Venise : vers « un échange de pavillons avec l'Allemagne »
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NUMÉRO 15 / JEUDI 27 OCTOBRE 2011 / WWW.LEQUOTIDIENDELART.COM / 2 euros<br />
<strong>Venise</strong> : <strong>vers</strong> <strong>«</strong> <strong>un</strong> <strong>échange</strong><br />
<strong>de</strong> <strong>pavillons</strong> <strong>avec</strong> l’Allemagne <strong>»</strong><br />
S Y L V I A N E T A R S O T - G I L L E R Y , D I R E C T R I C E G É N É R A L E D É L É G U É E D E L ’ I N S T I T U T F R A N Ç A I S<br />
R. A. et P. R. Où en est la mise en<br />
place <strong>de</strong> l’Institut T Hfrançais, E A RT DA qui I LY succè<strong>de</strong> Nà<br />
E W S<br />
CulturesFrance et dont la création constitue<br />
<strong>un</strong>e petite révolution ?<br />
S. T.-G. Vous avez raison <strong>de</strong> parler <strong>de</strong><br />
révolution parce que passer d’<strong>un</strong>e association<br />
à <strong>un</strong> établissement public constitue <strong>un</strong><br />
changement d’équilibre, d’optique, d’axe.<br />
Cette mutation s’est davantage traduite par<br />
<strong>de</strong>s créations <strong>de</strong> services que par <strong>de</strong>s fusions<br />
à proprement parler. L’institut s’est créé<br />
en absorbant CulturesFrance. Ses missions<br />
perdurent et sont amplifiées, notamment dans<br />
le domaine du cinéma. Nous avons aussi <strong>de</strong>s<br />
missions nouvelles, comme la promotion et<br />
l’enseignement <strong>de</strong> la langue française, et le<br />
volet débats d’idées. Ce <strong>de</strong>rnier permet à <strong>de</strong>s<br />
penseurs, <strong>de</strong>s philosophes <strong>de</strong> diffuser leurs<br />
travaux. Nous voulons montrer le renouvellement <strong>de</strong> la<br />
scène <strong>de</strong>s sciences humaines et sociales en France. Nous<br />
avons <strong>de</strong>ux autres missions nouvelles. La réforme a consisté<br />
à créer <strong>un</strong>e cellule pour monter <strong>de</strong>s projets européens. Il<br />
faut faire entendre notre approche <strong>de</strong> la culture auprès<br />
<strong>de</strong>s instances européennes, <strong>un</strong>e politique d’intérêt public.<br />
C’est important au moment où l’Union européenne doit<br />
bâtir son agenda 2014. L’autre mission nouvelle est la<br />
formation professionnelle <strong>de</strong>s agents du réseau. Ce <strong>de</strong>rnier<br />
est hétérogène. Le budget va s’élever à 2 millions d’euros<br />
cette année pour former plus <strong>de</strong> 20 % <strong>de</strong>s agents du réseau.<br />
Selon la loi du 27 juillet 2010, l’Institut français se met<br />
Sylviane Tarsot-Gillery<br />
© Photo : P. R.<br />
en situation <strong>de</strong> piloter les postes <strong>de</strong>s centres culturels<br />
français dans <strong>un</strong>e douzaine <strong>de</strong> pays. Cette expérimentation<br />
permettra d’évaluer le bien fondé <strong>de</strong> ce pilotage, <strong>de</strong> mesurer<br />
son efficacité par rapport à l’organisation actuelle.<br />
R. A. et P. R. Continuez-vous à supprimer <strong>de</strong>s postes ?<br />
S. T.-G. Nous restons toujours sur <strong>un</strong>e logique <strong>de</strong> réseau<br />
<strong>un</strong>i<strong>vers</strong>aliste. Nous ne faisons plus <strong>de</strong> suppression. Nous<br />
avons créé <strong>un</strong> seul institut par pays, comme en Allemagne<br />
ou au Maroc. Nous terminerons SUITE DU TEXTE P. 2<br />
* p.4 UN EXPERT ATTRIBUE UNE NOUVELLE OEUVRE À RODIN<br />
* p.3 FABRICE HYBER FÊTE LES 20 ANS DE <strong>«</strong> L’HOMME DE BESSINES <strong>»</strong><br />
* p.6 GISÈLE FREUND, PHOTOGRAPHE À LA LETTRE
ACTUALITÉ<br />
Entretien <strong>avec</strong><br />
Sylviane Tarsot-Gillery<br />
PAGE<br />
02<br />
SUITE DU TEXTE DE UNE<br />
en janvier 2012 la fusion entre les services culturels <strong>de</strong>s<br />
ambassa<strong>de</strong>s et les instituts français. Cette réforme a été<br />
menée dans le cadre <strong>de</strong> la RGPP. Si nous n’avons plus <strong>de</strong><br />
fermeture, les réductions d’emploi se poursuivent, <strong>de</strong> l’ordre<br />
<strong>de</strong> 70 postes sur l’ensemble du réseau l’année prochaine.<br />
Mais la création <strong>de</strong> l’Institut a créé <strong>de</strong>s emplois, puisque<br />
nous passons à Paris <strong>de</strong> cent à cent cinquante salariés.<br />
R. A. et P. R. Cette réforme administrative n’a-t-elle pas<br />
mis en sommeil les projets, <strong>un</strong>e vision, <strong>un</strong> souffle ?<br />
S. T.-G. Une création d’<strong>un</strong>e telle ampleur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> beaucoup<br />
d’énergie. Mais nous n’avons pas voulu être inactif. L’Institut<br />
français a certainement donné l’impression d’être très<br />
tourné <strong>vers</strong> lui-même. Nous déménagerons bientôt rue <strong>de</strong> la<br />
Fédération, dans le 15 e arrondissement <strong>de</strong> Paris. Nous avons<br />
passé 6 mois <strong>de</strong> l’année à mettre en place l’établissement,<br />
à constituer <strong>de</strong> nouvelles équipes et <strong>un</strong> i<strong>de</strong>ntité comm<strong>un</strong>e.<br />
L’Institut français est la marque <strong>un</strong>ique du réseau public.<br />
Depuis cet été, nous avons consacré plus <strong>de</strong> temps aux<br />
orientations nouvelles. Nous voulons mettre l’accent sur<br />
la création, sur l’aspect innovant sans à tout prix faire du<br />
<strong>«</strong> je<strong>un</strong>e <strong>»</strong>, sans négliger ceux qui relèvent déjà du patrimoine.<br />
Nous mettons aussi en place <strong>de</strong>s outils numériques dans<br />
le réseau. Nous allons lancer <strong>un</strong>e plateforme <strong>de</strong> contenu<br />
<strong>avec</strong> l’INA et la Bibliothèque nationale <strong>de</strong> France. Chaque<br />
pays pourra l’éditorialiser en fonction <strong>de</strong> son actualité. Ce<br />
sont <strong>de</strong>s contenus francophones qui permettent d’avoir<br />
accès à <strong>de</strong>s livres, <strong>de</strong>s vidéos, du son, <strong>de</strong>s expositions...<br />
Cet outil va être mis en place dans vingt pays l’année<br />
prochaine. Nous avons aussi lancé <strong>un</strong>e application dans le<br />
domaine <strong>de</strong>s arts visuels, <strong>un</strong>e plateforme <strong>de</strong> géolocalisation<br />
d’activités. Nous refondons aussi complètement notre<br />
site internet. Nous faisons tout <strong>un</strong> travail, par secteurs,<br />
d’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s pays qui paraissent prioritaires. Il y a<br />
<strong>de</strong>s pays prescripteurs quand il existe <strong>un</strong> marché, dans le<br />
domaine <strong>de</strong> l’art contemporain par exemple. On peut assez<br />
facilement déterminer la vingtaine <strong>de</strong> pays où il y a vraiment<br />
<strong>de</strong>s flux, <strong>de</strong>s <strong>échange</strong>s et <strong>de</strong>s débouchés. Mais dans tous les<br />
domaines, nous avons <strong>un</strong>e action spécifique pour l’Afrique<br />
et la Caraïbe.<br />
R. A. et P. R. Vous soutenez par exemple les <strong>«</strong> Rencontres<br />
Le Quotidien <strong>de</strong> l’Art<br />
--<br />
Agence <strong>de</strong> presse et d’Édition <strong>de</strong> l’art 61, rue du Faubourg Saint-Denis 75010 Paris<br />
* Contacts pregnier@lequotidien<strong>de</strong>lart.com, razimi@lequotidien<strong>de</strong>lart.com * Editeur : Agence <strong>de</strong> presse<br />
et d’édition <strong>de</strong> l’art, Sarl au capital <strong>de</strong> 10 000 euros. 2, place du Maréchal Juin, 75017 Paris. RCS Paris B<br />
533 871 331 * Principaux actionnaires : Mayeul Caire et Nicolas Ferrand * Directeur <strong>de</strong> la<br />
publication : Mayeul Caire * Directeur <strong>de</strong> la rédaction : Philippe Régnier<br />
* Rédactrice en chef adjointe : Roxana Azimi * Marché <strong>de</strong> l’art : Alexandre Crochet<br />
* Expositions, musées, patrimoine : Sarah Hugo<strong>un</strong>enq<br />
* Contributeurs : Damien Sausset, Natacha Wolinski * Maquette : Isabelle Foirest,<br />
* Conception graphique : Ariane Men<strong>de</strong>z * Site internet : Dévrig Viteau<br />
© ADAGP Paris 2011 pour les œuvres <strong>de</strong>s adhérents.<br />
© succession Picasso pour les œuvres <strong>de</strong> Picasso<br />
--<br />
LE QUOTIDIEN DE L’ART / NUMÉRO 15 / JEUDI 27 OCTOBRE 2011<br />
<strong>de</strong> Bamako, biennale africaine <strong>de</strong> la photographie <strong>»</strong> qui se<br />
déroule à partir du 1er novembre...<br />
S. T.-G. Nous les coproduisons <strong>avec</strong> le ministère <strong>de</strong> la<br />
Culture du Mali. Cela fait partie <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s actions que<br />
nous maintenons. L’<strong>un</strong> <strong>de</strong>s objectifs est <strong>de</strong> continuer à<br />
porter le même soutien financier et <strong>de</strong> structurer l’action<br />
localement. Nous soutenons <strong>de</strong>puis dix ans cette biennale,<br />
il y a maintenant l’émergence <strong>de</strong> professionnels, <strong>de</strong> lieux.<br />
Notre responsabilité est non pas <strong>de</strong> se désengager mais<br />
<strong>de</strong> donner plus <strong>de</strong> responsabilités à <strong>de</strong>s structures locales.<br />
Mais politiquement, ce sont <strong>de</strong>s manifestations clairement<br />
africaines. Sur la biennale <strong>«</strong> Regard Bénin <strong>»</strong>, nous étions<br />
totalement présent pour la première édition. Nous allons<br />
le rester pour la <strong>de</strong>uxième édition, mais c’est déjà <strong>un</strong>e<br />
association locale qui va porter le projet en 2012.<br />
R. A. et P. R. Nous avons parlé <strong>de</strong> l’Afrique. Le peintre<br />
Chéri Samba vient <strong>de</strong> se voir refusé son visa. Comment<br />
expliquez-vous ce dysfonctionnement ?<br />
S. T.-G. Nous essayons <strong>de</strong> sensibiliser à la réalité du risque<br />
qui serait encouru en ouvrant largement nos portes à <strong>de</strong>s<br />
artistes étrangers. Pour la musique, le taux, sur les années<br />
2008-2010, d’artistes qui ont eu l’autorisation <strong>de</strong> venir<br />
en France et qui ne sont pas repartis est <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 5 %.<br />
Faut-il pour autant rendre très compliquée la vie <strong>de</strong> 95 % <strong>de</strong>s<br />
artistes ? Je pense que l’on marche sur la tête. C’est <strong>un</strong> autre<br />
dispositif qu’il faut mettre en place. Je peux comprendre<br />
que le ministère <strong>de</strong> l’Intérieur soit vigilent sur les règles<br />
d’entrée sur le territoire. Mais nous militons pour <strong>un</strong> statut<br />
<strong>de</strong> l’artiste, <strong>un</strong> visa <strong>de</strong> l’artiste, même si le visa chercheur<br />
n’est plus du tout <strong>un</strong>e garantie. C’est <strong>un</strong> sujet sur lequel<br />
nous ne pouvons qu’alerter le ministère <strong>de</strong> l’Intérieur. Nous<br />
le constatons au quotidien, les difficultés se sont encore<br />
accrues récemment.<br />
R. A. et P. R. Quel sera le processus <strong>de</strong> sélection pour<br />
l’artiste <strong>de</strong> la prochaine édition <strong>de</strong> la Biennale <strong>de</strong> <strong>Venise</strong> ?<br />
S. T.-G. C’est <strong>un</strong>e opération qui est portée en partenariat<br />
<strong>avec</strong> le ministère <strong>de</strong> la Culture, et le CNAP. La procédure<br />
est calée, <strong>avec</strong> <strong>un</strong> comité <strong>de</strong> sélection. Notre objectif est <strong>de</strong><br />
dégager <strong>un</strong> consensus sur <strong>un</strong> nom qui puisse convaincre.<br />
Nous <strong>de</strong>vons nous voir pour savoir quel type d’artistes nous<br />
souhaitons mettre en avant. Nous travaillons à <strong>un</strong> <strong>échange</strong><br />
<strong>de</strong> <strong>pavillons</strong> <strong>avec</strong> l’Allemagne, et nous choisirons <strong>de</strong>s artistes<br />
qui accepteront la règle du jeu. C’est <strong>un</strong>e donnée nouvelle.<br />
Le choix <strong>de</strong>vrait se faire fin décembre pour laisser du temps<br />
à la production, à la recherche <strong>de</strong> mécénat...<br />
R. A. et P. R. Comment expliquez-vous que pas mal<br />
d’artistes français, qui ont du succès à l’étranger, n’ont<br />
pas recours à <strong>de</strong>s ai<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’État ?<br />
S. T.-G. Je m’en réjouis. Il y a <strong>de</strong>s réseaux pour les artistes,<br />
les commissaires, les institutions... Quels sont les artistes<br />
qui réussissent ? Ce sont ceux présentés dans les gran<strong>de</strong>s<br />
foires, qui vont pouvoir accé<strong>de</strong>r aux gran<strong>de</strong>s institutions... Il<br />
y a <strong>de</strong>s créateurs qui intègrent d’emblée dans leur démarche<br />
la sphère internationale. C’est le cas <strong>de</strong> la plupart <strong>de</strong>s je<strong>un</strong>es<br />
artistes. Il faut avoir ce désir, en avoir la capacité. ❚<br />
PROPOS RECUEILLIS PAR ROXANA AZIMI ET PHILIPPE RÉGNIER
ENTRETIEN<br />
LE QUOTIDIEN DE L’ART / NUMÉRO 15 / JEUDI 27 OCTOBRE 2011<br />
PAGE<br />
03<br />
<strong>«</strong> Des extraterrestres<br />
à la conquete du mon<strong>de</strong> <strong>»</strong><br />
F A B R I C E H Y B E R , A R T I S T E<br />
En 1991, Guy Tortosa, alors<br />
responsable <strong>de</strong> la comman<strong>de</strong> publique,<br />
<strong>de</strong>mandait à <strong>un</strong> je<strong>un</strong>e artiste – Fabrice<br />
Hyber - d’intervenir à Bessines, petite<br />
comm<strong>un</strong>e <strong>de</strong> 1 600 habitants, près <strong>de</strong><br />
Niort. Nul ne pouvait alors imaginer<br />
que cette comman<strong>de</strong> allait marquer<br />
<strong>un</strong> tournant dans la carrière et la<br />
pratique <strong>de</strong> cet artiste. Longtemps<br />
laissés à l’abandon, les six petits<br />
hommes verts <strong>de</strong> 87 cm viennent<br />
d’être restaurés. Entretien <strong>avec</strong><br />
l’artiste.<br />
D. S. Quelle fut l’importance <strong>de</strong> cette<br />
comman<strong>de</strong> pour vous ?<br />
F. H. J’avais 27 ans et pour le je<strong>un</strong>e artiste que<br />
j’étais, <strong>un</strong>e comman<strong>de</strong> publique me paraissait <strong>un</strong>e chose <strong>un</strong> peu<br />
ringar<strong>de</strong>. J’associais cela aux réalisations lour<strong>de</strong>s sur les places<br />
<strong>de</strong>s villages. Immédiatement, j’ai essayé <strong>de</strong> voir quelles étaient<br />
les limites <strong>de</strong> ce système, comment je pouvais le faire dériver,<br />
presque en déplacer les termes. Naturellement, j’ai imaginé<br />
quelque chose <strong>de</strong> petit, inférieur à l’échelle humaine. Autre<br />
évi<strong>de</strong>nce, il fallait disséminer l’intervention, la répandre dans<br />
le territoire et même débor<strong>de</strong>r ce <strong>de</strong>rnier, aller au <strong>de</strong>là. Pour<br />
moi, ces petits hommes sont <strong>de</strong>s extraterrestres à la conquête<br />
du mon<strong>de</strong>. Les onze orifices (bouche, nez, oreilles, nombril…)<br />
par lequel s’écoule l’eau symbolise le flux d’information qui<br />
irrigue chac<strong>un</strong> d’entre nous, qui nous nourrit puis ressort<br />
pour revenir <strong>de</strong> nouveau dans <strong>un</strong> mouvement sans fin. Dès<br />
le départ, L’homme <strong>de</strong> Bessines me paraissait pouvoir migrer<br />
dans d’autres lieux, se répandre dans le mon<strong>de</strong> bien après les<br />
dates <strong>de</strong> la comman<strong>de</strong>. L’homme <strong>de</strong> Bessines m’accompagne<br />
désormais dans mon voyage à tra<strong>vers</strong> la planète.<br />
D. S. Pourquoi considérez-vous cette œuvre comme <strong>un</strong><br />
moment clé <strong>de</strong> votre pratique ?<br />
F. H. Cette comman<strong>de</strong> m’a indiqué que je pouvais passer à<br />
d’autres choses. À la même époque, j’ai produit le plus gros<br />
savon du mon<strong>de</strong>. L’homme <strong>de</strong> Bessines validait ma pratique, mes<br />
pensées, démontrait <strong>un</strong>e logique que j’ai ensuite explorée. Mon<br />
système apparaissait dans toute sa cohérence et sa pertinence.<br />
Je pouvais donc enchaîner <strong>avec</strong> les POF (Prototypes d’Objets en<br />
Fonctionnement), commencer à me passionner pour l’idée <strong>de</strong><br />
commerce, l’idée d’<strong>échange</strong>. Cette pièce fut aussi pour moi <strong>un</strong>e<br />
manière <strong>de</strong> désacraliser certaines caractéristiques <strong>de</strong> l’œuvre<br />
d’art : absence <strong>de</strong> socle, jeu <strong>avec</strong> le territoire, multiplication<br />
<strong>de</strong>s essais dans <strong>de</strong>s matières différentes.<br />
D. S. Est-ce pour cette raison que vous teniez à fêter<br />
l’anni<strong>vers</strong>aire <strong>de</strong> cette œuvre ?<br />
F. H. C’était le souhait <strong>de</strong> la m<strong>un</strong>icipalité.<br />
Souvent, <strong>un</strong>e œuvre n’existe que dans<br />
le moment ou elle a été faite. Or, les<br />
comman<strong>de</strong>s publiques sont souvent peu<br />
ou pas entretenues. Prenez L’Artère, réalisée<br />
à la Villette, je dois continuellement faire<br />
pression pour que le minimum d’entretien<br />
soit fait. Ce n’est pas le rôle <strong>de</strong> l’artiste !<br />
Faire exister L’homme <strong>de</strong> Bessines dans le<br />
mon<strong>de</strong> entier fut <strong>un</strong>e sorte <strong>de</strong> réponse à<br />
cela. La restauration et la remise en état <strong>de</strong><br />
cet ensemble me semblaient <strong>un</strong> geste fort<br />
qu’il fallait saluer.<br />
D. S. Combien avez-vous disséminé<br />
d’hommes <strong>de</strong> Bessines dans le mon<strong>de</strong> ?<br />
F. H. Je pense qu’il en existe entre 400 et<br />
500 aujourd’hui. Il y en a 49 à Shanghai, 69 à Lisbonne, 12 en<br />
porcelaine, <strong>de</strong>s exemplaires en bronze, certains dans le privé. Je<br />
ne tiens pas la comptabilité exacte <strong>de</strong> ces envahisseurs.<br />
D. S. Quelles sont vos actualités futures ?<br />
F. H. L’an prochain, en avril, je <strong>de</strong>vrais réinstaller les<br />
collections historiques du musée <strong>de</strong>s Beaux-Arts <strong>de</strong> Nantes<br />
dans <strong>un</strong>e chapelle le temps <strong>de</strong> leurs travaux. En septembre<br />
2012, j’ouvrirai <strong>un</strong>e vaste exposition au Palais <strong>de</strong> Tokyo<br />
autour <strong>de</strong> l’envie <strong>de</strong> montrer plus <strong>de</strong>s attitu<strong>de</strong>s que <strong>de</strong>s<br />
œuvres. Ce sera <strong>un</strong>e véritable immersion dans ma pratique.<br />
J’ai aussi <strong>un</strong> projet <strong>avec</strong> la Fondation Maeght autour <strong>de</strong> mes<br />
tableaux et <strong>un</strong> autre <strong>avec</strong> le MAC/VAL. J’y présenterai <strong>un</strong>e<br />
centaine <strong>de</strong> toiles dans lesquelles l’écriture tient <strong>un</strong> rôle<br />
essentiel. Je projetterai sur ces <strong>de</strong>rnières <strong>de</strong>s séquences, <strong>de</strong>s<br />
tentatives <strong>de</strong> POF. Ce sera assez radical, assez expérimental.<br />
D. S. Où en est ce grand projet d’école que vous vouliez créer ?<br />
F. H. Elle ouvrira en septembre 2012 à Nantes.<br />
D. S. Quel est l’objectif <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière ?<br />
F. H. Notre but est <strong>de</strong> définir les contours d’<strong>un</strong> métier<br />
qui s’invente. Nous voulons former <strong>de</strong>s gens capables <strong>de</strong><br />
consoli<strong>de</strong>r les liens entre les artistes et les entreprises. L’idéal<br />
consistait à faire <strong>un</strong>e petite école qui tourne dans différentes<br />
villes. Nous voulions également <strong>un</strong> enseignement croisé, à<br />
la fois en provenance <strong>de</strong> l’école d’art mais aussi <strong>de</strong> l’école <strong>de</strong><br />
commerce. La dizaine d’étudiants auront <strong>de</strong>s cours d’histoire<br />
<strong>de</strong> l’art, <strong>de</strong> marketing, <strong>de</strong> droit, <strong>de</strong> comm<strong>un</strong>ication, et même<br />
<strong>un</strong>e initiation aux techniques industrielles. Ils doivent aussi<br />
apprendre les législations liées aux espaces publics, aux droits<br />
<strong>de</strong>s auteurs. ❚<br />
PROPOS RECUEILLIS PAR DAMIEN SAUSSET<br />
Fabrice Hyber, L’Homme <strong>de</strong> Bessines,<br />
Bessines (Deux-Sèvres) © D. R.<br />
BESSINES, renseignements : www.mairie-bessines.fr
ENQUÊTE<br />
PAGE<br />
04<br />
LE QUOTIDIEN DE L’ART / NUMÉRO 15 / JEUDI 27 OCTOBRE 2011<br />
Découverte ou fantasme?<br />
P A R R O X A N A A Z I M I<br />
Courtesy Gilles Perrault<br />
Suivant son intime conviction, l’expert judiciaire Gilles<br />
Perrault estime <strong>de</strong>puis 1992 qu’<strong>un</strong>e sculpture en argent non<br />
signée, achetée par <strong>un</strong> marchand trois ans plus tôt au marché<br />
Paul Bert (Saint-Ouen) et vendue à <strong>un</strong> collectionneur, serait<br />
attribuable à Auguste Rodin. Dans <strong>un</strong> premier temps, il<br />
imagine que la pièce, représentant <strong>un</strong>e femme retenant <strong>un</strong><br />
tissu cachant partiellement son corps, pourrait être <strong>un</strong>e<br />
œuvre comm<strong>un</strong>e <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux artistes Rodin et Camille Clau<strong>de</strong>l.<br />
Puis il se rabat sur l’hypothèse d’<strong>un</strong>e attribution à Rodin seul.<br />
Selon lui, la sculpture daterait <strong>de</strong>s années 1880. En 1999, il<br />
présente la pièce à Antoinette Le Normand-Romain, alors<br />
conservateur en chef en charge <strong>de</strong>s sculptures au musée<br />
Rodin. <strong>«</strong> Dans l’état actuel <strong>de</strong>s connaissances sur les activités<br />
<strong>«</strong> commerciales <strong>»</strong> <strong>de</strong> Rodin, l’attribution à cet artiste ne peut<br />
absolument pas se défendre <strong>»</strong>, écrit-elle. Sans se laisser démonter<br />
par cet avis, Gilles Perrault engage en 2004 <strong>un</strong>e recherche<br />
dans les archives du musée. Trois ans plus tard, il découvre<br />
<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ssins représentant <strong>un</strong>e pose i<strong>de</strong>ntique à l’œuvre. S’ensuit<br />
<strong>un</strong>e série <strong>de</strong> présentations à différents conservateurs du<br />
musée Rodin, mais aussi à Catherine Chevillot, conservateur<br />
en chef au musée d’Orsay. Faute <strong>de</strong> preuves écrites, Gilles<br />
Perrault plonge dans la biographie <strong>de</strong> Rodin. Pour lui, cette<br />
pièce aurait été influencée par son voyage <strong>de</strong> 1875 à Florence.<br />
Elle se rapprocherait aussi <strong>de</strong> l’Ève <strong>de</strong> l’artiste. D’après lui,<br />
cette œuvre aurait été conçue dans le cadre <strong>de</strong>s avortements<br />
successifs <strong>de</strong> Camille Clau<strong>de</strong>l, élève et maîtresse <strong>de</strong> Rodin. Il<br />
y voit même <strong>un</strong>e statuette <strong>«</strong> expiatoire <strong>»</strong> montrant la faute<br />
avouée du sculpteur qui refusera toute paternité. Gilles Perrault<br />
puise enfin dans différentes œuvres <strong>de</strong> Rodin pour opérer <strong>de</strong>s<br />
parallèles stylistiques <strong>avec</strong> les Bourgeois <strong>de</strong> Calais, ou <strong>avec</strong> <strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong>ssins illustrant la même pose.<br />
Le musée Rodin ne semble guère<br />
convaincu par les éléments avancés<br />
par l’expert. <strong>«</strong> Gilles Perrault voit<br />
dans la statue ce qu’il a envie d’y<br />
voir. Il rassemble <strong>de</strong>s éléments parfois<br />
très postérieurs à l’œuvre, comme les<br />
<strong>de</strong>ssins qu’il mentionne, et pas toujours<br />
convaincants, estime Aline Magnien,<br />
responsable <strong>de</strong>s collections au musée<br />
Rodin. Les archives <strong>de</strong> Rodin sont<br />
quand même bien explorées et connues.<br />
On n’a jamais rien vu <strong>de</strong> tel dans la<br />
production <strong>de</strong> l’artiste. Il n’y a pas<br />
d’œuvre en argent dans son corpus. <strong>»</strong><br />
Et d’ajouter : <strong>«</strong> Si on découpe la pièce<br />
en petits morceaux, on peut toujours<br />
trouver <strong>de</strong>s rapprochements, mais rien<br />
qui soit vraiment probant. Pour nous,<br />
il s’agit d’<strong>un</strong>e petite Vénus pudique très<br />
comm<strong>un</strong>e, que l’on peut penser issue<br />
d’<strong>un</strong> groupe comme <strong>un</strong>e Ève chassée du Courtesy Gilles Perrault<br />
Paradis. Mais on ne peut que se perdre en<br />
conjecture. <strong>»</strong> Gilles Perrault a toutefois annoncé son souhait<br />
<strong>de</strong> mettre en place <strong>un</strong>e commission d’expertise autour <strong>de</strong> la<br />
pièce. <strong>«</strong> Les historiens <strong>de</strong> l’art ne veulent se baser que sur <strong>de</strong>s<br />
traces écrites, mais je connais le danger qu’il y a à ne se baser<br />
que sur cela, défend-il. Le propriétaire <strong>de</strong> l’œuvre voudrait offrir<br />
cette pièce au musée Rodin ou à <strong>un</strong> autre musée. Il fait <strong>de</strong> cette<br />
attribution <strong>un</strong>e question <strong>de</strong> principe. <strong>»</strong> Le mystère reste toutefois<br />
entier. ❚
BRÈVES<br />
Com<br />
Deux records mondiaux pour<br />
la collection Fabius Frères<br />
Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875), Je<strong>un</strong>e fille à la coquille et pêcheur à la<br />
coquille (détail), en marbre blanc, 1874, 140 x 74,5 cm, (hors socle).<br />
Vendu 936 750 euros © Photo : Crédit Sotheby’s<br />
PARIS, LE 26 OCTOBRE 2011 PRIX DE PHOTOGRAPHIE<br />
DE L’ACADEMIE DES BE<br />
Les <strong>de</strong>ux stars <strong>de</strong> la collection <strong>de</strong>s antiquaires Fabius<br />
Frères, dont Sotheby’s dispersait hier la première partie<br />
galerie Charpentier (Paris) en association <strong>avec</strong> Piasa, ont<br />
récolté chac<strong>un</strong>e <strong>un</strong> record mondial, dans <strong>un</strong>e salle très<br />
remplie. Je<strong>un</strong>e Fille à la coquille et Pêcheur à la coquille,<br />
<strong>un</strong> groupe taillé en marbre par Jean-Baptiste Carpeaux<br />
en 1873, <strong>de</strong>ux ans avant sa mort, pour l’Empereur et<br />
l’Impératrice Eugénie, s’est envolé pour 936 750 euros,<br />
soit le triple du précé<strong>de</strong>nt record. Éléphant, <strong>un</strong> bronze<br />
<strong>un</strong>ique <strong>de</strong> 1832 d’Antoine-Louis Barye, ayant appartenu<br />
au duc <strong>de</strong> Nemours, a atteint 756 750 euros, record<br />
mondial pour <strong>un</strong>e œuvre <strong>de</strong> l’artiste. L’acheteur <strong>de</strong> cette<br />
pièce est <strong>un</strong> Français, Didier Coustaury, heureux d’avoir<br />
acquis <strong>«</strong> le fleuron <strong>de</strong> [sa] collection sur Barye <strong>»</strong>. Cette<br />
première session a totalisé 6,9 millions d’euros. Elle se<br />
poursuit cet après-midi.<br />
n’a pas varié <strong>de</strong>puis que je porte<br />
sans exotisme, <strong>un</strong>e exploration q<br />
surtout sans empathie ce qui PAGE ici n<br />
d’avenir, <strong>un</strong> travail <strong>de</strong> mémoire an<br />
LE QUOTIDIEN DE L’ART / NUMÉRO 15 / JEUDI 27 OCTOBRE 2011<br />
05<br />
Françoise Huguier primée<br />
par l’Académie <strong>de</strong>s beaux-arts<br />
© Cyril Zannettacci<br />
Françoise Huguier © Cyril Zannettacci<br />
Pour sa sixième édition, le prix <strong>de</strong> photographie <strong>de</strong> l’Académie<br />
<strong>de</strong>s beaux-arts - Marc Ladreit <strong>de</strong> Lacharrière a été décerné<br />
hier à Françoise Huguier (née en 1942). Étu<strong>de</strong> en huis clos<br />
<strong>de</strong>s classes moyennes <strong>de</strong>s trois capitales du sud-est asiatique,<br />
<strong>«</strong> Vertical/Horizontal, Intérieur/Extérieur. Singapour – Kuala<br />
Lumpur - Bangkok "Middle classes" en Asie du Sud-Est à<br />
l’aube du XXI e siècle <strong>»</strong> poursuit ses étu<strong>de</strong>s autour du mon<strong>de</strong>,<br />
après <strong>de</strong> nombreux travaux sur le continent africain.<br />
Deux Picasso retrouvés<br />
Françoise<br />
indépend<br />
en 1976 a<br />
français.<br />
cinéma, d<br />
France qu<br />
Gran<strong>de</strong> v<br />
<strong>de</strong>s travaux personnels sur l’Afriq<br />
<strong>de</strong>ux reprises, <strong>de</strong> la Villa Médicis<br />
fantôme, sur les pas <strong>de</strong> Michel Le<br />
d’<strong>un</strong> voyage solitaire en Sibérie (P<br />
créer, en 1994, la première Bienn<br />
longue incursion dans le doma<br />
Pétersbourg afin <strong>de</strong> travailler sur<br />
en 2008 <strong>un</strong> ouvrage ainsi qu’<strong>un</strong> fil<br />
En 2004, elle retourne pour la pre<br />
l’ouvrage J’avais huit ans retrace l<br />
Les nombreux livres <strong>de</strong> Françoise<br />
L’<strong>un</strong>ion Européenne se<br />
mobilise pour Pompéi<br />
Suite aux nombreux écroulements sur le site antique <strong>de</strong><br />
Pompéi (dont les <strong>de</strong>rniers datent <strong>de</strong> cette semaine), le<br />
commissaire européen Johannes Hahn a confirmé hier le<br />
déblocage <strong>de</strong> 105 millions d’euros par l’Union Européenne<br />
en faveur <strong>de</strong> la sauvegar<strong>de</strong> du site archéologique. Le<br />
ministre <strong>de</strong>s biens culturels italien, Giancarlo Galan,<br />
a profité <strong>de</strong> cette nouvelle pour annoncer l’arrivée<br />
prochaine <strong>de</strong> vingt spécialistes, parmi lesquels <strong>de</strong>s<br />
archéologues et <strong>de</strong>s architectes, qui statueront sur les<br />
dépenses prioritaires à effectuer.<br />
Les <strong>de</strong>ux toiles <strong>de</strong> Picasso retrouvées, à gauche Tête <strong>de</strong> cheval, <strong>de</strong> 1962,<br />
à droite Verre et pichet, <strong>de</strong> 1944.<br />
Le chef <strong>de</strong> la police serbe, Milorad Veljovic, a annoncé hier la<br />
découverte en Serbie <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux tableaux <strong>de</strong> Picasso. Estimés 3,1<br />
millions d’euros, la Tête <strong>de</strong> cheval, datée <strong>de</strong> 1962, et Verre et<br />
pichet, <strong>de</strong> 1944, avaient été dérobés en février 2008 en Suisse,<br />
lors <strong>de</strong> leur prêt à <strong>un</strong>e galerie à Pfäffikon (dans la région <strong>de</strong><br />
Zurich) par le Sprengel Museum d’Hanovre, en Allemagne.<br />
Rectificatif<br />
Dans la brève portant sur le nouvel hippodrome <strong>de</strong><br />
Longchamp, <strong>de</strong> notre édition du mercredi 26 octobre, les<br />
travaux sont estimés à <strong>«</strong> environ 80 millions d’euros <strong>»</strong>.
EXPOSITION<br />
PAGE<br />
06<br />
LE QUOTIDIEN DE L’ART / NUMÉRO 15 / JEUDI 27 OCTOBRE 2011<br />
Gisèle Fre<strong>un</strong>d,<br />
photographe à la lettre<br />
P A R N A T A C H A W O L I N S K I<br />
Colette au foulard rouge, Joyce scrutant à la loupe<br />
<strong>un</strong> livret, Gi<strong>de</strong> sommeillant sous le masque mortuaire<br />
<strong>de</strong> Leopardi : ces portraits d’écrivains sont entrés dans<br />
l’histoire. Une exposition à la Fondation Pierre Bergé-Yves<br />
Saint Laurent rend hommage à leur auteur, Gisèle Fre<strong>un</strong>d.<br />
Il ne s’agit pas d’<strong>un</strong>e rétrospective mais d’<strong>un</strong> éclairage<br />
sur les années 1933-40, pério<strong>de</strong> fructueuse où <strong>un</strong>e je<strong>un</strong>e<br />
sociologue alleman<strong>de</strong>, réfugiée à Paris, <strong>de</strong>vient photographe<br />
et portraiture la crème <strong>de</strong> l’intelligentsia européenne.<br />
L’exposition a pour commissaires Olivier Corpet, directeur<br />
<strong>de</strong> l’Institut Mémoires <strong>de</strong> l’édition contemporaine (IMEC)<br />
qui a reçu en dépôt les archives <strong>de</strong> Gisèle Fre<strong>un</strong>d disparue<br />
en 2000, et Catherine Thieck, directrice <strong>de</strong> la galerie <strong>de</strong><br />
France qui a exposé à plusieurs reprises la photographe.<br />
L’accrochage présente quelques rares images <strong>de</strong> reportage,<br />
mais se concentre surtout sur cette extraordinaire série<br />
<strong>de</strong> visages d’écrivains qui a fait la renommée <strong>de</strong> Gisèle<br />
Fre<strong>un</strong>d et lui a valu, en 1981, <strong>de</strong> réaliser le portrait officiel<br />
<strong>de</strong> François Mitterrand. Elle avait 73 ans et <strong>de</strong>vait sourire<br />
<strong>de</strong> cette reconnaissance tardive, car dans les années 1930,<br />
il fallait être culottée pour convaincre Malraux, Breton<br />
ou Montherlant <strong>de</strong> subir l’épreuve <strong>de</strong> la photo couleur,<br />
assimilée à cette époque à <strong>de</strong> l’imagerie publicitaire.<br />
Alors que le glas <strong>de</strong>s pellicules Kodachrome a sonné, Gisèle<br />
Fre<strong>un</strong>d a été l’<strong>un</strong>e <strong>de</strong>s premières à utiliser ce film en 1938.<br />
Elle se déplaçait chez les écrivains, qu’elle contactait grâce<br />
à la complicité <strong>de</strong> ses amies libraires Adrienne Monnier<br />
et Sylvia Beach. Elle trouvait parfois dans l’alignement<br />
d’<strong>un</strong>e bibliothèque ou le chaos d’<strong>un</strong> bureau l’écho d’<strong>un</strong>e<br />
personnalité, mais préférait le plus souvent cadrer <strong>de</strong> près<br />
les visages. Les modèles ne s’en remettaient pas toujours.<br />
Lors d’<strong>un</strong>e projection le 5 mars 1939, dans la librairie<br />
<strong>«</strong> Shakespeare and Co <strong>»</strong>, Mauriac s’écrie : <strong>«</strong> pourquoi ne<br />
m’avez-vous pas photographié vingt ans plus tôt <strong>»</strong>, et Sartre<br />
lâche : <strong>«</strong> Nous avons tous l’air <strong>de</strong> revenir <strong>de</strong> la guerre <strong>»</strong>.<br />
En 1940, Gisèle Fre<strong>un</strong>d l’exilée repart sur les routes sinistrées<br />
du mon<strong>de</strong> et ne trouvera que bien plus tard les moyens<br />
<strong>de</strong> tirer ses images sur papier. En 1977, à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> du<br />
marchand Harry L<strong>un</strong>n, elle réalise trente portfolios <strong>de</strong> dix<br />
portraits dye-transfer. Très recherchés aujourd’hui, ils ne<br />
circulent jamais complets. Démantelés, ils per<strong>de</strong>nt beaucoup<br />
<strong>de</strong> valeur, puisqu’<strong>un</strong> beau tirage dye-transfer <strong>de</strong> Cocteau ou<br />
<strong>de</strong> Sartre n’excè<strong>de</strong> pas 5 500 euros à la galerie Lucie Weill &<br />
Seligmann qui les présente cet automne. Aux cimaises, les<br />
portraits <strong>de</strong> Gisèle Fre<strong>un</strong>d semblent pourtant inestimables.<br />
Benjamin est pensif, Zweig malicieux et Clau<strong>de</strong>l furibond.<br />
Derrière les ri<strong>de</strong>s et le grain <strong>de</strong> la peau, Gisèle Fre<strong>un</strong>d a<br />
capté la vérité intime <strong>de</strong> ces génies préoccupés <strong>de</strong> légen<strong>de</strong>. ❚<br />
Gisèle Fre<strong>un</strong>d, Jean Cocteau, Paris, 1939, épreuve dye-transfer couleurs,<br />
(portfolio édité par Harry L<strong>un</strong>n en 1977), 30 x 20,5 cm, fonds Gisèle<br />
Fre<strong>un</strong>d, IMEC / Fonds MCC. © Gisèle Fre<strong>un</strong>d / IMEC / Fonds MCC.<br />
GISÈLE FREUND, L’OEIL FRONTIÈRE, Paris 1933-1940, jusqu’au<br />
29 janvier 2012, Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, 5 avenue<br />
Marceau, 75116 Paris, tél. 01 44 31 64 31, www.fondation-pb-ysl.net<br />
GISÈLE FREUND, PORTRAITS D’ARTISTES, galerie Lucie Weill &<br />
Seligmann, du 4 novembre 2011 au 29 janvier 2012, 6 rue Bonaparte,<br />
75006 Paris, tél. 01 43 54 71 95, www.galerie-lws.com<br />
Gisèle Fre<strong>un</strong>d. L’oeil frontière. Paris 1933-1940, collectif, coédition IME /<br />
éditions <strong>de</strong> la RMN et du Grand Palais, 220 p., 80 illustrations, 50 euros.<br />
ISBN: 978-2-7118-5924-5<br />
Des inédits bientôt<br />
accessibles<br />
Les archives <strong>de</strong> Gisèle Fre<strong>un</strong>d comprennent<br />
1 600 négatifs noir et blanc et leurs planches-contacts,<br />
8 200 diapositives, 1 200 tirages originaux n&b<br />
et couleurs, ainsi que <strong>de</strong>s manuscrits et <strong>de</strong> la<br />
correspondance. 800 images seront numérisées d’ici<br />
fin 2012 par l’Imec, en partenariat <strong>avec</strong> la RMN. Après<br />
réflexion, il a été décidé que <strong>de</strong>s images inédites ou peu<br />
connues seraient diffusées, comme ces portraits avant<br />
recadrage ou <strong>de</strong>s <strong>vers</strong>ions couleurs <strong>de</strong> portraits que l’on<br />
connaissait en noir & blanc. ❚
DÉCODAGE<br />
PAGE<br />
07<br />
LE QUOTIDIEN DE L’ART / NUMÉRO 15 / JEUDI 27 OCTOBRE 2011<br />
Vibrations cinétiques<br />
P A R R O X A N A A Z I M I<br />
En déroutant les habitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> regard par <strong>de</strong>s<br />
superpositions <strong>de</strong> trames ou <strong>de</strong>s vibrations lumineuses,<br />
l’art cinétique ou optique prétendait changer le mon<strong>de</strong>,<br />
du moins nos habitu<strong>de</strong>s perceptives. Le programme du<br />
Groupe <strong>de</strong> Recherche en Art Visuel (GRAV), regroupant<br />
en 1960 <strong>de</strong>s artistes comme François Morellet, Yvaral<br />
ou Julio Le Parc, se présentait d’ailleurs comme <strong>un</strong><br />
projet sociétal. <strong>«</strong> Nous voulons sortir le spectateur <strong>de</strong><br />
sa dépendance apathique qui lui fait accepter d’<strong>un</strong>e façon<br />
passive, non seulement ce qu’on lui impose comme art, mais<br />
tout <strong>un</strong> système <strong>de</strong> vie <strong>»</strong>, tonnait leur manifeste. De fait,<br />
les œuvres cinétiques provoquent chez le spectateur <strong>un</strong>e<br />
fascination hypnotique, mêlant plaisir et inconfort. Bien<br />
souvent, elles ne peuvent se regar<strong>de</strong>r qu’<strong>avec</strong> parcimonie.<br />
<strong>«</strong> Le Op ne tiendra pas, parce que les collectionneurs ne<br />
peuvent profiter <strong>de</strong> leurs tableaux ; ils sont obligés <strong>de</strong> tourner<br />
les toiles <strong>vers</strong> le mur pour échapper au mal <strong>de</strong> mer <strong>»</strong>, aurait<br />
même déclaré l’artiste Marcel Duchamp !<br />
Mis en exergue dans l’exposition <strong>«</strong> Le Mouvement <strong>»</strong><br />
organisée en 1955 par la galeriste Denise René, ces<br />
créateurs ont certes connu <strong>un</strong> long purgatoire. Mais<br />
<strong>de</strong>puis quelques années, ils se rappellent à notre bon<br />
souvenir. <strong>«</strong> Il y a eu <strong>un</strong>e surexposition <strong>de</strong> ces artistes dans<br />
les années 1960 jusqu’en 1970-71. L’art cinétique-optique<br />
arrivait en bout <strong>de</strong> course, il y avait <strong>un</strong> essoufflement <strong>de</strong>s<br />
artistes initiateurs, rappelle l’historien <strong>de</strong> l’art Matthieu<br />
Poirier. On a assimilé le cinétisme à <strong>un</strong> système gigotant.<br />
C’est <strong>un</strong> non-sens, on n’est pas dans la mystification. Au<br />
contraire, ces artistes voulaient montrer qu’il est faux <strong>de</strong><br />
penser le réel comme <strong>un</strong>e image. La redécouverte s’est faite<br />
<strong>avec</strong> <strong>un</strong>e je<strong>un</strong>e génération <strong>de</strong> plasticiens comme Carsten<br />
Höller, Ann Veronica Janssens ou Olafur Eliasson. Il y a <strong>un</strong><br />
revival <strong>de</strong>s questions perceptuelles et phénoménologiques. <strong>»</strong><br />
Le hasard fait parfois bien les choses. Deux<br />
galeries, Lahumière et Lansberg, ont choisi d’orchestrer<br />
simultanément <strong>de</strong>ux rétrospectives autour du Hongrois<br />
Victor Vasarely, respectivement jusqu’au 30 décembre<br />
et jusqu’au 19 novembre. Lansberg, qui présente <strong>un</strong>e<br />
vingtaine <strong>de</strong> pièces concentrées plutôt sur les années<br />
1950-60, affiche <strong>de</strong>s prix s’échelonnant <strong>de</strong> 80 000 à<br />
700 000 euros. Au menu notamment <strong>un</strong> tableau prêté<br />
par le collectionneur suisse Jean-Clau<strong>de</strong> Gandur, Altai III,<br />
que celui-ci avait acquis pour 565 000 livres sterling<br />
en 2010 chez Sotheby’s. <strong>«</strong> Depuis quatre à cinq ans, le<br />
marché a repris. Ses prix ont quadruplé, constate Maurice<br />
Lansberg. Les gens ont redécouvert Vasarely, le regard sur<br />
lui a changé. <strong>»</strong> Voilà <strong>de</strong>ux ans, la galerie Lahumière avait<br />
présenté <strong>un</strong> solo show <strong>de</strong> l’artiste à la Foire <strong>de</strong> Bâle <strong>avec</strong><br />
<strong>un</strong> succès non négligeable. <strong>«</strong> Maintenant, il attire <strong>de</strong><br />
nouveaux collectionneurs qui n’ont pas connu sa profusion<br />
d’images <strong>»</strong>, remarque la galeriste.<br />
Altaï III, 1955/58, Peinture sur toile, 164 x 133 cm,<br />
Fondation Gandur pour l’Art, Genève. Courtesy Galerie Lansberg<br />
Le regard a tellement évolué qu’en 2009, la<br />
galerie d’art contemporain berlinoise Max Hetzler a<br />
présenté Jesús Rafaël Soto. <strong>«</strong> Les gens ont beaucoup aimé,<br />
surtout les artistes <strong>»</strong>, confie Samia Saouma, <strong>de</strong> chez Max<br />
Hetzler. On peut d’ailleurs imaginer que l’Impénétrable<br />
<strong>de</strong> Mona Hatoum ait été influencé par Soto… De son<br />
côté, Bugada & Cargnel expose jusqu’au 5 novembre les<br />
œuvres anciennes <strong>de</strong> Julio Le Parc. <strong>«</strong> Julio est <strong>un</strong> faiseur<br />
<strong>de</strong> troubles pas <strong>un</strong>iquement perceptifs, ce qui le met dans la<br />
même lignée que les autres artistes <strong>de</strong> la galerie. Il m’a donné<br />
<strong>un</strong> coup <strong>de</strong> je<strong>un</strong>e <strong>»</strong>, souligne Claudia Cargnel. Acheté<br />
par la collectionneuse vénézuélienne Ella Cisneros et<br />
la Fondation Daros, qui possè<strong>de</strong> l’<strong>un</strong> <strong>de</strong>s plus grands<br />
ensembles <strong>de</strong> ses œuvres, l’artiste argentin a aussi rejoint<br />
les collections du Hirshhorn Museum and Sculpture<br />
Gar<strong>de</strong>n à Washington et du MOCA <strong>de</strong> Los Angeles. Le<br />
Parc a aussi les honneurs <strong>de</strong> l’exposition <strong>«</strong> Erre <strong>»</strong> au<br />
Centre Pompidou-Metz. D’où <strong>de</strong>s prix déjà conséquents,<br />
entre 260 000 et 690 000 euros. De quoi tordre le coup<br />
à la prophétie duchampienne… ❚<br />
http://bugadacargnel.com<br />
www.galerie-lansberg.com<br />
www.lahumiere.com
GENÈVE<br />
LE QUOTIDIEN DE L’ART / NUMÉRO 15 / JEUDI 27 OCTOBRE 2011<br />
PAGE<br />
08<br />
<strong>«</strong><br />
Les amateurs veulent du rare <strong>»</strong><br />
P A R A L E X A N D R E C R O C H E T<br />
Trois questions à François De Jonckheere<br />
(Galerie De Jonckheere), spécialiste en peinture<br />
flaman<strong>de</strong><br />
A. C. Pourquoi avoir inauguré, le 20 octobre, <strong>un</strong>e nouvelle<br />
galerie dans la vieille ville <strong>de</strong> Genève, en plus <strong>de</strong> votre adresse<br />
parisienne, Faubourg Saint Honoré ?<br />
F. D. J. Nous étions installés à Bruxelles, où nous avions aussi<br />
<strong>un</strong>e maison <strong>de</strong> ventes, que nous avons cédée à Pierre Bergé<br />
& Associés. Nous avions du coup moins <strong>de</strong> raison d’y rester.<br />
De grands marchands dans notre domaine se trouvaient déjà<br />
à Londres. Genève offre entre autres avantages celui d’être<br />
à proximité d’<strong>un</strong> port franc. Nous avons repris l’espace du<br />
regretté Jacques Benador, qui fut le premier à exposer Cy<br />
Twombly en Europe. Il est situé à côté <strong>de</strong> Christie’s et fait 350<br />
m 2 . Notre documentation – plus <strong>de</strong> 10 000 ouvrages – a été<br />
transférée ici, où travaille désormais notre historienne, Alice<br />
Frech, directrice <strong>de</strong> la galerie.<br />
A. C. Quel est votre programme ?<br />
F. D. J. Auparavant, nous faisions jusqu’à treize salons par an.<br />
L’idée est <strong>de</strong> nous concentrer maintenant sur le nouveau salon<br />
Paris Tableau à Paris (du 4 au 8 novembre, ndlr), Maastricht<br />
et la Biennale <strong>de</strong>s Antiquaires <strong>de</strong> Paris, sans oublier celle<br />
<strong>de</strong> Florence. Et <strong>de</strong> faire <strong>un</strong>e gran<strong>de</strong> exposition d’automne à<br />
Genève, en contrepoint <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> Paris, qui se déroule au<br />
printemps. Celle d’ouverture ré<strong>un</strong>it <strong>de</strong>s œuvres <strong>de</strong> Corneille <strong>de</strong><br />
Lyon, Hendrick Avercamp, Hans<br />
Bol, Simon <strong>de</strong> Myle…<br />
A. C. Quelles sont les tendances<br />
dans votre spécialité par ces<br />
temps <strong>de</strong> crise financière ?<br />
F. D. J. J’observe l’arrivée <strong>de</strong><br />
nouveaux clients venus pour<br />
certains <strong>de</strong> l’art contemporain.<br />
Autrefois, nous vendions en<br />
moyenne 200 tableaux par an,<br />
aujourd’hui, la moitié, mais <strong>de</strong><br />
plus grosses pièces sur lesquelles se<br />
concentrent les collectionneurs,<br />
d’où <strong>un</strong> chiffre d’affaires en hausse. Cranach, Brueghel sont <strong>de</strong><br />
plus en plus recherchés, <strong>avec</strong> <strong>de</strong>s prix en hausse <strong>de</strong>puis quatre<br />
à cinq ans. Alors qu’autrefois je peinais à trouver <strong>de</strong>s acheteurs<br />
pour <strong>de</strong>s œuvres <strong>un</strong> peu difficiles, <strong>de</strong>s sujets religieux <strong>de</strong>s XV e et<br />
XVI e siècles, il y a maintenant <strong>un</strong>e liste d’attente ! Ce qui était<br />
plus commercial - <strong>un</strong>e jolie nature morte - est plus compliqué<br />
à vendre. Les amateurs veulent <strong>de</strong> l’important, du rare, <strong>de</strong><br />
l’indiscutable. ❚<br />
MIROIR D’UN CABINET D’AMATEUR, jusqu’au 23 décembre, Galerie<br />
De Jonckeere, 7, rue <strong>de</strong> l’Hôtel <strong>de</strong> Ville, 1204 Genève.<br />
Tél. : +41 22 310 80 80, www.<strong>de</strong>jonckheere-gallery.com<br />
Georges et François (en haut)<br />
De Jonckheere. © D R<br />
<strong>«</strong> tout se passe dans les salons <strong>»</strong><br />
P A R A L E X A N D R E C R O C H E T<br />
Trois questions à Jacques <strong>de</strong> la Béraudière<br />
Spécialiste en peinture mo<strong>de</strong>rne<br />
A. C. Vous avez quitté Paris en janvier 2009 pour vous<br />
installer au cœur <strong>de</strong> la vieille ville <strong>de</strong> Genève, êtes-vous<br />
heureux <strong>de</strong> ce changement ?<br />
J. D. B. Je ne regrette pas d’être venu pour la paix royale. La vie<br />
ici est très calme, très agréable. L’administration formidable<br />
vous considère <strong>avec</strong> égards quand vous restez dans les clous<br />
et que vous payez vos impôts, contrairement à Paris, où l’on<br />
est toujours soupçonné <strong>de</strong> tous les maux. Du point <strong>de</strong> vue<br />
économique, si Genève possè<strong>de</strong> <strong>un</strong> grand nom, elle reste <strong>un</strong>e<br />
petite ville où les milieux ne se mélangent pas. Même l’art ne<br />
réussit pas à faire le lien. Il faut prendre les gens par la main<br />
pour qu’ils entrent dans la galerie. Le Parisien est plus curieux.<br />
En définitive, je vois plus <strong>de</strong> Genevois quand j’expose à la Tefaf<br />
à Maastricht !<br />
A. C. Etre basé à Genève présente-t-il <strong>de</strong>s atouts pour les<br />
ventes ?<br />
J. D. B. Le commerce a beaucoup évolué. Tout se passe<br />
aujourd’hui au tra<strong>vers</strong> <strong>de</strong>s salons<br />
comme ceux auxquels je participe, Bâle,<br />
Maastricht, la Biennale <strong>de</strong>s Antiquaires à<br />
Paris… Donc cela ne change pas tellement<br />
d’être installé à Paris, Genève ou ailleurs.<br />
Je bénéficie en outre, à Genève, <strong>de</strong> la<br />
présence <strong>de</strong> comm<strong>un</strong>autés très actives,<br />
<strong>avec</strong> <strong>de</strong>s clients libanais, argentins…<br />
A. C. Quels sont vos projets immédiats ?<br />
J. D. B. Je prépare <strong>un</strong>e exposition sur<br />
la photographie du début du XX e siècle<br />
dans le cadre <strong>de</strong> la manifestation <strong>«</strong> Art en Vieille-Ville <strong>»</strong> (qui<br />
regroupe seize galeries d’art et antiquités, ndlr). Je pars bientôt<br />
à New York, à l’Armory. ❚<br />
EXPOSITION PHOTOS D’AVANT-GUERRE D’ATGET À KERTÉSZ,<br />
du 10 novembre 2011 au 27 janvier 2012. Galerie Jacques <strong>de</strong> la Béraudière,<br />
2, rue Etienne-Dumont, 1204 Genève. Tél. : +41 22 310 475,<br />
www.<strong>de</strong>laberaudiere.ch<br />
Jacques <strong>de</strong> la<br />
Beraudière. © D R
EXPOSITION<br />
LE QUOTIDIEN DE L’ART / NUMÉRO 15 / JEUDI 27 OCTOBRE 2011<br />
PAGE<br />
09<br />
L’art indien sort <strong>de</strong> l’anonymat<br />
P A R S A R A H H U G O U N E N Q<br />
Farrukh Beg, Un sage Sufi, d’après la personnification <strong>de</strong> la mélancholie,<br />
à l’européenne. Cour Mughal , Agra, 1615, gouache,<br />
encre et or sur papier, 19.4 x 14.1 cm, Musée d’art islamique, Doha,<br />
© Met, New York<br />
Payag (peintre) et Mir’ Ali (calligraphe), Shah Jahan Riding Stallion, from<br />
the Kevorkian, Cour Mughal, Agra, 1628, gouache et or sur papier,<br />
28.2 x 20.8 cm, Metropolitan Museum of Art, New York © Met, New York<br />
Présenter les peintres et non plus la peinture<br />
indienne : tel est le propos <strong>de</strong> <strong>«</strong> Won<strong>de</strong>r of the Age :<br />
Master Painters of India <strong>»</strong>, présentée actuellement au<br />
Metropolitan Museum of Art <strong>de</strong> New York. <strong>«</strong> L’exposition<br />
défie la pensée comm<strong>un</strong>e qui célèbre l’anonymat <strong>de</strong><br />
l’art indien. Elle met en exergue la manière dont les<br />
spécialistes peuvent révéler l’i<strong>de</strong>ntité d’artistes individuels<br />
et <strong>de</strong> leur travail. <strong>»</strong>, affirme John Guy, commissaire <strong>de</strong><br />
l’exposition. Aboutissement <strong>de</strong> nombreuses années<br />
<strong>de</strong> recherche, cette exposition offre aussi l’occasion<br />
d’élargir le spectre <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s. <strong>«</strong> Nombre <strong>de</strong>s attributions<br />
que nous présentons ici sont basées sur <strong>de</strong>s jugements<br />
experts, et sont ouvertes à <strong>un</strong>e remise en cause critique et<br />
analytique <strong>»</strong>, poursuit le commissaire.<br />
Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la somptuosité<br />
COMMISSARIAT :<br />
Jorrit Britschgi, conservateur au<br />
Musée Rietberg, Zurich, Suisse.<br />
John Guy, conservateur au<br />
Metropolitan Museum of Art, New<br />
York, États-Unis<br />
e t <strong>de</strong> la f inesse d’<strong>un</strong>e<br />
réalisation prolifique et<br />
métissée, ces peintures<br />
indiennes du XII e au XX e<br />
siècles posent la question<br />
<strong>de</strong> la signature et <strong>de</strong> la<br />
position sociale <strong>de</strong> l’exécuteur. Dans le contexte d’<strong>un</strong>e<br />
peinture séculaire, ce <strong>de</strong>rnier se considère comme <strong>un</strong><br />
artisan reprenant <strong>un</strong>e iconographie établie. Ce sont<br />
L’exposition défie la pensée comm<strong>un</strong>e<br />
qui célèbre l’anonymat <strong>de</strong> l’art indien<br />
pourtant plus <strong>de</strong> quarante artiste-peintres singuliers<br />
qui sont ici nommés, dont beaucoup pour la première<br />
fois.<br />
L’exposition, qui fut montée au musée Rietberg à Zurich<br />
dans le cadre d’<strong>un</strong> partenariat <strong>avec</strong> le Metropolitain,<br />
comprend quelques <strong>de</strong>ux cents peintures provenant <strong>de</strong>s<br />
plus gran<strong>de</strong>s collections internationales, dont le musée<br />
Guimet à Paris. ❚<br />
WONDER OF THE AGE : MASTER PAINTERS OF INDIA, 1100-1900,<br />
jusqu’au 8 janvier 2012, Metropolitan Museum of Art, 5th avenue/82nd<br />
street, New York, www.metmuseum.org
POLITIQUE CULTURELLE<br />
Coup d’envoi <strong>de</strong> la<br />
conférence générale<br />
<strong>de</strong> l’Unesco<br />
P A R S A R A H H U G O U N E N Q<br />
BRÈVES<br />
Giulio Malgara écarté<br />
<strong>de</strong> la prési<strong>de</strong>nce<br />
<strong>de</strong> la Biennale <strong>de</strong> <strong>Venise</strong><br />
PAGE<br />
10<br />
La commission culturelle du parlement italien a voté hier<br />
contre la nomination <strong>de</strong> Giulio Malgara à la prési<strong>de</strong>nce<br />
<strong>de</strong> la Biennale <strong>de</strong> <strong>Venise</strong>. Ce vote met fin à la polémique<br />
qui avait suivi l’annonce <strong>de</strong> cette arrivée dans la lag<strong>un</strong>e<br />
du fondateur d’Auditel, <strong>un</strong>e entreprise d’étu<strong>de</strong> média,<br />
et proche <strong>de</strong> Silvio Berlusconi. Alors que le ministre<br />
<strong>de</strong>s biens culturels italien, Giancarlo Galan, s’est dit<br />
<strong>«</strong> très satisfait <strong>»</strong> <strong>de</strong> ce résultat, l’opposition dénonce<br />
<strong>«</strong> l’échec <strong>»</strong> <strong>de</strong> la politique du ministre. Le mandat <strong>de</strong><br />
l’actuel prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la fondation vénitienne, Paolo<br />
Baratta, se termine en décembre.<br />
L’architecture française<br />
choisie à Taïwan<br />
© Unesco / Studio A<strong>de</strong>line Rispal / Photo Luc Boegly,<br />
Permanent exhibition Open Unesco<br />
La Conférence générale <strong>de</strong> l’Unesco s’est ouverte le 25<br />
octobre à Paris sous la prési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> l’Hongroise Katalina<br />
Bogyay. Sur fond <strong>de</strong> contexte économique houleux, la<br />
Directrice générale <strong>de</strong> l’organisme, Irina Bokova, a évoqué<br />
la nécessité <strong>de</strong> développer les coopérations multilatérales.<br />
<strong>«</strong> Il ne suffit pas <strong>de</strong> nous connecter, nous <strong>de</strong>vons partager<br />
<strong>»</strong>, a-t-elle déclaré lors <strong>de</strong> la cérémonie d’ouverture. Une<br />
volonté semblable a été exprimée par Katalina Bogyay<br />
: <strong>«</strong> J’ai toujours tenu à faire passer le même message :<br />
nous <strong>de</strong>vons apprendre à comm<strong>un</strong>iquer. (…) Mon travail<br />
<strong>de</strong> diplomate culturel consiste à faire comprendre que ce<br />
n’est pas suffisant <strong>de</strong> seulement parler et écouter <strong>»</strong>. Elle a<br />
ainsi rappelé que la culture, les sciences et l’éducation<br />
forment la base <strong>de</strong> toute construction pacifique. De<br />
fait, cette 36 e session, organisée jusqu’au 10 novembre,<br />
s’attachera particulièrement aux thèmes <strong>de</strong> la paix et du<br />
développement durable.<br />
Parmi les grands moments attendus <strong>de</strong> cette conférence,<br />
la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’adhésion à l’Unesco <strong>de</strong> la Palestine <strong>de</strong>vrait<br />
faire grand bruit, à quelques semaines du rejet <strong>de</strong> sa<br />
candidature à l’ONU. La date <strong>de</strong> discussion <strong>de</strong> ce sujet<br />
n’est pas encore fixée, l’équipe <strong>de</strong> la prési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>vant se<br />
ré<strong>un</strong>ir à huis clos <strong>de</strong>main pour en arrêter le calendrier. La<br />
séance plénière du mercredi 2 novembre constituera <strong>un</strong><br />
autre temps fort <strong>de</strong> l’événement. L’occasion <strong>de</strong> célébrer<br />
le dixième anni<strong>vers</strong>aire <strong>de</strong> la Déclaration Uni<strong>vers</strong>elle <strong>de</strong><br />
l’Unesco sur la di<strong>vers</strong>ité culturelle. ❚<br />
Projet <strong>de</strong> Catherine Mosbach et Philippe Rahm<br />
pour le parc <strong>de</strong> Taich<strong>un</strong>g, à Taïwan © D. R.<br />
Le concours international pour la conception d’<strong>un</strong><br />
parc à Taïwan, dans la ville <strong>de</strong> Taich<strong>un</strong>g, a été remporté<br />
hier par les architectes français Catherine Mosbach et<br />
Philippe Rahm, qui ont convaincu le jury présidé par<br />
Charles Waldheim, professeur à l’<strong>un</strong>i<strong>vers</strong>ité d’Harvard<br />
aux États-Unis. L’originalité <strong>de</strong> leur projet rési<strong>de</strong><br />
dans l’intégration qu’il fait <strong>de</strong> l’idée <strong>de</strong> changement<br />
climatique au sein <strong>de</strong> ces 67 hectares. Cette réalisation<br />
s’inscrit dans <strong>un</strong> complexe qui comprend <strong>un</strong> centre<br />
culturel, <strong>un</strong>e cité du cinéma et <strong>de</strong>s terrains <strong>de</strong> sport.