PLAN 2008-1 - Ordre des ingénieurs du Québec

DOSSIER SPÉCIAL 45 e ANNIVERSAIRE
4 L . SHU
^ m ^
w
I^a délocalisation,
est-ene une menace
réelle pour les
ingénieurs ?
Par Gilles Drouin
Des manufacturiers ferment leurs portes et transfèrent la
production en Chine, au Costa Rica ou ailleurs. Des firmes
d'ingénieurs ou des consultants en informatique bien d'ici
comptent maintenant quelques milliers d'employés en
Inde. Voilà deux facettes parmi d'autres de la délocalisation,
c'est-à-dire le déplacement des activités d'une entreprise vers
d'autres pays afin de tirer profit de conditions plus avantageuses.
La délocalisation n'est pas une réalité nouvelle. « Elle est avant
tout une conséquence de la mondialisation des marchés, indique
l'ingénieur Etienne Couture, président du Réseau des ingénieurs
du Québec (RéseauIQ). Ce n'est pas le Québec qui va arrêter ce
phénomène, qui est là pour durer. Peu importe ce qui arrive, nos
salaires resteront toujours plus élevés que ceux offerts dans les
pays émergents. » Dans ce contexte, il faut oublier l'idée de concurrencer
des pays comme la Chine quand vient le temps de produire
en masse et à faible coût; plusieurs entreprises en ont
d'ailleurs déjà fait leur deuil. « Ce n'est sûrement pas le bon cheval
de bataille pour le Québec », croit Etienne Couture.
L'EMPLOI, UN ENJEU ?
Doit-on s'inquiéter ? Pour l'instant, la conjoncture est loin d'être dramatique
pour les ingénieurs. Selon une étude commandée par le
RéseauIQ, la délocalisation aurait fait perdre jusqu'ici 1050 emplois
en génie au Québec. « Avec un taux de chômage des ingénieurs inférieur
à 3 %, il n'y a pas de crise de l'emploi en génie au Québec, estime
Etienne Couture. D'autant plus que nous savons que la demande pour
les ingénieurs se maintiendra au cours des prochaines années. »
Certaines activités propres au génie sont
plus exposées que d'autres à la délocalisation,
maintenant ou d'ici quelques
années. L'étude du RéseauIQ cite, entre
autres, le design de circuits analogiques
et numériques et le design de mécanismes
dans le domaine des produits électroniques
de consommation ; la construction
de modèles et le développement des spécifications
dans celui de l'automatisation
Etienne Couture, ing.
industrielle; le développement des installations
pour les tests des appareils médicaux ; les tests de performance
des systèmes informatiques. Par contre, certaines
activités sont jugées non délocalisables, par exemple l'analyse
de risques, le design fondamental de produit, l'étude de viabilité
du produit et l'évaluation de projet.
Il y aura toujours une partie du travail qui sera faite à
l'étranger, car les pays donateurs de contrats veulent obtenir
ce genre de retombée. La Chine exige que la firme étrangère
transfère son expertise aux ingénieurs chinois. Sinon, adieu le
contrat.
Il faut toutefois tenir compte des effets secondaires de cette
délocalisation. Par exemple, la préparation de plans en deux
dimensions en Inde prive l'ingénieur junior d'ici d'une occasion
d'acquérir de l'expérience puisqu'on lui confie habituellement
l'exécution de cette tâche. La question de la délocalisation n'est
pas simple.
34 PLAN : JANVIER-FÉVRIER 2008