01.11.2014 Views

Zibeline n° 60 en PDF

Zibeline n° 60 en PDF

Zibeline n° 60 en PDF

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

42<br />

L<br />

ITTÉ<br />

R<br />

A<br />

T<br />

U<br />

RE<br />

Deux mamans<br />

Elles n’eur<strong>en</strong>t pas tant d’<strong>en</strong>fants que ça…<br />

mais fur<strong>en</strong>t quand même très heureuses<br />

Myriam Blanc croit aux vertus de<br />

l’exemple. C’est sans doute ce qui<br />

l’a poussée, <strong>en</strong> 2005, à écrire Elles<br />

eur<strong>en</strong>t beaucoup d’<strong>en</strong>fants… histoire<br />

d’une famille homopar<strong>en</strong>tale, un des<br />

premiers témoignages sur le sujet.<br />

Qui évoque <strong>en</strong>tre autres le choix de<br />

l’Insémination Artificielle avec Donneur,<br />

peu fréqu<strong>en</strong>t car la procédure<br />

est compliquée et onéreuse. Qui<br />

pose aussi toutes les autres questions<br />

des homos qui devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

par<strong>en</strong>ts. Un récit alerte, s<strong>en</strong>sible,<br />

drôle, comme <strong>en</strong> témoigne la «petite<br />

chronologie lesbi<strong>en</strong>ne, homopar<strong>en</strong>tale<br />

et subjective» qui clôt l’ouvrage. Au<br />

mom<strong>en</strong>t où la loi sur le mariage<br />

pour tous est discutée à l’assemblée,<br />

© Assia Blanc-Boekholt, Elles eur<strong>en</strong>t beaucoup d'<strong>en</strong>fants… et se marier<strong>en</strong>t, Le Bec <strong>en</strong> l'air<br />

le livre vi<strong>en</strong>t d’être réédité sous le<br />

titreElles eur<strong>en</strong>t beaucoup d’<strong>en</strong>fants…<br />

et se marièr<strong>en</strong>t. Dans une introduction<br />

d’une tr<strong>en</strong>taine de pages<br />

qu’elle a ajoutée au texte originel,<br />

Myriam Blanc dresse le bilan de<br />

sept années de bonheur familial<br />

avec Astrid «sa chérie» et leurs deux<br />

filles, Augustine et Assia, âgées aujourd’hui<br />

de 12 et 11 ans. Que les<br />

cassandres se rassur<strong>en</strong>t, ces presque<br />

adolesc<strong>en</strong>tes élevées par deux mères<br />

ont l’air d’aller très bi<strong>en</strong> ! Une famille<br />

heureuse, donc. Et qui le serait<br />

plus <strong>en</strong>core si elle était <strong>en</strong>fin «reconnue<br />

comme une vraie famille». Car<br />

là est la question ess<strong>en</strong>tielle, sur laquelle<br />

l’auteure est rev<strong>en</strong>ue lors de<br />

la r<strong>en</strong>contre organisée à la librairie<br />

L’Histoire de l’œil. Interrogée par<br />

son éditrice Fabi<strong>en</strong>ne Pavia, elle a<br />

redit son att<strong>en</strong>te d’une nouvelle loi<br />

sur la famille, qui ti<strong>en</strong>ne davantage<br />

compte des réalités. Celle qu’elles<br />

ont fondée, Astrid et elle, repose «sur<br />

l’amour exclusivem<strong>en</strong>t et non sur la<br />

génétique». Le donneur, dont elle<br />

souligne la générosité, n’est pas un<br />

père ; il n’y a pas de place pour lui<br />

dans la cellule familiale. De fait<br />

celle-ci ne s’est pas construite sur<br />

une abs<strong>en</strong>ce, les filles connaiss<strong>en</strong>t<br />

depuis toujours l’origine de leur naissance<br />

et viv<strong>en</strong>t très naturellem<strong>en</strong>t<br />

avec leurs deux mamans. Être une<br />

famille homopar<strong>en</strong>tale, «nous n’y<br />

p<strong>en</strong>sons pas à chaque minute de notre<br />

vie», répète Myriam Blanc. Quant à<br />

se marier, elle reconnaît <strong>en</strong> riant<br />

qu’il est «curieux d’être obligée d’<strong>en</strong><br />

passer par là» mais «pourquoi pas<br />

nous ?». Et puis surtout, le mariage,<br />

un symbole fort pour les <strong>en</strong>fants,<br />

leur permettra d’adopter leurs filles.<br />

À l’image de son livre, cette femme<br />

généreuse figure l’homopar<strong>en</strong>talité<br />

heureuse, et n’érige pas son expéri<strong>en</strong>ce<br />

<strong>en</strong> modèle : elle veut juste la<br />

faire partager. Pour que cess<strong>en</strong>t<br />

l’ignorance et la peur qui <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dr<strong>en</strong>t<br />

une haine dont elle a souffert<br />

ces derniers temps...<br />

FRED ROBERT<br />

Elles eur<strong>en</strong>t beaucoup d’<strong>en</strong>fants…<br />

et se marièr<strong>en</strong>t<br />

Myriam Blanc<br />

Le Bec <strong>en</strong> l’air, 14 €<br />

Voix <strong>en</strong> miroir<br />

Comm<strong>en</strong>t les écrivains <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t-ils <strong>en</strong> amitié ?<br />

Question intéressante à laquelle les Écrivains <strong>en</strong><br />

dialogue donn<strong>en</strong>t quelques réponses. Cette fois<br />

c’est Laur<strong>en</strong>ce Tardieu qui a eu un coup de<br />

cœur pour l’écriture de Camille Laur<strong>en</strong>s.<br />

Pourquoi ? «Son œuvre me percute, sa langue<br />

m’atteint», dit-elle. Elle avoue s’être trouvée dans<br />

une sorte d’hébétude à la lecture de Philippe, le<br />

premier livre totalem<strong>en</strong>t autobiographique et<br />

terriblem<strong>en</strong>t douloureux où Camille Laur<strong>en</strong>s <strong>en</strong><br />

1995, racontait la perte de son <strong>en</strong>fant. Elle y a<br />

ress<strong>en</strong>ti l’expéri<strong>en</strong>ce du deuil et trouvé les mots<br />

pour compr<strong>en</strong>dre sa propre douleur, la mort de<br />

sa mère et le sil<strong>en</strong>ce de son père. C’est ainsi que<br />

le désir d’écrire La confusion des peines (voir p. 45)<br />

s’est peu à peu imposé, celui d’aller au plus près<br />

de la vérité, au plus près de la chair des mots.<br />

Chacune retrouve dans l’autre la solitude,<br />

l’impuissance, la douleur. Toutes deux affirm<strong>en</strong>t<br />

ne plus pouvoir ni vouloir «raconter des<br />

histoires». Camille Laur<strong>en</strong>s préfère parler<br />

d’«écriture de soi» plutôt que d’autofiction. Pour<br />

autant ni l’une ni l’autre ne tombe dans la<br />

déploration ou le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>talisme fade. Elles<br />

sav<strong>en</strong>t garder une fermeté et même un certain<br />

humour, surtout Camille Laur<strong>en</strong>s qui manie le<br />

Laur<strong>en</strong>ce Tardieu © Francesca Mantovani<br />

calembour avec délectation. Chacune a une<br />

dynamique personnelle, une voix. Laur<strong>en</strong>ce<br />

Tardieu raconte d’ailleurs que dans son <strong>en</strong>fance<br />

elle avait l’impression de ne pas sortir sa voix ;<br />

c’est par l’écriture qu’elle l’a trouvée : <strong>en</strong><br />

regardant son père dans les yeux et <strong>en</strong> lui offrant<br />

Camille Laur<strong>en</strong>s © Helie Gallimard<br />

son livre. Toutes deux rev<strong>en</strong>diqu<strong>en</strong>t la portée<br />

universelle de leurs écrits, évoqu<strong>en</strong>t Proust qui<br />

affirmait que l’intime t<strong>en</strong>d à l’universel, que c’est<br />

là qu’il pr<strong>en</strong>d tout son s<strong>en</strong>s. Chacune nous<br />

propose des extraits de ses romans. Leurs voix<br />

sonn<strong>en</strong>t juste et se rejoign<strong>en</strong>t. Et résonn<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

nous.<br />

CHRIS BOURGUE<br />

Cette r<strong>en</strong>contre a eu lieu le 18 janvier<br />

aux ABD Gaston Defferre, Marseille.<br />

Modérateur : Pascal Jourdana de l’association<br />

La Marelle

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!