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I<br />
N<br />
É<br />
M<br />
A<br />
Le complexe de Jo(caste)<br />
«Poussez, poussez, tout va bi<strong>en</strong> se passer !». Le film comm<strong>en</strong>ce <strong>en</strong><br />
voix off sur ces paroles rassurantes d’un gynécologue et le<br />
halètem<strong>en</strong>t canin d’une parturi<strong>en</strong>te. Suit l’image de quatre angelots<br />
sur fond bleu. Et par une brutale ellipse, on se retrouve 40 ans plus<br />
tard, à Milos dans les Cyclades. La matriarche Jo (Nicole Garcia) la<br />
soixantaine dynamique et épanouie débarque sur l’île pour organiser<br />
son festival de théâtre annuel. Prétexte pour réunir sur le sol grec<br />
toute sa tribu : sa mère, ses quatre angelots dev<strong>en</strong>us hommes, ses<br />
brus et ses petits-<strong>en</strong>fants. Las ! Crise oblige, ledit «festival» a été<br />
annulé et la maigre subv<strong>en</strong>tion de Culture France <strong>en</strong>gloutie dans<br />
l’installation d’un tout à l’égout. Jo n’étant pas du g<strong>en</strong>re à se<br />
Tu honoreras ta mère de Birgitte Rouan © Stéphane Sartorious-Ad Vitam<br />
soumettre à un destin contraire à son désir, met tout son monde à<br />
contribution pour créer un nouveau spectacle. Ce ne sera plus<br />
vraim<strong>en</strong>t Oedipe-roi mais une fête dionysiaque. Et il faut voir pour le<br />
croire l’exquise Emmanuelle Riva, une granny-pythie aux sombres<br />
prophéties, peindre <strong>en</strong> bleu et rose des phallus géants de carton tout<br />
<strong>en</strong> chantant l’Internationale et téléphoner aux Dieux de l’Olympe sur<br />
son portable ! Pour explorer les rapports mère-fils, Brigitte Roüan<br />
s’amuse avec la mythologie grecque, caricature, décline, répète de<br />
façon trop appuyée parfois, les motifs de l’inceste, du fratricide, du<br />
matricide, passant d’une génération à l’autre (NTM comme<br />
injonction œdipi<strong>en</strong>ne par excell<strong>en</strong>ce !). Jo (caste), hortator de galère,<br />
aurige céleste, gardi<strong>en</strong>ne de mirador, tragédi<strong>en</strong>ne imprécatrice au<br />
haut de la terrasse-rempart de la villa squattée, mère caressante,<br />
poule et louve, dévouée et casse-pied (Oedipe n’a-t-il pas les pieds<br />
<strong>en</strong>flés ?) reste la figure c<strong>en</strong>trale du film, à honorer deux fois selon le<br />
commandem<strong>en</strong>t du titre, Laïos le père ayant depuis longtemps été<br />
éliminé. Mais le scénario sait pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte chaque personnage<br />
avec s<strong>en</strong>sibilité et justesse. Les ados, fils des fils qui secou<strong>en</strong>t pour<br />
la première fois le cordon t<strong>en</strong>u par leurs génitrices et les quatre fils<br />
de Jo tous différ<strong>en</strong>ts. Le «premier de cordon» aîné responsable (Eric<br />
Caracava), le puîné sarcastique et flambeur (Patrick Mille), le<br />
troisième de la série, nounours roux qui ne cesse de chuter (Michaël<br />
Abiteboul) et le b<strong>en</strong>jamin solaire, séduisant comme une icône<br />
Chanel (Gaspard Ulliel). Casting et direction d’acteurs impeccables<br />
pour cette comédie sympathique, à aller voir <strong>en</strong> famille car chacun<br />
y reconnaîtra quelque chose de soi ou des si<strong>en</strong>s.<br />
ÉLISE PADOVANI<br />
Le film Tu honoreras ta mère et... ta mère de Brigitte Roüan<br />
est sorti <strong>en</strong> salles le 6 février<br />
Femme fatale<br />
Une femme, veste longue ouverte sur son<br />
corps nu, fume et manipule de l’arg<strong>en</strong>t dans<br />
une chambre puis donne r<strong>en</strong>dez-vous à un<br />
homme à l’hôtel Kon Tiki. On ne saura que<br />
plus tard les raisons de ce r<strong>en</strong>dez-vous. En<br />
effet, Good Bye Moroccco, le dernier film de<br />
Nadir Moknèche ne suit pas une narration<br />
linéaire et le spectateur est longtemps <strong>en</strong><br />
interrogation sur les motivations et relations<br />
des personnages, <strong>en</strong> particulier celles de<br />
Dounia Abdallah (Loubna Azabal). Divorcée,<br />
ayant perdu la garde de son <strong>en</strong>fant, elle vit<br />
avec un architecte serbe (Rasha Bukvic) à<br />
Tanger et dirige un chantier immobilier, où<br />
sont découvertes des tombes chréti<strong>en</strong>nes du<br />
IV e siècle, ornées de fresques dont une orante,<br />
une femme <strong>en</strong> prière. Une aubaine pour<br />
elle qui, voulant faire quitter le pays à son<br />
fils, va se lancer dans un trafic de pièces archéologiques.<br />
La disparition d’un ouvrier<br />
clandestin nigérian, Gabriel (Ralph Amoussou),<br />
qui a des rapports avec le directeur du<br />
cinéma de Tanger (Grégory Gadebois) va tout<br />
bouleverser, y compris ses rapports avec Ali,<br />
son chauffeur, ami d’<strong>en</strong>fance (Faouzi B<strong>en</strong>saïdi).<br />
Dans ce film noir, le passé resurgit sans cesse<br />
dans le prés<strong>en</strong>t : la fresque, la photo de<br />
l’<strong>en</strong>fance de Dounia et Ali <strong>en</strong>fants, l’ex-mari,<br />
le corps de Gabriel, mettant les personnages<br />
sous le poids de la fatalité tragique. À travers<br />
le personnage de Dounia, la «femme fatale»,<br />
Nadir Moknèche amène le spectateur à s’interroger<br />
sur le statut de la femme, sur les<br />
rapports de classe, sur les tabous autour du<br />
mariage interreligieux, tout naturellem<strong>en</strong>t,<br />
sans didactisme.<br />
La photographie d’Hélène Louvart restitue<br />
à merveille l’atmosphère du film noir : la<br />
moiteur, le brouillard, et la lumière blanche<br />
de Tanger. Un film réussi.<br />
ANNIE GAVA<br />
Le film a été prés<strong>en</strong>té <strong>en</strong> avant-première<br />
au cinéma Les Variétés le 1 er février,<br />
<strong>en</strong> collaboration avec AFLAM, suivi d’un débat<br />
animé par Tahar Chikhaoui, critique de<br />
cinéma. En salles depuis le 13 février.<br />
Les Variétés<br />
09 75 83 53 19<br />
www.cinemetroart.com<br />
Goodbye Morocco de Nadir Mokneche