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La sélection du jour<br />
2<br />
Option<br />
Question<br />
de vie<br />
Combien de comédiens ont<br />
déserté les planches pour le<br />
petit écran? peu importe le<br />
nombre. toujours est-il que<br />
l’on assiste à un départ massif,<br />
une sorte d’exode non rural<br />
vers un mieux-être, une planète<br />
qui se nomme cinéma ou télévision.<br />
résultat ? on assiste, d’un<br />
: à l’émergence d’une nouvelle<br />
race d’acteurs issus du monde du<br />
théâtre qui ont opté définitivement<br />
(?) pour le monde du 7è<br />
art, le cinéma et la télévision. Ils<br />
avaient fait les beaux jours du<br />
théâtre de la deuxième et troisième<br />
générations. de deux, il y en<br />
a qui ont fait un virage à 180<br />
degrés, faisant irruption dans le<br />
domaine de la réalisation. de<br />
nouveaux … réalisatrices ! Les<br />
noms sont connus: Marie Louise<br />
Asseu (Un homme pour deux<br />
sœurs ; L’histoire des copines)<br />
et Léa dubois (Le prix de l’amour)…<br />
Actrices des brèves<br />
dramatiques de la télévision<br />
ivoirienne, elles ont fait le choix<br />
d’être derrière la caméra et<br />
devant. Actrices et réalisatrices<br />
de leurs propres films.<br />
Il est donc heureux de constater,<br />
face à cette vaste désertion, le<br />
retour de quelques anciens sur<br />
pAr<br />
miCheL KOffi<br />
les planches. pour l’exemple. Ils<br />
sont, « fendeurs de brousse »,<br />
selon la belle image du pr séry<br />
Bailly, les symboles vivants d’un<br />
art de la scène qui ne court pas<br />
les… planches, parce que ne<br />
s’accommodant guère de l’àpeu-près<br />
et de l’improvisation le<br />
plus souvent ratée. Ils avaient<br />
mis de la vie dans leur art, de<br />
l’art dans leur vie, nous réconciliant<br />
ainsi avec la magie du théâtre<br />
: corriger nos moeurs par le<br />
rire. Une passion, qui nous a fait<br />
tant rire de nos travers. Qu’ontils<br />
gagné en retour des succès<br />
du temps passé, dans cette société<br />
du culte de l’avoir sur le savoir<br />
? pas grand’chose, à part les pelletées<br />
d’estime, ou l’ingratitude<br />
de la foule et quelques rares fois,<br />
les estimes non feintes d’un<br />
public si rare qui n’a pas été<br />
gagné par l’amnésie. Il est encore<br />
heureux de constater le retour<br />
du théâtre scolaire, qui a donné à<br />
la côte d’Ivoire une relève, avec,<br />
entre autres, Fargass, Zoumana,<br />
Loya Mobio, Assirifix<br />
Armand… et aussi une bonne<br />
relève de talentueux dramaturges,<br />
comme thiam Abdoul<br />
Karim (Ramsès II le nègre),<br />
tiburce Koffi, Le paradis infernal,<br />
hyacinthe Kacou (On se<br />
chamaille pour un siège)...<br />
cette nouvelle génération d’acteurs,<br />
qui sait que la conscience<br />
est déterminée par l’existence, et<br />
que la vie se vit et non se<br />
suspend, ne déserte pas les planches<br />
par simple caprice ou effet<br />
de mode. elle va, face aux<br />
cachets de misère promis par le<br />
théâtre, là, où il y a le pain, refusant<br />
le destin de légume vers<br />
lequel on les oriente. Question<br />
de vie. ou de survie.<br />
Ces comédiens qui abandonnent les planches...<br />
soient bien formés avant de prétendre<br />
jouer un rôle dans un film.<br />
Jimmy danger estime qu’il n’y a<br />
pas d’espace pour les comédiens<br />
pour s’exprimer dans de grandes<br />
pièces théâtrales. La nature ayant<br />
horreur du vide, ils sont obligés de<br />
se produire dans des téléfilms pour<br />
assurer la pitance quotidienne.<br />
Même s’il reconnaît qu’ils ne<br />
gagnent pas grand-chose dans les<br />
films sous les tropiques. «On ne<br />
gagne rien en jouant dans les téléfilms.<br />
Lorsque je fais un spectacle<br />
au Palais de la culture de<br />
Treichville, je gagne trois fois plus.<br />
Mais l’avantage des téléfilms est<br />
qu’il nous permettent de nous faire<br />
connaître et de nous ouvrir des portes»,<br />
argumente-t-il. Avant de<br />
déplorer la disparition d’une émission<br />
comme «Théâtre chez nous»<br />
sur la première chaîne de la télévision,<br />
qui aurait permis selon ses<br />
dires, de faire la promotion du théâtre<br />
en côte d’Ivoire. Faute de<br />
canaux d’expression, il affirme que<br />
tous les comédiens se ruent vers le<br />
petit écran. Guédéba Martin, direc-<br />
On est bien loin de la belle<br />
époque où des troupes de<br />
théâtre comme l’Ensemble<br />
Kotéba de souleymane<br />
Koly, l’Union théâtrale de<br />
Côte d’Ivoire (Utci) d’Adjé daniel,<br />
le Soleil de Cocody de diallo<br />
ticouaï vincent, le Djiboua de<br />
Divo, les Rigolo d’Abobo et bien<br />
d’autres crachaient du feu à toutes<br />
leurs représentations. Le public,<br />
subjugué par la qualité des pièces et<br />
des comédiens, n’hésitait pas un<br />
seul instant à prendre de son temps<br />
pour aller se faire plaisir. La concurrence<br />
était saine et chaque metteur<br />
en scène faisait l’effort de produire<br />
un spectacle potable. en effet, il ne<br />
se passait pas de semaine sans qu’il<br />
n’y ait une représentation de pièces<br />
«Au théâtre de la cité de Cocody»<br />
ou dans de nombreuses salles à l’intérieur<br />
du pays. A cela s’ajoutent les<br />
représentations télévisées de l’émission<br />
«Théâtre chez nous» de la Les comédiens Adrienne Koutouan, Ahmed Souané, Oméga David, Jimmy Danger... font les beaux jours des téléfilms au détriment des planches. (photos d’ArchIves)<br />
première chaîne les jeudis en quinze.<br />
Les téléspectateurs ne se faisaient<br />
pas prier pour suivre des piè-<br />
présence aujourd’hui dans de nom-<br />
pas fâcher», affirme qu’il faut met-<br />
de la culture et même du théâtre.<br />
ailleurs. C’est ce qui explique leur teur artistique de l’émission «Faut<br />
tout ceci participe à la promotion<br />
ces comme «Adama champion» de breux téléfilms», mentionne-t-il. tre la situation actuelle sur le compte<br />
de l’évolution des Nouvelles<br />
devraient être accompagnées dans<br />
Avec le fonds qui existe, les troupes<br />
l’ensemble Kotéba, des prestations Avant de faire remarquer que plus<br />
fort bien appréciées d’Adjé daniel l’artiste a une notoriété, plus il est technologies de l’<strong>info</strong>rmation et de<br />
leurs créations, promotions et diffusions.»<br />
Avant d’afficher sa sérénité.<br />
de l’Utci, Zoumana dans Le sollicité pour l’animation de mariages,<br />
etc. Le candidat à l’élection manque d’espace d’expression<br />
«Le fait que les comédiens aillent<br />
la communication (Ntic) et du<br />
Djiboua de Divo. ces beaux<br />
moments, la côte d’Ivoire l’a vécus présidentielle ne manque pas de critiquer<br />
la politique faite même dehors du palais de la culture, aucu-<br />
empêcher le théâtre d’évoluer. Bien<br />
théâtrale. Il explique, en effet, qu’en<br />
jouer dans les films ne peut pas<br />
de 1970 à 1994. «Vous savez, ce<br />
sont des instants merveilleux que autour du théâtre. Il indique que ne autre salle ne remplit les critères<br />
au contraire, la télévision et le cinéma<br />
fabriquent des icônes qui nous<br />
nous avons vécus. Je m’organisais l’Insaac ne forme que des fonctionnaires<br />
du théâtre qui en principe, théâtrales. Le Jacques Aka de<br />
seront utiles pour la promotion du<br />
pour abriter des représentations<br />
les jeudis de sorte qu’au moment où<br />
théâtre chez nous doit passer à la avec leur niveau intellectuel, Bouaké, qui selon lui servait de<br />
théâtre dès qu’on a les moyens»,<br />
télévision, je sois libre. Cela m’amenait<br />
également à me déplacer cet art. Il ajoute qu’il faut bien évi-<br />
hors d’usage du fait de la guerre. en<br />
en dépit de ces déclarations, force<br />
devraient réfléchir sur le devenir de relais par le passé, est aujourd’hui<br />
affirme-t-il.<br />
pour aller assister aux représentations<br />
théâtrales», indique Kipré un comédien et un acteur. car, pré-<br />
retrouvent dans les téléfilms. Même<br />
tes- comédiens n’ont aujourd’hui<br />
demment faire la différence entre conséquence, les comédiens se<br />
est de reconnaître que tous les artis-<br />
Jeannette, cadre d’une entreprise de cise-t-il, de nombreux pris sur le tas, si le cachet qu’ils y gagnent n’est<br />
qu’une seule obsession : paraître<br />
la place. Avant de regretter qu’il n’y souvent ternissent l’image des pas exorbitant, il reconnaît qu’il<br />
dans un téléfilm ou un long métrage.<br />
Ahmed souané, Maï la Bombe,<br />
ait pas eu de suivi malgré le changement<br />
des paramètres et d’autres effet, il préconise que les acteurs de dire ceci : «un comédien finit<br />
Adrienne Koutouan, Marie-Louise<br />
comédiens dans des films. A cet leur permet de tenir le coup. Avant<br />
toujours par la télévision et les téléfilms.<br />
Ceux qui veulent ce fait,<br />
Adama dahico, digbeu cravate,<br />
Asseu, Jimmy danger, Bohiri,<br />
... pour le petit écran<br />
qu’ils construisent de salles pour<br />
Gohou Michel, Nastou…même<br />
permettre aux comédiens de bien<br />
s’ils se sentent redevables au théâtre,<br />
refusent rarement de tourner<br />
jouer.» Il fait observer que depuis<br />
1990, la situation socio-politique est<br />
dans un film. du coup, les grandes<br />
telle que le spectateur se rebiffe de<br />
créations se raréfient et le théâtre<br />
plus en plus. et la crise est venue,<br />
dans son ensemble est à la recherche<br />
d’un second souffle. Même si<br />
poursuit-il, accentuer cette réticence.<br />
Malgré le fait qu’à un moment<br />
l’humour ces dernières années avec<br />
donné, les spectacles d’humour<br />
le président du dôrômikan, dahico,<br />
avaient eu du succès auprès du<br />
Abass, Kôrô Abou, Jimmy danger,<br />
public. pour lui donc, les grandes<br />
Guéï vêh et bien d’autres ont tenté<br />
pièces ne peuvent pas marcher<br />
de sauver les meubles.<br />
parce qu’il y a un problème de salles<br />
et le pouvoir d’achat du public a<br />
iSSA T. YeO<br />
enjeux. tout comme Mme Kipré,<br />
ils sont nombreux les Ivoiriens qui,<br />
la mort dans l’âme, constatent la<br />
chute du théâtre et la ruée vers le<br />
petit écran pour participer au tournage<br />
des téléfilms. pour les concernés<br />
du milieu, plusieurs facteurs<br />
sont à la base de ce retournement de<br />
veste. Adama dahico, président du<br />
dôrômikan, pense que la crise y est<br />
pour quelque chose. Il indique<br />
qu’en dehors de sidiki Bakaba, qui<br />
pendant la crise a monté plusieurs<br />
pièces, aucun comédien n’en a pu<br />
créer. pour la simple raison,<br />
explique-t-il, qu’un spectacle de<br />
théâtre demande beaucoup d’investissements<br />
(décor, costumes, lumière,<br />
chef de plateau, metteur en<br />
scène…). pour toutes ces personnes,<br />
dit-il, il faut avoir au moins le<br />
minimum. Les ressources financières<br />
se faisant rares, les comédiens<br />
sont obligés d’aller voir ailleurs.<br />
«Le théâtre demande la mise en<br />
place de toute une logistique.<br />
Quand il n’y a pas de sollicitations,<br />
pour vivre, les comédiens sont obligés<br />
d’aller monnayer leur talent<br />
Fraternité Matin / Vendredi 19 février 2010<br />
Téléfilms Ayant longtemps cristallisé l’attention des Ivoiriens, l’art de la scène est en<br />
perte de vitesse et les acteurs monnaient leur talent sur le petit et grand écrans.<br />
Akissi Delta.<br />
baissé. toutefois, il mentionne que<br />
Vacances culture et Théâtre scolaire<br />
ont révélé au grand public de<br />
grands comédiens qui aujourd’hui,<br />
monnaient leur talent dans les téléfilms.<br />
ces deux festivals ont assuré,<br />
reconnaît-il, la formation du public<br />
et la naissance de nouveaux talents.<br />
Une argumentation qui ne rencontre<br />
pas l’adhésion du comédien<br />
Adama dahico qui voit les choses<br />
autrement. «Il ne suffit pas de faire<br />
revenir vacances culture et théâtre<br />
scolaire. Mais il faut un suivi des<br />
talents détectés. Il faut qu’il y ait un<br />
espace à la radio et à la télévision<br />
nationales pour permettre aux<br />
comédiens de s’exprimer. Cela sera<br />
un argument pour eux de rester<br />
dans le métier et ne pas forcément<br />
vouloir aller à la télévision», argumente<br />
le directeur du Festival du<br />
rire d’Abidjan (Fira). pour qui, il est<br />
impératif que le théâtre revienne sur<br />
les antennes de la télévision. A l’en<br />
croire, il aurait fait a fait une proposition<br />
dans ce sens aux responsables<br />
de la télévision. «Le théâtre télévisé<br />
sera un atout pour la survie du<br />
théâtre en Côte d’Ivoire. Vivement<br />
que ce théâtre revienne sur les<br />
antennes», confie-t-il. diallo<br />
ticouaï vincent, ex-responsable du<br />
Soleil de Cocody, aujourd’hui<br />
investi dans le domaine de l’audiovisuel,<br />
affirme ne pas abandonner le<br />
théâtre pour la télévision. Il<br />
explique qu’il ne fait qu’assouvir un<br />
rêve de jeunesse. et que par conséquent,<br />
il demeure un homme des<br />
planches. A preuve, il se prépare<br />
pour revenir sur scène. Acho Weyer,<br />
président de la Fédération nationale<br />
de théâtre en côte d’Ivoire (Fenathci),<br />
indique que la présence des<br />
comédiens dans les téléfilms et<br />
longs métrages, est due à la situation<br />
sociale. «Dans les troupes, les<br />
artistes n’ayant pas de moyens, sont<br />
obligés d’aller chercher fortune<br />
dans les films. S’il y avait une<br />
volonté politique, les comédiens<br />
resteraient dans leurs différentes<br />
compagnies. Mais ce n’est pas le<br />
cas», lance-t-il. et de poursuivre<br />
«c’est donc la situation qui le veut<br />
ainsi. Cependant, il faut dire que<br />
Clémentine Papouet.