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Le sil<strong>en</strong>ce du monde, installation magique,<br />
compagnie Monstre(s) © Eti<strong>en</strong>ne Saglio<br />
Installer la magie<br />
Dans Le soir des Monstres, Eti<strong>en</strong>ne Saglio<br />
s’était intéressé aux li<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre le cirque et la<br />
magie. Avec Le Sil<strong>en</strong>ce du monde, il réitère et<br />
bouleverse les codes de la magie grâce à une<br />
installation fascinante et surpr<strong>en</strong>ante.<br />
Comm<strong>en</strong>t ? En faisant tout simplem<strong>en</strong>t<br />
disparaître le magici<strong>en</strong> ! Entre magie et arts<br />
plastiques, le jongleur-manipulateur a réussi à<br />
supprimer non seulem<strong>en</strong>t le prés<strong>en</strong>tateur, mais<br />
aussi la scène, les sièges et les coulisses ! La<br />
durée du tour de magie n’apparti<strong>en</strong>t qu’au<br />
spectateur. Dès l’<strong>en</strong>trée dans cette salle<br />
obscure, toutes les barrières <strong>en</strong>tre le réel et la<br />
magie tomb<strong>en</strong>t. Les seuls repères possibles<br />
sont ses petits modules poétiques. Le public<br />
est plongé dans cet univers rempli d’objets<br />
mystérieux, hors du temps et du réel. Sous le<br />
halo de lumière, une cloche de verre<br />
emprisonne une petite forme cotonneuse<br />
jouant avec son ombre, des petites figurines<br />
<strong>en</strong> papier dans<strong>en</strong>t un tango interminable et<br />
des cordes étranges s’<strong>en</strong>trelac<strong>en</strong>t infinim<strong>en</strong>t<br />
tels des serp<strong>en</strong>ts. Le spectateur voyage à son<br />
rythme et <strong>en</strong> toute liberté au milieu de ses<br />
objets ludiques, immobiles ou mobiles, à<br />
l’allure parfois très rapide et parfois très l<strong>en</strong>te.<br />
Le Sil<strong>en</strong>ce du monde invite petits et grands à<br />
vivre une expéri<strong>en</strong>ce unique <strong>en</strong> dans un tout<br />
autre rapport au temps, à l’espace et aux<br />
objets. Magique !<br />
ANNE-LYSE RENAUT<br />
Nouveau souffle<br />
Ils nous cueill<strong>en</strong>t d’<strong>en</strong>trée de jeu, délicatem<strong>en</strong>t,<br />
à l’image de ces ampoules progressivem<strong>en</strong>t<br />
allumées par deux Augustes mystérieux et<br />
sil<strong>en</strong>cieux, qui s’<strong>en</strong> vont délimiter la piste, une<br />
arène pour tout dire, au cœur de laquelle<br />
cirque et théâtre forain vont se confronter.<br />
En scène des artistes hors pair : Titoune,<br />
Bonav<strong>en</strong>ture et Mads du Cirque Trottola et<br />
Nigloo et Branlotin du Petit Théâtre Baraque,<br />
unis par une amitié de longue date et l’<strong>en</strong>vie<br />
de réunir leur univers, burlesque et<br />
expressionniste. Tout dans Matamore<br />
surpr<strong>en</strong>d, de la mise <strong>en</strong> scène des numéros -<br />
portés, clowns, voltige, jonglage- à leur<br />
cont<strong>en</strong>u. Car la complém<strong>en</strong>tarité des artistes<br />
permet une liberté de ton qu’ils déploi<strong>en</strong>t sans<br />
ret<strong>en</strong>ue dans leur tour de piste singulier et<br />
minimaliste : des déclamations incessantes<br />
d’un monsieur Loyal <strong>en</strong>glué dans ses prises<br />
de consci<strong>en</strong>ce peu compréh<strong>en</strong>sibles mais<br />
irrésistibles aux numéros d’équilibre<br />
vertigineux, <strong>en</strong> passant par le jonglage d’un<br />
cow-boy avec ses pistolets, la voltige<br />
maitrisée, toujours gracieuse, de Titoune au<br />
bout des bras de Bonav<strong>en</strong>ture, la scène<br />
drôlissime de clowns grincheux et vieillissants<br />
(ah ! Boudu !)… et des numéros d’une poésie<br />
r<strong>en</strong>versante, comme celui qui fait faire à un<br />
pantin plus vrai que nature des figures sur une<br />
barre fixe manipulée à vue. Enfin, Bonav<strong>en</strong>ture,<br />
Matamore fier et indétrônable, redesc<strong>en</strong>d sur<br />
terre. Et nous avec.<br />
DOMINIQUE MARÇON<br />
Matamore © Yves Glorian<br />
Carnages © J. Hierholzer - C. Raynaud de Lage<br />
X<br />
Pour un nez<br />
Soir après soir, les spectacles de François<br />
Cervantes empliss<strong>en</strong>t la Cartonnerie de la<br />
Friche. Avant d’accéder à la salle, un petit<br />
crochet vers l’armoire ouverte sur la<br />
gauche, bi<strong>en</strong> fournie de docum<strong>en</strong>tation<br />
sur ses précéd<strong>en</strong>tes œuvres, achève de<br />
nous r<strong>en</strong>seigner sur sa popularité. Pour<br />
préparer Le Prince Séquestré, il a travaillé<br />
avec Hassan El Geretly et Boutros Raouf<br />
Boutros-Galhi, tous deux hommes de<br />
théâtre égypti<strong>en</strong>s. Sur scène, une<br />
palissade, un lampadaire, et un plot <strong>en</strong><br />
béton. Se noue <strong>en</strong>tre les acteurs un<br />
dialogue mystérieux c<strong>en</strong>tré sur un 3 e<br />
personnage, et habité par la peur «du<br />
dehors», où l’on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d de vagues<br />
rumeurs de guerre civile. Avoir une<br />
maison, un abri, un ami, telle est la<br />
grande affaire de ces inadaptés au grand<br />
nez, clowns sans domicile fixe. Entre<br />
fantasme et dures réalités, ri<strong>en</strong> n’est<br />
tranché à la fin de la représ<strong>en</strong>tation. Ce grand dadais à<br />
la voix molle qui <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>t des relations conflictuelles<br />
mais très affectives avec son geôlier figure-t-il un Prince<br />
Séquestré <strong>en</strong> chacun de nous ?<br />
L’appréh<strong>en</strong>sion face au monde extérieur est aussi au<br />
cœur de Carnages, où un théâtre désaffecté accueille<br />
une troupe dépareillée de clowns affreusem<strong>en</strong>t grimés.<br />
Les deux personnages emblématiques de la cie<br />
l’Entreprise sont arrivés là au gré de leurs divagations :<br />
on pr<strong>en</strong>d plaisir à retrouver Arletty (Catherine Germain), sa<br />
démarche inimitable de bambin, et sa façon cavalière de<br />
dominer le pauvre Zig (Dominique Chevallier). Ils font peu<br />
à peu connaissance avec les occupants du lieu,<br />
occasion de scènes jouissives, poursuites et<br />
couinem<strong>en</strong>ts compris, flingue au clair et humour<br />
décapant. Clou de l’action, un chi<strong>en</strong> passe de l’état de<br />
serpillière à celui de bestiole bi<strong>en</strong> vivante, et si la<br />
prestation ne connaissait pas quelques passages un<br />
peu verbeux, on passerait une heure du tonnerre, <strong>en</strong>tre<br />
grincem<strong>en</strong>ts de d<strong>en</strong>ts et franche rigolade.<br />
GAËLLE CLOAREC