FEU ET LUMIERES - Institut du Monde Arabe
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BONAPARTE<br />
<strong>ET</strong> L’EGYPTE<br />
<strong>FEU</strong> <strong>ET</strong> <strong>LUMIERES</strong>
BONAPARTE<br />
<strong>ET</strong> L’EGYPTE<br />
<strong>FEU</strong> <strong>ET</strong> <strong>LUMIERES</strong><br />
1769-1869<br />
UNE EXPOSITION CONÇUE <strong>ET</strong> RÉALISÉE PAR<br />
L'INSTITUT DU MONDE ARABE, <strong>ET</strong> PRÉSENTÉE<br />
À L'INSTITUT DU MONDE ARABE, PARIS,<br />
DU 14 OCTOBRE 2008 AU 29 MARS 2009 <strong>ET</strong>,<br />
À L'INITIATIVE <strong>ET</strong> AVEC LE CONCOURS<br />
DE LA R ÉGION NORD-PAS DE CALAIS,<br />
AU MUSÉE DES BEAUX-ARTS D'ARRAS,<br />
DU 16 MAI AU 19 OCTOBRE 2009.
d’Egypte menée en 1798 par le<br />
général Bonaparte paraît être parmi les<br />
Lacampagne<br />
sujets les plus connus de notre histoire. Non<br />
qu’elle ait abouti, militairement parlant, à des conclusions<br />
vraiment favorables, mais elle touche à deux mythes qui restent<br />
aujourd’hui encore particulièrement gravés dans notre inconscient<br />
collectif : le mythe de Napoléon, et celui de l’Egypte pharaonique.<br />
D’un côté un jeune général ambitieux qui se frotte à l’administration<br />
publique et à la politique, de l’autre une civilisation millénaire dont les<br />
composantes, par leur originalité et leur qualité esthétique, n’ont cessé<br />
de fasciner tous ceux qui l’ont approchée.<br />
Or, le poids de ces deux mythes est tel qu’il a fini par occulter l’Egypte<br />
réelle à laquelle les soldats ont été confrontés, et plus encore les suites de<br />
cette tentative de conquête coloniale. Les clichés erronés sont en effet<br />
nombreux, repris à l’envi par des générations de compilateurs : une<br />
campagne militaire courte et violente dans un pays fascinant, un « choc des<br />
cultures » qui aurait amorcé la « modernisation » <strong>du</strong> pays. Car là aussi, l’histoire<br />
n’a retenu, le plus souvent, que des pans de vérité. L’<strong>Institut</strong> <strong>du</strong> monde arabe a<br />
donc décidé de créer un comité scientifique paritaire franco-égyptien réunissant<br />
les meilleurs spécialistes des deux pays. Ceux-ci ont clarifié une historiographie<br />
souvent contradictoire, et fait état des interprétations les plus diverses. Un très<br />
important catalogue, présentant une trentaine de contributions originales, fait le<br />
point sur la question sous un regard paritaire français et égyptien.<br />
Il était d’autant plus nécessaire de faire le point que voilà tout juste deux siècles<br />
qu’a commencé la parution de la Description de l’Egypte, l’un des plus grands monuments<br />
éditoriaux jamais publiés. Cet ouvrage, qui inaugure la pensée scientifique <strong>du</strong><br />
XIX e siècle, constitue la césure réelle de l’avant et de l’après expédition. Avant, une<br />
connaissance parcellaire et très imparfaite <strong>du</strong> pays et de son histoire ; après, un<br />
cheminement vers la naissance de l’égyptologie et vers une meilleure connaissance de<br />
l’art arabo-islamique. C’est ainsi que certains rêves, parmi les plus fous, esquissés dans<br />
la Description, prennent corps : le déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion, ou le<br />
percement de l’isthme de Suez, étudié par les ingénieurs de Bonaparte, proposé par les<br />
saint-simoniens, avant d’être concrétisé par Ferdinand de Lesseps.<br />
Bonaparte et l’Egypte, ce n’est donc pas seulement trente-huit mois de campagne, mais aussi<br />
tout ce qui a précédé, et surtout, plus encore, les quelque soixante-dix ans qui ont suivi.<br />
1769-1869, un siècle qui commence, comme en clin d’œil, avec les naissances de Bonaparte et<br />
de Muhammad Ali, pour s’achever avec l’inauguration <strong>du</strong> canal de Suez. Car c’est véritablement<br />
entre 1805 et 1869 que se sont forgées les relations les plus fortes et de profondes influences<br />
croisées entre les deux pays. Que celles-ci, dans le sens France-Egypte, soient tout empreintes<br />
de colonialisme, nul ne peut le nier ; mais peut-on pour autant continuer de dire qu’il ne s’agissait<br />
que d’une exploitation technico-financière d’où aurait été absente toute implication<br />
scientifique, culturelle et artistique L’orientalisme et les débuts de la photographie, notamment,<br />
trouvent en Egypte une terre d’élection… C’est ce que la présente exposition de près de<br />
400 œuvres et objets d’art prêtés par les plus grands musées égyptiens, américains et européens,<br />
et souvent montrés pour la première fois à Paris, s’efforce de déterminer.<br />
Notre but est donc, essentiellement, de donner au grand public des clés pour mieux comprendre ces<br />
moments d’histoire, leurs origines et leurs prolongements. Et permettre que l’on puisse les analyser –<br />
tant en France qu’en Egypte – d’une manière plus sereine et plus détachée. Car au total, la courte<br />
invasion de Bonaparte, aussi tragique fut-elle, n’a-t-elle pas paradoxalement contribué à cimenter plus<br />
fortement encore les relations qui, par-delà les siècles, continuent de lier nos deux nations <br />
Jean-Marcel Humbert<br />
Conservateur général <strong>du</strong> patrimoine - Commissaire scientifique de l’exposition
POURQUOI<br />
L’EGYPTE <br />
Pourquoi l’Egypte ... Pourquoi, en ce mois de mai 1798, Napoléon<br />
Bonaparte s’embarque-t-il, à Toulon, pour l’Egypte, à la tête d’une<br />
armée de 54 000 hommes ...<br />
D’un strict point de vue politique, il s’agit de<br />
« s’emparer de l’Egypte » pour « détruire<br />
véritablement l’Angleterre », en lui coupant la<br />
route des Indes, ainsi que le jeune général, qui vient<br />
de se couvrir de gloire en Italie, l’écrit dans un courrier<br />
au gouvernement <strong>du</strong> Directoire, dès le mois d’août<br />
1797. Cependant, la flotte qui est armée, en cet hiver<br />
1797-98, dans plusieurs ports de la Méditerranée, est<br />
destinée à un débarquement sur les côtes anglaises.<br />
Or, Bonaparte, à qui le commandement a été confié,<br />
estime l’entreprise irréaliste, aventureuse, impraticable…<br />
Portrait de Bonaparte sur l'Orient<br />
André Dutertre<br />
Fondation Dosne-Thiers, Paris (collection Masson)<br />
© Bibliothèque Thiers. Photo : Suzanne Nagy<br />
L’alternative, si l’on renonce à la « descente » en<br />
Angleterre, consiste à menacer le commerce de celleci<br />
avec les Indes, ainsi que le prône activement,<br />
depuis son retour aux affaires, le nouveau ministre<br />
des Relations extérieures, Talleyrand, qui partage à<br />
cet égard les vues de Bonaparte. Ce dernier, soucieux<br />
par ailleurs « de projeter la suite de sa carrière loin <strong>du</strong><br />
panier de crabes parisien » – ainsi que l’écrit, dans le<br />
catalogue de l’exposition, Thierry Lentz, directeur de<br />
la Fondation Napoléon –, n’estime point encore<br />
advenu le moment de prendre le pouvoir.<br />
« La vision stratégique <strong>du</strong> ministre » rencontre là « la<br />
volonté d’un général ambitieux », écrit encore<br />
Th. Lentz. Mais, si ces considérations géopolitiques<br />
peuvent, à elles seules, justifier l’expédition qui<br />
s’annonce, d’autres réflexions ont, à l’évidence,<br />
alimenté la pensée de Bonaparte et sont à l’œuvre<br />
dans ce projet. Car Bonaparte, plus que nul autre, est<br />
un homme de son temps, un homme <strong>du</strong> siècle des<br />
Lumières…
Comme l’écrit Henry Laurens dans le catalogue de l’exposition, le<br />
siècle des Lumières a élaboré « un schéma méditerranéen de<br />
l’histoire de la raison » dans lequel « les sciences et les arts sont<br />
nés en Egypte, sont passés en Grèce et à Rome, ont été abandonnés<br />
dans l’Europe gothique (on n’a pas encore l’idée de Moyen Âge)<br />
mais sauvés par les <strong>Arabe</strong>s qui les ont retransmis aux Européens ».<br />
« Les Egyptiens avaient la sagesse, les Grecs et les Romains le<br />
civisme, les <strong>Arabe</strong>s les sciences. Les Européens ont repris<br />
d’abord les sciences, avec la Révolution ils ont retrouvé le<br />
civisme, l’expédition d’Egypte pourrait être une fin de l’histoire<br />
avec la restauration de la sagesse », poursuit le professeur au<br />
Collège de France, qui ajoute : « l’enthousiasme des milieux<br />
dirigeants <strong>du</strong> Directoire au moment où le projet est lancé se<br />
comprend aussi par cet arrière plan quasi-ésotérique ».<br />
Bonaparte, pour sa part, a naguère rédigé un conte arabe,<br />
intitulé Le Masque prophète. Il a lu les récits de voyage <strong>du</strong><br />
baron de Tott, de Savary et de Volney. Depuis l’enfance, son<br />
grand homme est Alexandre de Macédoine. Son attirance<br />
pour l’Orient est indéniable et constante. Au sortir de<br />
l’hiver 1797-98, il confie à Bourienne, son secrétaire :<br />
« Tout s’use ici. Je n’ai déjà plus de gloire, cette petite<br />
Europe n’en fournit pas assez. Il faut partir en Orient ».<br />
Il partira. Une fois le Directoire convaincu, le 5 mars, les<br />
choses iront très vite. Il embarque, le 19 mai.<br />
Entre ces deux dates, Bonaparte s’est occupé de tout.<br />
Secondé par les généraux Kléber, Berthier, Desaix,<br />
Murat, Lannes, Davout, Caffarelli, il procède à la<br />
sélection des officiers et suit de très près, également,<br />
celle des savants qui accompagnent l’expédition :<br />
« Chimistes, astronomes, mathématiciens, ingénieurs,<br />
naturalistes, musiciens, orientalistes, peintres<br />
et dessinateurs, imprimeurs, mécaniciens, médecins<br />
et pharmaciens, antiquaires, (…) ils appartiennent<br />
presque tous à l’élite de leurs spécialités respectives<br />
(…). A leur usage, un important matériel a été<br />
rassemblé où rien ne doit manquer : Monge<br />
confisque, au Vatican, les caractères orientaux de<br />
l’imprimerie de la congrégation de la Propagande<br />
et l’on emportera même un piano Erard à quatre<br />
pédales », précise Yves Laissus dans le catalogue<br />
de l’exposition. Au nombre de 160 environ,<br />
ces civils forment une Commission des sciences<br />
et des arts, placée sous l’autorité <strong>du</strong> général<br />
Caffarelli <strong>du</strong> Falga.<br />
Malmelouk retenant un cheval<br />
Théodore Géricault<br />
Musée <strong>du</strong> Louvre, Paris<br />
© RMN. Photo : Daniel Arnaudet
Vue <strong>du</strong> sphinx et de la grande pyramide - Nicolas-Jacques Conté - Collection Baron Thénard<br />
De nombreuses sommités et célébrités de l’époque<br />
ont accepté de se joindre à cette expédition dont le<br />
but reste mystérieux : « les mathématiciens Monge,<br />
Costaz et Fourier, tous trois enseignants à l’Ecole<br />
polytechnique, le chimiste Berthollet, inventeur de<br />
l’eau de Javel, le physicien Malus, officier <strong>du</strong> Génie, le<br />
géologue Dolomieu, le zoologiste Geoffroy Saint-<br />
Hilaire, professeur au Muséum d’histoire naturelle, le<br />
médecin en chef Desgenettes et le chirurgien Larrey<br />
que la Grande Armée, plus tard, surnommera “la providence<br />
<strong>du</strong> soldat” ; il y a l’ingénieur Nicolas Conté,<br />
prodigieux inventeur, capable selon Napoléon de<br />
“créer les arts de l’Europe au milieu des déserts de<br />
l’Arabie”, Dominique Vivant Denon, spirituel écrivain,<br />
voyageur et artiste, futur directeur général des<br />
musées de l’empereur, d’autres encore… », ainsi que<br />
les énumère Yves Laissus.<br />
Le plus étonnant est sans doute que tous ces préparatifs<br />
se soient tenus dans le plus grand secret et que<br />
rien n’ait transpiré. Soit qu’ils aient accepté de le<br />
suivre sans savoir où ils partaient, soit qu’ils aient su<br />
où ils allaient l’accompagner sans le révéler à quiconque,<br />
l’attitude de ces hommes est révélatrice de<br />
l’adhésion et de l’engagement que Bonaparte, dès<br />
cette époque, parvient à susciter autour de lui.<br />
Ce sont quelque soixante navires de guerre et plus de<br />
trois cents bâtiments de transport qui, le jour dit,<br />
appareillent simultanément de Toulon, d’Ajaccio, de<br />
Gênes et de Rome, sous le commandement de l’amiral<br />
Brueys. On fait tout d’abord cap sur Malte, qu’on atteint<br />
le 9 juin.<br />
Là, en moins de dix jours,<br />
Bonaparte va réformer de fond en<br />
comble le gouvernement de l’île,<br />
toujours aux mains de chevaliers<br />
d’un Ordre de Malte qui a beaucoup<br />
décliné depuis le XVI e siècle. Au<br />
prétexte que les chevaliers,<br />
méfiants à juste titre, n’autorisent<br />
l’accès au port de La Valette qu’à<br />
seulement quatre bâtiments à la<br />
fois, et que, dès lors, le ravitaillement<br />
en eau de la flotte entière<br />
viendrait à retarder celle-ci considérablement,<br />
Bonaparte ordonne le<br />
débarquement. Après quelques<br />
brèves escarmouches, le Grand<br />
Maître de l’Ordre demande un cessez-le-feu puis<br />
capitule : l’Ordre cède à la France tous ses droits de<br />
souveraineté sur Malte et ses dépendances.<br />
Bonaparte impose aux Maltais le système français. Le<br />
territoire est divisé en cantons et en arrondissements.<br />
Des municipalités et une garde nationale – encadrée<br />
par quelques officiers français – sont créées. Les<br />
citoyens sont désormais égaux en droits. Les deux<br />
mille esclaves musulmans qui servaient sur les<br />
galères de l’Ordre sont libérés. Les signes aristocratiques<br />
sont interdits et le port de la cocarde tricolore<br />
ren<strong>du</strong> obligatoire…<br />
Et l’on repart, le 18 juin, non sans avoir fait main basse<br />
sur le trésor des chevaliers. On cingle plein est. Enfin,<br />
pas tout à fait, car la flotte progresse à petite vitesse,<br />
accordant son train à celui des navires les plus lents<br />
pour ne pas se disperser. C’est que l’amiral Nelson, au<br />
commandement d’une escadre anglaise beaucoup<br />
plus rapide, cherche Bonaparte au quatre coins de la<br />
Méditerranée. Il ne le trouvera pas.<br />
A bord <strong>du</strong> vaisseau-amiral, l’Orient, quand il ne souffre<br />
pas <strong>du</strong> mal de mer, Bonaparte a des conversations<br />
savantes avec Monge, Berthollet, Caffarelli… La troupe<br />
s’ennuie ferme, souffre de la promiscuité, de l’entassement,<br />
de l’enfermement.<br />
C’est quelques jours après avoir quitté Malte, le 22 juin<br />
1798, soit le 4 messidor an VI, que le commandant en<br />
chef de l’armée révèle enfin à ses hommes le but de<br />
l’expédition : l’Egypte.
QUELLE<br />
EGYPTE <br />
C’est en 1516 que l’Egypte est devenue une province de l’Empire<br />
ottoman. Mais la destruction <strong>du</strong> sultanat mamelouk, et l’intégration de<br />
l’Egypte dans ce qu’il est convenu d’appeler l’« économie-monde »<br />
ottomane, n’a pas sonné pour autant le glas de la puissance et de la<br />
richesse égyptiennes.<br />
Dans l’Egypte ottomane, comme dans toute autre<br />
province de l’Empire, un gouverneur est nommé par<br />
la Porte. Il a le titre de « Pacha » et est redevable <strong>du</strong><br />
tribut annuel qui doit être versé dans les caisses de<br />
l’Empire. Istanbul met aussi en place une organisation<br />
judicaire, dirigée par un grand juge qu’elle contrôle, et des<br />
milices de janissaires, chargées <strong>du</strong> maintien de l’ordre.<br />
L’administration des provinces est confiée à des « émirs »,<br />
« traditionnellement achetés esclaves dans les régions <strong>du</strong><br />
Caucase, en particulier en Circassie, et ensuite affranchis »,<br />
ainsi que l’explique, dans le catalogue de l’exposition, l’historien<br />
André Raymond, qui constate « la généralisation », dans<br />
l’Egypte ottomane, « <strong>du</strong> système de recrutement de l’élite par<br />
le “mameloukat” ».<br />
Carte de l'Egypte ancienne et moderne<br />
Gilles Robert de Vaugondy, 1753<br />
Bibliothèque nationale de France, Paris<br />
© Bibliothèque nationale de France<br />
Ces émirs, ou « beys », régissent administrativement<br />
l’Egypte selon un système de « fermage » (iltizam) compliqué.<br />
C’est que, « depuis l’époque pharaonique, le terroir<br />
égyptien a été aménagé en une série de bassins d’épandage<br />
de la crue alimentés par des canaux suivant la pente<br />
de la vallée », comme l’explique Henry Laurens dans son<br />
ouvrage L’Expédition d’Egypte. Dès lors, dans une grande<br />
partie de l’Egypte, les terres sont exploitées de manière collective<br />
par les villageois. Le paysan le plus important de la<br />
communauté (le shaykh al-balad) est choisi pour collecter<br />
l’avance de l’impôt (miri) et la remettre au concessionnaire fiscal<br />
(multazim), à charge par lui, après en avoir retenu une partie<br />
(fa’id) pour prix de ses services, d’entretenir digues et canaux.<br />
Or, ce concessionnaire fiscal, ce multazim, est bien souvent<br />
l’émir lui-même, c’est-à-dire le Mamelouk, ou son représentant.
Cependant, « de simple ferme<br />
fiscale temporaire, l’iltizam se<br />
sienne, qui s’assure un pouvoir<br />
quasi-monarchique et<br />
transforme au XVIII e siècle en<br />
une complète autonomie. Le<br />
quasi propriété privée au profit<br />
<strong>du</strong> multazim. Grâce à des astuces<br />
juridiques, il devient transmissible<br />
héréditairement, gageable voire<br />
vendable. (…) Les Mamelouks en<br />
contrôlent près de deux tiers. Les<br />
autres sont possédés par les<br />
grands chefs religieux et les grands<br />
Pacha est déposé pendant<br />
toute la <strong>du</strong>rée de son règne.<br />
Ali Bey ne s’acquitte jamais<br />
<strong>du</strong> tribut dû à la Porte, fait<br />
frapper monnaie à son nom<br />
et tente même de conquérir<br />
la Syrie aux dépens de la<br />
Porte. Ou de son successeur,<br />
commerçants égyptiens », précise<br />
Abou Dahab (1772-1775),<br />
H. Laurens.<br />
ancien lieutenant d’Ali Bey<br />
avant de s’opposer à lui et de<br />
Portrait <strong>du</strong> Sheikh el-Bakri - Michel Rigo<br />
Par ailleurs, les Mamelouks<br />
Musée national <strong>du</strong> Château de Versailles<br />
le vaincre. Abou Dahab gouverne<br />
s’emploient à phagocyter petit<br />
© RMN. Photo : Daniel Arnaudet / Gérard Blot<br />
en bonne intelligence<br />
à petit les milices de janissaires. Le système de<br />
gouvernement ottoman ne fonctionne vraiment que<br />
pendant quelques décennies. En 1586, le Pacha,<br />
nommé par Istanbul, est pour la première fois déposé<br />
– ce ne sera pas la dernière. Les Mamelouks chargent<br />
l’un de leurs pairs de l’intérim en attendant que la<br />
avec les ulémas, rétablit des relations normales avec<br />
la Porte, fait revenir un Pacha, s’acquitte <strong>du</strong> tribut dû<br />
à l’Empire et règle même les annuités de retard <strong>du</strong><br />
temps d’Ali Bey… ce qui ne l’empêche pas, pour<br />
autant, de se lancer lui aussi à la conquête de la Syrie<br />
– équipée au cours de laquelle il trouvera la mort…<br />
Porte nomme un nouveau Pacha. On prend soin,<br />
toutefois, d’acquitter le tribut annuel dû à l’Empire. Dès<br />
lors, Istanbul, qui ne peut faire autrement que de<br />
s’accommoder de la situation, renvoie en Egypte des<br />
Pachas, démunis d’autorité, qui ne peuvent guère<br />
s’employer qu’à attiser les rivalités entre Mamelouks,<br />
espérant éviter de la sorte que le pouvoir n’échappe<br />
tout à fait à la Porte.<br />
C’est le cas encore d’Ismaïl Bey, puis d’Ibrahim Bey et<br />
de Mourad Bey, qui vont ensuite se partager le<br />
pouvoir sur l’Egypte pendant toute la fin <strong>du</strong> siècle,<br />
Bonaparte et son armée trouvant « aux affaires »,<br />
lors de leur arrivée, les deux derniers nommés. Le<br />
« <strong>du</strong>umvirat » – pour reprendre le terme d’André<br />
Raymond – constitué par les deux émirs, sonne pour<br />
le pays le début d’une ère de violences et d’exactions<br />
La lutte est âpre parmi les beys. Des factions se créent. dont sont victimes tant les paysans que les minorités<br />
Pendant tout le XVII e siècle, la vie politique se et les commerçants étrangers établis en Egypte.<br />
caractérise « par un exercice collectif <strong>du</strong> pouvoir,<br />
la riyasa, assurée plus ou moins harmonieusement<br />
par un petit groupe d’émirs mamelouks et d’officiers<br />
supérieurs (katkhouda) des milices de janissaires, avec<br />
des interventions épisodiques <strong>du</strong> Pacha (au risque<br />
pour ce dernier d’être déposé en cas de conflit) », écrit<br />
André Raymond.<br />
Soucieuse de rétablir l’ordre ottoman, la Porte, en<br />
1786, envoie une armée qui chasse Ibrahim et Mourad<br />
<strong>du</strong> Caire. Suivant la con<strong>du</strong>ite habituelle des<br />
Mamelouks, ceux-ci vont se réfugier en Haute-Egypte.<br />
C’est alors que le commandement ottoman adopte<br />
une démarche qu’Henry Laurens qualifie de « proprement<br />
révolutionnaire », qui « consiste, pour la<br />
première fois, à opposer directement la classe des<br />
Autour de ceux des beys mamelouks dont les<br />
personnalités sont les plus fortes, se constituent de<br />
vraies « maisons » (bayt) qui, dès le début <strong>du</strong> XVIII e siècle,<br />
vont dominer la scène politique. L’une d’entre elles – la<br />
dominés (“les sujets d’Egypte”) à la classe<br />
dirigeante ». Quand le pouvoir devient inique, il se<br />
disqualifie lui-même et l’insurrection, légitimée par les<br />
ulémas, devient pour le peuple un devoir.<br />
Qazdaghliyya – modeste à ses débuts et fondée par un<br />
militaire originaire d’Anatolie devenu katkhouda, donnera<br />
à l’Egypte une impressionnante série de<br />
katkhouda puis de beys qui exerceront leur pouvoir<br />
jusqu’à la fin <strong>du</strong> siècle – et l’arrivée de Bonaparte en<br />
Egypte –, avec des fortunes et des ambitions diverses.<br />
Ainsi d’Ali Bey (1765-1773), émir d’origine circas-<br />
L’armée ottomane confisque les biens des Mamelouks<br />
et les poursuit jusqu’à Assouan ; elle ne tarde pas à<br />
constater – ainsi que s’en apercevront les Français<br />
douze ans plus tard – que « les Mamelouks sont les<br />
maîtres de cette guerre de mouvement (…), insaisissables,<br />
ils sont impossibles à détruire », comme l’écrit
encore H. Laurens. Si bien qu’à l’occasion d’une<br />
épidémie de peste dévastatrice, Ibrahim et<br />
Mourad peuvent rentrer au Caire, reprendre le<br />
pouvoir et mettre à nouveau le pays en coupe<br />
réglée. C’est la situation que trouvera<br />
Bonaparte en arrivant.<br />
Plus profondément, le XVIII e siècle est<br />
aussi, en Egypte, le moment de<br />
changements structurels importants.<br />
Le commerce et l’agriculture égyptiens<br />
évoluent considérablement. Le café, en provenance<br />
<strong>du</strong> Yémen, et qui constitue une grande<br />
part <strong>du</strong> commerce de l’Egypte, est concurrencé,<br />
à partir de 1726, par les récoltes des Antilles…<br />
L’économie-monde ottomane se fissure.<br />
Parallèlement, la pénétration économique<br />
européenne commence à se faire sentir.<br />
Le marché européen réclame des matières<br />
premières agricoles, comme le coton, et des<br />
denrées alimentaires. L’investissement rural –<br />
ren<strong>du</strong> plus efficace par la privatisation de<br />
l’iltizam – devient d’autant plus rentable que se<br />
mettent en place, dans les campagnes, des<br />
procédés d’irrigation permanente indépendants<br />
de la crue <strong>du</strong> Nil.<br />
Ces procédés hydrauliques et la construction d’un<br />
système de barrages représentent, en fait, un<br />
changement considérable, dans la mesure où cette<br />
irrigation pérenne permet une exploitation<br />
intensive de la terre sans aucune jachère.<br />
Provoquée par la demande croissante <strong>du</strong> marché<br />
européen, elle constitue une rupture fondamentale<br />
par rapport au système hérité des pharaons. Elle<br />
est ren<strong>du</strong>e possible par le réinvestissement des<br />
capitaux urbains dans la campagne égyptienne et<br />
est, « dans sa genèse comme dans son application,<br />
l’œuvre de la société égyptienne », ainsi que le<br />
constate Henry Laurens.<br />
Cette évolution technologique se met en place<br />
très progressivement et <strong>du</strong>rera encore pendant<br />
tout le XIX e siècle. Parce qu’elle sous-tend une<br />
nouvelle structure d’échanges – matières<br />
premières égyptiennes contre pro<strong>du</strong>its manufacturés<br />
européens –, elle a des conséquences<br />
sur l’économie de l’Egypte toute entière.<br />
Mais les changements sont aussi politiques :<br />
« la période est également révolutionnaire »,<br />
écrit H. Laurens, « les différents<br />
groupes sociaux se sont placés dans<br />
la compétition pour le pouvoir depuis<br />
que les Ottomans ont fait appel au<br />
sentiment islamique afin de soulever<br />
les dominés sous la direction des<br />
ulémas contre les Mamelouks ».<br />
Si Bonaparte, en débarquant à<br />
Alexandrie, a sans doute raison d’assurer,<br />
faisant allusion à Ibrahim et à Mourad<br />
Beys, que « depuis trop longtemps, ce<br />
ramassis d’esclaves achetés dans le<br />
Caucase et la Géorgie tyrannise la plus belle<br />
partie <strong>du</strong> monde », il ne tient compte, en<br />
l’occurrence, que d’une conjoncture particulière<br />
et omet d’apercevoir les changements<br />
structurels plus profonds dont l’Egypte a été<br />
le théâtre au cours <strong>du</strong> siècle écoulé. Pour cette<br />
raison, nombre d’historiens égyptiens – ainsi<br />
que l’analyse Imad Abou Ghazi, membre <strong>du</strong><br />
Haut-Conseil à la culture égyptien, dans le catalogue<br />
de l’exposition –, considèrent que les origines<br />
« <strong>du</strong> Réveil arabe sont bien antérieures à<br />
l’expédition française » et que « la conscience<br />
collective égyptienne a précédé l’expédition » ;<br />
certains estimant même, selon le même auteur,<br />
que « ce contact avec l’Occident » qu’a constitué<br />
l’expédition « n’a fait que compromettre les possibilités<br />
d’une véritable renaissance dont les prémices et les<br />
bases sociales se laissent percevoir dans la société<br />
égyptienne de la seconde moitié <strong>du</strong> XVIII e siècle ».<br />
Vue intérieure de l'atelier <strong>du</strong> tisserand<br />
Nicolas-Jacques Conté<br />
Planche de la Description de l’Egypte<br />
<strong>Institut</strong> d’Orient<br />
© Naguib-Michel Sidhom
BONAPARTE<br />
ENEGYPTE<br />
« Soldats ! Vous allez entreprendre une conquête dont les effets sur la<br />
civilisation et le commerce <strong>du</strong> monde sont incalculables », ainsi<br />
Bonaparte harangue-t-il ses troupes, encore à bord de l’Orient.<br />
Une semaine plus tard, dans la nuit <strong>du</strong> 1 er au 2 juillet 1798, malgré une<br />
mer assez forte, le débarquement a lieu, à Alexandrie.<br />
Le Général Bonaparte au Caire<br />
Jean-Léon Gérôme, 1867-1868<br />
Hearst Memorial Castle, San Simeon<br />
© Hearst Castle® / CA StateParks. Photo : Victoria Garagliano<br />
Et Bonaparte se fend d’une autre déclaration,<br />
cette fois à l’adresse <strong>du</strong> peuple d’Egypte. Après<br />
avoir dénoncé les Mamelouks, « ce ramassis<br />
d’esclaves » dont « Dieu, le Seigneur des <strong>Monde</strong>s, le<br />
tout-puissant, a ordonné que l’empire finît », le général<br />
prévient : « Egyptiens, on vous dira que je viens<br />
pour détruire votre religion ; c’est un mensonge, ne le<br />
croyez pas ! », et affirme : « nous sommes de vrais<br />
Musulmans. N’est-ce pas nous qui avons détruit le<br />
pape qui disait qu’il fallait faire la guerre aux<br />
Musulmans N’est-ce pas nous qui avons détruit les<br />
chevaliers de Malte parce que ces insensés croyaient<br />
que Dieu voulait qu’ils fissent la guerre aux<br />
Musulmans »<br />
La ville est prise sans coup férir, ou presque : seuls<br />
quelques bédouins font le coup de feu… Dès le 3 juillet,<br />
l’armée se met en marche sur Le Caire. La route –<br />
celle <strong>du</strong> désert – est difficile, l’approvisionnement<br />
insuffisant, la chaleur épouvantable sous les lourds<br />
uniformes des soldats français… Quelques bédouins,<br />
encore, viennent s’en mêler… L’armée pourtant<br />
s’extrait des sables, Bonaparte fait reposer ses<br />
hommes au bord <strong>du</strong> Nil. Le 12 juillet, parvient la<br />
nouvelle que l’armée mamelouke se rapproche,<br />
Mourad Bey à sa tête. Le 13, c’est le premier choc, à<br />
proximité <strong>du</strong> village de Shubrakhit. Bonaparte utilise<br />
sa botte secrète : la formation en carré.
Débarquement de Bonaparte en Egypte<br />
Charles Lemire<br />
Palais des Beaux-Arts de Lille<br />
© RMN. Photo : René-Gabriel Ojéda<br />
Les cinq divisions se mettent, donc, en carrés – ou plutôt, en<br />
parallélogrammes, à l’intérieur desquels les équipages et les<br />
civils sont protégés –, aux cris de : « Les ânes et les savants au<br />
milieu ! », comme le rapporte la petite histoire. Les Mamelouks,<br />
déconcertés, font le tour des carrés sans y trouver de failles,<br />
essuient quelques pertes et se retirent…<br />
Au Caire, la consternation est grande. La proclamation de<br />
Bonaparte a jeté le trouble : « Il y en avait qui disaient que la<br />
venue des Francs était par ordre <strong>du</strong> Sultan [ottoman], et qu’il<br />
y avait parmi eux des Pachas de chez le Sultan », écrit le grand<br />
historien égyptien Abd al-Rahman al-Jabarti, contemporain<br />
de l’expédition. Les Mamelouks organisent la défense de la<br />
ville. Ibrahim Bey, sur la rive droite <strong>du</strong> Nil, Mourad Bey, sur la<br />
rive gauche, s’emploient à faire construire des fortifications<br />
par la population inquiète, sinon terrorisée. Les deux beys<br />
demandent aussi de l’aide aux grandes confédérations<br />
bédouines ; et l’arrivée en ville des nomades augmente<br />
encore la panique.<br />
Le choc a lieu le 21 juillet dans la localité d’Imbaba.<br />
Toutefois, pour des raisons de prestige, ce combat sera<br />
baptisé « bataille des Pyramides ». C’est alors que l’on<br />
prête au général cette célèbre harangue : « Soldats !<br />
Songez que <strong>du</strong> haut de ces monuments quarante<br />
siècles vous contemplent ». Quoi qu’il en ait été,<br />
Bonaparte et ses troupes mettent en déroute, pour<br />
la seconde fois, les forces de Mourad… Assistant à<br />
cette débandade depuis l’autre rive <strong>du</strong> fleuve,<br />
Ibrahim décide de prendre lui aussi la fuite, au<br />
prix de l’abandon de la capitale.<br />
Jabarti est très <strong>du</strong>r avec le comportement des<br />
Mamelouks, qu’il décrit : « irrésolus, se méfiant<br />
les uns des autres, différant d’avis, s’enviant<br />
mutuellement, préoccupés de leurs vies, de<br />
leur bien-être et de leur confort, noyés dans<br />
leur ignorance et leur présomption, fiers de<br />
leurs tenues et pleins de suffisance, redoutant<br />
le manque d’effectif, exhibant leur<br />
beauté et leurs bijoux, inconscients des<br />
conséquences de leurs actes, méprisant<br />
leurs ennemis, incapables de voir et de<br />
juger sainement, à l’inverse de l’autre<br />
partie, les Français (…), lesquels agissaient<br />
comme s’ils suivaient les enseignements<br />
de la communauté [umma] des débuts de<br />
l’Islam et paraissaient comme les<br />
combattants <strong>du</strong> jihad ».
La bataille d’Aboukir, 25 juillet 1799 - Lejeune<br />
Musée national <strong>du</strong> Château de Versailles<br />
© RMN. Photo : Gérald Blot / Jean Schormans<br />
Bonaparte écrit au Directoire qu’il évalue « la perte<br />
des Mamelouks à 2 000 hommes de cavalerie<br />
d’élite ». Selon Jabarti, ce sont seulement « vingt<br />
Mamelouks qui périrent et un certain nombre qui fut<br />
fait prisonnier ». La réalité est certainement entre les<br />
deux. Les Mamelouks ayant déserté Le Caire, nombreux<br />
sont les notables qui font le choix de fuir à leur<br />
tour. Aux portes de la ville attendent les bédouins qui<br />
n’ont plus qu’à les dépouiller et sont, avec l’armée<br />
française, les grands gagnants de cette journée.<br />
13 août, qu’il apprend la nouvelle <strong>du</strong> désastre<br />
d’Aboukir : la destruction de la flotte française par la<br />
marine anglaise commandée par Nelson, qui a eu lieu<br />
le 1 er août. L’amiral Brueys est mort sur le pont <strong>du</strong><br />
navire-amiral. L’armée française se voit ainsi interdire<br />
tout retour en Europe. Face au découragement de ses<br />
soldats, Bonaparte aurait dit : « Eh bien, nous voilà dans<br />
l’obligation de faire de grandes choses : nous les ferons ;<br />
de fonder un grand empire : nous le fonderons ! » ; mais<br />
la phrase date de Sainte-Hélène…<br />
Voici Bonaparte maître <strong>du</strong> Caire. Fidèle à son habitude,<br />
les choses ne traînent pas : le 25 juillet, il institue le<br />
premier diwan, constitué d’ulémas et de notables.<br />
Celui-ci a vocation à se réunir tous les jours et à<br />
gouverner Le Caire. Aucun Mamelouk n’y siège. En<br />
revanche, les hauts fonctionnaires ottomans restés en<br />
ville y ont leur place, ce qui correspond au désir de<br />
Bonaparte d’accommodement avec la Porte.<br />
On ne rentrera pas ici dans le détail des péripéties qui<br />
jalonneront les quelque treize mois que Bonaparte<br />
passera encore en Egypte, ou les trois années qu’y<br />
restera l’armée d’Orient. On évoquera, en revanche,<br />
quelques uns des principaux moments de cette<br />
expédition, ceux-là surtout qui, par leur force symbolique,<br />
ont marqué d’une empreinte <strong>du</strong>rable les<br />
relations si particulières entre la France et l’Egypte.<br />
Si Mourad Bey a pris le chemin de la Haute Egypte,<br />
Ibrahim, lui, s’est replié sur le Delta. Bonaparte décide<br />
de l’y poursuivre et de bouter ses forces hors<br />
d’Egypte. C’est au retour de cette opération, le<br />
Ainsi de la création, le 22 août 1798, de l’<strong>Institut</strong><br />
d’Egypte. Celui-ci est, en quelque sorte, une émanation<br />
de la Commission des sciences et des arts. Il s’installe<br />
dans « le grand salon <strong>du</strong> harem d’un superbe palais
mamelouk, abandonné par son propriétaire après la<br />
bataille des Pyramides », précise l’inspecteur général<br />
honoraire des bibliothèques, Yves Laissus, dans le<br />
catalogue de l’exposition. L’<strong>Institut</strong> compte 36 membres,<br />
choisis parmi les personnalités les plus éminentes<br />
de la Commission, et est appelé à se réunir « deux<br />
fois par décade ». C’est dans cette enceinte qu’on<br />
débattra, notamment, de deux théories cruciales pour<br />
l’histoire des sciences : l’explication par Gaspard<br />
Monge <strong>du</strong> phénomène des mirages – cette illusion<br />
dont il a lui-même souffert lors de sa marche<br />
éprouvante avec l’armée d’Orient dans le désert –, et<br />
l’étude de Claude Berthollet sur les lacs de natron –<br />
d’où est extraite la soude (ou natron) qu’exporte<br />
l’Egypte depuis l’Antiquité –, qui le con<strong>du</strong>ira à<br />
remettre en cause la thèse, dominante à l’époque, des<br />
affinités électives et à avancer l’idée novatrice<br />
d’« équilibre chimique », fondamentale pour<br />
l’avènement de la chimie moderne.<br />
Dans d’autres palais, contigus, sont installés une<br />
bibliothèque, une ménagerie, de nombreux laboratoires,<br />
ateliers et magasins « où l’on dépose des collections<br />
de toute sorte, en augmentation rapide ». C’est de ce<br />
« quartier de l’<strong>Institut</strong> », véritable cité scientifique,<br />
que partent les missions ; c’est là aussi qu’on recueille<br />
les matériaux d’une enquête approfondie sur un pays<br />
qui fascine ces hommes qu’on appelle les « savants »<br />
pendant leur séjour en Egypte et qui, rentrés en<br />
France, deviendront les « Egyptiens » ; leur énorme<br />
moisson donnera naissance à cet ouvrage unique et<br />
monumental que sera la Description de l’Egypte.<br />
Abd al-Rahman al-Jabarti constate à propos de<br />
l’<strong>Institut</strong> et de ses dépendances que : « Si un<br />
Musulman voulait entrer pour visiter l’établissement,<br />
on ne l’en empêchait point, on le recevait au contraire<br />
avec amabilité ». Les instruments qu’il découvre –<br />
télescopes, horloges de précision… – et les expériences<br />
auxquelles il assiste – phénomènes d’électrostatique,<br />
chimie… – le déconcertent. Il oscille entre des sentiments<br />
divers, parfois opposés. Ainsi éprouve-t-il, à<br />
l’occasion, une fascination admirative : « On nous fit<br />
encore d’autres expériences toutes aussi extraordinaires,<br />
que des intelligences comme les nôtres ne pouvaient<br />
ni concevoir ni expliquer… ».<br />
En d’autres circonstances, en revanche, quand les<br />
savants tentent de faire voler une montgolfière sur la<br />
place de l’Ezbékieh <strong>du</strong> Caire, le 30 novembre 1798,<br />
Jabarti en rend compte « avec un mélange<br />
d’irritation et de moquerie », trouvant la chose<br />
« aussi puérile qu’un jeu de cerf-volant, alors que les<br />
Français voulaient en faire une démonstration de<br />
puissance », ainsi que l’écrit, dans le catalogue de<br />
l’exposition, Jean-Marc Drouin, historien des sciences<br />
au Muséum National d’Histoire Naturelle.<br />
Mais ce qu’aperçoit, ce que pressent Jabarti est<br />
« ce qui différencie les “intelligences” française et<br />
égyptienne : c’est une nouvelle disposition de l’esprit,<br />
qui porte les Français à faire confiance à leur raison et<br />
à leur expérience plutôt qu’à des arguments<br />
d’autorité, à douter plutôt qu’à croire, à questionner<br />
les évidences plutôt qu’à s’y soumettre, à rechercher<br />
l’innovation plutôt qu’à la fuir », ainsi que le définit<br />
Mahmoud Hussein, dans le catalogue de l’exposition.<br />
Toutefois, comme le souligne l’historien Ahmed Ezzat<br />
Abd el-Karim : « Les relations des Egyptiens avec la<br />
civilisation occidentale étaient peu développées<br />
pendant la période de l’expédition elle-même ». Et<br />
peu nombreux sont ceux qui, parmi eux, à l’instar d’un<br />
Jabarti, ont, dès ce moment, assez de hauteur de vue<br />
pour établir un lien entre le « progrès » et les valeurs<br />
de la culture occidentale, ainsi que le fera ensuite,<br />
pendant tout le XIX e siècle, une partie des élites<br />
politiques et culturelles <strong>du</strong> pays.<br />
Outre l’<strong>Institut</strong>, toute une série d’institutions<br />
essentielles sont créées au Caire, pour la plupart à<br />
proximité de la place de l’Ezbékieh, la plus grande de<br />
la ville, où se trouve également installé le quartier<br />
général de l’armée d’Orient. Ainsi d’un Hôtel de la<br />
Monnaie, dirigé par l’ingénieur Samuel Bernard, d’une<br />
Manufacture des Poudres, confiée au chimiste<br />
Jean-Pierre Champy, des Ateliers de mécanique,<br />
placés sous la direction de Nicolas Conté, et « capables<br />
de subvenir à presque tous les besoins des<br />
Français : on y fabriquera <strong>du</strong> carton, des instruments<br />
de topographie, des lames de sabre, <strong>du</strong> drap<br />
d’uniforme, des trompettes pour la cavalerie »,<br />
comme en rend compte Yves Laissus.
Ainsi, également, d’une Imprimerie nationale, à la tête<br />
de laquelle on trouve le jeune orientaliste Jean-Joseph<br />
Marcel. Celle-ci publie en deux langues, français et<br />
arabe, des documents administratifs, des affiches et<br />
quelques ouvrages savants. Paraissent aussi les deux<br />
premiers périodiques jamais publiés en Egypte :<br />
Le Courrier de l’Egypte, qui reprend l’ordre <strong>du</strong> jour<br />
dicté par le général en chef, et La Décade égyptienne,<br />
qui rend principalement compte des travaux de<br />
l’<strong>Institut</strong>.<br />
Bonaparte entreprend aussi de mettre en place une<br />
nouvelle administration destinée à remplacer celle des<br />
Mamelouks. Le système fiscal est réformé. La plus<br />
grande partie des iltizam est transformée en biens<br />
nationaux (comme on avait fait, en France, avec les<br />
propriétés des contre-révolutionnaires !). On instaure<br />
des diwan provinciaux à l’image de celui <strong>du</strong> Caire…<br />
Tout ne va pas sans heurts… Les proclamations<br />
de Bonaparte affirmant qu’il agit avec<br />
le consentement de la Porte ont exaspéré les<br />
autorités ottomanes. Peu de jours après que lui est<br />
parvenue la nouvelle de la destruction de la flotte<br />
française, le sultan Sélim III entre en guerre : la<br />
France a odieusement trahi l’amitié traditionnelle<br />
qui la lie à l’Empire ottoman… Et pour lutter contre<br />
l’agression française, la Porte fait appel à la solidarité<br />
de l’ensemble des Musulmans… De plus, les protestations<br />
de foi musulmane de Bonaparte ont suscité,<br />
parmi la population égyptienne, plus de méfiance et<br />
d’incompréhension que d’enthousiasme ou de réelle<br />
adhésion. Le Caire gronde : la révolte (fitna) est dans<br />
l’air ; sans qu’on sache très bien qui l’a fomentée –<br />
ulémas de rang inférieur, étudiants d’al-Azhar, habitants<br />
des quartiers populaires… –, l’émeute éclate, le<br />
21 octobre 1798. Des manifestations se forment à partir<br />
des mosquées de Husayn et d’al-Azhar ; l’annonce<br />
de la mort d’un officier français – que la foule identifie<br />
à Bonaparte – met le feu aux poudres. Les demeures<br />
des Chrétiens et des Européens sont attaquées ;<br />
les scènes de pillage se multiplient. L’insurrection se<br />
généralise.<br />
Bonaparte la laisse se développer pendant toute la<br />
journée et la nuit, consacrant l’essentiel de son action<br />
à établir des positions d’artillerie pour foudroyer les<br />
centres de la révolte. Le lendemain matin, les<br />
bédouins des environs <strong>du</strong> Caire se rapprochent de la<br />
ville… Bonaparte envoie la cavalerie les contenir.<br />
Il charge les ulémas <strong>du</strong> diwan de parlementer avec<br />
les insurgés. Ceux-ci interprètent ce geste comme<br />
une preuve de faiblesse et refusent de recevoir les<br />
ulémas.<br />
L’impitoyable répression commence alors. Le 22 octobre<br />
vers midi, un bombardement général est déclenché.<br />
Toutes les zones tenues par les insurgés sont<br />
<strong>du</strong>rement frappées. Le quartier d’al-Azhar est particulièrement<br />
touché. Peu à peu, les insurgés se<br />
rendent. A l’aube <strong>du</strong> 23 octobre, l’ordre règne au<br />
Caire. Bonaparte intime au général Bon l’ordre de<br />
saccager la mosquée d’al-Azhar. Jabarti, consterné,<br />
rapporte le comportement de la soldatesque<br />
française : « Ils entrèrent dans la mosquée d’al-Azhar<br />
avec leurs chevaux qu’ils attachèrent à la qibla ; ils<br />
brisèrent les lampes, les veilleuses, les pupitres des<br />
étudiants ; ils pillèrent tout ce qu’ils trouvèrent dans<br />
les armoires ; ils jetèrent sur le sol les livres et le<br />
Coran, marchèrent dessus avec leurs bottes, urinant<br />
et crachant partout dans la mosquée » !<br />
Le bombardement <strong>du</strong> quartier d’al-Azhar fait<br />
plusieurs milliers de morts. L’épisode n’est pas de<br />
ceux qui contribuent à donner de l’expédition une<br />
image glorieuse… Actes de guerres. Aventure savante.<br />
Opérations de maintien de l’ordre. L’expédition est tout<br />
cela à la fois…<br />
Faut-il voir en celle-ci « l’événement décisif » qui<br />
permet à l’Egypte d’« advenir à la modernité » Ou,<br />
au contraire, une « aventure coloniale » qui altère<br />
l’unité <strong>du</strong> pays et brise l’élan d’un « Réveil arabe »<br />
déjà largement engagé Le débat sera difficile à<br />
clore, ainsi que le constate Imad Abou Ghazi, dans<br />
l’article <strong>du</strong> catalogue consacré à l’historiographie<br />
égyptienne de l’expédition. Si d’un côté, certains<br />
historiens, tel Fawzi Guiguis, estiment que « l’ébranlement<br />
d’une invasion qui n’était ni turque ni arabe, et<br />
ne se réclamait pas de la religion musulmane, fit<br />
sortir de leur sommeil » l’Egypte et les Egyptiens, et<br />
que, à l’instar d’Abd al-Rahman al-Rafei, « l’expédition<br />
française aura réveillé l’esprit national égyptien »,<br />
pour la raison que c’est « la résistance à l’expédition<br />
qui constituera le noyau d’où sortira l’esprit national<br />
égyptien », de l’autre, en revanche, prévaut la conviction<br />
que ce « moment de contact avec l’Occident<br />
n’aura fait que compromettre les possibilités d’une<br />
véritable renaissance ».
Loin de l’histoire des idées <strong>du</strong> XX e siècle égyptien, on<br />
retrouve Bonaparte sur les bords <strong>du</strong> Nil… On ne peut<br />
ici, on l’a dit déjà, s’attacher au détail des<br />
événements qui ont constitué cet épisode si controversé<br />
de l’Histoire. On renverra pour cela à la chronologie incluse<br />
dans ces pages ou, bien plutôt, aux dizaines de milliers<br />
d’ouvrages qu’a suscitées la geste napoléonienne.<br />
Repro<strong>du</strong>ction d’une lampe de mosquée<br />
Brocard, fin XIX e siècle<br />
Conservatoire national des Arts et Métiers, Paris<br />
© Musée des arts et métiers-CNAM, Paris / Photo : M.Favareille<br />
« Il aura fallu attendre la seconde moitié <strong>du</strong> XX e siècle<br />
pour voir se constituer à ce sujet une véritable<br />
problématique. Les historiens de cette période ont<br />
transporté le débat <strong>du</strong> terrain strictement historique<br />
à celui des luttes politiques et idéologiques<br />
dont la société égyptienne était le théâtre ; l’étude<br />
de l’expédition se trouve ainsi liée aux questions <strong>du</strong><br />
Réveil national et de la modernité », remarque<br />
Imad Abou Ghazi, qui note encore que : « la<br />
“grande bataille” autour <strong>du</strong> sens à donner à<br />
l’expédition s’est déroulée autour de ces toutes dernières<br />
années, plus précisément lorsqu’il s’est agi,<br />
en 1997, de préparer les célébrations commémorant<br />
les deux cents ans de relations égypto-françaises ».<br />
Dans ce contexte, souligne Imad Abou Ghazi,<br />
« l’expédition française a été véritablement<br />
instrumentalisée à des fins politiques et idéologiques<br />
proprement égyptiennes ». L’exposition que<br />
présentent, aujourd’hui, l’<strong>Institut</strong> <strong>du</strong> monde arabe<br />
puis le Musée des Beaux-Arts d’Arras, préparée par<br />
une commission scientifique paritaire franco-égyptienne,<br />
pourrait bien être l’occasion d’apaiser un<br />
débat « <strong>du</strong>quel on a voulu tirer davantage sans<br />
doute qu’il ne peut donner ».<br />
Rappelons seulement brièvement quelques moments<br />
forts de cette expédition, notamment la campagne en<br />
Syrie (février-mai 1799) menée par Bonaparte à la<br />
tête d’une armée de 13 000 hommes… Soucieux<br />
d’anticiper l’attaque – qu’il perçoit comme imminente<br />
– des forces ottomanes, mû également par l’ambition<br />
de prendre le contrôle de la route terrestre des Indes,<br />
Bonaparte, après s’être emparé <strong>du</strong> fort d’al-Arich,<br />
entre en Palestine, s’empare de Gaza puis de<br />
Ramallah et de Jaffa. Ces premiers succès vont être<br />
ternis, ensuite, par le sac de Jaffa et le terrible massacre<br />
de quelque deux mille cinq cents prisonniers<br />
turcs, exécutés froidement sur ordre de Bonaparte.<br />
Suite à ce drame – dont « Napoléon porta malaisément<br />
le souvenir jusqu’à la fin de sa vie », ainsi<br />
que l’écrit l’historien Ab<strong>du</strong>l Karim Rafeq, professeur<br />
à l’Université William & Mary (E.U.), dans le<br />
catalogue de l’exposition –, l’armée d’Orient<br />
échoue à plusieurs reprises à conquérir Saint-Jean<br />
d’Acre, où les Anglais apportent leur soutien aux<br />
Ottomans ; la peste s’en mêlant, Bonaparte doit<br />
lever le siège et rentrer en Egypte, sans gloire, à la<br />
fin <strong>du</strong> mois de mai 1799.
HRONOLOG<br />
DU SIECLE 1769-1869<br />
1250<br />
Saint Louis est fait prisonnier<br />
en Egypte pendant un mois au cours<br />
de la 7 e Croisade.<br />
1516<br />
Conquête de l’Egypte par le sultan<br />
Sélim. L’Egypte devient une province<br />
de l’Empire ottoman.<br />
1670<br />
Leibniz, De l'expédition d'Egypte,<br />
lettre au roi de France, projet de<br />
conquête de l’Egypte adressé à Louis XIV.<br />
1721<br />
Montesquieu, Lettres persanes.<br />
De l’Esprit des lois parait en 1748.<br />
1734<br />
Voltaire, Lettres philosophiques.<br />
1762<br />
Rousseau, Du Contrat social.<br />
1765-1773<br />
Le Mamelouk Ali Bey dépose le pacha<br />
ottoman, frappe monnaie, n’acquitte<br />
pas le tribut dû par l’Egypte à la<br />
Sublime Porte.<br />
21 JANVIER 1793<br />
Exécution de Louis XVI.<br />
JUIN-JUILL<strong>ET</strong> 1794<br />
La Grande Terreur.<br />
Chute de Robespierre (27 juillet).<br />
1795<br />
Mise en place <strong>du</strong> Directoire.<br />
Insurrection royaliste réprimée par<br />
Bonaparte, nommé ensuite général en<br />
chef des armées d’Italie.<br />
1796-1797<br />
Campagne d’Italie.<br />
DÉCEMBRE 1797<br />
Retour de Bonaparte en France<br />
où il est accueilli comme un héros.<br />
5 MARS 1798<br />
Le Directoire adopte le projet<br />
de conquête et de colonisation<br />
de l’Egypte.<br />
19 MAI 1798<br />
Départ de la flotte française<br />
pour l’Egypte.<br />
18 JUIN 1805<br />
La Sublime Porte nomme<br />
Muhammad Ali gouverneur<br />
de la province égyptienne.<br />
1805<br />
Abd al-Rahman al-Jabarti, Merveilles<br />
biographiques et historiques, troisième<br />
ouvrage consacré à la présence<br />
française en Egypte.<br />
1806<br />
Gros, La Bataille d’Aboukir.<br />
Lejeune, La Bataille des Pyramides.<br />
1809<br />
Parution des premiers volumes<br />
de la Description de l’Egypte.<br />
1 ER MARS 1811<br />
Muhammad Ali fait massacrer les<br />
Mamelouks lors d’un guet-apens à la<br />
citadelle <strong>du</strong> Caire.<br />
1811<br />
Mise en place d’un nouveau système<br />
d’enseignement en Egypte.<br />
18 JUIN 1815<br />
Défaite de Napoléon à Waterloo.<br />
AOÛT 1828-DÉCEMBRE 1829<br />
Séjour de Champollion en Egypte.<br />
NOVEMBRE 1929<br />
Champollion adresse à Muhammad Ali<br />
une « Note pour la conservation des<br />
monuments de l’Egypte ».<br />
1829<br />
Parution <strong>du</strong> dernier volume de la<br />
Description de l’Egypte.<br />
1829<br />
Victor Hugo, Les Orientales.<br />
1831<br />
Muhammad Ali défie le sultan ottoman<br />
en envahissant la Syrie.<br />
MARS 1833<br />
Un premier groupe de saint-simoniens<br />
arrive en Egypte.<br />
1835<br />
Parution au Caire de Takhlîs al-ibrîz fî<br />
talkhîs al-safar ilâ Bârîs, de Rifaa al-<br />
Tahtawi (tra<strong>du</strong>ction française :<br />
L’Or de Paris, 1988). Cette même année,<br />
Rifaa al-Tahtawi fonde l’Ecole des<br />
langues <strong>du</strong> Caire.<br />
1 ER JUILL<strong>ET</strong> 1798 - 30 AOÛT 1801<br />
voir ci-contre :<br />
chronologie de l’expédition<br />
16 OCTOBRE 1815<br />
Arrivée de Napoléon à l'île<br />
de Sainte-Hélène.<br />
1835<br />
Parution d’Occident et Orient, œuvre<br />
<strong>du</strong> saint-simonien Emile Barrault.<br />
15 AOÛT 1769<br />
Naissance de Napoleone Buonaparte<br />
à Ajaccio, en France.<br />
1769<br />
Naissance de Muhammad Ali à Kavala,<br />
en Macédoine.<br />
1775-1786<br />
Les Mamelouks Ismaïl Bey, Ibrahim Bey<br />
et Mourad Bey se disputent le pouvoir<br />
en Egypte.<br />
1785<br />
Volney, Voyage en Syrie et en Egypte.<br />
Savary, Lettres sur l’Egypte.<br />
1786<br />
Ephémère tentative de la Porte pour<br />
ressaisir l’autorité en Egypte.<br />
1789<br />
Réunion des États Généraux (5 mai).<br />
Prise de la Bastille (14 juillet).<br />
Déclaration des droits de l’Homme<br />
(26 août).<br />
1791-1798<br />
Après la mort d’Ismaïl Bey (1791),<br />
Mourad Bey et Ibrahim Bey imposent<br />
leur pouvoir sur l’ensemble de l’Egypte<br />
et se livrent à de nombreuses exactions.<br />
1792<br />
Proclamation de la République et<br />
adoption <strong>du</strong> calendrier républicain.<br />
6 FÉVRIER 1802<br />
Bonaparte, Premier Consul, décide de<br />
la publication d’« un grand ouvrage<br />
sur l’Egypte ».<br />
1802<br />
Abd al-Rahman al-Jabarti achève la<br />
rédaction d’Action de grâce après la<br />
disparition <strong>du</strong> pouvoir français, second<br />
ouvrage de l’auteur qui fait suite à<br />
Histoire de la présence française en<br />
Egypte, écrit « à chaud » en 1799.<br />
1802<br />
Dominique Vivant Denon, Voyage dans<br />
la Basse et la Haute Egypte pendant<br />
les campagnes <strong>du</strong> général Bonaparte.<br />
1804<br />
Promulgation <strong>du</strong> Code Civil en France.<br />
1804<br />
Gros, Les pestiférés de Jaffa.<br />
18 MAI 1804<br />
Constitution de l'An XII, Napoléon<br />
devient empereur.<br />
MAI 1804<br />
Muhammad Ali s’empare <strong>du</strong> pouvoir en<br />
Egypte.<br />
1820<br />
Création de l’Imprimerie officielle de<br />
Boulaq.<br />
1820-1821<br />
Intro<strong>du</strong>ction en Egypte <strong>du</strong> coton à<br />
longue fibre.<br />
5 MAI 1821<br />
Décès de Napoléon Bonaparte<br />
à Sainte-Hélène.<br />
14 SEPTEMBRE 1822<br />
Déchiffrement des hiéroglyphes par<br />
Jean-François Champollion.<br />
Acte de naissance de l’égyptologie.<br />
1824<br />
Girodet, La révolte <strong>du</strong> Caire.<br />
1824<br />
Joseph Sève (Soliman Pacha) est<br />
nommé instructeur en chef de la<br />
nouvelle armée égyptienne.<br />
1826<br />
Première mission scolaire et universitaire<br />
égyptienne à Paris. Les missions<br />
se succèderont ensuite jusqu’en 1848.<br />
15 MAI 1826<br />
Ordonnance créant au musée <strong>du</strong><br />
Louvre une division des monuments<br />
égyptiens. Champollion en est nommé<br />
premier conservateur.<br />
15 AOÛT 1835<br />
Muhammad Ali promulgue une<br />
ordonnance prohibant l’exportation de<br />
pro<strong>du</strong>its de fouilles.<br />
1835-1847<br />
Publication des quatre volumes des<br />
Monuments de l’Egypte et de la Nubie<br />
d’après les dessins exécutés sur les<br />
lieux par Champollion le Jeune.<br />
1836<br />
Edward William Lane, An account of the<br />
Manners and Customs of the Modern<br />
Egyptians.<br />
OCTOBRE 1836<br />
Erection sur la place de la Concorde, à<br />
Paris, de l’obélisque de Louqsor, offert<br />
par Muhammad Ali à la France.<br />
1837<br />
Pascal Coste, Architecture arabe ou<br />
monuments <strong>du</strong> Kaire, mesurés et<br />
dessinés de 1818 à 1826.<br />
1838-1841<br />
Jean-François Champollion, Grammaire<br />
Egyptienne.<br />
15 DÉCEMBRE 1840<br />
Transfert des cendres de Napoléon aux<br />
Invalides.
IES<br />
DE L’EXPEDITION 1798-1801<br />
1841<br />
Muhammad Ali obtient de la Porte le<br />
droit de transmettre à ses héritiers le<br />
pouvoir sur l’Egypte.<br />
MARS 1848<br />
Muhammad Ali, malade, est écarté <strong>du</strong><br />
pouvoir au profit de son fils Ibrahim.<br />
Celui-ci meurt le 10 novembre de la<br />
même année.<br />
1851<br />
Découverte par Auguste Mariette d’un<br />
complexe funéraire dans le désert de<br />
Saqqarah.<br />
1851<br />
Gérard de Nerval, Voyage en Orient.<br />
1858<br />
Mariette est nommé premier directeur<br />
<strong>du</strong> Service des antiquités égyptiennes.<br />
1859<br />
Début des travaux de percement de<br />
l’isthme de Suez.<br />
18 AVRIL 1863<br />
Début <strong>du</strong> règne d’Ismail (petit-fils<br />
de Muhammad Ali), qui mettra en<br />
œuvre de nombreux projets de<br />
développement.<br />
1863<br />
Création <strong>du</strong> Musée Egyptien dirigé par<br />
Auguste Mariette.<br />
1867<br />
Participation de l’Egypte à l’Exposition<br />
universelle de Paris.<br />
17 NOVEMBRE 1869<br />
Inauguration <strong>du</strong> canal de Suez en<br />
présence de l'impératrice Eugénie.<br />
1875<br />
Création <strong>du</strong> journal al-Ahram.<br />
1877<br />
Emile Prisse d’Avennes, L’Art arabe<br />
d’après les monuments <strong>du</strong> Kaire.<br />
5 DÉCEMBRE 1797<br />
Retour triomphal à Paris <strong>du</strong> général<br />
Bonaparte après la campagne d’Italie.<br />
25 DÉCEMBRE 1797<br />
Bonaparte est élu membre de la<br />
première classe de l’<strong>Institut</strong>.<br />
7 FÉVRIER 1798<br />
Le Directoire soumet à Bonaparte le<br />
plan de débarquement en Angleterre.<br />
14 FÉVRIER 1798<br />
Talleyrand expose devant le Directoire<br />
les avantages que procureraient à la<br />
France la conquête et la colonisation<br />
de l’Egypte.<br />
23 FÉVRIER 1798<br />
Bonaparte suggère au Directoire de<br />
renoncer au débarquement en<br />
Angleterre et de frapper indirectement<br />
l’adversaire en Egypte pour lui couper<br />
la route des Indes.<br />
5 MARS 1798<br />
Le Directoire se rallie au projet de<br />
Talleyrand et de Bonaparte.<br />
16 MARS 1798<br />
Création de la Commission des<br />
sciences et des arts, chargée de<br />
recruter les savants qui participeront à<br />
l’expédition.<br />
19 MAI 1798<br />
Départ de la flotte française, dans le<br />
plus grand secret, depuis les ports de<br />
Toulon, Ajaccio, Gênes et Rome.<br />
10-12 JUIN 1798<br />
Prise de Malte.<br />
FIN JUIN 1798<br />
Les navires français échappent de<br />
justesse à la flotte anglaise<br />
commandée par l’amiral Nelson.<br />
1 ER - 2 JUILL<strong>ET</strong> 1798<br />
Débarquement de l’armée d’Orient à<br />
Alexandrie.<br />
1 ER AOÛT 1798<br />
Destruction presque totale de la flotte<br />
française en rade d’Aboukir par les<br />
navires anglais de l’amiral Nelson.<br />
2 AOÛT 1798<br />
Les troupes de l’avant-garde<br />
poursuivent Ibrahim Bey dans le delta.<br />
Celui-ci se retire en Syrie.<br />
22 AOÛT 1798<br />
Création par Bonaparte de l’<strong>Institut</strong><br />
d’Egypte.<br />
25 AOÛT 1798<br />
Un corps d’armée, sous les ordres <strong>du</strong><br />
général Desaix, quitte Le Caire pour la<br />
Haute Egypte à la poursuite de Mourad<br />
Bey.<br />
29 AOÛT 1798<br />
Parution <strong>du</strong> premier numéro <strong>du</strong><br />
Courrier de l’Egypte.<br />
9 SEPTEMBRE 1798<br />
Le sultan ottoman déclare la guerre à<br />
la France.<br />
1 ER OCTOBRE 1798<br />
Première parution de La Décade<br />
égyptienne.<br />
21-23 OCTOBRE 1798<br />
Première révolte <strong>du</strong> Caire, violemment<br />
réprimée par Bonaparte : le quartier<br />
d’Al-Azhar est bombardé et la mosquée<br />
saccagée.<br />
30 NOVEMBRE 1798<br />
Tentative de lancement d’une montgolfière,<br />
place de l’Ezbékieh au Caire.<br />
2 FÉVRIER 1799<br />
Desaix parvient à Assouan sans avoir<br />
réussi à neutraliser Mourad Bey.<br />
10 FÉVRIER 1799<br />
Début de la campagne de Syrie.<br />
25 FÉVRIER 1799<br />
Prise de Gaza puis de Ramallah (le 2 mars).<br />
6 MARS 1799<br />
Prise de Jaffa ; massacre des<br />
prisonniers par l’armée d’Orient (le 11).<br />
23 AOÛT 1799<br />
Bonaparte embarque pour la France à<br />
Alexandrie, laissant le commandement<br />
à Kléber. Il débarque à Fréjus (le<br />
9 octobre), et est acclamé comme un<br />
sauveur pendant tout son trajet<br />
jusqu’à Paris, qu’il rejoint le 16 octobre.<br />
Il prend le pouvoir le 9 novembre (coup<br />
d’Etat <strong>du</strong> 18 Brumaire).<br />
22-29 DÉCEMBRE 1799<br />
Chute d’El-Arich.<br />
23 JANVIER 1800<br />
Signature de la convention d’El-Arich.<br />
22 MARS 1800<br />
Victoire des Français contre les<br />
Ottomans à Héliopolis.<br />
MARS-AVRIL 1800<br />
Insurrection <strong>du</strong> Caire, massacres de<br />
Chrétiens.<br />
15 AVRIL 1800<br />
Kléber ordonne une répression<br />
exemplaire sur Boulaq, qui est bombardée<br />
et incendiée. Des pillages et des<br />
viols sont commis par l’armée française.<br />
21 AVRIL 1800<br />
Ottomans et Mamelouks capitulent, la<br />
population <strong>du</strong> Caire est amnistiée.<br />
14 JUIN 1800<br />
Assassinat de Kléber. Le général Menou<br />
lui succède.<br />
8 MARS 1801<br />
Débarquement, à Aboukir, des troupes<br />
anglaises <strong>du</strong> général Abercrombie.<br />
27 JUIN 1801<br />
Le général Belliard, à qui Menou a<br />
confié le commandement <strong>du</strong> Caire,<br />
capitule.<br />
30 AOÛT 1801<br />
Menou accepte la reddition de l’armée<br />
française.<br />
SEPTEMBRE-OCTOBRE 1801<br />
Rapatriement de l’armée d’Orient.<br />
AOÛT 1878<br />
Ismaïl se voit imposer un gouvernement<br />
d’experts européens qui prend de fait,<br />
à travers l’administration de la dette<br />
égyptienne, la direction économique<br />
<strong>du</strong> pays. Il est contraint à l’abdication<br />
(25 juin 1879).<br />
1882<br />
Début de l’occupation britannique.<br />
21 JUILL<strong>ET</strong> 1798<br />
Bataille des Pyramides : victoire des<br />
troupes françaises sur l’armée des<br />
Mamelouks.<br />
25 JUILL<strong>ET</strong> 1798<br />
Création par Bonaparte <strong>du</strong> premier<br />
diwan, instance consultative associant<br />
les notables égyptiens au<br />
gouvernement <strong>du</strong> pays.<br />
23 MAI 1799<br />
Retour en Egypte de Bonaparte et de<br />
ses troupes.<br />
25 JUILL<strong>ET</strong> 1799<br />
Les forces turques débarquées à<br />
Aboukir sont détruites par les Français.<br />
AOÛT 1799<br />
Découverte de la pierre de Rosette par<br />
François Xavier Bouchard, jeune<br />
officier <strong>du</strong> génie.<br />
6 FÉVRIER 1802<br />
Bonaparte, Premier Consul, décide de<br />
la publication d’« un grand ouvrage<br />
sur l’Egypte ».<br />
1809-1829<br />
Parution des vingt volumes de la<br />
Description de l’Egypte.
Les Ottomans, désireux de poursuivre leur avantage,<br />
toujours poussés par les Anglais, débarquent ensuite,<br />
le 14 juillet, à Aboukir. Bonaparte les attaque et les<br />
bat, le 25 juillet. L’échec d’Acre s’en trouve atténué…<br />
« et le nom <strong>du</strong> conquérant redevient synonyme de<br />
victoire », écrit Henry Laurens, qui constate d’ailleurs<br />
que « plus rien ne retient Bonaparte en Egypte ».<br />
Les Anglais se sont chargés de faire tenir à Bonaparte<br />
quelques exemplaires assez récents de gazettes<br />
européennes qui détaillent les échecs des armées<br />
françaises en Europe. Le succès – terrestre – d’Aboukir<br />
permet à Bonaparte de quitter l’Egypte la tête haute :<br />
« Puisque l’empire d’Orient est un mirage, il lui reste<br />
encore l’empire d’Occident », écrit encore H. Laurens.<br />
Avant de partir, il s’adresse une dernière fois au diwan<br />
<strong>du</strong> Caire : « N’est-il pas vrai (…) qu’il est écrit dans vos<br />
livres qu’un être supérieur arrivera d’Occident, chargé<br />
de continuer l’œuvre <strong>du</strong> Prophète (…) N’est-il pas vrai<br />
(…) qu’il est encore écrit que cet homme, ce délégué de<br />
Mahomet, c’est moi ». Encore une fois, les ulémas<br />
opposent à ce discours un silence glacial…<br />
Le 22 août, le général en chef s’embarque secrètement<br />
pour la France. Il ramène avec lui les généraux Berthier,<br />
Andréossy, Marmont, Lannes et Murat (Junot et Desaix,<br />
indisponibles sur le moment, le rejoindront peu après)<br />
et quelques civils, dont Monge et Berthollet. Encore<br />
une fois, il échappe à la croisière anglaise et débarque<br />
à Fréjus, le 9 octobre 1799. Partout, sur le trajet qui le<br />
mène à Paris, le 16 octobre, il est acclamé comme un<br />
sauveur… On sait quel destin l’attend.<br />
Le départ de Bonaparte ne peut être tenu caché bien<br />
longtemps… Kléber, qui a hérité <strong>du</strong> commandement en<br />
chef, doit faire face à une situation désastreuse. Malgré<br />
l’affection profonde qu’ils<br />
portent au général alsacien, les<br />
soldats ne peuvent cacher leur<br />
colère. Les caisses sont vides.<br />
Les effectifs de l’armée ont<br />
subi des pertes considérables<br />
depuis leur arrivée. Les épidémies<br />
font des ravages. La<br />
troupe, épuisée, démoralisée<br />
par le départ de Bonaparte,<br />
éclate en mutineries que<br />
Kléber est contraint de mater…<br />
Aussi, dans un premier temps,<br />
décide-t-il, malgré les ordres<br />
reçus, de négocier avec les Ottomans une évacuation<br />
dans l’honneur. Il signe en ce sens l’accord d’al-Arich<br />
qui doit permettre aux Français de quitter l’Egypte sur<br />
des bâtiments fournis par les Ottomans, avec la promesse<br />
de ne pas être inquiétés par la Porte et ses<br />
alliés jusqu’au retour en France… Mais les Anglais, en<br />
dépit <strong>du</strong> désir qu’ils ont de voir les Français hors<br />
d’Egypte, s’opposent à ce qu’ils la quittent librement.<br />
Les hostilités reprennent. L’armée française trouve la<br />
force d’écraser les Turcs à Héliopolis. Kléber vient à<br />
bout d’une seconde insurrection <strong>du</strong> Caire et réaffirme<br />
la mainmise française sur l’Egypte, mettant en place<br />
un nouveau système fiscal et procédant même à la<br />
formation de troupes recrutées localement. Ces<br />
succès convainquent, peut-être, l’Alsacien de la possibilité<br />
de s’installer <strong>du</strong>rablement en Egypte. Ses véritables<br />
intentions resteront inconnues : l’homme est<br />
assassiné par un « fanatique syrien », le 14 juin 1800,<br />
le jour même où Bonaparte, en Italie, remporte la<br />
bataille de Marengo...<br />
Malgré de réels talents d’administrateur, Jacques-<br />
François Menou, qui reprend le flambeau, est loin<br />
d’avoir les compétences militaires et le prestige de<br />
Kléber auprès des soldats. Les projets de ce général,<br />
converti à l’Islam, de faire de l’Egypte une colonie<br />
française resteront lettre morte face aux coups de<br />
boutoir des Anglais, bien décidés, eux, à en finir.<br />
Menou ira d’échec en échec. Son impéritie patente,<br />
tant militaire que diplomatique, mettra l’armée<br />
d’Orient dans l’obligation de capituler, le 30 août 1801.<br />
En face de lui, Anglais et Ottomans se renforcent de<br />
ses défaites. L’aventure est terminée. A leurs conditions,<br />
les Britanniques organisent le rapatriement en<br />
France, sur des navires anglais,<br />
des soldats, généraux et<br />
savants français. Ils s’approprient<br />
les collections de ces<br />
derniers – en acceptant toutefois,<br />
face aux protestations, de<br />
leur laisser leurs notes et leurs<br />
papiers –, parmi lesquelles<br />
figure, notamment, la fameuse<br />
pierre de Rosette, découverte<br />
dans la ville <strong>du</strong> même nom<br />
quelques jours avant que<br />
Bonaparte ne se soit, lui-même,<br />
embarqué pour la France.<br />
Portrait <strong>du</strong> Général Kléber<br />
André Dutertre, vers 1798<br />
Musée national <strong>du</strong> Château de Versailles<br />
© RMN. Photo : Gérard Blot
L’EGYPTE DANS LA<br />
FRANCE DU<br />
XIX e SIECLE<br />
(JUSQU’EN 1869)<br />
En tant qu’entreprise militaire et coloniale, l’expédition d’Egypte<br />
constitue à l’évidence un échec, pour ne pas dire un fiasco. Cette même<br />
expédition occupe, pourtant, une place considérable dans l’imaginaire<br />
tant français qu’égyptien et ce, pour des raisons d’ordre essentiellement<br />
culturel…<br />
militaire, aventure savante : les<br />
deux faces de cet épisode se résument et<br />
«Expédition<br />
s’expriment dans la personnalité de<br />
Bonaparte qui les a voulues l’une et l’autre », écrit<br />
Yves Laissus, dans le catalogue de l’exposition.<br />
A l’évidence, sans les « savants » qui composent la<br />
Commission des arts et des sciences de l’armée<br />
d’Orient, et par lesquels Bonaparte se fait accompagner<br />
en Egypte, cette dimension culturelle n’aurait<br />
pas existé. Même s’il est aujourd’hui couramment<br />
admis que les savants et les artistes qui se sont<br />
trouvés mêlés aux aventures coloniales de l’Europe<br />
ont aussi été – fût-ce à leur corps défendant – les<br />
complices de ce fait colonial, il reste que, dans le cas<br />
de l’expédition, la présence de ces hommes en<br />
Egypte, pendant une période pourtant fort courte, a<br />
eu, dans maints domaines de la culture et de l’histoire<br />
des idées, des conséquences formidables.<br />
Monuments de l’Egypte de la Nubie<br />
Jean-François Champollion, 1835-1845<br />
Collection Jacques Doucet<br />
© Bibliotheque de l’<strong>Institut</strong> national d’histoire de l’art, Paris
S’il est vrai que les Français « n’ont pas atténué la grande<br />
misère des fellahs », ni « percé l’isthme de Suez », les<br />
conséquences de l’expédition scientifique pour la postérité<br />
se concrétisent à travers la somme incroyable de matériel et<br />
de données recueillis. Les savants, en effet, « ne rentrent pas<br />
les mains vides. Même si la capitulation finale les prive de la<br />
pierre de Rosette et de plusieurs beaux morceaux d’antiquité,<br />
ils rapportent dans les bagages personnels que le vainqueur<br />
leur laisse, des collections importantes et les matériaux d’une<br />
enquête approfondie, scientifique, économique, ethnologique<br />
même, sur un pays qui les a fascinés (…). Leur moisson est<br />
immense », indique Yves Laissus dans l’article <strong>du</strong> catalogue<br />
intitulé Les « Savants » et leurs travaux.<br />
Au tout premier rang de cette extraordinaire récolte, figurent les<br />
relevés, planches et descriptions des monuments de Haute-Egypte<br />
qui vont permettre que se dévoile, pour la première fois avec autant<br />
de force, cette Egypte antique, fascinante et mystérieuse. Ces<br />
travaux ont été effectués dans des conditions particulièrement<br />
pénibles et périlleuses pour leurs auteurs, qui pénètrent la région<br />
dans le sillage <strong>du</strong> général Desaix, lui-même à la poursuite de Mourad<br />
Bey. Attaqués par l’ophtalmie, menacés par les bédouins, privés de<br />
ravitaillement – au point de fabriquer des crayons avec des balles de<br />
plomb fon<strong>du</strong>es dans des roseaux ! –, ces dessinateurs, ingénieurs et<br />
autres architectes parviennent pourtant à pro<strong>du</strong>ire un travail critique<br />
et inspiré, fruit d’une réflexion approfondie et d’un sens de l’observation<br />
aiguisé.<br />
A la veille de quitter définitivement Le Caire, l’un des derniers actes de<br />
Bonaparte en Egypte consistera à désigner deux commissions<br />
scientifiques tout spécialement chargées de l’étude des principaux<br />
monuments de la vallée <strong>du</strong> Nil. Sont membres de celles-ci quelque<br />
quarante « savants » parmi les plus prestigieux – Costaz, Fourier, Le Père,<br />
Méchain, Redouté, Delile, Geoffroy Saint-Hilaire, Villoteau… –, représentant<br />
toutes les disciplines. L’œuvre qu’accomplissent ces hommes constitue, à<br />
l’évidence, l’un des aspects les moins contestables de l’expédition : la transmission<br />
aux générations futures de l’héritage monumental d’une des plus<br />
grandes civilisations de l’histoire de l’humanité.<br />
Dès février 1802, quelques mois à peine après qu’a pris véritablement fin<br />
l’expédition, Bonaparte, devenu Premier Consul, décide de la publication, sous<br />
l’autorité <strong>du</strong> gouvernement et aux frais de celui-ci, de la Description de l’Egypte,<br />
ouvrage colossal dont la parution s’étendra sur quelque trente années (elle sera<br />
achevée en 1829), mettant à contribution quarante-trois auteurs, quatre-vingts<br />
artistes et deux cent quatre-vingt-quatorze graveurs. La Description comprend<br />
cent cinquante-sept mémoires, quarante-sept cartes géographiques et neuf cent<br />
vingt-cinq planches dont certaines, atteignant le mètre de longueur, vont<br />
nécessiter la création d’une presse spéciale mise au point par Nicolas Conté. Il<br />
faudra même fabriquer un meuble spécifique pour contenir l’ouvrage…<br />
Portrait de Dominique Vivant Denon - Robert Lefèvre<br />
Musée des Beaux-Arts de Caen<br />
© Musée des Beaux-Arts de Caen. Photo : Martine Seyve
La Description est composée de trois parties :<br />
Antiquité, Histoire naturelle et Etat moderne. Si la<br />
section relative au patrimoine archéologique<br />
égyptien, en permettant pour la première fois une<br />
compréhension et une connaissance profondes de<br />
l’Egypte antique et de ses monuments, a un impact<br />
considérable sur la naissance de l’égyptologie, la<br />
troisième partie, dédiée à l’Etat moderne, représente,<br />
quant à elle, l’apport le plus original. Les planches<br />
consacrées à la description de l’Egypte contemporaine<br />
suscitent, en effet, l’apparition d’un regard<br />
nouveau, à la fois plus rigoureux et moins ethnocentrique.<br />
Le caractère scientifique de cette publication<br />
surpasse, et de loin, celui des récits de voyage qui<br />
prévalent jusqu’alors – de la vision enchanteresse<br />
d’un Savary à l’œil impitoyable d’un Volney, en<br />
passant par le Journal de voyage de Vivant Denon –<br />
et constitue, à l’époque de sa parution comme<br />
aujourd’hui encore, la qualité de cette œuvre unique<br />
et novatrice. Bien que la parution d’un tel monument<br />
littéraire vise sans conteste à transformer l’échec<br />
politique et militaire en revanche scientifique, il n’en<br />
reste pas moins que l’influence de cette nouvelle<br />
source documentaire est considérable et contribue<br />
pleinement au passage de l’égyptomanie <strong>du</strong> XVIII e siècle<br />
à l’égyptologie <strong>du</strong> XIX e .<br />
C’est que « la Description de l’Egypte (…) est à la<br />
source de l’égyptologie, <strong>du</strong> déchiffrement des<br />
hiéroglyphes », ainsi que l’écrit dans le catalogue de<br />
l’exposition Paul-Marie Grinevald, responsable de la<br />
Bibliothèque historique à Hôtel des Monnaies. Né en<br />
1790, Jean-François Champollion voue, dès son jeune<br />
âge, une passion sans bornes à l’antiquité égyptienne<br />
et décide de consacrer sa vie à l’élucidation de ce qui<br />
est alors le mystère des hiéroglyphes. Il se procure<br />
une copie des estampages de la pierre de Rosette que<br />
les savants français ont eu le temps de réaliser avant<br />
que les Anglais n’accaparent celle-ci. Le hasard vient<br />
aussi à son aide : lorsqu’il a quinze ans, son frère ainé<br />
« est le bibliothécaire de la ville de Grenoble, chef-lieu<br />
de la préfecture de l’Isère. Le préfet n’est autre que le<br />
mathématicien Joseph Fourier, ancien membre de la<br />
Commission des savants de l’expédition, ancien<br />
secrétaire de l’<strong>Institut</strong> d’Egypte, devenu depuis le<br />
retour d’Egypte le coordinateur de la publication et<br />
futur préfacier de la Description de l’Egypte »,<br />
rapporte Guillemette Andreu, conservateur en chef<br />
chargé <strong>du</strong> département des Antiquités égyptiennes au<br />
Musée <strong>du</strong> Louvre, dans l’article <strong>du</strong> catalogue consacré<br />
à la naissance de l’égyptologie. Champollion « a ainsi le<br />
loisir de pouvoir contempler la Description de l’Egypte<br />
avant les autres ; il se constitue alors une documentation<br />
de premier ordre pour ses travaux », poursuit-elle.<br />
Se fondant, notamment, sur les études de<br />
précurseurs, « accumulant les copies de textes,<br />
apprenant toutes les langues anciennes et sémitiques<br />
qui peuvent l’éclairer, comprenant que le copte est<br />
l’ultime avatar de l’égyptien hiéroglyphique,<br />
Champollion a trente-deux ans lorsqu’il a l’intuition<br />
fulgurante qui lui révèle la double nature des<br />
hiéroglyphes : à la fois phonogrammes et idéogrammes,<br />
ces signes peuvent être tour à tour employés dans un<br />
même texte tantôt pour leur valeur phonétique,<br />
tantôt pour l’idée qu’ils suggèrent », précise encore<br />
Guillemette Andreu.<br />
Couronnement de toute une vie, le voyage qu’il<br />
entreprend en Egypte, en 1928, va lui permettre de<br />
mettre en pratique la science dont il est l’inventeur :<br />
« Jeté depuis six mois au milieu des monuments de<br />
l’Egypte », écrit-il à son frère, « je suis effrayé de ce<br />
que j’y lis plus couramment encore que je n’osais<br />
l’imaginer » ! Des pans entiers des trois millénaires de<br />
l’histoire des Pharaons se dévoilent sous ses yeux,<br />
pendant ce séjour qui l’épuise. Il aura le temps et<br />
l’esprit de se comporter en pionnier encore, adressant<br />
une supplique au souverain de l’Egypte visant à créer<br />
un service de conservation des antiquités <strong>du</strong> pays et<br />
à protéger celles-ci <strong>du</strong> pillage et de la destruction :<br />
« Son Altesse pourrait ordonner qu’on enlevât sous<br />
aucun prétexte aucune pierre ou brique, soit ornée de<br />
sculptures, soit non sculptée, dans les constructions<br />
et monuments antiques existant encore ». Il faudra<br />
attendre plusieurs décennies et Auguste Mariette<br />
pour que la loi, en Egypte, s’empare <strong>du</strong> sujet.<br />
Champollion meurt peu de temps après son retour<br />
d’Egypte. « Grâce à sa découverte », constate Robert<br />
Solé dans le catalogue de l’exposition, « c’est toute<br />
une civilisation, muette depuis quatorze siècles, qui<br />
va se mettre à parler ». On peut toutefois se<br />
demander, comme le fait J.-M. Humbert,<br />
commissaire scientifique de l’exposition,<br />
dans l’article <strong>du</strong> catalogue intitulé<br />
Le style retour d’Egypte, sources<br />
et prolongements : « quelle<br />
aurait pu être l’évolution de<br />
l’égyptologie si l’expédition<br />
Encrier « égyptien » - Jean-Baptiste Chanoux, manufacture de Sèvres, 1802<br />
Musée national de Céramique, Sèvres<br />
© RMN. Photo : Christian Jean
d’Egypte de Bonaparte<br />
n’avait pas eu lieu <br />
Sans doute aurait-elle<br />
continué de se développer,<br />
tant son<br />
emprise sur les<br />
esprits était forte,<br />
mais jamais, certainement,<br />
elle n’aurait atteint<br />
le développement qu’elle a<br />
connu, tant en France que<br />
dans le monde occidental, tout<br />
au long <strong>du</strong> XIX e siècle ».<br />
Ce néanmoins, l’expédition,<br />
par l’abondance<br />
des travaux qu’elle<br />
inspire aux artistes –<br />
souvent au-delà des<br />
réalités historiques –,<br />
se trouve au centre de<br />
la réflexion menée par<br />
certains et constitue,<br />
dès lors, l’une des sources<br />
des nouveaux courants<br />
artistiques de l’époque :<br />
« Insensiblement l’iconographie<br />
néo-classique de l’expédition se<br />
Assiette à l’autruche, avec vue <strong>du</strong> village de Nagadi<br />
Et J.-M. Humbert de noter encore :<br />
Manufacture de Sèvres, 1 ère moitié <strong>du</strong> XIX e siècle<br />
transforme en paroxysme d’expression<br />
« Tout au long <strong>du</strong> XIX e siècle, des Musée national <strong>du</strong> Château de Fontainebleau<br />
annonçant le romantisme et<br />
intérieurs à l’égyptienne sont (…)<br />
© RMN. Photo : Jean-Pierre Lagiewski<br />
l’orientalisme <strong>du</strong> XIX e siècle »,<br />
créés, aussi bien dans les cours impériales et royales<br />
que chez des particuliers ». Il rend compte également<br />
de la mode « des tombes construites à l’égyptienne »<br />
et, surtout, constate que « des bâtiments entiers<br />
s’inspirent des planches de la Description », à Paris,<br />
certes, mais aussi à Londres, à Varsovie, ou encore à<br />
Saint-Pétersbourg. Si le style retour d’Egypte,<br />
remarque à cet égard Henry Laurens. C’est que,<br />
comme le fait Jérémie Benoît, « il convient de<br />
distinguer, dans le domaine de la peinture, les sujets<br />
eux-mêmes, liés à la propagande impériale, et la<br />
découverte de l’orientalisme, que seuls quelques<br />
artistes majeurs, Gros, Girodet, surent reconnaître<br />
très tôt, ouvrant la voie au romantisme ».<br />
qui concerne un vaste ensemble d’artéfacts <strong>du</strong><br />
quotidien – de la décoration intérieure, mobiliers et bibelots<br />
essentiellement, à la mode et aux arts orfèvres –,<br />
s’épanouit tout au long <strong>du</strong> XIX e siècle, l’appellation<br />
« "style retour d’Egypte" se trouve plus particulièrement<br />
cantonnée dans la période suivant immédiatement<br />
l’expédition de Bonaparte, et donc essentiellement<br />
le Consulat et le 1 er Empire », précise J.-M. Humbert.<br />
« L’expédition d’Egypte est présente à l’esprit de tous<br />
les artistes qui se sont tournés vers l’Orient au<br />
XIX e siècle, même chez ceux qui ne s’en sont pas<br />
directement inspirés », écrit Christine Peltre,<br />
historienne de l’art et professeur à l’Université March<br />
Bloch, dans le catalogue de l’exposition. Ainsi de<br />
Delacroix, préparant Les massacres de Scio et<br />
tra<strong>du</strong>isant « dans son Journal une sorte de fièvre :<br />
Pendant cette même période, les peintres cherchent à<br />
exalter – quand ils n’y sont pas engagés par voie de<br />
concours, voire de commandes – l’héroïsme <strong>du</strong> jeune<br />
général et de son armée pendant l’expédition<br />
"L’Egypte ! L’Egypte !", s’exclame-t-il (…), comme à la<br />
proue d’un vaisseau imaginaire », avant d’ajouter,<br />
quelques lignes plus bas : « La vie de Napoléon est<br />
l’épopée de notre siècle pour tous les arts ».<br />
d’Egypte. A l’instar de l’œuvre de Gros, Bonaparte<br />
visitant les pestiférés de Jaffa, il s’agissait de faire de<br />
l’Empereur « un homme supérieur au commun, sorte<br />
d’envoyé divin », comme l’écrit Jérémie Benoît,<br />
conservateur au musée et au domaine national de<br />
Versailles, dans l’article <strong>du</strong> catalogue consacré à<br />
l’iconographie de l’expédition. Ces œuvres, dans leur<br />
De nombreux autres artistes ou intellectuels de<br />
l’époque sont, de fait, profondément marqués ou<br />
influencés soit par l’expédition, soit par la Description.<br />
« Tracée par l’expédition de Bonaparte se dessine une<br />
autre façon de percevoir une culture étrangère », écrit<br />
encore Christine Peltre, qui précise : « les planches de<br />
ensemble, ont beaucoup fait pour la création de la l’Etat moderne [de la Description] apparaissent<br />
légende napoléonienne mais, techniquement parlant,<br />
se contentent de s’intégrer dans la tradition de la<br />
peinture militaire de l’époque, « la campagne<br />
d’Egypte » ne faisant l’objet « que de peintures<br />
nécessitées par les besoins de la propagande napoléonienne<br />
aujourd’hui comme le laboratoire de l’orientalisme<br />
artistique (…), ouvrant la voie à une conception<br />
ethnographique (…) qui met à distance la vision<br />
impérialiste et se tourne vers d’autres valeurs que celles<br />
des sociétés d’Occident ».<br />
», ainsi que le résume Jérémie<br />
Benoît.
C’est une telle mise à distance qu’on peut voir à l’œuvre,<br />
par exemple, dans le travail d’un Edward William Lane,<br />
An account of the Manners and Customs of the Modern<br />
Egyptians (1836), ouvrage qui impose « la nouveauté<br />
d’un regard en partie préparé par l’œuvre française<br />
[la Description] » et « annonce, sans se départir de sa<br />
culture occidentale, la méthode de l’anthropologie<br />
moderne », toujours selon Christine Peltre.<br />
De la même façon, « la grande entreprise de la<br />
Description de l’Egypte marque un tournant décisif<br />
dans [le] processus de reconnaissance » de l’art et de<br />
l’architecture islamiques, ainsi que l’écrit, dans le<br />
catalogue, Aurélie Clemente-Ruiz, chargée de<br />
collection et d’expositions à l’IMA. A cet égard, les<br />
publications de l’« Egyptien » Jean-Joseph Marcel,<br />
celles de l’ingénieur Émile Prisse d’Avennes et de<br />
l’architecte Pascal Coste – qui travailleront au service<br />
de Muhammad Ali –, bientôt suivies de celles de<br />
plusieurs photographes, sauront élargir la curiosité <strong>du</strong><br />
public pour une culture islamique jusque-là confinée à<br />
des cercles très restreints. Parallèlement, se constituent<br />
les premières collections importantes d’antiquités<br />
et d’art islamiques. Sans doute faut-il « attendre la<br />
seconde moitié <strong>du</strong> XIX e siècle pour que l’art islamique<br />
devienne visible au plus grand nombre » et qu’on en<br />
« découvre les richesses et la magnificence », remarque<br />
A. Clemente-Ruiz, qui ajoute : « Paris apparaît<br />
alors comme la capitale des arts islamiques ».<br />
En 1801, lors <strong>du</strong> retour en France de l’armée d’Orient,<br />
pas moins de sept cent soixante « Grecs, Coptes et<br />
Mamelouks » ont embarqué avec elle. Ces hommes<br />
ont ainsi constitué un des vecteurs de l’intérêt<br />
grandissant des Français pour l’Orient et la culture<br />
arabo-islamique, certains d’entre eux ne cessant<br />
d’œuvrer « pour les retrouvailles de mondes séparés<br />
depuis plusieurs siècles », selon les mots de Daniel<br />
Lançon, professeur de littérature à l’Université<br />
Stendhal-Grenoble, dans l’article <strong>du</strong> catalogue<br />
consacré aux Lettrés d’Egypte en France au début <strong>du</strong><br />
XIX e siècle. Occupant les chaires d’« arabe vulgaire »,<br />
donnant les premières tra<strong>du</strong>ctions littéraires <strong>du</strong><br />
français vers l’arabe, rédigeant manuels et dictionnaires,<br />
travaillant de conserve avec les plus grands spécialistes<br />
français – tels Sylvestre de Sacy ou Caussin de Perceval<br />
–, ils contribuent de façon décisive à l’essor des études<br />
arabes et orientalistes en France.<br />
Paris permettent à quelque trois cents jeunes esprits<br />
de se former aux techniques militaires, à l’in<strong>du</strong>strie et<br />
à l’administration », relate encore Daniel Lançon.<br />
Plusieurs, parmi ces « boursiers de Muhammad Ali »,<br />
rentrés dans leur pays après leur formation en<br />
France, seront des acteurs importants de la modernisation<br />
de l’Egypte et constitueront – selon les termes<br />
de l’historien Patrice Bret, responsable scientifique<br />
<strong>du</strong> Département d’histoire à la direction générale de<br />
l’armement, dans le catalogue de l’exposition – « un<br />
trait d’union entre l’expédition et la renaissance<br />
égyptienne (Nahda) ». Ainsi, entre autres, d’Ali<br />
Moubarak et de Rifaa al-Tahtawi… ce dernier se rendant<br />
célèbre par la publication de la relation de son séjour<br />
dans la capitale française – parue dès 1835 sur les<br />
presses de l’Imprimerie officielle de Boulaq, au Caire –<br />
et connue, en français, sous le titre de L’Or de Paris…<br />
Ce Paris, affectionné par le jeune cheikh et étudiant<br />
Rifaa al-Tahtawi, est aussi l’objet d’attentions de la part<br />
<strong>du</strong> maître de l’Egypte, Muhammad Ali, qui la dote<br />
d’abord d’une girafe – accueillie par le Jardin des<br />
Plantes en 1826 –, puis d’un obélisque, érigé sur la place<br />
de la Concorde en 1836. Trois décennies plus tard, en<br />
1867, l’Egypte est à l’honneur à l’occasion de la tenue<br />
de l’Exposition universelle de Paris ; ainsi que l’écrit<br />
Marie-Stéphanie Delamaire, doctorante à<br />
l’Université de Columbia (E.U.), dans le<br />
catalogue de l’exposition, plusieurs bâtiments<br />
attestent, en cette circonstance, « des<br />
ambitions <strong>du</strong> souverain égyptien, Ismaïl<br />
Pacha [petit-fils de Muhammad Ali], pour<br />
son pays et sa dynastie », témoignant<br />
tout à la fois de la richesse archéologique<br />
et historique de l’Egypte et de<br />
ses aspirations à la modernité.<br />
« C’est dans un tout autre état d’esprit, qu’entre 1826<br />
et 1848, les "Missions" scolaires et universitaires de
LA FRANCE<br />
L’EGYPTE DANS DU<br />
XIX e SIECLE<br />
(JUSQU’EN 1869)<br />
Si l’aventure des Français en Egypte ne <strong>du</strong>re guère que trois ans, ne<br />
touchant qu’« une petite élite de notables cairotes » et ne concernant<br />
qu’« une main-d’œuvre limitée d’apprentis, d’ouvriers et d’employés,<br />
les techniques de l’occupant, inscrites dans le paysage quotidien de la<br />
population, préparent insensiblement les esprits aux changements<br />
ultérieurs », note Patrice Bret.<br />
Ce, qu’en d’autres termes, Robert Solé résume<br />
ainsi : « Trente-huit mois… les Français ont<br />
passé trop peu de temps sur les bords <strong>du</strong> Nil<br />
pour transformer le pays. Ils l’ont, en revanche,<br />
fortement bousculé, défaisant son système politique<br />
et ouvrant la voie à Muhammad Ali. L’entreprise de<br />
Bonaparte a été comme une bombe à retardement,<br />
aux prolongements considérables : la modernisation<br />
de l’Etat égyptien, la naissance de l’égyptologie, le<br />
percement <strong>du</strong> canal de Suez, la colonisation britannique<br />
et la diffusion de la culture française sur la terre des<br />
Pharaons ».<br />
Portrait de Muhammad Ali, vice-roi d’Egypte<br />
Auguste Couder, 1841<br />
Musée national <strong>du</strong> Château de Versailles<br />
© RMN. Photo : Gérard Blot<br />
Muhammad Ali, dit-on, « aimait à se comparer à<br />
Napoléon et s’enorgueillissait d’être né la même<br />
année que lui », écrit l’historien Khaled Fahmy, professeur<br />
à l’Université de New-York, dans l’article <strong>du</strong><br />
catalogue qu’il consacre au « Pacha ». Originaire de<br />
Macédoine, Muhammad Ali, contrairement à<br />
Bonaparte, ne rêve sans doute pas au destin<br />
d’Alexandre quand il quitte les Balkans pour l’Egypte,
au début de l’année 1801. Il est adjoint au commandement<br />
d’un corps de 4 000 hommes, albanais pour la<br />
plupart, recrutés par la Porte pour bouter les Français<br />
hors d’Egypte.<br />
Il n’a guère le temps de se battre contre l’armée<br />
française avant le départ de celle-ci mais parvient vite<br />
à prendre un fort ascendant sur ses propres troupes,<br />
puis sur l’ensemble des contingents albanais en<br />
Egypte. Doué pour l’intrigue, manipulant une faction<br />
contre une autre, jouant les beys mamelouks contre le<br />
gouverneur ottoman, ou l’inverse, s’aidant d’alliances<br />
avec les ulémas, les notables urbains, voire avec les<br />
clans bédouins, Muhammad Ali sait mieux que nul<br />
autre accaparer le pouvoir en cette période de<br />
vacance et de troubles. Son ascension est fulgurante.<br />
En 1805, constatant qu’il est devenu incontournable,<br />
et entérinant, comme à son habitude, une situation de<br />
fait, la Sublime Porte se résout à nommer gouverneur<br />
cet homme dont Victor Hugo dira, plus tard, qu’« il est<br />
à Napoléon ce que le tigre est au lion » !<br />
Faut-il penser qu’ensuite, parvenu au faîte <strong>du</strong> pouvoir,<br />
Muhammad Ali se soit inspiré de Bonaparte, « réalisant<br />
les projets ambitieux dont avait rêvé le jeune<br />
général français lors de son court séjour », ainsi que<br />
s’interroge Khaled Fahmy Les choses ne sont, sans<br />
doute, pas aussi simples. Ce qui est certain, en revanche,<br />
c’est que le nouvel homme fort de l’Egypte a<br />
compris que les temps avaient changé…<br />
La présence française, pendant le moment de l’expédition,<br />
s’était faite le vecteur des valeurs républicaines de la<br />
Révolution : « on décèle à coup sûr la trace subversive<br />
laissée dans les esprits par les concepts républicains<br />
qui ont inspiré certaines mesures prises par les<br />
Français. La consultation des élites par Bonaparte, le<br />
droit à la parole, les rudiments de rationalité administrative<br />
et de justice impartiale sont dans toutes les<br />
mémoires (…). Le despotisme arbitraire, arriéré et<br />
chaotique des Mamelouks a fait son temps.<br />
Muhammad Ali y mettra fin. Ayant pris le pouvoir à la<br />
faveur de la vague populaire, il instaurera un<br />
despotisme nouveau, centralisateur et modernisateur,<br />
qui fera largement appel aux savoirs et aux<br />
techniques françaises. Mais des notions de liberté,<br />
d’égalité, il ne sera plus question. Al-Jabarti, jusqu’à<br />
sa mort en 1824, ne s’en consolera pas », écrit<br />
Mahmoud Hussein. Ce que souhaite par-dessus tout<br />
Muhammad Ali, c’est asseoir sur le pays son pouvoir,<br />
Portrait d’Ibrahim Pacha - Philippe Larivière, 1846<br />
Musée national <strong>du</strong> Château de Versailles - © RMN. Photo : Gérard Blot<br />
celui de sa famille, de sa maison, de sa dynastie – qui<br />
reste à créer et qui gouvernera effectivement<br />
l’Egypte, avec une maîtrise <strong>du</strong> pouvoir variable,<br />
jusqu’en 1952.<br />
La modernité, pour lui, n’est qu’un moyen de parvenir<br />
à ses fins, moyen qu’il ne mettra véritablement en<br />
œuvre qu’en un second temps d’un long règne qui<br />
<strong>du</strong>rera jusqu’en 1848. Il faudra pour cela qu’il soit<br />
d’abord parvenu à éliminer tous ses opposants ; à cet<br />
égard, le massacre de la Citadelle, où il se débarrasse<br />
d’un seul coup de quelque quatre cents chefs<br />
mamelouks, marque fortement les esprits. Il faudra<br />
aussi qu’il ait réussi à mettre en place d’importantes<br />
réformes fiscales et agraires, au premier rang<br />
desquelles l’abrogation de l’iltizam. Dès lors, à partir<br />
des années 1815, les premiers projets in<strong>du</strong>striels<br />
voient le jour.<br />
Il s’agit principalement de remplacer les pro<strong>du</strong>its<br />
d’importation et d’équiper les forces armées. Des<br />
usines de munitions sont créées, mais aussi des<br />
manufactures de textiles, d’indigo, des raffineries de<br />
sucre, des tanneries, des moulins à riz. L’intro<strong>du</strong>ction<br />
de la culture <strong>du</strong> coton à fibres longues, par l’ingénieur<br />
Jumel, rapporte au pays d’énormes profits. Dotant<br />
l’Egypte d’un système de monopoles, Muhammad Ali<br />
pose les bases d’un Etat centralisé, s’entourant, dès<br />
l’origine, d’experts européens, principalement<br />
français.
Ainsi, par exemple, de Joseph Sève, ancien officier<br />
sorti <strong>du</strong> rang des armées napoléoniennes, qui se<br />
convertit à l’Islam et qui, sous les noms et titres<br />
successifs de Soliman Aga, puis Soliman Bey et, enfin,<br />
Soliman Pacha, devient instructeur en chef, puis chef<br />
d’état-major des armées égyptiennes. Pour le compte<br />
de Muhammad Ali et selon ses instructions attentives,<br />
Sève met en place une réforme complète et efficace<br />
de l’institution militaire ; il remporte aussi des succès<br />
décisifs sur les champs de bataille.<br />
Plus généralement, un nouveau système d’enseignement<br />
est mis en place dès cette époque, inspiré <strong>du</strong><br />
modèle français <strong>du</strong> lycée. « Cependant », comme le<br />
souligne Nelly Hanna, « les écoles coraniques,<br />
présentes à travers tout le pays y compris dans les<br />
régions rurales, ne disparaissent pas pour autant ».<br />
Plus tard, au cours <strong>du</strong> siècle, les congrégations<br />
religieuses chrétiennes créeront un dense réseau<br />
d’écoles secondaires qui se chargeront d’é<strong>du</strong>quer – en<br />
langue française – les enfants des classes privilégiées<br />
de la société égyptienne. En 1820, une « Imprimerie<br />
officielle » est fondée, à Boulaq, dont les premières<br />
publications sont des ouvrages militaires et médicaux.<br />
Un autre Français, Antoine Clot, médecin et chirurgien,<br />
met en place des services de santé militaires sur le<br />
modèle français, puis est chargé d’une réforme complète<br />
des services de santé civils, créant de nombreux<br />
hôpitaux et des Ecoles de médecine, de Pharmacie et<br />
de Sages-femmes. Son dévouement lui vaut de recevoir<br />
un titre de bey que Muhammad Ali attribue pour<br />
la première fois à un non-musulman – peut-être pour<br />
la raison qu’Antoine Clot lui avait sauvé la vie, lors<br />
d’une épidémie –, et de passer à l’Histoire sous le<br />
nom de Clot Bey. D’autres encore, tels Louis<br />
Linant de Bellefonds et Pascal Coste, se<br />
voient confier la responsabilité de grands<br />
travaux d’aménagement <strong>du</strong> territoire.<br />
Certains parmi ces hommes occupent une<br />
place à part. Il s’agit des saint-simoniens,<br />
qui poursuivent un « rêve collectif<br />
de "mariage" entre l’Orient et<br />
l’Occident » – suivant l’expression<br />
de l’historien Sarga Moussa,<br />
professeur à l’Université<br />
de Lyon, dans le catalogue de<br />
l’exposition –, à l’instar d’Ismaÿl<br />
Urbain notant dans son<br />
Voyage d’Orient : « La communion de l’Orient et de<br />
l’Occident, la communion <strong>du</strong> musulman et <strong>du</strong><br />
chrétien, voilà ce que je réalise en moi ». Dès 1833, un<br />
petit groupe de saint-simoniens vient offrir ses<br />
services à Muhammad Ali. Leurs projets sont<br />
grandioses : construction d’un barrage sur le Nil,<br />
percement de l’isthme de Suez… Sans doute était-il<br />
trop tôt pour qu’ils aboutissent… Mais leur démarche,<br />
pour idéologique qu’elle soit, a « le mérite de<br />
proposer une nouvelle conception des rapports entre<br />
les deux rives de la Méditerranée, fondée sur des<br />
formes de coopération et d’échange, voire de<br />
transformation mutuelle, et totalement opposée à la<br />
brutalité de la colonisation que la France était en train<br />
d’accomplir au même moment en Algérie », note<br />
Sarga Moussa. Quelques-uns d’entre eux sauront,<br />
pourtant, mener à bien des entreprises moins<br />
ambitieuses, tel Charles Lambert qui fonde la<br />
première Ecole polytechnique <strong>du</strong> pays.<br />
Toutefois, cette politique volontariste de modernisation<br />
et de réformes s’avère avoir un coût social<br />
énorme. Le petit peuple égyptien, contraint de<br />
pratiquer les cultures de monopoles, soumis à la<br />
conscription, enrôlé de force dans les usines, se<br />
révolte… Un coup d’arrêt violent est porté à la<br />
première vague d’in<strong>du</strong>strialisation vers la fin des<br />
années 1830, per<strong>du</strong>rant pendant les derniers temps<br />
<strong>du</strong> règne de Muhammad Ali et <strong>du</strong>rant ceux de ses<br />
deux successeurs immédiats, Abbas Helmy 1 er et Saïd.<br />
Il faut attendre l’arrivée au pouvoir d’Ismaïl (1863-79)<br />
pour que soit lancé, à nouveau, « un vaste programme<br />
d’expansion économique », ainsi que l’écrit<br />
Nelly Hanna. Ismaïl a voyagé et séjourné en<br />
Occident ; loin d’être conservateur comme ses<br />
deux prédécesseurs, il se veut réformateur,<br />
« suivant l’exemple de son grand-père<br />
Muhammad Ali » : « on doit à Ismaïl un<br />
nombre considérable de projets de développement.<br />
Dans le domaine des infrastructures,<br />
par exemple, il développe les chemins de fer et<br />
fait installer des lignes télégraphiques. On<br />
draine les canaux, on construit des<br />
ponts, on modernise les installations<br />
portuaires, on installe l’éclairage<br />
public dans la capitale.<br />
De nouveaux établissements d’enseignement<br />
sont créés, notamment des<br />
écoles de filles. On procède en 1865 à<br />
l’installation d’un réseau d’eau de ville »,<br />
résume Nelly Hanna.<br />
Buste de Mariette Pacha - Alfred Jacquemart, 1888<br />
Château-Musée, Boulogne-sur-Mer<br />
© Collection <strong>du</strong> Château-Musée, Boulogne-sur-Mer
Certains des boursiers, envoyés naguère par Muhammad Ali suivre<br />
des études en France, occupent désormais des postes importants<br />
dans l’administration <strong>du</strong> pays. C’est le cas d’Ali Moubarak, qui devient<br />
le ministre des Travaux Publics d’Ismaïl. Ou de Rifaa al-Tahtawi, qui<br />
fonde l’Ecole des langues <strong>du</strong> Caire et qui, conscient de la richesse<br />
que constitue pour l’Egypte son extraordinaire patrimoine<br />
archéologique, parvient à faire interdire l’exportation d’antiquités.<br />
Un tout premier musée, dont Tahtawi prend la direction, est créé<br />
au Caire, en 1836. Cependant, « les libéralités aux souverains<br />
européens se poursuivent, jusqu’à vider le musée, lequel sera<br />
fermé vingt ans plus tard », écrit, dans le catalogue de<br />
l’exposition, Mercedes Volait, chargée de recherche au CNRS.<br />
Dans le même temps, Auguste Mariette « dit avoir vu lui-même<br />
disparaître pas moins de 700 tombeaux »… « Personnalité<br />
rugueuse et fantasque, doté d’une formidable vitalité, Mariette<br />
est dès lors ten<strong>du</strong> vers une idée fixe : tout mettre en œuvre<br />
pour conserver intacts les vestiges égyptiens », écrit encore<br />
Mercedes Volait. Mariette obtient, en 1858, la création d’un<br />
Département des antiquités – dont il devient le directeur, veillant<br />
ensuite, « de façon intransigeante, à ce que nul "débris" ne<br />
quitte plus le pays » –, puis celle <strong>du</strong> musée de Boulaq.<br />
Tandis que Mariette et son successeur, Gaston Maspero,<br />
posent les fondements de l’administration de l’archéologie<br />
égyptienne, d’autres Français s’emploient à la mise en<br />
œuvre de grands travaux qui vont, cette fois, amorcer le<br />
changement en profondeur <strong>du</strong> pays. Ainsi <strong>du</strong> percement <strong>du</strong><br />
canal de Suez, qui sera enfin mené à terme, grâce aux plans<br />
des ingénieurs Mougel et Linant de Bellefonds et, surtout,<br />
à l’entregent de Ferdinand de Lesseps, ce dernier<br />
parvenant à réunir les sommes nécessaires pour fonder<br />
la Compagnie universelle <strong>du</strong> canal maritime de Suez.<br />
Si les premiers bateaux l’empruntent dès 1867, il faudra<br />
attendre deux ans, le 17 novembre 1869, pour qu’il soit<br />
inauguré, en présence de l’impératrice Eugénie, épouse<br />
de Napoléon III. La carte <strong>du</strong> monde en serait changée…<br />
Les réformes entreprises par le khédive Ismaïl<br />
allaient le con<strong>du</strong>ire à tant s’endetter qu’il serait<br />
contraint, en 1875, de vendre ses parts de la<br />
Compagnie <strong>du</strong> canal au gouvernement britannique.<br />
Bientôt, des troupes anglaises s’installeraient sur<br />
les rives <strong>du</strong> canal pour protéger celui-ci et, en<br />
1882, l’Angleterre remplacerait l’Empire ottoman<br />
comme tuteur <strong>du</strong> pays… Mais les liens entre la<br />
France et l’Egypte n’en continueraient pas moins<br />
à per<strong>du</strong>rer, à se tisser et à se tendre, renforçant<br />
entre les deux pays cette relation particulière<br />
de réciproque fascination.<br />
Ph. C.<br />
L’Illustration, journal universel, 1867, Exposition universelle,<br />
pavillon de l’isthme de Suez, une conférence de M. de Lesseps<br />
Smeeton et Blanchard<br />
© Musée Carnavalet / Roger-Viollet
AUTOUR<br />
DE L’EXPO<br />
PUBLICATIONS<br />
Catalogue de l’exposition<br />
Sous la direction de Jean-Marcel Humbert<br />
420 pages en deux versions :<br />
- brochée : 49 €<br />
- reliée : 59 €<br />
Editeur : <strong>Institut</strong> <strong>du</strong> monde arabe/Hazan<br />
Album de l’exposition<br />
Prix de vente : 8 €<br />
Editeur : <strong>Institut</strong> <strong>du</strong> monde arabe/Hazan<br />
Film DVD<br />
Réalisation : Jean Marie Boulet<br />
Copro<strong>du</strong>ction : <strong>Institut</strong> <strong>du</strong> monde arabe et<br />
Région Nord-Pas de Calais - Les Films d’Ici - France 5<br />
52 minutes<br />
Prix de vente : 24 €<br />
Editeur : RMN<br />
Qantara n° 69 – Automne 2008<br />
France-Egypte, Passions croisées<br />
Le dossier de l’automne 2008 de la revue<br />
trimestrielle de l’IMA, consacré aux relations entre la<br />
France et l’Egypte au cours des deux siècles qui ont suivi<br />
l’expédition de Bonaparte, revient sur la campagne<br />
d’Egypte et sur la place qu’occupe le pays dans<br />
l’imaginaire français et européen, en faisant notamment<br />
le point sur les retombées de l’expédition (les<br />
saint-simoniens, le canal de Suez, l’influence de la<br />
tradition juridique française…).<br />
Prix au numéro : 7,50 €<br />
Abonnement : 25 €<br />
Renseignements : 01 40 51 38 59 / www.qantaramag.com<br />
Livrets jeunes IMA<br />
Plusieurs titres viennent enrichir la collection de<br />
l’IMA : en plus des deux livrets consacrés à La découverte<br />
des musiques arabes et à L’eau dans le monde<br />
arabe, un troisième, intitulé Bonaparte et l’Egypte,<br />
a été conçu en liaison avec l’exposition.<br />
Tarif : 6 € (chaque livret)<br />
Buste <strong>du</strong> Général Bonaparte<br />
D’après Charles-Louis Corbet, XIX e siècle<br />
Fondation Napoléon, Paris<br />
© Fondation Napoléon. Photo : Patrice Maurin-Berthier
© Photo : D.R.<br />
ACTIVITÉS JEUNES<br />
Atelier de création<br />
En liaison avec l’exposition Bonaparte et l’Egypte<br />
Sur les pas de Champollion<br />
Après un parcours-découverte dans l’exposition, les<br />
enfants gravent une plaque d’ardoise à la manière de<br />
la pierre de Rosette – décryptée par Champollion – en<br />
s’inspirant des trois écritures qui la composent : grec<br />
ancien, démotique et hiéroglyphes.<br />
Pour les 6 - 12 ans<br />
Tous les samedis <strong>du</strong> 18 octobre au 27 décembre, 15 h<br />
Tarifs : 8 € (6,50 € Société des amis de l’IMA)<br />
Concert découverte<br />
En liaison avec la programmation des Musicales de l’<strong>Institut</strong><br />
Chants sacrés de Qalyubia<br />
Avec l’ensemble Madayeh,<br />
Egypte.<br />
Moment rare et privilégié<br />
de découverte <strong>du</strong> groupe<br />
Madayeh et des instruments<br />
qu’il utilise - sallamiya<br />
(flûte), cymbalettes<br />
de doigts et modèles spéciaux de doff (tambour sur<br />
cadre) -, dans la tradition soufie égyptienne.<br />
Jeune public - public familial - indivi<strong>du</strong>els - groupes<br />
Samedi 11 octobre de 15 h à 16 h<br />
Salle <strong>du</strong> Haut Conseil<br />
Tarifs : - 26 ans : 5 € (3, 50 € Société des amis de l’IMA)<br />
A<strong>du</strong>ltes : 8 € (6, 50 € Société des amis de l’IMA)<br />
La Médiathèque jeunesse<br />
En liaison avec l’exposition Bonaparte et l’Egypte<br />
Les enfants découvrent le monde arabe et sa<br />
civilisation dans le cadre ludique et chaleureux de la<br />
Médiathèque jeunesse. Au menu, des livres en<br />
français, en arabe et bilingues, de la musique, des<br />
diaporamas, des jeux é<strong>du</strong>catifs et des films<br />
d’animation. La sélection jeunesse sur l’Egypte permet<br />
de donner un prolongement à la visite de l’exposition<br />
ou aux moments créatifs passés dans l’atelier.<br />
RENCONTRE-DÉBAT<br />
Jeudis de l’IMA<br />
Le Voyage d’Egypte,<br />
le Voyage de France<br />
Au XIX e siècle, le voyage d’Orient<br />
est devenu incontournable dans les<br />
milieux littéraires français après<br />
Chateaubriand et Lamartine.<br />
En 1849, Gustave Flaubert cède à la<br />
tentation et se rend en Egypte avec<br />
Maxime <strong>du</strong> Camp.<br />
Sa seule œuvre orientale sera<br />
Salammbô, dont l’action se déroule<br />
à Carthage dans l’Antiquité.<br />
Mais son récit de voyage, publié à<br />
titre posthume, demeure un<br />
témoignage précieux.<br />
Au même moment, des Egyptiens<br />
font le chemin inverse, mais pour<br />
s’instruire dans les sciences et les<br />
techniques de l’Europe.<br />
C’est ainsi que Rifaa al-Tahtawi<br />
arrive à Paris en 1826 avec une<br />
délégation d’élèves ingénieurs.<br />
Sur son séjour de cinq ans dans la<br />
capitale française, il laisse un<br />
témoignage saisissant : L’Or de Paris<br />
(éd. Sindbad, 1988).<br />
Lecture de textes de Flaubert et de<br />
Tahtawi par Pierre Georges Molina,<br />
comédien, avec accompagnement<br />
musical<br />
Jeudi 11 décembre, 18 h 30<br />
Accès libre, salle <strong>du</strong> Haut Conseil<br />
Jusqu’à 12 ans<br />
Accès libre les mercredis et samedis, et <strong>du</strong> mardi au<br />
samedi pendant les vacances scolaires<br />
De 15 h à 18 h (niveau -2)<br />
L’Heure <strong>du</strong> conte<br />
En liaison avec l’exposition Bonaparte et l’Egypte<br />
Les enfants entrent dans l’univers des contes et des<br />
légendes inspirés de l’Egypte.<br />
Dès 4 ans<br />
Chaque 1 er et 3 ème mercredi <strong>du</strong> mois, de 15 h à 16 h<br />
Médiathèque jeunesse (niveau -2)<br />
Entrée libre ; réservation obligatoire : 01 40 51 38 14
LA FONDATION TOTAL<br />
PARTENAIRE DE L’EXPOSITION<br />
« BONAPARTE <strong>ET</strong> L’EGYPTE,<br />
<strong>FEU</strong> <strong>ET</strong> <strong>LUMIERES</strong> »<br />
INSTITUT DU MONDE ARABE, PARIS<br />
La Fondation Total est heureuse d’apporter son soutien à l’exposition<br />
« Bonaparte et l’Egypte, feu et lumières » présentée à l’<strong>Institut</strong><br />
<strong>du</strong> monde arabe, <strong>du</strong> 14 octobre 2008 au 29 mars 2009.<br />
LA FONDATION TOTAL<br />
Depuis plus de quatre-vingts ans, Total est<br />
présent au Moyen Orient où il mène des<br />
partenariats <strong>du</strong>rables fondés sur le respect<br />
de chaque pays hôte, sur le transfert de<br />
technologies et savoir-faire. Aujourd’hui, la<br />
Fondation Total apporte son soutien à<br />
l’exposition « Bonaparte et l’Egypte, feu et<br />
lumières », témoignant à cette occasion de<br />
son attention et de son intérêt pour la<br />
culture et le patrimoine <strong>du</strong> monde arabe.<br />
La Fondation Total intervient dans trois<br />
domaines de mécénat :<br />
• la culture et le patrimoine<br />
La Fondation Total apporte son soutien à<br />
des domaines proches de son cœur de<br />
métier, tels que l’archéologie ou les sciences<br />
de la Terre, ainsi qu’à la protection et<br />
valorisation de la culture des pays dans<br />
lesquels l’entreprise est présente, en France<br />
comme à l’étranger.<br />
• l’é<strong>du</strong>cation, la santé et la solidarité<br />
En matière de santé, la Fondation Total s’est<br />
engagée avec l’<strong>Institut</strong> Pasteur dans un<br />
programme mondial de lutte contre les<br />
maladies infectieuses. Sur le territoire<br />
français et dans le domaine de l’é<strong>du</strong>cation,<br />
elle con<strong>du</strong>it, avec des associations de terrain,<br />
des initiatives destinées à l’insertion<br />
professionnelle et sociale des jeunes.<br />
• la biodiversité et la mer<br />
La Fondation Total est engagée, depuis 1992,<br />
dans la préservation de la biodiversité, plus<br />
particulièrement, des écosystèmes marins<br />
et côtiers, en partenariat notamment avec le<br />
Parc national de Port-Cros ou le<br />
Conservatoire <strong>du</strong> Littoral.
INFORMATIONS PRATIQUES<br />
INSTITUT DU MONDE ARABE<br />
1, rue des Fossés Saint-Bernard<br />
Place Mohammed V<br />
75236 Paris Cedex 05<br />
Tél. 01 40 51 38 38<br />
Fax. 01 43 54 76 45<br />
ACCES<br />
Métro : Jussieu, Cardinal-Lemoine, Sully-Morland<br />
Bus : 24, 63, 67, 86, 87, 89<br />
Accès handicapés facilité<br />
Parking : Maubert-Saint-Germain<br />
39, bd Saint-Germain, 75005 Paris<br />
HORAIRES<br />
Ouverture tous les jours de 10 h à 18 h sauf le lundi<br />
Nocturne le jeudi jusqu’à 21 h 30<br />
Week-ends et jours fériés de 10 h à 19 h<br />
DROIT D’ENTREE<br />
Entrée :<br />
10,50 € (plein), 8,50 € (ré<strong>du</strong>it*), 6,50 € (- 26 ans)<br />
IMA Pass :<br />
Valable une journée pour Musée & exposition<br />
13 € (plein)/ 11 € (ré<strong>du</strong>it*) 9 € (- 26 ans)<br />
Visite conférence :<br />
Tous les jours sauf le lundi,<br />
à 14 h 30 et à 16 h : complément de 5 €<br />
Entrée libre :<br />
Amis de l’IMA, handicapés, Carte ICOM/ICOMOS,<br />
jeunes de moins de 12 ans, conférenciers, guides<br />
touristiques, corps diplomatique arabe et Ministère<br />
français des affaires étrangères.<br />
* Tarif ré<strong>du</strong>it :<br />
• Enseignants et demandeurs d’emplois,<br />
• Groupes à partir de 10 personnes.<br />
BILL<strong>ET</strong>TERIE <strong>ET</strong> RESERVATION<br />
Aux caisses de l’IMA :<br />
• Du mardi au vendredi de 10 h à 17 h 15<br />
• Les week-ends et jours fériés jusqu’à 18 h 15<br />
• Le jeudi jusqu’à 20 h 15<br />
Hors de l’IMA :<br />
dans les magasins FNAC, Carrefour, Géant, Virgin,<br />
Cultura, Auchan, Cora et E. Leclerc<br />
Par téléphone :<br />
0 892 702 604 (0,34 € / min)<br />
Sur Internet :<br />
www.imarabe.org<br />
GROUPES<br />
Visites conférences :<br />
La réservation est obligatoire par téléphone, au<br />
minimum 15 jours à l’avance, pour toutes visites<br />
conférences de groupes :<br />
01 40 51 38 45 ou 01 40 51 39 54<br />
<strong>du</strong> lundi au jeudi de 10 h à 17 h<br />
Droit de conférence :<br />
• Groupes a<strong>du</strong>ltes 130 €<br />
(jusqu’à 20 personnes maximum)<br />
• Groupes jeunes 90 €<br />
• Groupes en langue des signes 130 €<br />
• Conférenciers extérieurs 40 €<br />
(jusqu’à 20 personnes maximum)<br />
• Frais de dossier 10 €<br />
Droit d’entrée<br />
(voir ci-dessus)<br />
Durée de la visite : 1 h 30<br />
Billetterie préventes :<br />
Les collectivités (CE, associations, universités etc.)<br />
peuvent acheter des billets en prévente (à partir de<br />
10) en effectuant une commande par téléphone au<br />
01 40 51 39 10 / 39 50 ou par fax au 01 40 51 38 28<br />
ESPACE PRESSE<br />
LES JOURNALISTES ONT LA POSSIBILITÉ DE<br />
TÉLÉCHARGER LES VISUELS DE PRESSE À<br />
L’ADRESSE SUIVANTE :<br />
http://www.imarabe.org/temp/expo/bonaparte/telechargement/index.html<br />
MUSEE DES BEAUX-ARTS D’ARRAS<br />
L’exposition « Bonaparte et l’Egypte, feu et lumières »<br />
sera présentée au Musée des Beaux-Arts d’Arras <strong>du</strong><br />
16 mai au 19 octobre 2009.<br />
Les informations concernant les horaires et tarifs<br />
sont disponibles par téléphone au 03 21 71 26 43<br />
et sur les sites internet :<br />
• Ville d'Arras : www.ville-arras.fr<br />
• Région Nord-Pas de Calais : www.nordpasdecalais.fr
Cette exposition bénéficie <strong>du</strong> soutien de :