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Untitled - The Canadian Association of Gastroenterology

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6<br />

L’intestin grêle<br />

H.J. Freeman et A.B.R. Thomson<br />

1. ANATOMIE MACROSCOPIQUE ET HISTOLOGIE DE<br />

L’INTESTIN GRÊLE<br />

L’intestin grêle est une structure tubulaire spécialisée de l’abdomen dont la<br />

longueur chez l’adulte est voisine de 6 mètres. Cette longueur peut varier<br />

de 4 à 7 mètres selon la méthode de mesure. La portion proximale ou<br />

duodénum, (terme latin dérivé du grec dodekadaktulon signifiant littéralement<br />

« largeur de 12 doigts ») comprend quatre portions : le bulbe duodénal;<br />

le segment descendant; le segment transverse et le segment ascendant.<br />

La plus grande partie du duodénum est rétropéritonéale, disposée autour de<br />

la tête du pancréas. Il en résulte que le duodénum peut être parfois comprimé<br />

par des masses inflammatoires ou néoplasiques dans le pancréas. Du<br />

ligament de Treitz, la partie plus distale de l’intestin grêle, ou jéjuno-iléon,<br />

est suspendue sur un mésentère traversant du cadran supérieur gauche au<br />

cadran inférieur droit. Ensuite, l’intestin grêle débouche dans le gros<br />

intestin à la hauteur de ce qu’on appelle la « valve » iléo-cæcale. Il ne s’agit<br />

pas d’une véritable valve, mais plutôt d’un sphincter physiologique ayant<br />

pour fonction de s’opposer au reflux du contenu luminal dans l’intestin<br />

grêle. Les parties proximale et distale du jéjuno-iléon, arbitrairement<br />

dénommées jéjunum et iléon, respectivement, ne sont pas délimitées avec<br />

précision. Le jéjunum proximal présente des replis, ou valvules conniventes,<br />

plus nombreux et plus épais que ceux de l’iléon distal. La lumière<br />

plus étroite de l’iléon est plus susceptible d’occlusion. On peut visualiser<br />

des follicules lymphoïdes ou plaques de Peyer, le long de l’intestin grêle,<br />

surtout dans l’iléon distal.


200 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

L’alimentation sanguine de l’intestin grêle provient surtout de l’artère<br />

mésentérique supérieure, bien que le duodénum proximal reçoive une partie<br />

des apports artériels du tronc cœliaque et de ses branches. Les veines suivent<br />

généralement les artères, la veine mésentérique supérieure se déversant dans<br />

la veine porte. Le drainage lymphatique suit également ces structures vasculaires,<br />

se déversant dans les noeuds lymphatiques et, finalement, la citerne du<br />

chyle, le canal thoracique et la veine sous-clavière gauche. L’innervation<br />

extrinsèque provient du nerf vagal assurant l’innervation parasympathique,<br />

tandis que des fibres sympathiques thoraciques supérieures innervent également<br />

l’intestin grêle. Des neurones intestinaux se détachent de l’intestin pour<br />

innerver les ganglions sympathiques prévertébraux.<br />

La paroi intestinale est composée de quatre couches, la séreuse, la musculeuse,<br />

la sous-muqueuse et la muqueuse. La séreuse est une couche de cellules<br />

mésothéliales provenant du péritoine, tandis que la musculeuse est composée de<br />

deux couches de fibres musculaires longitudinales (externes) et circulaires<br />

(internes) séparées par des cellules ganglionnaires du plexus myentérique (plexus<br />

d’Auerbach). La sous-muqueuse est une trame conjonctive contenant de<br />

nombreux types cellulaires. On y trouve en particulier des lymphocytes, des<br />

plasmocytes, des mastocytes, des éosinophiles, des macrophages et des<br />

fibroblastes. On y trouve aussi de nombreuses cellules ganglionnaires et des<br />

fibres nerveuses (plexus de Meissner), ainsi que des structures vasculaires et<br />

lymphatiques. La muqueuse comprend une couche de cellules épithéliales<br />

hétérogènes et la lamina propria, avec des types de cellules et structures<br />

hétérogènes similaires à la sous muqueuse. La muqueuse est séparée de la<br />

sous muqueuse par une couche de cellules musculaires, la musculaire<br />

muqueuse. La couche épithéliale peut-être divisée en régions à villosités et à<br />

cryptes (glandes). Les villosités sont des saillies digitiformes dans la lumière<br />

de l’intestin grêle. Elles sont plus longues dans le jéjunum que dans l’iléon.<br />

Elles sont recouvertes de cellules épithéliales hautement spécialisées pour la<br />

digestion et l’absorption et comportent des cellules caliciformes et des lymphocytes<br />

intraépithéliaux. Des cellules provenant de plusieurs glandes adjacentes<br />

migrent vers chaque villosité, se différenciant en chemin, pour être finalement<br />

expulsées par les villosités; ce processus dure de quatre à six jours. L’épithélium<br />

des cryptes est composé de cellules souches, de cellules épithéliales moins<br />

différenciées, de cellules de Paneth et de cellules entéroendocrines.<br />

Les villosités comportent aussi un réseau vasculaire et lymphatique complexe<br />

interne, intervenant dans la signalisation et l’échange de nutriments avec la<br />

couche de cellules épithéliales. Le système nerveux entérique est encore<br />

plus complexe, formant non seulement un plexus myentérique et un plexus<br />

sousmuqueux, mais contenant en outre des neurones sensitifs intrinsèques,<br />

des interneurones, pour les activités réflexe, et des neurones moteurs qui


modulent l’action des muscles lisses entériques, des glandes et des vaisseaux<br />

sanguins. Un groupe distinct de cellules spécialisées, les cellules interstitielles<br />

de Cajal (CIC), est responsable de la stimulation des muscles lisses entériques.<br />

Des ondes lentes se couplent électriquement aux cellules musculaires lisses et<br />

déclenchent l’activité de propulsion de l’intestin grêle qui entraîne les matières<br />

de la lumière intestinale de l’intestin proximal vers l’intestin distal.<br />

L’épithélium intestinal comporte de nombreux types de cellules. On trouve<br />

à la base des cryptes des cellules souches, cellules pluripotentes qui ne<br />

migrent pas. Les cellules indifférenciées sont les plus communes des cellules<br />

des cryptes à pouvoir proliférer rapidement, mais leur structure est peu<br />

développée, et comprennent des organites et des microvillosités intracellulaires.<br />

Les cellules de Paneth, caractérisées par des granules éosinophiliques,<br />

demeurent à la base des cryptes et contiennent des facteurs de croissance, des<br />

enzymes digestives et des peptides antimicrobiens. Les cellules épithéliales<br />

caliciformes contiennent des mucines visibles qui peuvent être déversées dans<br />

la lumière intestinale et qui interviennent dans la défense immunitaire. Les<br />

cellules entéroendocrines contiennent des granules sécrétrices situées dans la<br />

base de la cellule qui peuvent influer sur le fonctionnement de l’épithélium<br />

par l’intermédiaire des récepteurs de la membrane baso-latérale des entérocytes.<br />

Les entérocytes sont des cellules épithéliales polarisées comportant<br />

deux domaines membranaires différenciés, la membrane apicale et la membrane<br />

baso-latérale, reliés par un complexe jonctionnel. La membrane apicale,<br />

ou membrane des microvillosités, borde la lumière intestinale. Elle contient<br />

un ensemble d’enzymes digestives, de transporteurs membranaires et de<br />

canaux ioniques qui diffère de celui de la membrane baso-latérale. Cette distribution<br />

polarisée des protéines membranaires permet un transport vectoriel<br />

qui varie suivant les régions de l’intestin grêle. La membrane baso-latérale<br />

comporte en outre des récepteurs de facteurs de croissance, d’hormones et de<br />

neurotransmetteurs. D’autres cellules spécialisées interviennent dans la<br />

fonction du système immunitaire intestinal, en particulier les cellules M et les<br />

lymphocytes intraépithéliaux (LIE). Les cellules M sont des cellules<br />

épithéliales surmontant des follicules lymphoïdes, qui fixent, traitent et présentent<br />

les pathogènes directement aux lymphocytes, aux macrophages ou à<br />

d’autres composants du système immunitaire. Les LIE sont des lymphocytes T<br />

mémoire spécialisés qui sortent de la circulation périphérique pour s’intercaler<br />

entre les membranes baso-latérales de cellules épithéliales.<br />

2. MOTILITÉ DE L’INTESTIN GRÊLE<br />

L’intestin grêle 201<br />

Les principales fonctions de l’intestin grêle sont la digestion et l’absorption<br />

des nutriments. Au cours de ces processus, la motilité de l’intestin grêle assure


202 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

le mélange des aliments et des enzymes digestives, favorise le contact du<br />

chyme avec les cellules absorbantes sur une longueur suffisante de l’intestin<br />

et, finalement, permet la propulsion des résidus dans le côlon. Pour bien remplir<br />

son rôle, la motilité se poursuit d’une manière constante et organisée aussi<br />

bien à l’état de jeûne qu’à l’état postprandial. À l’état de jeûne, on observe des<br />

complexes migrants moteurs (CMM). Ces complexes se caractérisent par un<br />

front d’activité intense (activité de la phase III), constitué de potentiels de<br />

pointe, qui se propage dans tout l’intestin grêle. Lorsque le front atteint l’iléon<br />

terminal, un autre front se forme dans la région gastroduodénale et descend<br />

dans l’intestin. L’activité myoélectrique et contractile de la phase III consiste<br />

à acheminer les résidus du repas précédent dans le côlon et à empêcher la<br />

stagnation et la prolifération bactérienne. Les CMM commencent souvent à<br />

agir dans la partie inférieure de l’œsophage. En traversant l’estomac, ils délogent<br />

les débris et les résidus du repas précédent. L’absence de cette activité est<br />

associée avec la pullulation bactérienne et avec la diarrhée. L’intestin grêle<br />

reste donc en activité même à l’état de jeûne.<br />

Au cours des repas, ce cycle s’interrompt et la motilité de l’intestin grêle<br />

devient une activité postprandiale caractérisée par des potentiels de pointe<br />

irréguliers. La motilité associée avec l’activité postprandiale ne semble pas<br />

faire avancer de beaucoup le contenu intestinal, mais le mélange plutôt avec<br />

les sucs digestifs en le mettant sans arrêt en contact avec la surface absorbante<br />

de la bordure en brosse. Une diarrhée peut donc se manifester si cette activité<br />

normale est remplacée par de fortes contractions propulsives.<br />

3. PRINCIPES DE L’ABSORPTION<br />

La compréhension de la physiopathologie de la diarrhée et de la malabsorption<br />

repose sur la connaissance des étapes normales de la digestion et de<br />

l’absorption des aliments. L’appareil digestif consiste normalement en un système<br />

finement intégré de haute précision dont la fonction est d’assimiler les<br />

aliments ingérés. L’assimilation (processus par lequel les aliments ingérés<br />

atteignent les liquides et les cellules de l’organisme) se déroule en deux étapes :<br />

1) la digestion (fragmentation des grosses molécules en molécules plus petites<br />

dans la lumière intestinale) et 2) l’absorption (transport des nutriments à<br />

travers la muqueuse intestinale vers les liquides de l’organisme).<br />

Bon nombre de processus pathologiques modifient directement ou<br />

indirectement la physiologie gastro-intestinale et altèrent les mécanismes<br />

normaux de l’absorption, ce qui entraîne la maldigestion ou la malabsorption<br />

d’un ou de plusieurs composés alimentaires. Une approche trop simpliste de<br />

ces maladies peut être très déroutante, étant donné le grand nombre de<br />

maladies pouvant être en cause et la pléthore d’épreuves diagnostiques. Nous


L’intestin grêle 203<br />

FIGURE 1. Schéma proposé de la digestion et de l’absorption des polyptéroylglutamates. L’hydrolyse<br />

des polyptéroylglutamates (Pté-Glu 7 ) se produit probablement à l’extérieur de la cellule<br />

épithéliale de l’intestin. La vitesse d’absorption globale dans la circulation mésentérique est en<br />

corrélation avec le transport de l’acide ptéroylglutamique (Pté-Glu 1 ). À des doses physiologiques,<br />

une quantité substantielle de Pté-Glu 1 est réduite, puis méthylée en CH 3 H 4 Pté-Glu 1 dans la<br />

cellule intestinale avant d’être libérée dans la circulation.<br />

SOURCE : Rosenberg, I.H. « Folate absorption and malabsorption » dans N Engl J Med, 1975;<br />

293:1303.<br />

allons donc 1) présenter une classification des syndromes de malabsorption et<br />

2) indiquer l’utilité des analyses et examens couramment utilisés pour évaluer<br />

la fonction intestinale en mentionnant les pièges les plus probables.<br />

4. ABSORPTION DES VITAMINES ET DES MINÉRAUX<br />

4.1 Acide folique (acide ptéroylglutamique, Pté-Glu 1 )<br />

4.1.1 SOURCES ALIMENTAIRES<br />

Les folates alimentaires, ou sels d’acide folique, sont synthétisés par les bactéries<br />

et les plantes. Ils sont pour la plupart des polyglutamates qui ne peuvent<br />

être absorbés sous leur forme intacte. Tous les folates, ou polyptéroylglutamates<br />

(Pté-Glu n ), sont hydrolysés en acide folique, ou en acide ptéroylglutamique<br />

(Pté-Glu 1 ,) au cours de l’absorption. L’acide ptéroylglutamique (Pté-Glu 1 ) est<br />

absorbé plus rapidement que les polymères de plus grande taille (Pté-Glu n ). La<br />

proportion de folates alimentaires disponibles sur le plan nutritif n’est que de<br />

25 % à 50 %, et faire bouillir les aliments détruit l’essentiel de leur activité. Par


204 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

conséquent, les aliments crus qui renferment une proportion importante de<br />

l’acide sous la forme de monoglutamate (Pté-Glu 1 ), comme les bananes, les<br />

haricots de Lima, le foie et la levure, sont la principale source de folates alimentaires.<br />

Au Canada, on consomme en moyenne environ 240 µg de folates<br />

alimentaires par jour. L’apport minimal quotidien est d’environ 100 µg, bien<br />

que l’apport quotidien recommandé soit de 400 µg. Les réserves tissulaires en<br />

folates n’étant que de 3 mg, un syndrome de malabsorption peut les épuiser<br />

en un mois seulement.<br />

4.1.2 HYDROLYSE ET ABSORPTION DES FOLATES POLYGLUTAMATES<br />

Les folates sous forme de polyglutamates (Pté-Glu n ) sont hydrolysés<br />

progressivement sous la forme de monoglutamates (Pté-Glu 1 ). L’hydrolyse a<br />

lieu à la bordure en brosse par l’intermédiaire de l’enzyme folate-conjugase<br />

(figure 1). L’acide folique (Pté-Glu 1 ) présent dans la lumière intestinale est<br />

absorbé grâce à un transporteur sodium-dépendant. Une fois dans la cellule<br />

épithéliale de l’intestin, l’acide folique est méthylé et réduit sous la forme<br />

tétrahydro (CH 3 H 4 Pté-Glu 1 ).<br />

L’absorption de l’acide folique au niveau de la bordure en brosse, là où se<br />

trouve le transporteur, est perturbée par des médicaments tels que la phénytoïne<br />

et la sulfasalazine. En outre, une carence en acide folique peut elle-même nuire<br />

à l’absorption de l’acide folique en produisant des altérations mégaloblastiques<br />

dans les cellules épithéliales à plateau strié de l’intestin, un épithélium anormal.<br />

L’éthanol peut inhiber l’hydrolyse, mais non l’absorption, ce qui pourrait<br />

contribuer à la carence en folates chez les personnes alcooliques.<br />

4.2 Cobalamine (vitamine B 12 )<br />

4.2.1 SOURCES ALIMENTAIRES<br />

La cobalamine désigne les composés renfermant du cobalt et un noyau corrinique<br />

qui exercent une activité biologique chez l’humain, tandis que la vitamine<br />

B 12 est un terme plus général qui englobe tous les composés de ce type<br />

qui ont une activité biologique chez n’importe quelle espèce. La cobalamine<br />

est par conséquent le meilleur terme pour distinguer les composés actifs chez<br />

l’être humain des nombreuses formes analogues produites par les bactéries.<br />

La cobalamine pénètre dans les tissus des animaux à la suite de l’ingestion<br />

d’aliments qui renferment des bactéries ou à la suite de sa production dans<br />

le tube digestif des animaux. Chez l’humain, les micro-organismes présents<br />

dans la lumière du côlon synthétisent la cobalamine, mais cette dernière<br />

n’est pas absorbée. Par conséquent, les végétariens stricts qui ne mangent<br />

aucun aliment renfermant de la cobalamine auront une carence en coba-


L’intestin grêle 205<br />

FIGURE 2. La protéolyse et le facteur intrinsèque (FI) sont essentiels à l’absorption de la cobalamine<br />

(Cbl). Le facteur intrinsèque est sécrété en excès, par comparaison avec la quantité qui est<br />

nécessaire à la liaison avec la cobalamine disponible. La protéine R d’origine salivaire est aussi<br />

présente en grande abondance. Notons que la cobalamine (Cbl) se lie d’abord à la protéine R dans<br />

l’estomac, à un pH acide. Ce n’est que lorsque la protéine R a été dégradée par la protéase que la<br />

Cbl peut se lier au FI. Après son absorption dans l’iléon, la Cbl se lie à la transcobalamine II.<br />

SOURCE : Kalser, M.H. « Absorption <strong>of</strong> cobalamin (vitamin B 12 ), folate and other water-soluble<br />

vitamins » dans Berk, J.E. (réd.), Bockus gastroenterology, vol. 3, 4 e éd., Philadelphie, W.B.<br />

Saunders, 1985; 1556.


206 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 1.<br />

Anomalies liées à la malabsorption et la carence en cobalamine<br />

Étape physiologique<br />

Diminution de la sécrétion du FI<br />

Perturbation du transfert au FI (pH acide)<br />

Compétition pour la captation<br />

Diminution de la fixation aux récepteurs<br />

de l’iléon<br />

Diminution du passage à travers la paroi<br />

de la cellule iléale<br />

Diminution de la captation dans le sang<br />

Troubles<br />

Anémie pernicieuse, gastrectomie, achlorhydrie<br />

Insuffisance pancréatique<br />

Prolifération bactérienne<br />

Maladie ou résection iléales<br />

Malabsorption familiale de la cobalamine<br />

Carence en transcobalamine II<br />

lamine. L’apport quotidien moyen d’un Occidental se situe entre 10 et 20 µg<br />

de cobalamine, les besoins de l’organisme étant de 1 µg. Le foie emmagasine<br />

environ 5 mg de cobalamine. Ces réserves hépatiques importantes expliquent<br />

que le déficit en cobalamine puisse prendre plusieurs années à se manifester<br />

cliniquement après le début de la malabsorption de la cobalamine.<br />

4.2.2 RÔLE DE L’ESTOMAC, DU PANCRÉAS ET DE L’ILÉON<br />

Une fois la cobalamine libérée des aliments, elle se fixe à un pH acide sur les<br />

protéines R, la lettre R faisant ici référence à la rapidité de leur mobilisation<br />

pendant l’électrophorèse. Les protéines R sont des glycoprotéines présentes<br />

dans de nombreuses sécrétions comme le sérum, la bile, la salive et les sucs<br />

gastrique et pancréatique. La plupart des protéines R présentes dans l’estomac<br />

proviennent de la salive; elles ne peuvent assurer à elles seules l’absorption de<br />

la cobalamine et leur fonction physiologique n’est pas parfaitement comprise.<br />

On a déjà observé exceptionnellement des carences totales en protéines R sans<br />

effets cliniques apparents chez le patient.<br />

Le complexe cobalamine-protéine R quitte l’estomac avec le facteur intrinsèque<br />

(FI) libre (figure 2). Dans le duodénum, les protéases pancréatiques en<br />

présence de bicarbonate (c.-à-d. à pH neutre) hydrolysent la protéine R et<br />

libèrent la cobalamine. La cobalamine se combine ensuite au facteur intrinsèque<br />

de l’estomac, et ce changement de conformation permet au complexe<br />

cobalamine-facteur intrinsèque ainsi formé de résister à la digestion protéolytique.<br />

Le complexe peut alors franchir en toute sécurité l’intestin grêle et<br />

atteindre l’iléon où il est absorbé de façon active.<br />

Comme le transfert de la cobalamine de la protéine R au facteur intrinsèque<br />

dépend du pH, une insuffisance pancréatique (production insuffisante de bicarbonate)<br />

ou le syndrome de Zollinger-Ellison (production excessive d’ions<br />

hydrogène) peuvent altérer ce processus et entraîner une carence en cobalamine.<br />

Dans l’iléon, le complexe cobalamine-facteur intrinsèque se lie à un récepteur


spécifique situé sur la bordure en brosse, mais la cobalamine libre ne se lie pas à<br />

ce récepteur. Dans l’entérocyte, la cobalamine est libérée du facteur intrinsèque.<br />

Après son passage dans les entérocytes, la cobalamine est transportée dans le<br />

sang liée aux protéines circulantes connues sous le nom de transcobalamines.<br />

La compréhension des processus normaux d’absorption nous permet<br />

d’élaborer une classification sur la malabsorption et la carence en cobalamine<br />

(tableau 1).<br />

4.3 Fer<br />

L’intestin grêle 207<br />

4.3.1 SOURCES ALIMENTAIRES<br />

Le fer absorbé par l’organisme provient des légumes (fer non-hème) et des<br />

viandes (fer hème). Le fer hème est mieux absorbé (10 % à 20 %) que le fer<br />

non-hème (1 % à 6 %). L’absorption du fer hème n’est pas modifiée par les<br />

facteurs intraluminaux ni par la composition du régime alimentaire, tandis que<br />

le fer non-hème dépend dans une large mesure des facteurs intraluminaux.<br />

L’apport quotidien en fer varie de 10 à 20 mg. Les hommes absorbent 1 ou<br />

2 mg de fer par jour, tandis que les femmes pendant leurs menstruations ou<br />

les personnes souffrant d’une carence en fer en absorbent 3 ou 4 mg par<br />

jour. Après une hémorragie massive, l’absorption du fer n’augmente que<br />

trois jours plus tard. Lorsque le fer non-hème (dans les composés ferriques,<br />

Fe 3+ ) est ingéré dans un estomac incapable de sécrétion d’acide, il forme<br />

des complexes de fer insolubles qui ne peuvent être absorbés (figure 3).<br />

Cependant, en présence d’acide gastrique et d’agents réducteurs comme<br />

l’acide ascorbique, le fer ferreux (Fe 2+ ) est produit. Les complexes de fer<br />

ferreux se lient à un mucopolysaccharide dont le poids moléculaire (Mr)<br />

est d’environ 200 000 pour former des complexes insolubles qui sont<br />

acheminés dans le duodénum et dans le jéjunum proximal. C’est là, sous<br />

l’action de l’acide ascorbique, du glucose et de la cystéine, que le fer est<br />

absorbé. Des facteurs alimentaires comme les phosphates, les phytates et les<br />

phosphoprotéines peuvent rendre le fer insoluble et ainsi inhiber l’absorption<br />

du fer non-hème.<br />

Le fer hème (ferreux, Fe 2+ ) est ingéré sous forme de myoglobine et d’hémoglobine.<br />

En présence d’acide gastrique, la molécule de globine est scindée, et<br />

le fer ferreux est libéré et transporté avec son anneau porphyrine de l’estomac<br />

dans le duodénum et dans le jéjunum où il est absorbé.<br />

L’absorption du fer hème et du fer non-hème est la plus rapide dans le<br />

duodénum. Une partie du fer est captée puis déposée dans les entérocytes sous<br />

forme de ferritine et le reste se fixe sur la transferrine liée au plasma. Lorsque<br />

les entérocytes se désagrègent, le fer déposé sous forme de ferritine est perdu<br />

dans la lumière intestinale. Cette perte est probablement compensée par les


208 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 3. Facteurs qui modifient l’absorption du fer. L’absorption du fer non-hème est modifiée<br />

à la fois par les facteurs intraluminaux (1, 2 et 4) et par la teneur totale en fer de l’organisme<br />

(3) ainsi que par une atteinte de l’intestin grêle (5). L’absorption du fer hème n’est altérée que par<br />

les facteurs qui perturbent la muqueuse elle-même (3 et 5).<br />

SOURCE : Alpers, D.H., Fordtran, J.S. (réd.), Gastrointestinal disease : pathophysiology, diagnosis,<br />

management, 3e éd., Philadelphie, W.B. Saunders, 1983; 835.<br />

fortes quantités de fer ingérées. La quantité de fer qui pénètre dans l’organisme<br />

dépend en grande partie de deux facteurs : 1) la teneur totale de l’organisme<br />

en fer et 2) la vitesse de l’érythropoïèse. Le mécanisme de l’absorption intestinale<br />

du fer est présenté à la figure 4.<br />

5. ABSORPTION DE L’EAU ET DES ÉLECTROLYTES<br />

5.1 Perméabilité passive aux ions et à l’eau<br />

L’épithélium de l’intestin grêle est doté d’une très grande perméabilité passive<br />

au sel et à l’eau, en raison de la perméabilité des jonctions qui unissent les<br />

cellules épithéliales. Une certaine quantité d’eau peut être absorbée par suite<br />

du transport facilité des solutés. L’équilibre osmotique entre le plasma et la<br />

lumière intestinale est donc obtenu assez rapidement afin d’éviter des différences<br />

marquées de concentration ionique. Les jonctions intercellulaires<br />

sont plus perméables aux cations qu’aux anions, de sorte que les différences<br />

de concentration entre le sang et la lumière de Na + et de K + sont généralement


L’intestin grêle 209<br />

FIGURE 4. Absorption intestinale du fer. Le fer est transporté à travers la membrane à bordure en<br />

brosse (MBB) par le transporteur de métaux duodénal (DMT), et à travers la membrane baso-latérale<br />

peut-être par Ireg 1, conjointement avec l’héphaestine, une molécule semblable à la céruloplasmine.<br />

La réductase ferrique présente dans la MBB réduit le Fe 3+ en Fe 2+ en vue du transport par le DMT.<br />

L’absorption du fer est régulée par la quantité de fer dans l’alimentation, par les réserves de fer de<br />

l’organisme et par le degré d’érythropoïèse dans la moelle osseuse.


210 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

plus petites que celles du Cl – et du HCO 3– . L’épithélium du côlon a une<br />

perméabilité passive moindre au sel et à l’eau. Cette perméabilité aux ions<br />

diminue du cæcum au rectum ainsi que du duodénum à l’iléon. Cette diminution<br />

de la perméabilité passive aux ions (résistance électrique plus élevée) entraîne<br />

à travers l’épithélium du côlon des différences de potentiel électrique qui<br />

sont environ dix fois plus élevées que celles observées dans l’intestin grêle<br />

(souvenons-nous de la loi d’Ohm : É = IR où É est le potentiel électrique, I,<br />

le courant électrique et R, la résistance électrique). L’absorption active du Na + ,<br />

qui constitue la principale activité du côlon distal, produit une charge positive<br />

dans la séreuse ou une différence de potentiel (DP). Sous l’influence de l’aldostérone<br />

(c.-à-d. déplétion de sel), la DP peut être de 60 mV ou même plus.<br />

Une DP de 60 mV permettra donc de maintenir une différence de concentration<br />

d’un facteur 10 pour un ion monovalent comme le K + . Par conséquent,<br />

c’est la DP qui est essentiellement responsable de la concentration élevée de<br />

K + dans le rectum. Malgré la concentration fécale élevée de K + , la quantité de<br />

K + perdue dans les selles est petite parce que normalement le volume des selles<br />

(environ 200 à 300 mL par jour) est petit. En revanche, au cours d’une diarrhée<br />

de fort volume (plusieurs litres par jour) qui a son origine dans l’intestin<br />

grêle, la concentration de K + dans les selles est beaucoup plus basse (10 à<br />

30 mmol), mais les pertes de K + dans les selles sont malgré tout élevées, en<br />

raison des gros volumes évacués. La concentration de K + dans les selles est<br />

faible (et la concentration de Na + relativement élevée) parce que le liquide<br />

diarrhéique descend dans le côlon trop rapidement pour qu’un équilibre à<br />

travers l’épithélium du côlon puisse être obtenu.<br />

5.2 Absorption active des électrolytes le long de l’intestin<br />

De tous les organes, l’intestin grêle est celui qui détient la plus grande<br />

capacité de sécrétion d’eau et d’électrolytes. Dans l’intestin grêle et le<br />

côlon, la sécrétion semble se faire essentiellement, sinon exclusivement,<br />

dans les cryptes; l’épithélium le plus superficiel des extrémités des villosités<br />

est absorbant. Les processus morbides qui causent des lésions aux villosités<br />

ou aux parties superficielles de l’épithélium intestinal (p. ex. l’entérite<br />

virale) entraînent inévitablement un glissement de l’équilibre général entre<br />

l’absorption et la sécrétion, vers la sécrétion. Les lésions sont particulièrement<br />

importantes chez les patients atteints de la maladie cœliaque, où l’on<br />

observe une atrophie des villosités de même qu’une hypertrophie des<br />

cryptes de Lieberkühn.<br />

Dans l’intestin grêle, l’absorption active de l’eau et des électrolytes peut<br />

être dépendante ou indépendante des nutriments.<br />

5.2.1 ABSORPTION DÉPENDANTE DES NUTRIMENTS<br />

L’absorption du glucose et des acides aminés neutres est dépendante de Na + ,


L’intestin grêle 211<br />

FIGURE 5. Absorption des sucres liés au Na + dans l’intestin grêle. Ce modèle présente le<br />

mécanisme de l’absorption du sucre liée au transport du sodium. En plus des sucres, de nombreux<br />

acides aminés, certaines vitamines du groupe B et les sels biliaires sont absorbés par ce mécanisme.<br />

Le sodium est absorbé à travers la membrane apicale en association avec le glucose (SGLT1)<br />

et ressort par l’entremise de la pompe Na + /K + ATPase baso-latérale. Le glucose sort par un<br />

système de diffusion facilitée situé dans la membrane baso-latérale (GLUT2). Les détails de ce<br />

modèle sont présentés dans le texte.<br />

c’est-à-dire que chaque molécule de glucose ou d’acide aminé traverse la bordure<br />

en brosse accompagnée d’une molécule Na + (figure 5). La pompe à sodium<br />

(Na + /K + ATPase), située exclusivement dans la membrane baso-latérale de<br />

l’entérocyte, extrait le Na + qui a pénétré dans l’entérocyte à partir de la lumière<br />

afin de maintenir dans la cellule une faible concentration en Na + , une forte concentration<br />

en K + et un potentiel électrique négatif. Cette pompe procure l’énergie<br />

potentielle pour l’absorption en amont du sucre et des acides aminés. Le glucose<br />

est transporté avec le sodium. Lorsque la sécrétion intestinale est perturbée,<br />

comme dans le cas du choléra, le glucose peut être absorbé normalement; il<br />

s’ensuit une absorption de Na + (et donc d’eau). On peut compenser les pertes<br />

hydriques par l’administration par voie orale d’une solution de glucose<br />

et d’électrolytes 1 , ce qui évite l’administration de solutés par voie<br />

intraveineuse, à moins que le patient ne soit comateux ou trop nauséeux<br />

pour boire les quantités de liquide nécessaires à la réhydratation. En pratique,<br />

ces connaissances ont eu un effet marquant sur la santé mondiale, tout<br />

1<br />

Composition par mmol/L de la solution de réhydratation recommandée par l’OMS : glucose,<br />

111; Na + , 90; K + , 20; Cl - , 80; HCO 3- , 30.


212 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 6. Absorption du Na + par transport électrogénique dans le côlon distal. Le sodium pénètre<br />

dans la cellule à travers la membrane apicale par des canaux sodiques et en ressort par la<br />

membrane baso-latérale par l’entremise de la pompe Na + /K + ATPase. Les détails de ce modèle sont<br />

présentés dans le texte.<br />

particulièrement chez les enfants, étant donné que l’infrastructure hospitalière<br />

et les solutions stériles d’électrolytes sont considérablement limitées dans<br />

les parties du monde où la prévalence de diarrhée, comme celle causée par le<br />

choléra, est très élevée.<br />

5.2.2 ABSORPTION INDÉPENDANTE DES NUTRIMENTS<br />

L’absorption active des électrolytes et de l’eau indépendante des nutriments par<br />

les cellules épithéliales de l’intestin s’exerce par plusieurs mécanismes précis<br />

à différents niveaux du tube digestif des mammifères. Tous ces mécanismes<br />

font appel à la pompe Na + /K + ATPase située dans la membrane baso-latérale et<br />

dépendante de la présence de Na + dans la lumière intestinale.<br />

Dans le côlon distal (figure 6), la membrane luminale renferme des canaux<br />

à Na + qui peuvent être bloqués par de faibles concentrations de l’association<br />

diurétique pyrazine-amiloride. Le Na + qui pénètre par ces canaux dans la<br />

membrane luminale est ensuite expulsé de la membrane baso-latérale par la<br />

pompe Na + /K + ATPase. L’aldostérone augmente le nombre de ces canaux et


L’intestin grêle 213<br />

FIGURE 7. Absorption par transport électroneutre du chlorure de sodium dans l’intestin grêle et le<br />

côlon. L’entrée du chlorure de sodium du côté apical par échange sodium/hydrogène et<br />

chlorure/bicarbonate permet au sodium et au chlorure d’entrer dans la cellule par un mécanisme<br />

électroneutre. Le sodium sort de la cellule par l’entremise de la pompe Na + /K + ATPase basolatérale.<br />

La voie de sortie du chlorure demeure relativement hypothétique, mais fait probablement<br />

intervenir un canal basolatéral. Les détails de ce modèle sont présentés dans le texte.<br />

aussi, mais plus lentement, le nombre de pompes Na + /K + ATPase. Par<br />

conséquent, l’aldostérone favorise l’absorption active du Na + dans le côlon<br />

distal. À un degré moindre, l’aldostérone fait aussi apparaître des canaux Na +<br />

dans le côlon proximal et même dans l’iléon distal. Le Cl – est absorbé avec le<br />

Na + et traverse l’épithélium à la fois par les voies cellulaire et paracellulaire.<br />

La voie transcellulaire suppose un échangeur Cl – /HCO 3- dans la membrane<br />

luminale et des canaux Cl – dans la membrane baso-latérale. Les médiateurs<br />

intracellulaires comme l’AMP cyclique (AMPc) ne semblent pas modifier<br />

les canaux Na + . Ainsi, les patients qui ont des diarrhées sécrétoires, en<br />

particulier ceux qui accusent une déplétion de sel, et donc des taux élevés<br />

d’aldostérone dans le sang, peuvent réabsorber une partie du liquide sécrété<br />

dans le côlon distal. La spironolactone, qui inhibe l’action de l’aldostérone,<br />

peut aggraver la diarrhée chez ces patients.<br />

Dans la partie plus proximale du côlon et dans l’iléon, la membrane luminale<br />

renferme des échangeurs Na + /H + qui permettent une entrée nette de Na +


214 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

(figure 7). Une famille d’échangeurs Na + /H + a été mise en évidence et clonée.<br />

Le côlon et l’iléon (mais non le jéjunum) ont aussi dans leur bordure luminale<br />

des échangeurs Cl – /HCO 3- . Le pH de la cellule détermine la vitesse relative de<br />

ces deux échangeurs. Ainsi, l’extraction de l’H + par l’échange Na + /H + peut<br />

alcaliniser la cellule, ce qui stimule l’entrée du Cl – et l’extraction du HCO 3<br />

-<br />

par l’échange Cl – /HCO 3- , ce qui augmente l’H + de la cellule et ainsi maintient<br />

l’échange Na + /H + . L’augmentation des concentrations cellulaires d’AMP<br />

cyclique et de Ca 2+ libre inhibe l’échange Na + /H + . L’AMP cyclique et ses agonistes<br />

entraînent donc une acidification de la cellule qui, à son tour, inhibe<br />

l’échange Cl – /HCO 3- . Par conséquent, l’absorption des électrolytes dans l’intestin<br />

grêle et dans le gros intestin, hormis le côlon distal, peut être abaissée<br />

par les hormones, les neurotransmetteurs et certaines substances luminales<br />

(entérotoxines bactériennes, sels biliaires, acides gras hydroxylés) qui<br />

augmentent les concentrations cellulaires d’AMP cyclique ou de Ca 2+ libre.<br />

C’est pourquoi le liquide sécrété par l’organisme en réponse à ces stimuli ne<br />

peut être réabsorbé efficacement en l’absence d’acides aminés ou de sucres,<br />

sauf dans le côlon distal. Dans le jéjunum où il ne semble pas y avoir<br />

d’échange Cl – /HCO 3- , l’échange Na + /H + peut être adéquatement maintenu par<br />

la glycolyse anaérobie qui produit de l’H + et aussi de l’ATP.<br />

Il existe aussi certaines preuves de cotransport direct du Na + et du Cl – , bien<br />

que ce phénomène soit difficile à distinguer expérimentalement de celui des<br />

échangeurs doubles. Ce mécanisme d’entrée pourrait exister dans l’iléon et dans<br />

le côlon proximal.<br />

5.3 Sécrétion active des électrolytes dans l’intestin<br />

Dans la cellule sécrétrice, l’entrée du Cl – en provenance du milieu ambiant<br />

contraluminal (sang ou côté séreux de l’entérocyte) est jumelée à celle du Na +<br />

et probablement aussi à celle du K + par un cotransporteur triple avec une stoéchiométrie<br />

de 1 Na + , 1 K + et 2 Cl – . Le Na + qui pénètre de cette façon est<br />

ensuite recyclé dans la solution contraluminale par la pompe Na + /K + (figure 8).<br />

Le K + , qui pénètre grâce la pompe et aussi au triple cotransporteur, retourne<br />

du côté contraluminal par les canaux à K + . En raison du gradient du Na + , le<br />

Cl – s’accumule au-delà de l’état d’équilibre électrochimique et peut être soit<br />

a) recyclé dans la solution contraluminale par le cotransporteur Na + /K + et<br />

2 Cl – ou par les canaux à Cl – de la membrane baso-latérale, soit b) sécrété<br />

dans la lumière par les canaux à Cl – de la membrane luminale. La sécrétion<br />

du Cl – dans la lumière produit une différence de potentiel électrique positive<br />

vers la séreuse, ce qui assure une force de conduction nécessaire à la sécrétion<br />

du Na + par les voies paracellulaires. Dans la cellule sécrétrice à l’état de repos,<br />

les canaux luminaux Cl – sont fermés; ils s’ouvrent lorsque la sécrétion est<br />

stimulée par une hormone ou par un neurotransmetteur. La sécrétion est donc


L’intestin grêle 215<br />

FIGURE 8. Sécrétion du chlorure par un mécanisme électrogénique dans le grêle et le côlon. Un<br />

canal activé par l’AMP cyclique et situé dans la membrane apicale permet la stimulation hormonale<br />

de la sécrétion de l’ion chlorure. Le canal chlore est codé par le gène (le régulateur de la<br />

perméabilité transmembranaire de la fibrose kystique [CFTR]) responsable de la fibrose kystique.<br />

Le chlorure entre dans la cellule par un cotransporteur sodium-potassium situé dans la membrane<br />

baso-latérale. Les détails de ce modèle sont présentés dans le texte.<br />

déclenchée par l’ouverture de la « barrière » Cl – dans la membrane luminale<br />

de la cellule sécrétrice.<br />

L’AMP cyclique, le GMP cyclique et le Ca 2+ sont les médiateurs intracellulaires<br />

connus de la sécrétion (tableau 2). Ils peuvent provenir du sang,<br />

des terminaisons nerveuses, des cellules endocrines de l’épithélium (cellules<br />

APUD), d’éléments du mésenchyme, comme les lymphocytes, les<br />

plasmocytes et les mastocytes, ou être produits par les entérocytes euxmêmes.<br />

L’action des agonistes, à l’exception des agonistes de l’AMP<br />

cyclique, des produits de la lipoxydase et de la calcitonine, est de courte<br />

durée et la désensibilisation s’effectue rapidement. Ils permettent d’ajuster précisément<br />

le transport des électrolytes plutôt que d’assurer une sécrétion soutenue.


216 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 2.<br />

Hormones et neurotransmetteurs qui stimulent la sécrétion intestinale<br />

Médiateur intracellulaire<br />

AMPc Ca 2+ Inconnu<br />

Peptide intestinal vasoactif (VIP) Bradykinine Bombésine<br />

Prostaglandines Acétylcholine Produits de la lipoxygénase<br />

Bradykinine Substance P Thyrocalcitonine<br />

Neurotensine Histamine<br />

Sérotonine<br />

Vasopressine<br />

Seuls les agents dont l’efficacité a été démontrée in vitro sont énumérés. Plusieurs autres hormones<br />

stimulent la sécrétion in vivo, mais il n’est pas évident qu’elles agissent directement sur<br />

la muqueuse intestinale; le glucagon et la pentagastrine font partie de ce groupe.<br />

Puisqu’il existe des hormones et des neurotransmetteurs qui stimulent la<br />

sécrétion active des électrolytes dans l’intestin, on peut s’attendre à ce qu’il y<br />

ait des agonistes qui inhibent la sécrétion ou qui stimulent l’absorption, voire<br />

qui exercent les deux rôles à la fois. Ces agonistes comprennent les glucocorticoïdes,<br />

la noradrénaline, la somatostatine, les enképhalines et la dopamine.<br />

Les glucocorticoïdes augmentent aussi l’absorption des électrolytes dans tout<br />

le tube digestif, mais leurs mécanismes d’action sont moins bien compris que<br />

ceux de l’aldostérone. Les glucocorticoïdes agiraient, entre autres, en inhibant<br />

la phospholipase A 2 et, par conséquent, la réaction en cascade de l’acide<br />

arachidonique. Les récepteurs adrénergiques situés sur les entérocytes sont<br />

presque exclusivement de type 2 . Le système nerveux sympathique qui<br />

innerve la muqueuse intestinale en libérant de la noradrénaline (un antagoniste<br />

des récepteurs 2 ), inhibe la sécrétion des électrolytes et en stimule<br />

l’absorption. Une sympathectomie, qu’elle soit réalisée chimiquement ou<br />

chirurgicalement, provoque de la diarrhée, du moins temporairement. Les<br />

diabétiques chroniques qui présentent une atteinte du système nerveux<br />

autonome souffrent quelquefois de diarrhée persistante secondaire à la<br />

dégénérescence des fibres adrénergiques qui innervent l’intestin. La somatostatine<br />

et les enképhalines exercent aussi une action antisécrétrice.<br />

6. ABSORPTION DES GRAISSES<br />

Le processus global de la digestion des graisses, ou lipides, et de leur absorption<br />

s’effectue en quatre phases distinctes liées respectivement aux fonctions<br />

du pancréas, du foie, de la muqueuse intestinale et du système lymphatique<br />

(figure 9). Du point de vue physiologique, ces phases comprennent 1) la lipo-


L’intestin grêle 217<br />

FIGURE 9. Diagramme des principales étapes de la digestion et de l’absorption des graisses<br />

alimentaires. Elles comprennent 1) la lipolyse des triglycérides alimentaires (TG) par les enzymes<br />

pancréatiques; 2) la solubilisation micellaire des acides gras à chaîne longue (AG) et des ß-monoglycérides<br />

(ß-MG; 2-monoglycérides dans la figure) qui en résultent, par les acides biliaires<br />

sécrétés par le foie dans la lumière intestinale; 3) l’absorption des acides gras et des ß-monoglycérides<br />

dans la cellule muqueuse avec par la suite réestérification et formation de chylomicrons;<br />

et enfin, 4) le passage des chylomicrons de la cellule muqueuse à la circulation lymphatique<br />

intestinale. Au cours de la formation des chylomicrons, de petites quantités de cholestérol (C),<br />

d’esters cholestérol (EC), de phospholipides (PL) ainsi que de triglycérides sont incorporées dans<br />

cette fraction spécifique de lipoprotéines.<br />

SOURCE : Wilson, F.A., Dietschy, J.M. « Differential diagnostic approach to clinical problems <strong>of</strong><br />

malabsorption » dans <strong>Gastroenterology</strong>, 1971; 61:912.


218 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

lyse des triglycérides (TG) en acide gras (AG) et en -monoglycérides (MG);<br />

2) la solubilisation micellaire avec les acides biliaires; 3) la captation par la cellule<br />

de la muqueuse, puis la réestérification des MG avec les AG pour former<br />

des TG et la formation de chylomicrons en présence de cholestérol, d’esters de<br />

cholestérol, de phospholipides et de protéines; 4) le transport des chylomicrons<br />

dans le système lymphatique en vue de l’utilisation des graisses.<br />

Le Nord-Américain consomme en moyenne, par jour, de 60 à 100 g de<br />

graisses dont la plupart sont sous forme de graisses neutres ou triglycérides.<br />

Dans l’intestin proximal, les TG sont hydrolysés par les lipases produisant du<br />

glycérol, des AG et des MG. Ces produits de la lipolyse sont d’abord mis en<br />

émulsion et forment ensuite une solution micellaire.<br />

Une fois les aliments, en particulier les graisses, parvenus dans le<br />

duodénum, les cellules de la muqueuse libèrent la cholécystokinine (CCK), ce<br />

qui entraîne une contraction de la vésicule biliaire; les acides biliaires et<br />

d’autres produits biliaires sont alors excrétés dans la partie proximale de l’intestin<br />

grêle. Les acides biliaires ressemblent sur le plan chimique à des<br />

molécules détergentes, en ce sens qu’une portion de la molécule est polaire et<br />

hydrosoluble tandis que l’autre portion est non polaire et liposoluble. Une fois<br />

présents en quantité suffisante, c’est-à-dire lorsqu’ils ont atteint la concentration<br />

micellaire critique (CMC), les acides biliaires forment des sphères<br />

chargées négativement, appelées micelles simples. L’incorporation des AG et<br />

des MG forme un agrégat polymoléculaire plus important, soit une micelle<br />

mixte. Ce processus est nécessaire pour émulsifier les graisses et les disperser<br />

plus efficacement en fines gouttelettes, préparant ainsi leur digestion dans la<br />

lumière par la lipase pancréatique. Cette enzyme agit seulement à l’interface<br />

huile-eau et nécessite une grande surface. La lipase pancréatique est sécrétée<br />

dans la lumière duodénale où elle agit sur les aliments ingérés. Bien que la<br />

lipase hydrolyse les triglycérides dans la lumière, il faut une colipase pancréatique<br />

pour assurer un contact étroit entre la lipase et la molécule de triglycéride.<br />

La colipase est sécrétée par le pancréas sous forme de procolipase qui est<br />

activée par la trypsine.<br />

Il faut que les acides biliaires atteignent des concentrations adéquates dans<br />

la lumière du jéjunum pour que se produisent efficacement la solubilisation<br />

micellaire et la lipolyse par la lipase pancréatique, une étape préliminaire à<br />

l’estérification et à la captation. De telles concentrations sont maintenues<br />

grâce à la réutilisation constante d’un pool relativement petit d’acides biliaires.<br />

Dans le foie, environ 0,6 g d’acides biliaires nouveaux sont produits quotidiennement<br />

à partir du cholestérol. Cette production vient s’ajouter au pool<br />

d’acides biliaires de 3,0 g au total; ces acides biliaires sont soumis de<br />

6 à 10 fois par jour au cycle d’absorption passive dans le jéjunum, puis<br />

d’absorption active dans l’iléon. Dans chaque cycle, environ 96 % des acides


L’intestin grêle 219<br />

biliaires sont absorbés par ces mécanismes, le reste est excrété dans les selles.<br />

Le transporteur des acides biliaires a été cloné. Un déficit de ce transporteur<br />

pourrait provoquer une malabsorption des sels biliaires et de la diarrhée. Les<br />

acides biliaires retournent au foie par la veine porte et sont excrétés de<br />

nouveau. Cette recirculation des acides biliaires entre l’intestin et le foie<br />

s’appelle circulation entérohépatique.<br />

Le rôle principal des micelles de sels biliaires est de faciliter l’absorption<br />

des lipides en maintenant ceux-ci sous forme hydrosoluble, en surmontant la<br />

résistance de la couche aqueuse non agitée et en maintenant à une concentration<br />

élevée une source locale d’acides gras et de cholestérol qui quittent les<br />

micelles et pénètrent dans la cellule de la muqueuse. L’absorption des lipides<br />

à travers la membrane à bordure en brosse se fait par un mécanisme passif,<br />

mais de nombreuses protéines liant les lipides ont été isolées; toutefois, leur<br />

rôle dans l’absorption des lipides n’a pas encore été établi.<br />

Deux importants phénomènes se produisent alors dans la cellule muqueuse :<br />

1) la réestérification et 2) la formation de chylomicrons. Les acides gras sont<br />

d’abord fixés de nouveau aux monoglycérides par réestérification, et les<br />

triglycérides ainsi produits sont ensuite combinés avec de petites quantités de<br />

cholestérol et recouverts de phospholipides et d’apolipoprotéines pour former<br />

une classe particulière de lipoprotéines appelées chylomicrons. Quatre<br />

apolipoprotéines sont produites dans l’intestin, apo A-I, A-IV, B et C. Les chylomicrons<br />

sont ensuite libérés de la partie basale de la cellule épithéliale à<br />

plateau strié et gagnent le chylifère central de la villosité intestinale. De là, ils<br />

sont transportés par la lymphe jusqu’au canal thoracique et aboutissent dans<br />

la circulation générale. Les chylomicrons sont ensuite transportés dans le sang<br />

aux sièges d’élimination et d’utilisation périphériques (p. ex. dans le foie, les<br />

muscles et les tissus adipeux). Une faible quantité de lipides peut passer dans<br />

la circulation porte, court-circuitant ainsi la voie chylifère.<br />

Compte tenu du processus physiologique que nous venons d’énoncer, la<br />

malabsorption des graisses causée par une déficience de la lipolyse ou de<br />

la solubilisation micellaire risque de se produire dans les circonstances suivantes<br />

: 1) vidange gastrique rapide et brassage inadéquat, comme après une<br />

vagotomie ou une gastrectomie; 2) altération du pH duodénal, comme dans le<br />

syndrome de Zollinger-Ellison où l’acidification excessive du duodénum inhibe<br />

l’action de la lipase; 3) insuffisance pancréatique; 4) cholestase, comme une<br />

obstruction biliaire ou une hépatopathie et 5) interruption de la circulation entérohépatique,<br />

comme une maladie ou une résection iléale et une déconjugaison des<br />

sels biliaires attribuable au syndrome de prolifération bactérienne.<br />

La malabsorption des graisses due à une détérioration de la captation, de<br />

l’assemblage ou du transport risque de se produire au niveau de la<br />

muqueuse dans les cas suivants : 1) dysfonction générale des entérocytes,


220 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 10. Action de l’-amylase pancréatique sur l’amidon à chaîne droite (amylose) et ramifiée<br />

(amylopectine). Les cercles indiquent les résidus de glucose et l’unité de glucose réductrice.<br />

SOURCE : Gray, G.M. « Mechanisms <strong>of</strong> digestion and absorption <strong>of</strong> food » dans Sleisenger, M.H.,<br />

Fordtran, J.S. (réd.), Gastrointestinal disease : pathophysiology, diagnosis, management,<br />

3 e éd., Philadelphie, W.B. Saunders, 1983; 851.<br />

comme dans la maladie cœliaque et la maladie de Whipple; 2) insuffisance<br />

du processus d’enrobage comme dans l’abêtalipoprotéinémie, défaut<br />

génétique de la synthèse de la lipoprotéine B avec pour conséquence une<br />

formation insuffisante de chylomicrons; 3) troubles du système lymphatique,<br />

comme dans la lymphangiectasie intestinale, la fibrose rétropéritonéale<br />

ou le lymphome et 4) diminution de la surface muqueuse, comme<br />

dans le syndrome de l’intestin court.<br />

7. ABSORPTION DES GLUCIDES<br />

L’amidon, le sucrose et le lactose sont les principaux glucides de l’alimentation<br />

humaine. Ils se trouvent dans les aliments peu coûteux et constituent<br />

la principale source de calories pour la population mondiale. En Occident,<br />

la ration quotidienne est d’environ 400 g de glucides : 60 % sous forme<br />

d’amidon, 30 % sous forme de sucrose et 10 % sous forme de lactose (un litre<br />

de lait contient 48 g de lactose). Le glycogène est un polysaccharide de stockage<br />

important, mais la quantité provenant de l’alimentation est faible.<br />

L’amidon présent dans le blé, le riz et le maïs est un polysaccharide dont la<br />

masse moléculaire se situe entre 100 000 et plus de 1 000 000. Le polysac-


L’intestin grêle 221<br />

charide est constitué d’une chaîne droite de molécules de glucose réunies par<br />

une molécule d’oxygène entre le premier carbone (C 1 ) d’une molécule de glucose<br />

et le quatrième carbone (C 4 ) de la molécule suivante (liaison 1,4 glucose).<br />

Ce type d’amidon est appelé amylose. De structure similaire au glycogène, il<br />

représente jusqu’à 20 % de l’amidon présent dans les aliments. La liaison<br />

glucose-glucose est de type alpha, contrairement à la liaison de type bêta qui relie<br />

les molécules de glucose dans la cellulose, un saccharide non digestible. Ces<br />

polysaccharides non amylacés fournissent la plus grande partie des « glucides<br />

inaccessibles » de l’alimentation, essentiellement sous forme de fibres alimentaires<br />

(p. ex. cellulose et hémicelluloses). Toutefois, les bactéries du côlon<br />

peuvent dégrader par fermentation certaines fibres alimentaires en acides gras<br />

à chaînes courtes qui peuvent être absorbés par la suite par les cellules<br />

épithéliales du côlon. D’autres fibres alimentaires comprenant des pectines,<br />

des gommes et des alginates peuvent être partiellement hydrolysées dans le<br />

côlon, alors que les lignines sont totalement indigestibles. Les fibres alimentaires<br />

sont des molécules actives qui jouent un rôle important dans l’altération<br />

du contenu luminal et de sa masse, la durée du transit et l’absorption de certains<br />

éléments nutritifs. Le reste de l’amidon (80 %) ingéré par l’être humain<br />

a un point de ramification toutes les 25 molécules le long de la chaîne droite<br />

-1,4 glucose. Cet amidon s’appelle amylopectine. Les branches se font par<br />

une molécule d’oxygène entre le carbone C 6 du glucose sur la chaîne droite et<br />

le carbone C 1 de la ramification (point de ramification -1,6) qui continue<br />

sous forme de chaîne droite avec liaison -1,4 glucose (figure 10).<br />

Les -amylases salivaires et pancréatiques agissent sur les liaisons internes<br />

-1,4 glucose-glucose de l’amidon mais ne peuvent attaquer les liaisons -1,4<br />

voisines d’un point de ramification 1,6. Les protéines des amylases sont<br />

codées par une famille de gènes du chromosome humain 1 (c.-à-d. le gène<br />

AMY1 dans la glande parotide, AMY2 dans le pancréas). L’amylase salivaire<br />

agit dans la bouche et une mastication longue améliore son action, alors que<br />

l’acide gastrique l’inactive rapidement. L’amylase pancréatique est la principale<br />

enzyme de digestion des amidons et elle agit surtout dans la lumière<br />

intestinale. Les produits de la digestion par l’amylase sont donc le maltose et<br />

le maltotriose. Comme l’-amylase est incapable d’hydrolyser les ramifications<br />

1,6 et a relativement peu d’affinité pour les liaisons 1,4 voisines de ces<br />

points de ramification, de gros oligosaccharides comportant de 5 à 9 molécules<br />

de glucose et ayant au moins une ramification 1,6 sont aussi produits sous<br />

l’action de l’-amylase. Il s’agit des -dextrines résiduelles qui représentent<br />

environ 30 % de la dégradation de l’amylopectine. Les produits finaux de<br />

l’hydrolyse par l’amylase ne sont pas des molécules de glucose simple.<br />

Les enzymes hydrolytiques à la surface des cellules épithéliales de<br />

l’intestin assurent la digestion des oligosaccharides, incluant l’amylose,


222 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 11. Principales étapes de la digestion et de l’absorption des glucides alimentaires.<br />

FIGURE 12. Les disaccharides sont scindés en monosaccharides à la bordure en brosse.<br />

l’amylopectine et les -dextrines résiduelles (figures 11 et 12). Ces enzymes<br />

hydrolytiques s’appellent disaccharidases, mais la plupart d’entre elles sont en<br />

fait des oligosaccharidases puisqu’elles hydrolysent des sucres contenant<br />

deux molécules d’hexose ou plus. Ces enzymes se retrouvent en très grande<br />

quantité à l’extrémité des villosités du jéjunum et elles sont présentes dans la<br />

plus grande partie de l’iléon mais non dans le côlon. La lactase scinde le


L’intestin grêle 223<br />

lactose en glucose et en galactose. La glucamylase (maltase) se distingue de<br />

l’-amylase pancréatique par le fait qu’elle enlève une seule molécule de glucose<br />

à l’extrémité non réductrice d’une chaîne de glucose linéaire -1,4,<br />

dégradant ainsi le maltose en glucose. La sucrase est une molécule hybride<br />

constituée de deux enzymes, l’une hydrolysant le sucrose, et l’autre les points<br />

de ramification -1,6 des -dextrines résiduelles. Cette enzyme s’appelle<br />

couramment sucrase-isomaltase parce que la fraction isomaltase hydrolyse<br />

l’isomaltose, disaccharide -1,6 glucosyle. Toutefois, les seuls produits qui<br />

contiennent des liaisons -1,6 après l’action de l’amylase sur l’amidon sont<br />

les -dextrines résiduelles. Par conséquent, il n’existe pas d’isomaltose libre<br />

à la surface de l’intestin, et le terme « isomaltase » est impropre. La fraction<br />

sucrase dégrade le sucrose en glucose et fructose.<br />

À sa naissance, l’humain possède généralement toute la gamme des disaccharidases;<br />

elles sont situées dans la membrane de la bordure en brosse.<br />

L’ingestion de grandes quantités de sucrose entraîne une augmentation de<br />

l’activité de la sucrase, probablement comme le substrat stabilise l’enzyme et<br />

réduit sa vitesse de dégradation. En revanche, rien ne permet de croire que la<br />

régulation de l’activité de la lactase ou de la maltase dans l’organisme puisse<br />

être obtenue par des modifications au régime alimentaire. Les disaccharidases<br />

sont des glycoprotéines synthétisées dans le réticulum endoplasmique et<br />

l’appareil de Golgi de la cellule épithéliale intestinale qui sont finalement<br />

insérées dans la bordure en brosse ou dans la membrane des microvillosités,<br />

faisant saillie dans la lumière intestinale comme partie du glycocalyx. Dans<br />

l’intestin grêle d’un adulte normal, ces enzymes semblent exprimées davantage<br />

dans les cellules villeuses bien différenciées que dans les cellules des<br />

cryptes et sont plus actives dans la partie proximale de l’intestin grêle que<br />

dans la partie distale. La sucrase-isomaltase est codée par un seul gène situé<br />

sur le chromosome 3 au locus 3q-25-26, alors que le gène de la lactase se trouve<br />

sur le bras long du chromosome 2.<br />

Une fois les disaccharides dégradés, comment les monosaccharides sont-ils<br />

absorbés? Le sodium facilite la captation du glucose en se liant avec ce dernier<br />

au transporteur de la bordure en brosse (SGLT1). Le gêne de cette protéine<br />

porteuse semble situé sur le chromosome 22. Une seule mutation faux-sense<br />

dans l’acide aminé 28 de l’aspartate en asparaginase est considérée comme<br />

responsable de la malabsorption familiale glucose-galactose. Comme la concentration<br />

intracellulaire de sodium est faible, le gradient de concentration de<br />

l’ion Na + diminue dans la cellule, et l’ion Na + est ensuite chassé à l’extérieur<br />

de la cellule au niveau de la membrane baso-latérale par la pompe Na + /K +<br />

ATPase, processus actif qui utilise l’énergie produite par l’hydrolyse de<br />

l’ATP. Le gradient électrochimique ainsi généré par le sodium fournit la force<br />

permettant l’entrée du glucose. Le glucose accompagne l’ion Na + sur le trans-


224 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

porteur de la bordure en brosse, puis est libéré dans la cellule où sa concentration<br />

peut dépasser celle de la lumière intestinale. De petites quantités de<br />

glucose (et d’autres sucres) peuvent être métabolisées dans la cellule<br />

épithéliale. Le glucose sort ensuite de la membrane baso-latérale de la cellule<br />

pour pénétrer dans le système porte à l’aide d’un transporteur indépendant de<br />

l’ion Na + (GLUT2).<br />

Le fructose, libéré par l’hydrolyse du sucrose, est transporté par diffusion<br />

facilitée, un processus de transport (GLUT5) de la bordure en brosse qui est<br />

indépendant de celui du sodium et de celui du glucose. Le glucose et le fructose<br />

sont transportés hors de l’entérocyte par GLUT2, un transporteur<br />

indépendant du sodium situé dans la membrane baso-latérale.<br />

Certains glucides peuvent échapper à la digestion dans l’intestin grêle pour<br />

être métabolisés dans le côlon par des bactéries. Des acides gras à chaînes<br />

courtes issues de ce métabolisme bactérien peuvent être absorbés avec production<br />

d’hydrogène et de méthane gazeux.<br />

Compte tenu des principes physiologiques que nous venons d’énoncer, la<br />

malabsorption des glucides peut se produire dans les cas suivants : 1) insuffisance<br />

pancréatique grave; 2) déficits sélectifs en disaccharidases de la bordure<br />

en brosse, par exemple un déficit en lactase; 3) détérioration générale de la<br />

bordure en brosse et des fonctions des entérocytes, comme dans la maladie<br />

cœliaque, la sprue tropicale et la gastro-entérite et 4) perte de la surface<br />

muqueuse, comme dans le syndrome de l’intestin court.<br />

Même si les nourrissons ont souvent un déficit en amylase, l’amidon ne fait<br />

généralement pas partie de l’alimentation pendant les premiers mois de la vie.<br />

Chez l’adulte, l’amylase pancréatique est sécrétée bien en excès dans la<br />

lumière intestinale, de sorte que, même chez les personnes qui accusent une<br />

grave malabsorption des graisses secondaire à une insuffisance du pancréas<br />

exocrine, la quantité d’amylase salivaire et pancréatique résiduelle paraît<br />

suffisante pour hydrolyser complètement l’amidon en oligosaccharides avant<br />

que le bol alimentaire atteigne le milieu du jéjunum. Par conséquent, il est rare<br />

que l’on observe une maldigestion grave de l’amidon chez l’humain.<br />

Un déficit secondaire en disaccharidases peut se produire à la suite d’une<br />

lésion anatomique de l’intestin grêle, comme dans la maladie cœliaque, la sprue<br />

tropicale et la gastro-entérite. Lorsque les taux de disaccharidases sont suffisamment<br />

bas, l’oligosaccharide ou le disaccharide particulier non hydrolysé<br />

reste dans la lumière intestinale où il produit une accumulation de liquide, étant<br />

donné son effet osmotique. La fermentation bactérienne des disaccharides qui<br />

atteignent le côlon produit des acides gras (acides butyrique, formique, acétique<br />

et proprionique), des alcools et des gaz, H 2 et CO 2 (figure 13). La fermentation<br />

bactérienne est pr<strong>of</strong>itable à deux niveaux. Premièrement, l’essentiel de la<br />

valeur calorique des glucidesreste dans les produits de fermentation. La réab-


L’intestin grêle 225<br />

FIGURE 13. Produits intermédiaires et finaux de la fermentation des glucides par les bactéries<br />

anaérobies. Les voies mineures sont montrées par des lignes composées de tirets.<br />

SOURCE : Soergel, K.H. « <strong>The</strong> role <strong>of</strong> the colon in case <strong>of</strong> inhibition <strong>of</strong> carbohydrate absorption »<br />

dans Creutzfeldt, W., Fölsch, U.R. (réd.), Delaying absorption as a therapeutic principle in<br />

metabolic diseases, Stuttgart et New York, Thieme-Verlag, 1983; 854.<br />

sorption des acides gras et des alcools dans le côlon « récupère » les calories<br />

des glucides mal absorbés. Deuxièmement, cette récupération entraîne une<br />

diminution du nombre d’osmoles dans la lumière, donc une diminution de<br />

l’eau perdue dans les fèces. Pendant la fermentation des glucides en acides<br />

organiques, il se produit une libération des gaz H 2 et CO 2 par les bactéries du<br />

côlon. En général, le passage de grandes quantités de gaz par le rectum<br />

indique qu’une quantité excessive de glucides atteint le côlon.<br />

D’autres déficits congénitaux primaires en disaccharidases sont inhabituels.<br />

On peut les distinguer des déficits secondaires, car les résultats des<br />

épreuves générales sur l’absorption sont normaux tout comme le sont les<br />

examens histologiques de la muqueuse. Une biopsie de l’intestin révélera<br />

toutefois l’absence d’activité hydrolytique pour un seul disaccharide. Un déficit<br />

primaire en lactase est très fréquent chez certains groupes ethniques, par<br />

exemple les personnes originaires d’Asie du Sud-Est, et peut limiter la<br />

consommation de lait chez certains adultes.


226 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 14. Séquence d’événements qui conduisent à l’hydrolyse des protéines alimentaires par<br />

les protéases intraluminales.<br />

SOURCE : Gray, G.M. « Mechanisms <strong>of</strong> digestion and absorption <strong>of</strong> food » dans Sleisenger,<br />

M.H., Fordtran, J.S. (réd.), Gastrointestinal disease: pathophysiology, diagnosis, management,<br />

3 e éd., Philadelphie,W.B. Saunders, 1983; 854.<br />

8. ABSORPTION DES PROTÉINES<br />

Un adulte consomme en moyenne 70 g de protéines par jour. Toutefois, la<br />

moitié environ des protéines dans l’intestin provient de sources endogènes, en<br />

particulier les sécrétions salivaires, gastriques et pancréato-biliaires, les cellules<br />

desquamées des muqueuses et les protéines plasmatiques. La digestion des protéines<br />

commence dans l’estomac. Les pepsines sont dérivées de précurseurs, les<br />

pepsinogènes, par autoactivation en pH acide, avec perte d’un petit peptide<br />

basique. Les pepsinogènes libérés par les principales cellules peuvent être<br />

stimulés par la gastrine, l’histamine et l’acétylcholine. L’hydrolyse des pepsines<br />

se traduit par un mélange de peptides avec une petite quantité d’acides aminés.<br />

Alors que l’amylase pancréatique est sécrétée sous forme active, les<br />

protéases pancréatiques sont sécrétées en proenzymes, qui requièrent une<br />

activation intraluminale. L’entérokinase libérée par la membrane de la bordure<br />

en brosse transforme le trypsinogène en trypsine. De son côté, la trypsine


L’intestin grêle 227<br />

active les autres protéases et autocatalyse sa propre activation à partir du<br />

trypsinogène. Les protéases ont été classées en endopeptidases (trypsine, chymotrypsine,<br />

élastase), pour couper les liaisons peptidiques intérieures, et en<br />

exopeptidases (carboxypeptidases A et B), pour enlever les acides aminés simples<br />

de la terminaison carboxyle des peptides (figure 14). Les produits finaux de<br />

la digestion luminale sont des acides aminés neutres et basiques (30 % environ),<br />

ainsi que des oligopeptides de 2 à 6 acides aminés (70 % environ).<br />

Les acides aminés et certains petits peptides peuvent être absorbés intacts<br />

dans la cellule épithéliale et le transport des acides aminés est plus efficace<br />

sous forme de peptides que sous forme d’acides aminés simples. La taille<br />

maximum est probablement celle d’un tripeptide, bien que, selon certaines<br />

études, des tétrapeptides peuvent être aussi absorbés intacts. Grâce à cette<br />

« autre voie », des personnes présentant une aminoacidurie héréditaire,<br />

basique ou neutre (p. ex. cystinurie, maladie de Hartnup) peuvent absorber<br />

suffisamment d’acides aminés par transport de peptides intacts pour éviter un<br />

état de carence protéique. Des peptidases sont actives dans la bordure en<br />

brosse et dans le cytoplasme. La plupart des oligopeptides sont hydrolysés par<br />

les peptidases de la bordure en brosse, mais les dipeptides et les tripeptides<br />

peuvent être hydrolysés ou absorbés intact par la bordure en brosse, puis<br />

hydrolysés par les peptidases cytoplasmiques. Une variété de peptidases sont<br />

actives. La plupart sont des aminopeptidases, qui extraient un résidu d’acides<br />

aminés de l’extrémité N-terminale des peptides. Les oligopeptides contenant<br />

de la proline, tels le collagène, la caséine et le gluten, sont mal<br />

hydrolysés par la plupart des protéases, mais on a identifié des carboxyprotéases<br />

spécifiques à la proline dans la bordure en brosse, en même<br />

temps qu’une enzyme cytoplasmique spécifique à la proline. Une autre<br />

enzyme, la dipeptidylaminopeptidase IV (DAP IV), libère des dipeptides des<br />

oligopeptides. Comme les disaccharidases de la bordure en brosse, la plupart<br />

des peptidases de la bordure en brosse sont synthétisées dans le réticulum<br />

endoplasmique et l’appareil de Golgi et insérés dans la membrane des<br />

microvillosités comme glycoprotéines complètes. Les acides aminés simples<br />

et les peptides courts (dipeptides et tripeptides) sont absorbés intacts dans la<br />

lumière par des transporteurs distincts. On a trouvé un gène codant pour une<br />

protéine de transport des peptides sur le chromosome 13. Bien que le sodium<br />

intervienne, ce processus de transport des peptides pourrait utiliser comme<br />

force d’entraînement un gradient électrochimique d’ions hydrogène plutôt<br />

qu’un gradient de sodium. Un pH acide dans la lumière crée un gradient<br />

d’hydrogène dans la membrane de la bordure en brosse. Un ion hydrogène<br />

unique est transporté avec le peptide par un cotransporteur peptide-hydrogène<br />

(hPepT 1). Ce processus est entretenu par un échangeur sodium-hydrogène<br />

dans la bordure en brosse et par la pompe Na + /K + ATPase dans la membrane


228 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 3. Classification des syndromes de malassimilation<br />

Troubles de la digestion intraluminale<br />

Troubles de la digestion intramurale<br />

Troubles de brassage<br />

Postgastrectomie<br />

Insuffisance pancréatique<br />

Primaire<br />

Fibrose kystique<br />

Secondaire<br />

Pancréatite chronique<br />

Cancer du pancréas<br />

Résection du pancréas<br />

Diminution de la concentration intestinale des<br />

acides biliaires<br />

Hépatopathie<br />

Maladie hépatocellulaire<br />

Cholestase (intrahépatique ou<br />

extrahépatique)<br />

Prolifération bactérienne anormale dans<br />

l’intestin grêle<br />

Syndrome de l’anse afférente<br />

Sténoses<br />

Fistules<br />

Anses borgnes<br />

Diverticules multiples de l’intestin grêle<br />

États d’hypomotilité (diabète,<br />

sclérodermie, pseudo-occlusion intestinale)<br />

Interruption de la circulation entérohépatique<br />

des acides biliaires<br />

Résection iléale<br />

Maladie inflammatoire de l’iléon<br />

(iléite régionale)<br />

Médicaments (par séquestration ou<br />

précipitation des acides biliaires)<br />

Néomycine<br />

Carbonate de calcium<br />

Cholestyramine<br />

Surface d’absorption insuffisante<br />

Résection ou dérivation intestinales<br />

Maladie vasculaire mésentérique avec<br />

résection massive de l’intestin<br />

Entérite régionale avec résections<br />

multiples de l’intestin<br />

Dérivation jéjuno-iléale<br />

Défauts d’absorption de la muqueuse<br />

Anomalies biochimiques ou génétiques<br />

Maladie cœliaque<br />

Déficit en disaccharidases<br />

Hypogammaglobulinémie<br />

Abêtalipoprotéinémie<br />

Maladie de Hartnup<br />

Cystinurie<br />

Malabsorption des monosaccharides<br />

Inflammation ou infiltration<br />

Entérite régionale<br />

Amylose<br />

Sclérodermie<br />

Lymphome<br />

Entérite par irradiation<br />

Entérite à éosinophiles<br />

Sprue tropicale<br />

Entérite infectieuse (p. ex. salmonellose)<br />

Sprue collagène<br />

Jéjunite ulcéreuse non spécifique<br />

Mastocytose<br />

Affections cutanées (p. ex. dermatite<br />

herpétiforme)<br />

Obstruction des vaisseaux lymphatiques<br />

Lymphangiectasie intestinale<br />

Maladie de Whipple<br />

Lymphome<br />

baso-latérale. Les acides aminés semblent être absorbés par une variété de<br />

mécanismes - surtout, mais non exclusivement, par des processus faisant intervenir<br />

des transporteurs actifs dans la membrane des microvillosités. Le transport des<br />

acides aminés et, rarement, de certains peptides, se fait à travers la membrane<br />

baso-latérale pour aboutir dans la circulation porte.


L’intestin grêle 229<br />

9. MALDIGESTION OU MALABSORPTION<br />

La digestion et l’absorption normales des aliments sont essentielles à la vie et au<br />

bien-être. Étant donné la longueur du tube digestif, le nombre d’organes participant<br />

à la digestion, et le grand nombre de nutriments qui doivent être assimilés<br />

par l’organisme, on ne s’étonnera pas du large éventail d’états morbides susceptibles<br />

d’entraver le processus de la digestion et de l’absorption de la nourriture.<br />

La malassimilation clinique ne se manifeste que de deux façons : 1) par des troubles<br />

d’origine intraluminale (maldigestion des aliments) ou 2) par des troubles<br />

intramuraux (malabsorption des aliments).<br />

9.1 Signes et symptômes cliniques<br />

La malassimilation peut se produire de deux manières : d’abord, par des troubles<br />

intraluminaux causant une maldigestion, ensuite, par des troubles intramuraux,<br />

en particulier des troubles de la muqueuse intestinale causant une malabsorption.<br />

Bien qu’on puisse envisager divers troubles pouvant causer une malassimilation<br />

(tableau 3), le plus souvent, une insuffisance de la fonction pancréatique ou<br />

une atteinte de l’intestin grêle en sont responsables (en particulier si l’on peut<br />

écarter comme cause historique une maladie hépatique notable ou des antécédents<br />

de chirurgie abdominale). On peut déceler une multitude de signes et<br />

de symptômes cliniques « classiques » (tableaux 4 et 5) reflétant le trouble<br />

sous-jacent, ainsi que les carences en éléments nutritifs qui en résultent.<br />

9.2 Manifestations de la malassimilation des glucides<br />

La malassimilation des glucides se traduira à la fois par des symptômes<br />

spécifiques et généraux. La diarrhée et la flatulence sont propres à la<br />

maldigestion et à la malabsorption des glucides. Étant donné que tout le<br />

monde fait un peu de flatulence, il faudrait définir ce qu’est une production<br />

excessive de gaz. Les glucides malabsorbés qui arrivent dans le côlon y sont<br />

fermentés par les bactéries et transformés en gaz (CO 2 , H 2 et CH 4 ) et en acides<br />

organiques (figure 13). Ces derniers produisent une diarrhée par leur action<br />

directe sur l’épithélium du côlon en stimulant la sécrétion de liquide et par<br />

leur effet osmotique en attirant davantage d’eau dans la lumière. La présence<br />

d’acides organiques dans les selles réduit le pH au-dessous de 6 et suggère<br />

une malassimilation des glucides. Les gaz causent de la flatulence qui<br />

s’accompagne de borborygmes et d’une distension abdominale. C’est sur la<br />

présence de gaz d’H 2 intraluminaux qui seront finalement absorbés dans la<br />

circulation puis exhalés, qu’est fondé le test respiratoire de l’hydrogène pour<br />

dépister la malabsorption des glucides. L’examen physique révèle souvent une<br />

distension, un tympanisme et un péristaltisme intestinal hyperactif. Les selles<br />

flottent à la surface de l’eau en raison de leur contenu plus élevé en gaz (et non


230 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 4. Symptômes et signes cliniques de malassimilation<br />

Symptômes ou signes cliniques<br />

Carences<br />

État général Perte de poids Calories<br />

Perte d’appétit, aménorrhée, baisse de la Protéino-énergétique<br />

libido<br />

Peau Rash psoriasiforme, Zinc<br />

desquamation eczémateuse<br />

Pâleur Folate, fer, vitamine B 12<br />

Hyperkératose folliculaire<br />

Vitamine A<br />

Pétéchies périfolliculaires<br />

Vitamine C<br />

Dermatite squameuse<br />

Protéino-énergétique, niacine,<br />

rib<strong>of</strong>lavine, zinc<br />

Ecchymoses<br />

Vitamine K<br />

Changements de la pigmentation<br />

Niacine, protéino-énergétique<br />

Dermatose scrotale<br />

Rib<strong>of</strong>lavine<br />

Épaississement et sécheresse de la peau Acide linoléique<br />

Tête Fonte du muscle temporal Protéino-énergétique<br />

Cheveux Clairsemés et fins, décoloration Protéines<br />

Faciles à arracher<br />

Yeux Antécédents de cécité nocturne Vitamine A<br />

(héméralopie)<br />

Photophobie, vue brouillée, conjonctivite Rib<strong>of</strong>lavine, vitamine A<br />

Vascularisation de la cornée<br />

Rib<strong>of</strong>lavine<br />

Xérosis, taches de Bitot, kératomalacie Vitamine A<br />

Bouche Glossite Rib<strong>of</strong>lavine, niacine, acide folique<br />

Saignements gingivaux<br />

Vitamine C, rib<strong>of</strong>lavine<br />

Chéilite<br />

Rib<strong>of</strong>lavine<br />

Stomatite des commissures<br />

Rib<strong>of</strong>lavine, fer<br />

Hypogueusie<br />

Zinc<br />

Langue plicaturée<br />

Niacine<br />

Atrophie de la langue<br />

Rib<strong>of</strong>lavine, niacine, fer<br />

Langue rouge et irritée<br />

Niacine<br />

Séborrhée naso-labiale<br />

Pyridoxine<br />

Cou Goître Iode<br />

Tuméfaction de la parotide<br />

Protéines<br />

Thorax Chapelet costal Vitamine D<br />

(suite à la page suivante)


L’intestin grêle 231<br />

TABLEAU 4.<br />

Symptômes et signes cliniques de malassimilation (suite)<br />

Symptômes ou signes cliniques<br />

Carences<br />

Abdomen Diarrhée Niacine, folate, vitamine B 12<br />

Distension<br />

Protéino-énergétique<br />

Hépatomégalie<br />

Protéino-énergétique<br />

Membres Œdème Protéines, thiamine<br />

Déminéralisation des os<br />

Vitamine D, calcium, phosphore<br />

Sensibilité osseuse<br />

Vitamine D<br />

Douleurs osseuses, douleurs articulaires Vitamine C<br />

Faiblesse et fonte musculaires<br />

Protéines, calories<br />

Sensibilité musculaire, douleurs musculaires Thiamine<br />

Hyporéflexie<br />

Thiamine<br />

Ongles Aplatissement, friabilité, perte du lustre, Fer<br />

ongles en cuiller<br />

Raies transversales<br />

Protéines<br />

Système Tétanie Calcium, magnésium<br />

nerveux Paresthésies Thiamine, vitamine B 12<br />

Abolition des réflexes, main tombante, Thiamine<br />

pied tombant<br />

Perte du sens vibratoire et proprioceptif, Vitamine B 12<br />

ataxie<br />

Démence, désorientation<br />

Niacine<br />

Sang Anémie Vitamine B 12 , folates, fer<br />

Hémolyse<br />

Phosphore<br />

en raison de leur contenu plus élevé en graisse).<br />

En général, une carence en glucides comme source d’énergie se manifestera<br />

par une diminution des taux plasmatiques d’insuline, une augmentation<br />

des taux plasmatiques de glucagon et de cortisol, et une diminution de la<br />

conversion périphérique de T 4 en T 3 . On observera au bout d’un certain temps<br />

un état de métabolisme oxydatif et un catabolisme des graisses et des muscles.<br />

L’examen physique révélera éventuellement des signes d’amaigrissement<br />

attribuable à la fois à une perte des réserves de graisses et à une perte de la<br />

masse tissulaire maigre. Le patient se sentira faible et se fatiguera rapidement.<br />

On notera souvent une perte de graisses caractérisée par des joues creuses et<br />

des fesses aplaties, et par une peau plissée ou lâche indiquant une perte de<br />

graisse sous-cutanée. La perte de masse musculaire se traduit par une amyo-


232 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 5. Carences spécifiques en vitamines et minéraux<br />

Vitamines / minéraux<br />

Manifestations cliniques<br />

Vitamine A Yeux Cécité nocturne<br />

Xérosis (sécheresse de la conjonctive bulbaire)<br />

Taches de Bitot (plaques conjonctivales)<br />

Kératomalacie (ulcération de la cornée)<br />

Peau<br />

Hyperkératose<br />

Vitamine B 12 Systèmes Anémie<br />

hématologique Perte irréversible du sens vibratoire et proprioceptif<br />

et neurologique Paresthésies<br />

Tractus digestif Diarrhée<br />

Vitamine C Peau Papules périfolliculaires (cheveux cassants)<br />

Hémorragies périfolliculaires<br />

Saignements gingivaux<br />

Purpura, ecchymoses<br />

Vitamine D Os Douleurs et déminéralisation des os<br />

Douleurs articulaires<br />

Rachitisme<br />

Myopathie proximale<br />

Vitamine K<br />

Ecchymoses<br />

Hémorragies<br />

Vitamine B 6 Peau Dermatite séborrhéique<br />

(Pyridoxine)<br />

Chéilite<br />

Glossite<br />

Niacine<br />

Dermatite<br />

Diarrhée<br />

Démence<br />

Thiamine CV Insuffisance cardiaque congestive<br />

SNC<br />

Encéphalopathie de Wernicke<br />

Encéphalopathie de Wernicke-Korsak<strong>of</strong>f<br />

Zinc Peau Acrodermatite entéropathique<br />

Alopécie<br />

Goût<br />

Hypogueusie<br />

Folates Systèmes Anémie<br />

hématologique Perte réversible du sens vibratoire et proprioceptif<br />

et neurologique<br />

CV = appareil cardio-vasculaire; SNC = système nerveux central.


L’intestin grêle 233<br />

trophie thénarienne et par des creux dans les tissus mous entre les tendons<br />

extenseurs du dos de la main. Il peut aussi y avoir des signes directs de ralentissement<br />

métabolique secondaire à une diminution de la conversion de T 3 . Il<br />

est aussi fréquent d’observer un certain ralentissement mental.<br />

9.3 Manifestations de la malassimilation des graisses<br />

L’incapacité de digérer ou d’absorber correctement les graisses entraîne une<br />

variété de symptômes cliniques et d’anomalies dans les analyses de laboratoire.<br />

Ces manifestations sont le résultat non seulement de la malassimilation<br />

des graisses en soi, mais aussi d’une carence en vitamines liposolubles. En<br />

général, la perte de graisses dans les selles prive l’organisme de calories et<br />

contribue à une perte de poids et à la malnutrition. Il importe de remarquer<br />

plus particulièrement le rôle des acides gras à chaîne longue non absorbés qui<br />

agissent sur la muqueuse du côlon et causent la diarrhée par irritation. En<br />

outre, les acides gras se lient au calcium et l’empêchent de se lier à l’oxalate.<br />

En cas de malabsorption des graisses, l’oxalate ne se lie pas au calcium et<br />

reste libre (non dissocié) dans la lumière du côlon où il est rapidement<br />

absorbé, ce qui entraîne une hyperoxalurie et des calculs rénaux d’oxalate de<br />

calcium. Cela se produit plus souvent dans la maladie de Crohn que dans<br />

d’autres cas de malabsorption des graisses (stéatorrhée).<br />

L’incapacité d’absorber les vitamines liposolubles A, D, E et K entraîne aussi<br />

une variété de symptômes. La carence en vitamine K se manifeste sous la forme<br />

d’hémorragies sous-cutanées, urinaires, nasales, vaginales et digestives. Les<br />

déficits en facteurs II, VII, IX et X causent des troubles de la coagulation. La<br />

carence en vitamine A se manifeste par l’hyperkératose folliculaire, tandis que<br />

la carence en vitamine E entraîne une démyélinisation progressive du système<br />

nerveux central. Nous aborderons plus loin les problèmes découlant de la<br />

malabsorption de la vitamine D, tels que le rachitisme et l’ostéopénie.<br />

9.4 Manifestations de la malassimilation des protéines<br />

Une déperdition importante des protéines de l’organisme peut se produire<br />

avant que les analyses de laboratoire puisse révéler des anomalies. Une synthèse<br />

inadéquate des protéines secondaire à des hépatopathies graves et une<br />

déperdition des protéines rénales peuvent contribuer à aggraver davantage les<br />

carences en protéines. Sur le plan clinique, ces carences se manifestent par de<br />

l’œdème et une diminution de la masse musculaire. Comme le fonctionnement<br />

du système immunitaire dépend d’une quantité adéquate de protéines,<br />

une carence peut se manifester par des infections récidivantes. Chez l’enfant,<br />

elle peut entraîner les manifestations suivantes : retard de croissance, apathie<br />

mentale et irritabilité, faiblesse et atrophie musculaire, œdème, perte des<br />

cheveux, déformation des os du squelette, anorexie, vomissements et diarrhée.


234 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

Le terme marasme désigne une malnutrition protéinocalorique et le terme<br />

kwashiorkor, une malnutrition protéinique.<br />

9.5 Manifestations de la carence en fer<br />

La carence en fer se manifeste de façon caractéristique par l’anémie microcytaire<br />

hypochrome. Comme la malassimilation peut entraîner une carence en<br />

folates ou en vitamine B 12 (et produire des globules rouges mégaloblastiques),<br />

la microcytose de la carence en fer peut passer inaperçue par les compteurs<br />

automatiques de globules; le tableau est dimorphique. L’anémie peut dans de<br />

rares cas s’accompagner de symptômes de pica et de dysphagie. À l’origine,<br />

le pica faisait référence au fait de manger de la glaise ou de la terre, mais,<br />

aujourd’hui, le pica le plus fréquent en Amérique du Nord consiste à manger<br />

de la glace. La dysphagie peut être attribuable au syndrome de Plummer-<br />

Vinson ou syndrome de Paterson-Kelly (atrophie des papilles de la langue et<br />

de l’épithélium œsophagien postcricoïdien) ou à la chéilite (lèvres rouges avec<br />

des fissures aux commissures, que l’on appelle également perlèche). Des<br />

symptômes de fatigue, de faiblesse, de dyspnée et d’œdème peuvent aussi se<br />

manifester. L’examen physique révèle souvent une pâleur, une langue<br />

atrophique et une koïlonychie (ongles cassants, plats ou « en cuiller »).<br />

Le tableau clinique d’une carence en vitamine B 12 et en acide folique comprend<br />

les manifestations non spécifiques de l’anémie mégaloblastique et ses<br />

séquelles, comme l’anémie, la glossite, la mégaloblastose et l’augmentation<br />

des taux sériques de la lacticodéshydrogénase (LDH). De plus, une carence en<br />

vitamine B 12 peut produire des anomalies neurologiques consistant en<br />

paresthésies symétriques dans les pieds et les doigts, accompagnées de troubles<br />

du sens vibratoire et de troubles proprioceptifs qui évoluent vers l’ataxie avec une<br />

dégénérescence subaiguë de la moelle épinière. Cette dégénérescence subaiguë<br />

combinée de la moelle épinière comprend des lésions des faisceaux pyramidaux<br />

et des cordons postérieurs. On n’observe pas ces manifestations neurologiques<br />

dans le seul cas d’une carence en acide folique.<br />

9.6 Manifestations de la malabsorption du calcium, de la vitamine D et<br />

du magnésium<br />

Une malabsorption du calcium, du magnésium et de la vitamine D peut<br />

entraîner des douleurs osseuses, des fractures, des paresthésies et une tétanie.<br />

Dans la tétanie latente, l’instabilité neuromusculaire peut être mise en évidence<br />

par un test de provocation. Le signe de Chvostek et le signe de<br />

Trousseau sont des tests de provocation de manifestations cliniques<br />

d’hypocalcémie provoquées par une instabilité neuromusculaire. L’ostéomalacie<br />

résultant de la carence en vitamine D touche principalement le rachis, la<br />

cage thoracique et les os longs, et peut s’accompagner ou non de fractures


L’intestin grêle 235<br />

(fissures de Milkman); elle peut aussi être à l’origine de douleurs très intenses,<br />

en particulier au niveau du rachis, du bassin et des os de la jambe. Un enfant<br />

qui souffre d’une malabsorption du calcium ou de la vitamine D présentera un<br />

rachitisme classique. L’hypomagnésiémie peut entraîner des crises et des<br />

symptômes identiques à ceux de l’hypocalcémie. Elle peut en outre réduire la<br />

capacité de réponse de la parathyroïde à la variation du calcium sanguin et<br />

altérer la régulation de la parathyroïde sur l’homéostasie du calcium.<br />

9.7 Démarche diagnostique de la malassimilation<br />

Une anamnèse détaillée et un examen physique peuvent, dans certains cas,<br />

fournir une indication immédiate de la cause et mieux circonscrire l’évaluation<br />

clinique. Par exemple, la détection d’une dermatite herpétiforme peut<br />

suggérer le trouble étroitement relié, la maladie cœliaque. Ou encore, des<br />

antécédents d’accès répétés de douleurs abdominales sévères et de perte de<br />

poids chez un alcoolique chronique peut suggérer une insuffisance pancréatique<br />

chronique après des accès répétés de pancréatite due à l’alcool.<br />

Un hémogramme complet peut révéler une anémie macrocytaire ou microcytaire.<br />

Un frottis de sang périphérique peut montrer la présence de cellules<br />

microcytaires (c.-à-d. carence en fer), des altérations évoquant une mégaloblastose<br />

avec des polynucléaires hypersegmentés (c.-à-d. carence en<br />

folates ou en vitamine B 12 ) ou une hyp<strong>of</strong>onction splénique (c.-à-d. corps de<br />

Howell-Jolly dans la maladie cœliaque). Les valeurs sériques du calcium, du<br />

phosphore et de la phosphatase alcaline (d’origine osseuse) peuvent suggérer<br />

une ostéomalacie. L’albumine sérique peut fournir une indication de l’état<br />

nutritionnel et des réserves protéiques. Le carotène sérique, le temps de<br />

prothrombine (vitamine K) ou le ratio international normalisé (RIN) peuvent<br />

fournir une évaluation indirecte de l’assimilation des graisses et de l’état de la<br />

coagulation (avant une biopsie de l’intestin grêle). On peut évaluer les<br />

réserves de fer de l’organisme en mesurant le fer sérique, la capacité totale de<br />

fixation (CTF) et la ferritine. En cas d’épuisement des réserves, il est possible<br />

qu’il y ait malabsorption ou perte de fer, due éventuellement à une perte de<br />

sang. Une tomodensitométrie osseuse par absorptiométrie biphotonique à<br />

rayons X (DEXA) peut être utile pour déceler une ostéopathie ostéopénique.<br />

Il se peut que la vitamine B 12 sérique, indication des réserves de vitamine<br />

B 12 de l’organisme, soit épuisée pour différentes raisons : réduction des<br />

apports, production insuffisante de facteur intrinsèque, pH luminal anormal,<br />

insuffisance pancréatique, prolifération bactérienne ou insuffisance de<br />

l’absorption iléale. Il est indispensable de faire une étude des selles pour<br />

écarter toute cause infectieuse ou parasitaire. Autrefois, les manuels de<br />

médecine suggéraient des algorithmes complexes requérant de nombreux tests<br />

en cas de maldigestion ou de malabsorption présumée. Ces algorithmes,


236 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 6. Traitement du syndrome de malabsorption<br />

Siège de la carence<br />

Traitement<br />

Pancréas<br />

Suppléments enzymatiques; insuline; conseils diététiques; intervention<br />

chirurgicale pour obstruction du canal pancréatique ou pour cancer<br />

Système hépato- Traitement endoscopique ou intervention chirurgicale pour obstruction<br />

biliaire<br />

des voies biliaires<br />

Muqueuse<br />

Régimes (p. ex. suppression du gluten ou du lait); suppléments nutritifs;<br />

composés 5-ASA ou corticostéroïdes dans la maladie de Crohn;<br />

antibiotiques dans la prolifération bactérienne ou la maladie de Whipple<br />

Système lymphatique Régime pauvre en graisses; triglycérides à chaîne moyenne (TCM)<br />

habituellement logiques et axés sur la fonction, étaient coûteux, prenaient<br />

beaucoup de temps et étaient difficiles à exécuter. En outre, ils étaient souvent<br />

élaborés avant des changements dans l’appréciation de la valeur des méthodes<br />

modernes d’imagerie (c.-à-d. tomodensitométrie du pancréas). Bon nombre<br />

de ces tests sont maintenant évités par une biopsie directe de la muqueuse de<br />

l’intestin grêle, bien que certains restent nécessaires pour une évaluation complète,<br />

en particulier la radiographie au baryum de l’intestin grêle. D’autres<br />

méthodes d’imagerie, y compris la coloscopie pour visualiser l’iléon distal ou<br />

même possiblement les dispositifs d’imagerie par capsule endoscopique<br />

(vidéocapsule telle que la capsule M2A), pourraient être utilisés de plus en<br />

plus et supplanter l’imagerie au baryum. Traditionnellement, la détermination<br />

d’une stéatorrhée était considérée comme très utile pour confirmer la présence<br />

d’une malassimilation générale. On procédait souvent à des mesures quantitatives<br />

de graisses fécales, mais c’est essentiellement de l’histoire ancienne<br />

car la plupart des laboratoires, même dans les hôpitaux d’enseignement de<br />

pointe, ont abandonné ce test. Chez la personne normale, la quantité de graisses<br />

apparaissant dans les selles semble relativement constante, malgré de petits<br />

changements dans la quantité des graisses alimentaires. Même si la consommation<br />

quotidienne de graisses est nulle, l’excrétion de graisses fécales est<br />

voisine de 2,9 g/jour, probablement de sources endogènes, en particulier des<br />

cellules desquamées des muqueuses, les lipides biliaires excrétés (cholestérol,<br />

acides biliaires) et des lipides bactériens. Avec une augmentation de la consommation<br />

alimentaire de graisses, la quantité de graisses fécales augmente<br />

jusqu’à 5 à 6 g/jour. Malheureusement, des collectes précises des graisses<br />

fécales sont difficiles, même dans des conditions bien contrôlées. Les apports<br />

alimentaires restreints, l’état de jeûne exigé par beaucoup de tests d’hôpital,<br />

la constipation et la collecte incomplète des selles sont des causes notoires de


L’intestin grêle 237<br />

TABLEAU 7. Doses usuelles des substances utilisées pour le soutien nutritionnel des patients<br />

qui souffrent du syndrome de malassimilation<br />

Minéraux<br />

Calcium p.o. : Au moins 1 000 mg/jour de calcium élémentaire sous forme de :<br />

a) gluconate de calcium (93 mg Ca 2+ /comprimé de 500 mg)<br />

b) carbonate de calcium (200 mg Ca 2+ /comprimé de 500 mg)<br />

i.v. : Gluconate de calcium, 10 mL (9,3 mg Ca 2+ /mL), d’une solution à<br />

10 % pendant 5 min<br />

Magnésium p.o. : Gluconate de magnésium (29 mg Mg 2+ /comprimé de 500 mg),<br />

2 à 6 g/jour<br />

i.v. : Sulfate de magnésium (solution à 50 %, 1 mL contient 2,03 mmol Mg 2+ )<br />

Fer p.o. : Fumarate ferreux (65 mg Fe élémentaire/comprimé de 200 mg),<br />

200 mg 3 f.p.j.<br />

Gluconate ferreux (35 mg Fe élémentaire/comprimé de 300 mg),<br />

600 mg 3 f.p.j.<br />

Sulfate ferreux (60 mg Fe élémentaire/comprimé de 300 mg),<br />

300 mg 3 f.p.j.<br />

i.m. : Fer dextran 1 mL 1 f.p.j. (calculé d’après l’Hb existante)*<br />

i.v. : Fer dextran env. 30 mL (calculé d’après l’Hb existante)* dans 500 cm 3<br />

de solution dextrosée à 5 % D/P pendant 4 heures, perfusion lente<br />

au début et sous surveillance<br />

*NOTE : Fe i.m. ou i.v. pour recharge en Fe seulement<br />

Zinc<br />

p.o. : Sulfate de zinc (89 mg zinc élément/capsule de 220 mg), 220 mg 3 f.p.j.<br />

Vitamines<br />

Vitamine A<br />

Vitamine A hydromiscible (25 000 UI/capsule), 25 000 UI/jour<br />

Vitamine B 12 100 µg/mois i.m.<br />

Vitamine D 2<br />

(Ergocalciférol) (50 000 UI/capsule), 50 000 UI 3 fois par semaine<br />

Vitamine E<br />

Vitamine E hydromiscible (100 UI/capsule), 400 UI/jour<br />

Vitamine K 1<br />

(Phytonadione) a causé des réactions mortelles, doit donc être évitée<br />

Vitamine K 3<br />

(Ménadione) hydrosoluble<br />

p.o. : 5 à 10 mg/jour<br />

i.v. : 5 à 10 mg/jour<br />

Acide folique p.o. : 1 mg/jour<br />

Autres<br />

hydrosolubles : 1/jour<br />

multivitamines<br />

(suite à la page suivante)<br />

fausses valeurs faibles. Enfin, la détermination d’une stéatorrhée ne définit<br />

pas la cause d’une malassimilation des graisses. En fait, la présence d’une<br />

quantité élevée de graisses dans les selles, si elle est exacte, peut-être due à une<br />

maldigestion intraluminale ou à une malabsorption au niveau de la muqueuse.<br />

Bien que les caractéristiques « classiques » d’une malassimilation peuvent


238 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 7.<br />

Doses usuelles des substances utilisées pour le soutien nutritionnel des patients<br />

qui souffrent du syndrome de malassimilation (suite)<br />

Suppléments pancréatiques<br />

Activité enzymatique (UI/unité)<br />

Préparation Type Lipase Trypsine Protéolytique Amylase<br />

Ku-Zyme HP ® Capsule 2 330 3 082 6 090 594 048<br />

Festal ® Délitement 2 073 488 1 800 219 200<br />

entérique<br />

Cotazym ® Capsule 2 014 2 797 5 840 499 200<br />

Viokase ® Comprimé 1 636 1 828 440 277 333<br />

Pancrease ® Microencapsulé<br />

> 4 000 > 25 000<br />

Habituellement de 4 à 8 capsules à chaque repas et de 2 à 4 s’il s’agit d’un goûter. Chez certains<br />

patients, il sera nécessaire d’administrer de plus fortes doses ou un traitement visant à abaisser le<br />

pH à l’aide d’un antagoniste des récepteurs H 2 ou d’un inhibiteur de la pompe à protons afin d’alcaliniser<br />

le liquide duodénal et d’accroître l’activité des enzymes pancréatiques.<br />

Agents liant les sels biliaires<br />

Cholestyramine, 4 g (1 cuillerée), 3 à 6 f.p.j., selon la réponse<br />

Le psyllium et l’hydroxyde d’aluminium peuvent aussi être efficaces<br />

Colestipol, 1 g 3 à 6 f.p.j., selon la réponse<br />

(suite à la page suivante)<br />

permettre de cibler l’investigation, la présentation clinique moderne de certains<br />

troubles, telle la maladie cœliaque, peut-être très subtile, souvent sans diarrhée<br />

ni aucun autre symptôme intestinal. Les seules manifestations peuvent être une<br />

perte de poids ou une anémie due à une malabsorption du fer, ce qui devrait<br />

amener à situer la cause dans l’intestin grêle, par exemple une maladie<br />

cœliaque. On a également élaboré des tests sanguins pour le dépistage de<br />

masse et la recherche de cas de maladie cœliaque (p. ex. anticorps antiendomysium<br />

ou transglutaminase tissulaire). Si le test est positifs, une petite<br />

biopsie de l’intestin grêle devrait pouvoir confirmer la suspicion sérologique de<br />

maladie cœliaque avant tout traitement.<br />

Le tableau 6 détaille le traitement de certains syndromes spécifiques de<br />

maldigestion ou de malabsorption et le tableau 7, des doses représentatives de<br />

certaines thérapies nutritionnelles.<br />

10. DIARRHÉE AIGUË<br />

Quand un patient se plaint de diarrhée, le médecin doit déterminer s’il s’agit


L’intestin grêle 239<br />

TABLEAU 7.<br />

Doses usuelles des substances utilisées pour le soutien nutritionnel des patients<br />

qui souffrent du syndrome de malassimilation (suite)<br />

Suppléments caloriques<br />

Huile de triglycérides à chaîne moyenne : (8 cal/mL), 60 mL/jour p.o., 480 cal/jour<br />

Portagen ® : triglycérides à chaîne moyenne + autres huiles : (1 cal/mL), 1 L/jour<br />

Alimentation entérale :<br />

Osmolalité<br />

Kcal*/ Protéines Na K mOsm/kg<br />

Produit 1000 mL g/1000 mL mg/L mg/L eau<br />

Ensure ® 1 060 37 740 1 270 450<br />

Isocal ® 1 040 34 530 1 320 300<br />

Osmolite ® 1 060 37 540 1 060 300<br />

Precision<br />

Isotonic Diet ® 960 29 800 960 300<br />

Precision LR Diet ® 1 110 26 700 810 525<br />

Travasorb STD ®<br />

(sans saveur) 1 000 45 920 1 170 450<br />

Standard<br />

Vivonex ®<br />

(sans saveur) 1 000 21 470 1 170 550<br />

High-Nitrogen<br />

Vivonex ®<br />

(sans saveur) 1 000 44 530 1 170 810<br />

Meritene Powder ®<br />

dans du lait 1 065 69 1 000 3 000 690<br />

Compleat B ® 1 000 40 1 200 1 300 390<br />

Formula 2 ® 1 000 38 600 1 760 435-510<br />

* Lorsque préparé selon la dilution standard.<br />

Alimentation parentérale : Intralipid ® 1 L/jour i.v. (10 mL/kg/jour)<br />

Travasol ® 2 L/jour i.v. (mélangé selon les besoins du patient en protéines)<br />

bien d’un changement des habitudes de défécation et si le patient se plaint en<br />

fait d’une augmentation de la fréquence et/ou du volume de ses selles. Pour le<br />

patient, le terme diarrhée désigne habituellement un changement de fréquence<br />

de défécation ou une consistance plus liquide des selles.<br />

Si la diarrhée du patient est aiguë (c.-à-d. d’une durée inférieure à deux<br />

semaines), il est probable que la malabsorption de l’eau et des électrolytes soit<br />

secondaire à un processus infectieux ou toxique (tableau 8). Par contre, si la<br />

diarrhée dure depuis plus longtemps, il faut chercher d’autres explications.


240 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 8.<br />

Causes courantes de diarrhée aiguë<br />

Médicaments<br />

Laxatifs<br />

Antiacides<br />

Antibiotiques<br />

Parasympathomimétiques<br />

Lactose<br />

Guanéthidine<br />

Quinidine<br />

Dérivés digitaliques<br />

Colchicine<br />

Suppléments potassiques<br />

Lactulose<br />

Bactéries (cytotoniques, par<br />

l’intermédiaire de toxines)<br />

Escherichia coli entérotoxinogène<br />

(toxines thermolabiles et thermostables)<br />

Vibrio cholerae<br />

Vibrio parahaemolyticus<br />

Clostridium perfringens<br />

Bacillus cereus<br />

Bactéries (cytotoxiques, par<br />

l’intermédiaire de toxines)<br />

Clostridium difficile<br />

Staphylococcus aureus<br />

Shigella dysenteriae<br />

Campylobacter jejuni<br />

Yersinia enterocolitica<br />

Bactéries (invasives)<br />

Salmonella<br />

Escherichia coli entéro-invasif<br />

Bactéries (mécanisme inconnu)<br />

Escherichia coli entéropathogène<br />

Escherichia coli entéro-adhérant<br />

Virus<br />

Parvovirus (virus de Norwalk)<br />

Réovirus (rotavirus)<br />

Protozoaires<br />

Cryptosporidium<br />

Giardia lamblia<br />

Entamoeba histolytica<br />

Parasites<br />

Strongyloïdes<br />

Trichuris<br />

Chez le patient qui n’a pas subi de chirurgie gastrique, les quatre causes de<br />

diarrhée chronique les plus fréquentes sont 1) le syndrome du côlon irritable;<br />

2) la maladie inflammatoire de l’intestin; 3) la malabsorption; 4) le cancer du<br />

côlon. Le médecin doit aussi tenir compte des altérations de la fonction<br />

intestinale causées par une consommation excessive de médicaments ou<br />

d’alcool (voir la section 11). Le ténesme, les besoins impérieux ou la sensation<br />

d’une évacuation incomplète suggèrent une atteinte du rectum ou du<br />

côlon sigmoïde. L’évacuation de sang, de pus ou de mucus suggère une<br />

inflammation de l’intestin, une maladie intestinale ischémique ou un cancer.<br />

Le syndrome de malassimilation (décrit dans la section précédente) doit être<br />

soupçonné en cas d’expulsion de particules d’aliments non digérés ou de<br />

gouttelettes d’huile et en présence de symptômes d’une carence nutritive,<br />

particulièrement la perte pondérale.


L’intestin grêle 241<br />

Dans les sociétés occidentales, le poids des selles quotidiennes est d’environ<br />

200 g. Comme les selles contiennent de 70 % à 90 % d’eau, quelle que<br />

soit leur consistance, la diarrhée pathologique consiste en un excès d’eau qui<br />

augmente le poids des selles. Ce concept conduit directement aux mécanismes<br />

responsables de la malabsorption ou de la stimulation de la sécrétion d’eau.<br />

Deux avertissements sont de mise. Premièrement, il faut souligner que le<br />

bol fécal varie en fonction de l’alimentation et surtout en fonction du contenu<br />

en glucides non digestibles (fibres alimentaires). Les selles sont moins volumineuses<br />

dans les pays industrialisés qu’elles ne le sont dans les sociétés où<br />

les habitants consomment de façon régulière de grandes quantités de fibres<br />

alimentaires. Deuxièmement, l’atteinte du côlon distal ou du rectum peut<br />

aussi se traduire par l’émission fréquente et souvent douloureuse de petites<br />

selles (en raison de la capacité limitée du réservoir), même s’il y a peu d’eau<br />

dans les selles et s’il n’y a aucune augmentation de leur poids. En fait, la<br />

« constipation » peut être courante chez les patients atteints d’une rectite.<br />

La diarrhée aiguë se définit donc comme une émission de selles d’un poids<br />

supérieur à 200 g par jour pendant moins de 14 jours. Elle représente toujours<br />

un changement dans les habitudes de défécation et est souvent associée avec<br />

une augmentation de la fréquence des selles.<br />

10.1 Diarrhée d’origine bactérienne<br />

Chez les personnes immunocompétentes, les infections intestinales guérissent<br />

habituellement d’elles-mêmes en moins de deux semaines. Les diarrhées<br />

aiguës d’origine bactérienne sont de deux types : le type toxigène lorsqu’une<br />

entérotoxine en est le principal agent pathogène responsable, et le type invasif<br />

lorsque le microorganisme pénètre tout d’abord dans l’entérocyte, même s’il<br />

est possible qu’une entérotoxine soit aussi produite. Les entérotoxines se<br />

classent en entérotoxines cytotoniques (toxines qui produisent une sécrétion<br />

de liquide dans l’intestin par l’activation des enzymes intracellulaires sans<br />

endommager la surface épithéliale) et en entérotoxines cytotoxiques (toxines<br />

qui causent une lésion de l’entérocyte et provoquent une sécrétion de<br />

liquide). Trois des principaux syndromes cliniques causés par les infections<br />

bactériennes sont 1) l’intoxication alimentaire, 2) la gastro-entérite infectieuse<br />

et 3) la diarrhée des voyageurs.<br />

10.1.1 INTOXICATION ALIMENTAIRE<br />

Le syndrome de l’intoxication alimentaire se caractérise par l’apparition d’un<br />

épisode bref mais fulgurant de diarrhée chez les personnes qui ont consommé<br />

des aliments contaminés par des bactéries ou par des toxines bactériennes.<br />

Staphylococcus aureus, Salmonella, Clostridium perfringens et Bacillus cereus<br />

sont responsables de 90 % des empoisonnements alimentaires.


242 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 9.<br />

Types d’Escherichia coli pathogènes intestinaux<br />

Nom Toxine Méchanism<br />

Entéropathogène (EPEC) Toxine shigelloïde Adhérence<br />

Entérotoxinogène (ETEC) Toxine labile (LT) Active l’adénylcyclase<br />

Toxine stable (ST) Active la guanylate cyclase<br />

Entéro-invasif (EIEC) Toxine shigelloïde Pénètre l’épithélium<br />

Entéro-adhérant (EAEC) — Adhérence<br />

Entéro-hémorragique (EHEC) Toxine shigelloïde Inconnu<br />

(vérotoxine)<br />

Staphylococcus aureus produit une entérotoxine thermostable, inodore et<br />

sans saveur, qui se développe dans les desserts, les poissons et les fruits de mer<br />

mal réfrigérés. L’ingestion de l’entérotoxine préformée cause des nausées, des<br />

vomissements et une diarrhée pr<strong>of</strong>use en quatre à huit heures. Les symptômes<br />

disparaissent spontanément en 24 heures. Aucun traitement particulier n’existe<br />

ni n’est nécessaire.<br />

Clostridium perfringens produit une toxine préformée à partir de spores qui se<br />

développent dans les viandes contaminées cuites à une température inférieure à<br />

50 °C. Les symptômes se caractérisent par l’apparition, de 8 à 24 heures après<br />

le repas, de diarrhée et de crampes abdominales sans vomissements. Ce mal dure<br />

moins de 24 heures et aucun traitement spécifique n’est indiqué.<br />

Bacillus cereus produit soit un syndrome de vomissements, soit un<br />

syndrome diarrhéique, selon l’entérotoxine. Le syndrome de vomissements<br />

est toujours associé avec l’ingestion de riz et il est causé par une toxine<br />

préformée élaborée dans le riz qui refroidit à la température ambiante. La<br />

toxine n’est pas détruite même si l’on fait sauter le riz par la suite, la chaleur<br />

n’étant pas suffisante. Le syndrome diarrhéique se produit après l’ingestion du<br />

microorganisme lui-même. Ces deux maladies sont de courte durée et ne<br />

requièrent pas de traitement spécifique.<br />

Le diagnostic de l’intoxication alimentaire est toujours posé d’après<br />

l’anamnèse. Sauf en cas de circonstances spéciales (p. ex. botulisme), il n’est<br />

pas coût-efficace de procéder à l’isolement de la toxine.<br />

10.1.2 GASTRO-ENTÉRITE<br />

Les microorganismes en cause dans les gastro-entérites exercent leurs effets<br />

prédominants essentiellement en colonisant et en détruisant l’épithélium


L’intestin grêle 243<br />

intestinal ou en produisant diverses entérotoxines.<br />

10.1.2.1 Gastro-entérite bactérienne cytotoxique causée par une toxine<br />

Vibrio cholerae est la cause typique de la diarrhée toxicogène. Il produit une<br />

toxine qui se fixe sur la membrane cellulaire interne et active l’adénylcyclase.<br />

Cette enzyme fait augmenter les taux d’AMP cyclique qui, à son tour, amène<br />

l’entérocyte à sécréter de l’eau et des électrolytes tout en altérant leur absorption.<br />

Le volume des selles peut dépasser 1 L par heure. Le traitement s’appuie<br />

sur le rétablissement de l’équilibre hydro-électrolytique et le maintien du<br />

volume intravasculaire. Même si le transport de l’eau et des électrolytes est<br />

perturbé, celui du glucose reste intact. Comme l’absorption du glucose<br />

s’accompagne du transport du Na + (et, par conséquent, de l’eau), on peut<br />

faire boire une solution aqueuse de glucose et de sodium pour remédier à<br />

la déshydratation aiguë du choléra.<br />

Plusieurs souches d’Escherichia coli (E. coli) sont entéropathogènes et<br />

exercent leurs effets de différentes façons (tableau 9). Les formes invasives de<br />

E. coli peuvent causer une colite qui ressemble à celle que l’on associe avec<br />

d’autres infections bactériennes et qui peut également rappeler une ischémie<br />

sur les plans clinique, endoscopique et histologique.<br />

E. coli entérotoxinogène (ECET) se multiplie dans la partie supérieure de<br />

l’intestin grêle après avoir franchi la barrière acide de l’estomac. Il envahit<br />

ensuite la surface de la muqueuse sans la pénétrer. Comme dans le choléra, il<br />

n’y a pas de lésions à la muqueuse ni de bactériémie. ECET produit deux<br />

types d’entérotoxines : une toxine thermolabile (TL) et une toxine thermostable<br />

(TS). Certains ECET n’élaborent que la toxine thermostable,<br />

d’autres que la toxine thermolabile, et d’autres enfin produisent les deux toxines.<br />

La toxine thermostable provoque une diarrhée en stimulant la sécrétion<br />

intestinale par l’intermédiaire de la guanylate-cyclase et ensuite par le GMP<br />

cyclique. La toxine thermolabile entraîne une diarrhée par un mécanisme similaire,<br />

sauf qu’elle agit par l’intermédiaire de l’adénylcyclase et de l’AMP<br />

cyclique. Après une période d’incubation de 24 à 48 heures, la maladie se<br />

manifeste par des douleurs abdominales hautes, suivies d’une diarrhée aqueuse.<br />

L’infection peut être bénigne avec seulement quelques selles liquides ou au contraire<br />

être grave et ressembler au choléra. Le traitement est symptomatique;<br />

l’antibiothérapie n’est pas efficace et en plus, elle risque de favoriser l’émergence<br />

de souches résistantes d’ECET.<br />

Vibrio parahaemolyticus se trouve dans les poissons et les fruits de mer<br />

(mollusques) et peut causer une diarrhée à la suite de leur ingestion s’ils sont<br />

consommés crus. L’entreposage de produits mal réfrigérés pendant plusieurs<br />

heures est la cause courante de la majorité des éclosions. L’apparition d’une<br />

diarrhée aqueuse et fulgurante est la principale manifestation de l’infection qui


244 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

s’accompagne aussi de crampes abdominales, de nausées et de vomissements.<br />

La fièvre et les frissons se produisent dans 25 % des cas. La maladie est brève,<br />

sa durée médiane étant de trois jours. Le traitement est symptomatique et<br />

l’antibiothérapie n’est pas indiquée.<br />

Après avoir été ingéré, Shigella dysenteriae attaque le côlon tout en<br />

épargnant l’estomac et l’intestin grêle. Les shigelles adhèrent à la surface de<br />

la muqueuse, puis y pénètrent et se multiplient dans les cellules épithéliales<br />

en se déplaçant latéralement à travers le cytoplasme vers les cellules adjacentes,<br />

grâce à des prolongements semblables à des filopodes. Il est rare que<br />

ces bactéries pénètrent la muqueuse intestinale et encore plus rare qu’elles<br />

envahissent la circulation sanguine. Qu’elles soient fixées à la muqueuse ou<br />

qu’elles aient pénétré la cellule, les shigelles produisent des toxines.<br />

Même un petit inoculum de 200 bactéries seulement (comparativement à<br />

plus de 10 7 pour Salmonella) provoque des crampes abdominales, des brûlures<br />

rectales, de la fièvre et de multiples selles sanguinolentes et mucoïdes de petit<br />

volume. Les principales complications intestinales sont la perforation et la<br />

déperdition protéique grave, mais d’autres complications générales peuvent<br />

aussi se produire, comme les symptômes respiratoires, le méningisme, les<br />

convulsions, le syndrome hémolytico-urémique, l’arthrite et les éruptions<br />

cutanées. L’ampicilline, à raison de 500 mg 4 f.p.j., ou le co-trimoxazole à<br />

raison de deux comprimés 2 f.p.j., pendant cinq jours, est le traitement de choix.<br />

Il convient de signaler que l’amoxicilline n’est pas efficace contre la shigellose.<br />

L’empoisonnement alimentaire à Salmonella serait attribuable à une entérotoxine<br />

semblable à celle de Staphylococcus aureus, mais cette entérotoxine<br />

n’a pu être identifiée jusqu’à maintenant. De 12 à 36 heures après l’ingestion<br />

d’aliments contaminés (en général de la volaille), la personne se met subitement<br />

à souffrir de maux de tête, de frissons et de douleurs abdominales qui<br />

s’accompagnent de nausées, de vomissements et de diarrhée. Ces symptômes<br />

peuvent persister de un à quatre jours pour finalement disparaître. Dans les cas<br />

de gastro-entérite à Salmonella non typhoïdique, l’antibiothérapie n’a pas<br />

réussi à modifier le taux de guérison. En fait, elle augmente la durée de<br />

l’« état de porteur » de la bactérie dans l’intestin et est donc contre-indiquée.<br />

Les diarrhées à Campylobacter jejuni sont plus fréquentes que les diarrhées<br />

causées par les salmonelles et les shigelles. La consommation d’aliments mal<br />

cuits ou contaminés cause l’infection. La bactérie se fixe à la muqueuse et<br />

libère une entérotoxine qui détruit l’épithélium environnant. Sur le plan<br />

clinique, on constate souvent un prodrome caractérisé par des symptômes<br />

généraux, des maux de tête et une sensation de malaise général. La maladie<br />

diarrhéique prolongée s’ensuit, souvent en deux phases. La phase initiale se<br />

caractérisant par une diarrhée sanglante suivie d’une légère amélioration et la<br />

seconde phase, par une aggravation de la diarrhée. La maladie dure en général


L’intestin grêle 245<br />

moins d’une semaine, même si les symptômes peuvent persister plus<br />

longtemps; les récidives surviennent dans jusqu’à 25 % des cas. Le traitement<br />

optimal consiste à administrer de l’érythromycine, à raison de 500 mg 4 f.p.j.,<br />

pendant sept jours.<br />

Yersinia enterocolitica se transmet souvent aux humains par les animaux<br />

de compagnie ou par l’ingestion d’aliments contaminés. Le microorganisme<br />

envahit les cellules épithéliales et produit une entérotoxine. Sur le plan<br />

clinique, le spectre de la maladie va de la simple gastro-entérite à l’iléite et à<br />

la colite invasives qui doivent être différenciées de la maladie de Crohn ou de<br />

la colite ulcéreuse (chapitre 9). Ce microorganisme cause de la diarrhée, particulièrement<br />

chez les enfants de moins de cinq ans. Les enfants de plus de<br />

cinq ans peuvent présenter une adénite mésentérique accompagnée d’iléite<br />

pouvant simuler une appendicite aiguë. Chez les adultes, Yersinia est moins<br />

susceptible d’être pathogène; mais, le cas échéant, il produit un épisode diarrhéique<br />

aigu et peut être suivi de symptômes articulaires et d’une éruption<br />

cutanée (érythème noueux) deux ou trois semaines plus tard. Le traitement<br />

est symptomatique, car les antibiotiques ne semblent pas modifier l’évolution<br />

de l’infection gastro-intestinale. Clostridium dificile cause une colite secondaire<br />

à l’administration d’antibiotiques (section 10.4).<br />

10.1.2.2 Gastro-entérite bactérienne invasive<br />

Certaines souches d’E. coli sont pathogènes et produisent une maladie qui ne<br />

peut être distinguée de la shigellose. On a isolé E. coli 0157:H7 dans des<br />

selles de patients présentant une maladie diarrhéique cliniquement reconnue<br />

comme une « colite hémorragique ». L’infection a été retracée et attribuée à<br />

de la viande hachée contaminée et provenant de sources variées, y compris<br />

d’importantes chaînes internationales de restaurants. L’infection par E. coli<br />

0157:H7 peut se compliquer d’un purpura thrombocytopénique thrombotique<br />

ou d’un syndrome hémolytique et urémique parfois fatal.<br />

L’ingestion du microorganisme entraîne des crampes abdominales graves et<br />

de la fièvre, qui sont suivies dans les 24 heures d’une diarrhée sanglante qui<br />

dure de cinq à sept jours. Comme le micro-organisme n’est présent dans les<br />

selles que pendant un très court laps de temps, il est important d’obtenir des<br />

selles le plus tôt possible pour poser le diagnostic. Le traitement est symptomatique,<br />

car les antibiotiques ne semblent pas modifier l’évolution de la maladie.<br />

Dans les cas graves où il y a possibilité de mégacôlon toxique, l’administration<br />

d’antibiotiques par voie systémique est indiquée.<br />

Des salmonelles de près de 1 700 sérotypes et leurs variantes peuvent être<br />

pathogènes chez l’être humain. Il faut une quantité d’environ 10 7 à 10 9 de<br />

microorganismes pour produire une maladie clinique. Les salmonelles


246 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 10.<br />

Diarrhée des voyageurs – Recommandations thérapeutiques<br />

Recommandations générales<br />

Éviter de consommer des cubes de glace, des légumes et des fruits crus, du poisson et des<br />

fruits de mer crus et des aliments non réfrigérés.<br />

Boire de la bière ou des boissons gazeuses embouteillées et faire bouillir l’eau.<br />

Boire des liquides de remplacement au moment de crises aiguës.<br />

Éviter les médicaments <strong>of</strong>ferts sur place en vente libre contre les crises aiguës.<br />

Recommandations particulières<br />

Pour le soulagement symptomatique de la crise aiguë :<br />

Diphénoxylate – 1 comprimé à 2,5 mg après chaque selle, jusqu’à concurrence de<br />

8 comprimés par jour<br />

Lopéramide – 1 capsule à 2,0 mg après chaque selle, jusqu’à concurrence de 8 capsules<br />

par jour<br />

Pepto-Bismol ® – 30 mL à intervalle de 30 min - 8 doses<br />

Pour diminuer l’intensité de la crise aiguë :<br />

Co-trimoxazole – 1 comprimé p.o. 2 f.p.j. - 3 jours<br />

Doxycycline – 100 mg p.o. 2 f.p.j. - 3 jours<br />

Mesures préventives :<br />

Non recommandées, sauf pour les immunodéficients ou les sujets atteints d’une maladie<br />

chronique. Dans les cas indiqués :<br />

Co-trimoxazole – 1 comprimé p.o. 2 f.p.j. - 3 jours<br />

Doxycycline – 100 mg p.o. 2 f.p.j. - 3 jours<br />

Cipr<strong>of</strong>loxacine – 500 mg p.o. 2 f.p.j. - 7 jours<br />

envahissent la muqueuse de l’intestin grêle et celle du côlon en particulier.<br />

Cette forme de gastro-entérite s’accompagne de nausées et de vomissements<br />

suivis de crampes abdominales et d’une diarrhée qui dure trois ou quatre jours<br />

pour disparaître graduellement. Dans 10 % des cas, une bactériémie se<br />

produit et, dans 5 % des cas, l’infection se propage aux os, aux articulations<br />

et aux méninges. Certains états concomitants peuvent augmenter le risque<br />

de salmonellose, notamment l’anémie hémolytique, le cancer, l’immunosuppression,<br />

l’achlorhydrie et la colite ulcéreuse. Le traitement demeure<br />

symptomatique dans les cas où la gastro-entérite à Salmonella ne cause pas de<br />

complications, d’autant plus que l’antibiothérapie prolonge l’hébergement des<br />

germes dans l’intestin. Dans les cas de salmonellose compliquée, c’est-à-dire<br />

lorsque le patient présente des facteurs prédisposants ou une septicémie, ou<br />

dans les cas où le sujet est très jeune ou très âgé, on administrera de l’ampicilline<br />

ou du co-trimoxazole.<br />

10.1.2.3 Gastro-entérite bactérienne aux mécanismes inconnus<br />

La diarrhée causée par des souches d’E. coli entérohémorragiques a tendance


L’intestin grêle 247<br />

à survenir chez les nouveau-nés et les jeunes enfants. Les enfants plus âgés et<br />

les adultes n’en souffrent qu’occasionnellement. Le mécanisme pathogène de<br />

cette diarrhée n’est pas élucidé, mais l’adhérence des microorganismes aux<br />

cellules épithéliales de l’intestin semble causer des lésions intestinales. Il n’y<br />

a pas véritablement lieu d’instituer un traitement spécifique, sauf chez les<br />

nouveau-nés en pouponnière, lorsqu’il y a épidémie. Les aminosides non<br />

absorbables administrés par voie orale constituent alors le traitement de choix.<br />

10.1.3 DIARRHÉE DES VOYAGEURS<br />

La diarrhée des voyageurs est un syndrome qui se caractérise par une<br />

augmentation de l’émission de selles mal formées, soit quatre ou cinq selles<br />

liquides par jour. Les crampes abdominales, les nausées, le ballonnement, les<br />

besoins impérieux, la fièvre et les malaises sont les symptômes les plus<br />

fréquents. La diarrhée des voyageurs commence souvent abruptement au<br />

cours du voyage ou peu de temps après le retour à la maison et se résorbe en<br />

général d’elle-même, après trois ou quatre jours. Dix pour cent des infections<br />

durent plus d’une semaine, environ 2 % plus d’un mois, et très peu, plus de<br />

trois mois. Escherichia coli entérotoxinogène (ECET) est le microorganisme<br />

pathogène le plus fréquemment isolé dans la diarrhée des voyageurs. Les<br />

germes adhèrent à la paroi de l’intestin grêle où ils se multiplient et produisent<br />

une entérotoxine qui entraîne la sécrétion de liquide et, finalement, la diarrhée.<br />

La gastro-entérite à Salmonella, la dysenterie à Shigella et les virus<br />

entéropathogènes (rotavirus ou virus de type Norwalk) sont aussi responsables<br />

de la diarrhée des voyageurs, à une fréquence moindre.<br />

Comme la diarrhée des voyageurs est en général bénigne et qu’elle se<br />

résorbe d’elle-même sans traitement, celui-ci est facultatif (tableau 10). Le<br />

rôle de la prophylaxie est imprécis. Les préparations de bismuth sont utiles,<br />

mais leur usage est limité à cause de leur goût et de la nécessité de prendre des<br />

doses élevées. L’antibiothérapie prophylactique peut réduire les risques de<br />

diarrhée, mais elle s’accompagne aussi de risques.<br />

10.2 Gastro-entérite virale<br />

Au moins deux groupes de virus peuvent causer une maladie diarrhéique aiguë.<br />

10.2.1 VIRUS DE NORWALK<br />

Le virus de Norwalk cause un syndrome qui se résorbe de lui-même et<br />

qui touche les enfants et les adultes, principalement en hiver. La période<br />

d’incubation est de 24 à 48 heures; elle est suivie d’une association variable<br />

de symptômes pouvant inclure de la fièvre, de l’anorexie, des nausées, des<br />

vomissements, des myalgies, des douleurs abdominales et de la diarrhée;<br />

une guérison se produit spontanément au bout de deux ou trois jours.


248 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

L’immunoélectroscopie de filtrats de selles révèle la présence caractéristique<br />

de particules virales de 27 nm (agent Norwalk). Aucun traitement spécifique<br />

n’est connu. Les vomissements traduisent un retard de la vidange gastrique;<br />

il n’y a pas de caractéristiques morphologiques de la gastrite.<br />

10.2.2 ROTAVIRUS<br />

Les rotavirus sont les causes les plus fréquentes de gastro-entérite non bactérienne<br />

aiguë chez les nourrissons et les jeunes enfants. Les rotavirus<br />

envahissent les cellules épithéliales de la muqueuse, et la maladie qui en<br />

résulte est plus grave que celle causée par le virus de Norwalk. Une infection<br />

à rotavirus nécessite souvent une hospitalisation et l’administration de solutés<br />

par voie intraveineuse. Ce type d’infection survient principalement chez les<br />

enfants âgés de 6 à 24 mois, et presque toujours en hiver. L’excrétion du virus<br />

est maximale trois ou quatre jours après le début des symptômes et disparaît<br />

trois ou quatre jours plus tard. La grande stabilité du virus et le grand nombre<br />

de particules virales excrétées dans l’environnement rendent la propagation<br />

inévitable, et le risque de transmission secondaire est élevé chez les sujets<br />

prédisposés. Par exemple, 20 % des infections à rotavirus diagnostiquées dans<br />

des hôpitaux pour enfants sont contractées à l’hôpital. La majorité des enfants<br />

plus âgés ou les adultes ont des anticorps aux rotavirus, de sorte que les infections<br />

subséquentes sont en général peu prononcées.<br />

10.3 Entérites parasitaires<br />

Les parasites qui infectent l’intestin peuvent se répartir en trois grands<br />

groupes : les protozoaires, les vers ronds et les vers plats. Les vers plats<br />

peuvent à leur tour être classés en cestodes (ténia) et en trématodes (douves).<br />

Nous n’aborderons dans ce chapitre que les quelques protozoaires observés<br />

chez des sujets canadiens immunocompétents (les infections survenant chez<br />

les personnes immunodéprimées sont discutées au chapitre 8).<br />

10.3.1 GIARDIA LAMBLIA<br />

La giardiase, ou parasitose à Giardia lamblia, est endémique dans bien des<br />

régions du monde, y compris le Canada. De une à trois semaines après avoir<br />

été contractée, la maladie apparaît subitement et se résorbe d’elle-même en<br />

trois ou quatre jours. Elle peut toutefois provoquer une diarrhée chronique<br />

épisodique accompagnée de ballonnement et, parfois, de stéatorrhée et de<br />

malabsorption ressemblant sur le plan clinique à la maladie cœliaque. Le<br />

diagnostic s’appuie sur l’identification du parasite; on le trouve dans les<br />

selles d’environ 50 % des patients et dans 90 % des biopsies de l’intestin<br />

grêleexaminées au microscope après une préparation histologique adéquate


L’intestin grêle 249<br />

FIGURES 15 A ET B. Aspect typique de la giardiase en coupe transversale à fort grossissement.<br />

La forme en croissant et le double noyau sont caractéristiques. L’une des coupes permet de voir<br />

une section longitudinale de l’organisme (flèche); il présente la forme en poire plus familière des<br />

frottis. Un seul des deux noyaux est visible.<br />

(figure 15 A et B). Le traitement de choix tant chez les patients asymptomatiques<br />

que symptomatiques est le métronidazole, à raison de 250 mg 3 f.p.j., pendant<br />

sept jours. Il faut parfois répéter le traitement pour éliminer complètement<br />

le parasite. La quinacrine, à raison de 100 mg 3 f.p .j., pendant sept jours, est<br />

aussi efficace.


250 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

10.3.2 AMIBIASE<br />

L’amibiase est une maladie aiguë et chronique causée par Entamoeba<br />

histolytica. Même si de nombreuses espèces d’amibes vivent dans l’intestin<br />

chez l’être humain, E. histolytica semble être la seule espèce qui lui soit<br />

pathogène. Ses manifestations sont très variables et vont de l’état de porteur<br />

asymptomatique à la forme sévère et fulminante de la maladie, qui s’accompagne<br />

d’une inflammation et d’ulcérations de la muqueuse. Chez les patients<br />

asymptomatiques, on ne trouve que les kystes dans les selles, sans signe<br />

d’envahissement tissulaire. Comme les kystes résistent à l’environnement<br />

extérieur, la maladie peut être transmise par des individus qui ignorent leur<br />

potentiel infectieux. Par contre, les patients atteints d’une amibiase aiguë ou<br />

chronique invasive abritent, sous la forme trophozoïte, de l’amibe qui est<br />

incapable de survivre en dehors de l’hôte.<br />

L’amibiase aiguë se manifeste par une diarrhée associée avec l’émission de<br />

sang et de mucus, et par des douleurs abdominales plus ou moins prononcées.<br />

Sous sa forme la plus grave, l’amibiase imite la colite ulcéreuse<br />

fulminante, et peut progresser vers la dilatation toxique (mégacôlon toxique)<br />

et la perforation du côlon. Durant la phase aiguë, les trophozoïtes peuvent être<br />

décelés dans les selles, dans les biopsies d’exulcérations rectales peu<br />

pr<strong>of</strong>ondes ou sur des frottis de mucus rectal.<br />

Les manifestations infectieuses chroniques de l’amibiase peuvent apparaître<br />

de nombreuses années après que la personne a quitté la région<br />

endémique. La personne présente alors des symptômes intestinaux non spécifiques<br />

et, parfois, des changements radiologiques de l’intestin grêle distal<br />

et du côlon qui imitent la colite ulcéreuse, le cancer ou la tuberculose. Le<br />

diagnostic requière la recherche de trophozoïtes dans les selles. L’épreuve<br />

d’hémagglutination indirecte est particulièrement valable comme outil complémentaire<br />

pour confirmer le diagnostic chez les patients qui présentent la<br />

forme invasive de la maladie.<br />

Les complications intestinales de l’amibiase comprennent l’hémorragie<br />

intestinale massive, qui est rare; la formation, n’importe où dans le côlon,<br />

d’un amœbome pouvant causer une occlusion ou une intussusception; la<br />

formation d’une sténose permanente au cours de la phase de guérison et la<br />

colite postdysentérique qui, en général, disparaît au fil des semaines ou des<br />

mois, sans traitement spécifique.<br />

La dissémination générale de l’amibe peut atteindre d’autres organes,<br />

comme le cerveau, les poumons, le péricarde et le foie. L’abcès hépatique est<br />

la forme extra-intestinale la plus fréquente de l’amibiase.<br />

Les agents thérapeutiques utilisés pour le traitement de l’amibiase agissent<br />

sur des sièges précis : dans la lumière intestinale, dans la paroi intestinale ou<br />

dans tout l’organisme. Le traitement doit donc être individualisé selon le siège


L’intestin grêle 251<br />

FIGURE 16. Micrographie électronique de Cryptosporidium dans l’intestin grêle montrant la<br />

situation intracellulaire mais extracytoplasmique caractéristique de l’organisme.<br />

de la maladie. Les porteurs asymptomatiques seront traités par de<br />

l’iodoquinol, à raison de 650 mg 3 f.p.j., pendant 20 jours; cet agent est efficace<br />

contre les amibes présentes dans la lumière intestinale. La maladie aiguë<br />

ou chronique répondra bien au métronidazole, à raison de 750 mg 3 f.p.j., pendant<br />

10 jours. Cependant, comme le métronidazole est moins efficace contre<br />

les amibes présentes dans la lumière intestinale, il faut ajouter de l’iodoquinol,<br />

à raison de 650 mg 3 f.p.j., pendant 20 jours.<br />

10.3.3 CRYPTOSPORIDIUM<br />

Le protozoaire Cryptosporidium appartient au sous-groupe Coccidia. Chez<br />

les personnes immunocompétentes, l’infection se manifeste par un état<br />

diarrhéique transitoire qui dure de un à sept jours et se résorbe de lui-même.<br />

Les adultes sont moins affectés que les jeunes enfants. Dans la majorité<br />

des cas, la maladie est bénigne et on n’a pas recours au médecin. En cas<br />

d’immunodéficience (p. ex. dans le cas du sida, de néoplasie, d’hypogammaglobulinémie<br />

ou d’une infection virale concomitante), une diarrhée aqueuse<br />

chronique persistante peut s’installer. Le diagnostic est confirmé par la<br />

présence d’ovocytes dans les selles, ou mieux encore, par une biopsie de la<br />

muqueuse et l’examen des microvillosités à la recherche d’inclusions<br />

d’ovocytes de Cryptosporidium (figure 16).<br />

On ne connaît à l’heure actuelle aucun traitement efficace contre la cryp-


252 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

tosporidiose. La spiramycine et le colostrum bovin hyperimmun sont pour<br />

l’instant employés à titre expérimental, de même que la thalidomide.<br />

10.4 Diarrhée médicamenteuse<br />

Comme presque tous les médicaments peuvent causer de la diarrhée, la première<br />

question à poser au patient qui en souffre est : « Quels médicaments<br />

(prescrits ou non) prenez-vous actuellement? » Dans le cas de diarrhée<br />

médicamenteuse, il suffit souvent de cesser de prendre le médicament. Même<br />

si de nombreux médicaments peuvent causer de la diarrhée, les manières dont<br />

ils la provoquent sont peu connues. Les causes fréquentes de la diarrhée<br />

médicamenteuse et les mécanismes pathogènes seront traités ci-dessous.<br />

10.4.1 DIARRHÉE ET COLITE PSEUDOMEMBRANEUSE LIÉES À<br />

L’ANTIBIOTHÉRAPIE<br />

Les antibiotiques sont la cause la plus fréquente de diarrhée médicamenteuse<br />

qui, dans de nombreux cas, disparaît spontanément. L’apparition d’une colite<br />

pseudomembraneuse en association avec l’antibiothérapie peut s’avérer grave<br />

et pourrait même parfois être mortelle.<br />

La colite pseudomembraneuse peut survenir après l’administration de<br />

presque n’importe quel antibiotique. Elle peut survenir plusieurs mois après une<br />

exposition aux antibiotiques et, dans de rares cas, apparaître sans qu’il y ait<br />

eu emploi d’antibiotiques. La fréquence des épisodes de diarrhée ou de<br />

colite ne semble pas être liée à la dose d’antibiotique ni à la voie d’administration<br />

de l’antibiotique. Les symptômes peuvent se déclarer pendant<br />

l’antibiothérapie ou dans les six semaines qui suivent l’arrêt du traitement.<br />

L’âge avancé est pour le moment le seul facteur de risque que l’on soit parvenu<br />

à recenser. La diarrhée est habituellement liquide et s’accompagne de mucus.<br />

L’hémorragie franche est rare. La diarrhée peut être débilitante, avec plus de<br />

30 émissions fécales en 24 heures. Elle peut s’accompagner de douleurs abdominales<br />

d’intensité variable et de fièvre bénigne. Selon la gravité de la diarrhée<br />

et la quantité de liquide perdue, l’hypotension, le choc et même la mort ont été<br />

signalés. Chez de nombreux patients, la diarrhée guérit spontanément à l’arrêt<br />

de l’antibiothérapie. Par contre, des examens plus poussés sont nécessaires dans<br />

les cas suivants : une diarrhée grave associée avec des symptômes généraux et<br />

une diarrhée persistante malgré l’arrêt de l’antibiothérapie responsable.<br />

En règle générale, une anamnèse précise suffit à évoquer le diagnostic de<br />

colite pseudomembraneuse et une sigmoïdoscopie suffit à le confirmer. La<br />

présence d’importantes quantités de mucus et de pseudo membranes blanches<br />

et saillantes typiques de la sigmoïdoscopie est un trait caractéristique. Les<br />

biopsies sont utiles pour confirmer le diagnostic (figure 17, A et B). Le côlon<br />

distal est touché chez la majorité des patients, de sorte que la sigmoïdoscopie


L’intestin grêle 253<br />

FIGURES 17A ET B. Les zones blanches confluentes de la colite pseudomembraneuse sont typiques.<br />

Dans la Figure 17B, la pseudomembrane semble s’élever comme un volcan à partir d’une région<br />

atteinte de la muqueuse; elle est constituée d’un exsudat de fibrine et de polynucléaires neutrophiles.<br />

est en général suffisante. Parfois, les lésions pseudomembraneuses ne sont<br />

présentes que dans le côlon droit et une coloscopie est alors nécessaire pour les<br />

mettre en évidence.<br />

Le diagnostic est confirmé par l’isolement de la toxine de C. difficile<br />

dans les selles. S’il est certain que la diarrhée n’a pas d’autres causes, le<br />

traitement peut débuter en attendant les résultats des épreuves, bien qu’il


254 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

soit habituellement possible de procéder rapidement à une sigmoïdoscopie<br />

afin de mettre en évidence les pseudomembranes. Si les symptômes se<br />

résorbent avec l’interruption de l’antibiothérapie, aucun traitement supplémentaire<br />

n’est indiqué. Dans les cas bénins, l’administration de métronidazole<br />

par voie orale, à raison de 250 mg 3 f.p.j., pendant 7 à 10 jours, est efficace.<br />

Dans les cas plus graves qui requièrent une hospitalisation, le médicament de<br />

choix est la vancomycine, à raison de 125 mg par voie orale, 4 f.p.j., pendant<br />

14 jours. La vancomycine est mal absorbée, et les effets toxiques sur le<br />

système nerveux central et sur les reins sont rares. Le coût élevé de cette<br />

antibiothérapie en limite l’usage, même si le taux d’éradication est élevé. Si<br />

le traitement par voie orale est impossible, comme dans le cas d’un iléus grave<br />

ou d’une intervention chirurgicale récente, on optera pour le métronidazole<br />

par voie parentérale. Environ 20 % des patients traités connaîtront une<br />

récidive des symptômes, de la colite pseudomembraneuse ou de l’infection<br />

par C. difficile, habituellement dans les 4 à 21 jours suivant l’interruption<br />

du traitement. On répétera alors le traitement par le métronidazole ou la<br />

vancomycine. La cholestyramine (Questran ® ) se lie à la toxine et peut<br />

soulager les symptômes même si elle n’élimine pas le microorganisme.<br />

10.4.2 ANTIACIDES AU MAGNÉSIUM<br />

En règle générale, la diarrhée osmotique causée par Mg 2+ est légère et peut<br />

même être appréciée des patients préalablement constipés. Il suffit de<br />

remplacer l’antiacide au magnésium par un antiacide à l’aluminium (sans<br />

magnésium) pour remédier à la situation. L’utilisation d’antiacides est une<br />

cause fréquente de diarrhée chez les patients dyspeptiques. Le magnésium<br />

peut également être employé par de rares patients atteints du syndrome de<br />

Münchausen pour produire une diarrhée en quête d’un traitement pour des<br />

problèmes qu’ils ont eux mêmes provoqués.<br />

10.4.3 ANTIARYTHMIQUES<br />

Les antiarythmiques associés le plus souvent avec la diarrhée sont la quinidine,<br />

le procaïnamide et le disopyramide. Le mécanisme en cause est inconnu. La<br />

substitution de l’antiarythmique par un autre peut supprimer la diarrhée.<br />

10.4.4 AUTRES MÉDICAMENTS<br />

La colchicine est souvent administrée dans les cas aigus de goutte. La diarrhée<br />

est un effet secondaire courant de ce médicament; elle disparaît à l’interruption<br />

du traitement. Là encore, le mécanisme en cause est inconnu, mais il pourrait<br />

être lié à l’effet cytotoxique de la colchicine sur l’intestin. Les antimétabolites,<br />

comme le méthotrexate, causent souvent de la diarrhée à la suite d’une lésion<br />

de la muqueuse de l’intestin grêle ou du côlon. Cette diarrhée peut être débilitante<br />

et difficile à maîtriser mais, mis à part la réhydratation et l’interruption


L’intestin grêle 255<br />

du traitement, on a recours à tres peu d’autres solutions.<br />

11. DIARRHÉE CHRONIQUE<br />

11.1 Pathogenèse<br />

Il y a au moins quatre mécanismes de base à l’origine de la diarrhée chronique,<br />

à savoir des facteurs osmotiques, sécrétoires et exudatifs et un transit intestinal<br />

anormal (tableau 11). Si la diarrhée cesse à l’état de jeûne, on peut soupçonner<br />

une origine osmotique de la diarrhée. Il peut y avoir un trou osmotique notable<br />

dans l’eau des selles mais, dans des circonstances cliniques normales, on<br />

ne le mesure pas. Elle peut survenir, par exemple, à la suite de l’ingestion<br />

de lait chez des sujets présentant une carence en lactase, après la prise de<br />

médicaments comme des laxatifs ou des antiacides, ou encore à la suite de la<br />

consommation excessive de succédanés de sucre qui renferment des alcools<br />

polycycliques, tels le sorbitol et le mannitol.<br />

Si la diarrhée persiste même à l’état de jeûne, par exemple la nuit, lorsque le<br />

patient est réveillé par une diarrhée, il s’agit plutôt d’une diarrhée sécrétoire.<br />

Elle est en général attribuable à l’infection ou à l’inflammation associée avec<br />

des bactéries toxigènes invasives. La diarrhée sécrétoire peut aussi être causée<br />

par le déversement d’une quantité excessive d’acides biliaires dans le côlon<br />

(entéropathie cholérétique) ou par l’effet cathartique des acides gras hydroxylés<br />

produits par l’action de la flore bactérienne intestinale sur les graisses mal<br />

absorbées. Il est très rare que la diarrhée sécrétoire soit due à un sécrétagogue<br />

intestinal produit par une tumeur (p. ex. le VIP [VIP = vaso-active intestinal<br />

peptide ou peptide intestinal vasoactif] ou la gastrine sécrétés par une tumeur<br />

des ilôts pancréatiques).<br />

La diarrhée exsudative est causée par une lésion de la muqueuse de l’intestin<br />

grêle ou du côlon, qui gêne l’absorption du sel et de l’eau, et elle peut<br />

s’accompagner de l’exsudation de protéines sériques, de sang, de mucus et<br />

de cellules desquamées. Cette diarrhée survient dans les atteintes infectieuses,<br />

inflammatoires et néoplasiques.<br />

Enfin, la diarrhée peut être secondaire à des troubles de la motilité<br />

intestinale causés par l’hyperthyroïdie ou la neuropathie diabétique. La<br />

sclérodermie entraîne une prolifération bactérienne et la stéatorrhée, tout<br />

comme l’accélération du transit observée dans les cas d’hyperthyroïdie. Le<br />

mécanisme de cette diarrhée dans ces états particuliers relève en fait d’une<br />

combinaison de facteurs pouvant inclure une prolifération bactérienne, une<br />

déperdition des sels biliaires ou des troubles de motilité (ralentissement ou<br />

accélération du transit intestinal).<br />

11.1.1 DIARRHÉE OSMOTIQUE<br />

La rétention des molécules des substances dissoutes dans la lumière intesti-


256 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 11.<br />

Mécanismes physiopathologiques de la diarrhée chronique<br />

Trouble principal Mécanismes probables Exemples / Affections associées<br />

Osmotique* Ingestion Antiacides, laxatifs<br />

Maldigestion<br />

Insuffisance pancréatique, carence en<br />

disaccharidases<br />

Malabsorption<br />

Malabsorption des glucides, diarrhée<br />

chlorée congénitale<br />

Transit intestinal Transit lent (syndrome Fistules, rétrécissements semblables à<br />

anormal de l’anse borgne) – ceux qu’entraîne la maladie de Crohn,<br />

durée de contact excessive neuropathie diabétique<br />

Transit rapide – durée de Résection intestinale, hyperthyroïdie,<br />

contact insuffisante côlon irritable<br />

Sécrétoire** Entérotoxines bactériennes Vibrio cholerae, E. coli entérotoxinogène<br />

Sécrétagogues<br />

Acides biliaires, acides gras, éthanol,<br />

prostaglandines, phénolphtaléine,<br />

sulfosuccinate de dioctyl sodium, VIP,<br />

gastrine, calcitonine<br />

Exsudatif Passage accru des liquides Colite ulcéreuse, maladie de Crohn<br />

dans la lumière<br />

* Voir le tableau 12. ** Voir le tableau 13.<br />

nale génère des forces osmotiques qui retardent l’absorption normale de l’eau<br />

(tableau 12). On peut citer comme exemples pratiques les glucides ou les ions<br />

bivalents mal absorbés, dont le phosphate, le sulfate et le magnésium, qui sont<br />

les composés laxatifs de plusieurs antiacides courants et des purgatifs salins.<br />

Comme les « pores » par lesquels les ions sont absorbés sont très fortement<br />

chargés, ces ions polyvalents tendent à être absorbés lentement. Ils s’accumulent<br />

donc dans la lumière intestinale, augmentent l’osmolalité et retardent<br />

ainsi l’absorption normale de l’eau, ou peuvent même extraire l’eau de la<br />

circulation pour l’amener dans la lumière intestinale.<br />

Les glucides forment l’autre groupe principal d’agents osmotiques; certains<br />

sont mal absorbés par tout le monde. Ainsi, le lactulose a été mis au point<br />

comme cathartique sous forme de disaccharide qui ne peut être hydrolysé ni<br />

absorbé. L’action du lactulose imite les effets d’une carence primaire en lactase,<br />

état qui se développe habituellement après le sevrage laitier pour la majorité des<br />

Canadiens originaires de l’Afrique, des Caraïbes ou de l’Asie, ainsi que pour<br />

30 % des personnes d’ascendance sud-européenne. Le lactose non absorbé


L’intestin grêle 257<br />

TABLEAU 12.<br />

Causes de la diarrhée osmotique<br />

Glucides<br />

Carence en disaccharidases spécifiques<br />

Malabsorption du glucose-galactose<br />

Malabsorption du fructose<br />

Ingestion de mannitol, de sorbitol (diarrhée « de la gomme à mâcher »)<br />

Traitement au lactulose<br />

Ions bivalents<br />

Sulfate de magnésium (sels d’Epsom)<br />

Sulfate de sodium<br />

Phosphate de sodium<br />

Citrate de sodium<br />

Antiacides renfermant du magnésium<br />

agit en retenant l’eau dans l’intestin grêle. En fait, toute maladie qui perturbe<br />

l’absorption des glucides provoque une diarrhée osmotique (p. ex. une maladie<br />

pancréatique qui gêne la digestion intraluminale ou une maladie de l’intestin<br />

grêle qui entraîne une carence primaire ou secondaire en disaccharidases).<br />

Comme les glucides ne sont pas inertes dans le côlon, leur métabolisme<br />

contribue à augmenter les forces osmotiques. Une fois que les glucides ont<br />

atteint la flore fécale, il se produit une fermentation anaérobie (figure 13). Les<br />

produits intermédiaires de cette fermentation sont l’éthanol et les acides<br />

lactique, formique et succinique. Ces produits sont par la suite dégradés à<br />

divers degrés. Les gaz CO 2 et H 2 sont rapidement absorbés et le CO 2 augmente<br />

dans l’air expiré. (Le H 2 expiré est le principe sur lequel se fonde le test<br />

respiratoire de l’hydrogène décrit précédemment.) Une production excessive<br />

de gaz cause des borborygmes et des flatulences riches en H 2 . Des acides gras<br />

à chaîne courte (AGCC) sont aussi produits (acides acétique, propionique et<br />

butyrique); ils sont responsables de l’acidification des selles observée dans la<br />

diarrhée causée par une malabsorption des glucides. La perte calorique<br />

due à la malabsorption des glucides est atténuée dans la mesure où les acides<br />

gras à chaîne courte sont absorbés dans le côlon (où ils peuvent servir de<br />

nutriments aux colonocytes), ce qui permet de récupérer certains glucides mal<br />

absorbés qui pénètrent dans le côlon.<br />

Voici les conséquences de la malabsorption. Avec une altération mineure de<br />

l’absorption des sucres, la fermentation dans le côlon est complète et seulement<br />

de petites quantités de solutés en excès sont présentes dans l’eau des<br />

selles. Le volume et le pH des selles ne changent pas de façon marquée au<br />

début, et jusqu’aux trois quarts de l’énergie du glucose est récupérée par


258 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

l’organisme sous la forme d’acides gras à chaîne courte (« récupération par<br />

le côlon »). À mesure que la malabsorption des glucides augmente, plus<br />

d’acides gras à chaîne courte sont formés que ne peuvent être réabsorbés, d’où<br />

une diarrhée attribuable à la présence d’acides gras à chaîne courte actifs sur<br />

le plan osmotique. Le pH des selles commence donc à baisser, ce qui<br />

provoque une diminution de l’effet de récupération dans le côlon.<br />

Sur le plan clinique, une diarrhée osmotique disparaît si le patient arrête<br />

de consommer la substance dissoute mal absorbée. L’analyse des selles ne<br />

doit révéler ni graisses, ni globules rouges, ni globules blancs. Bien que<br />

rarement mesuré, il pourrait y avoir un trou osmotique positif, c’est-à-dire<br />

que l’osmolalité des selles, moins le Na + des selles, plus le K + des selles<br />

multiplié par 2 (multiplié par 2 pour tenir compte des anions), est supérieure<br />

à 50, l’importance du trou osmotique étant à peu près équivalente à la<br />

concentration des substances dissoutes mal absorbées dans l’eau fécale.<br />

11.1.2 TRANSIT INTESTINAL ET DIARRHÉE<br />

Le rythme électrique de base de l’intestin grêle modifie l’excitabilité des<br />

cellules musculaires. Le pr<strong>of</strong>il de la motilité de l’intestin grêle consiste en<br />

trois types essentiels d’activité : 1) complexes migrants moteurs (CMM),<br />

salves périodiques d’activité contractile qui durent au moins cinq minutes,<br />

séparées par des périodes de repos, et qui semblent se propager lentement<br />

dans l’intestin grêle à une vitesse inférieure à 5 cm/min; 2) rythme minuscule<br />

composé de groupes réguliers de 3 à 10 contractions qui se manifestent à des<br />

intervalles de une à deux minutes, séparés par des périodes de repos, et qui<br />

descendent rapidement dans l’intestin grêle à une vitesse de 60 à 120 cm/min;<br />

3) complexe de potentiel d’action migrant, constitué d’une seule contraction<br />

annulaire ou d’un seul potentiel de pointe qui se propage dans l’intestin à une<br />

vitesse dépassant 90 cm/min.<br />

Toutes ces formes de motilité de l’intestin grêle déterminent la vitesse de<br />

déplacement des matières dans l’intestin, donc l’acheminement des matières<br />

fécales vers l’anus. La motricité gastro-intestinale détermine aussi le temps de<br />

transit, donc la durée de contact entre le contenu intestinal, les enzymes digestives<br />

et l’épithélium absorbant. Une accélération du transit intestinal provoque<br />

la diarrhée en limitant la digestion et l’absorption.<br />

La compréhension de la diarrhée liée à la motilité intestinale reste limitée.<br />

L’homme ne dispose que de mesures rudimentaires pour évaluer l’activité<br />

myoélectrique de l’intestin grêle. Les seuls moyens d’évaluation clinique pour<br />

mesurer le temps de transit oral-anal sont les marqueurs radio-isotopiques,<br />

les morceaux de tube radio-opaques ou les marqueurs glucidiques non<br />

absorbables. Même l’évaluation de la motilité de l’intestin grêle, contrairement<br />

à la motilité de l’œsophage, n’est encore qu’un outil de recherche.


L’intestin grêle 259<br />

La valvule iléo-cæcale joue un rôle important dans le fonctionnement des<br />

intestins. Le sphincter iléo-cæcal s’étend sur 4 cm à la jonction de l’intestin<br />

grêle distal et produit une zone de haute pression d’environ 20 mmHg. La<br />

distension de l’iléon entraîne une diminution de la pression au sphincter<br />

iléo-cæcal, tandis que la distension du côlon entraîne une augmentation de la<br />

pression dans cette région. La valvule iléo-cæcale ralentit le transit intestinal<br />

et prévient le « reflux » du côlon. Par ce mécanisme, la valvule iléo-cæcale<br />

joue un rôle important dans la régulation du transit intestinal. L’ablation<br />

chirurgicale de la valvule iléo-cæcale se traduira par un syndrome d’urgences<br />

intestinales et par le risque de prolifération bactérienne en raison du « reflux »<br />

fécal. Les troubles qui diminuent le péristaltisme peuvent favoriser la<br />

prolifération bactérienne dans l’intestin grêle et ainsi causer de la diarrhée.<br />

Enfin, une vidange prématurée du côlon, à cause de son contenu anormal ou<br />

de son « irritabilité » (inflammation) intrinsèque, entraîne une diminution du<br />

contact entre la muqueuse et le contenu intraluminal et, par conséquent, une<br />

augmentation de la fréquence et de la fluidité des selles.<br />

11.1.3 DIARRHÉE SÉCRÉTOIRE<br />

En temps normal, l’intestin grêle sécrète et absorbe les liquides et les électrolytes.<br />

La vitesse de sécrétion étant plus lente que la vitesse d’absorption,<br />

l’effet net des processus de transport dans l’intestin grêle se traduit par une<br />

absorption des liquides. Il s’agit là d’un concept fondamental, lequel signifie<br />

qu’un facteur physiopathologique peut réduire la vitesse d’absorption d’une<br />

des deux façons suivantes : en stimulant la sécrétion ou en inhibant l’absorption.<br />

Ces deux mécanismes peuvent causer, ensemble ou séparément, une<br />

diarrhée sécrétoire sur le plan clinique, et il n’est habituellement pas possible,<br />

de déterminer quel est le mécanisme prédominant. À des fins cliniques, il<br />

semble préférable de considérer ensemble l’inhibition de l’absorption des ions<br />

et la stimulation de leur sécrétion.<br />

Le prototype de la diarrhée sécrétoire est la diarrhée causée par le Vibrio<br />

cholerae; sa description clinique a tout d’abord suscité de l’intérêt au point de<br />

vue de la sécrétion comme un mécanisme en cause de la diarrhée (tableau 13).<br />

Les sécrétagogues bactériens peuvent se classer en deux grandes catégories.<br />

La première regroupe les grosses protéines thermolabiles (PM 84 000)<br />

dont l’entérotoxine du choléra est le prototype. Ces toxines semblent stimuler<br />

la sécrétion en activant l’adénylcyclase de la muqueuse, ce qui a pour conséquence<br />

d’augmenter les concentrations d’AMP cyclique dans la muqueuse.<br />

Le « messager » intracellulaire de la sécrétion est moins bien défini; l’AMP<br />

cyclique serait important, mais il existe d’autres étapes qui pourraient mettre<br />

en jeu les taux intracellulaires de Ca 2+ et la protéine régulatrice du calcium, la<br />

calmoduline. La seconde catégorie de sécrétagogues comprend les protéines


260 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 13.<br />

Causes de la diarrhée sécrétoire<br />

Mécanismes physiopathologiques<br />

Entérotoxines<br />

Sécrétagogues circulants (VIP, calcitonine, prostaglandines, sérotonine)<br />

Augmentation de la pression hydrostatique et tissulaire<br />

Hypersécrétion gastrique (syndrome de Zollinger-Ellison)<br />

Hypersécrétion pancréatique<br />

Laxatifs (acide ricinoléique, bisacodyl, phénolphtaléine, oxyphénisatine, sulfosuccinate de<br />

dioctyl sodium, aloès, séné, danthron)<br />

Sels biliaires<br />

Acides gras<br />

Syndromes cliniques<br />

Diarrhée sécrétoire aiguë<br />

Diarrhée sécrétoire chronique<br />

Ingestion de laxatifs de manière clandestine<br />

Syndrome du choléra pancréatique (VIP)<br />

Cancer médullaire de la thyroïde (calcitonine)<br />

Ganglioneurome, ganglioneuroblastome, neur<strong>of</strong>ibrome<br />

Syndrome de Zollinger-Ellison (gastrine)<br />

Syndrome carcinoïde malin (sérotonine)<br />

Diarrhée sécrétoire idiopathique<br />

Diarrhée chlorée congénitale (certains cas)<br />

Adénome villeux sécrétoire<br />

Atrophie complète des villosités de la muqueuse de l’intestin grêle<br />

Carence en niacine<br />

Lymphome intestinal<br />

Divers<br />

Obstruction intestinale<br />

Distension intestinale, iléus<br />

de plus petite taille qui sont thermostables. La mieux connue est la toxine<br />

thermostable (TS) d’E. coli qui serait capable de stimuler la sécrétion en activant<br />

la guanylate-cyclase de la muqueuse, produisant ainsi une augmentation<br />

des taux de GMP cyclique dans la muqueuse.<br />

Les toxines bactériennes ne sont cependant qu’une partie du processus. La<br />

sécrétion est aussi stimulée dans des conditions expérimentales par les<br />

hormones, les peptides à action locale (hormones paracrines), les facteurs<br />

luminaux (p. ex. les acides gras et les acides biliaires dihydroxylés), les<br />

neurotransmetteurs, les prostaglandines et les facteurs physiques (p. ex. la<br />

distension). Les acides biliaires et les acides gras non absorbés dans l’intestin<br />

grêle incitent le côlon à sécréter des électrolytes et de l’eau. Il reste toutefois<br />

à élucider le ou les mécanismes précis de cette stimulation. Les acides


L’intestin grêle 261<br />

biliaires et les acides gras ont des effets multiples sur l’intestin, dont la stimulation<br />

de la sécrétion, l’augmentation de la perméabilité intestinale et des<br />

modifications morphologiques transitoires.<br />

Un ou plusieurs stimuli hormonaux peuvent amener l’intestin grêle à<br />

sécréter de l’eau et des électrolytes en quantité massive. En général, le côlon<br />

n’est pas directement touché, mais il peut être incapable d’absorber la<br />

quantité excessive d’eau qu’il reçoit. La question clé, mais à laquelle il est<br />

difficile de répondre, est la suivante : « Quelle est l’hormone responsable? »<br />

On peut soupçonner divers sécrétagogues : le VIP (peptide intestinal vasoactif)<br />

dans le syndrome du choléra pancréatique, la calcitonine dans le cancer<br />

médullaire de la thyroïde, la gastrine dans le syndrome de Zollinger-Ellison,<br />

la sérotonine dans le syndrome carcinoïde malin, le glucagon dans le<br />

glucagonome. Les prostaglandines sont aussi de puissants stimulants de la<br />

sécrétion intestinale. La diarrhée secondaire à la sécrétion intestinale stimulée<br />

par les prostaglandines est un effet indésirable courant des analogues de<br />

prostaglandines administrés par voie orale.<br />

La distension intestinale secondaire à une obstruction ou à un iléus produit<br />

aussi un état sécrétoire local en amont de l’obstruction. Ce mécanisme n’est<br />

pas entièrement élucidé, mais il pourrait être lié à des changements de perméabilité<br />

(étant donné que les jonctions intracellulaires étanches ont été<br />

étirées et brisées) ainsi qu’à une stimulation directe, peut-être neutre, des<br />

mécanismes sécrétoires.<br />

Quatre caractéristiques permettent de reconnaître sur le plan clinique la<br />

diarrhée sécrétoire : 1) les selles sont aqueuses et leur volume est important,<br />

souvent supérieur à 1 L/jour; 2) une mesure pourrait indiquer un trou osmolaire<br />

des selles inférieur à 50 mOsm/L; 3) le trou osmolaire des selles mesuré<br />

est inférieur à 50 mOsm/L; 4) les selles ne contiennent pas de quantités excessives<br />

de graisses, de sang ou de pus, mais les patients en viennent souvent à<br />

présenter une déplétion hydrique, sodique et potassique.<br />

Le traitement consiste à supprimer l’agent causal. Divers agents empiriques<br />

qui influent sur le processus sécrétoire (p. ex. la somatostatine, les inhibiteurs<br />

des prostaglandines, les phénothiazines, les antagonistes du calcium, les agonistes<br />

des récepteurs 2 -adrénergiques et le lithium) peuvent être efficaces,<br />

mais leur utilisation doit être réservée aux centres de recherche. La réhydratation<br />

à l’aide d’une solution glucosée et saline administrée par voie orale<br />

est utile pour maintenir l’hydratation. Pour la diarrhée causée par les acides<br />

biliaires, la cholestyramine donne de bons résultats, à moins que le patient<br />

n’ait subi une résection de l’iléum de plus de 100 cm. Dans ces cas (résections<br />

> 100 cm), il se produira une stéatorrhée de même qu’une déperdition de sels<br />

biliaires, et le traitement doit porter d’abord sur la stéatorrhée.


262 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

11.1.4 DIARRHÉE EXSUDATIVE<br />

L’exsudation est un concept nettement plus simple. La rupture de la structure<br />

de la paroi intestinale par une inflammation, des ulcérations diffuses, des<br />

infiltrations et des tumeurs fait augmenter les débris cellulaires, le mucus, les<br />

protéines sériques et le sang dans la lumière. Les effets sur le volume des<br />

selles sont plus prononcés si les lésions touchent le côlon, étant donné que<br />

les mécanismes normaux d’absorption des liquides et des électrolytes ne<br />

parviennent pas à compenser l’augmentation de volume du chyme.<br />

11.1.5 DIARRHÉE INTENTIONNELLE<br />

Il faut toujours envisager la possibilité que la diarrhée soit intentionnelle<br />

chez un patient qui se plaint de diarrhée chronique et en présence de<br />

résultats négatifs aux épreuves de routine. En général, l’abus de laxatifs, de<br />

diurétiques et parfois d’hormones thyroïdiennes provoque la diarrhée. Il<br />

arrive souvent que la diarrhée soit suffisamment grave pour causer des<br />

déséquilibres électrolytiques ou acido-basiques et de la déshydratation. Le<br />

diagnostic peut être extrêmement difficile à poser, étant donné que l’anamnèse<br />

mène souvent à de fausses pistes ou qu’elle ne peut être obtenue. Les<br />

examens habituels (y compris la sigmoïdoscopie et les radiographies) seront<br />

en général négatifs à moins que le patient ne prenne un médicament qui cause<br />

une mélanose colique (muqueuse pigmentée brune), tel que les laxatifs d’anthracène<br />

à base de séné ou d’aloès. L’analyse des selles pour la recherche de<br />

Mg 2+ ou de séné ajoutée à une simple alcalinisation des selles pour la mise en<br />

évidence de la couleur rose de la phénolphtaléine peut révéler l’agent responsable.<br />

La recherche de laxatifs et d’autres médicaments dans la chambre du<br />

patient est parfois la seule manière de mettre le doigt sur le problème et de<br />

poser le diagnostic, bien que cette façon de procéder soit critiquée pour des<br />

raisons d’éthique. On doit donc prendre en considération les problèmes<br />

éthiques et le respect de l’intimité du patient avant d’entreprendre une fouille<br />

de la chambre ou des placards.<br />

11.2 Examen du patient souffrant de diarrhée chronique<br />

Chez le patient souffrant de diarrhée chronique, une anamnèse et un examen<br />

physique minutieux peuvent aider à localiser la partie de l’intestin qui est<br />

en cause (tableau 14). Bien qu’il y ait une superposition considérable de<br />

symptômes, il est parfois possible de différencier le grêle du côlon quant à<br />

la cause de la diarrhée. Une maladie colorectale s’accompagne souvent de<br />

petits mouvements sanguinolents fréquents, avec ténesme et impériosité. Les<br />

maladies de l’intestin grêle (ou les maladies pancréatiques) produisent souvent<br />

des selles claires, molles et volumineuses, qui sont rarement sanguinolentes ou<br />

accompagnées d’impériosité. Malgré la superposition de symptômes, cette


L’intestin grêle 263<br />

TABLEAU 14.<br />

Causes et sièges anatomiques de la diarrhée chronique<br />

Estomac<br />

Abus d’antiacides*<br />

Hypergastrinémie, syndrome de Zollinger-Ellison<br />

Maladie cœliaque manifeste postopératoire, carence en lactase ou insuffisance pancréatique<br />

Syndrome de chasse postopératoire*<br />

Intestin grêle<br />

Maladie de Crohn*<br />

Maladie cœliaque*<br />

Lymphome<br />

Maladie de Whipple<br />

Infections bactériennes, virales et parasitaires*<br />

Altération de l’intégrité intestinale : sclérodermie, amylose, diabète<br />

Côlon<br />

Néoplasie du côlon*<br />

Syndrome du côlon irritable*<br />

Maladies inflammatoires de l’intestin* : colite ulcéreuse, maladie de Crohn<br />

Médicaments<br />

Antiacides*<br />

Antibiotiques*<br />

Alcool*<br />

Antimétabolites<br />

Laxatifs<br />

Dérivés digitaliques<br />

Colchicine<br />

Causes métaboliques<br />

Hyperthyroïdie<br />

Hypoparathyroïdie<br />

Maladie d’Addison<br />

Diabète*<br />

Syndrome carcinoïde<br />

Vipome<br />

*Cause fréquente au sein du groupe.<br />

définition « clinique » des caractéristiques de la diarrhée peut être utile pour<br />

éviter la démarche dite « en aveugle », qui est moins productive.<br />

12. DÉFICITS EN DISACCHARIDASES<br />

L’intolérance aux disaccharides se définit comme un ensemble de symptômes


264 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

caractéristiques qui surviennent à la suite de l’ingestion de disaccharides en<br />

quantités nutritionnelles normales, entraînant une diarrhée symptomatique.<br />

L’intolérance aux disaccharidases est causée par un déficit d’un ou de<br />

plusieurs disaccharidases, et certaines personnes peuvent en être affectées<br />

sans présenter des symptômes.<br />

Les glucides alimentaires atteignent la muqueuse de surface du jéjunum<br />

sous forme d’isomaltose, de maltotriose et de trois disaccharides principaux :<br />

le maltose, le sucrose et le lactose. Le tréhalose, disaccharide que l’on trouve<br />

dans les jeunes champignons et dans certains insectes, est un élément mineur<br />

de l’alimentation occidentale. Les déficits en disaccharidases peuvent être<br />

primaires (héréditaires) ou secondaires (acquis). De façon caractéristique, les<br />

déficits primaires, qui sont rares, ne mettent en jeu qu’une seule enzyme. Ce<br />

type de déficit est inné (à l’exception de la forme courante de déficit en<br />

lactase qui fait son apparition à l’âge adulte). Il n’est pas associé avec une<br />

maladie intestinale et il est irréversible. Par contre, les déficits secondaires<br />

touchent en général toutes les disaccharidases. Ils peuvent se produire à tout<br />

âge, sont associés avec une affection de la muqueuse de l’intestin grêle et<br />

peuvent disparaître à la guérison de la maladie intestinale (p. ex. la maladie<br />

cœliaque, les syndromes de stase ou l’entérite aiguë). Étant donné que le<br />

déficit en lactase est peu fréquent chez les Canadiens d’ascendance nordeuropéenne,<br />

il faut procéder aux épreuves adéquates pour exclure les causes<br />

secondaires telles que la maladie cœliaque.<br />

Les manifestations cliniques du déficit enzymatique s’expriment par une<br />

diarrhée osmotique à la suite de l’ingestion du disaccharide. Le patient souffre<br />

de crampes et de distension abdominale, qui sont soulagés par l’expulsion de<br />

selles liquides et de flatuosités. La gravité de la diarrhée varie en fonction de<br />

l’apport en disaccharides, de l’ampleur du déficit de l’activité enzymatique et<br />

de la maladie intestinale associée. Le diagnostic clinique peut être confirmé par<br />

dosage enzymatique direct, à partir des biopsies de la muqueuse jéjunale ou par<br />

des méthodes indirectes permettant de détecter la malabsorption des disaccharides<br />

comme le test respiratoire de l’hydrogène. Le traitement des déficits<br />

héréditaires se fait habituellement par des régimes d’exclusion. Les enfants et<br />

les adolescents dont les besoins nutritionnels sont élevés et les adultes qui<br />

aiment le lait peuvent consommer du lait à faible teneur en lactose. On peut<br />

aussi préparer un tel lait en ajoutant au lait ordinaire de la lactase de levure<br />

(<strong>of</strong>ferte sur le marché, Lactaid ® ) et le réfrigérer pendant 24 heures.<br />

Le déficit en lactase héréditaire d’apparition tardive (à l’âge adulte) est très<br />

courant et probablement « normal » chez l’être humain. En effet, on constate<br />

chez la majorité des gens une diminution marquée de l’activité de la lactase<br />

qui peut se manifester dès l’âge de deux ans chez certains groupes raciaux ou<br />

pendant l’adolescence chez d’autres groupes. C’est le résultat de l’inhibition


d’origine génétique de la synthèse de la lactase par les cellules intestinales.<br />

Cependant, l’activité de la lactase est maintenue durant toute la vie adulte<br />

chez les personnes dont les ancêtres viennent de l’Europe du Nord.<br />

13. ENTÉROPATHIE PAR INTOLÉRANCE AU GLUTEN<br />

(MALADIE CŒLIAQUE)<br />

L’intestin grêle 265<br />

Dans la maladie cœliaque appelée aussi sprue cœliaque (entéropathie provoquée<br />

par le gluten ou entéropathie par intolérance au gluten), la muqueuse de<br />

l’intestin grêle est endommagée par les aliments renfermant du gluten,<br />

notamment ceux qui contiennent du blé, du seigle, de l’orge et peut-être de<br />

l’avoine. La maladie se caractérise par une atteinte non spécifique et une<br />

malabsorption cliniquement significative de certains nutriments. Le mécanisme<br />

précis de la toxicité du gluten est inconnu mais il comporte probablement des<br />

composantes génétique et immunologique. Le fractionnement des protéines<br />

céréalières montre que l’élément toxique pour la muqueuse intestinale est<br />

une partie de la molécule de gluten appelée gliadine. Même si la gliadine<br />

peut être inactivée dans un tube à essai par dégradation enzymatique, au<br />

cours de la digestion, la gliadine est dégradée en peptides plus petits par<br />

la pepsine et la trypsine, sans perdre sa toxicité pour l’humain. Chez les<br />

personnes sensibles, les symptômes et les changements pathologiques se<br />

manifestent dans les 12 heures qui suivent la consommation de gluten. Le<br />

système immunitaire joue aussi un rôle. L’intestin grêle des patients dont la<br />

maladie cœliaque n’est pas traitée montre une augmentation des lymphocytes<br />

et des plasmocytes dans le chorion de la muqueuse ainsi que des lymphocytes<br />

dans l’épithélium. Les analyses immunocytochimiques indiquent une<br />

augmentation des cellules qui produisent les IgA, les IgG et en particulier les<br />

IgM. On a aussi observé une hausse des taux sériques d’IgA et une réduction<br />

des taux sériques d’IgM; il semble qu’ils reviennent à la normale à la suite<br />

du traitement de la maladie.<br />

Les études génétiques indiquent qu’environ 10 % des parents au premier<br />

degré du patient sont porteurs asymptomatiques de la maladie. Les antigènes<br />

HLA-B8 et HLA-DW3, en général associés à un déséquilibre de liaison, se<br />

retrouvent chez 80 % des patients, comparativement à 20 % dans la population<br />

générale. En outre, un antigène spécifique est présent à la surface des<br />

lymphocytes B chez environ 80 % des patients qui ont une maladie cœliaque,<br />

par comparaison à 10 % à 15 % des témoins. On trouve cet antigène chez tous<br />

les parents des patients atteints, ce qui suggère que l’antigène est transmis par<br />

le mode autosomique récessif. La maladie cœliaque est également présente<br />

dans environ 2 % des cas de diabète insulino-dépendant.


266 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

13.1 Caractéristiques cliniques<br />

13.1.1 MANIFESTATIONS CHEZ L’ENFANT<br />

Chez l’enfant, les symptômes évoquant la maladie cœliaque apparaissent<br />

progressivement et se caractérisent par un ralentissement du développement<br />

après l’introduction des céréales dans l’alimentation. Le bébé affecté est<br />

irritable, anorexique, pâle et décharné. L’examen physique révèle une hypotonie<br />

générale et une distension abdominale. Les selles sont molles, volumineuses,<br />

nauséabondes et de couleur glaise. Chez l’enfant un peu plus vieux, les<br />

douleurs abdominales peuvent être le premier symptôme; elles sont parfois<br />

assez intenses pour causer une occlusion intestinale. L’enfant plus âgé souffre<br />

aussi d’anémie, de rachitisme et d’un retard de croissance. Chez l’adolescent,<br />

la maladie présente très souvent une phase latente. Même si la maladie est<br />

relativement asymptomatique durant l’enfance, les personnes affectées<br />

n’atteignent généralement pas leur grandeur normale, restant plus petites que<br />

leurs frères ou soeurs.<br />

13.1.2 MANIFESTATIONS CHEZ L’ADULTE<br />

La maladie cœliaque peut se manifester à tout âge, même après 70 ans, mais elle<br />

survient habituellement, chez l’adulte, entre 20 et 60 ans. Les symptômes<br />

classiques de diarrhée, de perte de poids, de malnutrition ou de perte osseuse<br />

(ostéomalacie) sont devenus moins courants chez l’adulte et l’adolescent (tableau<br />

15). Les manifestations subcliniques et légères sont fréquentes, survenant dans<br />

plus de 50 % des cas. Il peut n’y avoir qu’une seule manifestation : anomalie<br />

hématologique inexpliquée (carence en fer avec ou sans anémie, carence en<br />

folates, macrocytose), symptômes constitutionnels ou fatigue avec perte de poids<br />

minimale et aucun symptôme intestinal, ou symptômes digestifs ou abdominaux<br />

légers. Cette maladie est plus courante chez les personnes d’ascendance<br />

irlandaise ou écossaise, ou chez celles qui ont des antécédents familiaux.<br />

La diarrhée reste un symptôme courant, mais de nombreux patients présentent<br />

des habitudes de défécation normales, avec des périodes de diarrhée et<br />

de constipation en alternance, ou souffrent de constipation seulement. La<br />

diarrhée est habituellement légère, avec moins de trois selles par jour dans la<br />

plupart des cas. Les selles flottantes, qui constituent également un phénomène<br />

courant chez les sujets en santé ayant beaucoup de gaz intestinaux sont<br />

rarement signalées. En fait, il est plutôt rare que l’on observe des selles<br />

suggérant une stéatorrhée (selles mal formées, volumineuses et difficiles<br />

à chasser de la cuvette, graisseuses, collantes, pâles et nauséabondes). Le<br />

symptôme le plus courant est la fatigue; la flatulence, le borborygme, la<br />

distension et les crampes abdominales surviennent aussi fréquemment. La<br />

perte de poids généralement modérée (moyenne de 10 kg) peut être nulle


L’intestin grêle 267<br />

TABLEAU 15.<br />

Manifestations<br />

Symptômes intestinaux et extra-intestinaux de la maladie cœliaque chez l’adulte<br />

Causes ou carences probables<br />

Courantes<br />

Anémie<br />

Fer, folates, B 12 , pyridoxine<br />

Glossite<br />

Fer, folates<br />

Perte de poids / faiblesse<br />

Malassimilation – bilan azoté négatif<br />

Diarrhée / ballonnement<br />

Malassimilation des graisses et des glucides<br />

Douleurs abdominales<br />

Augmentation de la production de gaz<br />

intestinaux secondaire à la malassimilation<br />

des glucides<br />

Occasionnelles<br />

Hyperkératose folliculaire<br />

Vitamine A, folates<br />

et dermatite<br />

Troubles de pigmentation<br />

Insuffisance surrénale associée<br />

Œdème<br />

Hypoprotéinémie<br />

Tétanie<br />

Vitamine D, calcium, magnésium<br />

Ostéomalacie<br />

Vitamine D, calcium<br />

Purpura Hypoprothrombinémie (vitamine K)<br />

Rares<br />

Dégénérescence de la moelle épinière B 12<br />

Névrite périphérique<br />

B 12 , vitamine E, thiamine, pyridoxine<br />

Psychose et autres troubles psychologiques B 12 ; autres causes probables psychologiques<br />

Affections malignes (en général<br />

Inconnues<br />

lymphome de l’intestin grêle)<br />

dans les cas légers. Les maladies osseuses (ostéomalacie) et métaboliques<br />

(tétanie) cliniquement manifestes sont devenues rares en raison des régimes<br />

alimentaires généreux en Occident, mais elles restent des signes cardinaux de<br />

la maladie cœliaque. L’apparition d’une intolérance au lactose chez un sujet<br />

d’ascendance nord-européenne constitue un indice diagnostique.<br />

En général, l’atteinte de la muqueuse dans la maladie cœliaque va en<br />

s’accentuant du duodénum jusqu’au jéjuno-iléon et est plus sévère à la partie<br />

proximale; l’étendue de la lésion intestinale détermine en grande partie le<br />

tableau clinique de la maladie.<br />

13.2 Résultats des analyses de laboratoire<br />

Tout comme les signes et les symptômes cliniques, les résultats de laboratoire<br />

varient beaucoup. Pour poser un diagnostic formel de la maladie cœliaque,<br />

il faut démontrer qu’un régime sans gluten strict apporte des changements<br />

histologiques caractérisés par une amélioration de l’hyperplasie des cryptes et


268 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

de l’atrophie des villosités de la muqueuse de l’intestin grêle. En pratique,<br />

plusieurs tests peuvent être utilisés pour renforcer la suspicion d’une maladie<br />

cœliaque ou pour évaluer les conséquences biochimiques possibles. Les<br />

analyses sanguines, les épreuves sérologiques et l’examen des selles sont les<br />

moyens les plus utiles pour établir un diagnostic de maladie cœliaque. La<br />

biopsie de l’intestin grêle est l’épreuve diagnostique décisive.<br />

13.2.1 ÉPREUVES HÉMATOLOGIQUES<br />

L’anémie est présente chez moins de 50 % des patients adultes; elle peut être<br />

secondaire à une carence en fer, en folates ou, plus rarement, en vitamine B 12 .<br />

Étant donné que la maladie cœliaque touche davantage la partie proximale de<br />

l’intestin grêle (c.-à-d. le duodénum où se fait l’absorption du fer), l’anomalie<br />

de laboratoire la plus fréquemment observée est la carence en fer. La carence<br />

en folates est également fréquente. La diminution de l’absorption de la<br />

vitamine B 12 et la malabsorption de la vitamine K (avec un allongement du<br />

temps de prothrombine) sont rares.<br />

13.2.2 EXAMENS SÉROLOGIQUES<br />

La présence d’anticorps antigliadine, antiréticuline ou antiendomysium<br />

dans le sérum peut être démontrée en cas de maladie cœliaque. La mesure<br />

du titre d’anticorps IgA antiendomysium a été utilisée lors d’études de<br />

dépistage, mais elle dépend de l’observateur. Un anticorps IgA antitransglutaminase<br />

tissulaire peut être très utile pour les études de dépistage ou de<br />

recherche de cas, mais les résultats faux positifs sont possibles (p. ex. maladie<br />

hépatique auto-immune) et, comme dans le cas des tests d’anticorps antiendomysium,<br />

peuvent être faux négatifs en présence d’une déficience<br />

en IgA (occasionnellement associée à une maladie cœliaque). Si le test<br />

sanguin de dépistage est positif, il convient de procéder à une biopsie de<br />

l’intestin grêle pour confirmer l’existence d’altérations avant de commencer<br />

un traitement. Il s’agit d’un diagnostic important, qui requiert un<br />

effort sans relâche pour assurer une alimentation strictement exempte de<br />

gluten. En outre, un diagnostic correct de maladie cœliaque a des<br />

conséquences pronostiques reliées à d’autres affections associées (telle<br />

une ostéopathie ostéopénique) ou compliquantes (p. ex. un lymphome ou<br />

un cancer de l’intestin grêle). Malheureusement, les tests sérologiques ne<br />

constituent pas un reflet exact de l’observance d’un régime alimentaire.<br />

13.2.3 ANALYSE DES SELLES<br />

Le diagnostic de la stéatorrhée peut être confirmé par une analyse des graisses<br />

sur des selles recueillies pendant une période de 72 heures. La stéatorrhée<br />

est habituellement légère (10 à 20 g/j) et peut être absente dans certains cas.


L’intestin grêle 269<br />

Sa gravité dépend de l’étendue de la lésion intestinale, de sorte que les<br />

patients dont la maladie n’affecte que la partie proximale de l’intestin grêle<br />

ont souvent une excrétion normale de graisses dans leurs selles.<br />

13.2.4 ÉPREUVES BIOCHIMIQUES SUR LE SANG<br />

Une déplétion de minéraux (zinc, magnésium) et d’ions (potassium) survient<br />

seulement dans la forme grave de la maladie. Les protéines plasmatiques<br />

restent souvent dans les limites normales, mais une entéropathie exsudative<br />

(fuite de protéines sériques dans la lumière intestinale) possiblement accompagnée<br />

de malnutrition peut provoquer une baisse de l’albumine sérique. Un<br />

faible taux sérique de carotène (et parfois de cholestérol) peut indiquer la<br />

présence de la maladie.<br />

13.2.5 ÉPREUVES DE TOLÉRANCE AUX GLUCIDES<br />

Environ les deux tiers des patients atteints de la maladie cœliaque présenteront<br />

des valeurs anormales de D-xylose dans l’urine. Le D-xylose, un aldopentose, est<br />

absorbé par le segment supérieur de l’intestin grêle et excrété presque complètement<br />

dans l’urine dans les cinq heures qui suivent son ingestion. La malabsorption<br />

du D-xylose est mieux évaluée par la concentration sérique après ingestion,<br />

et indique spécifiquement une pathologie de l’intestin grêle ou une prolifération<br />

microbienne intraluminale. De la même façon, les lésions des cellules<br />

absorbantes entraînent aussi une carence secondaire en lactase. C’est pourquoi<br />

l’analyse de l’hydrogène respiratoire au lactose peut aussi être anormale dans la<br />

maladie cœliaque. En raison de la faible sensibilité et spécificité du test D-xylose<br />

dans la maladie cœliaque, celui-ci n’est pas recommandé.<br />

13.2.6 EXAMENS RADIOLOGIQUES<br />

L’étude barytée de l’intestin grêle peut montrer une dilatation de l’intestin et un<br />

léger épaississement des villosités de la muqueuse. Les signes intraluminaux de<br />

la malabsorption dont la floculation, la segmentation et la fragmentation de la<br />

substance barytée (dues à des quantités excessives de liquide qui se trouvent dans<br />

la lumière intestinale) sont variables et plutôt rares. (Les nouvelles suspensions<br />

barytées maintenant utilisées s’accompagnent rarement de ces signes.) Les résultats<br />

radiologiques ne sont pas spécifiques pour le syndrome de malabsorption<br />

dans la maladie cœliaque.<br />

13.2.7 ÉPREUVES DE PERMÉABILITÉ<br />

L’intestin de patients souffrant de la maladie cœliaque peut « fuir » et permettre<br />

le passage de sucres, tels que le mannitol ou le lactulose, de la lumière de<br />

l’intestin vers le sang, puis l’urine. La présence de quantités accrues de ces<br />

sucres dans l’urine après l’ingestion par voie orale indique une anomalie de la


270 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

barrière de perméabilité intestinale. L’observation d’une perméabilité plus<br />

élevée peut indiquer la présence de la maladie cœliaque ou d’autres troubles<br />

de l’intestin grêle.<br />

13.2.8 BIOPSIE DE L’INTESTIN GRÊLE<br />

Les biopsies de l’intestin grêle peuvent être obtenues par endoscopie au niveau<br />

du segment distal du duodénum. Dans de rares cas, si le diagnostic reste incertain,<br />

il peut être nécessaire de pratiquer une biopsie perorale d’un plus grand<br />

spécimen de la muqueuse au niveau de la jonction duodénojéjunale en utilisant<br />

une sonde de Rubin ou la capsule de Crosby.<br />

Un prélèvement de jéjunum « aplati » chez un adulte de race blanche dans les<br />

pays occidentaux indique presque toujours une maladie cœliaque, même si<br />

d’autres troubles peuvent aussi s’accompagner de changements similaires<br />

(sprue tropicale, lymphome diffus, déficit en immunoglobulines et syndrome<br />

de Zollinger-Ellison avec hypersécrétion gastrique). Chez les nourrissons,<br />

l’intolérance aux protéines de soya, l’intolérance aux protéines du lait de vache<br />

et la gastroentérite virale produisent des effets similaires. Par conséquent, pour<br />

établir sans l’ombre d’un doute le diagnostic de maladie cœliaque, il faut obtenir<br />

une réponse clinique à un régime sans gluten. Il n’est généralement pas nécessaire<br />

de confirmer cette amélioration par une deuxième biopsie chez l’adulte.<br />

L’atrophie de la muqueuse intestinale s’atténue même s’il faut plusieurs mois<br />

pour que l’aspect histologique de la muqueuse évolue vers la normale une<br />

fois le gluten éliminé de l’alimentation; par contre, il arrive souvent que ce<br />

rétablissement ne soit pas complet.<br />

Au microscope, la muqueuse « aplatie » typique de la maladie cœliaque<br />

révèle la disparition des villosités, un épithélium de surface cubique<br />

anormal, des cryptes nettement allongées et un nombre accru de plasmocytes<br />

et de lymphocytes dans le chorion de la muqueuse. La lésion, parfois<br />

très subtile, peut comprendre une augmentation de lymphocytes dans<br />

l’épithélium et une modification de la position du noyau dans l’entérocyte<br />

(figure 18). Dans une lésion subtile à villosités atrophiées, il est important<br />

de bien orienter l’échantillon pour obtenir une estimation correcte de la<br />

hauteur des villosités. Le segment proximal de l’intestin grêle est le plus<br />

gravement atteint, la lésion diminuant de gravité en direction distale. Cette<br />

lésion peut être en foyers. Cependant, la maladie cœliaque n’épargne pas le<br />

segment proximal si le segment distal est atteint. Parfois, l’aspect macroscopique<br />

de la muqueuse observée au moment de l’endoscopie haute peut<br />

alerter le médecin quant à la possibilité de la maladie cœliaque (érosion ou<br />

perte des plis) et l’inciter à procéder à une biopsie du duodénum.


L’intestin grêle 271<br />

FIGURE 18. Dans cette micrographie à fort grossissement de la muqueuse de l’intestin grêle d’un<br />

cas d’entéropathie provoquée par le gluten, on remarque la surface complètement aplatie<br />

de la muqueuse, le grossissement des cryptes, l’augmentation du nombre des lymphocytes<br />

intraépithéliaux et la plasmacytose du chorion.<br />

13.3 Traitement<br />

La pierre angulaire du traitement de la maladie cœliaque est le régime sans<br />

gluten, c’est-à-dire qu’il faut éviter le blé, le seigle, l’orge et l’avoine, mais de<br />

nombreux autres aliments restent permis. La consultation d’un spécialiste en<br />

diététique est primordiale pour assurer le succès du traitement. Il est souvent<br />

nécessaire d’ajouter des suppléments en fer et en acide folique. Si les produits<br />

laitiers causent de la diarrhée, il faut utiliser, pendant les premiers mois, les<br />

lactases qu’on trouve sur le marché. En général, les symptômes cliniques<br />

s’atténuent en moins de quelques semaines, mais certains patients plus atteints<br />

peuvent présenter des changements radicaux après quelques jours.<br />

13.4 Complications et pronostic<br />

Si le patient ne répond pas au traitement, la raison première est généralement la<br />

suppression incomplète (souvent involontaire) du gluten de son alimentation. Il<br />

faut donc réévaluer le régime alimentaire. Une consultation en diététique peut<br />

aider à déterminer les sources insoupçonnées de gluten telles que les médicaments,<br />

les bonbons ou le dentifrice. La consultation du médecin et du diététiste<br />

motive le patient à poursuivre son régime. Parmi les autres causes d’échec<br />

primaire figurent un diagnostic erroné (sprue tropicale, lymphome, etc.), une


272 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 19A.<br />

Aspect macroscopique d’un lymphome ulcéreux (flèche) et infiltrant de l’intestin grêle.<br />

FIGURE 19B. Vue à très faible grossissement de l’ulcération superficielle et de l’infiltration du<br />

tissu lymphomateux dans presque toute l’épaisseur de la paroi intestinale. On remarque<br />

l’aplatissement de la muqueuse à proximité du néoplasme dans ce cas d’entéropathie associée à<br />

un lymphome à cellules T.<br />

dysgammaglobulinémie, une insuffisance pancréatique associée « fonctionnelle<br />

» et une maladie cœliaque dite réfractaire. Si la maladie s’accentue après<br />

une période de rémission, il faut envisager la possibilité d’indiscrétions<br />

alimentaires (contenant du gluten), de cancer (il y a un risque accru de lymphome)<br />

ou de rares cas de maladie cœliaque réfractaire, de sprue collagène ou<br />

de jéjuno-iléite ulcéreuse non granulomateuse (figure 19A, B).


L’intestin grêle 273<br />

13.4.1 SPRUE RÉFRACTAIRE<br />

La sprue réfractaire est une maladie qui cause la récurrence des symptômes<br />

de malabsorption et des altérations de la muqueuse intestinale vues à la<br />

biopsie après une réponse initiale à un régime alimentaire sans gluten. Si les<br />

symptômes et les altérations vues à la biopsie persistent et ne répondent pas<br />

à un régime sans gluten, la maladie de l’intestin grêle ne peut être définie<br />

comme maladie cœliaque. On a décrit ce trouble comme une sprue non<br />

classifiée ou une maladie intestinale de type sprue. Ce trouble pourrait faire<br />

partie d’un groupe hétérogène, mais certains cas se révèlent par la suite<br />

comme une manifestation d’un lymphome occulte.<br />

13.4.2 JÉJUNO-ILÉITE ULCÉREUSE NON GRANULOMATEUSE<br />

Il s’agit d’une complication très rare qui s’accompagne de douleurs abdominales,<br />

d’hémorragies intestinales et de diarrhée. Malheureusement, la plupart<br />

des cas présentent un lymphome ulcératif difficile à diagnostiquer. Les ulcères<br />

peuvent aboutir à des perforations ou à des sténoses de l’intestin grêle. Les<br />

manifestations d’abdomen aigu dans la maladie cœliaque, dû à un ulcère perforé<br />

de l’intestin grêle, devrait amener à soupçonner un lymphome ulcératif<br />

sous-jacent comme cause de la perforation. Le taux de mortalité associé avec<br />

cette complication est très élevé.<br />

13.4.3 SPRUE COLLAGÈNE<br />

La sprue collagène est une affection rare généralement associée avec une<br />

malabsorption grave. En plus des aspects caractéristiques de la biopsie de<br />

l’intestin grêle chez les patients atteints de la maladie cœliaque non traitée,<br />

il est possible de voir une bande de collagène trichrome-positive marquée<br />

sous l’épithélium de surface (figure 20). Comme les altérations peuvent se<br />

présenter par plaques, il faut pratiquer de multiples biopsies à différents<br />

endroits pour confirmer le diagnostic. Il n’existe pas de traitement efficace<br />

autre que des soins nutritionnels de soutien.<br />

13.4.4 CANCER<br />

Chez les patients atteints de la maladie cœliaque, l’incidence du cancer<br />

augmente et les principales manifestations revêtent la forme de lymphomes<br />

de l’intestin grêle, en particulier, mais non exclusivement, de lymphomes à<br />

lymphocytes T. Dans la maladie cœliaque, des lymphomes peuvent également<br />

se trouver en des sites extra-intestinaux et même extra-abdominaux. Un<br />

régime strict sans gluten peut réduire ce risque. En général, la plupart des<br />

patients atteints de la maladie cœliaque ont une espérance de vie normale.


274 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 20. Ce cas de sprue collagène présente une couche fibreuse sous-épithéliale (flèches) de<br />

même qu’un aplatissement et des lésions de l’épithélium de surface caractéristiques de la sprue.<br />

14. SYNDROME DE L’INTESTIN COURT<br />

La gravité des symptômes associés à la résection de segments importants de<br />

l’intestin grêle est liée à l’étendue, au siège et au motif de la résection. Le<br />

siège de la résection est important puisque l’absorption des nutriments est<br />

plus efficace dans la partie proximale de l’intestin grêle (fer, folates, calcium).<br />

La résection d’un segment allant jusqu’à 40 % de l’intestin est en général<br />

bien tolérée pourvu que le duodénum, le jéjunum proximal, la moitié distale<br />

de l’iléon et la valvule iléo-cæcale soient préservés. En revanche, la résection<br />

des deux tiers de la partie distale de l’iléon et de la valvule iléo-cæcale seulement<br />

peut produire une grave diarrhée et une malabsorption importante,<br />

même si la résection ne porte que sur 25 % de l’intestin grêle au total. La<br />

résection de 50 % de l’intestin grêle entraîne une malabsorption marquée, et<br />

une résection de 70 % ou plus de l’intestin grêle entraîne une malnutrition<br />

assez grave pour causer la mort, à moins que cette malnutrition ne fasse<br />

l’objet d’un traitement énergique.<br />

La cause la plus courante de résection massive de l’intestin grêle est<br />

l’ischémie du grêle, due à une thrombose ou à une embolie de l’artère mésentérique<br />

supérieure, à une thrombose de la veine mésentérique supérieure ou à<br />

un faible débit dans les vaisseaux splanchniques. Plus rarement, un volvulus,<br />

des hernies étranglées, la maladie de Crohn, une néoplasie ou un traumatisme<br />

peuvent nécessiter une résection massive.


L’intestin grêle 275<br />

Il y a deux principaux types de diarrhée qui peuvent survenir à la suite<br />

d’une résection iléale massive. L’une est principalement attribuable à la<br />

malabsorption des acides biliaires et l’autre, à la malabsorption des graisses.<br />

Si la résection iléale est de faible étendue (moins de 100 cm), la synthèse<br />

hépatique des acides biliaires est suffisante pour compenser l’augmentation<br />

des pertes fécales. La concentration luminale des acides biliaires est<br />

maintenue dans les limites micellaires et il ne se produit pas de stéatorrhée<br />

importante; mais, lorsque l’absorption dans la partie terminale de l’iléon<br />

est inadéquate, les acides biliaires entrent dans le côlon et perturbent<br />

l’absorption de l’eau et des électrolytes, d’où le terme « diarrhée liée aux<br />

acides biliaires » ou « diarrhée cholérétique ».<br />

Si la résection iléale est étendue (plus de 100 cm), la synthèse hépatique est<br />

insuffisante pour compenser la perte des acides biliaires et la concentration<br />

luminale d’acides biliaires est trop faible pour assurer une solubilisation<br />

micellaire adéquate des graisses. Il s’ensuit donc une stéatorrhée, et la malabsorption<br />

des graisses est le principal facteur responsable de la diarrhée. Les<br />

acides gras qui sont alors en excès dans le côlon accentuent la malabsorption<br />

de l’eau et des électrolytes.<br />

Ces mécanismes pathogènes proposés comme explication sont confirmés par<br />

les observations thérapeutiques suivantes. Une réduction de l’apport alimentaire<br />

des graisses à chaîne longue réduit l’intensité de la diarrhée secondaire à une<br />

résection étendue et à la stéatorrhée. Il faut administrer un agent qui fixe les<br />

acides biliaires, comme la cholestyramine, le colestipol ou l’hydroxyde<br />

d’aluminium, pour venir à bout d’une diarrhée liée aux acides biliaires.<br />

Le syndrome de l’intestin court entraîne d’autres complications<br />

métaboliques, notamment l’hyperoxalurie et la néphrolithiase. L’oxalate alimentaire<br />

est normalement excrété dans les selles, lié au calcium sous la forme<br />

d’un complexe insoluble. Toutefois, chez un patient qui souffre de stéatorrhée,<br />

les acides gras dans l’intestin ont une affinité plus grande pour le calcium, ce<br />

qui a pour conséquence de laisser l’oxalate sous forme soluble et absorbable<br />

dans le côlon. Le syndrome de l’intestin court peut aussi entraîner une<br />

cholélithiase. Une malabsorption importante des acides biliaires entraîne<br />

la production de bile lithogène, ce qui prédispose le patient à la formation de<br />

calculs biliaires.<br />

15. MALABSORPTION ET MALDIGESTION SECONDAIRES À<br />

LA GASTRECTOMIE<br />

Il est fréquent que l’on observe un syndrome de malabsorption à la suite d’une<br />

gastrectomie. Le brassage des aliments avec les sucs digestifs peut être insuffisant<br />

à cause de la capacité réduite du réservoir de l’estomac, particulièrement


276 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

après une gastro-entérostomie. La perte du pylore peut provoquer une vidange<br />

gastrique rapide (« chasse »), un mauvais brassage de la bile et des sécrétions<br />

pancréatiques ainsi qu’un transit rapide dans l’intestin grêle. Le manque de<br />

coordination dans la sécrétion et le mauvais brassage de la bile et des sucs<br />

pancréatiques entraînent la mauvaise digestion des graisses. La prolifération<br />

bactérienne dans le syndrome de l’anse borgne (avec gastro-entérostomie)<br />

provoque la mauvaise digestion des graisses, des glucides, des protéines, des<br />

vitamines et des minéraux. Une chirurgie gastrique effectuée dans le but de<br />

permettre aux aliments de pénétrer dans la partie supérieure de l’intestin grêle,<br />

sans dilution et avec digestion minimale, peut avoir pour conséquence de<br />

démasquer une maladie cœliaque cliniquement occulte, un déficit en lactase<br />

ou une insuffisance pancréatique.<br />

16. FLORE NORMALE DE L’INTESTIN GRÊLE<br />

La concentration et la population des microorganismes de la flore intestinale<br />

normale varient tout le long du tube digestif. La flore de l’estomac, du<br />

duodénum, du jéjunum et de l’iléon proximal est plutôt clairsemée, en général<br />

inférieure à 10 5 /mL. L’iléon distal marque une zone de transition entre la flore<br />

clairsemée de l’intestin grêle proximal et la flore luxuriante de l’intestin distal<br />

où les concentrations de microorganismes atteignent 10 11 /mL. Les espèces prédominantes<br />

sont des anaérobies stricts, y compris des bacteroides, des streptocoques<br />

anaérobies, Bifidobacterium et Clostridium. Les microorganismes aérobies<br />

les plus courants sont E. coli, mais leur concentration (10 8 /mL) ne représente<br />

que 1/1 000 de la concentration usuelle des anaérobies dans le côlon.<br />

En temps normal, la flore bactérienne se trouve dans la lumière intestinale<br />

et dans la couche de mucus qui tapisse l’épithélium; elle est aussi fixée aux<br />

cellules muqueuses elles-mêmes. Chaque espèce microbienne se fixe sur un<br />

type spécifique de cellule ou de tissu. Par exemple, Streptococcus mutans,<br />

microorganisme présent dans la bouche et responsable de la carie dentaire, ne<br />

se fixe qu’à l’émail des dents; si l’on arrache les dents, Streptococcus mutans<br />

disparaît de la flore buccale. Ce phénomène de fixation sélective pourrait<br />

jouer un rôle important dans l’établissement et le maintien de la flore normale.<br />

Quels sont les mécanismes de contrôle de la flore normale de l’intestin<br />

grêle? Premièrement, dans l’estomac, l’acide empêche la croissance de la<br />

majorité des microorganismes qui pénètrent par l’oropharynx. La bile au<br />

niveau du duodénum a d’autres propriétés antibactériennes. Deuxièmement,<br />

la motilité de l’intestin grêle a aussi comme effet mécanique de balayer les<br />

bactéries et contribue à maintenir les microorganismes à des concentrations<br />

faibles dans la partie proximale de l’intestin. Troisièmement, la valvule<br />

iléocæcale joue un rôle important en empêchant le reflux de grandes quantités


L’intestin grêle 277<br />

de microorganismes en provenance du côlon. Enfin, le mucus sécrété par les cellules<br />

caliciformes et les immunoglobulines exercent une action antibactérienne.<br />

Alors que l’intestin grêle détermine son nombre de microorganismes,<br />

dans le côlon, ce sont les microorganismes eux-mêmes qui contrôlent leur<br />

propre population bactérienne. Les acides gras volatils (p. ex. les acides<br />

acétique, butyrique et propionique) sont produits par les anaérobies et aussi<br />

par certains coliformes. Ces acides gras à chaîne courte diminuent le<br />

pH intraluminal et empêchent la croissance de certains microorganismes,<br />

ce qui permet d’en maîtriser la prolifération. De plus, certains microorganismes<br />

produisent d’autres substances, appelées bactériocines, pour<br />

inhiber la croissance bactérienne.<br />

Nous venons de voir les microorganismes en cause, l’endroit où ils se<br />

trouvent et la manière dont leur nombre est contrôlé. Nous allons maintenant<br />

examiner l’impact considérable de la flore normale sur les composants intraluminaux,<br />

comme les aliments, l’urée, la bilirubine, les sels biliaires, les<br />

médicaments et les toxines potentielles. Les glucides alimentaires sont fermentés<br />

par les bactéries, ce qui donne naissance à des acides gras à chaîne<br />

courte, à de l’hydrogène et à du gaz carbonique. Les acides gras des glucides<br />

et ceux des graisses alimentaires sont hydroxylés par la flore intestinale. Ces<br />

acides gras hydroxylés stimulent la sécrétion de liquide et sont donc laxatifs.<br />

De la même façon, les bactéries modifient les protéines et les acides<br />

aminés. Le tryptophane est transformé en composés indoles, la glycine, en<br />

ammoniaque, et la méthionine, en hydrogène sulfuré. L’urée est transformée<br />

en ammoniaque, réaction qui intervient dans l’encéphalopathie hépatique. La<br />

bilirubine est métabolisée en urobilinogène; les sels biliaires peuvent être<br />

scindés en enlevant la glycine et la taurine, et subir une déshydroxylation,<br />

l’acide cholique étant transformé en acide désoxycholique et l’acide chénodésoxycholique,<br />

en acide lithocholique. Cette action de séparation et de<br />

déshydroxylation rend les acides biliaires plus insolubles et moins capables de<br />

former des micelles. Les bactéries peuvent aussi modifier la synthèse et le<br />

métabolisme des vitamines. La vitamine B 12 peut être liée et ainsi ne plus être<br />

absorbable (d’où un test de Schilling anormal en cas de prolifération bactérienne),<br />

alors qu’il peut y avoir production de vitamine K et d’acide folique.<br />

La flore normale a aussi des effets sur les médicaments et les autres substances<br />

ingérées. La salazosulfapyridine, médicament utilisé dans la colite<br />

ulcéreuse, n’est pas absorbée sous sa forme originelle. Les bactéries<br />

intestinales scindent la substance en deux fragments, l’acide aminosalicylique<br />

(produit actif) et la sulfapyridine (produit inactif). Le sulfamide<br />

succinylsulfathiazol est inactif, mais sous l’action de bactéries intestinales<br />

il est transformé en sulfathiazol, un antimicrobien actif. Le cyclamate<br />

constitue un autre exemple; il est inerte et non absorbé sous sa forme


278 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 16.<br />

Causes du syndrome de prolifération bactérienne<br />

Détérioration des mécanismes normaux de défense<br />

Achlorhydrie<br />

Stase : Anatomique (maladie de Crohn, multiples diverticules de l’intestin grêle,<br />

lymphome, rétrécissements)<br />

Fonctionnelle (sclérodermie, neuropathie diabétique du système nerveux<br />

autonome, pseudo-obstruction)<br />

Perte de la valvule iléo-cæcale<br />

Contamination<br />

À la suite d’une infection<br />

Fistules entéro-entériques, fistules gastro-coliques<br />

originelle. La flore intestinale produit de la cyclohexylamine, substance<br />

potentiellement carcinogène. Par contre, les bactéries peuvent activer les<br />

promédicaments et produire des substances carcinogènes.<br />

17. SYNDROME DE PROLIFÉRATION BACTÉRIENNE<br />

Le syndrome de prolifération bactérienne (contamination de l’intestin grêle)<br />

peut être associé à toute maladie perturbant le maintien normal (écosystème)<br />

de la flore de l’intestin grêle. La suppression de l’acidité gastrique, l’altération<br />

de la motilité de l’intestin grêle ou toutes lésions prédisposant à la stase gastrointestinale<br />

ainsi que la perte de la fonction de la valvule iléo-cæcale favorisent<br />

une contamination massive de la lumière intestinale (tableau 16).<br />

Le syndrome de prolifération bactérienne produit des anomalies cliniques<br />

provenant des effets physiopathologiques sur le contenu luminal et la<br />

muqueuse. Les bactéries consomment des protéines et des glucides. On peut<br />

aussi observer une perturbation du transport des sucres, peut-être liée à l’effet<br />

toxique des acides biliaires scindés. La stéatorrhée est causée par la déconjugaison<br />

et la déshydroxylation des acides biliaires; l’acide lithocolique est précipité<br />

et les acides biliaires libres sont réabsorbés passivement, ce qui les rend<br />

non disponibles et incapables de réaliser la solubilisation micellaire. Il peut<br />

également y avoir des lésions de la muqueuse. Il s’ensuit une malabsorption<br />

des graisses, du cholestérol et des vitamines liposolubles. La vitamine B 12 est<br />

aussi mal absorbée, en raison de la fixation et de l’incorporation de la vitamine<br />

dans les bactéries. Cependant, la carence en folates est plutôt rare en cas de<br />

prolifération bactérienne; contrairement à ce qui se produit avec la vitamine<br />

B 12 , les folates synthétisés par les microorganismes dans l’intestin grêle sont


L’intestin grêle 279<br />

TABLEAU 17.<br />

Diagnostic du syndrome de prolifération bactérienne<br />

Culture de prélèvements au niveau du jéjunum<br />

Épreuves d’évaluation de la déconjugaison des sels biliaires<br />

Épreuves respiratoires au 14 C-glycocholate<br />

Évaluation de la déconjugaison in vitro<br />

Épreuves d’évaluation de la malabsorption<br />

Vitamine B 12 (test de Schilling)<br />

D-xylose, glucose, lactulose<br />

Épreuves respiratoires de l’H 2<br />

biodisponibles pour l’hôte; chez les patients qui présentent une prolifération<br />

bactérienne de l’intestin grêle, les taux sériques en folates tendent en fait à être<br />

élevés plutôt que bas. Les bactéries intestinales produisent également de la<br />

vitamine K, et les patients qui présentent une prolifération bactérienne et qui<br />

sont traités avec l’anticoagulant warfarine peuvent avoir des difficultés à maintenir<br />

le degré désiré d’anticoagulation. En plus de la stéatorrhée, les patients<br />

aux prises avec une prolifération bactérienne se plaignent souvent de diarrhée<br />

aqueuse. Les principaux mécanismes responsables de ce type de diarrhée<br />

comprennent 1) la perturbation du milieu intraluminal avec des acides biliaires<br />

déconjugués, des acides gras hydroxylés et des acides organiques, et 2) les<br />

changements directs de la motilité intestinale.<br />

Chez certains patients, les symptômes de la maladie primaire prédominent<br />

et la preuve de la contamination bactérienne ne peut être faite que par les<br />

analyses. Chez d’autres, la maladie primaire est asymptomatique et le patient<br />

présente un syndrome classique de malabsorption causé par la prolifération<br />

bactérienne. Si l’on soupçonne une prolifération bactérienne, il faudra<br />

procéder à une anamnèse détaillée pour en déterminer les causes possibles.<br />

L’examen physique peut être normal, ou il peut révéler des signes de carences<br />

en nutriments spécifiques.<br />

Une biopsie de l’intestin grêle est utile pour éliminer une maladie primaire<br />

de la muqueuse comme cause de la malabsorption. En général, on n’observe pas<br />

d’anomalies histologiques de la muqueuse jéjunale dans les cas de<br />

prolifération bactérienne. Pour confirmer la prolifération bactérienne, il faut<br />

absolument procéder au prélèvement par aspiration d’un échantillon de la<br />

partie proximale de l’intestin grêle et à des cultures (tableau 17). Les prélèvements<br />

doivent être obtenus en conditions d’anaérobiose et on déterminera par la<br />

suite le nombre de colonies. En général, des concentrations de bactéries<br />

supérieures à 10 5 /mL suggèrent fortement une prolifération bactérienne. Ces


280 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

méthodes sont ardues et ne sont habituellement employées que dans un cadre de<br />

recherche. On peut aussi tenter de démontrer l’effet métabolique de la<br />

prolifération bactérienne, comme la déconjugaison intraluminale des acides<br />

biliaires par le test respiratoire sur les acides biliaires au 14 C-glycocholate. Cette<br />

substance (acide cholique conjugué à la glycine marquée au 14 C), lorsqu’elle est<br />

ingérée, circule normalement dans la circulation entéro-hépatique sans être<br />

scindée. La prolifération bactérienne dans l’intestin grêle sépare le fragment<br />

glycine marqué au 14 C. La glycine est ensuite oxydée en 14 C-CO 2 , lequel est<br />

absorbé dans l’intestin puis exhalé. L’excès de 14 CO 2 se retrouve dans l’air<br />

expiré. Ce test ne permet pas de distinguer la prolifération bactérienne d’une<br />

lésion ou d’une résection de l’iléon, étant donné que l’expiration excessive de<br />

14<br />

CO 2 est causée par la déconjugaison bactérienne dans le côlon du glycocholate<br />

marqué au 14 C non absorbé. Ce manque de précision crée certains problèmes<br />

cliniques, puisqu’une prolifération bactérienne peut se superposer aux lésions<br />

de l’iléon dans des maladies comme la maladie de Crohn.<br />

La mesure de l’hydrogène dans l’air expiré permet de mettre en évidence<br />

l’activité métabolique de la flore intestinale de l’hôte, étant donné qu’il n’y a<br />

pas de production d’hydrogène dans les tissus des mammifères. Chez les<br />

patients qui présentent une prolifération bactérienne, on peut relever une<br />

production excessive et rapide d’hydrogène dans les épreuves respiratoires, à<br />

la suite de l’administration de 10 g de lactulose ou d’un sucre faiblement<br />

absorbé métabolisé en H 2 par les bactéries de la lumière intestinale.<br />

Un autre signe cardinal de la prolifération bactérienne est la stéatorrhée<br />

décelée par le dosage des graisses dans les selles émises pendant 72 heures.<br />

Le test de Schilling peut aussi être anormal en cas de prolifération bactérienne.<br />

De la vitamine B 12 marquée au 57 Co est administrée avec le facteur<br />

intrinsèque après l’administration d’une dose de saturation de vitamine B 12<br />

non radio-active administrée par voie parentérale pour empêcher l’accumulation<br />

dans les tissus de la vitamine B 12 marquée. Chez les personnes en bonne<br />

santé, la vitamine B 12 marquée au 57 Co se combine avec le facteur intrinsèque<br />

et est absorbée, et plus de 8 % de la dose se retrouve dans l’urine en moins de<br />

24 heures. Chez les patients qui présentent une prolifération bactérienne, les<br />

bactéries se combinent avec le facteur intrinsèque ou avec la vitamine, ou<br />

encore avec les deux, ou elles les détruisent, ce qui diminue l’absorption de la<br />

vitamine B 12 . L’antibiothérapie permet de ramener à la normale l’absorption<br />

de la vitamine B 12 .<br />

Pour traiter la prolifération bactérienne, il faut, dans la mesure du possible,<br />

en éliminer la cause. L’addition d’un antibiotique (tétracycline, à raison de<br />

250 mg 4 f.p.j. ou métronidazole, à raison de 250 mg 4 f.p.j., pendant 10 jours)<br />

permet souvent d’obtenir une rémission pendant de nombreux mois. Si la cause<br />

ne peut être supprimée et les symptômes réapparaissent, l’administration


intermittente d’antibiotiques (p. ex. une fois par jour, un jour par semaine ou<br />

une semaine sur quatre) permettra d’obtenir de bons résultats.<br />

18. ENTÉROPATHIE EXSUDATIVE<br />

L’intestin grêle 281<br />

L’entéropathie exsudative englobe un large éventail de troubles gastro-intestinaux<br />

associés à une déperdition excessive de protéines plasmatiques dans la lumière<br />

intestinale. Les pertes entériques quotidiennes normales en protéines plasmatiques<br />

sont inférieures à 1 % ou 2 % des réserves plasmatiques. On ne connaît<br />

pas bien la voie par laquelle la déperdition des protéines plasmatiques s’effectue<br />

à travers la muqueuse normale. Il est probable que la desquamation rapide des<br />

cellules épithéliales de la surface muqueuse s’accompagne d’une perte des<br />

protéines plasmatiques à partir du chorion, au niveau où la cellule se détache.<br />

Dans presque toute affection de l’intestin grêle, la déperdition excessive des<br />

protéines plasmatiques à travers la paroi intestinale peut découler de plusieurs<br />

mécanismes : maladie de la muqueuse sans ulcération mais avec une perméabilité<br />

accrue; maladie de la muqueuse avec érosion ou ulcération (perte de<br />

protéines dans l’exsudat inflammatoire) et obstruction lymphatique avec fuite<br />

de la lymphe intestinale directement des chylifères obstrués. L’entéropathie<br />

exsudative peut également être causée par une inflammation, une ischémie ou<br />

une tumeur du côlon. Des changements d’adaptation dans la synthèse<br />

endogène des protéines plasmatiques individuelles peuvent compenser en<br />

partie cette perte excessive dans l’intestin.<br />

Sur le plan clinique, la perte d’albumine peut se manifester par un œdème<br />

déclive. Une diminution des taux de protéines, qui lient l’hydrocortisone et les<br />

hormones thyroïdiennes, abaisse le taux plasmatique total de ces hormones,<br />

même si des taux normaux d’hormone libre permettent le maintien de la fonction<br />

hormonale. Une déperdition entérique excessive des protéines plasmatiques<br />

autres que l’albumine entraîne rarement des problèmes cliniques; l’hypogammaglobulinémie<br />

qui s’ensuit ne prédispose pas les patients à l’infection, et la perte<br />

des facteurs de coagulation est rarement suffisante pour nuire à l’hémostase.<br />

Cependant, les patients atteints d’une entéropathie exsudative causée par une<br />

obstruction lymphatique subissent non seulement une déperdition d’albumine et<br />

de protéines plasmatiques, mais aussi une perte de la lymphe intestinale avec une<br />

perte subséquente des triglycérides à chaîne longue, des vitamines liposolubles<br />

et des petits lymphocytes.<br />

Il faut envisager l’entéropathie exsudative chez les patients qui présentent<br />

une hypoprotéinémie et chez lesquels on a rejeté les autres causes d’hypoprotéinémie<br />

(p. ex. la protéinurie, la malnutrition protéique et les hépatopathies).<br />

La déperdition des protéines fécales peut être quantifiée à l’aide d’albumine<br />

marquée au 51 Cr ou par la clairance de l’ 1 -antitrypsine dans les selles.


282 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

Le traitement de l’entéropathie exsudative consiste à traiter les maladies<br />

responsables de la perte protéique. On a parfois recours à l’alimentation<br />

entérale ou parentérale pour améliorer l’état nutritionnel du patient pendant<br />

le traitement de la maladie sous-jacente. La déperdition des protéines<br />

entériques chez les patients qui présentent une lymphangiectasie intestinale<br />

diminue en général avec un régime alimentaire pauvre en graisses.<br />

L’absorption normale des triglycérides à chaîne longue stimule le débit<br />

lymphatique intestinal; en leur absence, il se produit un abaissement de la<br />

pression dans les vaisseaux lymphatiques, donc une diminution de la perte<br />

de lymphe dans la lumière. Les triglycérides à chaîne moyenne, qui n’ont<br />

pas besoin de faire appel au transport lymphatique intestinal, peuvent<br />

remplacer les triglycérides à chaîne longue et ainsi abaisser davantage la<br />

pression lymphatique intestinale et diminuer la perte de la lymphe<br />

entérique et la déperdition protéique.<br />

19. DIVERTICULE DE MECKEL<br />

Le diverticule de Meckel est en fait un vestige du canal omphalomésentérique;<br />

il forme une ectasie sacculaire congénitale qui siège en général sur les derniers<br />

100 cm de l’iléon. Ce diverticule se retrouve chez 1 % à 3 % de la population<br />

générale. Sur ce nombre, de 30 % à 40 % sont asymptomatiques. Les complications<br />

du diverticule de Meckel comprennent l’hémorragie (souvent sévère),<br />

l’obstruction intestinale, la diverticulite, l’écoulement ombilical, la perforation<br />

et la péritonite. L’hémorragie, complication la plus fréquente, est causée par<br />

l’ulcération de la muqueuse iléale adjacente à la muqueuse gastrique ectopique<br />

située à l’intérieur du diverticule. (Cependant, chez les patients qui ont un<br />

diverticule de Meckel mais pas de muqueuse gastrique ectopique, il ne survient<br />

généralement pas d’hémorragie.) Cette hémorragie est souvent indolore et<br />

s’observe chez les enfants et les jeunes adultes. Le diverticule de Meckel est<br />

responsable de près de 50 % de toutes les hémorragies digestives basses<br />

chez les enfants. La concentration physiologique de pertechnétate marqué au<br />

technétium 99m est habituellement déterminée par la muqueuse gastrique<br />

ectopique et est à la base de la scintigraphie dans le diverticule de Meckel.<br />

Comme seulement 60 % des diverticules de Meckel renferment une muqueuse<br />

gastrique ectopique, les résultats faux négatifs sont assez fréquents. Si le résultat<br />

de la scintigraphie est positif, il est possible d’accroître la sensibilité de<br />

l’épreuve en la pratiquant après un court traitement par un antagoniste des<br />

récepteurs H 2 de l’histamine (ARH 2 ) : ces antagonistes induisent la sécrétion<br />

d’acide par les cellules pariétales ectopiques du diverticule de Meckel et<br />

peuvent ainsi transformer un résultat positif en un résultat négatif.


L’intestin grêle 283<br />

20. SYNDROME CARCINOÏDE<br />

Plus de 90 % des tumeurs carcinoïdes prennent naissance dans le tube digestif.<br />

Les sièges les plus fréquents sont l’appendice, l’iléon terminal et le rectum. En<br />

général, les tumeurs carcinoïdes non métastatiques sont asymptomatiques. Le<br />

syndrome carcinoïde n’est associé qu’avec des tumeurs carcinoïdes dont les<br />

métastases se sont largement étendues au foie ou envahissent d’autres foyers<br />

(p.ex. les poumons). Les métastases sont rares dans les tumeurs carcinoïdes de<br />

l’appendice, mais fréquentes dans les tumeurs carcinoïdes qui touchent les<br />

autres sites.<br />

Même si les tumeurs carcinoïdes se distinguent entre elles quant à leur<br />

capacité de produire et d’emmagasiner de la sérotonine, ou 5-hydroxytryptamine<br />

(5-HT), la production excessive de cette substance et de son métabolite,<br />

l’acide 5-hydroxy-indole-acétique (5-HIAA), reste l’anomalie chimique la<br />

plus caractéristique de ces tumeurs. C’est la production de cette hormone ainsi<br />

que la production d’histamine, de catécholamines, de kinase et de<br />

prostaglandines qui sont responsables de la majorité des symptômes. La<br />

symptomatologie comprend la diarrhée, les bouffées vasomotrices, les sibilances,<br />

la céphalée vasculaire de Horton, la valvulopathie (en particulier une<br />

sténose de la valvule pulmonaire) et une éruption cutanée pellagroïde. Le<br />

syndrome carcinoïde peut être soupçonné par la présentation clinique de la<br />

maladie et son diagnostic confirmé en biochimie par une augmentation de<br />

l’excrétion urinaire de 5-HIAA ou de 5-HT plaquettaire.<br />

Lorsque le syndrome carcinoïde est apparent, la guérison est en général<br />

impossible, parce que la tumeur a déjà produit des métastases. Néanmoins, il<br />

faudra procéder à l’ablation de la tumeur intestinale si elle est responsable<br />

d’une obstruction. Les antagonistes de la sérotonine (p. ex. méthysergide et<br />

cyproheptadine) peuvent parfois atténuer les symptômes. L’octréotide,<br />

analogue de la somatostatine, peut s’avérer très efficace pour atténuer les<br />

symptômes; l’interféron peut également être utile. Il est prudent de retarder<br />

la chimiothérapie ou la radiothérapie dans les premiers stades métastatiques<br />

de la néoplasie, étant donné que l’évolution de la maladie est souvent lente<br />

et que les patients survivent de nombreuses années avec une maladie métastatique<br />

diffuse.<br />

21. MALADIE DE WHIPPLE<br />

La maladie de Whipple se produit de façon caractéristique chez l’homme<br />

d’âge moyen qui présente des symptômes tels que perte de poids, fièvre,<br />

douleurs abdominales, arthralgies et troubles intestinaux (diarrhée et malabsorption).<br />

La biopsie de l’intestin grêle révèle de façon caractéristique des


284 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 21A. Image de droite : coloration à l’hématoxyline-éosine de la maladie de Whipple<br />

montrant les histiocytes bulleux qui remplacent les éléments normaux du chorion. La morphologie<br />

des entérocytes est normale. Image de gauche : intense coloration par le PAS des cellules de<br />

Whipple (ainsi que des cellules caliciformes et de la bordure en brosse).<br />

FIGURE 21B. Micrographie électronique montrant l’ultrastructure caractéristique du bacille de la<br />

maladie de Whipple.


L’intestin grêle 285<br />

macrophages colorés par le réactif de Schiff ou PAS et contenant le bacille<br />

Trophyrema whippelii en plus d’une entéropathie avec atrophie villeuse<br />

(figure 21, A et B). Le traitement maîtrise la fièvre et soulage les symptômes<br />

articulaires en quelques jours; la diarrhée et la malabsorption disparaissent en<br />

deux à quatre semaines. Comme l’organisme en cause, récemment identifié,<br />

peut atteindre le SNC chez certains patients atteints de la maladie de Whipple,<br />

on recommande l’association d’antibiotiques triméthoprime-sulfaméthoxazole;<br />

le traitement se poursuit pendant un an. Les rechutes peuvent se produire<br />

un ou deux ans plus tard, et il faudra alors répéter le traitement.<br />

22. PSEUDO-OBSTRUCTION INTESTINALE IDIOPATHIQUE<br />

La pseudo-obstruction intestinale idiopathique est une maladie du système<br />

nerveux entérique ou de la couche musculaire de l’intestin. La forme<br />

myogène de la pseudo-obstruction intestinale idiopathique est une maladie<br />

qui se transmet par le mode autosomique dominant et qui se caractérise par un<br />

amincissement de la musculature intestinale causé par une dégénérescence,<br />

par la fibrose et par la présence de fibres lisses mal alignées et de fibres contractiles<br />

anormales. Tous les segments du tube digestif peuvent être touchés<br />

mais, en général, l’intestin grêle, l’œsophage et le côlon sont les régions les<br />

plus gravement atteintes.<br />

La forme neurogène de cette maladie se caractérise par une anomalie des<br />

neurones et des cellules gliales. La lésion peut toucher la moelle épinière ou<br />

les ganglions splanchniques. Dans ce dernier cas, des corps d’inclusion<br />

intranucléaires peuvent être décelés. La maladie se manifeste par une anomalie<br />

du système nerveux qui s’accompagne d’une réponse inadéquate de la tension<br />

artérielle à la phényléphrine, à la manœuvre de Valsalva ou au passage à la<br />

position debout. On observe une absence de transpiration à la chaleur, une<br />

hypersensibilité de dénervation pupillaire et une absence d’activité de potentiels<br />

de pointe après une distension de l’intestin grêle.<br />

Le traitement des formes myogène et neurogène de la pseudo-occlusion<br />

intestinale idiopathique est en général inefficace. Les tentatives de traitement<br />

par différents agents qui stimulent la motilité n’ont donné que des résultats<br />

passagers. L’octréotide, analogue de la somatostatine, peut être utile chez certains<br />

patients. La maladie peut être associée à une prolifération bactérienne<br />

qui peut aggraver le ballonnement et la diarrhée, et il faut alors recourir à l’antibiothérapie.<br />

Une intervention chirurgicale ne fera qu’empirer l’état du patient<br />

tout en favorisant des iléus graves de longue durée. La nutrition parentérale à<br />

domicile est parfois la seule solution permettant de maintenir l’état nutritionnel,<br />

de réduire la fréquence et la gravité des symptômes intestinaux associés et<br />

d’améliorer la qualité de vie du patient.


286 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

23. MALADIES VASCULAIRES DE L’INTESTIN GRÊLE<br />

Ce sujet est traité en détail au Chapitre 7 et ne sera que brièvement abordé ici.<br />

23.1 Ischémie mésentérique aiguë<br />

Les principales causes de l’ischémie mésentérique aiguë, sont l’occlusion<br />

embolique, la thrombose de l’artère mésentérique supérieure (AMS), la<br />

thrombose de la veine mésentérique ou l’ischémie non occlusive. Les états<br />

congénitaux d’hypercoagulation dus à une carence en protéine C, en<br />

protéine S ou en antithrombine III peuvent également causer une thrombose<br />

de la veine mésentérique supérieure. L’occlusion embolique de l’artère<br />

mésentérique supérieure est en général associée avec des arythmies<br />

cardiaques, une valvulopathie, un infarctus du myocarde récent ou un<br />

anévrisme mycosique. Si l’embolus se loge à la naissance de l’artère<br />

mésentérique supérieure, la totalité de l’intestin grêle et le segment proximal<br />

du côlon seront touchés. La thrombose de la veine mésentérique touche<br />

habituellement la veine mésentérique supérieure ou ses branches et la<br />

veine porte. Elle peut être primaire ou secondaire à divers états d’hypercoagulabilité<br />

(p. ex. la polyglobulie essentielle, la carcinomatose ou la<br />

prise de contraceptifs oraux), à une septicémie intra-abdominale (p. ex. la<br />

cholangite ou l’abcès diverticulaire) ou à un état où le débit sanguin est<br />

perturbé, comme dans le choc cardiogénique.<br />

L’ischémie intestinale non occlusive est la forme la plus répandue et la plus<br />

mortelle des maladies vasculaires de l’intestin, représentant au moins<br />

50 % de tous les cas avec un taux de mortalité approchant 100 %. Elle est<br />

souvent associée avec une diminution du débit cardiaque, une septicémie<br />

intra-abdominale et des néoplasies malignes au stade avancé. Les dérivés digitaliques<br />

entraînent une constriction des vaisseaux splanchniques et risquent<br />

d’aggraver et parfois même de provoquer l’ischémie mésentérique.<br />

Le patient typique est âgé de plus de 50 ans; il présente une cardiopathie<br />

artérioscléreuse, une valvulopathie ou une insuffisance cardiaque de longue<br />

date mal maîtrisée; il souffre d’hypotension; il a récemment subi un infarctus<br />

du myocarde ou souffre d’arythmies cardiaques. Les douleurs abdominales<br />

sont de façon caractéristique périombilicales et spasmodiques. Les signes<br />

physiques sont souvent minimes au premier stade de la maladie. L’abdomen<br />

est mou, parfois un peu distendu et légèrement sensible à la palpation. Des<br />

douleurs abdominales de toute intensité, accompagnées de rares signes<br />

cliniques abdominaux et d’une hyperleucocytose (souvent supérieure à<br />

20 000/mm 2 ), sont d’importants indices pour poser le bon diagnostic. Les<br />

signes d’ischémie avancée sont notamment les nausées, les vomissements,


L’intestin grêle 287<br />

l’irritation péritonéale, la leucocytose et l’acidose métabolique progressive.<br />

Chez une minorité de patients, une distension abdominale inexpliquée, une<br />

hémorragie digestive ou l’installation rapide d’un état de confusion et d’une<br />

acidose chez la personne âgée sont souvent les premières manifestations de<br />

l’ischémie de l’intestin grêle.<br />

La réanimation permet d’abord de corriger la ou les causes prédisposantes<br />

ou déclenchantes. Le rétablissement du débit cardiaque par l’administration<br />

de solutés par voie intraveineuse est de toute première importance. L’administration<br />

de dérivés digitaliques, de diurétiques et de vasoconstricteurs doit être<br />

interrompue si possible. Il faut ensuite procéder à des clichés simples de<br />

l’abdomen, à une échographie ou à une tomodensitométrie pour exclure les<br />

autres causes possibles de ces douleurs abdominales aiguës. Après le rétablissement<br />

de la volémie, l’étape clé du traitement de l’ischémie mésentérique aiguë<br />

est l’angiographie abdominale. Toutefois, il ne faut pas oublier que l’angiographie<br />

chez un patient hypovolémique ou hypotendu montrera souvent une<br />

vasoconstriction mésentérique et que, dans un tel cas, la technique perd son<br />

utilité comme outil diagnostique. De plus, chez un patient hypovolémique,<br />

l’angiographie peut précipiter l’insuffisance rénale. Si l’angiographie est<br />

normale, le patient sera gardé sous étroite observation et on pratiquera une<br />

laparotomie diagnostique seulement à l’apparition des signes d’irritation péritonéale.<br />

Si l’angiographie révèle une oblitération artérielle mineure sans<br />

irritation péritonéale, on pourra administrer de la papavérine, à raison de<br />

60 mg/heure, dans l’artère mésentérique supérieure, par le cathéter utilisé<br />

pour l’angiographie. (L’utilité de l’angioplastie ou d’autres techniques angioplastiques<br />

reste à élucider.) Si des signes péritonéaux apparaissent, peu<br />

importe le moment, une laparotomie avec résection du segment ischémique<br />

est indiquée. Le rôle de l’angioplastie ou d’autres techniques angiographiques<br />

n’est pas encore déterminé. Si l’angiographie révèle une oblitération majeure<br />

à la naissance de l’artère mésentérique supérieure, la laparotomie doit être<br />

pratiquée sur-le-champ. Un embolus peut habituellement être retiré sans difficulté,<br />

tandis qu’une occlusion thrombotique nécessitera un pontage entre<br />

l’aorte et l’artère distale pour court-circuiter le siège de l’occlusion. Une fois<br />

la vascularisation rétablie, il faudra réséquer toute partie non viable de<br />

l’intestin. Il est recommandé de tenter de sauver tout l’intestin viable, quitte à<br />

pratiquer une nouvelle exploration 24 heures plus tard. La décision de<br />

procéder à une nouvelle intervention se prend au moment de la première<br />

laparotomie et ne doit pas être remise en question même si l’évolution<br />

postopératoire semble favorable. Comme l’oblitération aiguë de l’artère<br />

mésentérique supérieure est associée à un angiospasme prolongé, l’artère doit<br />

être irriguée avec de la papavérine pendant les 24 heures qui suivent l’opération.


288 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

En cas de vasoconstriction splanchnique sans occlusion, on administrera de<br />

la papavérine par voie intra-artérielle. Si les douleurs abdominales persistent<br />

malgré la perfusion et que des signes d’irritation péritonéale font leur apparition,<br />

on devra pratiquer sans délai une laparotomie.<br />

La thrombose veineuse se caractérise à l’angiographie par une prolongation<br />

du temps artériel et par un manque d’opacification du réseau veineux. Si un<br />

diagnostic ferme de thrombose veineuse a été posé, l’anticoagulothérapie est<br />

indiquée. Toutefois, si le patient présente des signes péritonéaux, la laparotomie<br />

et la résection sont de mise.<br />

Cette approche globale du traitement de l’ischémie de l’artère mésentérique<br />

supérieure permet de poser un diagnostic précoce et d’éviter l’intervention<br />

chirurgicale. Le taux de mortalité global est ainsi réduit d’environ 50 %; 90 %<br />

des patients qui ne présentent pas de signes péritonéaux au moment de<br />

l’angiographie survivent.<br />

23.2 Ischémie mésentérique chronique<br />

Cette affection rare survient chez les personnes âgées qui présentent une<br />

occlusion partielle d’au moins deux des trois branches principales des vaisseaux<br />

mésentériques (le tronc cœliaque et les artères mésentériques<br />

supérieure et inférieure). Sur le plan clinique, la maladie se manifeste plus<br />

précisément par des douleurs épigastriques ou périombilicales qui débutent<br />

après le repas et durent de une à trois heures (angor mésentérique) même si<br />

cela ne se produit pas souvent. Les douleurs peuvent entraîner une diminution<br />

de l’apport alimentaire (sitiophobie) et par conséquent une perte de poids<br />

marquée. Le ballonnement, la flatulence et la diarrhée sont fréquents, et<br />

50 % des patients souffrent de stéatorrhée. Cela est dû au fait qu’une<br />

ischémie intestinale chronique peut causer une lésion de la muqueuse. En<br />

général, l’examen physique ne permet pas de poser le diagnostic. Des souffles<br />

abdominaux systoliques peuvent être entendus chez 50 % des patients, mais<br />

ils ne constituent pas un signe pathognomonique. (Il est fréquent d’entendre<br />

des bruits épigastriques chez les sujets normaux.) Les patients chez qui l’on<br />

soupçonne ce syndrome et qui ne présentent aucune autre anomalie pouvant<br />

expliquer leurs symptômes devraient subir une angiographie abdominale. Si<br />

l’angiographie révèle une occlusion supérieure à 90 % d’au moins deux<br />

branches, il faut procéder à une angioplastie ou à un pontage aorto-AMS<br />

(artère mésentérique supérieure). Le taux de mortalité associé avec l’intervention<br />

est inférieur à 10 %, et la majorité des patients seront soulagés de<br />

leur angor abdominal postprandial. Il est important de déceler et de traiter<br />

l’ischémie mésentérique chronique en raison du risque élevé de thrombose de<br />

l’artère mésentérique supérieure.


L’intestin grêle 289<br />

24. TUMEURS DE L’INTESTIN GRÊLE<br />

24.1 Tumeurs bénignes de l’intestin grêle<br />

Les tumeurs bénignes et malignes de l’intestin grêle sont rares. Les adénomes,<br />

les léiomyomes et les lipomes sont les trois tumeurs primaires les plus<br />

fréquentes de l’intestin grêle. Les hamartomes, les fibromes, les tumeurs neurogènes<br />

et les angiomes sont beaucoup moins fréquents. En règle générale, les<br />

tumeurs bénignes sont plus rares dans le duodénum et augmentent en<br />

fréquence vers l’iléon. Les tumeurs bénignes sont souvent asymptomatiques<br />

et sont découvertes fortuitement.<br />

Les tumeurs bénignes symptomatiques sont souvent décelées à la suite<br />

d’une obstruction qui provoque des coliques intermittentes ou d’une occlusion<br />

intestinale complète. Des hémorragies peuvent se produire en particulier à<br />

partir de léiomyomes dont le centre a tendance à se nécroser pour produire une<br />

ulcération. L’intussusception se produit avec les lésions distales polypoïdes.<br />

24.2 Néoplasies malignes de l’intestin grêle<br />

Les adénocarcinomes, les lymphomes, les léiomyosarcomes et les tumeurs<br />

carcinoïdes sont les tumeurs primaires les plus fréquentes de l’intestin grêle.<br />

Il est rare que les mélanomes, les cancers du sein et les cancers du poumon<br />

produisent des métastases au niveau de l’intestin grêle. Les adénocarcinomes<br />

primitifs touchent le duodénum et le jéjunum proximal sous la forme de<br />

lésions annulaires qui rétrécissent la lumière et s’accompagnent des symptômes<br />

et signes d’occlusion. Les adénocarcinomes de l’intestin grêle sont<br />

plus fréquents chez les patients atteints de la maladie de Crohn (intestin<br />

grêle distal) et de la maladie cœliaque (intestin grêle proximal). Les<br />

léiomyosarcomes se répartissent également tout le long de l’intestin grêle.<br />

Les symptômes sont les mêmes que ceux de l’adénocarcinome, c’est-à-dire<br />

des coliques et des hémorragies. Le lymphome de l’intestin grêle doit être<br />

soigneusement évalué pour déterminer s’il a pris naissance dans l’intestin<br />

grêle (lymphome primitif) ou dans un autre organe pour atteindre par la<br />

suite l’intestin grêle. Les lymphomes de l’intestin grêle sont plus fréquents<br />

chez les patients atteints de la maladie cœliaque. Le lymphome primitif de<br />

l’intestin grêle est en général un lymphome de type à lymphocyte B, bien<br />

qu’il existe une forme spécialisée à lymphocyte T ou une entéropathie à<br />

lymphocyte T, parfois associée à une maladie cœliaque. Il siège le plus<br />

souvent dans le segment proximal de l’intestin grêle et s’accompagne<br />

de douleurs abdominales, d’une perte de poids, de malabsorption, d’une perforation<br />

et d’anémie. On a constaté une augmentation de l’incidence des<br />

lymphomes primitifs chez les patients qui présentaient une maladie cœliaque<br />

de longue date ou des états d’immunodéficience, et chez ceux qui ont subi


290 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

une transplantation rénale et qui reçoivent un traitement immunosuppresseur<br />

prolongé.<br />

On rencontre chez les personnes d’ascendance méditerranéenne une forme<br />

particulière de lymphome malin appelé maladie des chaînes lourdes ou lymphome<br />

méditerranéen. Cette maladie se caractérise par la prolifération de<br />

lymphocytes B dans la muqueuse et elle est associée à une incidence élevée<br />

de paraprotéinémie à chaînes lourdes. Elle atteint de façon classique le<br />

duodénum et le jéjunum proximal, et s’accompagne de diarrhée et de malabsorption.<br />

Des résultats récents suggèrent que certains cas peuvent être causés<br />

par une infection bactérienne susceptible de répondre aux antibiotiques.<br />

LECTURES SUGGÉRÉES<br />

Freeman HJ. Adult celiac disease and the severe “flat” small bowel biopsy lesion. Dig<br />

Dis Sci 2004; 49:535-545.<br />

Freeman HJ. Small intestinal mucosal biopsy for investigation <strong>of</strong> diarrhea and malabsorption<br />

in adults. Gastroenterol Clin North Am 2000; 10:739-753.<br />

Thomson ABR, Drozdowski L, Iordache C, Thomson BKA, Vermeire S, Clandinin T,<br />

Wild G. Small Bowel Review: Normal physiology and diseases <strong>of</strong> the small intestine.<br />

Dig Dis Sci 2003; 48:1546-1599.<br />

OBJECTIFS<br />

1. Expliquer les mécanismes de transport des liquides et des électrolytes de<br />

l’intestin.<br />

2. Expliquer la digestion normale et les processus d’absorption des graisses,<br />

des protéines et du glucose.<br />

3. Décrire la voie normale d’absorption de la vitamine B 12 , des folates et<br />

du fer.<br />

4. Déterminer les sites d’absorption du fer, des folates et de la vitamine B 12 .<br />

5. Utiliser une approche diagnostique convenable aux patients qui souffrent<br />

de diarrhée chronique.<br />

6. Décrire la circulation entérohépatique normale des acides biliaires.<br />

7. Expliquer l’assimilation normale des vitamines liposolubles (A, D, E et K).<br />

Diarrhée<br />

1. Définir la diarrhée.<br />

2. Classer les causes de la diarrhée.<br />

3. Expliquer les mécanismes pathogènes de la diarrhée.<br />

4. Examiner la diarrhée en tant que détérioration du transport des liquides et<br />

des électrolytes.<br />

5. Différencier la diarrhée de l’intestin grêle de celle du côlon.


L’intestin grêle 291<br />

6. Décrire la démarche diagnostique dans les cas de diarrhée chronique.<br />

7. Énumérer les états qui sont associés à des lésions typiques de l’intestin<br />

grêle visibles à la biopsie.<br />

8. Énumérer les complications de la maladie cœliaque.<br />

9. Énumérer les complications extra-intestinales de la maladie cœliaque.<br />

10. Décrire le diagnostic et le traitement diététique de la maladie cœliaque.<br />

11. Préciser le diagnostic différentiel de la maladie cœliaque réfractaire<br />

au traitement.<br />

12. Décrire les caractéristiques immunologiques de la maladie cœliaque.<br />

13. Reconnaître la principale manifestation du syndrome carcinoïde.<br />

14. Traiter de l’utilisation des agents pharmacologiques dans le traitement du<br />

syndrome carcinoïde.<br />

15. Énumérer les épreuves biochimiques utilisées dans le diagnostic du<br />

syndrome carcinoïde.<br />

16. Décrire le traitement de la diarrhée des voyageurs.<br />

17. Énumérer les causes courantes de la diarrhée des voyageurs.<br />

18. Décrire les mécanismes de la diarrhée causée par E. coli.<br />

19. Énumérer les causes de la diarrhée infectieuse et leur traitement.<br />

20. Décrire l’utilisation et les mécanismes d’action des agents antidiarrhéiques.<br />

21. Indiquer le diagnostic différentiel des anomalies de l’iléon terminal.<br />

22. Décrire les caractéristiques radiologiques de l’obstruction de l’intestin grêle.<br />

23. Décrire les causes de la carence en vitamine B 12 dans le syndrome de<br />

prolifération bactérienne.<br />

24. Énumérer les états sous-jacents à la prolifération bactérienne.<br />

25. Décrire les mécanismes de la stéatorrhée associés au syndrome de la<br />

prolifération bactérienne.<br />

26. Reconnaître les présentations cliniques du syndrome de la prolifération<br />

bactérienne.<br />

27. Décrire le traitement du syndrome de la prolifération bactérienne.<br />

28. Utiliser les épreuves diagnostiques appropriées dans le cas du syndrome<br />

de la prolifération bactérienne.<br />

29. Reconnaître les complications du syndrome de l’intestin court et leurs<br />

mécanismes.<br />

30. Décrire les mécanismes d’adaptation de l’intestin court à la suite d’une<br />

résection.<br />

31. Décrire le traitement du syndrome de l’intestin court.<br />

32. Donner les indications de l’utilisation des triglycérides à chaîne moyenne.<br />

33. Décrire le diagnostic et le traitement de la giardiase.<br />

34. Reconnaître les symptômes cliniques et le traitement de l’amibiase.<br />

35. Décrire les caractéristiques typiques de la maladie de Whipple.<br />

36. Énumérer les causes de l’entéropathie due à la déperdition protéique.


292 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

37. Énumérer les mécanismes possibles de la diarrhée chez les patients qui<br />

souffrent de diabète sucré.<br />

38. Énumérer les mécanismes possibles de la diarrhée dans le syndrome de<br />

Zollinger-Ellison.<br />

39. Énumérer les mécanismes de la diarrhée à la suite d’une gastrectomie.<br />

40. Décrire les épreuves diagnostiques permettant de déceler une carence en<br />

lactase (intolérance au lactose).<br />

41. Énumérer les états associés avec l’entéropathie par déperdition protéique.<br />

42. Reconnaître les caractéristiques de la lymphangiectasie intestinale et en<br />

décrire le traitement.<br />

Savoir-faire<br />

1. Donner les indications de la gastroscopie, de la biopsie de l’intestin grêle,<br />

de la sigmoïdoscopie et de la coloscopie.<br />

2. Déterminer la séquence et l’ordre appropriés des épreuves ou des examens<br />

diagnostiques du tube digestif, y compris les examens radiologiques,<br />

notamment l’échographie et la tomodensitométrie.<br />

3. Utiliser les épreuves appropriées dans les cas de diarrhée chronique : les<br />

épreuves de dépistage permettant de déceler la malabsorption, le test<br />

respiratoire au 14 C, le test respiratoire de l’hydrogène, le test de Schilling,<br />

les analyses des selles de 72 heures, les examens radiographiques, la<br />

biopsie de l’intestin grêle et l’aspiration jéjunale.

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