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DP 150 ans engagement.pdf - Croix-Rouge française

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Dossier de presse<br />

DE SOLFERINO<br />

À AUJOURD’HUI<br />

<strong>150</strong> ANS<br />

D’ENGAGEMENT<br />

HUMANITAIRE<br />

<strong>150</strong> <strong>ans</strong> après la naissance d’un idéal<br />

humanitaire : la nécessité de repenser<br />

le sens de l’action pour faire<br />

face aux défis de notre temps.<br />

29 avril 2009<br />

Contacts presse<br />

● Emmanuelle Soublin : 01 44 43 12 07 - 06 07 34 99 29<br />

emmanuelle.soublin@croix-rouge.fr<br />

● Marie-Laure Lohou 01 44 43 11 39 / 01 44 43 12 80<br />

● Anne-Colombe de la Taille : 06 09 80 59 26<br />

www.croix-rouge.fr


DE SOLFERINO À AUJOURD’HUI<br />

<strong>150</strong> ANS D’ENGAGEMENT HUMANITAIRE<br />

Sommaire<br />

Le mot du Président de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> française.<br />

L’histoire au service de l’avenir<br />

● De l’intuition d’un homme à la naissance du mouvement de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong><br />

● Un regard visionnaire d<strong>ans</strong> l’histoire du monde humanitaire<br />

● Une conviction puissante à portée universelle et plus que jamais d’actualité<br />

La responsabilité particulière de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong><br />

● Parce qu’universelle, la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> a une force et un rôle uniques<br />

● Parce qu’auxiliaire des pouvoirs publics, la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> peut être présente là où d’autres ne<br />

peuvent plus agir<br />

● Parce que porteuse des valeurs d’impartialité et d’humanité, la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> peut placer<br />

l’homme au centre de son action<br />

Les nouveaux défis humanitaires d’aujourd’hui<br />

et de demain<br />

● <strong>150</strong> <strong>ans</strong> après : le monde et l’état de la planète ont changé<br />

● Les « Solferino » d’aujourd’hui<br />

● Face à ces nouveaux enjeux, quelles réponses ?<br />

Relever les défis de son temps : d’hier à aujourd’hui<br />

● L’action sociale<br />

De la création des assistantes sociales d’après-guerre aux maraudes d’aujourd’hui : le souci<br />

permanent des populations fragilisées<br />

● L’urgence et le secourisme<br />

De l’improvisation des secours sur le champ de bataille de Solferino à la création des brevets<br />

de secourisme : la volonté intemporelle de porter secours à tous<br />

● L’action internationale<br />

De l’action associée au service de santé des armées à la création des équipes de réponses aux<br />

urgences, une action humanitaire aux effets durables.<br />

● La santé et l’autonomie<br />

De la création des dispensaires à la prise en charge spécifique des adultes handicapés, la<br />

revendication de l’accès aux soins des personnes en situation de précarité<br />

● La formation<br />

De la création de la première école d’ambulancière à celle des infirmières, une attention<br />

particulière à l’évolution et à la formation des métiers du secteur sanitaire et social<br />

2


DE SOLFERINO A AUJOURD’HUI :<br />

<strong>150</strong> ANS D’ENGAGEMENT HUMANITAIRE<br />

ÉDITO DU PRÉSIDENT<br />

« La commémoration du passé n’a d’intérêt que si l’on met l’Histoire au service de l’avenir »<br />

Tous les événements inscrits à l’agenda de l’association pour l’année 2009 – le <strong>150</strong> e anniversaire de<br />

la bataille de Solferino, le 90 e anniversaire de la Ligue, devenue Fédération, des sociétés nationales<br />

de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> et du Croissant-<strong>Rouge</strong>, tout comme le 60 e anniversaire des Conventions de<br />

Genève, qui fondent le droit international humanitaire – répondent à cette logique.<br />

Mais pour aller au-delà, et si je ne devais retenir que quelques enseignements de ces <strong>150</strong> <strong>ans</strong><br />

d’histoire de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong>, je voudrais m’arrêter sur deux constats. Certes, ils dépassent le cadre<br />

de notre seul Mouvement mais ils prennent une résonance particulière en son sein.<br />

D’abord que la volonté d’un seul peut faire beaucoup. Le meilleur exemple n’en est-il pas Henry<br />

Dunant qui – en laissant libre cours à son élan spontané de secours à tous les blessés de la bataille,<br />

puis en retraçant son expérience d<strong>ans</strong> « Un souvenir de Solferino » et en initiant la création de<br />

sociétés de secours qui auraient à agir en temps de guerre mais aussi en temps de paix – eut la<br />

première intuition et donna la première impulsion d’où naquit le Mouvement de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong>.<br />

Ensuite, que la volonté de la multitude peut faire encore plus ! Il n’est évidemment pas possible<br />

d’élaborer une méthode qui permettrait de « mesurer » toutes les souffrances qui ont été soulagées<br />

depuis <strong>150</strong> <strong>ans</strong> par les générations successives de volontaires qui se sont engagées – et qui<br />

continuent de le faire partout d<strong>ans</strong> le monde – sous notre<br />

emblème. Mais nous n’avons besoin d’aucune preuve<br />

scientifique pour avoir la certitude de la justesse de notre cause<br />

et de l’utilité de ceux qui la servent.<br />

Ces deux messages sont évidemment toujours d’actualité.<br />

Car il faut de solides convictions individuelles et de fortes valeurs<br />

collectives pour ne pas être effrayé par la réalité de l’état de notre<br />

planète. Et ces réalités ne concernent pas seulement un lointain<br />

« ailleurs ». D<strong>ans</strong> notre pays, les visages de la précarité changent<br />

et touchent des populations hier encore préservées.<br />

En 2000, l’ancien président du CICR, Cornelio Somaruga, lançait<br />

un appel qui n’a rien perdu de son acuité, bien au contraire :<br />

« D<strong>ans</strong> ce monde global, j’en appelle à la globalisation des<br />

responsabilités ».<br />

...<br />

“<br />

La volonté<br />

d’un seul<br />

peut faire<br />

beaucoup.<br />

”<br />

3


DE SOLFERINO A AUJOURD’HUI :<br />

<strong>150</strong> ANS D’ENGAGEMENT HUMANITAIRE<br />

...<br />

Pour cette raison, je suis convaincu que le Mouvement de la<br />

<strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong>, du fait de son universalité, de son statut<br />

spécifique d’auxiliaire des pouvoirs publics et de la force de<br />

son emblème qui repose sur le principe d’humanité et<br />

l’exigence d’impartialité, porte une responsabilité particulière<br />

d<strong>ans</strong> l’avenir et le destin de notre planète.<br />

Car les champs de batailles, les Solferino d’aujourd’hui sont<br />

nombreux ! Les visages de la souffrance de notre temps sont<br />

ceux des victimes de la très grande précarité qui vivent d<strong>ans</strong><br />

la rue. Ils sont ceux des personnes dépendantes de par leur<br />

âge ou leur handicap. Ils sont ceux des enfants mis en<br />

danger. Ils sont ceux des personnes privées de leur liberté ou<br />

de leur libre-arbitre. Ils sont ceux des personnes – de plus en<br />

plus nombreuses - en perte de lien social. Ils sont ceux des<br />

personnes contraintes de migrer. Ils sont enfin ceux des victimes des conflits, des catastrophes<br />

naturelles ou de la mauvaise gestion des ressources de notre planète.<br />

“<br />

Face aux<br />

urgences de<br />

notre temps,<br />

il faut établir les<br />

conditions d’une<br />

action humanitaire<br />

durable.<br />

”<br />

Pour répondre à autant de diversité et de situations personnelles, j’ai la conviction que notre action<br />

n’a de sens et de portée réelle que si elle s’enracine d<strong>ans</strong> la durée. Face aux urgences de notre<br />

temps, il faut établir les conditions d’une action humanitaire durable.<br />

En amont, il faut privilégier la prévention. En aval, il faut construire autour de la personne et avec<br />

elle un parcours de réinsertion adapté à ses besoins.<br />

S<strong>ans</strong> oublier l’enjeu économique ! D<strong>ans</strong> notre combat contre la pauvreté, nous ne pouvons pas nous<br />

abstraire des principes économiques et financiers de base. Ce sont eux qui permettent aux populations<br />

de retrouver à terme une activité viable sinon rentable, et ce, de manière autonome. Par exemple, le<br />

système de la micro-finance – qui offre des formules dérivées de micro-crédit – a démontré son intérêt.<br />

D<strong>ans</strong> le même esprit, l’heure est également aux synergies, aux partenariats. Il faut associer les milieux<br />

économiques et de la finance, d’autant plus en cette période de crise économique.<br />

Face à la complexité du monde, la seule réponse est bien de revenir à l’homme comme unité de<br />

toute action. Les capacités de notre Mouvement et de notre association à faire la différence sont<br />

réelles. L’<strong>engagement</strong> désintéressé de tous ceux qui servent son emblème est notre plus grande<br />

richesse. Elle est la seule qui vaille car elle est celle du cœur. D<strong>ans</strong> le droit fil de notre Histoire, c’est<br />

elle qui fonde mon optimisme pour l’avenir. »<br />

Jean-François Mattei,<br />

président de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> française<br />

4


DE SOLFERINO A AUJOURD’HUI :<br />

<strong>150</strong> ANS D’ENGAGEMENT HUMANITAIRE<br />

L’HISTOIRE AU SERVICE<br />

DE L’AVENIR<br />

De Solferino à aujourd’hui, de l’acte fondateur aux combats de notre temps :<br />

des principes et des réalités toujours d’actualité.<br />

“<br />

Seuls ceux qui sont assez fous<br />

pour penser qu’ils peuvent<br />

”<br />

changer le monde y parviennent.<br />

HENRY DUNANT<br />

● De l’intuition d’un homme à la naissance<br />

du Mouvement de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong><br />

En 1859, un Suisse du nom d’Henry Dunant découvre sur le champ de bataille de Solferino – qui oppose<br />

les armées italienne et française à l’armée autrichienne – les horreurs de la guerre, ses morts et ses<br />

blessés abandonnés à leurs souffrances.<br />

Henry Dunant fait le choix de ne pas rester indifférent face à tant de malheurs. Il prend en main les<br />

secours. Il recrute parmi les femmes de Castiglione, s’adjoint l’assistance de quelques étrangers. Les<br />

volontaires aident les malades à boire et à manger, p<strong>ans</strong>ent les plaies des blessés, assistent les mourants.<br />

Refusant de faire une quelconque distinction entre les victimes, Henry Dunant demande que l’on traite les<br />

prisonniers autrichiens avec autant d’attention que les autres. Cette décision, contraire à ce qui se passe<br />

habituellement, aura une portée historique. De même, confronté au manque de personnel médical, il<br />

demande aux autorités militaires que les médecins autrichiens prisonniers soient autorisés à soigner les<br />

blessés. Faire soigner des Français par des ennemis : il faut l’intervention personnelle de Napoléon III<br />

pour que l’idée soit acceptée.<br />

Après cette expérience s<strong>ans</strong> égale et grâce à une détermination et une volonté s<strong>ans</strong> faille, il réussit - en<br />

quatre <strong>ans</strong> à peine - à convaincre les puissants qu’un monde de progrès ne peut se passer de fraternité<br />

et de solidarité. La <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> est née.<br />

5


DE SOLFERINO À AUJOURD’HUI<br />

<strong>150</strong> ANS D’ENGAGEMENT HUMANITAIRE<br />

● Un regard visionnaire d<strong>ans</strong> l’histoire du monde<br />

humanitaire<br />

Si depuis des siècles, les hommes ont tenté de limiter l’horreur des guerres par des règles ou des gestes<br />

humanitaires, Henry Dunant est le premier à avoir proposé de créer une institution permanente et universelle<br />

pour soulager la souffrance des blessés.<br />

Il suffit de lire deux de ses propositions écrites à la fin de son récit Un souvenir de Solferino pour comprendre<br />

que la façon dont il regarde l’avenir pour que ne se reproduisent plus ces massacres inutiles est à la fois<br />

lucide et visionnaire. Il permit ainsi de créer la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> et les Conventions de Genève qui, dorénavant<br />

indissolublement liées, sauveront des milliers de vies.<br />

« Dès le temps de paix, que s’organise d<strong>ans</strong> chaque pays<br />

une société de volontaires qui porteraient assistance<br />

aux blessés en temps de guerre ; que les Puissances<br />

reconnaissent un principe conventionnel protégeant les<br />

blessés et ceux qui les soignent.»<br />

● Une conviction puissante à portée universelle<br />

et plus que jamais d’actualité<br />

Les premières sociétés nationales de secours, telles qu’imaginées par Henry Dunant, ont vu le jour dès<br />

1864. Regroupées d<strong>ans</strong> une fédération internationale depuis 1919, les Sociétés de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> et du<br />

Croissant-<strong>Rouge</strong> sont aujourd’hui présentes d<strong>ans</strong> le monde entier.<br />

Le Mouvement international de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> et du Croissant-<strong>Rouge</strong> est devenu la plus importante organisation<br />

humanitaire au monde et regroupe, à travers 186 pays, près de 100 millions d’hommes et de femmes<br />

dont la source de l’<strong>engagement</strong> quotidien est imprégnée de la même intuition que celle de Henry Dunant.<br />

Une ambition immédiate et une préoccupation intemporelle<br />

Immédiate, car en 1862, trois années après avoir assisté au spectacle d’horreur et de désolation auquel il<br />

fut confronté bien malgré lui sur le champ de bataille de Solferino, Henry Dunant veut réveiller les<br />

consciences, secouer les conformismes, remettre l’humanité sur le chemin de l’espoir.<br />

Encore sous le coup de l’émotion, il couche sur le papier ses « mots brûlants », pour reprendre la formule<br />

de Jean Pictet. D’abord la description et les souvenirs de la bataille : l’acte générateur. Puis le récit de son<br />

élan spontané qui le poussa à porter secours à tous les blessés, s<strong>ans</strong> faire de distinction aucune quant à la<br />

couleur de leur uniforme : le premier acte fondateur. Enfin et surtout, pour aller plus avant, la proposition<br />

6


DE SOLFERINO À AUJOURD’HUI<br />

<strong>150</strong> ANS D’ENGAGEMENT HUMANITAIRE<br />

d’organiser la communauté internationale en temps de paix pour essayer « de constituer des sociétés de<br />

secours dont le but serait de faire donner des soins aux blessés, en temps de guerre par des volontaires<br />

zélés, dévoués et bien qualifiés pour une pareille œuvre » : le deuxième acte fondateur.<br />

Alors même qu’il ouvrait une nouvelle frontière d<strong>ans</strong> l’histoire de l’<strong>engagement</strong> humanitaire, il coûta à son<br />

auteur de publier son ouvrage à ses frais. Bien lui en prit, car de l’intuition et de la volonté d’un seul,<br />

rapidement rejoint par d’autres, est né ce remarquable emblème synonyme de protection, de secours et de<br />

confiance. D<strong>ans</strong> la foulée de sa publication, les fondements de ce qui allait devenir le CICR furent posés<br />

dès 1863 et la 1 ère Convention de Genève – très largement inspirée des recommandations contenues d<strong>ans</strong><br />

cet ouvrage – fut signée en 1864. Le mouvement était lancé.<br />

Sa philosophie repose sur l’invitation au dévouement, au dépassement de soi. Il exprime cette volonté de<br />

ne voir en autrui qu’un autre soi-même. Il ne recherche qu’une chose, mais ô combien précieuse : préserver<br />

envers et contre tout ce qui fonde l’humanité de chaque personne, à savoir sa dignité.<br />

En plaçant ainsi l’homme – et l’homme seulement – au cœur de sa démarche, c’est-à-dire en se désintéressant<br />

de tout ce qui est secondaire d<strong>ans</strong> chaque être humain, Henry Dunant donne de fait à son intuition<br />

une portée universelle. Il dépasse les religions, les nationalités, les âges, les conditions ou les<br />

situations. Sa préoccupation devient alors intemporelle.<br />

Elle est encore aujourd’hui une nécessité absolue. Car force est de constater que Henry Dunant fut aussi<br />

d’une lucidité parfaite. Il savait que la folie de l’homme ne se démentirait pas un seul instant et qu’il<br />

fallait s’organiser pour tenter d’en apaiser les maux.<br />

La <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> française<br />

Le 25 mai 1864, Henry Dunant réunit à Paris une<br />

trentaine de personnalités et pose les bases<br />

de la Société française de Secours aux<br />

Blessés Militaires (SSBM). A la suite de la<br />

guerre de 1870 et de désaccords, le docteur<br />

Duchaussoy fonde l’Association des Dames<br />

Françaises (ADF).<br />

Mais la nouvelle société ne tarde pas à se<br />

diviser, donnant naissance à l’Union des<br />

Femmes de France (UFF). Bien que ces trois<br />

sociétés de <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> coordonnent leurs actions<br />

dès 1907, il faut attendre les événements de 1940<br />

pour que leur fusion devienne effective après la fin de la<br />

guerre sous le nom de <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> française.<br />

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DE SOLFERINO À AUJOURD’HUI<br />

<strong>150</strong> ANS D’ENGAGEMENT HUMANITAIRE<br />

LA RESPONSABILITÉ PARTICULIÈRE<br />

DE LA CROIX-ROUGE<br />

À travers son histoire et au regard de ses principes fondateurs, le Mouvement<br />

de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> porte, pour trois raisons essentielles, sa part de responsabilité<br />

d<strong>ans</strong> l’avenir et le destin de notre planète. Une réalité qui l’amène aujourd’hui,<br />

alors qu’il célèbre ses <strong>150</strong> <strong>ans</strong> d’action, et alors que le monde vit une<br />

mutation à l’échelle planétaire, à repenser l’action humanitaire d<strong>ans</strong> son<br />

ensemble pour faire la différence. Explications.<br />

● Parce qu’universelle, la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> a une force et un<br />

rôle uniques<br />

Cette responsabilité tient d’abord au fait que le Mouvement de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> et du Croissant-<strong>Rouge</strong> est<br />

universel. C’est évidemment un atout majeur que de pouvoir compter sur l’<strong>engagement</strong> des 100 millions<br />

de volontaires que compte le réseau au niveau mondial et sur toutes les missions qu’ils peuvent accomplir.<br />

Au-delà du nombre, c’est surtout son visage représentant toutes les cultures, toutes les croyances<br />

et tous les modes d’organisation sociale présents sur la planète, qui donne toute la force à l’universalité<br />

du Mouvement. Mais au-delà de leurs différences, c’est bien parce que ces 100 millions de volontaires<br />

partagent les mêmes principes de comportement et d’action que le Mouvement peut garantir en<br />

tout lieu une réponse humanitaire efficace et respectant la dignité de chacun.<br />

Bien sûr, les choses ne sont pas si simples, mais à partir du moment où le Mouvement a ce potentiel, il porte<br />

donc cette responsabilité. À lui de le vouloir et de s’organiser pour traduire cette responsabilité en faits.<br />

● Parce qu’auxiliaire des pouvoirs publics, la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong><br />

peut être présente là où d’autres ne peuvent plus agir<br />

L’existence de chacune des 186 sociétés nationales composant le Mouvement repose sur le statut spécifique<br />

d’auxiliaire des pouvoirs publics. Cela implique que chaque société nationale est le partenaire premier<br />

de son État d<strong>ans</strong> le champ humanitaire. Cela est d’autant plus signifiant que la période qui a commencé<br />

d<strong>ans</strong> les années 1960-1970, c’est-à-dire ce moment où le champ des associations humanitaires s’est pour<br />

partie imprégné d’une idéologie de la contestation militante de l’État et de tous les pouvoirs traditionnels,<br />

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DE SOLFERINO À AUJOURD’HUI<br />

<strong>150</strong> ANS D’ENGAGEMENT HUMANITAIRE<br />

doit nécessairement évoluer. D’abord parce que la plupart des organisations non gouvernementales – les<br />

« ONG » avec lesquelles la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> française est si souvent confondue – sont de plus en plus dépendantes<br />

des financements gouvernementaux ou des grands bailleurs institutionnels. Ensuite parce que les<br />

États qui sont en capacité d’apporter une aide internationale réinvestissent le champ de l’action humanitaire.<br />

Enfin parce que les États récipiendaires de cette aide sont de plus en plus attachés au respect de<br />

leur souveraineté – signe de leur développement - et de moins en moins désireux de laisser des acteurs<br />

humanitaires intervenir hors d’un cadre précisément défini sur leur territoire. Les exemples se multiplient<br />

d<strong>ans</strong> l’actualité de ces derniers mois.<br />

Or, aucune société nationale de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> ou du Croissant-<strong>Rouge</strong> n’intervient d<strong>ans</strong> un autre pays s<strong>ans</strong><br />

l’accord de la société nationale concernée, qui demeure souveraine. Ce qui veut dire que la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong><br />

peut toujours être présente là où les autres ne peuvent pas ou ne peuvent plus agir.<br />

Au moment où l’idéologie s’estompe et où l’impératif humanitaire se trouve de plus en plus intégré d<strong>ans</strong><br />

les objectifs et les mécanismes des pouvoirs publics, ce double mouvement offre à la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> la<br />

possibilité de se positionner comme le pivot indispensable d’une action humanitaire efficace à l’échelle<br />

de notre planète, tout en étant adaptée au plus près des besoins.<br />

● Parce que porteuse des valeurs d’impartialité<br />

et d’humanité, la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> peut placer l’homme<br />

au centre de son action<br />

L’emblème veut incarner l’espoir d’un monde meilleur parce qu’il repose sur le principe d’humanité et l’exigence<br />

d’impartialité. La <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> place l’homme, et l’homme seulement, au cœur de ses préoccupations.<br />

À chaque fois que l’humanité de l’homme chancelle, il faut être là pour accompagner le passage difficile.<br />

À chaque situation personnelle doit répondre une attention particulière.<br />

Là où l’État globalise d<strong>ans</strong> ses réponses par nécessité, la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> peut personnaliser avec humanité.<br />

S<strong>ans</strong> poser de conditions préalables, s<strong>ans</strong> s’intéresser à la religion, à l’âge, aux conditions ou aux situations.<br />

S<strong>ans</strong> s’intéresser à tout ce qui n’est pas le plus authentique d<strong>ans</strong> la personne humaine.<br />

Forte de ces trois grandes caractéristiques, le Mouvement a su,<br />

à travers les épreuves de l’histoire, demeurer d<strong>ans</strong> l’action,<br />

affronter des moments difficiles mais surtout évoluer au rythme<br />

des changements du monde.<br />

Cependant, il est certainement attendu de lui une contribution<br />

forte en ces temps de crise et de grande mutation du monde.<br />

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DE SOLFERINO À AUJOURD’HUI<br />

<strong>150</strong> ANS D’ENGAGEMENT HUMANITAIRE<br />

LES NOUVEAUX DÉFIS<br />

HUMANITAIRES D’AUJOURD’HUI<br />

ET DE DEMAIN<br />

● <strong>150</strong> <strong>ans</strong> après : le monde et l’état de la planète<br />

ont changé<br />

Quelques chiffres suffisent à s’en convaincre. Aujourd’hui, 815 millions de personnes souffrent de la faim<br />

d<strong>ans</strong> le monde. Près de 1 milliard vit d<strong>ans</strong> un bidonville. 2,6 milliards d’enfants et d’adultes ne disposent<br />

ni de toilettes ni d’équipements sanitaires élémentaires.<br />

En 2005, le rapport mondial sur le développement humain du PNUD (Programme des Nations Unies pour le<br />

développement) soulignait ainsi, abruptement : « Toutes les heures, plus de 1 200 enfants meurent loin de<br />

l’attention des médias. Cela équivaut à trois tsunamis par mois, frappant les citoyens les plus vulnérables<br />

du monde, les enfants ». Si, depuis un siècle, la pauvreté a été réduite et les indicateurs sociaux se sont<br />

améliorés, les inégalités ont littéralement explosé, révélant l’indécence des valeurs promues par notre<br />

époque : « Les 500 personnes les plus riches du monde ont un revenu combiné plus important que celui des<br />

418 millions les plus pauvres », rappelait également le PNUD.<br />

Par ailleurs, la planète compte 629 millions de personnes âgées, dont la majorité vit s<strong>ans</strong> retraite ni couverture<br />

sociale. D<strong>ans</strong> cinquante <strong>ans</strong>, cette population pourrait atteindre deux milliards et serait ainsi pour la première<br />

fois plus nombreuse que la population jeune. Avec quel avenir pour la solidarité entre les générations ?<br />

D<strong>ans</strong> notre pays, un million d’enfants sont habillés de vêtements de seconde main, vivent d<strong>ans</strong> des logements<br />

dégradés, des foyers surpeuplés et des conditions familiales difficiles. Ils ont une nourriture déséquilibrée,<br />

une santé souvent précaire et une scolarité perturbée. Ils ne partent jamais en vacances. La grande<br />

exclusion est encore plus tragique.<br />

Les misères humaines subies ou organisées sont nombreuses. Il faudrait énumérer ces multiples formes<br />

de violence que les uns infligent aux autres, lister les conséquences dramatiques du mauvais usage des<br />

ressources de notre planète, où encore recenser les ravages de l’inconscience ou de l’insouciance de trop de<br />

nantis pour ce qu’est la vie des plus faibles et des plus vulnérables citoyens de notre monde.<br />

Encore faut-il bien mesurer que ces chiffres précédaient le moment où notre monde a basculé d<strong>ans</strong> une des<br />

plus graves crises économiques et financières de son histoire contemporaine. Désormais, d<strong>ans</strong> notre monde<br />

globalisé, une crise financière qui naît aux États-Unis ébranle la planète entière et accroît encore davantage<br />

les inégalités.<br />

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DE SOLFERINO À AUJOURD’HUI<br />

<strong>150</strong> ANS D’ENGAGEMENT HUMANITAIRE<br />

● Les « Solferino » d’aujourd’hui<br />

Les champs de bataille ne sont plus les mêmes aujourd’hui mais les Solferino sont de plus en plus<br />

nombreux. Ils sont plus ou moins visibles. Ils sont présents au coin de notre rue comme à l’autre bout de<br />

notre planète.<br />

À l’échelle de la planète, ils ont été identifiés à travers les huit Objectifs du Millénaire pour le<br />

Développement définis par les Nations Unies en 2000, ou encore d<strong>ans</strong> la stratégie 2010 de notre<br />

Fédération, revue en ce moment pour être adaptée à l’objectif 2020.<br />

En 2009, la vision de Dunant est partagée d<strong>ans</strong> 186 pays, c'est-à-dire, par des hommes représentant<br />

toutes les formes de cultures, de systèmes politiques, de croyances et aux histoires si différentes et<br />

parfois si opposées.<br />

Les visages de la souffrance de notre temps ont changé. À l’échelle humaine, ces visages constituent<br />

pour la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> ses nouveaux Solferino. Ce sont ceux des victimes de la grande exclusion qui vivent<br />

d<strong>ans</strong> la rue ; des personnes dépendantes de par leur âge ou leur handicap ; des enfants mis en danger ;<br />

des personnes privées de leur liberté ou de leur libre-arbitre ; des personnes – de plus en plus<br />

nombreuses – en perte de lien social ; des personnes contraintes de migrer et des victimes des conflits,<br />

des catastrophes naturelles ou de la mauvaise gestion des ressources de notre planète.<br />

Les victimes de la grande exclusion qui<br />

vivent d<strong>ans</strong> la rue<br />

Si la France compte 100 000 personnes vivant s<strong>ans</strong> domicile fixe, elle dénombre également<br />

100 000 personnes vivant en camping ou en mobil-home, <strong>150</strong> 000 chez des tiers, 50 000 d<strong>ans</strong> des<br />

chambres d’hôtel et 41 000 d<strong>ans</strong> un habitat de fortune (sources : Fondation Abbé Pierre, 2009). Et avec<br />

plus de 3 millions de personnes qui connaissent un problème de logement et désormais près de<br />

7 millions de travailleurs pauvres, la précarité n’a jamais été aussi tragique.<br />

La <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> française n’accepte pas l’idée que des personnes soient contraintes de vivre d<strong>ans</strong> la<br />

rue. Sa priorité est de permettre à chaque individu sortant d’une institution (prison, hôpital, zone d’attente…)<br />

ou en rupture sociale, de pouvoir faire face à l’urgence, trouver une solution temporaire (Samu<br />

social, centre d’hébergement d’urgence et de réinsertion sociale, accueil de jour…), avant d’accéder à<br />

un logement adapté d<strong>ans</strong> la durée (maison relais, résidence sociale, sous location, baux glissants ou<br />

logement classique).<br />

11


DE SOLFERINO À AUJOURD’HUI<br />

<strong>150</strong> ANS D’ENGAGEMENT HUMANITAIRE<br />

Les personnes dépendantes de par leur âge<br />

ou leur handicap<br />

Parce que l’âge peut, pour certains, être un facteur de précarisation, l’association porte une attention<br />

particulière à ce phénomène. En effet, l’allongement de la durée de vie implique le développement de<br />

services de qualité adaptés aux besoins des personnes âgées. Fragilisées par leur âge et souffrant parfois de<br />

solitude, beaucoup sont dépendantes d’autrui pour leur vie quotidienne.<br />

Parce que le système de soins actuel ne permet pas à tous d’accéder à une prise en charge digne et que<br />

trop souvent elles n’ont pas d’autre alternative que les services d’urgences des hôpitaux pour pouvoir accéder<br />

à des soins, une des priorités de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> française est de favoriser la proximité et l’accès aux<br />

soins à domicile, aux soins de suite et de réadaptation, à l’hébergement médicalisé des personnes âgées<br />

dépendantes et des personnes handicapées.<br />

Les enfants mis en danger<br />

La question de l’enfance est par essence un sujet prioritaire. La <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> est particulièrement<br />

soucieuse de l’enfance qu’elle cherche à protéger, à former, à initier ou à sauver chaque<br />

fois qu’elle est en capacité de le faire, en France comme à l’international. Qu’il s’agisse des enfants<br />

touchés par la précarisation, de ceux victimes de la précarité de leurs parents, travailleurs pauvres,<br />

détenus d<strong>ans</strong> une prison ; ou qu’ils soient victimes de violence, malades ou handicapés, la <strong>Croix</strong>-<br />

<strong>Rouge</strong> française intervient pour leur permettre de grandir d<strong>ans</strong> un cadre préservé ou les aider à se<br />

reconstruire après une rupture familiale ou une catastrophe naturelle.<br />

Les personnes privées de leur liberté<br />

ou de leur libre-arbitre<br />

Si les personnes détenues sont privées de liberté, elles ne doivent en aucun cas être privées de<br />

leur dignité. Face aux conditions de vie inacceptables aujourd’hui d<strong>ans</strong> les prisons françaises et à une situation<br />

qui tend à se dégrader, la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> s’est engagée à intervenir en milieu carcéral, en menant des actions qui<br />

s’inscrivent d<strong>ans</strong> une démarche éthique et universelle, fondée sur les droits de l’homme : reconnaître et<br />

respecter l’humanité de toute personne incarcérée.<br />

Partant du principe qu’en aucun cas la personne détenue ne doit être réduite aux actes qu’elle a commis,<br />

l’association croit que chacun, a la possibilité de se réinsérer, de prendre sa vie en main. Cela signifie qu’elle<br />

s’engage pour atteindre cet objectif et résiste à toute connivence avec le système en place qui consisterait à<br />

taire les dysfonctionnements évidents, et s’engager à en référer aux autorités concernées d<strong>ans</strong> un esprit<br />

de dialogue et d’humanité. La valeur de toute personne est toujours au-delà de ce qu’elle a pu faire. La prison<br />

doit être un temps utile pour eux.<br />

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DE SOLFERINO À AUJOURD’HUI<br />

<strong>150</strong> ANS D’ENGAGEMENT HUMANITAIRE<br />

Les personnes – de plus en plus nombreuses –<br />

en perte de lien social<br />

La France compte aujourd’hui plus de sept millions de personnes pauvres. Ce sont quasiment<br />

autant de personnes en souffrance et en perte de lien social qui ont besoin d’être soutenues, accompagnées<br />

et aidées pour ne pas sombrer.<br />

Au-delà des besoins matériels, la perte du lien social constitue une des causes majeures de leur grande<br />

fragilité. Si les aides matérielles (alimentaire, vestimentaire, logement, etc.) sont en effet les prérequis à la<br />

survie, il est indispensable de placer la reconstruction du tissu social comme objectif prioritaire afin que<br />

les réponses apportées aient des effets durables sur les personnes. L’accompagnement d<strong>ans</strong> un<br />

système de réinsertion plus global et individualisé est, à ce titre, essentiel.<br />

Les personnes contraintes<br />

de migrer<br />

La question de la migration est, à l’évidence, un des champs de bataille humanitaire de ce siècle.<br />

Le nombre de migrants internationaux est passé de 75 à <strong>150</strong> millions entre 1965 et 1990. On en comptait<br />

191 millions en 2005. Ce chiffre augmente plus vite que celui de la population mondiale, dont il représente<br />

presque 3 %. D<strong>ans</strong> cet ensemble, on compte 30 à 40 millions de migrants en situation illégale, soit 15 à<br />

20 % de la population mondiale des migrants.<br />

La défense et la promotion de la dignité de l’Homme étant la préoccupation fondamentale et quotidienne<br />

de tous les volontaires du Mouvement international de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> et du Croissant <strong>Rouge</strong>, ce<br />

phénomène nécessite, à l’évidence, une réponse globale, concertée et partagée au niveau de notre continent.<br />

Les victimes des conflits, des catastrophes<br />

naturelles ou de la mauvaise gestion des<br />

ressources de notre planète<br />

L’expérience a montré depuis quelques années que la seule réponse aux situations d’urgence n’est pas suffisante<br />

et qu’il est nécessaire de promouvoir une véritable culture de la prévention. L’action anticipée doit<br />

être pensée et mise en place comme un investissement pour l’avenir et comme une approche beaucoup<br />

plus efficace à long terme que la simple réaction aux urgences. Cette culture n’est pas réservée aux<br />

réponses à des catastrophes naturelles. Prévenir et préparer les populations à réagir aux catastrophes de la<br />

vie quotidienne constitue aussi un enjeu majeur.<br />

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DE SOLFERINO À AUJOURD’HUI<br />

<strong>150</strong> ANS D’ENGAGEMENT HUMANITAIRE<br />

● Face à ces nouveaux enjeux, quelles réponses ?<br />

Cent cinquante <strong>ans</strong> après la bataille de Solferino, s’il faut garder précieusement l’esprit initial, il faut admettre<br />

que les nouvelles donnes de notre monde imposent de repenser le mode d’action des humanitaires. Il faut aussi<br />

évoluer d<strong>ans</strong> la manière de penser l’objet même de l’<strong>engagement</strong> humanitaire.<br />

Il y aura toujours des êtres humains en souffrance et désespérance, il faudra donc toujours des humanitaires<br />

pour aller à leur rencontre. Mais pour cela, il faut d’une certaine manière, repenser les fondements d’un nouvel<br />

humanitaire. La <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> française propose des pistes de réponses comme pré requis indispensables.<br />

L’humanitaire durable comme logique d’action<br />

Pour répondre à autant de diversité et de situations personnelles, l’action n’a de sens et de portée réelle que<br />

si elle s’enracine d<strong>ans</strong> la durée. Face aux urgences de notre temps, il faut établir les conditions d’une action<br />

humanitaire durable.<br />

Si la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> veut avoir l’ambition de réduire la vulnérabilité des populations en danger, elle doit surtout<br />

leur permettre de devenir actrices de leur destin, et non plus seulement victimes. Il faut sortir de la logique<br />

de l’assistanat pour aller vers l’épanouissement et la réinsertion.<br />

L’approche humanitaire se fait par la personne alors que c’est plutôt au travers d’un programme, plus anonyme<br />

et global, que s’aborde le développement. La seule réponse à l’urgence ne suffit pas pour prendre en<br />

charge une personne et lui redonner goût à la vie. Que ferait-on d’un hôpital qui n’aurait qu’un service<br />

d’urgence ? Nécessaire, bien sûr, mais pas suffisant.<br />

La prévention en priorité<br />

Il faudra que les associations s’engagent aussi de toutes leurs forces d<strong>ans</strong> la prévention érigée en priorité.<br />

Voilà déjà des années que les humanitaires ne se contentent plus de porter secours en cas de catastrophes<br />

mais s’engagent aussi à prévenir et préparer les populations à réagir selon les circonstances. Les<br />

catastrophes naturelles ne sont pas les seules qu’il faut s’efforcer de prévenir, il faut encore penser aux<br />

catastrophes de la vie quotidienne, aux malheurs qui frappent, soudain. C’est aussi cela apprendre les<br />

gestes qui sauvent. La <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> s’y emploie au quotidien.<br />

En amont, il faut privilégier la prévention. En aval, il faut construire autour de la personne, et avec elle, un<br />

parcours de réinsertion adapté à ses besoins. La notion fondamentale de prévention qui, comprise au<br />

sens large du terme, regroupe toutes les activités qui participent, sinon à l’élimination, au moins à la<br />

réduction des risques associée à la préparation de la réponse en urgence, est essentielle.<br />

La prévention suppose l’acceptation même du risque et se décline en des pratiques spécifiques :<br />

protection des personnes, sensibilisation et éducation, renforcement des capacités locales, mise en place<br />

de systèmes d’alerte et de dispositifs d’intervention immédiate.<br />

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DE SOLFERINO À AUJOURD’HUI<br />

<strong>150</strong> ANS D’ENGAGEMENT HUMANITAIRE<br />

L’approche par la prévention ouvre assurément sur une vision plus globale de ce qu’est l’action humanitaire<br />

durable. Elle nécessite de sortir de perceptions cloisonnées, de ne pas réduire la logique de l’aide à une<br />

juxtaposition de projets ponctuels déconnectés d’un contexte et de placer les bénéficiaires des actions au<br />

centre du système, d<strong>ans</strong> le cadre d’une prise en charge globale.<br />

● La prise en compte indispensable des principes<br />

économiques et financiers<br />

Par ailleurs, d<strong>ans</strong> cette perspective de court, de moyen et de long terme, il ne faut pas oublier l’enjeu<br />

économique. D<strong>ans</strong> notre combat contre la pauvreté, nous ne pouvons pas nous abstraire des principes économiques<br />

et financiers de base. Ce sont eux qui permettent aux populations de retrouver à terme une<br />

activité viable sinon rentable, et ce, de manière autonome. Par exemple, le système de la micro-finance –<br />

qui offre des formules dérivées de micro-crédit – a démontré son intérêt. D<strong>ans</strong> le même esprit, l’heure est<br />

également aux synergies, aux partenariats. Il faut associer les milieux économiques et de la finance, d’autant<br />

plus en cette période de crise économique. Déjà de nombreuses entreprises et fondations d’entreprises<br />

nouent des partenariats permettant de démultiplier les moyens d’action. Mais nous devons, nous<br />

aussi, intégrer plus fortement les lieux économiques de décision qui génèrent aujourd’hui de la déshumanisation.<br />

Car la prévention se joue également à ce niveau.<br />

Toute notre action est orientée pour conduire les gens que nous accompagnons de l’assistance à l’autonomie.<br />

De la même façon, les associations ne peuvent plus rester totalement dépendantes des financements<br />

venant de l’extérieur, qu’il s’agisse de dons privés, de mécénats d’entreprise, de subventions publiques ou<br />

de financements institutionnels. Il va donc falloir amorcer de façon plus nette (ce que quelques-uns ont déjà<br />

commencé) une évolution vers l’économie sociale afin de pouvoir financer certaines de nos actions par des<br />

ressources propres.<br />

De même que la délégation de service public va dessiner un nouveau champ d’action d<strong>ans</strong> le domaine<br />

médico-social, l’entreprenariat social va s’imposer comme source de financement pour nombre de missions<br />

humanitaires. Cette économie sociale est une nouvelle forme de production de richesses, avec l’Homme<br />

comme finalité en lieu et place du profit.<br />

Mais il n’y pas qu’un enjeu de financement, mais aussi celui de la place de l’Homme comme acteur de sa<br />

vie d<strong>ans</strong> le cadre d’un modèle économique qui le place en son centre. Si les organisations humanitaires<br />

importantes s’inscrivent, non plus à la marge mais en force d<strong>ans</strong> ce modèle, c’est un modèle économique<br />

nouveau qui se mettra en place, bien au-delà de quelques programmes innovants isolés en Inde ou en<br />

Afrique.<br />

Il faut, désormais, sortir de l’expérience pour promouvoir un modèle à valeur de norme.<br />

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DE SOLFERINO A AUJOURD’HUI :<br />

<strong>150</strong> ANS D’ENGAGEMENT HUMANITAIRE<br />

RELEVER LES DÉFIS<br />

DE SON TEMPS :<br />

D’HIER À AUJOURD’HUI<br />

Pour une association comme la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong>, relever des défis signifie être<br />

capable de s’adapter en innovant et d’apporter des réponses à la fois justes<br />

et efficaces aux nouvelles donnes de la société. En <strong>150</strong> <strong>ans</strong>, la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong><br />

française a su montrer cette capacité à répondre aux défis que lui imposait<br />

son temps.<br />

L’histoire montre que la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> a souvent su innover pour agir le plus efficacement possible<br />

selon les circonstances. Pour prendre l’exemple de la France, c’est la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> qui a créé les<br />

premiers diplômes d’infirmière au début du XX e siècle, qui a lancé la première formation d’aide à<br />

domicile (1949), qui a initié les « patrouilles de nuit » d<strong>ans</strong> les années 1970. Et plus récemment, elle a<br />

réfléchi à la mise en place d’une initiation des citoyens aux catastrophes. Novateur aussi, son <strong>engagement</strong><br />

d<strong>ans</strong> les prisons (formation au secourisme, aide sociale…) et auprès des familles des personnes<br />

détenues (maisons d’accueil pour familles en attentes de parloir). Novatrices, ces mille petites initiatives<br />

pour renforcer les dispositifs de solidarité active, du plus ambitieux des pôles sociaux de notre réseau<br />

au plus localisé salon de coiffure à caractère social d<strong>ans</strong> une petite commune rurale.<br />

● L’action sociale<br />

De la création des assistantes sociales<br />

d’après-guerre aux maraudes<br />

d’aujourd’hui : le souci permanent des<br />

populations fragilisées.<br />

Apparue de façon informelle au début du XX e siècle, l’« assistance sociale » devient une véritable politique<br />

dès la Grande Guerre puis d<strong>ans</strong> les années trente. D<strong>ans</strong> les décennies qui suivent la Seconde<br />

Guerre mondiale, la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> française se concentre sur les populations fragiles : personnes âgées,<br />

immigrés, jeunes en rupture…, avant d’élargir son action, dès la fin des années soixante-dix aux<br />

victimes de la crise économique. Pour répondre aux besoins croissants d’écoute et de soutien<br />

psychologique, elle crée dès 1988 le service <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> Écoute.<br />

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DE SOLFERINO À AUJOURD’HUI<br />

<strong>150</strong> ANS D’ENGAGEMENT HUMANITAIRE<br />

Aujourd’hui, l’association est engagée au quotidien d<strong>ans</strong> la lutte contre toutes les formes de<br />

précarité sociale. La tâche est immense : ce sont 35 000 bénévoles qui interviennent en faveur<br />

de plus d’un million de personnes. Au-delà de l’aide matérielle immédiate, elle privilégie un principe de<br />

solidarité active fondé sur la responsabilisation des personnes accompagnées.<br />

● L’urgence et le secourisme<br />

De l’improvisation des secours sur le<br />

champ de bataille de Solferino à la création<br />

des brevets de secourisme : la volonté<br />

intemporelle de porter secours à tous.<br />

La <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> française a commencé à intervenir lors des « calamités publiques » dès les années<br />

1880. Si elle se préoccupe de former des bénévoles susceptibles de participer aux secours, il faut<br />

attendre la Seconde guerre mondiale pour voir apparaître les brevets de secourisme et l’organisation<br />

en équipes. Depuis, avec la création du service d’urgence en 1949 et du plan ORSEC en 1952,<br />

la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> française est devenue le premier auxiliaire des pouvoirs publics en matière de<br />

secours d’urgence.<br />

Aujourd’hui, 15 000 bénévoles sont prêts à intervenir sur le terrain, pour dispenser les premiers<br />

soins avant l’arrivée des services médicalisés. Ils sont aussi préparés et équipés pour réagir à des<br />

situations exceptionnelles : explosions, tempêtes, inondations, crises sanitaires… Tout au long de<br />

l’année, l’association dispense également, d<strong>ans</strong> la population, des formations aux gestes qui sauvent,<br />

contribuant à faire progresser la culture des premiers secours et l’initiation aux catastrophes.<br />

● L’action internationale<br />

De l’action associée au service des<br />

armées à la création des équipes de<br />

réponses aux urgences (ERU), une action<br />

humanitaire aux effets durables.<br />

Les interventions de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> française à l’étranger ont d’abord été associées au service de<br />

santé des armées. À partir de la création de la Ligue en 1919, elle participe aux opérations internationales<br />

de secours aux victimes civiles par l’envoi de secours en vivres et matériels puis, après<br />

1945, de missions sur le terrain.<br />

Aujourd’hui, forte de son expérience, la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> française dispose d’équipes de réponses<br />

aux urgences humanitaires, capables d’intervenir en moins de 48 heures partout d<strong>ans</strong> le monde.<br />

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DE SOLFERINO À AUJOURD’HUI<br />

<strong>150</strong> ANS D’ENGAGEMENT HUMANITAIRE<br />

Elles répondent aux premiers besoins des victimes en apportant soins médicaux, abris, eau et<br />

nourriture. Au-delà des situations d’urgence, l’association mène également de nombreuses opérations<br />

humanitaires durables : soutien psychologique, aide à la reconstruction matérielle et économique des<br />

populations frappées par le tsunami en Asie du Sud-Est, préparation aux catastrophes afin de limiter,<br />

si possible, les drames humains d<strong>ans</strong> le futur, santé, assainissement et accès à l’eau potable en<br />

Afrique… Actuellement, la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> française gère près de 80 programmes répartis d<strong>ans</strong> 34 pays.<br />

● La santé et l’autonomie<br />

De la création des dispensaires à la prise<br />

en charge spécifique des adultes handicapés,<br />

la revendication de l’accès aux soins<br />

des personnes en situation de précarité.<br />

En 1899, la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> française ouvre son premier dispensaire, en 1908 son premier hôpital. Assurés par<br />

des médecins bénévoles, les soins y sont gratuits, tout comme les médicaments. À partir des années vingt,<br />

l’association se mobilise plus particulièrement contre la tuberculose et la mortalité infantile : sanatoriums et<br />

œuvres pour enfants en bas âge se multiplient. Elle lance également de grandes campagnes de vaccination<br />

d<strong>ans</strong> les écoles et se mobilise contre l’alcoolisme.<br />

Aujourd’hui, la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> française a réorienté son action vers l’accès aux soins des personnes en situation<br />

de précarité, les soins à domicile, la prise en charge des personnes handicapées et l’hébergement médicalisé<br />

des personnes âgées en grande dépendance, comme celles atteintes par la maladie d’Alzheimer.<br />

● La formation<br />

De la création de la première école<br />

d’ambulancière aux écoles d’infirmières,<br />

une attention particulière à l’évolution<br />

et à la formation des métiers du secteur<br />

sanitaire et social.<br />

Si la première école d’ambulancière a vu le jour dès 1876, c’est au début du XX e siècle qu’est fondée la<br />

première école de formation d’infirmières de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong>. L’enseignement qui y est dispensé inspirera<br />

la création d’un diplôme d’État en 1923.<br />

Aujourd’hui, en réponse à l’évolution des besoins, la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> française n’a cessé de développer son<br />

offre de formation aux métiers du secteur sanitaire et social : soins infirmiers, secrétariat médico-social,<br />

assistant(e) sociale, aide-soignant(e), cadre de santé, auxiliaire de puériculture et autres auxiliaires d<strong>ans</strong><br />

différents secteurs... L’association est devenue un acteur de premier plan d<strong>ans</strong> ce domaine grâce à ses<br />

19 instituts régionaux de formation sanitaire et sociale (IRFSS).<br />

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