Télécharger la revue - Ãglise Catholique d'Algérie
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méditation<br />
Algérie, <strong>la</strong> mal-aimée <br />
Depuis de trop nombreuses années revient cette<br />
question : mais pourquoi donc l’Algérie est-elle si<br />
mal aimée <br />
C’est vrai, un lourd passé de défiance pèse sur les<br />
épaules de ce peuple, de <strong>la</strong> guerre de libération à <strong>la</strong><br />
trop fameuse « décennie noire » des années 1990.<br />
Tandis qu’en France, <strong>la</strong> campagne des présidentielles<br />
a parfois pris comme<br />
otages électoraux les<br />
émigrés dont bon nombre<br />
sont algériens, ici le pays<br />
se ressent des soubresauts<br />
du « printemps arabe »,<br />
et est inquiété à ses<br />
frontières par <strong>la</strong> crise que<br />
connaît le Mali. La vie<br />
continue, chère, incertaine<br />
et sans trop d’illusions sur<br />
l’avenir. Et on peut alors se<br />
demander : l’Algérie estelle<br />
aimée d’elle-même <br />
Vue de l’extérieur, l’Église d’Algérie porte elle aussi<br />
les stigmates de cette question : on <strong>la</strong> croit souvent<br />
insécurisée, voire persécutée, comme ce<strong>la</strong> a pu être le<br />
cas pendant <strong>la</strong> décennie noire. Il est vrai qu’elle n’est<br />
pas <strong>la</strong> bienvenue dans certains milieux, mais ce<strong>la</strong> ne<br />
lui est pas spécifique.<br />
Il y a deux ans, j’étais au Congo RDC, dans <strong>la</strong> région des<br />
Grands Lacs. Un jeune confrère m’a demandé avec<br />
inquiétude si je me sentais « en sécurité » en Algérie.<br />
J’étais stupéfait : nous étions dans une des régions<br />
de l’Afrique où <strong>la</strong> violence est endémique, quasi<br />
quotidienne ; on venait d’y assassiner un prêtre.<br />
Nos familles ou nos amis qui envisagent de nous<br />
rendre visite se voient parfois affublés de <strong>la</strong> même<br />
méfiance par leur entourage, comme s’il fal<strong>la</strong>it avoir<br />
perdu <strong>la</strong> tête pour oser s’aventurer dans ce pays !<br />
J’ai remarqué qu’au cours d’entretiens, de conférences<br />
ou de conversations, revenait presque toujours <strong>la</strong><br />
référence au drame de Tibhirine : le spectre de cet<br />
événement tragique continue de p<strong>la</strong>ner sur nos<br />
têtes. Le film Des hommes et des dieux a été projeté<br />
un peu partout à travers le monde. J’ai été trop lié au<br />
monastère et aux frères moines pour en nier <strong>la</strong> beauté<br />
et <strong>la</strong> profondeur. Mais, souvent, cette œuvre est<br />
l’unique référence médiatique sur l'Église dans ce<br />
pays. Or, le message de nos frères moines transparaît<br />
plus à travers ce qu’ils ont vécu dans le silence de<br />
leur monastère et dans <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion à leurs voisins<br />
qu’à travers <strong>la</strong> façon dont ils sont morts. C’est bien sur<br />
ce terrain que nous les rejoignons.<br />
Nous n’avons, ici en Algérie, ni une âme ni une<br />
vocation de martyrs ! Tant de signes nous renvoient<br />
au bonheur de vivre au sein de ce peuple. Ce<strong>la</strong> ne<br />
veut pas dire que tout se passe sans histoire : vivre le<br />
message de Jésus, ce n’est jamais choisir <strong>la</strong> facilité.<br />
Mais faire reposer tant de suspicion sur <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />
qui nous accueille est une profonde injustice. Nous<br />
sommes touchés, par exemple, de voir combien<br />
nos amis algériens partagent notre tristesse quand<br />
l’un ou l’autre d’entre nous est amené à quitter<br />
l’Algérie. Et ceux et celles qui bravent les doutes et<br />
viennent nous voir deviennent ensuite nos meilleurs<br />
ambassadeurs.<br />
Alors même si l’Algérie était si mal aimée, et des<br />
autres et d’elle-même, ne serait-ce pas l’ultime<br />
raison de l’aimer et de <strong>la</strong> faire aimer <br />
C<strong>la</strong>ude Rault, évêque de Laghouat-Ghardaïa<br />
Parue en mai 2012 dans le bulletin du diocèse de<br />
Ghardaïa, <strong>la</strong> version complète de ce texte est disponible<br />
sur le site de l'Église d'Algérie. Nous remercions<br />
Mgr Rault de nous permettre de le reproduire ici, dans<br />
une version plus brève.