FEU ET LUMIERES - Institut du Monde Arabe
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Vue <strong>du</strong> sphinx et de la grande pyramide - Nicolas-Jacques Conté - Collection Baron Thénard<br />
De nombreuses sommités et célébrités de l’époque<br />
ont accepté de se joindre à cette expédition dont le<br />
but reste mystérieux : « les mathématiciens Monge,<br />
Costaz et Fourier, tous trois enseignants à l’Ecole<br />
polytechnique, le chimiste Berthollet, inventeur de<br />
l’eau de Javel, le physicien Malus, officier <strong>du</strong> Génie, le<br />
géologue Dolomieu, le zoologiste Geoffroy Saint-<br />
Hilaire, professeur au Muséum d’histoire naturelle, le<br />
médecin en chef Desgenettes et le chirurgien Larrey<br />
que la Grande Armée, plus tard, surnommera “la providence<br />
<strong>du</strong> soldat” ; il y a l’ingénieur Nicolas Conté,<br />
prodigieux inventeur, capable selon Napoléon de<br />
“créer les arts de l’Europe au milieu des déserts de<br />
l’Arabie”, Dominique Vivant Denon, spirituel écrivain,<br />
voyageur et artiste, futur directeur général des<br />
musées de l’empereur, d’autres encore… », ainsi que<br />
les énumère Yves Laissus.<br />
Le plus étonnant est sans doute que tous ces préparatifs<br />
se soient tenus dans le plus grand secret et que<br />
rien n’ait transpiré. Soit qu’ils aient accepté de le<br />
suivre sans savoir où ils partaient, soit qu’ils aient su<br />
où ils allaient l’accompagner sans le révéler à quiconque,<br />
l’attitude de ces hommes est révélatrice de<br />
l’adhésion et de l’engagement que Bonaparte, dès<br />
cette époque, parvient à susciter autour de lui.<br />
Ce sont quelque soixante navires de guerre et plus de<br />
trois cents bâtiments de transport qui, le jour dit,<br />
appareillent simultanément de Toulon, d’Ajaccio, de<br />
Gênes et de Rome, sous le commandement de l’amiral<br />
Brueys. On fait tout d’abord cap sur Malte, qu’on atteint<br />
le 9 juin.<br />
Là, en moins de dix jours,<br />
Bonaparte va réformer de fond en<br />
comble le gouvernement de l’île,<br />
toujours aux mains de chevaliers<br />
d’un Ordre de Malte qui a beaucoup<br />
décliné depuis le XVI e siècle. Au<br />
prétexte que les chevaliers,<br />
méfiants à juste titre, n’autorisent<br />
l’accès au port de La Valette qu’à<br />
seulement quatre bâtiments à la<br />
fois, et que, dès lors, le ravitaillement<br />
en eau de la flotte entière<br />
viendrait à retarder celle-ci considérablement,<br />
Bonaparte ordonne le<br />
débarquement. Après quelques<br />
brèves escarmouches, le Grand<br />
Maître de l’Ordre demande un cessez-le-feu puis<br />
capitule : l’Ordre cède à la France tous ses droits de<br />
souveraineté sur Malte et ses dépendances.<br />
Bonaparte impose aux Maltais le système français. Le<br />
territoire est divisé en cantons et en arrondissements.<br />
Des municipalités et une garde nationale – encadrée<br />
par quelques officiers français – sont créées. Les<br />
citoyens sont désormais égaux en droits. Les deux<br />
mille esclaves musulmans qui servaient sur les<br />
galères de l’Ordre sont libérés. Les signes aristocratiques<br />
sont interdits et le port de la cocarde tricolore<br />
ren<strong>du</strong> obligatoire…<br />
Et l’on repart, le 18 juin, non sans avoir fait main basse<br />
sur le trésor des chevaliers. On cingle plein est. Enfin,<br />
pas tout à fait, car la flotte progresse à petite vitesse,<br />
accordant son train à celui des navires les plus lents<br />
pour ne pas se disperser. C’est que l’amiral Nelson, au<br />
commandement d’une escadre anglaise beaucoup<br />
plus rapide, cherche Bonaparte au quatre coins de la<br />
Méditerranée. Il ne le trouvera pas.<br />
A bord <strong>du</strong> vaisseau-amiral, l’Orient, quand il ne souffre<br />
pas <strong>du</strong> mal de mer, Bonaparte a des conversations<br />
savantes avec Monge, Berthollet, Caffarelli… La troupe<br />
s’ennuie ferme, souffre de la promiscuité, de l’entassement,<br />
de l’enfermement.<br />
C’est quelques jours après avoir quitté Malte, le 22 juin<br />
1798, soit le 4 messidor an VI, que le commandant en<br />
chef de l’armée révèle enfin à ses hommes le but de<br />
l’expédition : l’Egypte.