iconiques - Magazine
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IMAGES<br />
LA CHINOISE<br />
Hier encore, la nationalité du mannequin était russe, comme par définition. Mais<br />
c’est un peu plus à l’Est qu’il y a du nouveau, en Chine précisément, dont le<br />
marché attise les convoitises, parfois au risque de galvaniser les images.<br />
Ne reste plus au client chinois qu’à<br />
accepter le bel uniforme [alors que] les<br />
spécificités du luxe italien et le rêve<br />
qu’elles colportent disparaissent dans<br />
ce mariage de raison, où la dot est tout.<br />
Exit le symbolique, place au réel […]<br />
La démarche souple, l’allure chic et sportive, Monsieur<br />
déambule en touriste, l’œil aux aguets, dans la rue<br />
déserte d’une ville asiatique : autour de lui, les idéogrammes<br />
des multiples enseignes le signifient avec<br />
forte évidence. Plus loin, ce sont deux jeunes femmes,<br />
chinoise et japonaise, qui posent sous les lanternes<br />
d’un hôtel, leurs vêtements reprenant sur un mode<br />
graphique et épuré la tunique chinoise ou le col Mao.<br />
Tous les experts s’accordent sur le sujet : l’Asie,<br />
et notamment la Chine, sont en passe de devenir une<br />
véritable poule aux œufs d’or pour le marché du luxe<br />
occidental. Les marques Louis Vuitton et Valentino en<br />
ont dernièrement pris acte par l’image en propulsant sur<br />
le devant de la scène des modèles de type asiatique ; et<br />
Armani, dont c’est ici la campagne pour la saison printemps/été<br />
2012, déploie un groupe mixte de mannequins<br />
à travers l’espace de Hong Kong. Derrière l’opulence<br />
des sacs et l’allure élégante et longiligne, les façades<br />
des buildings hong-kongais doublées de lanternes et<br />
d’idéogrammes forment le cadre limpide et cliché d’une<br />
rencontre aimable entre Orient et Occident. Chaque partie<br />
a évidemment quelque chose à gagner. La Chine<br />
enchante son aura par les bonnes grâces de la Maison<br />
italienne, loin du “made in China” honni par la bienséance<br />
du luxe, et témoigne de sa puissance comme de<br />
son développement économique et social en intégrant<br />
symboliquement les vitrines de l’élite internationale ;<br />
l’Occident, ici l’Europe, à la recherche de nouvelles parts<br />
de marché, se fait quant à lui miracle et mirage, si désirables.<br />
Ne reste plus au client chinois qu’à accepter le<br />
bel uniforme qu’on lui propose platement : les spécificités<br />
du luxe italien et le rêve qu’elles colportent tendent<br />
à disparaître dans ce mariage de raison, où la dot est<br />
tout. Exit le symbolique, place au réel. Et c’est un style<br />
à la neutralité mondiale qui apparaît, le col Mao étant<br />
une moindre concession.<br />
Pourtant, que penser du hiatus entre la modernité<br />
immaculée affichée par cette campagne et les réalités<br />
politiques complexes de son « pays d’accueil » ?<br />
Jusqu’à quel point cette classe montante asiatique, qui<br />
attise toutes les convoitises, altérera-t-elle les us et coutumes<br />
de cet enfant chéri de l’Occident qu’est la mode ?<br />
Les métiers et les savoir-faire finiront-ils par y gagner,<br />
au-delà du travail de moine copiste et sous-payé dans<br />
lequel on les a strictement cantonnés ?<br />
On a planqué les ouvrières pour l’instant. Et<br />
d’ailleurs, il n’y a pas âme qui vive dans cette rue hongkongaise,<br />
que l’on imagine typique, excepté Monsieur<br />
et sa fausse nonchalance qui regarde avec une pointe<br />
de désinvolture, comme en pays conquis. Un trajet en<br />
avion, à peine le temps de tourner la page, et le même<br />
pourrait être en escale à Portofino. Qu’aura-t-il vu à<br />
Hong Kong ?<br />
Céline Mallet<br />
À gauche :<br />
Campagne Valentino, Printemps-été 2012, photographe Deborah Turbeville.<br />
À droite :<br />
Campagne Louis Vuitton homme, Printemps-été 2011.<br />
Campagne Emporio Armani, Printemps-été 2012, photographe Alasdair<br />
McLellan.<br />
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