Les terrasses de la Darse ou Pavillon Beaudouin

1. REFERENCES DOCUMENTAIRES
Référence dossier : 06159. 57.17.1
Commune : Villefranche-sur-mer (06230).
Auteur du dossier :J.L. Bonillo, R. Telese.
Date d’enquête : 2005-2006.
2. DESIGNATION
Appellation d’origine : Les terrasses de la Darse.
Appellation courante : Jardin «Les terrasses de la Darse» ou « Pavillon Beaudouin».
3. LOCALISATION
Adresse : Quai de la Corderie, 06230 Villefranche-sur-mer.
4. HISTORIQUE ET DESCRIPTIF
Date de la construction : le jardin contemporain et la maison de vacances d’Eugène
Beaudouin sont réalisés à partir de 1957 au-dessus des voûtes des abris pour les galères
datant du XVIII e siècle.
Maître d’œuvre : Eugène BEAUDOUIN, architecte.
Maître de l’ouvrage : Eugène BEAUDOUIN, architecte.
Entreprise(s) : entreprise de maçons locale (Galli) et contributions personnelles des
membres de la famille Beaudouin.
Concepteurs associés : Joséphine Beaudouin, artiste et créatrice des Marmorées
(peintures sur marbre), est l’auteur des dessins des mosaïques de galets qui ornent le
jardin et les salles d’habitation.
Inscriptions éventuelles :
Utilisation originelle : maison de vacances et jardin privé de la famille Beaudouin.
Utilisation actuelle : une partie des locaux est occupée par l’Association pour la
Sauvegarde du Patrimoine Maritime de Villefranche-sur-mer. Le jardin, laissé à l’abandon
pendant de longues années, est aujourd’hui en friche.
Matériaux et système constructif : les volumes d’habitation réalisés par Eugène
Beaudouin présentent une structure de poteaux et poutres en béton armé et une finition en
enduit blanc. Les différents éléments du jardin sont en béton brut de décoffrage ou béton
moulé. Le sol est lui aussi laissé brut. Certaines surfaces sont recouvertes de galets de la
région. Le mobilier construit repose sur des pieds en céramique en forme de balustre et est
habillé de plaques de marbre. La fontaine est elle aussi en béton, posée sur des balustres
en terre-cuite et la vasque est couverte de carreaux de marbre de petite taille et de galets
rouges.
A l’intérieur de la maison on retrouve béton, galets, marbre, terre cuite utilisés pour les sols
aussi bien que pour les éléments de mobilier.
I

La mise en oeuvre de ces matériaux coexiste parfaitement avec la pierre blanche et les
briques des structures préexistantes.
5. ANALYSE SYNTHETIQUE
Contexte : au-dessus des voûtes réalisées au XVIII e siècle par Emmanuel Philibert duc de
Savoie, pour abriter ses galères, une caserne a été construite vers 1900. Désaffectée en
1924 cette caserne sera démolie à la mine par les Allemands en 1944. C’est en 1956 que
l’architecte Eugène Beaudouin découvre les ruines et, séduit, convainc les domaines et la
municipalité de Villefranche de lui concéder le site en échange d’une « remise en état » des
lieux. De fait, l’architecte va déployer tout son savoir pour composer une résidence
secondaire d’abord conçue comme un grand jardin suspendu en terrasses au-dessus du
port.
Architecte : diplômé de l’Ecole des Beaux Arts de Paris, où il est l’élève d’Emmanuel
Pontremoli, Eugène Beaudouin (Paris 1898 - 1983) obtient le 1 er Grand Prix de Rome en
1928. Architecte et urbaniste, dans les années de l’entre-deux-guerres il travaille en
association avec Marcel Lods architecte. Leur production commune relève d’un profond
intérêt pour l’industrialisation du bâtiment et pour l’emploi d’éléments préfabriqués qui se
concrétise dans les œuvres réalisées en collaboration avec Jean Prouvé et Vladimir
Bodianski tel que le pavillon de Roland Garros, l’Ecole de plein-air de Suresnes (1934), la
maison expérimentale en acier BLPS (1935), la Maison du peuple à Clichy (1935-1939). Il
réalise à la même période et toujours en association avec M. Lods, de nombreux
logements collectifs parmi lesquels la Cité du Champ - des - oiseaux à Bagneux (1930-
1939) et la Cité de la Muette à Drancy (1931-1934). En 1935 il est désigné pour le projet de
l’Ambassade de France à Ottawa (1936), il travaille aussi au Ghana, en Allemagne, en
Afrique du Sud et en Suisse. En tant qu’urbaniste, Beaudouin réalise le Plan d’urbanisme
de La Havane avec J. Forestier et T. Leveau (1928), le Plan d’aménagement de la région
parisienne avec Henri Prost (1934). Il réalise aussi celui de villes comme Prétoria, le Cap,
Saïgon, Montpellier, Lyon, Marseille, Monaco.
Dans les années cinquante et soixante, il réalise des résidences universitaires (résidence
universitaire d’Antony – 1954 ; résidence universitaire de Clermont-Ferrand – 1959), des
écoles (Lycées mixtes d’Antony et de Meudon – 1964 ; Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon
– 1966), des HLM et il dirige d’importantes opérations d’urbanisme de l’après guerre dont le
complexe de bureaux du quartier Maine – Montparnasse à Paris (1958-1973) et le grand
ensemble de logements sociaux des Minguettes à Vénissieux, près de Lyon (1964-1969).
Nommé directeur de l’École d’Architecture de Genève, puis professeur à l’École Nationale
Supérieure des Beaux-Arts en 1952 il est membre de l’Académie des Beaux-Arts depuis
1961 et président de l’Union internationale des architectes à partir de 1965.
II

Edifice : Entre le grand mur de soutènement préservé et les terrasses transfigurées par
des plantations rustiques mais savamment ordonnées, Eugène Beaudouin dissémine une
série de pièces et de pavillons autonomes : son atelier – qui ouvre sur un patio et l’escalier
de la séquence d’accès – un pavillon d’habitation principale et son annexe, un édicule
évoquant une péniche destiné aux enfants et, à l’extrémité nord-est, le logement du
gardien. Les terrasses plantées sont réalisées avec la rigueur géométrique qui caractérise
les jardins dits « à la Française ». Mais cet ordre est subtilement contredit par la luxuriance
méditerranéenne des plantations et l’esprit surréaliste qui émane du traitement des détails.
Cet esprit, qui est celui d’un certain goût des décorateurs des années 40 et qu’illustre
l’univers de Jean Cocteau, s’affirme dans l’oculus circulaire de l’atelier, dans la masse
organique et incongrue de la fontaine et aussi dans le principe de base qui consiste à
utiliser pour les plantations des « pots » en ciment moulé de forme conique et de
différentes dimensions. Mais c’est aussi et surtout la pratique du détournement qui marque
ce lieu d’une certaine étrangeté d’esprit surréaliste : balustres en céramique non vernissée
utilisées comme pieds de tables ou en grêles colonnes pour marquer l’espace, cônes de
ciment transformés en chapiteaux de treilles…c’est enfin le traitement rustique et
naturaliste des surfaces, avec par exemple l’utilisation systématique de galets en calades
et sur les murs, qui donne toute sa saveur et sa qualité « intimiste » à ce jardin. Les
intérieurs relèvent du même esprit comme en témoigne par exemple sur les photographies
d’époque le lit « suspendu » (de fait encastré dans le mur) de la chambre principale.
Parties détruites et modifications :
Les chambres ont été l’objet de transformations internes pour les adapter à de nouveaux
usages : bureaux, logement … L’atelier est dans un bon état de conservation mais un
pavillon a été l’objet d’un détachement parcellaire. Le jardin en friche et la serre nécessitent
une restauration complète.
6. PROTECTION EVENTUELLE ET INTERET PATRIMONIAL
L’originalité et la rareté de ce jardin, subtile combinaison de modèles savants
(méditérannéens) et populaires (locaux), marqué par la pratique du détournement et un
certain esprit surréaliste qu’illustre notamment Jean Cocteau sur la Côte d’Azur dans
l’immédiat avant et après guerre, méritent amplement que soit mise en œuvre une stratégie
de conservation et de restauration dans une perspective d’ouverture au public. Le jardin en
terrasse et le soubassement de l’ancienne caserne Dubois sont inscrits sur l’Inventaire
Supplémentaire des Monuments Historiques par arrêté n° 91.56 du 11 février 1991.
III

7. STATUT JURIDIQUE
Propriété de l’Etat, le jardin en terrasse dépend du Domaine public portuaire et est affecté
au Ministère de l’Equipement depuis une date antérieure au 1 er janvier 1956.
8. REFERENCES IMPRIMEES ET SOURCES D’ARCHIVES
PILLE Céline, Entre savant et ordinaire, le jardin du détournement, Mémoire du Séminaire
Histoire du projet. ENSA Marseille / Laboratoire INAMA, 2006 - 2007.
JOURDAIN Jean Marc, Le centre européen d’études et de recherche en science marines.
Port de Villefranche-sur-mer. Alpes Maritimes, TPFE Ecole d’architecture de Toulouse,
directeur d’étude M. Galavielle, s.d., Archives de l’Association pour la Sauvegarde du
Patrimoine Maritime de Villefranche-sur-mer.
BOURSIER-MOUGENOT Ernest J. P. et RACINE Michel, Jardins de la Côte d’Azur,
Edisud, Arpej, 1987, p.11 6 -11 7.
BOURSIER-MOUGENOT Ernest J.-P. (chargé d’étude), « Etude Patrimoniale des
Terrasses de la Darse. Villefranche-sur-mer », 1986, dans le Dossier d’Inscription sur
l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques du port de la Darse de
Villefranche-sur-mer, Archives de la DRAC de PACA.
BONILLO J.-L., « Eugène Elie BEAUDOUIN », dans Michel RACINE (sous la direction de),
Créateurs de jardins et de paysages en France du XIX e siècle au XXI e siècle, Tomes II,
Arles, Actes Sud/Ecole nationale Supérieure du Paysage, 2002, p 212-213.
DION Mathilde, « Beaudouin Eugène », dans MIDANT J.P. (sous la direction de),
Dictionnaire de l’architecture du XX e siècle, Ed.Hazan et Institut Français d’Architecture,
Paris 1996, pp 100 - 101.
Archives diverses de l’association pour la sauvegarde du patrimoine maritime de
Villefranche-sur-mer.
9. LEGENDES DES ILLUSTRATIONS
PG1.
Plan de situation. Coordonnées systèmes Lambert II et Lambert III (en km,
arrondies au dam) X (L. II) 1000,90; Y (L. II) 1867,83 ; X (L. III) 1000,36; Y (L. III)
3167,44. Labo. INAMA / ENSA.M et DESC / SDC - Service du patrimoine culturel.
PG2. Plan de masse. Dans PILLE Céline, op. cit., p. 5.
PG3. Coupe nord-sud. Ibid. p. 4.
PG4.
PG5.
PG6.
PG7.
Axonométrie générale. Dans JOURDAIN Jean Marc, op. cit.
Axonométrie et coupe axonométrique sur le jardin suspendu. Dans le CD-ROM
L’ensemble Portuaire de Villefranche-sur-Mer, Projet 2006 du Master Compétence
Complémentaire en Informatique. Option Architecture, ENSA Marseille – Faculté
des Sciences de Luminy – Université de la Méditerranée, Promotion 2006.
Coupes axonométriques sur l’escalier d’accès au jardin et sur la serre. Ibid.
Maquette numérique : vues d’ensemble de la maison et du jardin. Ibid.
IV

PG8.
PG9.
PG10.
PG11.
PG12.
PG13.
PG14.
Maquette numérique : vues sur l’appartement de Joséphine Beaudouin, le jardin
d’hiver et la fontaine. Ibid.
Maquette numérique : vue sur le patio et le jardin depuis l’appartement de
Joséphine Beaudouin ; détail de la façade de l’appartement de Madame Beaudouin.
Ibid.
L’aménagement du jardin dans les années 60. Vue sur les vasques. Détail des
vasques fleuries. Vue sur la cheminée. Archives diverses de l’association pour la
sauvegarde du patrimoine maritime de Villefranche-sur-mer.
L’intérieur d’une salle de la maison de vacances avec sa banquette au revêtement
en galets. Le lit « suspendu » des appartements de Joséphine Beaudouin. Dans
BOURSIER-MOUGENOT Ernest J.-P. (chargé d’étude), « Etude Patrimoniale des
Terrasses de la Darse. Villefranche-sur-mer », 1986 / Dossier d’Inscription sur
l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques du port de la Darse de
Villefranche-sur-mer, Archives de la DRAC PACA.
Vue des appartements de Joséphine Beaudouin. Les arcades du patio depuis le
jardin. Le patio depuis la pergola au nord de la parcelle, sur la droite on aperçoit le
sol en galets de la terrasse des appartements de Madame. Archives diverses de
l’association pour la sauvegarde du patrimoine maritime de Villefranche-sur-mer.
Vue sur le jardin et la Darse depuis l’appartement de Madame Beaudouin. Les
vasques en ciment moulé de forme conique dans leur état actuel et au fond la
« péniche » destinée aux enfants. La fontaine organique, exemple de l’esprit de
récupération et de détournement qui habite les lieux. Ibid.
L’atelier d’Eugène Beaudouin, éclairé par le grand oculus circulaire, avec le mobilier
conçu dans le même esprit que celui du jardin : photo récente et vues de la
maquette numérique. (Photo Céline Pille. Maquette numérique dans le CD-ROM
L’ensemble Portuaire de Villefranche-sur-Mer, op. cit.).
V

PRE-INVENTAIRE DU PATRIMOINE ARCHITECTURAL DES «TRENTE GLORIEUSES» DANS LES ALPES MARITIMES
Laboratoire INAMA / ENSA Marseille
Jean Lucien Bonillo et Raffaella Telese
Conseil Général des Alpes Maritimes
Ministère de la Culture DRAC de PACA
Villefranche-sur-mer
LES TERRASSES DE LA DARSE PG 1

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