Dimension 3 n° 2013/1
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LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE<br />
dimension<br />
L'Amérique<br />
du Sud<br />
prend son envol<br />
Quel rôle pour la coopération?<br />
REPORTAGES EN ÉQUATEUR<br />
Coup de pouce aux petits<br />
producteurs<br />
DES SOMMETS À LA FORÊT<br />
Une nature qui vaut de l'or<br />
L'OMBRE DU SIDA<br />
plane encore<br />
CONCOURS<br />
GAGNEZ UN RECUEIL<br />
DE PHOTO<br />
N° 1 / <strong>2013</strong> • BIMESTRIEL JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> • P308613 • BUREAU DE DÉPÔT BRUXELLES X
sommaire<br />
JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong><br />
8/9 ><br />
Petits producteurs,<br />
grand chocolat<br />
20/22 ><br />
De la forêt<br />
aux sommets :<br />
Une nature qui vaut de l’or<br />
24/25 ><br />
Droits de l'homme et<br />
démocratie pour lutter<br />
contre le sida<br />
> DOSSIER AMÉRIQUE LATINE<br />
Un Sud en quête<br />
de puissance<br />
10-11 Diversités andines<br />
12 De la glace pour<br />
les poissons !<br />
13 Les peuples indigènes,<br />
entre tradition<br />
et modernité<br />
14-15 De l’eau pour tous<br />
16-17 Trente ans d’échanges<br />
18 Regards croisés<br />
19 Mindalae : artisanat<br />
avec identité<br />
23 Sur les rivières<br />
de l'Amazonie<br />
26-27 Gand, centre mondial<br />
de nématologie<br />
28 Un parcours sinueux<br />
vers les 0,7%<br />
29 Agriculteurs du Sud<br />
et du Nord,<br />
même combat<br />
30-31 Petite <strong>Dimension</strong><br />
32 Le sida au Rwanda<br />
Abonnement<br />
gratuit sur :<br />
www.dimension-3.be<br />
ou par mail à :<br />
info.dgd@diplobel.fed.be<br />
2 JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> I dimension 3
dimension3<br />
Le “miracle”<br />
latino-américain<br />
Le “Train des Nuages”, ou “Tren de las<br />
Nubes”, relie l'Argentine, le Chili, la Bolivie<br />
et le Pérou. Il monte jusqu’à 4.220 mètres<br />
dans les Andes. Ici vue sur les Andes.<br />
© Mohamed Haddad - IRD<br />
Périodique bimestriel de<br />
la Direction Générale de la<br />
Coopération au Développement<br />
et de l'Aide humanitaire (DGD)<br />
Rédaction :<br />
DGD<br />
Rue des Petits Carmes 15<br />
B-1000 Bruxelles<br />
Tél. +32 (0)2 501 48 81<br />
E-mail : info.dgd@diplobel.fed.be<br />
www.diplomatie.be • www.dg-d.be<br />
Secrétariat de rédaction :<br />
Elise Pirsoul, Jean-Michel Corhay,<br />
Chris Simoens<br />
Création et production :<br />
www.mwp.be<br />
Les articles publiés ne représentent<br />
pas nécessairement le point de vue<br />
officiel de la DGD ou du gouvernement<br />
belge. La reproduction des articles est<br />
autorisée pour autant que la source<br />
soit mentionnée et qu'une copie de la<br />
publication soit envoyée à la rédaction.<br />
<strong>Dimension</strong> 3 paraît 5 fois par an tous les<br />
2 mois sauf en été.<br />
Imprimé sur papier 100 % recyclé.<br />
Abonnement :<br />
Gratuit en Belgique. À l’étranger<br />
seulement la version électronique.<br />
Il y a vingt ans encore, on parlait d’un continent sacrifié, “non développé”,<br />
et qui semblait profondément blessé suite à une colonisation vieille de<br />
500 ans. Aujourd’hui, le Brésil est l’une des nations émergentes parmi<br />
les plus puissantes et prometteuses. Son dynamisme ‘booste’ toute la région.<br />
L’ensemble du sous-continent a profité d’un miracle économique. Les Objectifs<br />
du Millénaire sont en grande partie atteints. Une vraie classe moyenne s’est<br />
développée, les mouvements sociaux (groupes indigènes, coopératives de petits<br />
producteurs, etc.) se sont organisés. Que s’est-il passé ? Quelle place pour la<br />
coopération dans un tel contexte ? Telle était la question à l’origine de ce dossier.<br />
La coopération belge, jadis très active sur le continent, y est à présent moins<br />
visible, à mesure que les nations souveraines et leurs populations acquièrent<br />
les capacités à conduire un développement de qualité. Et c’est ainsi que cela<br />
doit être : une fois les besoins humains rencontrés, l’aide doit prendre d’autres<br />
formes ou disparaître. Il reste toutefois trois pays partenaires et, là aussi, la<br />
coopération s’est transformée, de la satisfaction des besoins humains de base<br />
à quelques derniers coups de pouce : à telle économie florissante, afin qu’elle<br />
profite à tous (selon la nouvelle formule de “croissance inclusive”), à telles<br />
institutions encore un peu inexpertes, à telle population désavantagée en sorte<br />
qu’elle trouve une place digne dans une société encore fortement inégalitaire.<br />
C’est ce que nous sommes partis voir sur place, en Équateur, pays qui<br />
demeure l’un des trois partenaires de la coopération en Amérique du Sud ;<br />
ni le plus pauvre (la Bolivie), ni le plus “riche” (le Pérou) des trois ; et qui<br />
recelle sur des distances raisonnables une grande diversité géographique<br />
et démographique. Depuis la côte, où les afro-équatoriens tentent de<br />
gagner une place digne grâce à leur petite production, à la selva (forêt)<br />
amazonienne, en passant par la sierra (montagne) où les peuples indigènes,<br />
oubliés du miracle économique équatorien, aspirent eux aussi à pouvoir<br />
vivre bien (“Buen vivir”) tout en conservant leurs terres et leurs traditions.<br />
En Équateur enfin, on trouve deux richesses emblématiques, mais antinomiques, du<br />
continent : l’or noir qui, à court terme, permet de remplir les caisses de l’État, et une<br />
nature exceptionnelle, dont la valeur est inestimable pour l’humanité toute entière.<br />
L’une menace l’autre. À l’heure où la Conférence de Doha s’achève sur de piètres<br />
accords climatiques, dans la triste lignée de l’échec de Copenhague, il s’impose<br />
de rappeler que les conditions climatiques extrêmes sont six fois plus importantes<br />
ces 30 dernières années dans les pays en développement. L’Amérique latine<br />
est particulièrement sensible aux changements climatiques et aux catastrophes<br />
naturelles. Elle détient par ailleurs le plus grand potentiel de “réserve de carbone”.<br />
Enfin, il n’aura échappé à personne que la fin de l’année 2012 a été marquée par<br />
des mesures d’austérité dans les portefeuilles politiques belges. La coopération<br />
au développement et l’aide humanitaire n’échapperont pas à ce mouvement.<br />
Gageons qu’en repensant la coopération de façon plus “cohérente” avec les<br />
autres politiques, “pour que ne soit pas repris d’une main ce qui est donné de<br />
l’autre”, on parvienne à agir efficacement avec moins… Mais cela, l’année<br />
qui vient nous le dira. Ce sera également le thème du prochain numéro.<br />
édito<br />
LA RÉDACTION<br />
dimension 3 I JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> 3
ÉMERGENCE DE L’AUTRE AMÉRIQUE<br />
UN SUD EN QUÊTE<br />
En l’espace d’une génération, l’Amérique latine a tourné la page d’un passé troublé pour<br />
revendiquer une place à part entière parmi les pays émergents, voire les grandes puissances.<br />
Loin de constituer un ensemble uniforme, l’Amérique latine offre un éventail d’expériences<br />
nationales contrastées utiles à une réflexion sur les enjeux actuels au niveau global.<br />
Signes des temps : le XXII e Sommet<br />
Ibéro-américain, qui se tenait<br />
à Cadix en novembre derniers,<br />
avait pour mot d’ordre celui d’une<br />
“relation rénovée” entre pays latino-américains<br />
et leurs anciennes puissances<br />
coloniales. En marge de ce sommet, le Roi<br />
Juan Carlos devait illustrer ce mot d’ordre<br />
en demandant à la Présidente du Brésil,<br />
Dilma Rousseff, d’inciter les entreprises<br />
brésiliennes à davantage investir dans<br />
une Espagne en crise. Deux mois plus tôt,<br />
elle était la première femme de l’histoire<br />
à prononcer le discours d’ouverture de<br />
l’Assemblée générale des Nations Unies<br />
et y aborda les sujets brûlants du moment,<br />
de la crise économique mondiale au<br />
conflit syrien.<br />
Ces deux événements, parmi tant d’autres,<br />
contrastent avec les nombreux malentendus<br />
dont l’Amérique latine a pu être l’objet<br />
de par le passé. Aujourd’hui, l’image<br />
qu’offre ce continent, de Tijuana à Ushuaïa,<br />
est plutôt celle d’une région du monde<br />
dynamique, soutenue par une conjoncture<br />
économique relativement favorable, des<br />
sociétés en mouvement, et qui désormais<br />
nourrit l’ambition de jouer un rôle diplomatique<br />
de premier plan, même si certains<br />
défis restent de taille.<br />
Quand le Nord et le<br />
Sud se déplacent<br />
La dernière décennie a connu un basculement<br />
de la richesse au niveau mondial<br />
entre un Nord, plongé dans une crise sans<br />
précédent, et un Sud en pleine expansion.<br />
Sont ainsi apparus des pays émergents<br />
disposant, pour reprendre la définition<br />
du Fonds monétaire international (FMI),<br />
d’une population importante, jeune et<br />
en croissance, d’institutions stables, d’un<br />
marché intérieur sans cesse grandissant,<br />
La Présidente du Brésil, Dilma Rousseff, fut la<br />
première femme de l’histoire à tenir un discours<br />
d’ouverture de l’Assemblée générale des<br />
Nations Unies en septembre 2012.<br />
et d’une croissance économique rapide.<br />
Plusieurs pays d’Amérique latine figurent<br />
d’ailleurs au cœur de ces acronymes qui<br />
caractérisent ce phénomène : le Brésil fait<br />
partie des BRICS (avec la Russie, l’Inde, la<br />
Chine et l’Afrique du Sud), la Colombie<br />
des CIVETS 1 (catégorie recouvrant une<br />
série d’économies dynamiques jouissant<br />
d’une stabilité politique et d’une population<br />
jeune), le Mexique du E7 2 (ensemble<br />
d’économies qui devraient dépasser le G7<br />
en PIB avant 2020). Le FMI recense quant<br />
à lui, dans son classement 2012 des économies<br />
émergentes, outre les pays déjà<br />
cités : l’Argentine, le Chili, le Pérou, et le<br />
Venezuela. L’Amérique latine joue donc<br />
pleinement sa partition dans l’émergence<br />
d’un Sud dont les limites sont dès lors de<br />
plus en plus floues.<br />
Cette redéfinition des cartes économiques<br />
n’est pas allée sans une redéfinition des<br />
alliances politiques et une renégociation<br />
© United Nations 2012<br />
du poids de ces pays dans les enceintes de<br />
décision au niveau global, que ce soit en<br />
termes de sièges au Conseil de sécurité<br />
ou de droits de vote au sein des institutions<br />
financières internationales plus conformes<br />
aux rapports de force actuels.<br />
(R)évolutions récentes<br />
Plusieurs évolutions majeures au cours<br />
des vingt dernières années expliquent ce<br />
rôle accru sur la scène internationale. La<br />
démocratie et la paix se sont profondément<br />
enracinées dans une région où des<br />
dictatures militaires sévissaient encore<br />
au début des années 1990, surtout dans<br />
son cône sud (Chili, Argentine, Uruguay,<br />
Paraguay, Brésil). La région a aussi vécu<br />
un profond renouvellement des élites<br />
politiques dans de nombreux pays. Un<br />
ouvrier a pris le pouvoir au Brésil. Un<br />
syndicaliste indien est devenu président<br />
en Bolivie. Un mulâtre préside aux destinées<br />
du Venezuela. Plusieurs femmes ont<br />
occupé ou occupent encore la plus haute<br />
charge de l’État en Argentine, au Brésil, au<br />
Costa Rica.<br />
Les régimes politiques qui se sont mis<br />
en place depuis le tournant des années<br />
2000 ont connu également une forte évolution,<br />
que certains qualifient de “virage<br />
à gauche”, même s’il serait erroné de n’y<br />
voir qu’un élan unique au cœur d’une<br />
région si complexe. Cette évolution peut se<br />
résumer en deux tendances principales :<br />
l’apparition d’une gauche radicale représentée<br />
par les pays-membres de l’ALBA 3<br />
(principalement l’Équateur, la Bolivie, le<br />
Venezuela, Cuba, le Honduras, et le Nicaragua),<br />
pour laquelle l’État pilote l’économie,<br />
et une gauche modérée (Uruguay,<br />
Paraguay, Argentine, Salvador), inspirée<br />
du modèle brésilien, réformatrice et plutôt<br />
en faveur d’un État régulateur, qui tend<br />
4 JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> I dimension 3
AMÉRIQUE LATINE<br />
DE PUISSANCE<br />
Une nouvelle mer intérieure,<br />
le Pacifi que, devient la Mare nostrum<br />
du capitalisme nouveau, après la<br />
Méditerranée dans l’Antiquité et<br />
l’Atlantique à l’âge moderne.<br />
Daniel Cohen (économiste)<br />
à s’imposer sur le continent, confortée en<br />
2011 par les élections d’Ollanta Humala à<br />
la tête du Pérou et de Dilma Rousseff au<br />
Brésil, et par la facile ré-élection de Cristina<br />
Kirchner en Argentine.<br />
La conjoncture économique mondiale,<br />
orientée vers une demande accrue en<br />
matières premières et en produits agricoles,<br />
dont les cours se sont renchéris<br />
ces dernières années, a indéniablement<br />
permis de financer des politiques<br />
publiques volontaristes, après<br />
ce qui a été souvent qualifié de década<br />
perdida (décennie perdue) pour le continent.<br />
L’Amérique latine était alors considérée<br />
comme le laboratoire des préceptes<br />
néo-libéraux du Consensus de Washington,<br />
qui participèrent à dissoudre le tissu<br />
social et les solidarités traditionnelles dans<br />
la région.<br />
L’Amérique latine ressort aussi passablement<br />
épargnée par la crise mondiale. Elle<br />
n’est plus la périphérie d’un centre unique,<br />
mais s’est ouverte ces dernières années à<br />
d’autres partenaires commerciaux, parmi<br />
lesquels la Chine. Entre 2001 et 2009, les<br />
importations chinoises en provenance de<br />
l’Amérique latine ont été multipliées par<br />
dix, pour atteindre 64,4 milliards de dollars<br />
(sources CEPAL).<br />
Une large majorité des pays latino-américains<br />
figure aujourd’hui dans la liste des<br />
Pays à revenu intermédiaire tranche supérieure<br />
(pays où chaque habitant perçoit en<br />
moyenne au moins 4000 dollars/an), dressée<br />
par le Comité d’Aide au Développement<br />
de l’OCDE.<br />
© snaptitude - Fotolia.com<br />
L’architecture<br />
moderne de<br />
Brasilia, capitale<br />
du Brésil est<br />
un symbole de<br />
la “nouvelle”<br />
Amérique latine.<br />
dimension 3 I JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> 5
HONDURAS<br />
Martinique (Fr)<br />
Saint Lucia Barbados<br />
Nederlandse<br />
NICARAGUA San Andreas (Col.)<br />
Antillen<br />
Grenada<br />
Santa Marta<br />
COSTA RICA<br />
Barranquilla<br />
Cumana<br />
Trinidad & Tobago<br />
CARACAS<br />
Cartagena<br />
Cabimas<br />
Barcelona<br />
PORT OF SPAIN<br />
PANAMA<br />
Barquisimeto<br />
Maturin<br />
Ciudad<br />
San José<br />
Panama<br />
ama Monteria<br />
Cucuta San<br />
Ciudad Guayana GUYANA<br />
Cristobal<br />
Bolivar<br />
GEORGETOWN<br />
VENEZUELA<br />
Bucaramanga<br />
FRENCH GUIANA<br />
Medellin<br />
Puerto<br />
PARAMARIBO<br />
Ayacucho<br />
Manizales<br />
SANTA FE DE BOGOTA<br />
SURINAME CAYENNE<br />
San Fernando<br />
Isla de<br />
Buenaventura<br />
Ibagué<br />
de Atabapo<br />
Malpelo (Col.)<br />
Cali<br />
Boa Vista<br />
Popayan<br />
Neiva<br />
Tumaco<br />
Esmeraldas<br />
Pasto<br />
ECUADOR<br />
Portoviejo<br />
QUITO<br />
CARIBBEAN SEA<br />
COLOMBIA<br />
Mitu<br />
Obidos<br />
Macapa<br />
Belém<br />
NORTH<br />
ATLANTIC<br />
OCEAN<br />
Maracaibo Valencia<br />
Cordoba<br />
© Michel Dukhan – IRD<br />
Vue sur Quito, capitale de l’Équateur<br />
AMÉRIQUE<br />
LATINE<br />
Sous la dénomination ‘Amérique latine’ se classent<br />
généralement 20 pays environ comptant au<br />
total une population avoisinant les 600 millions<br />
d’habitants. Le Brésil et le Mexique se taillent la<br />
part du lion, représentant à eux seuls la moitié de<br />
la population du continent. À ces pays peuvent<br />
aussi s’ajouter une série de poids moyens, avec<br />
l’Argentine, la Colombie, et le Pérou. L’autre<br />
moitié des pays du continent ne compte pas<br />
10 millions d’habitants chacun. D’un point de vue<br />
géographique, ce continent énorme (15,9 % des<br />
terres émergées) peut se découper de la manière<br />
suivante : le cône sud (représenté entre autres par<br />
l’Argentine, le Brésil et le Chili) et les pays andins<br />
(Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou, Venezuela),<br />
ces deux parties formant l’Amérique du Sud, et<br />
l’Amérique centrale (avec notamment le Mexique<br />
et le Nicaragua). À ces pays peuvent s’ajouter<br />
parfois les Caraïbes (Cuba et Haïti, par exemple).<br />
Guayaquil<br />
Machala<br />
Piura<br />
Cuenca<br />
Chiclayo<br />
Trujillo<br />
Chimbote<br />
Callao<br />
Pucallpa<br />
PERU<br />
LIMA<br />
Ica<br />
Iquitos<br />
Huancayo<br />
Isla San Felix<br />
Isla San Ambrosio<br />
(Ch.)<br />
(Ch.)<br />
Isla Alejandro Selkirk<br />
Arequipa<br />
Isla Robinson Crusoe<br />
Valparaiso<br />
SANTIAGO<br />
Chillan<br />
Concepcion<br />
Puerto<br />
Maldonado<br />
Antafagasta<br />
Temuco<br />
Osorno<br />
Puerto Montt<br />
Arica<br />
Iquique<br />
Coquimbo<br />
Rancagua<br />
Talca<br />
Rio Branco<br />
Puerto Aisen<br />
LA PAZ<br />
Cochabamba<br />
San Salvador<br />
Salta<br />
San Miguel<br />
de Tucuman<br />
Santiago<br />
del Estero<br />
San Juan<br />
San Carlos<br />
de Bariloche<br />
Punta Arenas<br />
Fonte Boa<br />
Riberalta<br />
Mendoza<br />
La Rioja<br />
Neuquén<br />
Guajara-Mirim<br />
Potosi<br />
Rawson<br />
Rio Gallegos<br />
Trinidad<br />
Ushuaia<br />
Deseado<br />
Puerto Santa Cruz<br />
Porto Velho<br />
Santa Cruz<br />
de la Sierra<br />
Santa Fe<br />
Rosario<br />
ASUNCION<br />
Ciudad<br />
del Este<br />
Corientes<br />
Posadas<br />
Parana<br />
Concepcion<br />
Rivera<br />
Salto<br />
Paysandu<br />
Colonia<br />
BUENOS AIRES MONTEVIDEO<br />
La Plata<br />
Bahia Blanca<br />
Viedma<br />
Manaus<br />
Mato Grosso<br />
Stanley<br />
Itaituba<br />
Amazon Rainforest<br />
CHILE<br />
BOLIVIA<br />
ARGENTINA<br />
Corumba<br />
PARAGUAY<br />
Mar del Plata<br />
BRAZIL<br />
Cuiaba<br />
Campo Grande<br />
Santa Maria<br />
URUGUAY<br />
Rocha<br />
Porto de Moz<br />
Santarem<br />
Pelotas<br />
Islas Malvinas/<br />
Falkland Islands<br />
(administered by UK, claimed by Argentina)<br />
Caxias<br />
do Sul<br />
Porto<br />
Alegre<br />
Rio Grande<br />
Maraba<br />
Goiânia<br />
Campinas<br />
BRASILIA<br />
Sao Paulo<br />
Curitiba<br />
Joinville<br />
Palmas<br />
Uberlândia<br />
Florianopolis<br />
Imperatriz<br />
Belo Horizonte<br />
Nova Iguaçu<br />
Sao Luis<br />
SOUTH<br />
ATLANTIC<br />
OCEAN<br />
Teresina<br />
Vitoria da<br />
Conquista<br />
Rio de Janeiro<br />
Parnaiba<br />
Juazeiro<br />
Vitoria<br />
Sobral<br />
South Georgia and the<br />
South Sandwich Islands<br />
(administered by UK, claimed by Argentina)<br />
Fortaleza<br />
Quixada<br />
Natal<br />
Feira de<br />
Santana<br />
Ilheus<br />
Caravelas<br />
Campina Grande<br />
Caruaru<br />
Maceio<br />
Salvador<br />
Joao Pessoa<br />
Aracaju<br />
Recife<br />
Ces évolutions ont permis de transformer<br />
ces sociétés, de réduire les taux de pauvreté<br />
sur le continent et d’y faire naître une<br />
classe moyenne, comme le démontre un<br />
récent rapport de la Banque mondiale 4.<br />
Il n’en demeure pas moins que la pauvreté<br />
continue à dépasser les 30 % de la<br />
population pour l’ensemble de la région<br />
(CEPAL) alors que 9 % de la population<br />
souffre encore de la faim (FAO).<br />
Des défis à relever<br />
Les défis restent donc de taille pour<br />
le continent. Malgré le bénéfice qu’ils<br />
peuvent tirer de l’exploitation de leurs<br />
richesses, les États disposent encore de<br />
moyens trop faibles, notamment en ce<br />
qui concerne leurs ressources fiscales, au<br />
regard par exemple des pays de l’OCDE.<br />
Ces pays manquent aussi encore souvent<br />
des ressources humaines qualifiées<br />
nécessaires à l’émergence d’institutions<br />
fortes. Pour reprendre les mots d’Edgar<br />
Montiel (UNESCO), ces pays sont souvent<br />
“sous-administrés, sous-gouvernés”.<br />
Ensuite, le narco-terrorisme demeure<br />
l’une des principales menaces à la stabilité<br />
du continent, tant au plan politique qu’économique,<br />
phénomène qui n’épargne pour<br />
ainsi dire aucun pays. De plus, le narcoterrorisme<br />
dispose d’un pouvoir de corruption<br />
irrésistible pour les institutions<br />
étatiques qui y sont soumises, et génère<br />
violence et insécurité.<br />
Enfin, ce continent demeure le fait d’un<br />
paradoxe : si nombre des pays qui le composent<br />
jouissent aujourd’hui d’un fort taux<br />
de croissance, qui leur a permis de faire<br />
sortir des millions d’individus de la pauvreté,<br />
ils demeurent parmi les plus inégalitaires<br />
au monde.<br />
Le continent appelle donc de profondes<br />
réformes structurelles, en termes d’éducation,<br />
de transfert de technologies ou<br />
de renforcement institutionnel, pour poursuivre<br />
sur sa lancée.<br />
Un laboratoire d’idées<br />
Il n’en demeure pas moins que l’Amérique<br />
latine est le lieu d’expériences<br />
inédites et utiles à une réflexion sur les<br />
6 JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> I dimension 3
AMÉRIQUE LATINE<br />
“L’AMÉRIQUE LATINE A<br />
DÉSORMAIS QUELQUE CHOSE<br />
À DIRE AU MONDE”<br />
© DGD / E. De Muynck<br />
Docteur en Relations internationales,<br />
Francisco Carrión Mena a été Ambassadeur<br />
d’Équateur en Espagne (2000-2005) avant<br />
de devenir ministre des Affaires étrangères<br />
(2005-2007). Il a également été représentant<br />
de l’Équateur auprès des Nations Unies<br />
(2009-2011). Il est aujourd’hui professeur<br />
à la Faculté latino-américaine de Sciences<br />
sociales (FLACSO) à Quito.<br />
Comment, selon vous, l’Amérique latine<br />
a-t-elle évolué dans la période récente ?<br />
Je pense que l’Amérique latine a radicalement<br />
changé, et cela au cours des 25 dernières années.<br />
Si elle traverse encore des diffi cultés, elle a consolidé<br />
sa démocratie grâce à une institutionnalisation qui<br />
n’a cessé de se renforcer, avec une économie qui<br />
s’est relevée au cours des dix dernières années. Cela<br />
lui a permis de faire face aux dernières crises fi nancières<br />
d’une manière plus appropriée que l’Europe<br />
ou les États-Unis, par exemple.<br />
Aujourd’hui, l’Amérique latine, notamment au travers<br />
du Brésil, son leader naturel, peut participer<br />
aux grands débats relatifs aux problèmes globaux.<br />
Je pense à des apports au thème du changement<br />
climatique, de la redéfi nition de l’architecture<br />
fi nancière mondiale et des mécanismes fi nanciers.<br />
Je pense que l’Amérique latine a désormais<br />
beaucoup de choses à dire en tant que région, et<br />
beaucoup à faire. À ce titre, je crois fermement<br />
en la capacité de l’Amérique latine à participer de<br />
manière active à la coopération sud-sud.<br />
Vous avez déclaré récemment que la<br />
coopération internationale, n’est plus<br />
indispensable au développement des<br />
pays du continent. Comment peut-elle,<br />
selon vous, encore démontrer son utilité<br />
dans le contexte de l’Amérique latine, de<br />
pays à revenu intermédiaire ?<br />
Je ratifi e mes propos ! Je pense qu’aucun pays en<br />
Amérique latine, et aucun pays en développement<br />
ne peut dépendre de la coopération internationale<br />
pour se développer. La coopération internationale<br />
est utile, pas tant par son apport fi nancier que par<br />
les expériences qu’elle peut apporter. Je pense<br />
que l’un des thèmes fondamentaux sur lesquels la<br />
coopération internationale peut apporter une aide<br />
aujourd’hui à l’Amérique latine est l’institutionnalisation.<br />
La Belgique, qui dispose d’institutions<br />
anciennes, pourrait ainsi utiliser son expérience<br />
pour renforcer l’effi cacité de la police, du Parlement<br />
ou de la justice.<br />
La coopération internationale n’est donc pas un<br />
facteur indispensable, vu les niveaux de développement<br />
atteints en l’Amérique latine. Néanmoins,<br />
en Équateur par exemple, nous vivons aujourd’hui<br />
un paradoxe : le pays détient des ressources<br />
fi nancières, mais les institutions publiques ont<br />
des problèmes pour les dépenser, par manque de<br />
capacité de gestion, de ressources humaines, de<br />
formation. Raison pour laquelle le gouvernement<br />
actuel investit dans la formation, l’éducation, avec<br />
une vraie vision de son développement futur.<br />
Comment envisagez-vous le futur de<br />
l’Amérique latine en tant que région ?<br />
Je suis optimiste. J’ai bien entendu mes doutes,<br />
mes inquiétudes concernant le renforcement de<br />
la démocratie, avec tout ce que cela implique<br />
d’alternance, de réponse à l’excès de présidentialisme<br />
qui s’observe dans plusieurs pays d’Amérique<br />
latine, d’une capacité pour les citoyens d’exprimer<br />
leur opinion, vu les contraintes exercées<br />
sur l’expression de cette opinion. Mais en termes<br />
généraux, il faut reconnaître que depuis dix ans,<br />
pour ne pas dire depuis vingt-cinq ans, l’Amérique<br />
latine est un continent qui a énormément<br />
progressé. Par exemple, en Amérique latine, il n’y<br />
a pas eu de guerre classique depuis trente ans.<br />
Les contentieux qui existent entre pays latinoaméricains,<br />
comme entre le Chili et le Pérou, sont<br />
désormais soumis à des mécanismes pacifi ques,<br />
comme la Cour internationale de justice (la plus<br />
haute instance judiciaire de l’ONU – Ndr) ou entre<br />
puissances garantes (Argentine, Brésil, Chili et<br />
États-Unis) comme ce fut le cas pour les confl its<br />
frontaliers qu’ont connus le Pérou et l’Équateur.<br />
Autant d’expressions d’une maturité et de respect<br />
vis-à-vis du droit international. Et cela est extrêmement<br />
important.<br />
PROPOS RECUEILLIS PAR ERIC DE MUYNCK<br />
enjeux globaux. Ainsi, le continent abrite<br />
la forêt amazonienne, souvent considérée<br />
comme le poumon de la planète. Y règne<br />
une biodiversité sans égale, pour la protection<br />
de laquelle des initiatives novatrices<br />
ont été proposées à la communauté<br />
internationale.<br />
En matière de croissance inclusive,<br />
l’Amérique latine est également porteuse<br />
d’idées utiles à la réflexion. Les<br />
programmes brésiliens Fome Zero<br />
(Faim Zéro) ou Bolsa Familia ont participé<br />
à réduire la malnutrition et la pauvreté<br />
au Brésil. De même, le concept<br />
du Bien Vivre (‘Sumak Kawsay’ en Quechua),<br />
emprunté à la vision indigène du<br />
monde (voir p. 13).<br />
Petit pays pris en tenaille entre les deux<br />
géants que sont l’Argentine et le Brésil,<br />
l’Uruguay est le laboratoire d’un modèle<br />
économique en mutation et de programmes<br />
sociaux qui ont véritablement<br />
transformé la société, porté par le Fronte<br />
Amplio (le Front élargi).<br />
Ainsi, les expériences nationales, que ce<br />
soit au Mexique, en Argentine, en Bolivie,<br />
au Brésil, au Chili, en Équateur, ou au Pérou,<br />
sont de plus en plus diversifiées et l’Amérique<br />
latine apparaît comme un ensemble<br />
complexe de pays traversé par de nombreuses<br />
lignes de fractures. Cependant, on<br />
y observe bien des tentatives de rapprochement<br />
(la dernière en date étant la création<br />
en 2011 de la CELAC, la Communauté des<br />
États latino-américains et des Caraïbes).<br />
Ainsi, un enjeu d’avenir demeure l’intégration<br />
régionale sur un continent qui n’a pas<br />
connu, comme ce fut le cas en Europe, de<br />
traumatisme profond la motivant.<br />
ERIC DE MUYNCK<br />
1<br />
Colombie, Indonésie, Vietnam, Egypte, Turquie,<br />
Afrique du Sud.<br />
2<br />
Les BRIC, associés à l’Indonésie, la Turquie et le<br />
Mexique.<br />
3<br />
L’Alliance Bolivarienne pour les Peuples de notre<br />
Amérique (ALBA).<br />
4<br />
Ferreira, Francisco H. G., Julian Messina,<br />
Jamele Rigolini, Luis-Felipe López-Calva, Maria Ana<br />
Lugo, y Renos Vakis. <strong>2013</strong>. Panorámica General :<br />
La movilidad económica y el crecimiento de la clase<br />
media en América Latina. Washington, Banco Mundial.<br />
dimension 3 I JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> 7
© sellingpix - Fotolia.com<br />
Petits producteurs,<br />
grand chocolat<br />
Saviez-vous que le cacao serait né en Équateur, et qu’aujourd’hui encore<br />
c’est là qu’on trouverait la variété la plus fine, la fameuse ‘Fino de Aroma’<br />
reconnue par les plus grands chocolatiers ? Comment faire de cette<br />
ressource extraordinaire et déjà existante un digne gagne-pain pour<br />
les petits producteurs ? C’est le défi relevé par la Coopération belge.<br />
La “selva verde” d’Ignacio<br />
Nord de l’Équateur, sur la côte, province<br />
d’Esmerladas. Serait-on au jardin d’Éden ?<br />
Des manguiers hauts à en toucher le ciel,<br />
des arbres surchargés de fruits aussi<br />
étranges que délicieux que côtoient des<br />
poulets effarouchés par notre présence.<br />
Tout pousse ici : fruits, plantes médicinales,<br />
légumes, bananes…, et parmi eux<br />
sont plantés des cacaotiers. C’est la “selva<br />
verde”, la finca, la “propriété” (traduction de<br />
finca) d’Ignacio. On est bien loin des vastes<br />
monocultures de cacao détenues par les<br />
gros propriétaires fonciers. Ou des monotones<br />
rangées d’arbres aspergés régulièrement<br />
d’insecticide. Ici, les plants poussent<br />
en système de permaculture, aux côtés de<br />
plantes “amies”, sans aucune addition de<br />
produit chimique. Ainsi Ignacio peut non<br />
seulement se nourrir des fruits et légumes<br />
de son jardin, mais aussi avoir des revenus<br />
décents pour sa famille grâce à la vente<br />
du cacao. Et sa variété, c’est la fameuse<br />
‘Fino y de Aroma’, celle dont on ne trouve<br />
la meilleure sorte qu’en Équateur et que<br />
les grands chocolatiers du monde entier<br />
recherchent. Mais, si son goût est incomparable,<br />
elle demande des soins particuliers<br />
et sa productivité est trois fois moins élevée<br />
que celle des autres variétés, les cabosses<br />
et les fèves en sont plus petites, et l’arbre<br />
a besoin d’espace et d’ombre ainsi que la<br />
compagnie d’autres cultures.<br />
La coopérative traite<br />
et vend le cacao<br />
Après chaque récolte, Ignacio va déposer<br />
les fèves à la coopérative APROCA. Celleci<br />
rassemble la production ‘Fino di Aroma’<br />
d’environ 150 producteurs dans le canton et<br />
garanti un traitement optimal des fèves de<br />
cacao. Créée depuis 7 ans avec l’aide de la<br />
Coopération belge, et soutenu depuis deux<br />
ans par le programme de développement<br />
Avant, j’avais une petite<br />
culture et je devais<br />
travailler comme ouvrier<br />
dans une usine de<br />
ciment pour gagner ma<br />
vie, maintenant je peux<br />
vivre de ma production<br />
et de mon savoir-faire.<br />
rural du Nord de l’Équateur (PDRN) mis en<br />
œuvre par la CTB, la coopérative permet<br />
aux petits producteurs d’avoir une meilleure<br />
rétribution de leur production, une<br />
plus grande force sur le marché, et des<br />
certifications très pointues. Avant, les petits<br />
producteurs vivaient difficilement de leur<br />
terre. Ils étaient dépendants du cours du<br />
© DGD / E. Pirsoul<br />
© DGD / E. Pirsoul<br />
© DGD / E. Pirsoul<br />
Ignacio dans sa “fi nca” où pousse<br />
une grande variété de plantes.<br />
À l’intérieur de la cabosse de cacao,<br />
les fèves en pulpe.<br />
Dépôt des sacs de fèves de cacao récoltées<br />
à la coopérative APROCA.<br />
8 JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> I dimension 3
AMÉRIQUE LATINE<br />
cacao fluctuant et souvent bas. “APROCA<br />
nous achète les fèves en pulpe à 0,47 dollars<br />
les 450 gr la livre Au lieu de 0,39 dollars<br />
ailleurs”, explique Ignacio.<br />
Les fèves d’Ignacio seront ensuite fermentées,<br />
séchées et triées, avant d’être vendues<br />
à des transformateurs. Les certifications<br />
‘bio’ et même ‘biodynamique’ (Demeter -<br />
Rainforest Alliance), et la garantie de qualité<br />
qu’offre APROCA permet de vendre<br />
la production à un bon prix. L’appui de la<br />
coopération belge a permis de passer de<br />
60 associés à 150. “Et nous voudrions doubler<br />
notre stock qui est actuellement de 120<br />
tonnes par an”, explique Francisco Peñarrieta,<br />
directeur commercial d’APROCA et<br />
lui-même producteur.<br />
Dans une ‘approche ‘coopérative’,<br />
APROCA connaît les champs de production<br />
de chacun. Avec l’aide de la coopération<br />
belge, 84 fermes ont pu obtenir la<br />
certification organique ; 100.000 petits<br />
cacaotiers ainsi que 6.000 arbres fruitiers<br />
ont été plantés. Les associés sont invités<br />
à s’entraider et recevoir des formations<br />
spécifiques pour améliorer leur production.<br />
“Avant, je devais payer quelqu’un<br />
pour tailler mes plants de cacao ; maintenant,<br />
ce sont les autres qui m’appellent<br />
pour que je le fasse. On me paie pour cela<br />
aussi”, déclare, fier, Mártires Bautista Sol,<br />
un autre producteur-associé. Il continue :<br />
La permaculture est un ensemble de pratiques<br />
et de mode de pensée visant à créer<br />
une production biologique et soutenable,<br />
très économe en énergie et respectueuse<br />
des êtres vivants et de leurs relations réciproques<br />
(comme par exemple, le cacaotier<br />
grandit mieux aux côtés du bananier). Elle<br />
vise à créer un écosystème productif en<br />
nourriture et autres ressources utiles, tout<br />
en laissant à la nature "sauvage" le plus de<br />
place possible.<br />
“Avant, j’avais une petite culture et je devais<br />
travailler comme ouvrier dans une usine de<br />
ciment pour gagner ma vie, maintenant je<br />
peux vivre de ma production et de mon<br />
savoir-faire. Mais je ne suis pas dépendant<br />
du cacao ; si la récolte est moins<br />
bonne, j’ai également des fruits et<br />
légumes à consommer et à<br />
vendre.”<br />
Dans les rayons du<br />
supermarché<br />
La qualité du cacao APROCA<br />
est garantie et les grands noms<br />
du chocolat ne s’y trompent pas !<br />
PACARI, un must du chocolat équatorien<br />
haut de gamme, achète 70 % du stock<br />
d’APROCA. “Nous entretenons des relations<br />
presque personnelles avec 3.000 petits<br />
producteurs. Nous tenons à les connaître,<br />
aller sur leur champ, suivre le traitement<br />
des fèves pour être certains de la qualité.<br />
C’est parfois presque du travail social. C’est<br />
pourquoi nous adresser directement à une<br />
coopérative de qualité comme APROCA<br />
est un avantage. L’idéal serait de traiter<br />
seulement avec des associations”, déclare<br />
Gabriela Paredes, assistante du créateur<br />
de la marque.<br />
“PACARI est né d’une véritable passion<br />
de son créateur pour le chocolat. Le choix<br />
de ne traiter que du bio, d’avoir une ‘responsabilité<br />
sociétale’ affirmée, d’appuyer<br />
les petits producteurs tout en produisant<br />
un ‘bon’ chocolat, fait partie de la vision<br />
et de la mission de PACARI. Nous n’avons<br />
pas de label ‘fair trade’ car nous faisons<br />
du ‘direct trade’, dans lequel nous choisissons<br />
de payer mieux les petits producteurs<br />
pour leur qualité”. C’est ainsi que le<br />
cacao d’Ignacio et des centaines de ses<br />
collègues se retrouve dans les barres de<br />
chocolat de luxe au goût intense sur les<br />
PACARI, un must<br />
du chocolat<br />
fi n<br />
équ<br />
quatorien utilise<br />
ise le cacao<br />
cao<br />
de<br />
bonne qualité<br />
des petits prod<br />
oduct<br />
ucteur<br />
s comme Ignacio.<br />
rayons des supermarchés équatoriens et<br />
les épiceries fines, à travers l’Amérique<br />
latine et même en Europe, aux États-Unis<br />
et en Australie.<br />
Notre chocolatier national, Pierre Marcolini,<br />
a lui aussi succombé au charme du<br />
cacao équatorien "Fino de aroma". Il prend<br />
soin de sa production et l'importe directement<br />
pour ses plus grandes saveurs.<br />
Dans un pays à revenu moyen tel que<br />
l’Équateur, le programme de développement<br />
rural dans la filière cacao a pour<br />
objectif, à l’instar d’Ignacio, de donner la<br />
possibilité aux petits producteurs d’être<br />
fiers et de vivre dignement de leur culture,<br />
avec seulement un petit appui.<br />
ONLINE<br />
www.pacarichocolate.com<br />
www.aprocaecuador.com<br />
ELISE PIRSOUL<br />
© DGD / E. Pirsoul<br />
© DGD / E. Pirsoul<br />
© DGD / E. Pirsoul<br />
© DGD / E. Pirsoul<br />
APROCA laisse fermenter les fèves<br />
quelques jours.<br />
Séchage et triage<br />
des fèves.<br />
Le cacao vendu par la coopérative<br />
a remporté des prix de qualité.<br />
dimension 3 I JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> 9
La coopération belge en Amérique latine<br />
Diversités<br />
andines<br />
Pour l’amoureux des cartes géographiques, il saute aux yeux que le continent latino-américain<br />
est disposé sur un axe Nord-Sud, et s’étire grosso modo entre les tropiques du Capricorne<br />
et du Cancer. Cette disposition entraîne généralement des différences d’environnement et<br />
de climat moins fortes que dans d’autres parties du monde. Cependant, les changements<br />
d’altitude y favorisent une diversité frappante, et rien n’est plus vrai dans les Andes.<br />
© Roger Calvez – IRD<br />
Paysage agricole dans la plaine<br />
de Machachi en Équateur.<br />
LA COOPÉRATION BELGE<br />
DANS LES ANDES<br />
La Belgique entretient des liens très anciens avec cette région du<br />
monde. Sans remonter à l’époque des Pays-Bas du Sud où des religieux,<br />
commerçants et artistes de nos contrées établirent de premiers<br />
contacts avec le continent, notre pays n’a-t-il pas, au début du<br />
siècle dernier, aidé à l’établissement de l’Université agronomique de<br />
La Molina (Lima), qui demeure encore aujourd’hui l’un des fleurons de<br />
la recherche agronomique en Amérique latine ?<br />
Quoi qu’il en soit, la coopération y est formellement active depuis<br />
1965, avec des programmes d’assistance technique et de coopération<br />
universitaire lancés au Pérou. Viendront ensuite la Bolivie (1974)<br />
et l’Équateur (1977). Ces pays demeurent les seuls pays de concentration<br />
de la coopération belge en Amérique latine.<br />
Il serait fastidieux de passer en revue les domaines dans lesquels<br />
ces pays et la Belgique ont pu coopérer, tant ils sont nombreux.<br />
Aujourd’hui, la coopération bilatérale travaille dans ces trois pays<br />
dans les domaines de la santé, développement rural, de la gestion<br />
stratégique des ressources naturelles et de l’appui aux PME.<br />
10 JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> I dimension 3
AMÉRIQUE LATINE<br />
Un relief, des sociétés<br />
Lorsque l’on parle des Andes, l’image<br />
d’Épinal demeure souvent ces sommets<br />
enneigés qui parsèment la Cordillère.<br />
Ce territoire, qui regroupe sept pays (le<br />
Venezuela, la Colombie, l’Équateur, le<br />
Pérou, la Bolivie, le Chili et l’Argentine), se<br />
compose d’environnements divers : des<br />
zones côtières désertiques, des rivages<br />
forestiers humides, des plaines d’altitude<br />
ainsi qu’une partie de la plaine amazonienne.<br />
Cette diversité d’environnements<br />
ne manque évidemment pas de se répercuter<br />
sur une population, hétérogène, et<br />
ses modes de vie.<br />
Une large majorité des<br />
pays latino-américains<br />
fi gure dans la liste des pays<br />
à revenu intermédiaire,<br />
tranche supérieure.<br />
Pour ne parler que des pays andins où<br />
la coopération belge est présente, face<br />
à cette diversité, l’inclusion y est récemment<br />
apparue comme un thème politique<br />
majeur. Ainsi, les constitutions de la<br />
Bolivie et de l’Équateur reconnaissent en<br />
leur sein ces différences : la Bolivie s’est<br />
rebaptisée en 2009 État plurinational et<br />
l’Équateur, au même titre que la Bolivie, a<br />
emprunté à la vision indigène du monde<br />
le concept du Bien Vivre, qui vise la mise<br />
en place d’un système économique inclusif,<br />
“social et solidaire”, en harmonie avec<br />
la Terre-Mère (Pachamama), et autour<br />
duquel s’articulent les plans nationaux<br />
de développement de ces deux pays.<br />
Au Pérou, le gouvernement d’Ollanta<br />
Humala, à travers le ministère du développement<br />
et de l’inclusion sociale (MIDIS),<br />
a mis en place une série de programmes<br />
visant une croissance au bénéfice du plus<br />
grand nombre. Ces trois pays mènent<br />
également une profonde réflexion sur la<br />
citoyenneté (ciudadanía), tranchant ainsi<br />
avec ces régimes qui, pendant longtemps,<br />
n’ont pas reconnu cette condition<br />
de citoyenneté à la majeure partie de leur<br />
population, allant même jusqu’à instituer<br />
son exclusion de la vie publique.<br />
Même s’ils ont la Cordillère des Andes<br />
comme charpente commune, il ne faut<br />
cependant pas commettre l’erreur de<br />
confondre ces pays, fondamentalement<br />
différents. Ainsi, la Bolivie, au contraire des<br />
autres pays andins, est un pays enclavé,<br />
sans accès à la mer, ce qui est souvent<br />
considéré comme un obstacle au développement,<br />
malgré les immenses richesses<br />
naturelles dont regorge le pays.<br />
Les Andes en quelques chiffres<br />
Comme il est souvent plus facile de s’arranger<br />
avec les statistiques qu’avec les<br />
faits, voici quelques données permettant<br />
de distinguer ces pays.<br />
L’ensemble des pays andins a connu<br />
dernièrement une forte croissance mais<br />
malgré des taux de pauvreté qui ont<br />
eu tendance à diminuer ces dernières<br />
années, ce problème y demeure aigu.<br />
Ainsi, le taux de pauvreté national au<br />
Pérou est de 31,3 %, mais<br />
de plus de 55 % en zone<br />
rurale (2 011), la pauvreté<br />
rurale atteignant 45 % en<br />
Équateur (2012) et 66,4 %<br />
en Bolivie (2009).<br />
L’inégalité demeure un phénomène<br />
répandu dans la<br />
région, surtout en Colombie<br />
et en Bolivie, où la richesse<br />
créée est la moins bien partagée. Les libertés<br />
demeurent fragiles, comme le montre<br />
le classement annuel de Freedom House,<br />
le Chili tirant néanmoins son épingle du<br />
jeu. Quant à la liberté d’entreprendre, une<br />
ligne de fracture claire sépare des pays où<br />
l’esprit d’entreprise et les investissements<br />
directs étrangers sont favorisés (au Pérou,<br />
par exemple) et des pays où il est confronté<br />
à de fortes contraintes (les pays membres<br />
de l’ALBA 1 ).<br />
Quelle coopération pour ces pays à<br />
revenu intermédiaire ?<br />
Aujourd’hui, une large majorité des pays<br />
latino-américains figure dans la liste des<br />
pays à revenu intermédiaire tranche<br />
supérieure 2 dressée par le Comité d’Aide<br />
au Développement de l’OCDE.<br />
Le taux de<br />
pauvreté national<br />
au Pérou est de<br />
31,3 %, mais de<br />
plus de 55 % en<br />
zone rurale (2 011).<br />
Deux des 18 pays de concentration<br />
de la coopération belge, l’Équateur<br />
et le Pérou, sont d’ailleurs passés en<br />
janvier 2012 dans cette catégorie, ce<br />
qui alimente le débat sur ce que peut<br />
Pays Argentine Chili Colombie Venezuela RB Bolivie Équateur Pérou<br />
Pauvreté - 2010<br />
[2002]<br />
Population (millions<br />
d’habitants - 2011)<br />
Espérance de vie<br />
à la naissance<br />
(en années - 2011)<br />
Croissance du PIB<br />
(% annuel - 2011)<br />
Inégalités<br />
(coefficient de Gini)<br />
IDH (classement sur<br />
181 Etats – 2011)<br />
Liberté de la presse<br />
(classement sur<br />
197 Etats – 2012)<br />
Doing business<br />
(classement sur<br />
185 Etats – 2011)<br />
8,6 %<br />
[34,9%]<br />
11,5%<br />
[20,2%]<br />
37,3%<br />
[49,7%]<br />
27,8%<br />
[48,6%]<br />
42,4%<br />
[62,4%]<br />
37,1%<br />
[49%]<br />
31,3%<br />
[54,7%]<br />
40,7 17,2 47 28,3 10 14,6 29,4<br />
76 79 74 74 (2010) 67 76 74<br />
8,9 6 5,9 4,2 5,1 4,8 6,9<br />
44,5<br />
(2010)<br />
52,1<br />
(2009)<br />
55,9<br />
(2010)<br />
…<br />
56,3<br />
(2008)<br />
49,3<br />
(2010)<br />
48,1<br />
(2010)<br />
45 44 87 73 108 84 80<br />
104<br />
(partly free)<br />
67<br />
(partly free)<br />
117<br />
(partly free)<br />
168<br />
(not free)<br />
94<br />
(partly free)<br />
127<br />
(partly free)<br />
91<br />
(partly free)<br />
116 33 44 179 155 134 43<br />
Sources : Banque mondiale (2012), Freedom House (2012), CEPAL (2011), PNUD (2011)<br />
encore apporter une coopération internationale<br />
une fois atteint un tel niveau de<br />
développement.<br />
Cette évolution ne doit pas faire oublier<br />
les défis importants qui demeurent en<br />
matière de réduction de la pauvreté et<br />
des inégalités, d’accès<br />
à des services de base<br />
de qualité, dans le secteur<br />
de la santé notamment,<br />
ou encore de lutte<br />
contre la malnutrition.<br />
Cependant, les thèmes<br />
et les approches doivent<br />
s’adapter à ce contexte<br />
socio-économique changeant.<br />
Ainsi, la coopération belge est en<br />
train de définir plusieurs axes de coopération<br />
pour appuyer cette catégorie<br />
de pays à travers la défense des biens<br />
publics mondiaux, comme la lutte contre<br />
le changement climatique, le renforcement<br />
des capacités institutionnelles et<br />
humaines, le transfert de technologies,<br />
l’appui au secteur privé local ou encore<br />
la coopération triangulaire.<br />
ANNELIES DE BACKER,<br />
ERIC DE MUYNCK ET ALAIN SCHMITZ<br />
1<br />
L’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre<br />
Amérique (ALBA), principalement l’Équateur, la Bolivie,<br />
le Venezuela, Cuba, le Honduras et le Nicaragua<br />
2<br />
Catégorie recensant les pays où chaque habitant<br />
perçoit en moyenne au moins 4.000 dollars par an.<br />
dimension 3 I JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> 11
AMÉRIQUE LATINE<br />
© DGD / E. Pirsoul<br />
De la glace<br />
pour les poissons !<br />
Pour que les petits<br />
producteurs soient plus forts<br />
© DGD / E. Pirsoul<br />
UN COUP DE POUCE<br />
À LA POPULATION<br />
RURALE DE L’ÉQUATEUR<br />
Le PNB per capita est en augmentation, si bien que<br />
l’Équateur est même considéré depuis 2009 comme<br />
un pays à revenu moyen. Toutefois, la pauvreté n'a pas<br />
été éradiquée du pays. En effet, il subsiste des écarts<br />
considérables entre les revenus de la population rurale<br />
et ceux de la population urbaine. Un programme a donc<br />
été mis en œuvre en<br />
2006 afin de venir en<br />
aide à la population des<br />
campagnes par le biais<br />
d’un budget de 14 millions<br />
d’euros, à savoir<br />
le Programa de Desarrollo<br />
Rural del Norte<br />
del Ecuador, ou PDRN<br />
en abrégé. Entièrement<br />
décentralisée, la Coopération<br />
belge au développement<br />
travaille via<br />
son agence exécutive<br />
en collaboration directe<br />
avec les autorités provinciales dans le but d’améliorer la<br />
qualité de vie de la population rurale dans cinq provinces<br />
du nord de l’Équateur.<br />
Le programme PDRN poursuit trois objectifs : le renforcement<br />
des institutions publiques en charge du développement<br />
économique local, la création d’un fonds d’investissement<br />
afi n de soutenir les initiatives des organisations<br />
collectives de l’économie populaire et solidaire dans différentes<br />
chaînes de production et l’accès au microcrédit<br />
par le biais d’une institution nationale existante. Dans le<br />
cadre du deuxième objectif, le PDRN est actif dans les<br />
secteurs les plus variés : café, cacao, fèves, pommes de<br />
terre, maïs, riz, arbres fruitiers, pêche, produits laitiers,<br />
bananes, produits artisanaux et tourisme communautaire.<br />
Différents projets sont également menés dans le domaine<br />
de la sécurité alimentaire. Tous les projets d’investissement<br />
du PDRN sont fi nancés par des contributions de la<br />
Coopération belge au développement, par les autorités<br />
provinciales et, dans la plupart des cas, par les bénéfi<br />
ciaires eux-mêmes afi n de pérenniser les effets du<br />
programme. Ce dernier se terminera fi n 2015. Selon les<br />
estimations, près de 16000 personnes bénéfi cieront d’un<br />
revenu plus stable.<br />
SARA VAN DEN EYNDE - CTB<br />
ONLINE<br />
www.btcctb.org<br />
Pour les petits pêcheurs d’Esmeraldas, la conservation<br />
des poissons est une préoccupation. Avoir sa propre glace<br />
permet de faire fi des intermédiaires et de proposer des<br />
stocks plus frais et importants aux acheteurs. Dans un<br />
pays à revenu moyen comme l’Équateur, les petits producteurs<br />
locaux doivent se battre pour trouver leur place au<br />
sein du marché souvent peu complaisant avec les petits. Il<br />
suffit parfois d’un coup de pouce…<br />
De la difficulté d’être<br />
un petit pécheur<br />
Rocafuerte, province d’Esmeraldas, l’une<br />
des plus pauvres de l’Équateur. Le soleil<br />
est levé depuis peu et les barques de<br />
pêcheurs reviennent au petit port. Des<br />
hommes en 4X4, venus de la ville, les<br />
abordent pour leur acheter les poissons,<br />
les mettre dans la glace et les emporter.<br />
“Comme nous n’avons pas de moyens de<br />
conserver notre poisson, nous devons le<br />
vendre rapidement. Nous sommes dépendants<br />
des intermédiaires qui nous imposent<br />
leur prix.” Pour avoir de la glace, il faudrait<br />
en acheter de mauvaise qualité à un prix<br />
élevé, ou faire la route jusqu’à la ville.<br />
Ici, la pêche, c’est l’activité qui occupe la<br />
grande majorité des gens. On est pêcheur<br />
de père en fils. On nettoie le poisson et les<br />
crevettes de mère en fille. Et du poisson, on<br />
en mange jusqu’à trois fois par jour. Mais<br />
il n’est pas facile de vivre de sa barque<br />
aujourd’hui : l’eau est moins poissonneuse,<br />
la culture intensive des crevettes pollue<br />
les mers, la compétition avec les chalutiers<br />
est déloyale, la mer est truffée de pirates,<br />
les intermédiaires imposent leurs prix…<br />
“Ce que gagne un pêcheur est ridicule”,<br />
remarque Espeuci Valencia, le président<br />
de l’association de pêcheurs Calamar.<br />
“Mon père n’a pas les moyens de me faire<br />
étudier”, renchérit Isabela Prado, fille de<br />
pêcheur. Alors, beaucoup quittent leur village<br />
pour chercher meilleure fortune dans<br />
les centres urbains.<br />
Une fabrique de glace<br />
Une fabrique privée de glace verra bientôt<br />
le jour à Rocafuerte avec l’aide du programme<br />
PDRN qui prendra en charge la<br />
moitié des coûts, en collaboration étroite<br />
avec la province qui investit aussi dans le<br />
projet et aussi grâce à l’apport personnel<br />
en capital des pêcheurs de la communauté.<br />
“Cela fait longtemps que l’on<br />
attendait cela. Nous ne devrons plus vendre<br />
notre poisson rapidement et individuellement.<br />
Avec l’établissement d’une chaîne du<br />
froid, nous pourrons stocker nos poissons<br />
ensemble et proposer un prix commun. Par<br />
la suite, on peut envisager une commercialisation<br />
à plus grande échelle… peut-être<br />
même jusqu’en Belgique !”, explique avec<br />
un large sourire le représentant de l’une<br />
des onze associations de petits pêcheurs<br />
qui ont fait la demande de cette fabrique.<br />
Elles en seront bientôt les premiers bénéficiaires…<br />
et actionnaires !<br />
ELISE PIRSOUL<br />
12 JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> I dimension 3
© Fondo Indígena / M. Fasol<br />
AMÉRIQUE LATINE<br />
Projet “Buen Vivir”<br />
au Guatemala<br />
fi nancé par la<br />
Coopération belge et<br />
le Fonds Indigène.<br />
LES PEUPLES INDIGÈNES<br />
entre tradition et modernité<br />
D’où viennent-ils vraiment ?<br />
Sur le plan archéologique, la question<br />
n’est pas résolue… Mais en 1492, croyant<br />
avoir atteint les Indes au terme d’une<br />
traversée homérique de l’Atlantique,<br />
Christophe Colomb les appela “Indios”,<br />
Indiens en français. Depuis lors, aux yeux<br />
du monde occidental, ils n’ont cessé de<br />
faire figure de “pauvres”, d’“attardés”, de<br />
“primitifs”.<br />
La réalité est toute autre. En l’an 1000 de<br />
notre ère, les Indiens avaient déjà développé<br />
leur propre révolution néolithique<br />
afin de créer un ensemble de civilisations<br />
variées sur tout l’hémisphère : les<br />
Aztèques et Maya en Méso-Amérique, les<br />
Incas en Amérique du Sud, pour ne citer<br />
que les plus connues.<br />
En créant le maïs à partir d’une plante<br />
herbacée des montagnes appelée la<br />
téosinte, les Indiens ont accompli un tel<br />
prodige que sa réalisation a occasionné<br />
parmi les archéologues et les biologistes<br />
plusieurs décennies de débats et dont<br />
l’impact a été tout aussi spectaculaire<br />
au niveau planétaire. Impact, peut-être<br />
plus important que celui de l’agriculture<br />
andine, à base de pomme de terre et de<br />
haricot ou celle de l’Amazonie orientée<br />
vers le manioc.<br />
La plus remarquable de leurs performances<br />
intellectuelles demeure très clairement<br />
l’invention du zéro. En Amérique,<br />
le premier zéro connu figure sur une gravure<br />
maya de 357 après Jésus-Christ et<br />
pourrait donc précéder le zéro sanscrit.<br />
Il existe par ailleurs, des monuments antérieurs<br />
à notre ère qui, s’ils ne portent pas<br />
de zéro, présentent des inscriptions de<br />
dates calculées selon un système calendaire<br />
fondé sur son existence.<br />
Le contact brutal avec Colomb entraîna des<br />
conséquences infinies. Elles furent fatales<br />
pour les descendants de ceux qui furent les<br />
acteurs de ces différentes révolutions néolithiques<br />
sur le continent américain. Après<br />
Colomb, s’est évanoui un univers prospère,<br />
d’une extraordinaire biodiversité, tourbillon<br />
de langues, d’échanges commerciaux et<br />
de cultures, balayé par les maladies ou la<br />
domination. L’oblitération fut si totale qu’en<br />
l’espace de quelques générations, ni les<br />
conquérants ni les peuples soumis ne se<br />
souvenaient de son existence. L’espace se<br />
vida aussi de ses occupants.<br />
Avec une résilience extraordinaire, les<br />
Indiens ont réussi à résister aux affres de la<br />
colonisation et de la post-colonisation grâce<br />
aux précieux savoirs et talents hérités de<br />
leurs ancêtres. Ceux qui s’en sont sortis se<br />
sont néanmoins retrouvés relégués au fin<br />
fond des environnements les plus hostiles.<br />
Des acteurs défavorisés mais<br />
incontournables<br />
Après des siècles de silence et d’invisibilité,<br />
ils sont aujourd’hui plus de 50 millions<br />
répartis en 400 groupes ethniques (ou<br />
Peuples indigènes) en Amérique latine à<br />
refaire surface. Ils essayent de recréer un<br />
discours à propos de ce que fut le continent<br />
et à propos de ce qu’ils furent eux-mêmes.<br />
Discours qui tentent de faire la jonction<br />
entre la tradition millénaire de leurs<br />
cultures et le pari de vivre dans le futur et<br />
dans un monde moderne.<br />
Les Peuples Indigènes sont actuellement<br />
des acteurs incontournables sur la scène<br />
politico-sociale et économique en Amérique<br />
latine. D’autant que la “demande<br />
indigène” ne se contente pas de réclamer<br />
des bénéfices pour leurs propres communautés<br />
mais propose de plus en plus des<br />
changements susceptibles d’affecter l’ensemble<br />
de la société et la structure même<br />
des États. L’édification de sociétés multiculturelles<br />
et multi-ethniques telles qu’ils<br />
le proposent ne met pas seulement leur<br />
propre situation de pauvreté ou de marginalisation,<br />
mais remet plus généralement<br />
en question les relations de domination sur<br />
base de la discrimination raciale, de l’intolérance<br />
ethnique ou encore de la domination<br />
d’une culture par une autre.<br />
L’émergence actuelle des “questions indigènes”<br />
obéit dans ce sens à un idéal d’espoir<br />
de changement pour beaucoup de<br />
personnes. La coopération internationale<br />
ne peut y être indifférente et y a largement<br />
sa place.<br />
VALDI FISCHER<br />
EN SAVOIR PLUS ?<br />
La emergencia indígena en América latina.<br />
José Bengoa (2007).<br />
1491 – Nouvelles révélations sur les<br />
Amériques avant Christophe Colomb.<br />
Charles C. Mann. Albin Michel (2007).<br />
Les semences du “Buen Vivir”.<br />
Marc Fasol et Valdi Fischer.<br />
Fondo Indígena (2012 - à paraître<br />
prochainement).<br />
dimension 3 I JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> 13
De l’eau pour tous<br />
© PROTOS<br />
Les élèves de l’école de Sandoval sont très enthousiastes à propos de leur nouvelle installation sanitaire (à l’arrière).<br />
En Équateur, de nombreuses personnes n’ont pas accès à l’eau potable et sont donc<br />
condamnées à vivre dans des conditions d’hygiène déplorables. L’ONG PROTOS met<br />
tout en œuvre pour que l’Or bleu soit accessible à tous. Nous partons pour la province<br />
d’Esmeraldas, au nord-ouest du pays.<br />
U<br />
ne route de terre nous<br />
conduit vers San Vicente, un<br />
petit village de 43 familles.<br />
Une fois sur place, nous traversons<br />
le fleuve en empruntant un<br />
pont suspendu. Surtout, ne pas regarder<br />
en bas et bien se tenir pour une<br />
traversée sans encombre. De retour<br />
sur la terre ferme, sur l’autre rive, nous<br />
profitons de la végétation luxuriante de<br />
manguiers, de cacaoyers et de fleurs<br />
hautes en couleur. Notre destination :<br />
l’installation d’eau potable du village.<br />
El presidente – le chef du village – nous<br />
explique le fonctionnement du système<br />
: “L’eau est pompée du fleuve avant<br />
d’être purifiée. Elle est ensuite acheminée<br />
vers une cuve située en amont du<br />
village, à une hauteur suffi sante pour<br />
que toutes les maisons soient alimentées<br />
en eau courante.”<br />
Les gens d’ici n’ont pas pour habitude de<br />
payer leur accès à l’eau potable, parce<br />
qu’il s’agit pour eux d’un droit élémentaire.<br />
PROTOS a dû redoubler d’efforts pour<br />
faire comprendre aux habitants qu’ils ne<br />
payaient pas pour l’eau, mais bien pour le<br />
service de distribution d’eau.<br />
Piedad, une collaboratrice de PROTOS,<br />
ajoute : “Avant notre intervention en 2011, les<br />
habitants disposaient d’une vieille installation<br />
d’eau potable qui ne purifi ait même plus<br />
l’eau pompée. L’eau du fleuve étant utilisée<br />
pour toutes sortes d’activités, elle était extrêmement<br />
sale. Les habitants étaient régulièrement<br />
confrontés aux maladies et cela n’avait<br />
donc rien de surprenant.”<br />
Plusieurs enfants sautent dans le fleuve et<br />
commencent à jouer dans l’eau. Nous avons<br />
bien envie de les imiter, car le soleil culmine<br />
dans le ciel et la chaleur est étouffante.<br />
Hygiène<br />
En route pour la destination suivante :<br />
Sandoval. Nous y visitons une petite<br />
école qui compte 48 élèves et deux instituteurs.<br />
Trois toilettes, une douche et un<br />
évier, alimentés par l’eau du fleuve, ont<br />
été installés dans l’école. L’eau potable<br />
provient de bidons.<br />
“Enseigner l’importance de l’hygiène aux<br />
enfants n’a pas été une chose facile”, déclare<br />
un collaborateur de l’école. “Ils n’ont en<br />
effet souvent pas de toilettes chez eux (ils<br />
font leurs besoins en pleine nature) et ne<br />
sont certainement pas habitués à se laver<br />
les mains avant de reprendre leurs activités.”<br />
Toilettes sèches<br />
En fin de matinée, nous poursuivons notre<br />
route vers Zapallo, où nous croisons un<br />
groupe de femmes en train de faire la lessive<br />
dans le fleuve. Le gouvernement équatorien<br />
a reçu des fonds des Nations Unies<br />
afin d’équiper le village d’une installation<br />
d’eau potable d’ici <strong>2013</strong>. Plus tôt cette<br />
année, PROTOS a lancé un projet pilote<br />
consacré aux toilettes écologiques.<br />
“Nous avons pu convaincre neuf familles<br />
d’utiliser des toilettes sèches”, déclare<br />
Piedad. “Il s’agit d’une solution alternative<br />
bien plus hygiénique que les W.-C. classiques,<br />
parce que vous n’avez pas besoin<br />
d’eau pour rincer. Vous n’avez donc pas non<br />
plus d’eaux usées à évacuer. L’urine et les<br />
14 JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> I dimension 3
AMÉRIQUE LATINE<br />
PROTOS<br />
Avec le slogan “L’eau, LE levier du développement”, PROTOS plaide pour une gestion durable de<br />
l’eau au Nord comme au Sud. En Équateur, l’ONG soutient des programmes de développement qui<br />
offrent à la population locale un meilleur accès à l’eau et aux infrastructures sanitaires. La qualité de<br />
vie s’en trouve considérablement améliorée vu la réduction du risque de maladies. En outre, les programmes<br />
garantissent l’exploitation optimale de l’eau disponible pour l’agriculture locale. PROTOS<br />
favorise en outre la collaboration entre toutes les parties concernées et tente de donner davantage<br />
de pouvoir aux communautés locales en ce qui concerne leur gestion de l’eau.<br />
© DGD / S. Buyst<br />
Une pompe extrait l’eau de la rivière qui sera conduite<br />
à la station d’épuration de Chumundé.<br />
© DGD / S. Buyst<br />
excréments sont séparés et récoltés dans<br />
des compartiments souterrains distincts.”<br />
Mais qu’en est-il au niveau des mauvaises<br />
odeurs et des insectes ? “De la matière<br />
sèche (herbe, terre, feuilles) est répandue<br />
sur les excréments pour éviter ce genre de<br />
problèmes. Une fois séchés et désinfectés,<br />
les excréments sont utilisés comme engrais<br />
pour le potager.”<br />
Graciela, dont la famille participe au<br />
projet, nous montre avec fierté son potager<br />
particulièrement garni. “Les familles<br />
participant au projet ont reçu une formation<br />
sur l’utilisation correcte des toilettes<br />
écologiques”, explique-t-elle. Si l’expérience<br />
menée auprès des habitants du<br />
village rencontre le succès escompté,<br />
PROTOS investira davantage dans les<br />
toilettes sèches. En cas d’échec du projet<br />
pilote, des toilettes classiques avec<br />
chasse d’eau seront installées.<br />
Salles de bain<br />
Direction Chontaduro maintenant, où nous<br />
sommes invités à visiter le village ainsi que<br />
quelques maisons pourvues d’une douche<br />
et de toilettes privées. Les salles de bain<br />
sont joliment décorées, mais restent relativement<br />
basiques. À notre grande surprise,<br />
nous découvrons même une machine<br />
à laver dans l’une des maisons, un fait<br />
extrêmement rare dans ces hameaux où<br />
les habitants n’ont souvent pas accès à<br />
l’électricité. Dans l’ensemble du village,<br />
43 installations sanitaires ont été montées.<br />
Pompe immergée<br />
En route pour la dernière visite de la journée,<br />
celle d’une installation d’eau potable<br />
dans le village de Chumundé. L’installation<br />
n’est accessible que par le fleuve ; un canoë<br />
nous emmène donc plusieurs centaines de<br />
mètres plus loin, sur l’autre rive. Ce faisant,<br />
nous sommes passés à côté de la pompe<br />
immergée accrochée à une structure flottante.<br />
Cette solution a été retenue parce que<br />
la hauteur du fleuve varie de dix mètres<br />
entre la saison des pluies et la saison sèche.<br />
La pompe immergée achemine l’eau du<br />
fleuve vers l’installation située en amont,<br />
où l’eau subit un traitement chimique et<br />
une filtration. L’installation a été construite<br />
en collaboration avec les habitants. Le<br />
système ne fonctionne pas 24 heures sur<br />
24 pour des raisons d’économie. La communauté<br />
est en effet seule responsable<br />
de son exploitation et sa maintenance.<br />
Nous plongeons un instant nos mains dans<br />
le courant pour nous rafraîchir, puis reprenons<br />
notre route en direction de la capitale<br />
Quito.<br />
STEFANIE BUYST<br />
FAIRE DE L’ACCÈS<br />
À L’EAU ET À<br />
L’ASSAINISSEMENT<br />
UN DROIT DE L’HOMME<br />
Les Nations Unies ont proclamé <strong>2013</strong> Année internationale<br />
de la coopération dans le domaine de l'eau.<br />
L’objectif est de renforcer le degré de sensibilisation<br />
quant à l’importance de la coopération internationale.<br />
Les exemples de bonne gestion de l’eau et de collaboration<br />
fructueuse seront mis en lumière. Une attention<br />
toute particulière est prêtée à la gestion adéquate de<br />
l’eau, à la coopération fi nancière et à l’élaboration de<br />
cadres légaux nationaux et internationaux permettant<br />
la coopération dans le domaine de l’eau.<br />
L'Europe, à travers ses citoyens, accorde aussi une<br />
attention à la problématique de l'eau. Le 10 décembre<br />
2012 - lors de la Journée des droits de l’homme –, les<br />
autorités de dix grandes villes européennes 1 ont signé la<br />
toute première Initiative citoyenne européenne prônant<br />
l’instauration du droit humain à l’eau et l’assainissement<br />
dans la législation européenne.<br />
Source :<br />
www.unwater.org/watercooperation<strong>2013</strong>.html<br />
www.right2water.eu/fr<br />
ONLINE<br />
www.protos.be<br />
1<br />
Amsterdam, Bruxelles, Copenhague, Gênes, Gand,<br />
Leicester, Moita, Nantes, Naples, Paris et Vienne.<br />
© Juri Samsonov - Fotolia.com<br />
dimension 3 I JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> 15
Via une organisation locale, l’ONG Trias vient en<br />
aide aux cultivateurs de pommes de terre pour<br />
qu’ils augmentent leurs revenus.<br />
TRENTE ANS D’ÉCHANGES<br />
En 2007, on comptait déjà 30 années de présence de la Coopération belge au développement<br />
en Équateur. Une excellente occasion pour publier, en 2010, le recueil de photos Encuentros<br />
de la photographe Angela Tillieu. Un aperçu des réalisations effectuées au cours de ces<br />
trois décennies étaient ainsi mises en lumière par de splendides photographies en noir et<br />
blanc dont vous voyez une sélection ci-dessous. Si vous souhaitez un exemplaire de cet<br />
ouvrage, participez à notre concours.<br />
Suite aux inondations de 2008, la Belgique a soutenu dans<br />
l’urgence les petits agriculteurs par le biais de l’organisation des<br />
Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).<br />
Grâce à UNIFEM, le Fonds de développement des Nations<br />
Unies pour la femme – devenu par la suite ONU Femmes – la<br />
Belgique soutient l’égalité des chances entre fi lles et garçons.<br />
16 JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> I dimension 3
AMÉRIQUE LATINE<br />
Dans la zone frontalière avec Pérou, des projets ont été lancés (secteurs<br />
de l’eau, du café…) pour renforcer la cohésion entre les deux pays, en<br />
mettant une emphase particulière sur les questions d’environnement.<br />
GAGNEZ<br />
UN MAGNIFIQUE<br />
RECUEIL DE PHOTOS<br />
Grâce aux microcrédits, les populations rurales sont en mesure de lancer<br />
leur entreprise, comme ici la fabrication de nattes en roseau et de meubles.<br />
50 PERSONNES AYANT<br />
RÉPONDU CORRECTEMENT<br />
AUX 4 QUESTIONS SERONT<br />
TIRÉES AU SORT ET SE<br />
VERRONT OFFRIR LE LIVRE<br />
ENCUENTROS (126 PAGES)<br />
ET SON RECUEIL DE TEXTES<br />
(86 PAGES). TOUTES LES<br />
RÉPONSES SE TROUVENT<br />
DANS CE NUMÉRO.<br />
1. Que signifie “Mindalae”?<br />
2. Connaissez-vous le nom de la meilleure<br />
variété de cacao cultivé en Équateur ?<br />
3. Que veut dire “Buen Vivir” ?<br />
4. Que sont les “Páramos”?<br />
5. Que signifie ALBA ?<br />
Prière d’envoyer vos réponses accompagnées de<br />
vos coordonnées postales avant le 28 février 2012<br />
à info.dgd @diplobel.fed.be ou par voie postale à<br />
l’adresse suivante : DGD – Concours D4.4<br />
Rue des Petits Carmes 15<br />
1000 Bruxelles.<br />
Moment de détente suite aux moments diffi ciles vécus<br />
lors des inondations (voir photo à gauche).<br />
Dans le courant du mois de mars <strong>2013</strong>, la liste<br />
des 50 gagnants sera publiée sur notre site et les<br />
livres envoyés par la poste.<br />
dimension 3 I JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> 17
AMÉRIQUE LATINE<br />
Regards croisés<br />
Il est des événements dans la vie qui vous font embrasser des causes pour lesquelles<br />
vous n’aviez pas d’affinités particulières. En 1998, Lenín Moreno est victime d’une<br />
agression à main armée, qui le privera de l’usage de ses jambes. Quelques années<br />
plus tard, Nadia Hadad, coopérante au sud du Sénégal, devient tétraplégique suite à un<br />
accident de voiture. Ils ne se connaissent pas mais ont livré le même combat.<br />
© IVAN FRANCO/epa/Corbis<br />
Lenín Moreno est vice-président<br />
de son pays, l’Équateur. Pendant<br />
son mandat, qui prendra fin<br />
avec les élections présidentielles<br />
de ce début d’année, son combat a été la<br />
reconnaissance des droits de la personne<br />
handicapée à travers une série d’initiatives<br />
et de politiques publiques novatrices.<br />
“Quand je suis allé sur le terrain, je me suis<br />
rendu compte à quel point les personnes<br />
souffrant d’un handicap étaient reléguées<br />
au plus bas niveau de la société. Certaines<br />
d’entre elles dormaient dans de véritables<br />
trous, d’autres étaient attachées à leur lit,<br />
pour éviter qu’elles n’en tombent, nous<br />
disait-on.”<br />
Les programmes mis en place en Équateur<br />
s’attaquent à plusieurs chantiers : la prévention<br />
du handicap, l’amélioration de la<br />
qualité de vie des personnes handicapées,<br />
mais aussi leur inclusion dans la société, à<br />
travers des activités artistiques et sportives.<br />
Ces programmes promeuvent également<br />
l’inclusion dans la vie active, avec<br />
notamment la réforme du code du travail,<br />
qui oblige toute entreprise de plus de 25<br />
employés à recruter au moins 4 % de personnes<br />
handicapées.<br />
Pour couronner cet engagement, Lenín<br />
Moreno est parvenu en juin 2012 à faire<br />
approuver une loi à l’unanimité par l’Assemblée<br />
nationale, garantissant les droits<br />
des personnes handicapées. Aujourd’hui,<br />
l’expérience équatorienne dépasse les<br />
frontières de ce petit pays andin, qui a<br />
Quand je suis allé sur le<br />
terrain, je me suis rendu<br />
compte à quel point les<br />
personnes souffrant<br />
d’un handicap étaient<br />
reléguées au plus bas<br />
niveau de la société.<br />
LENÍN MORENO<br />
signé à ce jour des conventions de coopération<br />
en matière de handicap avec plusieurs<br />
pays latino-américains.<br />
Les droits des personnes<br />
handicapées dans la coopération<br />
au développement<br />
Nadia Hadad travaille en tant que bénévole<br />
et administrateur pour PHOS (Platform Handicap<br />
en Ontwikkelingssamenwerking),<br />
Parmi les projets<br />
menés par PHOS, il y a<br />
notamment l’insertion<br />
de la problématique<br />
du handicap dans les<br />
Objectifs du Millénaire<br />
pour le Développement.<br />
© N. Hadad<br />
une ONG belge fondée en 1994 et qui<br />
promeut les droits de la personne handicapée<br />
dans le contexte de la coopération<br />
au développement.<br />
“Ce qui me frappe, dans l’expérience de<br />
l’Équateur, c’est que la problématique des<br />
droits des personnes handicapées ne se<br />
limite pas à une accessibilité physique pour<br />
les personnes à mobilité réduite, mais est<br />
considérée comme un thème transversal et<br />
intégré dans tous les domaines : transport,<br />
bâtiments et services publics, enseignement,<br />
emploi, etc.”, déclare Nadia Hadad.<br />
Elle rappelle que l’Équateur a ratifié la<br />
Convention des Nations unies et son Protocole<br />
en 2008, un an avant la Belgique,<br />
et que le pays a adopté un Plan d’action<br />
très ambitieux. Cette dynamique est due<br />
selon elle au rôle actif joué par une personnalité<br />
de premier plan comme Lenín<br />
Moreno. Un nombre très limité de pays<br />
bénéficie de ces figures de proue. Par<br />
exemple, en Allemagne, le ministre des<br />
Finances, Wolfgang Schaüble, lui-même<br />
en chaise roulante, a rendu ce pays<br />
“accessible”, selon elle.<br />
Parmi les projets menés par PHOS, il y a<br />
notamment l’insertion de la problématique<br />
du handicap dans les Objectifs du Millénaire<br />
pour le Développement, ainsi que l’analyse<br />
de plusieurs programmes de coopération<br />
de la Belgique (au Bénin, en Tanzanie, etc.),<br />
et cela en vue de faire respecter notamment<br />
l’article 32 de la Convention des Nations<br />
Unies de 2006 relatives aux droits des personnes<br />
handicapées, qui appelle à une<br />
prise en compte de cette problématique<br />
dans la coopération au développement. S’il<br />
y a souvent de la marge entre la théorie et<br />
la pratique, des expériences comme celle<br />
de l’Équateur ou de l’Ouganda (où, par<br />
exemple, la législation n’octroie pas le droit<br />
à quelque parti que ce soit de siéger au<br />
Parlement s’il n’est pas représenté par au<br />
moins une femme et une personne souffrant<br />
d’un handicap) permettent d’espérer et de<br />
montrer le chemin à la Belgique où, selon<br />
PHOS, cette dimension n’est pas encore<br />
prise à bras-le-corps.<br />
ERIC DE MUYNCK<br />
18 JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> I dimension 3
AMÉRIQUE LATINE<br />
INDALAE<br />
artisanat avec identité<br />
© Mi<br />
ndal<br />
ae<br />
© Mindalae<br />
ae<br />
© Mindalae ae<br />
© Mindalae<br />
Nul n’ignore la richesse de l’histoire de la population indigène<br />
de l’Équateur. De lointains ancêtres témoignent d’une<br />
diversité linguistique et culturelle exceptionnelle. Au musée<br />
Mindalae de Quito, touristes et autochtones peuvent admirer<br />
de belles tranches d’histoire.<br />
Bien avant l’arrivée des Incas, les<br />
Mindalae se livraient au commerce<br />
de produits divers (sel,<br />
coton, bois, etc.). Ces commerçants<br />
ambulants ont été les figures-clés<br />
des cultures précolombiennes. Ils transportaient<br />
des produits de la Cordillère des<br />
Andes jusqu’à la côte, et du Nord au Sud.<br />
Colporteurs de toutes les nouvelles, ils remplissaient<br />
également le rôle de messagers.<br />
Soutien belge<br />
Le musée Mindalae, qui a été fondé avec<br />
le soutien de la Coopération belge au<br />
développement 1 , s’inscrit dans le cadre<br />
d’un projet visant à renforcer, revaloriser<br />
et promouvoir l’artisanat traditionnel<br />
de l’Équateur. Il n’abrite pas de pièces<br />
archéologiques mais montre, par le<br />
biais de l’artisanat, les différents rituels<br />
et traditions des groupes ethniques des<br />
trois plus grandes régions de l’Équateur :<br />
la région côtière, le massif des Andes et<br />
la forêt amazonienne. Dans la mesure où<br />
la promotion de la culture n’est généralement<br />
pas une priorité de la coopération<br />
au développement, ce projet est véritablement<br />
atypique. Toutefois, il a bénéficié<br />
d’un soutien en raison de son impact<br />
économique : le musée aide les petits artisans<br />
en vendant leurs produits via le commerce<br />
équitable, ce qui améliore ainsi la<br />
qualité de vie d’une partie de la population<br />
démunie.<br />
Et cette initiative est une réussite : étant<br />
donné que les artisans vendent leur travail<br />
régulièrement (et plus en une fois),<br />
ils perçoivent ce qui s’apparente à une<br />
rémunération. Même s’il s’agit de l’équivalent<br />
d’un salaire minimum (300 dollars),<br />
cela représente une importante source<br />
de revenus pour des personnes généralement<br />
originaires de la campagne,<br />
non scolarisées et dont la production se<br />
déroule dans un contexte familial. Cette<br />
initiative leur permet d’assurer la subsistance<br />
de leur famille.<br />
Sinchi Sacha<br />
Sinchi Sacha est une ONG qui contribue de manière stratégique au développement durable en Équateur.<br />
Cette organisation est spécialisée dans la promotion de l’écotourisme, le commerce équitable,<br />
la réhabilitation du patrimoine culturel et la création de revenus pour les pauvres. L’association se<br />
compose actuellement d’un réseau de 120 petits producteurs, dont une majorité de femmes.<br />
Sinchi Sacha signifie “imposante forêt vierge” en quechua, une langue précolombienne parlée par<br />
les habitants des Andes et qui était la principale langue véhiculaire à l’époque des Incas.<br />
Identité<br />
De plus, les artisans bénéficient d’un feedback<br />
de l’acheteur. Ils peuvent ainsi améliorer<br />
leurs produits et suivre les tendances<br />
de la mode, en adaptant par exemple les<br />
couleurs de certains tissus en fonction de<br />
la saison. Il arrive fréquemment qu’une<br />
fiche technique soit également jointe au<br />
produit afin d’expliquer le contexte ethnique.<br />
Celle-ci confère une valeur ajoutée<br />
au produit, tout en transmettant des informations<br />
sur les traditions de la population<br />
indigène de l’Équateur.<br />
La découverte de cette diversité culturelle<br />
remporte surtout du succès auprès des<br />
jeunes. Des événements sont régulièrement<br />
organisés au musée afin de couvrir les frais,<br />
de visites scolaires assorties d’ateliers à<br />
des réceptions pour des institutions internationales<br />
telles que l’Union européenne.<br />
“Le but est de faire connaître la culture dans<br />
le musée mais aussi en dehors de celui-ci”,<br />
déclare Catalina Sosa, directrice de la Fondation<br />
Sinchi Sacha (voir encadré). “De<br />
cette manière, le musée vit et crée une interaction<br />
avec ses visiteurs qui ont la possibilité<br />
de découvrir, s’approprier et transmettre les<br />
traditions de divers groupes ethniques de<br />
l’Équateur par le biais de l’artisanat.”<br />
STEFANIE BUYST<br />
ONLINE<br />
www.mindalae.com<br />
1<br />
Entre 2004 et 2007, la Coopération belge au développement<br />
a offert 600.000 euros. Le projet s’est déroulé en<br />
collaboration avec la commune de Quito et l’ONG Sinchi<br />
Sacha (voir encadré), qui gère aujourd’hui le musée.<br />
dimension 3 I JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> 19
© Fondo Indígena / M. Fasol<br />
DE LA FORÊT<br />
AUX SOMMETS :<br />
UNE NATURE QUI VAUT DE L’OR<br />
La nature unique qu’abritent les sommets andins et la forêt amazonienne<br />
sont un enjeu local et international.<br />
BTC - Pieter Van de Sype<br />
Biodiversité : de la forêt…<br />
Ce qui est merveilleux ici, c’est que chaque<br />
espèce s’est spécialisée dans un biotope<br />
qui lui est propre pour ne pas entrer en<br />
compétition avec une autre. C’est peut-être<br />
la raison pour laquelle certains points de la<br />
forêt amazonienne comme le Parc Yasuni<br />
sont considérés comme l’un des lieux qui<br />
a le plus grand taux de biodiversité de la<br />
planète. Des arbres ont appris à vivre dans<br />
l’eau pour ne pas prendre l’espace des<br />
autres, des plantes se sont faites aériennes,<br />
elles poussent sur les<br />
arbres, des animaux<br />
La biodiversité<br />
est un bienfait<br />
global pour la<br />
stabilité du climat<br />
du monde entier.<br />
“endémique” (c’està-dire<br />
qu’on ne trouve<br />
qu’ici) semblent tout<br />
droit sortis de la préhistoire.<br />
Selon David<br />
Romo, de l’université<br />
de Quito, “Yasuni aura<br />
traversé l’histoire tout<br />
en conservant des<br />
poches de biodiversité intactes. Ce qui<br />
explique le trésor génétique qu’abrite le<br />
parc.” (v. encadré).<br />
Souvent surnommée “le poumon de la planète”,<br />
l’Amazonie représente à elle seule<br />
1/3 des réserves tropicales de la planète et<br />
60 % de la surface totale de la forêt. La plus<br />
grande forêt du monde remplit également<br />
un rôle écologique très important. En effet,<br />
la pluie, après avoir été absorbée par le sol,<br />
s’évapore. Une certaine chaleur se dégage<br />
alors dans l’atmosphère. Comme les tropiques<br />
reçoivent les deux tiers des précipitations<br />
mondiales, la chaleur dégagée est<br />
très importante. Les tropiques sont en effet<br />
20 JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> I dimension 3<br />
la première source de redistribution de la<br />
chaleur sur Terre. Dans ce processus, les<br />
arbres contribuent au processus naturel en<br />
transformant le gaz carbonique en oxygène.<br />
…Aux sommets<br />
La Cordillère des Andes est classée parmi<br />
les régions prioritaires pour la conservation<br />
de la biodiversité pour la Convention<br />
sur la Diversité Biologique en raison de sa<br />
vulnérabilité et la richesse irremplaçable<br />
des plantes et vertébrés endémiques. Les<br />
páramos, paysages<br />
typiques des Andes<br />
perchés juste en dessous<br />
des glaciers, entre<br />
3.500 et 5.000 m d’altitude<br />
constituent des<br />
écosystèmes exceptionnels<br />
de biodiversité.<br />
Les espèces qui<br />
peuplent les ruisseaux<br />
issus des eaux de fonte,<br />
principalement des insectes, sont pour<br />
bon nombre endémiques de ces milieux<br />
extrêmes, soumis à la fois au gel, à un rayonnement<br />
intense, et balayés par les vents. Les<br />
páramos qui filtrent l’eau de fonte sont à la<br />
base du système hydraulique de toute la<br />
région. D’une façon générale, les écosystèmes<br />
de montagne fournissent l’eau pour<br />
la moitié de l’humanité.<br />
Amérique du Sud : hotspot des<br />
changements climatiques<br />
Cette géographie exceptionnelle, entre sommets<br />
enneigés et gigantesque forêt vierge,<br />
rend l’Amérique du Sud particulièrement<br />
KLIMOS<br />
une plateforme de<br />
recherche sur le climat<br />
et la coopération au<br />
développement<br />
KLIMOS est une plateforme de recherche regroupant la<br />
KULeuven, la VUB, l’UGent et la Katholieke Hogeschool<br />
Sint-Lieven. Elle élabore des politiques d’intégration<br />
des mesures d’adaptation et d’atténuation au sein<br />
de la coopération au développement. Depuis 2011,<br />
KLIMOS a développé un toolkit permettant d’intégrer<br />
le “développement durable” dans les programmes de<br />
développement.<br />
sensible aux changements climatiques et<br />
aux catastrophes naturelles. “L’Équateur fait<br />
un monitoring du recul des glaciers. Ces 20<br />
dernières années, le recul est net et a des<br />
effets sur tout le système hydrique du pays.<br />
En commençant par les páramos qui avec<br />
un degré de différence se sont réduits et<br />
ont presque disparu. Les effets sur la qualité<br />
du sol sont déjà visibles et les agriculteurs<br />
doivent aller plus haut pour trouver de<br />
bonnes terres. Pour le moment l’Équateur a<br />
une eau de bonne qualité qui vient des glaciers<br />
mais beaucoup d’études montrent que<br />
l’on peut s’attendre à des problèmes d’eau<br />
potable dans les années qui suivent. Il a suffit<br />
de fortes pluies pour que surviennent de<br />
terribles glissements de terrain. Mais toute la<br />
faute n’est pas à la géographie ; la capacité<br />
de se préparer et répondre aux catastrophes<br />
d’un pays est aussi un facteur d’aggravation<br />
des risques”, explique Gabriel Jaramillo,<br />
spécialiste environnement et gestion des<br />
risques au PNUD en Équateur.
AMÉRIQUE LATINE<br />
La Cordillère des Andes, est la plus grande chaîne<br />
de montagnes du monde avec ses 7.100 kilomètres<br />
de long et son altitude moyenne de 4.000 mètres qui<br />
culmine à 6.962 mètres (en Argentine). Elle débute au<br />
Nord du Venezuela au nord puis traverse la Colombie,<br />
l’Équateur, le Pérou, la Bolivie, le Chili et l’Argentine,<br />
jusqu’à la pointe sud du continent. De nombreux<br />
sommets sont des volcans.<br />
Qui n’a pas entendu parler d’El Niño<br />
(littéralement l’enfant Jésus) ? Ce<br />
phénomène climatique désigne à<br />
l’origine un courant côtier saisonnier<br />
chaud sans danger au large du<br />
Pérou et de l’Équateur et par extension<br />
le phénomène climatique particulier,<br />
différent du climat usuel, qui<br />
se caractérise par des températures<br />
anormalement élevées de l’eau dans<br />
la partie est de l’océan Pacifique sud.<br />
Mais dernièrement, l’enfant terrible<br />
est surtout connu dans l’actualité<br />
sous sa forme la plus redoutable qui<br />
a fait des ravages parmi la population<br />
équatorienne. Car sous l’influence<br />
du changement climatique global,<br />
les apparitions d’El Niño seraient<br />
plus fréquentes et intenses provoquant<br />
importantes inondations ou<br />
sécheresses. Et le réchauffement<br />
aurait des conséquences sur les<br />
autres continents ; ainsi un réchauffement<br />
localisé de la partie centrale du<br />
Pacifique équatorial nommé El Niño<br />
Modoki a un impact spécifique sur la<br />
circulation atmosphérique globale. Il<br />
provoque en particulier des sécheresses<br />
sévères sur l’Australie et en Inde en perturbant<br />
la Mousson.<br />
Un lien entre biodiversité et<br />
changements climatiques<br />
On ne peut lutter contre le changement<br />
climatique sans tenir compte de la biodiversité.<br />
“Protéger la biodiversité, c’est<br />
sauvegarder des écosystèmes. Et ces écosystèmes<br />
(comme les forêts) maintiennent<br />
la réserve de carbone stable. La déforestation<br />
contribue à 20 % des émissions de<br />
gaz à effet de serre. Sans compter que la<br />
survie des populations dépend des écosystèmes<br />
dont ils font partie.” Le spécialiste<br />
du PNUD renchérit : “Vous savez, le globe<br />
REDD+<br />
REDD (Reducing Emissions from Deforestation and Forest<br />
Degradation) a été conçu comme un moyen de valoriser financièrement<br />
le carbone stocké dans les forêts. REDD entend inciter<br />
les pays du Sud à s’investir dans un développement durable en<br />
réduisant leurs émissions de carbone causés par la déforestation.<br />
REDD + dépasse la simple lutte contre la déforestation et la<br />
dégradation des forêts et couvre également la protection, de la<br />
gestion durable des forêts et de l'amélioration la séquestration<br />
du carbone dans les forêts.<br />
Le REDD a été mis sur la table pour la première fois en 2005 lors<br />
des négociations sur le climat à Montréal. À Cancun, en 2010,<br />
une décision sur REDD + a été adoptée. Par contre en ce qui<br />
concerne le financement à long terme et son inclusion éventuelle<br />
dans le marché du carbone il n’y a pas encore d'accord.<br />
terrestre est un seul et unique système climatique.<br />
La Belgique, même lointaine fait<br />
partie de ce système. Si vous ne pouvez<br />
pas diminuer les émissions de gaz des<br />
industries chez vous par exemple, vous<br />
pouvez compenser en aidant un autre pays<br />
à maintenir sa biodiversité. En fait la biodiversité<br />
est un bienfait pour la stabilité du<br />
climat du monde entier.”<br />
Rio et le rôle des peuples<br />
autochtones<br />
C’est aussi l’idée qui a parcouru les sommets<br />
de Rio en 1992 et de Rio+20 en<br />
septembre 2012. Le sommet de 92 produisait<br />
la Convention sur les changements<br />
climatiques et la Convention sur la diversité<br />
© BTC – Pieter Van de Sype<br />
biologique. L’agenda 21 reconnaissait<br />
le rôle important des “connaissances,<br />
innovations et pratiques des communautés<br />
autochtones qui présentent un<br />
intérêt pour la conservation et l’utilisation<br />
durable de la diversité biologique.”<br />
Il proposait de renforcer ce rôle et<br />
affirmait que les peuples autochtones<br />
devaient garder le contrôle de leur<br />
territoire.<br />
Depuis lors, une prise de conscience<br />
de l’importance des richesses naturelles<br />
s’est développée tant du côté<br />
des populations andines qu’au niveau<br />
politique. Ainsi en Bolivie comme en<br />
Équateur on promeut (souvent plus<br />
dans la théorie que dans la pratique)<br />
un système basé sur le “Buen vivir”<br />
(conception indigène de vie basé<br />
sur le lien social et l’harmonisation de<br />
l’être humain avec les écosystèmes)<br />
et les “droits de la nature”. Les gouvernements<br />
des pays andins ainsi que<br />
des organisations de peuples indigènes<br />
étaient donc présents à Rio +20<br />
avec des revendications concrètes.<br />
Mitigation et adaptation<br />
“Nous luttons contre les changements climatiques<br />
à travers deux grands axes : l’atténuation<br />
et l’adaptation en nous basant sur<br />
les stratégies nationales”, continue l’expert<br />
du PNUD…<br />
MITIGATION OU ATTÉNUATION<br />
Actions pour atténuer ou prévenir les conséquences<br />
possibles des changements climatiques<br />
(ex. lutter contre la déforestation)<br />
ADAPTATION<br />
Actions pour adapter des systèmes naturels<br />
et humains à des changements de climat<br />
éventuels (ex : construire des digues, diversifier<br />
l’agriculture)<br />
dimension 3 I JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> 21
AMÉRIQUE LATINE<br />
DE LA FORÊT<br />
AUX SOMMETS<br />
Brésil<br />
63 %<br />
L’Amazonie couvre 6,7 millions de km²<br />
dans 9 pays / territoires.<br />
Guyane<br />
Française<br />
Équateur<br />
Suriname<br />
Guyane<br />
Venezuela<br />
Bolivie<br />
Colombie<br />
Pérou<br />
1,5 % 1,5 % 2 % 3 % 6 % 6 % 7 % 10 %<br />
La forêt amazonienne forme avec les forêts du Bassin Congo et de<br />
l’Asie du sud-est une ceinture verte qui encercle la Terre.<br />
“L’atténuation consiste plus particulièrement<br />
en la protection globale, par<br />
exemple en luttant contre la déforestation<br />
ou en développant des énergies renouvelables.<br />
La question des technologies et le<br />
transfert de celle-ci est centrale à ce niveau.<br />
L’adaptation des populations aux changements<br />
climatiques relève plutôt du développement<br />
(ressources en eau, adaptation<br />
à l’agriculture)”. La Belgique participe<br />
à ces programmes via une contribution<br />
financière au PNUD.<br />
Suite aux grands sommets et à un niveau<br />
international, un Fonds pour les pays les<br />
moins avancés a été créé pour soutenir les<br />
pays les moins avancés dans l’élaboration<br />
et l’exécution de programmes nationaux<br />
d’adaptation. Il est géré par le Fonds pour<br />
l’environnement mondial (FEM) auquel<br />
la Belgique a versé 25,4 millions d’euros<br />
depuis 2009. Dix agences exécutives<br />
telles que le PNUD, le PNUE et la Banque<br />
mondiale viennent en aide aux autorités<br />
du Sud pour adapter leurs activités de<br />
développement au climat. La Belgique<br />
participe également à la mise en place de<br />
systèmes de mitigation comme le REDD+<br />
(voir encadré) et a intégré une dimension<br />
“changement climatique” dans ses projets<br />
de développement (voir Klimos).<br />
ONLINE<br />
www.bolivie.ird.fr<br />
www.equateur.ird.fr<br />
ELISE PIRSOUL<br />
© Marie-Isabelle Gomez Calvo<br />
En marge du sommet<br />
de Rio+20, le Ministre<br />
Magnette a rencontré le chef<br />
traditionnel Raoni qui lutte<br />
toujours à l’âge de<br />
82 ans contre la déforestation<br />
de l’Amazonie et pour la<br />
préservation des droits des<br />
Indiens. Un Borduna, un<br />
gourdin de combat, a été<br />
offert à notre Ministre.<br />
L’Amérique du Sud est particulièrement<br />
sensible aux changements climatiques<br />
et aux catastrophes naturelles. Elle<br />
détient par ailleurs le plus grand<br />
potentiel de “réserve de carbone.”<br />
L’initiative<br />
Yasuni ITT<br />
Dans la partie équatorienne de la forêt amazonienne,<br />
le Parc Yasuni (9.820 km 2 ) abrite la plus<br />
grande biodiversité sur terre. Sur un hectare,<br />
on y trouve plus de variétés d’arbres que dans<br />
tout le continent Nord américain. Il n’existe pas<br />
de lieu où l’on trouve plus de sortes d’oiseaux,<br />
d’insectes, de grenouilles, de poissons et de<br />
plantes. C’est aussi le territoire des derniers<br />
peuples qui vivent totalement coupés de la<br />
civilisation (Huaoranis). Pour son malheur,<br />
cette zone abriterait aussi 20 % de réserves<br />
de pétrole de l’Équateur. Le pétrole menace<br />
l’équilibre de cet écosystème avec ses routes,<br />
ses stations de travail, ses travailleurs migrants,<br />
l’exploitation de l’eau (il faut 10 l d’eau pour un<br />
baril de pétrole), la pollution constituée par les<br />
déchets de pétrole, les fuites…<br />
Dans certaines zones du Parc Yasuni, l’exploitation<br />
pétrolière a déjà commencé avec des<br />
effets dévastateurs pour la biodiversité. Pour<br />
les zones ITT (Ishpingo-Tambococha-Tiputini),<br />
le gouvernement équatorien propose un deal à<br />
la communauté internationale : ne pas toucher<br />
aux 846 millions de barils d’or noir enfouis<br />
dans les sols de la zone ITT mais demander<br />
en compensation de contribuer à un fonds<br />
fiduciaire (géré par le PNUD) pour accompagner<br />
la transition énergétique dans le pays et<br />
contribuer à la conservation de la biodiversité<br />
dans le parc. L’initiative ITT Yasuni est présentée<br />
par l’Équateur comme une façon de lutter<br />
contre les changements climatiques (émissions<br />
nettes évitées).<br />
EP<br />
22 JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> I dimension 3
© DGD / E. Pirsoul © DGD / E. Pirsoul<br />
Un complexe touristique géré<br />
par les indigènes<br />
Les routes se sont arrêtées pour laisser<br />
place à la forêt et sa nature luxuriante. On<br />
n’y accède qu’après 3 heures de bateau<br />
à moteur et de canoë à travers les ‘aguas<br />
negras’ des bras du fleuve Napo. C’est<br />
un petit coin de paradis soigneusement<br />
conservé par ses “propriétaires” grâce<br />
au… tourisme.<br />
Au cœur du Parc Yasuni, le Napo Wildlife<br />
Center est un modèle d’écotourisme<br />
géré par les Indiens Kichwa Añangu. S’il<br />
constitue aujourd’hui un superbe complexe<br />
écotouristique qui propose des<br />
découvertes de l’Amazonie, il ne s’est pas<br />
construit sans peine : “Pendant 2 ans, 8<br />
volontaires de la communauté, dont j’étais<br />
l’un des membres, ont travaillé d’arrache<br />
pied pour construire les lodges. Tous les<br />
matériaux ont été transportés en canoë, en<br />
barque ou à pied”, explique Miguel Andy,<br />
manager du lodge. Il explique : “Nous<br />
sommes allés à Quito pour prendre des<br />
cours de gestion et apprendre l’anglais.”<br />
Aujourd’hui c’est devenu un magnifique<br />
complexe touristique, de haute gamme,<br />
respectueux de l’abondante nature environnante<br />
et ses bénéfices profitent directement<br />
aux communautés autochtones<br />
qui le gèrent.<br />
À quelques coups de pagaie de là, se<br />
trouve l’Interpretacion Center géré par<br />
les femmes de la communauté : un lieu<br />
où elles présentent divers aspects de leur<br />
culture (danses, chants, nourriture, artisanat)<br />
et qui leur permet de participer aussi<br />
au projet touristique. “Nous, les femmes,<br />
avons voulu avec ce centre montrer nos<br />
coutumes et les perpétuer pour nos<br />
enfants”, raconte Mydia, une ancienne.<br />
“Avant, nos maris travaillaient dans les stations<br />
pétrolières, loin de nous. Maintenant<br />
ils sont à nos côtés car ils travaillent dans<br />
le projet touristique. Le régime alimentaire<br />
s’est amélioré, nous avons arrêté de<br />
Sur les rivières de<br />
Écotourisme communautaire<br />
Le collège fraîchement inauguré par la communauté des Indiens<br />
Kichwa Añangu grâce aux bénéfi ces du projet touristique.<br />
chasser, nos enfants sont scolarisés, nous<br />
avons un centre de santé, de l’électricité<br />
produite par des panneaux solaires.”<br />
Des retombées sociales<br />
Le tourisme n’est en effet que la partie<br />
visible du projet de la communauté. En<br />
plus de donner du travail à 20 % de la<br />
communauté, et “un bon salaire”, nous<br />
affirme-t-on, il finance des projets sociaux.<br />
40 % des revenus touristiques sont consacrés<br />
à l’éducation. “L’idée au départ était<br />
de faire étudier nos enfants. Mais nous<br />
avons été au delà : notre qualité de vie a<br />
vraiment augmenté d’une manière générale”,<br />
affirme M. Galo, manager des projets<br />
dans la communauté.<br />
Car quelques kilomètres de forêt vierge<br />
au loin des installations touristiques se<br />
trouve le “centre” de la communauté (dont<br />
les habitations sont éparses sur des kilomètres).<br />
Financé par le projet, on y trouve<br />
un collège, un centre de santé, une salle<br />
internet. Le collège, fraîchement terminé<br />
est le meilleur de la région avec l’option<br />
“tourisme” pour les dernières années.<br />
On y vient de toute l’Amazonie équatorienne<br />
et même de la “ville” pour y étudier.<br />
“On a mis en place un internat pour<br />
accueillir 38 élèves qui viennent de loin. Il<br />
AMÉRIQUE LATINE<br />
est entièrement gratuit, nous demandons<br />
seulement aux élèves de participer à raison<br />
de 1'heure de travail par jour.” Un projet qui<br />
s’étend puisque des nouvelles lodges sont<br />
en construction au cœur la communauté…<br />
Une spécialité régionale<br />
Dans un pays doté d’une nature généreuse<br />
et conservée, et de peuples indigènes qui<br />
cherchent un compromis entre le bienêtre<br />
et la conservation de leur communauté,<br />
l’écotourisme communautaire est en<br />
vogue. Dans l’Amazonie, dans les Andes<br />
ou sur la côte, dans des lodges somptueuses<br />
ou des logements modestes près<br />
des habitants, le tourisme communautaire<br />
semble promis à un bel avenir. Les peuples<br />
indigènes, propriétaires de leurs territoires<br />
ancestraux, sont souvent pauvres et il leur<br />
est difficile d’aspirer à un meilleur bienêtre<br />
sans dégrader leur environnement<br />
et leur mode de vie traditionnel. Dans les<br />
provinces du Nord de l’Équateur, le projet<br />
de développement rural de la CTB appuie<br />
également des projets d’écotourisme.<br />
ELISE PIRSOUL<br />
ONLINE<br />
www.turismocomunitario.ec<br />
www.napowildlifecenter.com<br />
dimension 3 I JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> 23<br />
© DGD / E. Pirsoul
Droits de l'homme<br />
et démocratie<br />
pour lutter<br />
contre le sida<br />
Mark Heywood, superactiviste sud-africain et ancien président<br />
du Groupe de référence de l’ONUSIDA sur le VIH, n’est pas<br />
d’accord avec les conclusions optimistes du dernier rapport<br />
de l’ONUSIDA. Selon lui, l’épidémie est loin d’être endiguée.<br />
“Nous avons besoin du VIH. Ceux et celles qui lui tournent le<br />
dos font à nouveau de l’ombre aux soins de santé et gèlent<br />
le processus démocratique dans la moitié du monde.”<br />
À<br />
l’occasion de la Journée mondiale<br />
contre le sida et d’une<br />
exposition consacrée à la maladie<br />
(voir quatrième de couverture),<br />
la Coopération technique belge a<br />
invité Mark Heywood, activiste sud-africain<br />
dans le domaine de la lutte contre le sida.<br />
Le magazine MO* l’a rencontré.<br />
Depuis dix ans, le nombre<br />
annuel de nouveaux cas a été<br />
réduit de moitié. Le taux de<br />
mortalité a lui aussi baissé de<br />
manière spectaculaire. Le sida<br />
sera éradiqué pour 2015, clamet-on<br />
au sein de l’ONUSIDA.<br />
Cette prévision est-elle réaliste ?<br />
Depuis les années ‘90, les conditions de vie<br />
des personnes atteintes du sida ont profondément<br />
changé. Actuellement, 7 millions<br />
de personnes, dont 1,7 million rien qu’en<br />
Afrique du Sud, suivent un traitement<br />
d’antirétroviraux. En moins de 10 ans, les<br />
cas de transmissions du Sida de mère à<br />
enfant ont chuté de 40 à 2,5 %. Les antirétroviraux<br />
dont nous disposons aujourd’hui<br />
sont le fruit des dernières recherches en la<br />
matière, et un antirétroviral révolutionnaire<br />
fera bientôt son apparition sur le marché.<br />
Il devrait réduire considérablement le<br />
nombre de nouveaux cas chez les femmes,<br />
ce qui est très important car, en raison de<br />
l’inégalité des sexes, les femmes restent<br />
encore impuissantes dans certaines<br />
régions du monde face, notamment, à un<br />
principe aussi simple que l’utilisation du<br />
préservatif. Les progrès sont donc réels,<br />
mais l’ONUSIDA a tort de clamer la fin de<br />
l’épidémie. Nous avons à peine parcouru<br />
la moitié du chemin.<br />
Où le bât blesse-t-il exactement ?<br />
L’accès à l’information et aux traitements<br />
reste un luxe pour qui appartient à la<br />
‘société majoritaire’… Dans un certain<br />
nombre de régions et de groupes de population,<br />
on assiste à un recul de la prévention<br />
et des traitements, voire à une recrudescence<br />
du nombre d’infections et de décès.<br />
Il ne reste plus alors que des groupes et<br />
habitants stigmatisés qui ne bénéficient<br />
pas du même degré d’ouverture et de<br />
démocratie que dans les pays occidentaux.<br />
Pour quelle raison notre responsabilité<br />
envers ces populations devrait-elle être<br />
moindre ? Déclarer que la fin de l’épidémie<br />
est proche revient à les laisser tomber.<br />
À travers la lutte<br />
contre le sida, nous<br />
avons été contraints de<br />
nous poser des questions<br />
en matière d’inégalités<br />
entre hommes et<br />
femmes, mais aussi sur<br />
le plan de la démocratie.<br />
Pour quelle raison les pays du<br />
Moyen-Orient, d’Europe de l’Est<br />
et d’Asie centrale présententils<br />
un bilan aussi négatif dans<br />
le rapport de l’ONUSIDA ? Quels<br />
sont les facteurs responsables<br />
de leur vulnérabilité ?<br />
L’ouverture, le respect des droits de<br />
l’homme et la démocratie sont indispensables<br />
dans la lutte contre le VIH. Les pays<br />
qui bafouent ces principes relèguent le<br />
virus à l’arrière-plan. Les personnes infectées<br />
sont considérées comme des rebuts<br />
sociaux, des marginaux, des criminels.<br />
L’accès aux informations, et ne parlons<br />
même pas des traitements, leur est donc<br />
refusé. Ceci explique donc les chiffres<br />
alarmants enregistrés dans ces pays. La<br />
fragmentation sociale ou le ralentissement<br />
économique fragilise les pays.<br />
En 30 années d’épidémie, nous aurons<br />
au moins appris une chose : tant les autorités<br />
que la société civile sont nécessaires.<br />
En Chine, le programme de lutte<br />
contre le sida est intégralement géré par<br />
l’État. En outre, les initiatives citoyennes<br />
sont davantage considérées comme<br />
une menace par les autorités plutôt que<br />
comme des partenaires égaux. Cette<br />
attitude poursuit un seul objectif : parader<br />
face aux membres des missions diplomatiques<br />
étrangères.<br />
Les chiffres publiés par<br />
l’ONUSIDA sont donc trompeurs ?<br />
L’ONUSIDA prend ses désirs pour des<br />
réalités, il s’agit simplement d’une bataille<br />
de chiffres camouflée en optimisme bienveillant.<br />
Certains se laissent aveugler par<br />
la situation dans laquelle nous nous trouvons<br />
aujourd’hui, comme si les 15 dernières<br />
années n’avaient été qu’une simple<br />
promenade de santé. La lutte contre le<br />
sida n’a pas été de tout repos, bien au<br />
contraire. Au cours des 10 prochaines<br />
années, nous devrons davantage intensifier<br />
nos efforts, surtout en raison de la<br />
crise économique. Si l’épidémie avait fait<br />
autant de ravages au sein des populations<br />
blanches, le sida aurait été éradiqué<br />
24 JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> I dimension 3
OPINION<br />
Mark Heywood est un pilier de la<br />
lutte contre le sida en Afrique du<br />
Sud. Il n’a pas hésité à traduire en<br />
justice le président Mbeki et à mettre<br />
son gouvernement sous pression<br />
pour qu’il distribue gratuitement<br />
des antirétroviraux à cinq millions<br />
de malades du sida et du VIH.<br />
© DGD / J-M. Corhay<br />
depuis bien longtemps. Mais il touche les<br />
Africains, les homosexuels, les pauvres,<br />
les toxicomanes et les travailleurs du<br />
sexe. Toutes ces années de campagne<br />
destinées à donner un visage humain aux<br />
victimes du VIH sont tombées dans l’oubli.<br />
Ce combat se transforme inévitablement<br />
en une lutte d’attention.<br />
Dans le cadre de la Journée<br />
mondiale contre le sida, des<br />
activités solidaires ont été<br />
organisées en Belgique. Mais<br />
le changement climatique<br />
attire généralement davantage<br />
l’attention du public. Pouvonsnous<br />
parler de lassitude<br />
face au problème du sida ?<br />
Nous nous dirigeons fortement vers une<br />
situation où l’épidémie de VIH devient<br />
acceptable dans certaines parties du<br />
monde. Il sera moins source de préoccupation<br />
s’il ne représente plus une menace<br />
mondiale. Des personnes meurent du<br />
sida, mais tant que cette problématique<br />
reste concentrée dans des régions marginalisées,<br />
il n’y a plus aucune raison de<br />
paniquer. Un phénomène identique s’est<br />
produit il y a quelques années en ce qui<br />
concerne la tuberculose. Les organisations<br />
pour lesquelles je travaille ont sauvé<br />
des milliers de vies mais luttent désormais<br />
pour leur propre survie. La société civile<br />
doit réfléchir à des solutions à long terme<br />
pour le monde entier au lieu de passer<br />
d’une crise à l’autre.<br />
Que se passera-t-il si le<br />
problème du VIH est un jour<br />
complètement ignoré ?<br />
Nous avons besoin du VIH. Grâce à la<br />
lutte contre le virus, la santé est sortie<br />
de l’ombre du débat public. En disparaissant,<br />
le VIH fera peser une certaine<br />
pression sur l’ensemble du système des<br />
soins de santé.<br />
À travers la lutte contre le sida, nous avons<br />
été contraints de nous poser des questions<br />
en matière d’inégalités entre hommes et<br />
femmes, mais aussi sur le plan de la démocratie.<br />
La Belgique a un passé démocratique,<br />
mais dans des pays tels que le Botswana, la<br />
Namibie et la Zambie, les projets de lutte<br />
contre le sida sont les seules initiatives démocratiques<br />
en mesure de faire pression sur<br />
les pouvoirs publics. Si nous perdons toute<br />
l’énergie accumulée pendant 30 années de<br />
lutte, ces processus démocratiques utiles à<br />
d’autres fins seront interrompus.<br />
Un nombre croissant de<br />
pays a la volonté politique<br />
et les moyens nécessaires<br />
à disposition. Comment<br />
expliquez-vous alors le fait<br />
qu’en 2012, une personne<br />
meurt encore du sida<br />
toutes les 20 secondes ?<br />
Les Africains, homosexuels, pauvres, travailleurs<br />
du sexe, toxicomanes sont, de<br />
toute évidence, moins importants que<br />
les blancs. Qu’est-il advenu de la solidarité<br />
? La douleur que ressent mon enfant<br />
est identique à celle du vôtre. Dans le<br />
contexte actuel de mondialisation, tous<br />
les problèmes sont liés. Les défis relevés<br />
par ma communauté auront des effets sur<br />
les autres, et inversement. La coopération<br />
au développement doit être redéfinie<br />
de toute urgence. Ce ne sont pas les<br />
membres de votre société qui donnent de<br />
l’argent aux miens. Il est ici question de<br />
partager les moyens afin de préparer un<br />
avenir meilleur pour chacun.<br />
Un manque de solidarité.<br />
L’accoutumance au sida.<br />
La diminution des budgets.<br />
Tout espoir est-il perdu ?<br />
La bataille n’est pas encore perdue,<br />
mais nous avons atteint un tournant. Mais<br />
quoi qu’il en soit, nous avons gagné. Si<br />
ceux et celles qui militent contre le sida<br />
n’avaient pas réagi de la sorte, 7 millions<br />
de personnes aujourd’hui en vie seraient<br />
mortes et enterrées depuis bien longtemps.<br />
Nous devons redéfinir de nouveaux<br />
objectifs plus ambitieux encore,<br />
mais les chiffres ne suffisent pas. Nous<br />
avons avant tout besoin de qualité. Le<br />
monde entier a le droit de bénéficier<br />
de soins de santé de qualité capables<br />
d’apporter des médicaments dans les<br />
hôpitaux, mais aussi d’informations pertinentes<br />
afin que les personnes sous traitement<br />
soient conscientes que ces petites<br />
pilules sauvent leur vie et celle d’autrui.<br />
Enfin, le monde a besoin de gouvernements<br />
à même de prendre leurs responsabilités<br />
afin de contrôler le système de<br />
soins de santé et d’en faciliter l’accès en<br />
dépit de la crise.<br />
TESS VONCK<br />
L’interview est une version abrégée de<br />
l’interview du samedi publiée sur<br />
www.MO.be, le site du magazine MO*.<br />
dimension 3 I JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> 25
© UGent<br />
Grâce à leurs nouvelles connaissances, les étudiants sont capables d’aider les paysans locaux à se<br />
protéger contre les nématodes. Parmi les autres applications de la nématologie, on peut également<br />
citer la recherche médicale fondamentale et les indicateurs de pollution.<br />
Gand,<br />
centre mondial<br />
de nématologie<br />
Depuis 20 ans déjà, les connaissances de l’Université de<br />
Gand sur les nématodes attirent des étudiants du monde<br />
entier. Le master en nématologie figure parmi les plus grands<br />
succès de la coopération au développement universitaire.<br />
U<br />
ne certaine effervescence règne<br />
dans la salle de cours oblongue.<br />
Penchés sur leur microscope,<br />
des étudiants analysent leurs<br />
propres préparations de nématodes, appelés<br />
aussi ‘vers ronds’ (voir encadré). L’étude<br />
de ces organismes minuscules exige une<br />
certaine technique et de la dextérité. Et<br />
c’est à Gand par excellence que se donnent<br />
rendez-vous les étudiants pour apprendre<br />
le métier. En 20 ans, 261 étudiants originaires<br />
de pays du Sud ont décroché un<br />
master en nématologie 1 . En outre, le coordinateur<br />
du département, Nic Smol, reçoit<br />
encore 150 demandes chaque année. “Ce<br />
succès s’explique en premier lieu par les<br />
dommages considérables que provoquent<br />
ces petits vers, relativement méconnus, aux<br />
cultures dans le Sud”, explique Nic Smol.<br />
Pourquoi les nématodes ?<br />
Dans les pays en développement, la majorité<br />
des récoltes agricoles sont la proie des<br />
nématodes, qu’il s’agisse de riz, bananes,<br />
maïs, yam, café ou de légumes, entre autres.<br />
Cependant, de nombreux paysans ignorent<br />
tout de ces “ennemis invisibles”. Lorsque<br />
leurs récoltes sont endommagées par les<br />
nématodes, ils ont plutôt tendance à penser<br />
qu’il s’agit de l’œuvre d’insectes ou qu’ils<br />
doivent augmenter les doses d’engrais.<br />
Jusqu’à 80 % des récoltes peuvent ainsi<br />
être perdus.<br />
La question des nématodes va plus loin<br />
encore. Certains nématodes qui parasitent<br />
des insectes sont cultivés afin de lutter biologiquement<br />
contre les invasions de ces<br />
insectes. Facilement cultivable, le Caenorhabditis<br />
elegans est un organisme modèle<br />
Des formations<br />
universitaires<br />
pour les pays en<br />
développement<br />
Le master en nématologie compte parmi les<br />
nombreuses formations universitaires dispensées<br />
avec le soutien de la coopération<br />
belge au développement. Les sujets sont<br />
très variés : gestion des transports, technologie<br />
alimentaire, économie du développement,<br />
écologie humaine… Des bourses sont<br />
également prévues pour chaque formation.<br />
Au total, près de 2.000 étudiants originaires<br />
de pays en développement reçoivent<br />
chaque année une bourse afin de leur permettre<br />
de suivre une formation universitaire<br />
ou un doctorat.<br />
POUR EN SAVOIR PLUS :<br />
Vous trouverez davantage d’informations<br />
sur les sites néerlandophone et francophone<br />
de la commission universitaire pour le<br />
développement :<br />
www.vliruos.be et www.cud.be.<br />
parfaitement adapté à la recherche fondamentale<br />
et, en outre, intéressant pour la<br />
santé humaine. Les chercheurs ont ainsi<br />
découvert que ces petits animaux vivent<br />
plus longtemps lorsqu’ils sont mis au<br />
régime. C’est donc pour cette raison qu’ils<br />
tentent d’isoler les processus sous-jacents.<br />
Enfin, les nématodes marins sont d’excellents<br />
bio-indicateurs de pollution.<br />
Impact dans les pays du Sud<br />
Dans quelle mesure le pays hôte bénéficie-t-il<br />
de l’investissement dans la formation<br />
? Nic Smol : “70 % de nos étudiants<br />
poursuivent leurs recherches sur les<br />
nématodes et 50 % ont obtenu un doctorat<br />
ou devraient l’obtenir prochainement.<br />
Lors de congrès internationaux consacrés<br />
à la nématologie, je rencontre souvent<br />
26 JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> I dimension 3
RECHERCHE<br />
d’anciens étudiants invités en tant qu’experts<br />
ou orateurs. Nous essayons dans la<br />
mesure du possible de donner un coup<br />
de pouce à la recherche.” Les participants<br />
peuvent ainsi demander à la VLIR-UOS 2<br />
un kit de recherche contenant notamment<br />
un microscope.<br />
Le master proposé par l’Université de<br />
Gand est principalement suivi par des<br />
universitaires et des chercheurs employés<br />
par des instituts. Les universitaires donnent<br />
cours à l’université et transmettent ainsi<br />
leur savoir. Les instituts se consacrent<br />
quant à eux aux recherches appliquées ;<br />
les informateurs exposent les résultats<br />
aux petits paysans pour leur permettre<br />
d’apprendre à reconnaître et contrer<br />
une attaque de nématodes. “Aux Philippines,<br />
un étudiant a écumé les champs à<br />
la recherche de récoltes endommagées.<br />
Il a ensuite édité un tract qu’il a distribué<br />
aux agriculteurs.” Nic Smol avoue que les<br />
anciens étudiants devraient être mieux<br />
suivis, mais le budget n’est pas suffisant.<br />
“Les étudiants originaires d’un même pays<br />
se cherchent rarement de manière spontanée,<br />
ils ont besoin d’aide. Lors d’un séjour<br />
aux Philippines, j’ai réuni tous les anciens<br />
étudiants du pays. Ils vont à présent créer la<br />
‘Nematology society’ des Philippines. Une<br />
telle société est extrêmement importante.<br />
Tous les pays devraient en fonder une.”<br />
Ces ‘societies’ connaissent un vif succès<br />
au Brésil et au Vietnam.<br />
Un nombre plus restreint de participants<br />
sont issus des bureaux d’inspection douanière.<br />
Une multitude de pays interdisent<br />
l’importation de plantes infectées par des<br />
nématodes. Elle risque en effet d’entraîner<br />
des dommages considérables. Un type de<br />
nématodes néfastes pour les conifères a<br />
ainsi été introduit en Chine et au Portugal<br />
depuis le Japon. Peu de pays disposent de<br />
l’expertise leur permettant d’identifier une<br />
contamination par des nématodes. Gand<br />
Nématodes<br />
© UGent<br />
leur offre alors la solution. “On peut affirmer<br />
que Gand forme les futurs nématologistes<br />
du monde entier”, explique le professeur<br />
invité, le Néerlandais Thomas Been.<br />
Au-delà de la connaissance<br />
Cette formation ne se limite toutefois pas à<br />
inculquer des connaissances. Les anciens<br />
étudiants de Gand retiennent surtout de<br />
cette expérience les contacts humains<br />
noués durant leurs études. La plupart<br />
n’avaient encore jamais quitté leur pays.<br />
Ce ne sont pas les cours<br />
qui ont fait de moi un<br />
autre homme, mais les<br />
personnes rencontrées dans<br />
la résidence universitaire,<br />
dans le bus, lors de<br />
fêtes d’anniversaire…<br />
Dès leur arrivée, ils sont intégrés dans un<br />
groupe multiculturel extrêmement varié<br />
dont les membres tissent généralement<br />
des liens d’amitié solides. Ces étudiants<br />
découvrent le mode de vie occidental.<br />
Une formation internationale permet de se<br />
familiariser avec de nombreux domaines<br />
et constitue une étape marquante dans la<br />
vie de la majorité des étudiants.<br />
ONLINE<br />
www.pinc.ugent.be<br />
CHRIS SIMOENS<br />
1<br />
Le “master” correspond à ce que l’on appelait anciennement<br />
“licence”, donc au 2 e cycle de l’enseignement<br />
universitaire.<br />
2<br />
VLIR-UOS : Vlaamse universitaire ontwikkelingssamenwerking<br />
– La Coopération au développement universitaire<br />
fl amande.<br />
Non, les nématodes ne sont pas des vers de<br />
terre. Ce sont des vers ronds. Les plus petits<br />
nématodes qui composent les 25.000 sortes<br />
connues ne mesurent pas plus d’un millimètre.<br />
Ces organismes sont présents partout<br />
autour de nous : dans le sol, l’air, la glace, l’eau<br />
chaude, les océans… Lorsque vous marchez<br />
pieds nus sur la plage, des millions de nématodes<br />
grouillent sous vos pas.<br />
Il existe plusieurs groupes de nématodes ;<br />
parmi eux, les parasites. Ceux-ci vivent aux<br />
dépens d’autres organismes. De nombreuses<br />
récoltes agricoles en sont les victimes ; on parle<br />
alors d’anguillules, mais ils peuvent également<br />
s’attaquer à l’homme et aux mammifères. Un<br />
second groupe vit librement et joue un rôle-clé<br />
notamment dans la chaîne alimentaire et dans<br />
les processus de décomposition des sols et<br />
des sédiments dans les océans et rivières.<br />
© E. Abebe<br />
LA REMISE<br />
EN QUESTION<br />
D’IDÉES<br />
EST POSSIBLE<br />
Eyualem Abebe, avec sa femme et son<br />
enfant, de nouveau à Gand, 20 ans après.<br />
Eyualem Abebe (Éthiopie) a suivi le premier<br />
master en nématologie à Gand. “Nous étions<br />
sept, c’était l’année-test”, explique-t-il.<br />
Il vit et travaille aux États-Unis depuis 2002. “Mon exil<br />
n’est toutefois pas le fruit d’un choix personnel. J’ai<br />
soudainement été licencié par mon université en Éthiopie,<br />
la Bahir Dar University, pour des raisons politiques.<br />
J’ai alors été contraint de trouver un autre emploi.” Il<br />
garde cependant des contacts étroits avec l’Éthiopie.<br />
Il connaît tous les anciens étudiants éthiopiens qui<br />
ont suivi le master en nématologie à Gand. Il a même<br />
créé un réseau informel. Dans la mesure du possible, il<br />
apporte son aide par courriel : il envoie des documents<br />
spécialisés (en Afrique, les magazines sont généralement<br />
hors de prix), il aide à l’interprétation des résultats<br />
et partage des idées et méthodes. Eyualem Abebe les<br />
encourage à assister aux congrès les plus intéressants.<br />
“L’impact que vous pouvez avoir ne dépend pas<br />
de l’endroit où vous vivez.”<br />
L’un des anciens étudiants occupe désormais le poste<br />
de vice-ministre de l’agriculture en Éthiopie. Eyualem<br />
Abebe le connaît très bien. “Jusqu’à présent, le problème<br />
des nématodes parasitaires intéressait peu les<br />
autorités. Mais depuis qu’un ancien étudiant est devenu<br />
ministre, les choses commencent à changer.”<br />
Eyualem Abebe estime que les formations sont mieux<br />
organisées dans les pays de l’hémisphère nord. “En<br />
Éthiopie, personne ne peut remettre en doute la parole<br />
d’un ancien. On ne peut donc jamais contester ce que<br />
nous dit un politicien, un professeur ou un chef, que<br />
ce soit vrai ou non. Quelle différence par rapport au<br />
monde occidental ! Il n’y a qu’en envoyant des étudiants<br />
à l’étranger que ces habitudes changeront progressivement.<br />
Vous savez, ce ne sont pas les cours qui ont fait<br />
de moi un autre homme, mais les personnes rencontrées<br />
dans la résidence universitaire, dans le bus, lors<br />
de fêtes d’anniversaire… J’ai découvert une société différente.<br />
Une véritable démocratie est impossible dans<br />
la tradition de mon pays. Et ne pensez pas qu’en Éthiopie,<br />
les gens se soutiennent plus qu’ici. Tel était peutêtre<br />
le cas il y a 30 ans, mais aujourd’hui, davantage de<br />
personnes dépendent de ressources communes. Cette<br />
situation entraîne plus de compétition et favorise une<br />
société plus individualiste. Ici, on apprend en revanche<br />
que la coopération est au final bien plus bénéfique.”<br />
dimension 3 I JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> 27
TENDANCES<br />
UN PARCOURS<br />
SINUEUX<br />
VERS LES<br />
0,7%<br />
Le conclave budgétaire du gouvernement, qui s’est tenu en<br />
novembre 2012, a annoncé des restrictions budgétaires peu<br />
réjouissantes pour le secteur du développement. Au final,<br />
100 millions d’euros ont été retirés. Comment ces restrictions<br />
seront-elles réparties et quelles seront leurs conséquences<br />
sur l’engagement de consacrer 0,7 % du RNB à la<br />
coopération au développement ?<br />
Aperçu des économies<br />
Le montant total prévu pour la coopération<br />
au développement en 2012 s’élevait<br />
à 1,478 milliards d’euros, une enveloppe<br />
qui sera réduite de 100 millions d’euros<br />
en <strong>2013</strong>. Le montant se répartit comme<br />
suit :<br />
• 40 millions d’euros de moins pour la<br />
coopération gouvernementale (CTB) :<br />
En <strong>2013</strong>, la Coopération technique belge<br />
recevra 200 millions d’euros pour le<br />
financement de ses interventions : projets,<br />
programmes… La CTB est en effet<br />
chargée de la mise en œuvre de la coopération<br />
gouvernementale. L’enveloppe<br />
allouée est déterminée sur la base des<br />
dépenses réelles de la CTB au cours<br />
des années précédentes. Certains facteurs<br />
uniques, comme la présence de<br />
la CTB dans des pays où la situation est<br />
tendue, peuvent toutefois influencer ces<br />
dépenses. Ainsi, depuis 2012, plusieurs<br />
programmes ont été suspendus au Mali<br />
à cause du coup d’état.<br />
• 30 millions d’euros de cotisations<br />
volontaires en moins pour les organisations<br />
partenaires multilatérales :<br />
La Belgique dispose à l’heure actuelle<br />
de 20 organisations partenaires multilatérales,<br />
dont cinq sont spécialisées<br />
dans l’aide humanitaire. Cette réduction<br />
de 30 millions d’euros s’appliquera aux<br />
quinze autres organisations actives en particulier<br />
dans le secteur du développement<br />
comme la FAO ou l’UNICEF. L’administration<br />
et la cellule stratégique examinent<br />
actuellement comment répartir les 67 millions<br />
restants entre les différentes organisations<br />
partenaires belges.<br />
• 15,5 millions d’euros de moins pour le<br />
Fonds européen de développement :<br />
L’Union européenne a même décidé<br />
de réduire la contribution demandée à<br />
la Belgique et destinée au budget pour<br />
le développement de l’Union, ce qui<br />
représente une économie directe pour<br />
la Belgique.<br />
• 13,5 millions d’euros de moins pour<br />
l’aide humanitaire :<br />
Celle-ci se voit allouer un budget pour<br />
pallier les crises et besoins dans le<br />
monde au cours de l’année. L’aide humanitaire<br />
disposera donc de moins de fonds<br />
en <strong>2013</strong>.<br />
BUDGET ALLOUÉ AU DÉVELOPPEMENT EN <strong>2013</strong> - PRÉVISIONS (en millions d’euros)<br />
Préparation, accompagnement, évaluation 3<br />
Coopération gouvernementale (CTB, aide budgétaire, prêts, Fonds belge pour la sécurité alimentaire…) 413<br />
Coopération non gouvernementale (ONG, universités, établissements scientifi ques…) 249<br />
Coopération multilatérale (Partenaires multilatéraux, FED, OCDE…) 495<br />
Secteur privé (Société belge d’investissement pour les pays en développement, Commerce équitable…) 57<br />
Aide humanitaire 160<br />
TOTAL 1.377<br />
• 1 million d’euros de moins pour les<br />
frais d’évaluation :<br />
La participation aux évaluations internationales<br />
sera réduite, tout comme les montants<br />
consacrés aux événements à grande<br />
échelle dans le cadre des résultats des<br />
évaluations.<br />
En route vers les 0,7 %<br />
En 2002, le gouvernement Verhofstadt a<br />
décidé, à l’occasion du Sommet des Nations<br />
Unies de Monterrey, que le budget de la<br />
coopération s’élèverait à 0,7 % du revenu<br />
national brut à partir de 2010. Ceci s’est toutefois<br />
avéré impossible, mais la Belgique a<br />
souhaité faire en sorte d’atteindre ce chiffre<br />
en 2015, de concert avec l’UE.<br />
Quelle évolution constate-t-on dès lors ?<br />
En 2010, le budget de la Belgique s’élevait<br />
à 0,63 %, et à 0,54 % en 2011. En raison<br />
de la crise financière, le gouvernement Di<br />
Rupo a décidé fin 2011 de geler le budget<br />
alloué à la coopération au développement<br />
pour 2012 et <strong>2013</strong> au niveau de 2011. En<br />
2012, les dépenses devraient finalement<br />
passer sous la barre des 0,50 %. Pour<br />
<strong>2013</strong>, on prévoit un pourcentage exact de<br />
0,50 %, soit 0,01 % de moins que ce que<br />
l’UE attend de ses États membres pour<br />
cette année.<br />
La Belgique serait-elle toutefois en mesure<br />
d’atteindre le taux de 0,51 % imposé par<br />
l’UE ? Oui, si elle parvient à dégager<br />
25,5 millions d’euros supplémentaires.<br />
Une partie des recettes issues de la négociation<br />
des quotas d’émission de C02 est<br />
visée. Ce montant serait investi dans des<br />
projets qui aideraient les pays en développement<br />
à s’adapter ou à lutter contre le<br />
changement climatique.<br />
Somme toute, les mesures d’économies<br />
sont relativement limitées en temps de<br />
crise. Le budget octroyé à la coopération<br />
non gouvernementale (ONG, universités…)<br />
reste inchangé et l’objectif d’atteindre<br />
0,7 % est maintenu. Nous verrons<br />
bien ce que l’avenir nous réserve.<br />
CHRIS SIMOENS<br />
28 JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> I dimension 3
SUR LES TRACES DE...<br />
AGRICULTEURS DU SUD ET DU NORD,<br />
MÊME COMBAT<br />
Dans le monde entier, les<br />
agriculteurs sont confrontés<br />
aux mêmes défis : ils se<br />
demandent comment parvenir<br />
à vivre de leur production<br />
agricole et de l’élevage.<br />
Ce phénomène est une réalité<br />
pour les paysans du Sud<br />
mais aussi du nord, comme<br />
en Belgique.<br />
© C. Collinet<br />
Il est important de développer<br />
une agriculture adaptée, qui<br />
prenne en considération la sécurité<br />
alimentaire, l’environnement, et qui<br />
nourrit ses travailleurs.<br />
Qui ?<br />
Christiane Collinet,<br />
agricultrice à Mierchamps, près<br />
de la Roche-en-Ardenne dans<br />
la province du Luxembourg.<br />
Présidente provinciale de l’Union<br />
des Agricultrices Wallonnes,<br />
elle travaille en outre deux jours<br />
par semaine pour la province.<br />
Quoi ?<br />
À participé à un voyage<br />
d’échange entre éleveurs et<br />
vétérinaires belges et rwandais,<br />
organisé par Vétérinaires Sans<br />
Frontières.<br />
Pourquoi ?<br />
Dans le monde entier, les<br />
agriculteurs sont confrontés<br />
aux mêmes défis. Ensemble,<br />
ils peuvent trouver des<br />
solutions pour y faire face.<br />
Partout, les agriculteurs cherchent<br />
des solutions pour faire face à<br />
ces défis, et voilà pourquoi il est<br />
important qu’ils se rencontrent.<br />
L’une des réponses possibles à leurs difficultés,<br />
à la fois en Afrique et en Belgique,<br />
c’est la “chaîne courte”. C’est-à-dire, une<br />
relation directe entre le consommateur et<br />
le producteur, ce qui permet d’offrir des<br />
alternatives aux chaînes alimentaires agroindustrielles.<br />
Une relation directe qui permet<br />
au consommateur de rétablir l’équilibre<br />
: homme, animal, terre.<br />
Dans sa quête de solutions à portée<br />
internationale, l’ONG Vétérinaires Sans<br />
Frontières veut combler le fossé entre les<br />
agriculteurs et vétérinaires du nord et<br />
du sud. C’est avec cet objectif qu’elle a<br />
organisé un échange entre les paysans et<br />
vétérinaires du Rwanda et leurs homologues<br />
de Belgique. Du 1er au 8 décembre<br />
2012, un vétérinaire, deux agro-éleveurs<br />
et moi avons quitté la Belgique pour<br />
l’Afrique avec l’ONG afin de vivre une<br />
expérience d’échange en matière d’élevage<br />
et de médecine vétérinaire. Parmi<br />
les plus notables, voici quelques-unes de<br />
mes impressions :<br />
• “Plusieurs milliers de kilomètres nous<br />
séparent ! Une rencontre improbable dans<br />
nos idées reçues. Cette rencontre vient<br />
pourtant d’avoir lieu en terre rwandaise ! En<br />
Belgique, une ferme moyenne c’est + 200<br />
bovins et 55 hectares. Au Rwanda, c’est un<br />
hectare, quelques chèvres et lapins et, pour<br />
les plus favorisés, une vache !”<br />
• “Notre but, comme le leur, est de subvenir<br />
à nos besoins, de vivre de notre<br />
travail. Leurs contraintes sont le manque<br />
d’infrastructures, de financement, les difficultés<br />
d’accès à la terre, et le manque de<br />
moyens pour investir dans la modernisation<br />
de leur agriculture !”<br />
• “Ce voyage m'a fait découvrir ce pays de<br />
plus de 80 % d›agriculteurs, pour 3 % chez<br />
nous ! Le contact avec Vétérinaires Sans<br />
Frontières et le partenaire local IMBARA-<br />
GA m’a fait comprendre l’importance de<br />
leurs projets ! Grâce à eux, de nombreuses<br />
familles vulnérables ont reçu 2 chèvres et<br />
2 lapins ; ce qui leur a permis de payer<br />
la mutuelle pour la santé des enfants, de<br />
manger, de vivre mieux ! De soigner les<br />
animaux ! Ce n’est pas les assister, mais<br />
bien un coup de pouce pour les sortir de<br />
la précarité !”<br />
• “Il est important de développer une<br />
agriculture adaptée, qui prenne en considération<br />
la sécurité alimentaire, l’environnement,<br />
et qui nourrit ses travailleurs.”<br />
• “J’espère que la monoculture ne prendra<br />
pas le pas sur les cultures traditionnelles<br />
! Même si cela peut sembler rentable<br />
au premier abord, la monoculture<br />
épuise les sols et le coût environnemental<br />
n’est pas négligeable ! De plus, les pays<br />
concernés par ce type de fonctionnement<br />
y ont perdu une chose capitale : la souveraineté<br />
alimentaire.”<br />
• “Quel beau pays ! Mon désir est de m’investir<br />
dans un projet de Vétérinaires Sans<br />
Frontières. Ce qui m’a touché, c’est de voir<br />
le bonheur d’une famille qui est sortie de<br />
la précarité grâce à l’aide de Vétérinaires<br />
Sans Frontières. C’est l’optimisme d’une<br />
association comme IMBARAGA qui croit<br />
en l’avenir de son pays. Merci à Vétérinaires<br />
Sans Frontières pour cette mission<br />
passionnante et très enrichissante.”<br />
dimension 3 I JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> 29
Petite <strong>Dimension</strong><br />
AIDE D’URGENCE<br />
DANS LA BANDE DE GAZA<br />
Grâce au fonds d’aide d’urgence<br />
de la Croix-Rouge internationale<br />
et du Croissant-Rouge (DREF,<br />
Disaster Relief Emergency<br />
Fund), la Belgique a contribué<br />
pour 18.000 EUR à l’aide aux<br />
populations victimes des opérations<br />
militaires dans la bande<br />
de Gaza. Les affrontements de<br />
novembre ont entraîné la mort<br />
de plus de cent quarante personnes<br />
et ont fait un millier de<br />
blessés.<br />
L<br />
es affrontements militaires et les<br />
frappes armées dans la bande<br />
de Gaza menées au début du<br />
mois de novembre ont entraîné<br />
de graves conséquences pour les populations<br />
civiles qui paient un lourd tribut à ce<br />
conflit. Plus de cent quarante morts et un<br />
millier de blessés ont été enregistrés durant<br />
ces hostilités. Dans la bande de Gaza, où la<br />
situation était déjà rendue compliquée par<br />
le blocus instauré depuis cinq ans par les<br />
autorités israéliennes, les médicaments<br />
essentiels ont manqué dans les hôpitaux,<br />
tout comme le carburant pour effectuer les<br />
transports sanitaires d’urgence. En outre,<br />
plus de 200 habitations privées ont été<br />
partiellement ou totalement détruites par<br />
les frappes aériennes.<br />
La Croix-Rouge internationale collabore<br />
étroitement avec le Croissant-Rouge palestinien<br />
et le Magem David Adom israélien.<br />
Elle est en contact régulier avec les autorités<br />
palestiniennes et israéliennes et<br />
appelle les parties au conflit à respecter<br />
le Droit International Humanitaire, à protéger<br />
les civils et à garantir la sécurité des<br />
équipes médicales dans les hôpitaux.<br />
Plus de 200 volontaires se sont déployés<br />
dans la bande de Gaza pour assister les<br />
populations au cœur des affrontements. La<br />
grande majorité des victimes ont été transportées<br />
dans des ambulances du Croissant-Rouge<br />
palestinien, lequel a également<br />
fourni médicaments et kits médicaux aux<br />
hôpitaux. L’aide d’urgence a aussi consisté<br />
à apporter un support immédiat à 300<br />
familles -2.000 personnes - dont les habitations<br />
ont été démolies par les frappes<br />
aériennes, mais aussi à 27.000 personnes<br />
qui nécessitaient des soins et traitements<br />
médicaux. Cette assistance humanitaire<br />
impliquait également l’acheminement de<br />
75.000 litres de carburant pour alimenter<br />
les 40 ambulances stationnées dans<br />
la bande de Gaza et du carburant supplémentaire<br />
pour le fonctionnement des<br />
générateurs de secours dans les hôpitaux<br />
et centres de santé.<br />
JOËL TABURY<br />
© Hussien Amody/Demotix/Corbis<br />
La nouvelle Loi sur la Coopération<br />
au développement en chantier<br />
La nouvelle Loi sur la Coopération<br />
au développement est<br />
presque terminée. La précédente<br />
loi date de 1999. Dans<br />
l'intervalle, beaucoup de choses<br />
ont changé.<br />
30 JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> I dimension 3<br />
C<br />
omme par exemple l'émergence<br />
de nouveaux acteurs tels la Chine<br />
ou la Fondation Bill & Melinda<br />
Gates, ou encore les grands défis mondiaux<br />
que sont le climat, l'environnement<br />
et la lutte contre le sida. La nouvelle loi<br />
accordera beaucoup d'attention à la<br />
cohérence : elle veut éviter que les autres<br />
politiques menées n'anéantissent les<br />
bénéfices de la coopération au développement.<br />
Les droits humains et le travail<br />
décent y occupent également une place<br />
particulière. Un prochain numéro vous<br />
présentera en détail cette nouvelle loi.
L'ACCORD DE DOHA<br />
sur le climat n'arrêtera pas le réchauffement<br />
Il aura fallu une prolongation de 27 heures pour que les quelques 7.000 participants officiels à la<br />
18 e Conférence sur le changement climatique de Doha (Qatar) parviennent à dégager des résultats.<br />
“Une avancée modeste mais importante dans la bonne direction”, a déclaré le secrétaire d’Etat à<br />
l'Environnement Melchior Wathelet. Les ONG, elles, évoquent plutôt une coquille vide.<br />
À<br />
l’issue du sommet, le<br />
8 décembre 2012, le président<br />
Abdullah bin Hamad Al-Attiyah<br />
semblait très satisfait : “Doha a<br />
ouvert une nouvelle voie vers une action plus<br />
ambitieuse et plus solide, la 'Doha Climate<br />
Gateway'.” Christiana Figueres, Secrétaire<br />
du Groupe d'experts climatiques de l'ONU,<br />
pour sa part, a exhorté les pays à mettre en<br />
œuvre dès que possible tous les accords<br />
convenus : “Parce que la porte va bientôt se<br />
refermer, rendant l’objectif de limitation du<br />
réchauffement climatique à moins de 2 °C<br />
inatteignable.”<br />
Marche de protestation à Doha.<br />
Qu'a produit au juste<br />
cette conférence ?<br />
1. Le Protocole de Kyoto est prolongé<br />
jusqu'en 2020. Il s'agit de l'accord international<br />
visant à réduire les émissions mondiales<br />
de gaz à effet de serre, notamment<br />
par l'échange de droits d'émission. Les<br />
États-Unis et la Chine n'ont à ce jour jamais<br />
participé, et voilà que le Japon, le Canada et<br />
la Russie quittent le navire. Seuls l'UE, l'Australie<br />
et quelques autres pays restent à bord.<br />
Ensemble, ils représentent à peine quinze<br />
pour cent des émissions mondiales de CO 2 .<br />
Par ailleurs, rien ne change en matière de<br />
limitation des émissions : une réduction<br />
de 20 % d'ici à 2020. C'est manifestement<br />
© UN Cop18/CMP8<br />
Le Président Abdullah bin Hamad Al-Attiyah<br />
(droite) aux côtés de Christiana Figueres,<br />
secrétaire du Panel Climat au Sommet de Doha.<br />
insuffisant pour limiter le réchauffement<br />
planétaire à moins de 2 °C. L'UE a déjà quasiment<br />
atteint cette limite.<br />
2. L'objectif reste de conclure un<br />
accord d'ici 2015 applicable à tous<br />
les pays à partir de 2020. Des solutions<br />
plus ambitieuses seront également recherchées<br />
afin de réduire les émissions, ce<br />
qui nécessitera de nombreux ateliers. En<br />
2014, le Secrétaire général de l’ONU Ban<br />
Ki-moon convoquera séparément tous les<br />
dirigeants du monde entier pour s'assurer<br />
de la conclusion d'un accord en 2015.<br />
3. De nouvelles infrastructures<br />
permettront de transférer la technologie<br />
et les fonds aux pays en<br />
© UN Cop18/CMP8<br />
développement : un Fonds vert pour le<br />
climat en Corée et un Centre de technologie<br />
climatique du Programme des Nations<br />
Unies pour l'environnement (PNUD).<br />
4. La promesse a été réitérée de<br />
mettre à la disposition des pays en<br />
développement d'ici à 2020 la somme<br />
de 100 milliards de dollars pour leur<br />
permettre de s'adapter et de lutter contre le<br />
changement climatique. Pour tenir jusqu'à<br />
2020, plusieurs pays dont l'Allemagne, la<br />
France, le Danemark et l'Union européenne<br />
- sans la Belgique – ont promis 6 milliards<br />
de dollars. Là où les pays en développement<br />
exigeaient 20 milliards.<br />
5. Restent enfin une série de résultats<br />
mineurs, tels que l'identification des<br />
moyens de mieux armer les populations<br />
vulnérables contre le changement climatique<br />
et la résolution de mettre au point<br />
des technologies destinées à aider les<br />
pays en développement à réduire leurs<br />
émissions.<br />
La plate-forme belge Justice climatique<br />
s'est dite déçue: “Si le Protocole de Kyoto<br />
a été prolongé, les résultats des négociations<br />
ne freineront guère le changement<br />
climatique.” Par conséquent, elle demande<br />
à l'Union européenne d'inscrire au Protocole<br />
un objectif de réduction de 30 %. Les<br />
financements au-delà de 2012 sont jugés<br />
dérisoires et la situation inacceptable. “Il<br />
est inconcevable que les pays industrialisés<br />
abandonnent jusqu'en 2020 les pays<br />
en développement face au changement<br />
climatique.” La plate-forme Justice climatique<br />
qui est coordonnée par 11.11.11 et<br />
le CNCD-11.11.11 et regroupe diverses<br />
organisations, dont Oxfam, le CADTM, les<br />
syndicats, Greenpeace et le WWF, met en<br />
garde contre un réchauffement irréversible<br />
de 4 °C ou plus.<br />
CHRIS SIMOENS<br />
ONLINE :<br />
www.cop18.qa<br />
www.11.be<br />
www.cncd.be<br />
dimension 3 I JANVIER-FÉVRIER <strong>2013</strong> 31
Le sida au Rwanda<br />
EXPOSITION DE PHOTOS À LA CTB<br />
En septembre 2010, la photographe Ans Brys est partie<br />
au Rwanda pour y observer comment les Rwandais font<br />
face au VIH/sida. Découvrez ses remarquables photos<br />
exposées au siège de la CTB, jusqu'au 28 février <strong>2013</strong>.<br />
Plus d'informations sur le VIH/sida en pages 24 et 25.<br />
CTB<br />
rue Haute 147, 1000 Bruxelles<br />
Les jours ouvrables, de 8 à 17 heures<br />
www.ansbrys.com<br />
Dans le sud du Rwanda, un villageois va se soumettre à un test de dépistage du VIH/sida.<br />
Des tests et des informations sont mis gratuitement à disposition des villages rwandais<br />
par l'organisation Ubuzima. Les résultats sont annoncés le jour même, dans un entretien<br />
personnel le personnel infi rmier. Cette annonce est suivie d'une fête, tout le monde danse<br />
et chante. Les (quelques) personnes qui ont été testées positivement participent également,<br />
pour que le résultat de leur test ne soit pas connu des autres villageois… Bien que<br />
l'épidémie se soit stabilisée depuis 2005, 3 % des Rwandais vivent toujours avec le sida.<br />
DGD - DIRECTION GÉNÉRALE<br />
COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT<br />
ET AIDE HUMANITAIRE<br />
Rue des Petits Carmes 15 • B-1000 Bruxelles<br />
Tél. +32 (0)2 501 48 81<br />
E-mail : info.dgd@diplobel.fed.be<br />
www.diplomatie.be • www.dg-d.be