Beolitik-Collection-n02-FR-v02-LE - design ⩠société
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40 collection • #2 • automne 2010<br />
collection • #2 • automne 2010 41<br />
issus de communautés différentes les voient ou les<br />
utilisent-ils de la même manière. Des partenaires<br />
différents peuvent les interpréter de manière différente,<br />
mais elles fonctionnent si elles contiennent<br />
suffisamment de détails compréhensibles par les<br />
différentes parties en jeu. Aucune d’elle n’a besoin<br />
de comprendre complètement le contexte d’usage<br />
adopté par ses partenaires dans l’interaction. Ce<br />
sont la reconnaissance et la discussion des différences<br />
qui permettent aux individus de les utiliser<br />
ensemble de manière fructueuse.<br />
Un exemple de représentation pensée comme<br />
représentation de frontière est le dessin technique<br />
utilisé par les <strong>design</strong>ers de tricot examiné<br />
par Eckert (voir Stacey & Eckert, 2003, p. 163, voir<br />
aussi notre exposé ci-dessus). Il ne fonctionne pas<br />
comme objet-frontière, parce qu’il ne contient par<br />
assez de détails pour être compréhensible par les<br />
différentes parties impliquées. Une communication<br />
réussie ne dépend pas seulement de « l’utilisation<br />
des représentations appropriées pour faire<br />
passer l’information de la part de l’émmeteur »,<br />
mais aussi de « l’habileté des receveurs à construire<br />
du sens à partir de ces représentations » (Stacey &<br />
Eckert, 2003, p. 158).<br />
Selon Stacey and Eckert (2003), deux facteurs<br />
jouent ici un rôle particulièrement important : « la<br />
mesure dans laquelle les participants partagent<br />
le contexte et l’expertise, et la « contraction » des<br />
boucles du feedback […]. Dans la communication<br />
face à face les échecs de la compréhension peuvent<br />
être identifiés et évacués très rapidement,<br />
et le discours, les gestes et les dessins sont utilisés<br />
pour s’expliquer et se clarifier les uns les autres […].<br />
Dans des échanges moins soudés, la nécessité de<br />
prévenir plutôt que de corriger les malentendus est<br />
proportionnellement plus grande » (p. 162).<br />
En relation à ces facteurs, Eckert a observé<br />
que dans la très grande majorité des entreprises<br />
qu’elle a visitées les <strong>design</strong>ers réalisent leur <strong>design</strong><br />
conceptuel sans aucun apport de la part des techniciens<br />
qui devront ensuite appliquer ces mêmes<br />
<strong>design</strong>s. Cette absence de communication peut<br />
expliquer, au moins en partie, que les dessins techniques<br />
utilisés comme des documents de spécification<br />
par les <strong>design</strong>ers de tricots sont ambigus<br />
– c’est-à-dire, qu’ils le sont dans la manière dont<br />
les deux parties les utilisent : sans aucune autre<br />
interaction leur permettant d’être reconnus et<br />
discutés. « Moins les participants discutent, moins<br />
de connaissance et d’information contextuelle ils<br />
partagent, et plus d’esquisses, de diagrammes et<br />
d’autres communications sont nécessaires pour<br />
véhiculer les significations de leur propre interprétation<br />
» (Stacey & Eckert, 2003, p. 163).<br />
Construction des représentations<br />
inter-<strong>design</strong>ers compatibles<br />
Dans un article sur le « mise en commun de<br />
différents points de vue », Fischer (2000) écrit :<br />
« Parce que les problèmes complexes requièrent<br />
plus de connaissance que celle qu’une<br />
personne isolée ne possède, la communication<br />
et la collaboration entre les membres impliqués<br />
est nécessaire ; par exemple, les experts du domaine<br />
comprennent la pratique, et les <strong>design</strong>ers<br />
du système connaissent la technologie associée.<br />
Les échecs de la communication sont souvent<br />
expérimentés parce que des membres qui appartiennent<br />
à des cultures différentes (Snow, 1993)<br />
utilisent des normes, des symboles et des représentations<br />
différents. Plutôt que de voir cette symétrie<br />
de l’ignorance (Rittel, 1984) (ou "asymétrie<br />
de la connaissance") comme un obstacle pendant<br />
le processus du <strong>design</strong>, nous l’abordons comme<br />
une opportunité de créativité. Les différentes<br />
perspectives facilitent la découverte d’alternatives<br />
et peuvent aider à dévoiler des aspects cachés<br />
des problèmes » (Fischer, 2000, p. 3).<br />
Le construction de représentations inter-<strong>design</strong>ers<br />
compatibles lors du co-<strong>design</strong> se réalise<br />
dans des activités qualifiées de « construction des<br />
bases » (Clark & Brennan, 1991) et de « synchronisation<br />
cognitive » (D’Astous et al., 2004 ; Falzon,<br />
1994), à travers un processus de négociation qui<br />
donne lieu à des « constructions sociales » (Bucciarelli,<br />
1988) à travers une argumentation qui<br />
donne lieu à la mise en place, l’« évitement » ou le<br />
remplacement des « problèmes » (Kunz & Rittel,<br />
1979). Une grande quantité de temps est consacré<br />
à ces activités (Herbsleb et al., 1995 ; Karsenty, 1991<br />
; Olson, Olson, Carter, & Storrosten, 1992 ; Olson et<br />
al., 1996 ; Stempfle & Badke-Schaub, 2002). Des<br />
études récentes ont observé que la synchronisation<br />
peut aussi prendre une forme gestuelle (cf.<br />
les recherches de l’équipe STAR de Tversky, http://<br />
www-psych.stanford.edu/~bt/gesture/, revu le<br />
16 août 2005). Dans notre étude sur les réunions<br />
d’analyse des logiciels (D’Astous et al., 2004), nous<br />
avons montré que la construction des représentations<br />
inter-<strong>design</strong>ers compatibles des solutions<br />
de <strong>design</strong> à analyser était un pré-requis à la réalisation<br />
des activités d’évaluation, qui était la tâche<br />
prévue. Nous avons également observé que la<br />
synchronisation cognitive ne concernait pas seulement<br />
les solutions des problèmes, mais également<br />
les critères et les procédures d’évaluation. Si les<br />
<strong>design</strong>ers ont leurs propres représentations personnelles,<br />
la collaboration entre <strong>design</strong>ers appelle la confrontation,<br />
l’articulation et l’intégration de ces différentes représentations,<br />
afin de les rendre capables d’arriver à une solution<br />
qui sera adoptée pour l’activité commune. La confrontation<br />
des représentations personnelles mène aussi à des conflits<br />
entre les <strong>design</strong>ers, qu’ils doivent donc résoudre (voir une<br />
étude précoce et remarquable dans le domaine du<br />
<strong>design</strong> d’architecture chez Klein & Lu, 1989).<br />
Une interprétation intéressante de la pensée<br />
de Simon (1969/1996) sur les représentations est<br />
proposée par Carroll (2006). Carroll souligne que<br />
dans la deuxième édition des Sciences de l’Artificiel,<br />
la vision de Simon semble avoir changée. Dans<br />
« Planning social », un nouveau chapitre dans cette<br />
édition, Simon « suggéra que les organisations<br />
pourraient être considérées comme des représentations<br />
de <strong>design</strong> (p. 141-143), utilisant l’exemple<br />
de l’Economic Cooperation Administration (ECA),<br />
l’institution qui appliqua le Plan Marshall en 1948 »<br />
(p. 12). Au début, les personnes impliquées dans<br />
l’ECA n’étaient pas d’accord dans cette action.<br />
Carroll cite Simon qui « observe (p. 143) : "Ce qui<br />
était nécessaire n’était pas tellement une conceptualisation<br />
‘correcte’, mais une qui puisse faciliter<br />
l’action plutôt que de la paralyser. L’organisation<br />
de l’ECA, telle qu’elle a évolué, fournissait un problème<br />
de représentation commun à l’intérieur<br />
duquel tout le monde pouvait travailler" » (p. 12).<br />
Au fur et à mesure que l’ECA avançait, une parmi<br />
les six conceptions originales prit le dessus. Carroll<br />
commente cela ainsi : « plusieurs utlisations de<br />
prototypes dans le <strong>design</strong> participatif sont compatibles<br />
avec cette proposition : les prototypes donnent<br />
un cadre évolutif à l’exploration des options<br />
de <strong>design</strong> et à la mise au point progressive d’une<br />
solution finale » (Carroll, 2006).<br />
TRADUCTION DE L’ANGLAIS<br />
Rita Di Lorenzo