvre. Xavier Pidoux : Ce dogme conduit à considérer l’enfant « comme une >>> UNION SOCIALE - Juin-Juillet 2011 - N°248 E 12144 US248-Juin2011.indd 27 21/06/11 10:22 27
28 >>> personne » et donne aux parents l’occasion de reprendre confiance dans leurs capacités. Il faut désormais que chacun puisse trouver sa place : l’enfant en situation d’apprentissage de vie, et le père et la mère, détenteurs de l’autorité parentale en qualité de maîtres d’apprentissage. En travaillant avec la famille dans sa globalité, les droits de l’enfant ne s’opposent plus à ceux des parents, mais ils peuvent cohabiter. Union Sociale : Sur quels critères doivent se baser les professionnels pour procéder à un placement ? Catherine Sellenet : Sur la notion de danger entre autre, mais toute évaluation comporte une part de subjectivité en mettant en œuvre nos propres représentations de la famille, de ses rôles, des façons de les tenir. Les notions de risque de danger et d’information préoccupante restent des notions floues, qui amplifient les risques de dérive du côté de l’arbitraire. D’autre part, toute évaluation devrait être complète en considérant l’enfant dans les différents univers au sein desquels il circule, en prenant en compte les points forts comme les points faibles des familles, les manques comme les ressources, ainsi que celles de l’enfant. Xavier Pidoux : Il n’y a pas de placement idéal. Cette mesure doit tout d’abord tenir compte de l’intérêt de l’enfant en lui permettant d’accéder aux formules les plus adaptées à son parcours. Pour autant, si le placement doit s’adapter à la personnalité de l’enfant, celui-ci doit aussi accepter les règles qui régissent toute vie en collectivité, à l’instar de ce qu’il connaîtra en société. Le premier critère du placement repose sur le constat que la vie entre les parents est devenue impossible sans que cela soit forcément la faute de quiconque. Le deuxième critère essentiel réside dans l’acceptation de l’enfant que d’autres personnes que ses parents sont légitimes à intervenir dans son éducation. UNION SOCIALE - Juin-Juillet 2011 - N°248 Cet objectif est sans doute le plus difficile à atteindre. Union Sociale : Cette décision comporte-t-elle des risques ? Catherine Sellenet : La décision de séparation comporte en effet des risques signalés par les enfants eux-mêmes qui deviennent étrangers à leur propre famille. Le sentiment d’appartenir à une famille se tisse dans les multiples petits gestes du quotidien, dans ce que l’on appelle l’éducation implicite. Or celle-ci est entravée par la séparation. De même, les liens d’attachement sont mis à mal, la distance éloigne. Elle ne permet que rarement de maintenir, modifier, voire encore moins de créer des liens d’attachement. Xavier Pidoux : Le premier danger est que l’enfant ne saisisse pas le sens du placement. Dans ces conditions, le placement tourne à vide et devient inutile. Il faut alors réfléchir à d’autres réponses. En ce sens, toutes les interventions en amont de la rupture qui permettent de redonner du sens à la vie en famille, d’associer les parents autant que les enfants, constituent de vraies pistes de réflexions. Union Sociale : De nombreux professionnels affirment qu’à vouloir laisser trop longtemps les enfants dans leur famille en dépit des difficultés, on crée des mauvaises conditions de placement. Que pensez-vous de cette analyse ? Catherine Sellenet : Dans les années 2000, nous avions mené une étude comparant les trajectoires des enfants en fonction de la date de leur placement qui confirme cette hypothèse. Les enfants trop longtemps exposés présentaient plus de troubles, mais ceci est vrai parce que les interventions au sein de la famille avaient été insuffisantes. On peut penser que le maintien à domicile, hormis les situations de danger avéré comme la maltraitance, change quelque peu la donne et que la vigilance apportée évite ce type de conséquences. Xavier Pidoux : Le problème du placement tardif est qu’il ne prend pas sens. Les enfants le vivent comme une sanction et les parents comme une négation de leurs capacités. Cette situation génère beaucoup de culpabilité dans la famille et d’agressivité à l’encontre des professionnels. Dans ces conditions, ces derniers gèrent beaucoup de violence au détriment d’un véritable accompagnement éducatif. Union Sociale : A quelles conditions le placement peut-il véritablement jouer un rôle positif tant pour le jeune que la famille ? Catherine Sellenet : Difficile de répondre à cette question mais sans doute lorsque le placement n’exacerbe pas les rivalités entre parents et famille d’accueil, d’où l’intérêt de la formation proposée aux assistantes familiales pour qu’elles puissent décoder ces mécanismes, se situer dans un rôle de suppléance et non de substitution, et donc en ne relayant les parents que dans les domaines où ils sont en difficulté : un subtile rôle d’équilibriste pour ces familles. Xavier Pidoux : Le placement n’est pas une solution miracle mais il ne doit pas non plus constituer une menace. Il faut l’envisager comme un moyen de lutter contre une grande souffrance et se donner le temps de réfléchir à ses conséquences pour l’avenir. Le placement est avant tout le constat d’une impossibilité temporaire de vivre ensemble. Il ne faut surtout pas l’envisager comme un échec. Chacun doit travailler sur cette impossibilité que ce soit le juge, les enfants et les parents, pour arriver un jour à la dépasser. n Propos recueillis par Antoine Janbon E 12144 US248-Juin2011.indd 28 21/06/11 10:22
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