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20 ans <strong>de</strong> cinéma au <strong>Jeu</strong> <strong>de</strong> <strong>Paume</strong> :<br />
un inventaire contemporain<br />
En 1991, l’ouverture du <strong>Jeu</strong> <strong>de</strong> <strong>Paume</strong>,<br />
alors Galerie nationale consacrée à<br />
l’art contemporain, engendre l’invention<br />
impromptue d’une salle <strong>de</strong> projection et d’une<br />
programmation <strong>de</strong> cinéma dont le ton et la<br />
direction vont être vite donnés malgré – ou<br />
grâce à – un mélange <strong>de</strong>s genres, <strong>de</strong>s points<br />
<strong>de</strong> vue et <strong>de</strong>s disciplines.<br />
Une conversation avec l’artiste canadien<br />
Stan Douglas, premier vidéaste exposé<br />
au <strong>Jeu</strong> <strong>de</strong> <strong>Paume</strong>, suggère l’idée <strong>de</strong> la<br />
programmation d’ouverture : les pièces <strong>de</strong><br />
Samuel Beckett réalisées pour la télévision<br />
alleman<strong>de</strong> et inédites en France.<br />
C’est ensuite avec Arthur Pelechian et Jonas<br />
Mekas que naît l’habitu<strong>de</strong> d’inviter les cinéastes<br />
à venir présenter leurs films ou d’ouvrir leur<br />
rétrospective – souvent la première en France ou<br />
à Paris –, comme celles d’Atom Egoyan, Patrick<br />
Bokanowski, Edgardo Cozarinsky, Lionel Rogosin,<br />
Jean-Clau<strong>de</strong> Biette, André S. Labarthe, Yervant<br />
Gianikian et Angela Ricci Lucchi, Harun Farocki,<br />
Jean Rouch – qui pendant près <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mois<br />
vient commenter ses films tous les soirs –, Pierre<br />
Perrault, Otar Iosseliani, Yoko Ono, Anne-Marie<br />
Miéville, Alain Fleischer, le chorégraphe Angelin<br />
Preljocaj, Philippe Collin, Johan Van <strong>de</strong>r Keuken –<br />
sujet central du Mois <strong>de</strong> la Photo <strong>de</strong> 1998 –,<br />
Jean‐André Fieschi, Pierre Léon et Vladimir<br />
Léon, Daniel Schmid, Naomi Kawase – après sa<br />
Caméra d’or au Festival <strong>de</strong> Cannes –, Nurith Aviv,<br />
Marc Recha, Robert Cahen, Vittorio <strong>de</strong> Seta….<br />
Avec <strong>de</strong>s cinéastes encore peu montrés ou <strong>de</strong>s<br />
rétrospectives jusqu’alors jamais envisagées, se<br />
crée la particularité d’une programmation <strong>de</strong><br />
familles <strong>de</strong> cinéastes dont les œuvres relèvent<br />
<strong>de</strong> formats différents comme le documentaire,<br />
la fiction et surtout le genre, peu repéré, <strong>de</strong>s<br />
« essais cinématographiques », dont ceux <strong>de</strong><br />
Jean-Luc Godard, qui firent l’objet, en 1997,<br />
d’une séance mémorable par sa présence<br />
imprévue, un soir <strong>de</strong> neige.<br />
La collaboration avec le Festival d’automne,<br />
à partir <strong>de</strong> 1995, donne l’occasion <strong>de</strong> faire<br />
découvrir à Paris les œuvres complètes d’artistes<br />
comme Rebecca Horn et <strong>de</strong> cinéastes comme<br />
Carmelo Bene – qui, parallèlement, met en<br />
scène Macbeth au théâtre <strong>de</strong> l’Odéon –, Shinji<br />
Aoyama, James Benning ou Alexandre Sokourov.<br />
La réflexion critique s’est aussi invitée au<br />
<strong>Jeu</strong> <strong>de</strong> <strong>Paume</strong> avec le lancement <strong>de</strong> la revue<br />
Trafic par Serge Daney, suivi <strong>de</strong>s projections <strong>de</strong><br />
films rares ou films cultes (Adolfo Arrieta, James<br />
Agee, Monte Hellman, João César Monteiro,<br />
Sergueï Paradjanov…), commentées par Paul<br />
Otchakovsky-Laurens, son éditeur, et Raymond<br />
Bellour, Jean-Clau<strong>de</strong> Biette, Sylvie Pierre et<br />
Patrice Rollet, ses rédacteurs. Ces ren<strong>de</strong>z-vous se<br />
renouvellent par la suite avec la revue Cinéma,<br />
Léo Scheer, son éditeur, et ses rédacteurs, et plus<br />
tard avec la revue Vertigo et Cyril Neyrat autour<br />
d’Albert Serra, Todd Haynes, Bob Dylan.<br />
Dès 2002, les « Inventaires contemporains »<br />
cherchent à mettre en évi<strong>de</strong>nce les liens entre les<br />
arts plastiques et le cinéma décliné sous toutes<br />
ses formes par <strong>de</strong> jeunes artistes, vidéastes,<br />
cinéastes… C’est ainsi qu’on découvre les films<br />
et les vidéos <strong>de</strong> Pierre Alféri, Alice An<strong>de</strong>rson,<br />
Erik Bullot, Hélène Delprat, Arnaud <strong>de</strong>s<br />
Pallières, Vincent Dieutre, Camille Henrot, Isil<strong>de</strong><br />
<strong>Le</strong> Besco, Henri Foucault, Mounir Fatmi, Keja<br />
Kramer, <strong>Le</strong>ch Majewski, Ariane Michel, Valérie<br />
Mrejen, <strong>Le</strong>ighton Pierce, Rafi Pitts, Anri Sala,<br />
Karim Zeriahen… Liens avec les arts plastiques<br />
également établis avec les films <strong>de</strong> leurs illustres<br />
aînés, Marcel Broodthaers, Martial Raysse, Erró,<br />
Robert Frank ou William Kentridge, projetés en<br />
complément <strong>de</strong> leurs expositions.<br />
Par ailleurs, les correspondances entre<br />
la programmation du cinéma et les installations<br />
<strong>de</strong> cinéastes a commencé dès l’ouverture du<br />
<strong>Jeu</strong> <strong>de</strong> <strong>Paume</strong> avec L’Expulsion <strong>de</strong>s Maures,<br />
l’installation <strong>de</strong> Raoul Ruiz, qui occupait tous les<br />
espaces du sous-sol, puis avec D’Est <strong>de</strong> Chantal<br />
Akerman, présentée au premier étage pendant<br />
la rétrospective <strong>de</strong> ses films.<br />
Après 20 ans, se <strong>de</strong>ssinent les lignes <strong>de</strong><br />
force et les points <strong>de</strong> convergence <strong>de</strong> ce qui<br />
n’apparaissait au départ comme intuitions, goûts<br />
et opportunités : mettre en valeur <strong>de</strong>s familles <strong>de</strong><br />
cinéastes, méconnus en France et parfois même<br />
dans leur pays d’origine, à travers leurs présences<br />
et leurs œuvres, croiser ces rétrospectives avec<br />
d’autres disciplines artistiques, donner la parole à<br />
<strong>de</strong>s critiques, <strong>de</strong>s écrivains, <strong>de</strong>s historiens <strong>de</strong> l’art,<br />
<strong>de</strong>s philosophes – ainsi Jean Narboni, Jacques<br />
Aumont, Jean Louis Schefer, Hubert Damisch,<br />
Georges Didi‐Huberman, Peter Szendy… et<br />
bien d’autres sont <strong>de</strong>venus <strong>de</strong>s familiers du<br />
<strong>Jeu</strong> <strong>de</strong> <strong>Paume</strong>.