Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris
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Revue <strong>de</strong> Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro<br />
<strong>de</strong> la Prensa-Basm Oz<strong>et</strong>i<br />
Raïd Fahmi<br />
Un ministre<br />
felnouot<br />
Mercredi 19 JUill<strong>et</strong> 2006<br />
Installé en<br />
France <strong>de</strong>puis'<br />
1983 <strong>et</strong> membre<br />
ducomité<br />
central du PC<br />
irakien, il fait<br />
partie du<br />
gouvernement<br />
d'union<br />
nationale.<br />
Opposé<br />
à l'intervention<br />
,. .<br />
amerICaIne<br />
en 20'03, il est<br />
aujourd'hui, sur<br />
fond <strong>de</strong> chaos<br />
dans son pays,<br />
contre un départ<br />
, . . ,<br />
precIpIte<br />
<strong>de</strong>s troupes US<br />
e jour-là, dans le<br />
lobby du célèbre<br />
hôtel Al-Rachid<br />
à Bagdad, Raïd<br />
Fahmi comprend<br />
d'un seul<br />
coup l'étroitesse<br />
du pouvoir qu'on<br />
lui a octroyé. « Désolé,Monsieur,<br />
vous ne pouvez pas être photographié<br />
ici.» Le gar<strong>de</strong> scandinave<br />
est poli, mais ferme. Le photographe<br />
engagé par Le Mon<strong>de</strong> range<br />
illico ses appareils. A Bagdad, on<br />
ne discute pas les ordres d'un<br />
homme armé.<br />
Le palace Al-Rachid, où rési<strong>de</strong>nt<br />
désormais <strong>de</strong> nombreux<br />
ministres, parlementaires <strong>et</strong><br />
communiste à Bagdad<br />
hauts fonctionnaires irakiens, est<br />
à l'intérieur <strong>de</strong> la fameuse « zone<br />
verte », un enclos hyperfortifié<br />
<strong>de</strong> quelques centaines d'immeubles<br />
répartis sur cinq kilomètres<br />
, carrés en plein cœur <strong>de</strong> la<br />
capitale.<br />
C'est ici, à l'ombre <strong>de</strong>s miradors,<br />
<strong>de</strong>rrière <strong>de</strong>ux lignes <strong>de</strong><br />
hauts murs <strong>de</strong> béton anti-bombe,<br />
que l'essentiel du pouvoir irakien<br />
« légal» s'est réfugié sous la protection<br />
<strong>de</strong> quelques milliers <strong>de</strong><br />
soldats <strong>et</strong> policiers nationaux, <strong>de</strong><br />
plusieurs autres milliers <strong>de</strong> GI<br />
<strong>de</strong>s Etats-Unis <strong>et</strong> <strong>de</strong> plusieurs<br />
centaines <strong>de</strong> troupiers, Géorgiens<br />
<strong>et</strong> Ukrainiens équipés <strong>de</strong><br />
pied en cap - armes <strong>et</strong> uniformes<br />
- par l'US Army.<br />
«Désolé, Monsieur, s'excusa<br />
donc le gar<strong>de</strong> scandinave, nous<br />
<strong>de</strong>vons appliquer la consigne <strong>de</strong><br />
l'ambassa<strong>de</strong> américaine. » Tiens,<br />
fit-on remarquer au ministre<br />
Raïd Fahmi, l'ordre américain<br />
s'impose donc toujours jusque <strong>et</strong><br />
y compris dans les bâtiments<br />
théoriquement rendus à la souverain<strong>et</strong>é<br />
irakienne <strong>de</strong>puis plus<br />
d'un an ?« Vous voyezbien..., ronchonna<br />
Raïd Fahmi. La récupération<br />
complète <strong>de</strong> notre souverain<strong>et</strong>é<br />
nationale <strong>de</strong>meure un objectif .. »<br />
Titulaire d'un DEA d'économie<br />
<strong>et</strong> développement obtenu à la<br />
Sorbonne <strong>et</strong> d'une licence délivrée<br />
par la London School of Economies,<br />
le « matheux» ne déteste<br />
pas l'ellipse. Question <strong>de</strong> formation<br />
politique peut-être ...<br />
Dans le théâtre d'ombres qui<br />
s'agite à Bagdad sous l'intitulé <strong>de</strong><br />
« gouvernement d'unité nationale<br />
», Raïd Fahmi est un personnage<br />
vraiment à part. Pas <strong>de</strong> milice<br />
armée, peu d'amis, aucun soutien<br />
dans les mosquées qui sont<br />
aujourd'hui les vrais centres du<br />
pouvoir en Irak. Trentesept<br />
ministres en exercice, un<br />
seul communiste: lui. Ou comment<br />
un « vieux» militant irakien<br />
qui rejoint le Parti communiste<br />
à 19 ans, se réfugie en France<br />
à 29 pour y rester jusqu'à<br />
56 ans, <strong>de</strong>vient titulaire <strong>de</strong> la double<br />
nationalité <strong>et</strong> père <strong>de</strong> quatre<br />
enfants français, se r<strong>et</strong>rouve<br />
soudainement proj<strong>et</strong>é dans le<br />
chaudron incan<strong>de</strong>scent qu'est<br />
<strong>de</strong>venu Bagdad.<br />
«rai appris ma nomination le<br />
17 mai dil -il via un message <strong>de</strong><br />
jélicitdtion IS l~issépar ~n ~mi sur<br />
mon portal 'lle.» Ce mann-la, comme<br />
toujours, Raïd Fahmi, professeur<br />
d'économie dans un lycée <strong>de</strong><br />
Bobigny, donnait son cours. A la<br />
pause, il était au téléphone avec<br />
Bagdad. On lui a confirmé la<br />
« bonne» nouvelle. «Je suis<br />
membre du comité central <strong>et</strong> je<br />
savais bien sûr que leparti proposait,<br />
entre autres, ma nomination.<br />
Mais ce fut quand même un<br />
choc.»<br />
Trois jours après, le nouveau<br />
ministre <strong>de</strong>s sciences <strong>et</strong> technologies<br />
était <strong>de</strong> r<strong>et</strong>our dans la capitale<br />
qui l'avait vu naître en 1950.<br />
Depuis l'invasion anglo-américaine<br />
d'avril 2003 <strong>et</strong> la chute du dictateur,<br />
il y était revenu «à quelques<br />
reprises ». Mais n'y était pas<br />
resté. L'insécurité était trop gran<strong>de</strong>,<br />
l'avenir du parti trop mal assuré,<br />
sans doute.<br />
Comme tant d'autres mé<strong>de</strong>cins<br />
- 220 assassinés <strong>de</strong>puis<br />
trois ans, un millier partis <strong>de</strong>puis<br />
en exil -, Mouna, sa sœur, avait<br />
été enlevée en décembre 2005 <strong>et</strong><br />
n'avait pu recouvrer sa liberté<br />
qu'en versant une rançon <strong>de</strong><br />
32 000 dollars aux malfrats. Une<br />
p<strong>et</strong>ite fortune en Irak. Quant au<br />
PCI, le Parti communiste irakien<br />
décimé par le Baas <strong>de</strong> Saddam<br />
Hussein dès les années 1970 <strong>et</strong><br />
r<strong>et</strong>ranché <strong>de</strong>puis quinze ans au<br />
Kurdistan, il était <strong>de</strong>venu si fantomatique<br />
qu'en décembre 2005,<br />
pour s'assurer ne serait-ce qu'un<br />
strapontin dans le nouveau Parlement,<br />
il avait poussé la contorsion<br />
idéologique jusqu'à s'allier à<br />
la liste <strong>de</strong> l'ancien homme lige <strong>de</strong><br />
la CIAen Irak, Iyad Allaoui. La liste<br />
« laïque» <strong>de</strong> l'ancien premier<br />
ministre nommé par Washington<br />
en 2004 a obtenu 9 % <strong>de</strong>s voix.<br />
Maigre perspective pour inciter<br />
le représentant ve<strong>de</strong>tte du PCl,<br />
en France, à rentrer au bercail.<br />
A 56 ans, Raïd Fahmi est pourtant<br />
revenu. Seul, comme presque<br />
tous ses homologues, qui ont<br />
laissé femme <strong>et</strong> enfants à l'étranger.<br />
Ses émoluments <strong>de</strong> ministre<br />
sont trois fois supérieurs à son<br />
traitement <strong>de</strong> professeur à Bobigny.<br />
Mais, assure-t-il, <strong>et</strong> on peut<br />
le croire, c'est d'abord «par<br />
<strong>de</strong>voir» qu'il a accepté <strong>de</strong> revenir<br />
dans l'enfer <strong>de</strong> Bagdad. «Pour<br />
sauver l'Irak, c'est maintenant ou<br />
jamais », estime-t-il.<br />
Probablement pas assez important,<br />
le ministère <strong>de</strong>s sciences est<br />
l'un <strong>de</strong>s rares à être resté dans ce<br />
que les Américains appellent la<br />
« zone rouge» d'Irak, c'est-à-dire<br />
tout le pays hors «zone verte».<br />
Raïd Fahmi vit certes dans le<br />
« cercle vert» du Rachid, mais il<br />
doit parcourir chaque jour quelques<br />
kilomètres pour rejoindre<br />
son bureau. Et, comme les autres<br />
ministres qui s'aventurent encore<br />
parfois hors <strong>de</strong> la place fortifiée,<br />
il ne se déplace qu'en convoi<br />
motorisé, avec sirènes hurlantes<br />
<strong>et</strong> gar<strong>de</strong>s du corps surarmés. Difficile<br />
à accepter pour lui.<br />
Le ministre parle comme un<br />
kalachnikov sur position automatique,<br />
mais il «déteste» les<br />
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