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ValdeMarne n°289 / Avril 2012 - Conseil général du Val-de-Marne

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18CONSTRUIRE LE VAL-DE-MARNE<br />

<strong><strong>Val</strong><strong>de</strong><strong>Marne</strong></strong> : 10 millions <strong>de</strong><br />

personnes touchées par la crise <strong>du</strong><br />

logement, c’est le chiffre que donne<br />

la Fondation Abbé-Pierre dans son<br />

rapport sur le mal-logement en<br />

France. Comment en est-on arrivé là ?<br />

Christophe Robert : C’est la conséquence<br />

d’un double mouvement. D’un côté, la<br />

précarisation <strong>de</strong>s ressources d’un grand<br />

nombre <strong>de</strong> personnes ; <strong>de</strong> l’autre, l’évolution<br />

très importante <strong>du</strong> coût <strong>du</strong> logement.<br />

Ce processus divergent provoque<br />

un élargissement <strong>de</strong>s publics concernés<br />

par <strong>de</strong>s difficultés <strong>de</strong> logement et <strong>de</strong>s<br />

risques d’éviction : cela concerne désormais<br />

<strong>de</strong>s personnes mo<strong>de</strong>stes qui bossent,<br />

<strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la classe moyenne<br />

inférieure, <strong>de</strong>s retraités pauvres qui ne<br />

peuvent plus faire face.<br />

Vous êtes sévères dans votre<br />

analyse sur les politiques <strong>du</strong><br />

logement <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rnières années<br />

que vous jugez « très insuffisantes et<br />

aveugles à la réalité que vivent <strong>de</strong>s<br />

millions <strong>de</strong> ménages ».<br />

C.R. : On a effectivement le sentiment<br />

que l’éten<strong>du</strong>e <strong>de</strong> cette crise est insuffisamment<br />

perçue. Et pas toujours visible.<br />

Beaucoup <strong>de</strong> mal-logés se débrouillent<br />

par eux-mêmes pour trouver une solution<br />

<strong>de</strong> repli : recours à <strong>de</strong>s logements<br />

<strong>de</strong> fortune ou <strong>de</strong> mauvaise qualité, appel<br />

à la solidarité <strong>de</strong> proximité par l’hébergement<br />

chez un tiers, etc. À cela s’ajoute<br />

un abaissement <strong>de</strong>s exigences, <strong>de</strong>s personnes<br />

acceptent <strong>de</strong>s logements <strong>de</strong> mauvaise<br />

qualité tout en se disant qu’il y a<br />

pire qu’eux : « Je suis dans une cave mais il y<br />

Christophe Robert, délégué général adjoint <strong>de</strong> la Fondation Abbé-Pierre<br />

« La Fondation est là<br />

pour interpeller et agir »<br />

Pour ses vingt ans, la Fondation Abbé-Pierre appelle à un changement profond<br />

<strong>de</strong>s politiques <strong>du</strong> logement et soumet quatre engagements aux candidats à<br />

l’élection prési<strong>de</strong>ntielle.<br />

Christophe Robert en dates<br />

Sept. 2004 :<br />

Nov. 2007 :<br />

Déc. 2009 :<br />

directeur <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la<br />

Fondation Abbé-Pierre<br />

auteur, avec Didier Vanoni, <strong>de</strong><br />

Logement et cohésion sociale.<br />

Le mal-logement au cœur <strong>de</strong>s<br />

inégalités (La Découverte).<br />

délégué général adjoint<br />

<strong>de</strong> la Fondation Abbé-Pierre<br />

a <strong>de</strong>s gens à la rue. » Comme si cette crise<br />

<strong>du</strong> logement était une fatalité, alors<br />

qu’elle résulte <strong>de</strong> choix politiques et économiques<br />

!<br />

Vous avez rédigé un contrat social<br />

pour une nouvelle politique <strong>du</strong><br />

logement. Quelles sont les lignes<br />

fortes <strong>de</strong> ce projet que vous<br />

soumettez aux candidat(e)s à la<br />

Prési<strong>de</strong>ntielle ?<br />

C.R. : Il y en a quatre. D’abord<br />

construire. Il y a une insuffisance <strong>de</strong> logements,<br />

un décalage entre les besoins<br />

© D.R.<br />

annuels et la construction effective. Nous<br />

estimons qu’il faut réaliser 500 000 logements<br />

par an, dont 150 000 logements<br />

locatifs vraiment sociaux.<br />

Deuxième axe : le marché. Chaque<br />

année, 2,5 à 3 millions <strong>de</strong> personnes<br />

changent <strong>de</strong> logement, et l’essentiel <strong>de</strong><br />

l’offre reste dans le parc existant. Il est<br />

nécessaire d’encadrer les loyers <strong>de</strong> relocation<br />

- qui ont augmenté <strong>de</strong> 50 % en<br />

dix ans - pour que leur évolution soit en<br />

phase avec la capacité financière <strong>de</strong>s<br />

ménages.<br />

Troisième engagement : la solidarité<br />

envers les plus fragiles par le renforcement<br />

<strong>de</strong>s dispositifs <strong>de</strong> protection. La prévention<br />

plutôt que l’expulsion, l’éradication<br />

<strong>de</strong>s 600 000 logements indignes.<br />

Enfin, la lutte contre la ségrégation territoriale.<br />

Pour gagner le pari <strong>de</strong> la mixité<br />

urbaine et sociale par le logement, nous<br />

proposons que les obligations <strong>de</strong> la loi<br />

SRU* soient renforcées en imposant aux<br />

communes une part <strong>de</strong> 25 % <strong>de</strong> logements<br />

sociaux.<br />

Comment appliquer cette<br />

proposition alors que <strong>de</strong> nombreuses<br />

communes refusent toujours <strong>de</strong><br />

respecter le taux <strong>de</strong> 20 % voté en<br />

2000 ?<br />

C.R. : Cette loi a été efficace car elle a<br />

permis <strong>de</strong> pro<strong>du</strong>ire <strong>du</strong> logement social<br />

là où il n’y en avait pas. Les <strong>de</strong>ux tiers<br />

<strong>de</strong>s collectivités respectent cette obligation.<br />

Il en reste un tiers qui ne le font<br />

pas, c’est inacceptable et cela appelle une<br />

intervention forte <strong>de</strong> l’État pour que la<br />

loi soit appliquée partout.<br />

© M. Aumercier<br />

La municipalité d’Alfortville a inauguré le 10 mars un square qui porte le nom <strong>de</strong> l’abbé Pierre, en<br />

présence <strong>de</strong> l’actrice Marie-Christine Barrault et <strong>de</strong> Christian Favier, prési<strong>de</strong>nt <strong>du</strong> <strong>Conseil</strong> général.<br />

La Fondation Abbé-Pierre a 20 ans<br />

cette année. Comment allez-vous<br />

fêter cet événement ?<br />

C.R. : Cela sera mo<strong>de</strong>ste. Il n’y aura pas<br />

<strong>de</strong> grand ren<strong>de</strong>z-vous. La Fondation est<br />

là pour interpeller et agir. Tout au long<br />

<strong>de</strong> l’année, nous allons continuer nos<br />

actions. Le combat plus que jamais !<br />

Et pour cela, vous comptez sur le<br />

renfort <strong>de</strong> personnalités, comme Éric<br />

Cantona…<br />

C.R. : Le soutien d’Éric Cantona, parrain<br />

<strong>de</strong> la Fondation <strong>de</strong>puis plusieurs années,<br />

et celui d’autres, est important. Ce sont<br />

<strong>de</strong>s porte-drapeaux qui nous ai<strong>de</strong>nt à<br />

mobiliser la société sur les campagnes<br />

que nous menons. C’est précieux et cela<br />

permet d’élargir le spectre <strong>de</strong>s personnes<br />

qui sont sensibles à notre action.<br />

Propos recueillis par Didier Berneau<br />

* Loi relative à la solidarité et au renouvellement<br />

urbains, votée en 2000.<br />

Pour en savoir plus<br />

L’état <strong>du</strong> mal-logement en France.<br />

17 e rapport annuel.<br />

www.fondation-abbe-pierre.fr<br />

UN RAPPORT ACCUSATEUR<br />

133 000 personnes sont sans domicile en France<br />

métropolitaine, dont 33 000 vivant dans la rue ou <strong>de</strong>s<br />

abris <strong>de</strong> fortune.<br />

85 000 personnes rési<strong>de</strong>nt dans <strong>de</strong>s habitations<br />

provisoires.<br />

38 000 personnes vivent à l’année dans <strong>de</strong>s chambres<br />

d’hôtel, dans <strong>de</strong>s conditions d’habitat très médiocres.<br />

411 000 personnes sont hébergées par un proche.<br />

2 778 000 personnes vivent dans <strong>de</strong>s logements<br />

inconfortables ou surpeuplés. Soit près <strong>de</strong> 3,5 millions <strong>de</strong><br />

personnes non ou très mal logées.<br />

À ce chiffre, il faut ajouter plus <strong>de</strong> 5 millions <strong>de</strong> personnes<br />

en situation <strong>de</strong> réelle fragilité : impayés locatifs avec<br />

menaces d’expulsion, résidants <strong>de</strong> copropriétés en<br />

difficulté, jeunes a<strong>du</strong>ltes qui vivent chez leurs parents<br />

faute <strong>de</strong> ressources, familles en attente d’un logement<br />

adapté à la taille <strong>du</strong> ménage…<br />

Si l’on prend en compte les familles en situation <strong>de</strong> précarité<br />

énergétique, les locataires qui ont <strong>du</strong> mal à s’acquitter <strong>de</strong><br />

leur loyer, les ménages en attente d’un logement social,<br />

au total, 10 millions <strong>de</strong> personnes sont touchées par la<br />

crise <strong>du</strong> logement.<br />

Le magazine <strong>du</strong> <strong>Conseil</strong> général / Numéro 289 / <strong>Avril</strong> <strong>2012</strong> 19

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