LE MARIAGE TRADITIONNEL EN ALSACE - Revue des sciences ...
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<strong>LE</strong> <strong>MARIAGE</strong> <strong>TRADITIONNEL</strong> <strong>EN</strong> <strong>ALSACE</strong><br />
(EXEMP<strong>LE</strong> D'UN VILLAGE DU COMTÉ<br />
DE HANAU-LICHT<strong>EN</strong>BERG DE 1737 À 1837)<br />
MARIE-NOË<strong>LE</strong> D<strong>EN</strong>IS<br />
Le mariage constitue, en Alsace, comme dans tout autre province, l'une <strong>des</strong><br />
fêtes <strong>des</strong> plus importantes par son caractère à la fois familial et social. Il s'agit aussi<br />
d'une «cérémonie» qui répond à un certain nombre de coutumes et de rites<br />
profondément ancrés dans la culture populaire traditionnelle.<br />
Nous allons essayer de voir, par une comparaison constante entre les témoignages<br />
de la culture populaire, exprimée sous forme de récits, de proverbes, et les<br />
résultats d'une étude de statistique démographique menée dans un village du comté<br />
de Hanau-Lichtenberg C) de 1737 à 1837, s'il y a concordance, à propos du mariage,<br />
entre les aspirations de la population et de son comportement.<br />
I. Le célibat définitif<br />
Le célibat définitif est raillé par la tradition populaire surtout pour les femmes<br />
dont le rôle social essentiel est la procréation légitime. De ce fait les vieilles filles<br />
apparaissent comme <strong>des</strong> êtres démoniaques qui refusent délibérément ce rôle et<br />
qui par la suite accompliront aux enfers <strong>des</strong> tâches impossibles : à Bouxwiller par<br />
exemple elles y traient les oies ( 2 ).<br />
En conséquence il existe un grand nombre de rites qui permettent à la fois à une<br />
jeune fille d'attirer et de connaître son futur époux. Ils se réfèrent le plus souvent à<br />
la religion catholique comme le pèlerinage à la chapelle St Michel au <strong>des</strong>sus de St<br />
Jean de Saverne où les rites liés au culte de St André : l'un d'entre eux consistait à<br />
croquer en se couchant, le 30 novembre, veille de la fête du saint, une pomme de<br />
l'année et à s'endormir en récitant la formule :<br />
«St André en songe fait moi voir<br />
celui que pour époux je dois avoir» ( 3 )<br />
Il était considéré comme plus efficace encore d'acheter <strong>des</strong> bretelles d'homme et<br />
de les placer, ce soir là, sous son oreiller pour obtenir le mari dont on allait<br />
rêvez ( 3 ).<br />
(1)11 s'agit de Bosselshausen sur lequel nous poursuivons depuis 3 ans une étude de démographie<br />
historique à partir <strong>des</strong> registres paroissiaux et <strong>des</strong> registres d'état civil.<br />
(2) Freddy SARG. Le mariage en Alsace, thèse du 3 e cycle, p. 48.<br />
(3) I. JÉRÔME. AU jardin de la superstition, Almanach de l'Alsace et <strong>des</strong> marches de l'Est. 1954.<br />
p. 93.
M.-N. D<strong>EN</strong>IS<br />
2 Q km.<br />
Shrcubourg<br />
Paroisses mixtes<br />
O<br />
Paroisses catholiques sans relation matrimoniale avec Bosselshausen<br />
Paroisses protestantes sans relation matrimoniale avec B.<br />
Paroisses catholiques ayant 1. habitant marié à B.<br />
Paroisses protestantes ayant 3. habitants mariés à B.
<strong>LE</strong> <strong>MARIAGE</strong> <strong>TRADITIONNEL</strong> <strong>EN</strong> <strong>ALSACE</strong> 187<br />
Dans certains cas le rite était essentiellement païen et, pour la région de Bouxwiller<br />
qui nous intéresse, on recommandait, par exemple, à la jeune fille de mettre<br />
la table et de la garnir de mets succulents, puis de jeter sa chemise par la porte. Si<br />
un jeune homme la lui rapportait elle devait l'inviter à manger pour qu'il devienne<br />
son futur époux ( 4 ).<br />
En fait, dans la société rurale du xvm e et du début du xix e siècle, il y avait peu de<br />
célibataires. Dans le cadre Bosselshausen de 1737 à 1837, nous avons étudié la<br />
fréquence du célibat définitif parmi les personnes âgées de 50 ans et plus au<br />
moment de leur décès. En l'absence de situation matrimoniale indéterminée, nous<br />
constatons qu'il n'y a aucun homme célibataire au delà de 50 ans pendant la<br />
période considérée alors que 7,47 96 de la population féminine est dans ce cas<br />
(tableau n° 1). Il ne s'agit que d'une évaluation du célibat définitif <strong>des</strong> personnes<br />
résidant à Bosselshausen car les risques de décès avant 50 ans étant plus forts chez<br />
les célibataires, ceux qui sont morts avant n'entrent pas dans notre cadre<br />
d'observation. De même nous ne mesurons pas l'importance du célibat parmi les<br />
personnes nées à Bosselshausen et ayant migré, ce qui est d'autant plus regrettable<br />
que l'on peut supposer que les célibataires, garçons et filles, quittaient plus<br />
facilement la paroisse pour la ville que les gens mariés. Néanmoins, malgré ces<br />
sous-estimations, on peut remarquer que le faible taux de célibat définitif constaté,<br />
va à l'encontre de la tradition selon laquelle frères et sœurs célibataires restaient<br />
travailler à la ferme auprès de celui qui avait hérité de l'exploitation. Au contraire<br />
la réprobation sociale pratiquée vis à vis <strong>des</strong> célibataires et qui entraîne le mariage<br />
du plus grand nombre, se vérifie ici.<br />
TAB<strong>LE</strong>AU I<br />
Etat matrimonial <strong>des</strong> personnes âgées de 50 ans et + au moment du décès<br />
1737 à 1837<br />
célibataires % mariés veufs indéterminées ensemble<br />
sexe masculin 0 0 76 0 0 76<br />
sexe féminin 6 7,47 75 0 0 81<br />
II. Le choix du conjoint<br />
Dans cette perspective chacun est censé pouvoir découvrir le partenaire qui lui<br />
convient. Un certain nombre de dictons en font foi :<br />
«Zùem e jedem Holzschuch find sich e andere»<br />
(à chaque sabot il y a un correspondant)<br />
(4) F. SARG. op. cit.. p. 38.
188 M.-N. D<strong>EN</strong>IS<br />
«Zûem e jedem Haefele g'hert e Deckele»<br />
(chaque pot à son couvercle).<br />
Les lieux de rencontre particulièrement favorables à la formation <strong>des</strong> couples<br />
sont peu nombreux mais efficaces et reconnus pour tels. Il s'agit en hiver <strong>des</strong><br />
veillées qui sont l'occasion entre jeunes gens et jeunes filles de jeux particulièrement<br />
significatifs : le mariage - la carte d'amour ( 5 ). En été les promena<strong>des</strong> à la lisière<br />
du village remplacent les veillées et chaînes de garçons, chaînes de filles se<br />
donnant la main, s'y retrouvent. Une fois par an, la fête patronale donne encore<br />
l'occasion de nouer <strong>des</strong> liens. Mais seuls les couples déjà reconnus sont admis au<br />
bal.<br />
Dans ce contexte il est peu probable de rencontrer quelqu'un venant de très loin<br />
et il est même recommandé de choisir son conjoint dans les quelques villages<br />
alentour et même dans sa propre paroisse. Ainsi s'expriment deux dictons populaires<br />
:<br />
«jedi Snej soll bi ihrem Trog bliewe»<br />
(chaque porc doit rester près de son auge)<br />
«Hirot ùewer de Mischt, no weisch wer sie ischt !»<br />
(Epouse une qui habite au-delà du tas de fumier, tu sais alors qui elle est) ( 6 ).<br />
D'autre part il est coutume d'exercer <strong>des</strong> brima<strong>des</strong> contre les garçons qui<br />
cherchent épouse dans un autre village que le leur et même de les rançonner pour<br />
compenser la perte d'une unité féminine dans le village. Dans le pays de Hanau,<br />
lors du repas qui suit la signature du contrat, le futur garçon d'honneur offre un<br />
bouquet et une bouteille de vin aux futurs époux avec les souhaits <strong>des</strong> jeunes<br />
célibataires. Si le jeune homme est étranger, il a droit à un discours particulier : «le<br />
fiancé a osé cueillir la plus belle fleur du jardin. Nous n'acceptons pas cela sans<br />
rien, cette affaire doit se passer devant un tribunal. Mais pour éviter tout cela, le<br />
fiancé peut nous dédommager. Et voici, comme signe de notre entente, nous lui<br />
offrons ce bouquet de fleurs». L'étranger doit alors remettre une somme d'argent<br />
au délégué de la jeunesse du village pour être accepté ( 6 ). Les beuveries collectives<br />
ou «trumbotte» qui suivaient la signature du contrat n'avaient lieu, dans certains<br />
villages, que dans ce cas là.<br />
D'autre part, quelques jours avant le mariage, lors du transport du trousseau, en<br />
grande pompe, vers la future maison du couple, la jeune fille qui quittait son<br />
village, devait franchir une série de chaînes ou de rubans que la jeunesse tendait en<br />
travers de la route. Le fiancé payait alors, pour libérer le passage, une forte rançon<br />
ou «Spannen» ( 7 ).<br />
Ces brima<strong>des</strong> ne prirent pas toujours d'allure d'une fête amicale puisqu'un arrêt<br />
du Conseil Souverain d'Alsace daté du 21 août 1755 rappelle que «Lorsqu'un<br />
homme recherche en mariage une fille ou une veuve dans un autre lieu que celui<br />
(5) F. SARG. Le mariage en Alsace, éd. Oberlin, Strasbourg, 1975, p. 11.<br />
(6) F. SARG, op. cit., p. 30.<br />
(7) F. SARG, op. cit., p. 168.
I.E <strong>MARIAGE</strong> <strong>TRADITIONNEL</strong> <strong>EN</strong> <strong>ALSACE</strong> 189<br />
qu'il habite, il était plongé dans une rivière ou dans une fontaine, battu, maltraité,<br />
vexations et insultes dont il ne pouvait s'exempter qu'en rachetant l'un et l'autre au<br />
prix d'argent ou de vin, dont les jeunes garçons du lieu de la demeure de la fille ou<br />
de la veuve se rendent les taxateurs arbitraires, abus qui tend à troubler le repos<br />
public, à protéger une espèce de rapine et d'exaction, en même temps qu'il fournit<br />
matière à <strong>des</strong> rixes dont les effets vont non seulement jusqu'à effusion de sang,<br />
mais quelquefois jusqu'à l'homicide, ainsi qu'il vient d'en paraître un exemple aux<br />
yeux de notre Conseil ... les bagarres sont interdites par le roi sous peine de 1000<br />
écus d'amende la première fois et de punition corporelle en cas de récidive, interdites<br />
aussi les taxations arbitraires» ( 8 ).<br />
En fait, pour les mariages célébrés à Bosselshausen entre 1737 et 1837 dont<br />
nous connaissons le lieu de résidence de chacun <strong>des</strong> époux (tableau n° 2), il<br />
apparaît que presque la moitié (43,81 %) a lieu entre un époux originaire de la<br />
paroisse et une épouse venant de l'extérieur. Il faut remarquer que la coutume est,<br />
au xvm e<br />
siècle, de se marier de préférence dans la paroisse de l'époux. Ce n'est pas<br />
une obligation puisque 21,73 % <strong>des</strong> mariages célébrés à Bosselshausen concernent<br />
une fille de la paroisse et un garçon de l'extérieur. Seulement 30% <strong>des</strong> mariages<br />
(27,32 % ) ont lieu entre deux conjoints originaires du village : l'endogamie géographique<br />
n'est pas aussi importante qu'aurait pu le laisser supposer la tradition.<br />
TAB<strong>LE</strong>AU 2<br />
Lieu de résidence <strong>des</strong> conjoints 1737-1837<br />
Tôt. <strong>des</strong> Mariages où un <strong>des</strong> Epoux de Bosselshausen Epouse de Boss. les 2 conj. les 2 conj. de<br />
mariages lieux de résidence Epouse de l'ext. Epoux de l'ext. de l'ext. Bosselshausen<br />
au moins est connu<br />
Tôt. % Tôt. % Tôt. % Tôt. % Tôt. %<br />
194 14 7,22 85 43,81 41 21,13 1 0,52 53 27.32<br />
Il est difficile d'étudier, en complément, la répartition <strong>des</strong> mariages entre<br />
conjoints résidant à Bosselshausen selon le lieu de naissance car pour 43,3% <strong>des</strong><br />
mariages, surtout pour la période qui précède la Révolution, ce lieu de naissance<br />
ne nous est pas connu pour au moins un <strong>des</strong> conjoints. Pour le reste, parmi les<br />
couples dont les deux conjoints résident à Bosselshausen, ceux dont les deux conjoints<br />
sont nés à Bosselshausen viennent en tête, suivis par les couples dont l'époux<br />
est né à Bosselshausen et l'épouse à l'extérieur. Le plus faible taux est obtenu par<br />
les couples dont l'épouse est née à Bosselshausen et l'époux à l'extérieur. Parmi les<br />
époux résidant à Bosselshausen dont les épouses résident à l'extérieur ( 9 ), ce qui est<br />
(8) A. M. BURG. Coutumes et traditions religieuses et familiales, p. 102.<br />
(9) dont une résidence inconnue qui peut être supposée extérieure.
190 M.-N. D<strong>EN</strong>IS<br />
le cas le plus fréquent, seulement 4,48 96 sont nés à l'extérieur (tableau n° 3). Les<br />
lieux d'origine <strong>des</strong> époux étrangers comprennent 28 paroisses pour le lieu de<br />
naissance et 40 paroisses pour le lieu de résidence. 67 96 <strong>des</strong> conjoints étrangers<br />
viennent de paroisses limitrophes ou situées à moins de 5 km de Bosselshausen.<br />
23 96 de paroisses situées entre 5 et 10 km 496 entre 10 et 15 km, 496 de plus de<br />
15 km (tableau n° 4). La dispersion est beaucoup moins grande que dans les autres<br />
paroisses rurales étudiées. A CrulaiC 0 ), par exemple, 57 96 seulement <strong>des</strong> conjoints<br />
étrangers viennent de paroisses proches ou distantes de moins de 5 km. A<br />
Tourouvre-au-Perche (") le pourcentage s'abaisse à 2596. Cette endogamie<br />
géographique est la conséquence, à la fois, de la forte densité <strong>des</strong> paroisses dans<br />
l'espace rural puisque 55 communes sont distantes de moins de 10 km de Bosselshausen,<br />
et de la médiocrité <strong>des</strong> moyens de communication dans cette région.<br />
L'étude <strong>des</strong> cartes et plans de la fin du xvin e<br />
siècle et de la première moitié du xix e<br />
siècle C 2 ) montre en effet que, si l'on met à part la route royale carrossable qui<br />
menait en droite ligne de Brumath à Bouxwiller, les relations entre paroisses<br />
s'avéraient extrêmement difficiles du fait de l'absence de voies de circulation les<br />
reliant les unes aux autres. Chaque terroir comportait un ensemble de chemins<br />
d'exploitation, rayonnant à partir du village, mais sans communication continue<br />
avec ceux <strong>des</strong> terroirs voisins.<br />
TAB<strong>LE</strong>AU 3<br />
Lieu de naissance <strong>des</strong> conjoints 1737-1737 les 2 époux résidant à B.<br />
Total <strong>des</strong> Epoux né à Bosselshausen Epoux né à l'ext. les 2 conj. les 2 conj. nés<br />
mariages Epouse de l'extérieur Epoux née à B. nés à l'ext. à Bosselshausen<br />
45 6 13.33 4 8,88 0 0 35 77.77<br />
Lieu de naissance de l'époux 1737-1837 l'époux résidant à Bosselshausen et l'épouse à l'ext.<br />
Total <strong>des</strong> Epoux né à Bosselshausen Epoux né à<br />
mariages<br />
l'ext.<br />
67 64 95.52 3 4,48<br />
(10) E. GAUTIER et L. H<strong>EN</strong>RY. La population de Crulai, paroisse normande - Etude historique.<br />
INED, Travaux et Documents, cahier n° 33. PUF, Paris, 1958. p. 79-82.<br />
(11) Hubert CHARBONNEAU, Tourouvre-au-Perche aux XVII e et au XVIII e siècles - étude de<br />
démographie historique. INED. Travaux et Documents, cahier n° 55, PUF, Paris, 1970, p. 99. 95.<br />
(12) Finages de Bosselshausen. Bouxwiller. Kirrwiller. Issenhausen 1760, Cartes routières du<br />
départ, du Bas-Rhin. An X. 1849.
I.E <strong>MARIAGE</strong> <strong>TRADITIONNEL</strong> <strong>EN</strong> <strong>ALSACE</strong> 1 9 1<br />
TAB<strong>LE</strong>AU 4<br />
Paroisses de résidence <strong>des</strong> conjoints<br />
Distance de Bosselshausen Total %<br />
Limitrophe ou < 5 km 85 67<br />
5 à 10 km 29 23<br />
10 à 15 km 5 4<br />
> 15 km 5 4<br />
Paroisses non identifiées 3 2<br />
D'autre part, dans cet ensemble très dense de relations matrimoniales proches,<br />
les paroisses exclusivement catholiques ou mixtes sont soigneusement évitées<br />
même par les familles catholiques qui choisissent leurs alliances au-delà de 15 km,<br />
à Hoerdt ou à Altorf par exemple (carte). L'endogamie géographique se double<br />
d'une endogamie religieuse, conséquence de la tradition renforcée par un édit<br />
royal de 1680 C 3 ) qui se prolongea, dans les faits, bien au delà de sa révocation par<br />
une déclaration royale de 1774.<br />
Il nous est plus difficile de déterminer avec certitude les stratégies matrimoniales<br />
à travers les catégories socio-professionnelles, en partie du fait <strong>des</strong> lacunes de la<br />
documentation. A Bosselshausen, sur 203 mariages relevés à cette occasion, nous<br />
ignorons la profession de l'époux dans 22,6 96 <strong>des</strong> cas, celle du père de l'époux<br />
dans 3096 et celle du père de l'épouse dans 3196 <strong>des</strong> cas. Ces lacunes portent<br />
surtout sur la profession de cultivateur par ailleurs nettement majoritaire, sinon<br />
unanime dans le village, (tableau n° 5) et sur la période pré-révolutionnaire.<br />
D'autre part la Révolution a amené <strong>des</strong> modifications dans la définition même <strong>des</strong><br />
catégories socio-professionnelles usitées à l'époque, et les laboureurs et journaliers<br />
se sont trouvés confondus sous la même dénomination de «cultivateurs» qui<br />
supprime entre eux la hiérarchie économique et sociale du paysan qui possède un<br />
attelage et de celui qui, pour l'emprunter, doit louer ses bras. Force nous a été de<br />
confondre ces deux catégories.<br />
La tradition populaire dans son ensemble a toujours tenu compte du souci pour<br />
les filles de connaître la profession de leur futur mari. Un certain nombre de rites<br />
et de formules sont <strong>des</strong>tinés à la révéler. Il faut par exemple compter les noyaux de<br />
cerise ou de prune restant sur la table après le repas en disant :<br />
«Bettelmann, Edelmann, Kùster, Pastor, Doktor, Apotheker, Kaufmann, Major»<br />
(Mediant, gentilhomme, sacritain, pasteur, docteur, pharmacien, commerçant,<br />
major) jusqu'à épuisement <strong>des</strong> noyaux C 4 ). Elle recommande néanmoins<br />
avec sagesse de ne pas sortir de son milieu.<br />
(13) Edit de novembre 1680 «Toute union contractée entre catholiques et protestants ne sera<br />
valable et les enfants déclarés illégitimes» (R. REUSS, l'Alsace au XVII e siècle, vol. 2, p. 539).<br />
(14) F. SARG. op. cit., p. 12, p. 17.
192 M.-N. D<strong>EN</strong>IS<br />
TAB<strong>LE</strong>AU 5<br />
Profession <strong>des</strong> parents inconnue selon la profession de<br />
l'époux<br />
Père<br />
Beau-Père<br />
cultivateur<br />
artisan<br />
tisserand<br />
berger -<br />
châtreurs de porcs -<br />
maître d'école<br />
11,3%<br />
0.9896<br />
1,96%<br />
14.2%<br />
1.47 %<br />
1,96%<br />
1,96% 0,98%<br />
Mais d'autre part il faut éviter la pauvreté :<br />
Ich hob nix<br />
Un Du hesch nix<br />
Un wo zwei Nixle zesamme kumme<br />
Do gitt's e Hiffele Unglick»<br />
(je n'ai rien, tu n'as rien. Et là où deux petits riens se rencontrent, cela donne un petit<br />
tas de malheurs) C 4 ).<br />
En fait, dans l'ensemble de Bosselshausen, l'endogamie socio-professionnelle est<br />
largement pratiquée. Parmi les cas où Ton connaît la profession de l'un et de<br />
l'autre, il apparaît que 51 96 <strong>des</strong> époux ont la même profession que leur beau-père<br />
et, plus encore, que 65,73 96 <strong>des</strong> pères <strong>des</strong> époux ont la même profession que les<br />
pères <strong>des</strong> épouses. L'endogamie est la plus forte dans le groupe <strong>des</strong> cultivateurs<br />
puisque 76,5 96 <strong>des</strong> cultivateurs épousent <strong>des</strong> filles de cultivateurs alors qu'une<br />
répartition au hasard donnerait 40,8 96. De plus 78,3 96 <strong>des</strong> filles de cultivateurs<br />
épousent <strong>des</strong> cultivateurs. Néanmoins il faut remarquer que la majorité <strong>des</strong> autres<br />
professions s'allie aussi à <strong>des</strong> cultivateurs au-delà <strong>des</strong> résultats obtenus dans une<br />
répartition au hasard (tableau n° 6), l'endogamie géographique constatée précédemment,<br />
entraînant inévitablement, dans les professions numériquement peu représentées,<br />
une exogamie socio-professionnelle. Seule la profession de tisserand<br />
paraît s'isoler et constituer un monde part puisque 6096 <strong>des</strong> filles de tisserands<br />
épousent un tisserand et que, d'autre part, le pourcentage de filles de tisserands qui<br />
épousent un cultivateur est plus faible que celui obtenu dans une répartition au<br />
hasard. (1,296 contre 3,296).<br />
Nous constatons aussi une très forte endogamie liée à l'état matrimonial antérieur.<br />
A Bosselshausen, pour un ensemble de 195 mariages l'état matrimonial antérieur<br />
<strong>des</strong> deux conjoints nous est connu dans 187 cas C 5 ). Il en ressort que, pour<br />
(15) Nous avons considérés comme célibataires les conjoints désignés comme «fils ou fille de ...»<br />
sur les actes de mariage et comme veufs et veuves ceux qui sont déclarés comme tels ou dont la<br />
reconstitution <strong>des</strong> familles nous a permis de constater qu'ils avaient déjà été mariés.
I.E <strong>MARIAGE</strong> <strong>TRADITIONNEL</strong> <strong>EN</strong> <strong>ALSACE</strong> 193<br />
80,2% <strong>des</strong> mariages, il s'agit d'un premier mariage pour l'un et l'autre conjoint,<br />
que 85,5% <strong>des</strong> garçons et 83% <strong>des</strong> filles célèbrent leur premier mariage (tableau<br />
n° 7). alors que les mariages entre veufs ne représentent que 2,7% de l'ensemble,<br />
12,8 % <strong>des</strong> mariages ayant lieu entre veufs et jeunes filles et 4,3 % entre veuves et<br />
célibataires. Une répartition au hasard donnerait moins de mariages homogènes<br />
garçons-filles, veufs-veuves (79,7% contre 82,9%) et plus de mariages mixtes :<br />
14,4 % pour les couples veufs-jeune fille et 5,9 % pour les couples veuves-garçons.<br />
Il y a donc endogamie liée à l'état matrimonial.<br />
TAB<strong>LE</strong>AU 6<br />
Profession de l'époux suivant la profession du père de l'épouse - 1737-183 7<br />
Profession<br />
du père de<br />
l'épouse<br />
Profession de l'époux<br />
cultiv.<br />
Tôt. 96<br />
artisan<br />
Tôt. 96<br />
tisserand<br />
Tôt. 96<br />
beri ier<br />
Tôt. 96<br />
Ensemble<br />
Tôt. 96<br />
cultivateur 65 78,3 8 9,7 6 7,2 4 4,8 83 100<br />
artisan 12 70.6 2 11,8 3 17,6 0 0 17 100<br />
tisserand 1 20 1 20 3 60 0 0 5 100<br />
berger 7 70 0 0 2 20 1 10 10 0<br />
et lit. répartit. artisans tisserands berg ;ers Ensemble<br />
Tôt. 96 au hasard Tôt. 96 Tôt. 96 Tôt. 96<br />
cultivateur 65 76,5 53.3 8 72,7 6 42.8 4 80 83<br />
artisan 12 14,1 10,9 2 18.2 3 21,4 0 0 17<br />
tisserand 1 1,2 3,2 1 9,1 3 21,4 0 0 5<br />
berger 7 8.2 3,6 0 0 2 14,4 1 20 10<br />
Ensemble 85 100 11 100 14 100 5 100 115<br />
TAB<strong>LE</strong>AU 7<br />
Nombre de mariages suivant la situation antérieure <strong>des</strong> époux —<br />
mariages de 1737 à 183 7<br />
Mari<br />
Femme Célibataire veuf Ensemble<br />
Tôt. 96 Tôt. 96 Tôt. 96<br />
célibat 150 80,2 24 12,8 174 93<br />
veuve 8 4,3 5 2.7 13 7<br />
ensemble 158 84,5 29 15.5 187 100
194 M.-N. D<strong>EN</strong>IS<br />
III. Les relations prénuptiales<br />
En Alsace, il semble que les relations prénuptiales aient été largement tolérées<br />
dans les temps anciens à la fois par la coutume et l'autorité religieuse. La sagesse<br />
populaire recommandait surtout de s'assurer, avant le mariage, que la femme<br />
n'était pas stérile.<br />
Il existait en Basse-Alsace la coutume <strong>des</strong> «Kommàchten» (nuits pour venir -<br />
coutume appelée aussi «Schwammen» en Haute-Alsace). Les mardi, jeudi, samedi<br />
et dimanche soir la soupirant avait le droit de rendre visite à sa bien aimée dans sa<br />
chambre. Cette coutume qui se pratiquait aussi en Suisse, en Allemagne et en<br />
Suède sous le nom de «Kiltgang», a dû exister dans la vallée de Munster jusqu'au<br />
milieu du xix c siècle. D'après Freddy Sarg l'usage en a aujourd'hui disparu C 6 ).<br />
D'autre part, avant le Concile de Trente, il était courant de confondre les<br />
fiançailles, qui donnaient lieu à une cérémonie religieuse, bénie par le prêtre dans<br />
la sacristie, à l'échange d'anneaux et qu'il était, d'autre part, interdit de rompre,<br />
avec le mariage proprement dit. Confusion telle qu'il était même précisé que les<br />
fiançailles pouvaient être rompues quand le garçon constatait que la fille était<br />
stérile C 7 )! Avant le concile de Trente il était donc courant de considérer les<br />
fiançailles et la copulation charnelle comme suffisantes pour la validité du mariage.<br />
Pour plus de sûreté, dans certains cas on tenait même à inscrire l'obligation du<br />
mariage religieux au contrat ( 18 ).<br />
Le clergé lutta contre cette assimilation. L'évêque de Strasbourg, dont dépendait<br />
la paroisse de Bosselshausen avant la Réforme déclare en son rituel de 1480 :<br />
«Exhortez fréquemment vos subordonnés à ne contracter d'union clan<strong>des</strong>tinement,<br />
mais publiquement. Exhortez ceux qui contractent le mariage à ne pas se<br />
mêler charnellement avant la célébration».<br />
Après le Concile de Trente, qui supprima la cérémonie religieuse <strong>des</strong> fiançailles,<br />
les mentalités se firent plus répressives. Un certain nombre de dictons moqueurs<br />
stigmatisaient, tout au moins, les conceptions prénuptiales :<br />
«Sie sin vor em Kanzdi uf d'Weid gange<br />
(ils sont allés sur les prés avant la St. Jean)<br />
«Er het schon vorgeschaft»<br />
(il a déjà travaillé en avance) (").<br />
L'autorité religieuse intervint aussi plus durement. Avant le mariage le couple<br />
devait rendre visite au pasteur ou au curé qui l'interrogeait et prenait <strong>des</strong> sanctions<br />
en cas de relations sexuelles prématurées ( 20 ) : le mariage était alors célébré au<br />
(16) F. SARG, op. cit.. p. 25.<br />
( 17) Fr. LOTZ et A. RIFC. Les régimes matrimoniaux. Dossiers juridiques, supplément à «La vie<br />
professionnelle», n° 5, 74/4.<br />
(18) F. SARG., op. cit.. p. 118.<br />
(19) F. SARG, op. cil., p. 37.<br />
(20) Cette obligation est relevée pour un mariage ayant eu lieu en 1848 puis par R. Redslob en
I.E <strong>MARIAGE</strong> <strong>TRADITIONNEL</strong> <strong>EN</strong> <strong>ALSACE</strong> 195<br />
presbytère, le soir au lieu du matin, changements très significatifs aux yeux de la<br />
population qui les désignaient sous les termes :<br />
«Zwische Da und Licht hierote»<br />
(se marier entre chien et loup)<br />
«Zwische Da und Nacht hierote»<br />
(se marier entre le jour et la nuit)<br />
«Zwische Da und Sich mich unt hierote»<br />
(se marier entre le jour et tu ne me vois pas)<br />
Le pasteur prélevait en outre une amende. La sanction était plus lourde s'il constatait,<br />
par la suite, un mensonge.<br />
Dans certains cas on refusait à la mariée le port de la couronne de romarin<br />
«Krônel» symbole de la virginité et le couple avait droit à une réprimande<br />
pastorale au cours de la cérémonie.<br />
Au xvm e<br />
siècle, dans le pays de Hanau, qui nous intéresse plus particulièrement,<br />
les coupables étaient convoqués devant le conseil presbytéral et soumis à un<br />
interrogatoire ( 21 ). Puis un dimanche ou un soir de veillée religieuse, ils subissaient<br />
une admonestation pastorale devant la communauté. A la suite de cette cérémonie<br />
infamante appelée «Kirchenbusse» ils devaient verser 20 gulden à la seigneurerie<br />
de Bouxwiller. Le 7 février 1736 on supprima le «kirchenbusse» quand le mariage<br />
était possible puis le 14 mai 1760 il fut supprimé complètement. Avec la Révolution<br />
disparut aussi la comparution devant le conseil presbytéral.<br />
En fait toutes ces mesures furent inefficaces contre <strong>des</strong> mœurs de tradition<br />
ancienne et à Bosselshausen par exemple, parmi les familles dont on connaît la<br />
date de mariage, les conceptions prénuptiales représentent 11 96 <strong>des</strong> premières<br />
naissances entre 1728 et 1789 alors que le pourcentage est inférieur à 3 96 à Crulai<br />
entre 1674 et 1742, de 3,496 à Tourouvre-au-Perche dans la première moitié du<br />
xvm e<br />
siècle, de 3,1 96 dans quatre paroisses de Picardie-Artois, de 4,5 96 dans six<br />
paroisses de Bretagne-Normandie à la même époque ( 22 ). La situation ne s'est pas<br />
améliorée après la Révolution, bien au contraire, puisque, pour Bosselshausen, le<br />
pourcentage est passé de 11 96 de 1738 à 1789 à 22 96 de 1790 à 1838. Freddy Sarg<br />
a relevé d'autre part dans les communes réformées de Hunspach, Hoffen et Ingolsheim<br />
32 96 <strong>des</strong> mariages déclarés «sans honneur» sur les registres paroissiaux entre<br />
1842 et 1861. Il ne restait plus aux pasteurs qu'à barrer rageusement sur les dits<br />
registres le terme «Junfrau» ou d'y noter que la mariée aurait mieux fait de porter<br />
la couronne de paille «Strohwisch» réservée aux filles de mauvaise vie.<br />
1937 dans «Un grand mariage en costumes à Oberseebach», Almanach de l'Alsace et <strong>des</strong> marches de<br />
l'Est, 1954, p. 103.<br />
(21) A. KASSEI., Zur Sittengeschichte im alten Hanauerland. Das Presbyterium, p. 17.<br />
(22) M. N. D<strong>EN</strong>IS, Un problème de mœurs dans l'Alsace rurale traditionnelle: naissances<br />
illégitimes et conceptions prénuptiales à Bosselshausen (Bas-Rhin) de 1738 à 1838, Actes du 103 E<br />
Congrès national <strong>des</strong> sociétés savantes, Nancy-Metz, avril 1978.
196 M.-N. D<strong>EN</strong>IS<br />
IV. L'âge au mariage<br />
Dans ces conditions l'âge au mariage est lié directement à l'âge <strong>des</strong> relations<br />
sexuelles hors mariages et à leurs conséquences. Nous avons calculé l'âge moyen<br />
au premier mariage <strong>des</strong> garçons et <strong>des</strong> filles de Bosselshausen de 1737 à 1837 en<br />
réintroduisant, après correction ("), les individus pour lesquels nous n'avons<br />
qu'un âge approximatif (tableaux n° 8-9). Nous constatons qu'il est de 25,22<br />
années pour les garçons et de 23,25 années pour les filles. Cet âge au mariage a<br />
légèrement augmenté pour les garçons et légèrement diminué pour les filles entre<br />
1737-1789 et 1790-1837 (taleaux n° 8-9) puisqu'il est passé respectivement à 25,30<br />
années et 22,94 années. Il reste néanmoins inférieur à ceux de Crulai de 1674 à<br />
1742 (27,2 années pour les garçons - 24,6 pour les filles) ou de Tourouvre-au-<br />
Perche dans les générations comprises entre 1650 et 1719 (27 ans pour les garçons<br />
- 24,6 pour les filles). Cette précocité <strong>des</strong> mariages en Alsace et à Bosselshausen en<br />
particulier à <strong>des</strong> conséquences importantes sur la composition <strong>des</strong> familles<br />
puisqu'elle a permis, dans les mêmes conditions de fécondité, d'avoir un enfant de<br />
plus par famille qu'à Crulai ou à Tourouvre-au-Perche par exemple ( 24 ).<br />
La méthode de correction employée plus haut étant trop grossière pour l'étude<br />
de la répartition <strong>des</strong> célibataires de chaque sexe selon l'âge au mariage, il nous faut<br />
d'abord éliminer ceux <strong>des</strong> conjoints dont nous ne connaissons, faute d'acte de<br />
naissance, qu'un âge aproximatif qui risque d'introduire de trop gran<strong>des</strong><br />
distortions dans les résultats ( 2S ). Compte tenu de cette remarque, la répartition <strong>des</strong><br />
célibataires de chaque sexe selon l'âge au mariage permet de constater (tableaux<br />
n° 10-11) qu'il y a plus de filles que de garçons qui se marient avant 20 ans avec<br />
une augmentation du pourcentage entre les deux pério<strong>des</strong> considérées (1737-1789<br />
et 1790-1837). Les garçons se marient plus à 20-24 ans entre 1790 et 1837<br />
qu'entre 1737 et 1789, le maximum se plaçant entre 20-24 ans au lieu de 25-29<br />
ans, conséquence, sans nul doute, de la conscription qui, dispensant les hommes<br />
mariés du service armé, encourageait les mariages précoces. Mais il y a aussi, probablement<br />
du fait <strong>des</strong> guerres, étalement vers les âges élevés puisque 14,796 <strong>des</strong><br />
hommes se marient entre 30 et 34 ans contre 8,3 96 dans la première période. Par<br />
contre l'âge au mariage <strong>des</strong> filles, concentré sur un fort maximum à 20-24 ans de<br />
1737 à 1789 (59,1 96) s'étale ensuite plus largement au profit delà classe d'âge 25-<br />
29 ans. Pour la première période, tout au moins, ces observations confirment<br />
celles qui ont déjà été relevées à Crulai et à Tourouvre-au-Perche par exemple :<br />
mariage <strong>des</strong> garçons à 25-29 ans et les filles à 20-24 ans.<br />
(23) Cette correction s'effectue en tenant compte de l'écart moyen calculé entre âge exact et âge<br />
approximatif au mariage, respectivement pour les 2 sexes quand nous possédons à la fois ces 2<br />
informations.<br />
(24) M. N. D<strong>EN</strong>IS, Composition <strong>des</strong> familles à Bosselshausen (Bas-Rhin) de 1737 à 1837, <strong>Revue</strong><br />
<strong>des</strong> Sciences Sociales de la France de l'Est, n° 7, 1979.<br />
(25) Il s'agit <strong>des</strong> âges calculés à partir <strong>des</strong> déclarations faites au décès. Néanmoins, à partir de<br />
1795, ont été considérés comme âges exacts au mariage, les âges calculés à partir de la date de<br />
naissance inscrite sur l'acte de mariage.
<strong>LE</strong> <strong>MARIAGE</strong> <strong>TRADITIONNEL</strong> <strong>EN</strong> <strong>ALSACE</strong> 197<br />
TAB<strong>LE</strong>AU 8<br />
Répartition par âge <strong>des</strong> garçons mariés entre 1737 et 1837 (unions de cél.)<br />
Age (en années révolues) 1737-1837<br />
âge âge<br />
exact approx.<br />
age<br />
exact<br />
1737-<br />
1789<br />
âge<br />
approx.<br />
1790-1837<br />
âge âge<br />
exact approx.<br />
15<br />
16<br />
17<br />
18<br />
19<br />
20<br />
21<br />
22<br />
23<br />
24<br />
25<br />
26<br />
27<br />
28<br />
29<br />
30<br />
31<br />
32<br />
33<br />
34<br />
35<br />
36<br />
37<br />
38<br />
39<br />
40<br />
41<br />
42<br />
43<br />
44<br />
45<br />
Total individus<br />
Total années<br />
Age moyen<br />
correction ( - 0.22)<br />
Age moy. ensemble<br />
4<br />
7<br />
6<br />
6<br />
7<br />
10<br />
20<br />
5<br />
10<br />
5<br />
6<br />
2<br />
5<br />
3<br />
2<br />
3<br />
1<br />
I<br />
105<br />
2632<br />
25,07<br />
1<br />
55<br />
1064<br />
25.75<br />
25.55<br />
25<br />
620<br />
24,80<br />
26<br />
671<br />
25,84<br />
25,62<br />
80<br />
2013<br />
25,16<br />
25,22 25,21 25,30<br />
1<br />
27<br />
693<br />
25,66<br />
25,44
198 M.-N. D<strong>EN</strong>IS<br />
TAB<strong>LE</strong>AU 9<br />
Répartition par âge <strong>des</strong> filles mariées entre 1737 et 1837 (unions de célib.)<br />
Age (en années révolues) 1737-1737<br />
âge âge<br />
exact approx.<br />
1737-1789<br />
âge âge<br />
exact approx.<br />
1790-1837<br />
âge âge<br />
exact approx.<br />
15<br />
16<br />
17<br />
18<br />
19<br />
20<br />
21<br />
22<br />
23<br />
24<br />
25<br />
26<br />
27<br />
28<br />
29<br />
30<br />
31<br />
32<br />
33<br />
34<br />
35<br />
40 +<br />
Total individus<br />
Total années<br />
Age moy.<br />
Correction ( + 0.34)<br />
Age moy. ensemble<br />
3<br />
1<br />
10<br />
8<br />
2<br />
8<br />
7<br />
9<br />
5<br />
3<br />
5<br />
4<br />
1<br />
1<br />
1538<br />
22.62<br />
80<br />
1883<br />
23.54<br />
23.88<br />
18<br />
387<br />
21.50<br />
35<br />
869<br />
24,83<br />
25,17<br />
5<br />
1151<br />
23,02<br />
45<br />
1014<br />
22,53<br />
22,87<br />
23.25 23,33 22,94<br />
La sagesse populaire veut que l'on respecte l'équilibre du couple avec un conjoint<br />
légèrement plus âgé que sa femme. Pourtant un dicton vante les avantages<br />
d'une femme plus âgée :<br />
«Bi de Alte<br />
Isch me giiet behalte<br />
Bi de Junge<br />
Isch me viel g'schumge»<br />
(chez les vieilles on est bien soigné, chez les jeunes il faut trimer) ( 26 )<br />
(26) II.IBERG. Proverbes Dictons et poésie populaire d'Alsace, p. 58, traduction F. SARG, op. cit..<br />
p. 148.
<strong>LE</strong> <strong>MARIAGE</strong> <strong>TRADITIONNEL</strong> <strong>EN</strong> <strong>ALSACE</strong> 199<br />
TAB<strong>LE</strong>AU 10<br />
Age au mariage <strong>des</strong> célibataires de chaque sexe. Mariages de 1737 à 1789<br />
Age en mariage Garçons Filles<br />
en années Age exact. Age approx. Age exact. Age approx.<br />
révolues Tôt. 96 Tôt. % Tôt. 96 Tôt. 96<br />
< 20 ans 3 12,5 2 8.7 5 22.7 5 16,2<br />
20-24 ans 9 37,5 9 29.1 13 59,1 9 29.0<br />
25-29 ans 10 41,7 8 34.8 3 13.6 12 38.7<br />
30-34 ans 2 8.3 4 17.4 1 4.6 3 9,7<br />
35-39 ans 1 3.2<br />
40 ans + 1 3.2<br />
Tous âges 24 100,0 23 100.0 22 100,0 31 100,0<br />
TAB<strong>LE</strong>AU 11<br />
Age au mariage <strong>des</strong> célibataires de chaque sexe - mariages de 1790 à 1837<br />
Age au mariage Garçons Filles<br />
en années Age exact Ag e approx. Ai »e exact Age approx.<br />
révolues Tôt. % Tôt % Tôt. 96 Tôt. 96<br />
20 ans 11 11,6 0 0 23 25,3 1 12,5<br />
20-24 ans 41 43,2 0 0 39 42,8 3 37,5<br />
25-29 ans 28 29.5 0 0 25 27.5 3 37,5<br />
30-34 ans 14 14,7 0 0 4 4,4 1 12.5<br />
35-39 ans<br />
40 ans + 1 1 0 0<br />
Tous âges 95 100,0 0 0 91 100,0 8 100,0<br />
A partir de 1795 ont été considérés comme âges exacts au mariage ceux calculés à partir de la date<br />
de naissance inscrite sur l'acte de mariage.<br />
A Bosselshausen où nous connaissons l'âge exact <strong>des</strong> deux conjoints pour 88<br />
mariages célébrés de 1790 à 1837 et unissant <strong>des</strong> célibataires ( 27 X la combinaison la<br />
plus fréquente se situe entre 20-24 ans pour les deux conjoints (23 cas - tableau<br />
n° 12). Puis viennent ensuite les mariages entre <strong>des</strong> filles de 15 à 19 ans et <strong>des</strong><br />
garçons de 25-29 ans (9 cas) les combinaisons réciproques 20-24 ans 25-29 ans et<br />
25-29 ans pour les deux sexes totalisent 8 cas chacune.<br />
(27) L'étude de la période 1737-1789 a dû être abandonnée du fait du trop grand nombre<br />
d'unions pour lesquelles nous ne connaissons que <strong>des</strong> âges approximatifs.
200 M.-N. D<strong>EN</strong>IS<br />
TAB<strong>LE</strong>AU 12<br />
Répartition <strong>des</strong> mariages suivant le groupe d'âge (âge exact) de chacun <strong>des</strong> époux -<br />
mariages de 1790 à 1837<br />
Age de la femme<br />
Age du mari 15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 Tous<br />
âges<br />
15-19 4 2 2<br />
20-24 5 23 8<br />
25-29 8 8<br />
1 9 |<br />
30-34 3 4 2<br />
35-40 1<br />
40-44 1 1<br />
45-49 3<br />
Tous âges 22 37 25<br />
V. Les remariages<br />
En cas de décès prématuré de l'un <strong>des</strong> conjoints le remariage est conseillé,<br />
surtout pour les jeunes veuves que la tradition populaire assimile aux vieilles filles.<br />
Seule la différence d'âge n'est pas appréciée et donne lieu à un charivari ou<br />
«katzelmusik» (musique de chat) ( 28 ) ou à <strong>des</strong> propos malveillants :<br />
«D' alte Gaise Schlacke's Salz ono garn<br />
Vom Lieben Heiraten, und Haushalten»<br />
(les vieilles chèvres aiment aussi encore lécher le sel) ( 29 )<br />
«Sie het ùs' me alte Kessel e neje gemacht»<br />
(d'un vieux chaudron elle a fait du neuf)<br />
«Er will noch e mol jung waere»<br />
(il veut de nouveau devenir jeune) ( 30 ).<br />
Il nous a été difficile de mener une étude précise à ce sujet à Bosselshausen, car<br />
pour mesurer la fréquence <strong>des</strong> remariages parmi les conjoints devenus veufs, il<br />
aurait fallu, étant donné les limites géographiques de nos observations, qu'ils se<br />
soient tous remariés à Bosselshausen ou que nous ayions pu évaluer l'importance<br />
<strong>des</strong> remariages hors de la paroisse, ce qui n'a pas été possible puisque nous ne<br />
possédons aucune trace de couple dans ce cas. D'autre part, sur 194 mariages, il<br />
n'y en a que 67 dont les deux conjoints sont morts à Bosselshausen. Pour 56<br />
mariages on ne connaît que la date de décès de l'un <strong>des</strong> époux : 26 pour lequel le<br />
décès connu est celui du mari et 30 celui de la femme. Mais dans tous les cas on<br />
sait lequel <strong>des</strong> deux conjoints est resté veuf (tableau n° 13). Il en résulte que 57 %<br />
<strong>des</strong> unions sont rompues par le décès de la femme et 43 % par celui du mari.<br />
(28) J. <strong>LE</strong>FFTZ, Niederbronner Schariwari, E.L.M., 1937, p. 9, 10).<br />
(29) F. SARG, op. cit.. p. 138.<br />
(30) J. <strong>LE</strong>FFTZ, Ein aller Hochzeitla<strong>des</strong>pruch. traduction F. Sarg, p. 138.
0 . .<br />
- • •<br />
Mariage - Pfaffenhoffen - 1893.<br />
(Collection Helmstet).
Alliances et bagues de fiançailles. Basse Alsace. xix c<br />
siècle.<br />
(Musée Alsacien).<br />
Couronnes de mariage. Basse Alsace. Début du xix e<br />
siècle.<br />
(Musée Alsacien)
Souvenir de mariage. xvn e<br />
siècle.<br />
La gravure représente un mariage protestant à Strasbourg au XVII e siècle.<br />
(Musée <strong>des</strong> Arts et Traditions populaires. - Collection Linckenheld).
Couronne de mariée. Outre-Forêt. xix c siècle Couronne de mariée. Outre-Forêt. xix e siècle<br />
(vue de Face).<br />
(vue de dos).<br />
(Musée Alsacien).<br />
(Musée Alsacien).<br />
Couronne de virginité. Outre-Forêt. xix e<br />
siècle<br />
(Musée Alsacien).<br />
Cette couronne se posait sur le front,<br />
en avant de la couronne de mariée.<br />
Brassard de mariée.<br />
Outre-Forêt. xix c<br />
siècle.<br />
(Musée Alsacien)
I.E <strong>MARIAGE</strong> <strong>TRADITIONNEL</strong> <strong>EN</strong> <strong>ALSACE</strong> 201<br />
Malgré la grande imprécision due à la possibilité <strong>des</strong> remariages hors de<br />
Bosselshausen, surtout pour les femmes, on peut considérer qu'au moins 16 veufs<br />
sur 61 se sont remariés ainsi que 5 veuves sur 57 (tableau n° 13) ce qui représente<br />
au moins 25,2% <strong>des</strong> veufs et 8,8% <strong>des</strong> veuves. Les veuves se remarient moins<br />
fréquemment que les veufs. Pour chaque sexe, la fréquence du remariage diminue<br />
avec l'âge au veuvage mais les hommes se remarient tous lorsqu'ils ont moins de<br />
30 ans à la mort de leur femme ce qui n'est le fait que de 75 % <strong>des</strong> veuves. Ensuite<br />
ils se remarient beaucoup plus facilement que les veuves jusqu'à 70 ans alors que<br />
pour elles la proportion <strong>des</strong> remariages est nulle à partir de 50 ans (tableau n° 14).<br />
Pour les remariages dont la durée au veuvage est connue (16 sur 25 pour les<br />
veufs, 5 sur 7 pour les veuves) elle est très courte pour les deux sexes (tableau<br />
n° 15) puisque 75% <strong>des</strong> veufs et 8096 <strong>des</strong> veuves se remarient avant deux ans.<br />
Mais alors que 56,3% <strong>des</strong> veufs se remarient dans la première année et 18,996<br />
dans la deuxième année, les proportions sont inversées pour les veuves dont 20%<br />
se remarient dans la première année et 60% dans la deuxième année (tableau<br />
TAB<strong>LE</strong>AU 13<br />
Répartition <strong>des</strong> unions suivant le conjoint devenu veuf<br />
Date de décès <strong>des</strong> 2 Mari devenu veuf femme devenue veuve Ensemble<br />
conjoints connue 30 37 67<br />
Date de décès d'un<br />
seul conjoint connue<br />
mari 11 15 26<br />
femme 21 9 30<br />
Ensemble 32 24 56<br />
TAB<strong>LE</strong>AU 14<br />
Veuvages et remariages suivant l'âge du veuvage<br />
Age au veuvage<br />
30 30-39 40-49 50-59 60-69 70 + connu inconnu Ens.<br />
Hommes :<br />
Nbre de veufs 3 8 7 10 4 5 37 24 61<br />
dont remariés 3 4 2 0 1 0 10 6 16<br />
% remariés<br />
veufs 100 50 28.5 0 25 0 26,2<br />
Femmes :<br />
Nbre de veuves 4 7 11 6 6 1 35 22 57<br />
dont remariées 3 0 2 0 5 0 5<br />
% remariées<br />
veuves 75 0 18.2 0 0 0 8.8
202 M.-N. D<strong>EN</strong>IS<br />
TAB<strong>LE</strong>AU 15<br />
Intervalle entre veuvage et remariage<br />
Durée du veuvage Hommes Femmes<br />
en années révolues Tôt. % Tôt. 96<br />
0 9 56.3 1 20<br />
1 3 18.9 3 60<br />
2 1 6.2 1 20<br />
3 1 6.2 0<br />
4 1 6.2 0<br />
îefcva monaÀn « Kflm<br />
1 6.2 0<br />
Ensemble <strong>des</strong> durées connues 16 100 5 100<br />
Durée du veuvage Hommes Femmes<br />
en mois révolus Tôt. 96 Tôt. 96<br />
0<br />
1 1 6,26<br />
2 2 12.51<br />
3 1 6,26<br />
4 1 6,26<br />
5<br />
6<br />
7 2 12,51<br />
8 1 6,26<br />
9<br />
10 1 6.26 1 20<br />
11<br />
Ensemble 9 56.3 1 20<br />
n° 15). Il faut y voir les conséquences de la législation : dans le comté de Hanau-<br />
Lichtenberg une loi autorisait les veufs à se remarier avant la période légale d'un<br />
an à condition qu'ils payent une amende ( 31 ), ce dont ils ne se privaient pas. nous<br />
l'avons vu d'après les résultats de nos observations sur Bosselshausen. Par contre<br />
un arrêt du Conseil Souverain d'Alsace daté du 18 août 1739, et beaucoup plus<br />
répressif, interdisait aux veuves de se remarier avant un an. De ce fait, l'intervalle<br />
médian entre veuvage et remariage est, à Bosselshausen, de 15 mois pour les<br />
femmes et seulement de 9 mois pour les hommes. Par contre, pour ces derniers ;<br />
les délais de remariage sont moins concentrés dans le temps puisque l'intervalle<br />
moyen est de 18,8 mois contre 15, 8 pour les femmes (tableau n° 16). Avant un an<br />
les délais sont très courts : un tiers <strong>des</strong> remariages de veufs sont célébrés avant<br />
(31) J. ADAM. op. cit.. p. 112.
<strong>LE</strong> <strong>MARIAGE</strong> <strong>TRADITIONNEL</strong> <strong>EN</strong> <strong>ALSACE</strong> 203<br />
trois mois de veuvage (tableau n° 16). Pour les veuves, un seul mariage a lieu après<br />
10 mois de veuvage du fait de l'arrêt cité plus haut.<br />
Le repas de noce •.<br />
Mais le mariage n'est pas seulement fait d'aspirations qui se réalisent ou non<br />
dans les statistiques. C'est aussi une fête au rituel complexe dont nous ne retiendrons<br />
que le point culminant : le repas de noce.<br />
1) Les invités :<br />
Plus que tout autre événement du mariage, le repas souligne la volonté d'intégrer<br />
le nouveau couple dans les deux familles concernées et la société environnante<br />
:<br />
Dans les familles tout d'abord dont le plus grand nombre de membres est invité.<br />
Les invitations se font longtemps à l'avance, par l'intermédiaire <strong>des</strong> garçons<br />
d'honneurs qui, coiffés de chapeaux enrubannés et fleuris, vont à cheval ou en<br />
char à banc, de maison en maison, et débitent avec politesse <strong>des</strong> formules ancestrales<br />
( 32 ). La plus ancienne formule d'invitation écrite dont nous avons connaissance<br />
date en effet de 1756. Une autre, datant <strong>des</strong> années 1880 dans le pays de Hanau ( 33 )<br />
a été traduite par F. Sarg : «Nous venons ici au nom de Dieu pour tous vous<br />
inviter avec tous les chers amis au repas de mariage de mardi. Mais avant, vous<br />
êtes priés d'entrer dans la maison de Dieu pour écouter dans ce saint lieu la Parole<br />
divine. Et aussi de prier Dieu pour qu'il comble les époux de sa bénédiction, de sa<br />
grâce et de son esprit afin que leur union soit heureuse. Et en même temps de<br />
regarder comment les époux seront unis et d'être <strong>des</strong> témoins fidèles afin que leur<br />
vie commune soit pure et chaste. Et quand cela aura eu lieu, après la bénédiction,<br />
on se rendra de l'église à la maison du marié où tout doit bien se dérouler. Là vous<br />
vous mettrez à l'aise pour manger les dons de Dieu, ceux que la cave et la cuisine<br />
exigent pour nourrir le corps. Et que Dieu accorde alors sa bénédiction au<br />
nouveau couple. Et ainsi le mariage ne passera bien et enfin on vous dira merci».<br />
Ces invitations se font selon un ordre rigoureux, suivant le degré de parenté, la<br />
situation sociale, la fortune.<br />
Le nombre <strong>des</strong> invités est toujours important, par souci d'y inclure même la<br />
famille éloignée. La tradition populaire a gardé le souvenir <strong>des</strong> plus grands mariages<br />
qui ont réunis par exemple 142 personnes en 17 tables à Mittesheim en<br />
1893 ( 34 ). Encore aujourd'hui les mariages de plus de 100 personnes ne sont pas<br />
rares ( 35 ). La cuisinière compte les invités à l'entrée de l'église car il est exclu de<br />
pouvoir participer au repas si l'on n'a pas assisté au service religieux.<br />
(32) R. RF.DSI.OB, Un grand mariage en costumes à Oberseebach, ALmanach de l'Alsace et <strong>des</strong><br />
marches de l'Est. 1954. p. 103-107.<br />
(33) A. KASSEI . Eine Bauernhochzeit im Hanauerland von 80 Jahren, p. 217.<br />
(34) Ch. SPINDI.ER. Ceux d'Alsace.<br />
(35) F. SARG. cite l'exemple d'un mariage à 200 personnes dans «Un mariage traditionnel en<br />
Alsace du Nord» l'Alsace Historique, déc. 1976, p. 22-24.
204 M.-N. D<strong>EN</strong>IS<br />
Cette coutume est anciennes puisque depuis le xvi e<br />
siècle, une série de règlements<br />
a tenté de limiter l'importance <strong>des</strong> repas de noce. A Strasbourg, en 1544, un<br />
«polizei Ordnung» limite le nombre <strong>des</strong> convives à 50 personnes quand le mariage<br />
a lieu chez soi. Sans doute inefficace il fut renouvelé en 1628, 1708 et valable<br />
jusqu'en 1789. Dans les mariages de 2 e et 3 e classe le nombre <strong>des</strong> invités était fixé à<br />
20 personnes en plus de la famille. Les fondations charitables instituées pour payer<br />
les noces <strong>des</strong> pauvres exigeaient que le nombre <strong>des</strong> convives ne dépassât pas 30<br />
personnes.<br />
La coutume de Ferrette en 1562 imposait <strong>des</strong> banquets de 20 personnes au plus.<br />
Le «polizei-Ordnung» de Wissembourg promulgué en 1577 puis renouvelé en<br />
1614 limitait les invités à 60 personnes à l'auberge ou 100 personnes à la maison.<br />
Le «Reformations Ordnung» de Mulhouse en 1750 imposait de ne pas dépasser<br />
60 personnes avec défense d'envoyer <strong>des</strong> plats aux amis sinon aux parents qui<br />
n'avaient pas pu venir ( 36 ).<br />
Le règlement de Neusaarweden, au xvm e<br />
siècle, limitait même le nombre <strong>des</strong><br />
invités à 12 (").<br />
Il semble que ces lois n'aient eu que peu d'effet sur les repas de noce, d'autant<br />
plus que s'y ajoutaient <strong>des</strong> coutumes <strong>des</strong>tinées à intégrer le couple, non seulement<br />
dans sa famille, mais aussi dans la société environnante. Déjà, lors de la signature<br />
du contrat, le «Trumbotte» avait permis à tout le village de participer à la<br />
cérémonie en buvant dans la rue, à l'auberge, ou à domicile pour les femmes, le<br />
vin offert par le fiancé. La veille du mariage les fiancés portaient aussi d'immenses<br />
gâteaux aux autorités du village : le pasteur, le maître d'école et à leurs parrains et<br />
marraines. Le jour de mariage du pain blanc, «le pain de mariage», était <strong>des</strong>tiné<br />
aux enfants qui sortaient de l'école et les restes du repas, pain, vin et viande,<br />
donnés aux pauvres ( 38 ). Un bal réunissait enfin tout le village, le jour du mariage<br />
ou le lendemain, et à cette occasion l'aubergiste servait <strong>des</strong> plats froids à tous les<br />
participants ( 39 ).<br />
2) La durée <strong>des</strong> repas :<br />
Pour parfaire la communion du groupe créé autour du repas de noce on<br />
reproduisait celui-ci, matin et soir, pendant plusieurs jours alors que diminuaient<br />
le nombre <strong>des</strong> convives et le nombre <strong>des</strong> plats. La tradition populaire a gardé le<br />
souvenir <strong>des</strong> exemples les plus prestigieux : en particulier, un mariage à Issenhausen,<br />
dans le pays de Hanau, au début du xix e siècle, aurait duré cinq jours ( 40 ).<br />
La moyenne paraît s'établir entre 2 et 4 jours. R. Redslob cite un mariage de 4<br />
jours à Oberseebach en 1937 et Ch. Spindler donne 3 à 4 jours ( 41 ).<br />
(36) Ch. GÉRARD, L'Ancienne Alsace à table, Alsacia, Colmar 1971.<br />
(37) J. ADAM, op. cit.. p. 271.<br />
(38) A. JÀGER, Ein Bauernhochzeit im Hanauerlàndel, p. 199.<br />
(39) F. SARG., op. cil.<br />
(40) A. KASSEI., Ein originelle Bauernhochzeit im Jahre 1802, p. 340.<br />
(41) R. REDSIOB., Ch. SPINDI.ER, op. cit.
<strong>LE</strong> <strong>MARIAGE</strong> <strong>TRADITIONNEL</strong> <strong>EN</strong> <strong>ALSACE</strong> 205<br />
Là encore les règlements essayèrent de limiter le temps <strong>des</strong> agapes. A Wissembourg<br />
en 1577 le mariage à la maison ne devait pas durer plus de 2 jours et à l'auberge,<br />
une journée seulement. A Strasbourg en 1544, la durée du mariage fut limitée<br />
à 2 jours. Le règlement de 1628 n'appliqua cette mesure que pour les mariages<br />
de 2 e et 3 e classes et il ne fut pas observé plus de 30 ans. Après, l'annexion en<br />
1687, une ordonnance rappela la règle <strong>des</strong> 2 jours. A Wissembourg en 1577, le<br />
mariage à la maison ne devait pas durer plus de 2 jours. La polizeit Ordnung<br />
limitait même le temps <strong>des</strong> repas de 10 h à 2 h pour le dîner et de 6 h à 10 h pour<br />
le souper ( 42 ) !<br />
3) Les plats -.<br />
Le repas de noce en lui-même, les autres ne constituant que <strong>des</strong> annexes où l'on<br />
mangeait les restes, comportait une succession constante de plats mentionnés dans<br />
les cartons de menus. Bien que cette coutume ne date que de la 2 e<br />
moitié du xix e<br />
siècle, on peut penser que la tradition qui régissait leur composition est plus<br />
ancienne. Le repas commençait par un bouillon de bœuf puis se poursuivait avec<br />
une série de plats de viande : pot au feu, choucroute, viande de veau en sauce,<br />
accompagnés de légumes qui comptaient peu, et prenait fin sur une multitude de<br />
<strong>des</strong>serts où triomphaient tartes aux fruits et kugelhopf. Il s'agissait de trancher de<br />
l'ordinaire par l'abondance de la viande, peu fréquente dans le menu quotidien du<br />
paysan (surtout la viande bovine), <strong>des</strong> mets sucrés, rares aussi dans la vie courante,<br />
et de l'alcool.<br />
Ces menus s'accompagnaient d'une débauche de nourriture proportionnelle aux<br />
nombres <strong>des</strong> invités. En 1893 le mariage de Mittesheim déjà cité a nécessité, pour<br />
142 personnes, 1200 livres de bœuf, 7 livres de veau, 100 livres de saucisses, 165<br />
livres de beurre, 27 sacs de farine, 1440 litres de vin ( 43 ). Lors d'un mariage à<br />
Oberseebach, en 1937, on a utilisé 2 bœufs, 2 veaux, 2 porcs, 500 litres de vin,<br />
6000 œufs (?) 2 quinteaux de beurre (43) - 10 sacs de farine - 50 livres de<br />
sucre ( 44 X<br />
Là encore, très tôt, les règlements de police essayèrent de régenter cette coutume<br />
somptuaire. A Ferrette en 1567 le repas fut limité à 4 plats plus le fromage et les<br />
fruits. A Wissembourg en 1577 à 4 plats dont un de poisson avec le fromage et les<br />
fruits, les pâtisseries n'étant pas comptées, et à Strasbourg en 1628 à 8 plats pour<br />
les mariages de 2 e<br />
classe, les rôtis comptant ensemble pour un plat et les soupes,<br />
sala<strong>des</strong> légumes, sauces restant «francs» et à 6 plats pour les mariages de 3 e<br />
classe<br />
alors que les «Irtenhochzeiten», où chacun payait son écot, étaient limités à 4 plats<br />
chauds et à 2 pots de vin pour 10 couverts.<br />
(42) Ch. GÉRARD, op. cit.<br />
(43) Ch. SPINDI.ER, op. cil.<br />
(44) R. REDSI.OB, op. cit.
206 M.-N. D<strong>EN</strong>IS<br />
Conclusion<br />
Il nous est apparu à propos du mariage en Alsace au xvui e<br />
siècle et sur un<br />
exemple particulier, le village de Bosselshausen, que la plupart <strong>des</strong> couples se<br />
conformait à une sagesse populaire traduite dans un certain nombre d'habitu<strong>des</strong>,<br />
de rites, de proverbes et de dictons. De ce fait le célibat définitif est rare et surtout<br />
féminin, le champ <strong>des</strong> rencontres, très ritualisé et organisé dans un espace réduit,<br />
provoque une forte endogamie géographique, au moins dans un ensemble de<br />
village peu distants les uns <strong>des</strong> autres, confessionnelle, socio-professionnelle pour<br />
les catégories les mieux représentées tels que les agriculteurs, ou les plus fermées<br />
comme les tisserands. Les relations prénuptiales, fortement condamnées par<br />
l'Eglise après le Concile de Trente et par les autorités religieuses locales après la<br />
Réforme, ont subsisté et se sont même développées au xix e<br />
siècle grâce à la<br />
complicité d'une tradition ancestrale. L'âge <strong>des</strong> conjoints au mariage, peu élevé<br />
dans l'ensemble (25 ans pour les garçons, 23 ans pour les filles), révèle le souci de<br />
respecter un certain équilibre entre les époux et enfin les remariages fréquents et<br />
rapi<strong>des</strong> <strong>des</strong> veufs correspondent aux nécessités de la vie quotidienne et reçoivent<br />
l'approbation de la sagesse populaire.<br />
A propos du repas de noce, les coutumes conviviales ont toujours triomphé,<br />
depuis le xvi e<br />
siècle, <strong>des</strong> règlements qui ont tenté de réduire à la fois le nombre <strong>des</strong><br />
invités, le nombre <strong>des</strong> plats et la durée de la fête.