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côte d'ivoire. les effets destructeurs de la ... - Amnesty Togo

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4093_ATT_CoteD'Ivoire_cover_FR_Portrait 15/03/2013 15:28 Page 2<br />

CÔTE D’IVOIRE. LES EFFETS DESTRUCTEURS<br />

DE LA PROLIFÉRATION DES ARMES<br />

ET DE LEUR USAGE INCONTRÔLÉ


4093_ATT_CoteD'Ivoire_cover_FR_Portrait 15/03/2013 15:28 Page 3<br />

<strong>Amnesty</strong> International est un mouvement mondial regroupant plus <strong>de</strong> 3 millions <strong>de</strong><br />

sympathisants, membres et militants, qui se mobilisent dans plus <strong>de</strong> 150 pays et<br />

territoires pour mettre un terme aux vio<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>s droits humains.<br />

La vision d'<strong>Amnesty</strong> International est celle d'un mon<strong>de</strong> où chacun peut se prévaloir <strong>de</strong><br />

tous <strong>les</strong> droits énoncés dans <strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration universelle <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l'homme et dans<br />

d'autres textes internationaux.<br />

Essentiellement financée par ses membres et <strong>les</strong> dons <strong>de</strong> particuliers, <strong>Amnesty</strong><br />

International est indépendante <strong>de</strong> tout gouvernement, <strong>de</strong> toute tendance politique, <strong>de</strong><br />

toute puissance économique et <strong>de</strong> tout groupement religieux.<br />

<strong>Amnesty</strong> International Publications<br />

L’édition originale en <strong>la</strong>ngue ang<strong>la</strong>ise <strong>de</strong> ce rapport<br />

a été publiée en 2013 par <strong>Amnesty</strong> International Ltd<br />

Peter Benenson House<br />

1 Easton Street<br />

Londres WC1X 0DW<br />

Royaume-Uni<br />

© <strong>Amnesty</strong> International 2013<br />

In<strong>de</strong>x : AFR 31/002/2013 French<br />

Original : ang<strong>la</strong>is<br />

Imprimé par <strong>Amnesty</strong> International,<br />

Secrétariat international, Royaume-Uni.<br />

Tous droits <strong>de</strong> reproduction réservés. Cette publication,<br />

qui est protégée par le droit d’auteur, peut être reproduite<br />

gratuitement, par quelque procédé que ce soit, à <strong>de</strong>s fins<br />

<strong>de</strong> sensibilisation, <strong>de</strong> campagne ou d’enseignement, mais pas<br />

à <strong>de</strong>s fins commercia<strong>les</strong>. Les titu<strong>la</strong>ires <strong>de</strong>s droits d'auteur<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt à être informés <strong>de</strong> toute utilisation <strong>de</strong> ce document<br />

afin d’en évaluer l’impact. Toute reproduction dans d’autres<br />

circonstances, ou réutilisation dans d’autres publications, ou<br />

traduction, ou adaptation nécessitent l’autorisation préa<strong>la</strong>ble<br />

écrite <strong>de</strong>s éditeurs, qui pourront exiger le paiement d’un droit.<br />

Photo <strong>de</strong> couverture : Un soldat <strong>de</strong>s Forces républicaines <strong>de</strong><br />

Côte d'Ivoire porte un bracelet <strong>de</strong> munitions au cours <strong>de</strong><br />

l'investiture du prési<strong>de</strong>nt A<strong>la</strong>ssane Ouattara, le 21 mars 2011.<br />

amnesty.org


SOMMAIRE<br />

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE ………………………………………………………………………..2<br />

II. LES TRANSFERTS D'ARMES IRRESPONSABLES<br />

EN CÔTE D'IVOIRE AVANT L'EMBARGO DE 2004 …………………………………………………..4<br />

III. UTILISATION ABUSIVE DES ARMES PAR LES FORCES<br />

GOUVERNEMENTALES ENTRE 2010 ET 2011 ……………………………………………………...9<br />

IV. LIVRAISONS ILLÉGALES D’ARMES AUX FORCES DE SÉCURITÉ IVOIRIENNES ………….15<br />

V. UTILISATION D’ARMES PAR DES GROUPES<br />

OPPOSÉS À LAURENT GBAGBO EN 2010-2011………………………………………………..….18<br />

VI. VIOLENCE ARMÉE EN CÔTE D’IVOIRE APRÈS LE CONFLIT…………………………...……...23<br />

VII. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS…………………………………………………………24


I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE<br />

Le présent rapport se penche sur <strong>la</strong> fourniture irresponsable et/ou illégale d'armes et <strong>de</strong> matériel en<br />

rapport aux parties en conflit en Côte d'Ivoire et sur leur utilisation abusive, plus particulièrement lors du<br />

conflit armé <strong>de</strong> janvier à avril 2011. Il entend ainsi prouver <strong>la</strong> nécessité d'une action plus énergique <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

communauté internationale en vue d'ai<strong>de</strong>r <strong>la</strong> Côte d'Ivoire à mettre fin à <strong>la</strong> survenue persistante <strong>de</strong><br />

crimes relevant du droit international et <strong>de</strong> vio<strong>la</strong>tions graves <strong>de</strong>s droits humains, y compris <strong>de</strong>s cas <strong>de</strong><br />

violences liées au genre envers <strong>les</strong> femmes et <strong>de</strong>s fil<strong>les</strong>.<br />

Les points troub<strong>la</strong>nts abordés dans ce rapport posent <strong>de</strong>s questions fondamenta<strong>les</strong> à <strong>la</strong> communauté<br />

internationale concernant l’absence <strong>de</strong> contrôle effectif par <strong>les</strong> États <strong>de</strong>s transferts internationaux<br />

d’armes c<strong>la</strong>ssiques et notamment <strong>la</strong> facilité re<strong>la</strong>tive avec <strong>la</strong>quelle <strong>les</strong> embargos <strong>de</strong>s Nations unies sur <strong>les</strong><br />

armes peuvent être tournés.<br />

Sur <strong>la</strong> base d’une analyse <strong>de</strong>s faits, le rapport propose <strong>de</strong>s recommandations essentiel<strong>les</strong>. <strong>Amnesty</strong><br />

International exhorte tous <strong>les</strong> États membres <strong>de</strong>s Nations unies, ainsi que <strong>les</strong> États non membres chargés<br />

d'une mission d'observateur permanent auprès <strong>de</strong>s Nations unies, à déployer tous <strong>les</strong> efforts possib<strong>les</strong> lors<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> prochaine conférence finale <strong>de</strong>s Nations unies sur le Traité sur le commerce <strong>de</strong>s armes, prévue du<br />

18 au 28 mars 2013, pour se mettre d'accord sur un texte prévoyant <strong>de</strong>s règ<strong>les</strong> soli<strong>de</strong>s pour protéger <strong>les</strong><br />

droits humains et faire respecter le droit international humanitaire. Ces règ<strong>les</strong> doivent être cohérentes<br />

avec <strong>les</strong> obligations qui incombent aux États conformément au droit international, et permettre aux États<br />

<strong>de</strong> réglementer <strong>de</strong> manière efficace, par le biais <strong>de</strong> mécanismes <strong>de</strong> contrôle soli<strong>de</strong>s et transparents, tous<br />

types d'armes, <strong>de</strong> munitions et d'équipement associé, y compris <strong>les</strong> technologies, <strong>les</strong> pièces et <strong>les</strong><br />

composants. <strong>Amnesty</strong> International est convaincue que le cas <strong>de</strong> <strong>la</strong> Côte d’Ivoire, parmi d'autres, offre <strong>la</strong><br />

preuve que, sans <strong>la</strong> mise en œuvre soli<strong>de</strong> d'un Traité soli<strong>de</strong> sur le commerce <strong>de</strong>s armes dans le mon<strong>de</strong>,<br />

ainsi que d'autres mesures spécifiques prises par <strong>la</strong> communauté internationale, <strong>les</strong> embargos sur <strong>les</strong><br />

armes décidés par le Conseil <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong>s Nations unies, comme celui imposé à <strong>la</strong> Côte d'Ivoire en<br />

novembre 2004, continueront d'être violés.<br />

En premier lieu, ce rapport se penche sur <strong>les</strong> conséquences à long terme d'une série <strong>de</strong> transferts<br />

d'armes internationaux irresponsab<strong>les</strong> au gouvernement <strong>de</strong> Côte d'Ivoire et aux Forces nouvel<strong>les</strong> (groupe<br />

d'opposition armé qui a pris le contrôle du nord du pays à <strong>la</strong> suite du soulèvement armé <strong>de</strong> septembre<br />

2002) effectués immédiatement avant l'embargo sur <strong>les</strong> armes imposé au pays par le Conseil <strong>de</strong> sécurité<br />

<strong>de</strong>s Nations unies en novembre 2004. Bien que ces transferts aient été considérés dans l'ensemble<br />

comme légaux, dans le sens où ils n'ont pas violé l'embargo <strong>de</strong>s Nations unies sur <strong>les</strong> armes, ils ont<br />

favorisé une esca<strong>la</strong><strong>de</strong> quasi immédiate <strong>de</strong>s hostilités et alimenté une série <strong>de</strong> crimes violents et <strong>de</strong><br />

vio<strong>la</strong>tions armées <strong>de</strong>s droits humains.<br />

Ce rapport examine l'utilisation pendant le conflit qui a suivi l'élection <strong>de</strong> 2011 <strong>de</strong> ces armes transférées<br />

avant 2004 par <strong>de</strong>s partisans du prési<strong>de</strong>nt sortant Laurent Gbagbo et du prési<strong>de</strong>nt A<strong>la</strong>ssane Ouattara<br />

pour commettre d’importantes vio<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>s droits humains et exactions, ainsi que <strong>de</strong>s vio<strong>la</strong>tions graves<br />

du droit international humanitaire. Entre autres vio<strong>la</strong>tions et exactions, <strong>de</strong>s civils ont notamment été pris<br />

pour cib<strong>les</strong> par <strong>les</strong> forces pro-Gbagbo à Abidjan et <strong>de</strong>s homici<strong>de</strong>s illégaux ont été perpétrés dans l'ouest<br />

du pays par <strong>la</strong> nouvelle armée créée en mars 2011 par A<strong>la</strong>ssane Ouattara. Cette armée, <strong>les</strong> Forces<br />

républicaines <strong>de</strong> Côte d'Ivoire (FRCI), était alors principalement composée <strong>de</strong> membres <strong>de</strong>s Forces<br />

nouvel<strong>les</strong>.<br />

Exposant <strong>les</strong> cas où <strong>de</strong>s armes, <strong>de</strong>s munitions et l'équipement associé ont été fournis <strong>de</strong> manière<br />

irresponsable, mais pas illégale, au gouvernement <strong>de</strong> Côte d'Ivoire avant novembre 2004, ce rapport<br />

résume également <strong>les</strong> conclusions récentes d'une enquête du Groupe d'experts <strong>de</strong>s Nations unies sur <strong>les</strong><br />

vio<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> l'embargo <strong>de</strong>s Nations unies sur <strong>les</strong> armes, qui a révélé plusieurs cas <strong>de</strong> vio<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>puis<br />

l'annonce <strong>de</strong> l'embargo <strong>de</strong>s Nations unies en 2004. Certaines <strong>de</strong>s armes transférées illégalement ont<br />

ensuite été utilisées pour commettre <strong>de</strong> graves vio<strong>la</strong>tions du droit international humanitaire et <strong>de</strong>s<br />

vio<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>s droits humains. La fourniture légale et illégale d'armes légères et <strong>de</strong> petit calibre et <strong>de</strong><br />

munitions a également favorisé <strong>la</strong> prolifération <strong>de</strong> <strong>la</strong> violence armée dans le pays.<br />

Ce rapport s'achève sur une évaluation <strong>de</strong>s problématiques liées aux armes en Côte d'Ivoire après le<br />

conflit et recomman<strong>de</strong> <strong>de</strong>s mesures à prendre pour couper court dans un futur immédiat aux vio<strong>la</strong>tions<br />

<strong>de</strong>s droits humains liées aux armes dans ce pays.


UN CONFLIT OPPOSANT PLUSIEURS FORCES ARMÉES DEPUIS DIX ANS<br />

Depuis le soulèvement armé <strong>de</strong> septembre 2002 ayant conduit à <strong>la</strong> partition <strong>de</strong> facto du pays, <strong>la</strong> Côte d'Ivoire est le<br />

théâtre <strong>de</strong> violences sporadiques dans le contexte plus vaste d'un conflit armé qui oppose <strong>les</strong> forces gouvernementa<strong>les</strong><br />

ou forces <strong>de</strong> défense et <strong>de</strong> sécurité (FDS) composées <strong>de</strong> militaires, <strong>de</strong> gendarmes (forces <strong>de</strong> police paramilitaires) et <strong>de</strong><br />

policiers, d’une part, et d’autre part plusieurs groupes d'opposition armés réunis sous le nom <strong>de</strong> Forces nouvel<strong>les</strong>.<br />

Chaque camp a recruté <strong>de</strong>s milices et, dans le cas du gouvernement, <strong>de</strong>s mercenaires composés principalement <strong>de</strong><br />

Libériens. Ces forces sont intervenues dans le cadre d'une chaîne <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>ment très souple, sans avoir à répondre<br />

<strong>de</strong> leurs actes.<br />

Pendant <strong>les</strong> trois premières années du conflit (2002-2004), toutes <strong>les</strong> parties ont eu recours au viol et à d'autres<br />

violences à l'encontre <strong>de</strong>s femmes et <strong>de</strong>s fil<strong>les</strong> en tant qu'arme <strong>de</strong> guerre1.<br />

En novembre 2004, le Conseil <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong>s Nations unies a adopté <strong>la</strong> résolution 1572 et imposé un embargo complet<br />

sur <strong>les</strong> armes, interdisant le transfert d'armes et <strong>de</strong> matériel connexe à l'ensemble <strong>de</strong>s parties en présence en Côte<br />

d'Ivoire2.<br />

Plusieurs tentatives <strong>de</strong> médiation politique ont été menées sous l'égi<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> France et du Burkina Faso et se sont<br />

soldées par <strong>la</strong> signature <strong>de</strong>s accords <strong>de</strong> Linas-Marcoussis (2003) et <strong>de</strong> Ouagadougou (2007). Conformément à ce <strong>de</strong>rnier<br />

accord, Laurent Gbagbo a nommé le secrétaire général <strong>de</strong>s Forces nouvel<strong>les</strong> <strong>de</strong> l'époque, Guil<strong>la</strong>ume Soro, au poste <strong>de</strong><br />

Premier ministre.<br />

Malgré <strong>la</strong> signature <strong>de</strong> plusieurs accords visant à <strong>la</strong> réunification <strong>de</strong> <strong>la</strong> Côte d'Ivoire et à <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce d'un processus<br />

<strong>de</strong> désarmement, <strong>de</strong> démobilisation et <strong>de</strong> réinsertion (DDR), le pays est resté divisé en <strong>de</strong>ux jusqu'à <strong>la</strong> crise postélectorale<br />

<strong>de</strong> 2011.<br />

Les violences qui ont suivi l'élection prési<strong>de</strong>ntielle contestée <strong>de</strong> novembre 2010 ont été à l’origine <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

plus grave crise humanitaire et <strong>de</strong>s droits humains que <strong>la</strong> Côte d'Ivoire ait connue <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> partition <strong>de</strong><br />

facto du pays en septembre 2002. Les observateurs internationaux ont eu tendance à considérer cette<br />

élection comme libre et équitable et <strong>les</strong> Nations unies, appelées à certifier <strong>les</strong> résultats, ont confirmé <strong>la</strong><br />

victoire d'A<strong>la</strong>ssane Ouattara. Ce résultat a été immédiatement contesté par le prési<strong>de</strong>nt sortant, Laurent<br />

Gbagbo, qui s'est proc<strong>la</strong>mé prési<strong>de</strong>nt après l'annu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s scrutins par le Conseil constitutionnel dans<br />

quatre régions du nord du pays. La communauté internationale, notamment l'Union africaine et <strong>la</strong><br />

Communauté économique <strong>de</strong>s États <strong>de</strong> l'Afrique <strong>de</strong> l'Ouest (CEDEAO), a unanimement reconnu <strong>la</strong> victoire<br />

d'A<strong>la</strong>ssane Ouattara et le pays s'est retrouvé dans une impasse politique avec <strong>de</strong>ux prési<strong>de</strong>nts et <strong>de</strong>ux<br />

gouvernements. Les efforts <strong>de</strong> médiation, déployés notamment par l'Union africaine, n'ont pas permis <strong>de</strong><br />

résoudre pacifiquement <strong>la</strong> crise politique et <strong>la</strong> situation s’est détériorée jusqu’à déboucher sur un conflit<br />

armé.<br />

Les éléments recueillis par <strong>Amnesty</strong> International montrent c<strong>la</strong>irement que toutes <strong>les</strong> parties ont commis<br />

<strong>de</strong>s crimes au regard du droit international, y compris <strong>de</strong>s crimes <strong>de</strong> guerre et <strong>de</strong>s crimes contre<br />

l'humanité. Plusieurs centaines <strong>de</strong> personnes ont été tuées illégalement, souvent en raison <strong>de</strong> leur origine<br />

ethnique ou <strong>de</strong> leurs sympathies politiques supposées. Des femmes et <strong>de</strong>s fil<strong>les</strong> ont été victimes <strong>de</strong><br />

violences sexuel<strong>les</strong>, y compris <strong>de</strong> viols, et <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> milliers <strong>de</strong> personnes ont été contraintes <strong>de</strong><br />

fuir leur foyer pour chercher refuge dans d'autres régions <strong>de</strong> Côte d'Ivoire ou dans <strong>de</strong>s pays voisins, en<br />

particulier au Liberia 3 .<br />

La responsabilité pénale <strong>de</strong>s forces <strong>de</strong> sécurité pro-Gbagbo serait engagée dans <strong>de</strong>s exécutions<br />

extrajudiciaires et <strong>de</strong>s arrestations, d'hommes en gran<strong>de</strong> partie, mais aussi <strong>de</strong> quelques femmes, qui<br />

avaient manifesté contre l'ancien prési<strong>de</strong>nt dans <strong>les</strong> rues ou chez eux. Certaines personnes ont été<br />

victimes <strong>de</strong> disparition forcée. La plupart <strong>de</strong>s personnes exécutées ou arrêtées étaient <strong>de</strong>s Diou<strong>la</strong>s, un<br />

terme générique désignant <strong>les</strong> personnes portant un nom musulman ou originaires du nord <strong>de</strong> <strong>la</strong> Côte<br />

d'Ivoire ou d’autres pays <strong>de</strong> <strong>la</strong> sous-région (voir Encadré 2 ci-<strong>de</strong>ssous). Des membres <strong>de</strong> milices<br />

favorab<strong>les</strong> à Laurent Gbagbo auraient violé <strong>de</strong>s femmes qu’ils accusaient <strong>de</strong> soutenir A<strong>la</strong>ssane Ouattara,<br />

dans certains cas avec <strong>la</strong> complicité <strong>de</strong> forces <strong>de</strong> sécurité fidè<strong>les</strong> à l’ancien prési<strong>de</strong>nt. Les Forces<br />

républicaines <strong>de</strong> Côte d'Ivoire (FRCI, mises en p<strong>la</strong>ce en mars 2011 par A<strong>la</strong>ssane Ouattara), ont tué et<br />

torturé <strong>de</strong>s sympathisants réels ou supposés <strong>de</strong> Laurent Gbagbo, notamment dans l'ouest du pays, et <strong>de</strong>s<br />

membres <strong>de</strong>s FRCI seraient responsab<strong>les</strong> <strong>de</strong> viols et d'autres violences sexuel<strong>les</strong> à l'encontre <strong>de</strong> femmes<br />

et <strong>de</strong> fil<strong>les</strong>.


Le 23 novembre 2011, <strong>la</strong> Chambre préliminaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cour pénale internationale a émis un mandat<br />

d'arrêt sous scellés à l'encontre <strong>de</strong> Laurent Gbagbo pour sa responsabilité pénale présumée dans <strong>les</strong><br />

crimes contre l'humanité <strong>de</strong> meurtre, <strong>de</strong> viols et d'autres formes <strong>de</strong> violence sexuelle, <strong>de</strong> persécution et<br />

d'autres actes inhumains commis sur le territoire <strong>de</strong> Côte d'Ivoire entre le 16 décembre 2010 et le<br />

12 avril 2011. Le mandat d'arrêt a été rendu public le 30 novembre 2011 et, le même jour, Laurent<br />

Gbagbo a été transféré à <strong>la</strong> Cour. Un second mandat d'arrêt a été émis à l'encontre <strong>de</strong> sa femme, Simone<br />

Gbagbo, pour quatre chefs d'accusation <strong>de</strong> crimes contre l'humanité. Ce mandat est toujours en attente<br />

d'exécution par <strong>les</strong> autorités ivoiriennes.<br />

UN CONFLIT À FORTE DIMENSION ETHNIQUE<br />

La crise post-électorale <strong>de</strong> 2011 a été alimentée par <strong>de</strong>s dissensions ethniques <strong>de</strong> longue date, dérivées d'une idéologie <strong>de</strong><br />

l'« ivoirité » qui cherchait à opposer <strong>les</strong> « vrais » Ivoiriens aux popu<strong>la</strong>tions « non autochtones » (ou allogènes), connues sous<br />

le nom <strong>de</strong> Diou<strong>la</strong>s. Selon <strong>les</strong> circonstances, ce terme peut désigner n'importe quelle personne ayant un nom musulman ou<br />

originaire du nord <strong>de</strong> <strong>la</strong> Côte d'Ivoire ou d'autres pays <strong>de</strong> <strong>la</strong> sous-région (Mali, Burkina Faso, Guinée, Sénégal, etc…).<br />

Tandis que <strong>les</strong> forces pro-Gbagbo prenaient pour cib<strong>les</strong> <strong>les</strong> Diou<strong>la</strong>s, <strong>les</strong> forces armées fidè<strong>les</strong> à A<strong>la</strong>ssane Ouattara attaquaient<br />

<strong>de</strong>s personnes appartenant à <strong>de</strong>s groupes ethniques du sud, y compris <strong>les</strong> Bétés, <strong>les</strong> Didas et <strong>les</strong> Guérés, généralement<br />

perçus comme favorab<strong>les</strong> au prési<strong>de</strong>nt sortant.


II. LES TRANSFERTS D'ARMES IRRESPONSABLES EN CÔTE D'IVOIRE<br />

AVANT L'EMBARGO DE 2004<br />

Aux yeux <strong>de</strong> n'importe quel observateur international, entre 2002 et 2004, <strong>la</strong> Côte <strong>d'ivoire</strong> semb<strong>la</strong>it sur le<br />

point <strong>de</strong> tomber dans une guerre civile déstabilisante. En septembre 2002, un soulèvement militaire a<br />

abouti à une dangereuse impasse, <strong>la</strong>issant plusieurs groupes d'opposition armés (qui se réuniront plus<br />

tard sous le nom <strong>de</strong> Forces nouvel<strong>les</strong>) contrôler <strong>la</strong> moitié nord du pays et <strong>les</strong> forces gouvernementa<strong>les</strong><br />

contrôler le sud. En dépit d'un accord <strong>de</strong> cessez-le-feu en janvier 2003 4 , <strong>les</strong> parties ont continué à se<br />

réarmer et à se réorganiser.<br />

Reconnaissant <strong>la</strong> fragilité <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation, le 27 février 2004, le Conseil <strong>de</strong> sécurité a estimé que <strong>la</strong><br />

situation en Côte d'Ivoire continuait <strong>de</strong> représenter une menace pour <strong>la</strong> paix internationale et <strong>la</strong> sécurité<br />

dans <strong>la</strong> région et autorisé le déploiement d'une force <strong>de</strong> maintien <strong>de</strong> <strong>la</strong> paix <strong>de</strong>s Nations unies 5 .Toutefois,<br />

<strong>les</strong> violences se sont poursuivies et, en octobre et novembre 2004, <strong>de</strong>s unités <strong>de</strong>s Forces nouvel<strong>les</strong> ont<br />

<strong>la</strong>ncé <strong>de</strong>s attaques contre <strong>les</strong> forces gouvernementa<strong>les</strong>, et le gouvernement a déclenché <strong>de</strong>s attaques<br />

aériennes contre <strong>les</strong> zones et vil<strong>les</strong> du nord occupées par <strong>les</strong> Forces nouvel<strong>les</strong>.<br />

Malgré <strong>les</strong> craintes internationa<strong>les</strong> grandissantes quant à un conflit susceptible <strong>de</strong> déstabiliser<br />

l'ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> région, plusieurs États souverains et acteurs commerciaux ont continué à fournir <strong>de</strong> gros<br />

volumes d'armes à <strong>la</strong> Côte d'Ivoire au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> 2002-2004. L'impact <strong>de</strong> <strong>la</strong> fourniture d'armes<br />

<strong>de</strong>puis l'étranger ne constituait pas seulement un potentiel <strong>de</strong> déstabilisation, mais a également provoqué<br />

<strong>de</strong> façon c<strong>la</strong>ire et immédiate une intensification du conflit en Côte d'Ivoire 6 .<br />

Le 4 novembre 2004, <strong>les</strong> forces gouvernementa<strong>les</strong> ivoiriennes ont <strong>la</strong>ncé une attaque contre <strong>les</strong> positions<br />

occupées par <strong>les</strong> Forces nouvel<strong>les</strong>. Plusieurs raids aériens, notamment à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> chasseurs-bombardiers<br />

Soukhoï, ont été dirigés contre <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> <strong>de</strong> Bouaké et Korhogo dans le nord du pays, faisant plusieurs<br />

morts et b<strong>les</strong>sés. Ces attaques ont mis fin au cessez-le-feu qui avait été respecté pendant 18 mois. La<br />

fourniture d'hélicoptères d'attaque Mi-24V étrangers, par exemple, a permis aux forces gouvernementa<strong>les</strong><br />

d’attaquer <strong>les</strong> civils à l'aveugle dans <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Bouaké, dans le nord du pays, le 4 novembre 2004. Plus<br />

tard, le 6 novembre 2004, une attaque menée au moyen d'un avion d'attaque au sol Soukhoï Su-25,<br />

récemment acquis par le gouvernement, a tué neuf militaires français et un ressortissant américain.<br />

Après <strong>la</strong> mort <strong>de</strong>s neuf soldats français, l’armée française a réagi en détruisant <strong>la</strong> flotte aérienne (SU-25,<br />

MiG-23, Mi-8T) <strong>de</strong>s forces armées ivoiriennes. D’immenses manifestations ont été organisées <strong>les</strong> jours<br />

suivants à Abidjan pour protester contre l’action <strong>de</strong>s forces françaises, ce qui a débouché sur un<br />

affrontement entre l’armée et <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion ivoiriennes et <strong>les</strong> troupes françaises 7.<br />

Entre 2002 et 2004, comme le mentionne ce rapport, <strong>de</strong>s États étrangers ont fourni aux parties<br />

ivoiriennes un éventail d'armes : armes légères et <strong>de</strong> petit calibre, munitions, véhicu<strong>les</strong> armés et engins<br />

d'aviation militaire. Une majorité <strong>de</strong> ces transferts internationaux ont lieu entre janvier 2003 et novembre<br />

2004, alors que <strong>de</strong>s négociations <strong>de</strong> paix à l'international et l'entrée en scène du Conseil <strong>de</strong> sécurité ont<br />

rendu f<strong>la</strong>grante <strong>la</strong> possibilité que <strong>la</strong> crise en Côte d'Ivoire prenne <strong>de</strong>s proportions dramatiques. De plus,<br />

<strong>les</strong> transferts ont continué après février 2004, lorsque le Conseil <strong>de</strong> sécurité a jugé que <strong>la</strong> situation ne<br />

pouvait plus être gérée par <strong>la</strong> seule voie diplomatique et autorisé le déploiement d'une mission <strong>de</strong><br />

maintien <strong>de</strong> <strong>la</strong> force <strong>de</strong>s Nations unies.<br />

En novembre 2004, le Conseil <strong>de</strong> sécurité a condamné l'attaque contre <strong>les</strong> forces françaises 8 et adopté <strong>la</strong><br />

résolution 1572 imposant un embargo complet <strong>de</strong>s Nations unies sur <strong>les</strong> armes, interdisant le transfert<br />

d'armes et <strong>de</strong> matériel connexe à l’ensemble <strong>de</strong>s parties en Côte d'Ivoire. L'embargo <strong>de</strong>s Nations unies<br />

est resté en vigueur, mais le mal était déjà fait 9 . Comme l'illustrent <strong>les</strong> sections suivantes <strong>de</strong> ce rapport,<br />

<strong>de</strong>s armes et <strong>de</strong>s munitions fournies par <strong>de</strong>s pays étrangers n'ont cessé d’affluer dans le pays avant<br />

l'embargo, entre 2002 et 2004, et ces armes et munitions ont favorisé <strong>la</strong> violence armée et <strong>de</strong> graves<br />

atteintes aux droits humains en Côte d'Ivoire <strong>de</strong>puis lors.


A. FOURNITURE D'ARMES AUX FORCES GOUVERNEMENTALES ENTRE 2002<br />

ET 2004<br />

Avant <strong>la</strong> mutinerie <strong>de</strong> 2002, <strong>les</strong> forces gouvernementa<strong>les</strong> s'appuyaient sur <strong>de</strong>s armes et munitions<br />

acquises petit à petit auprès <strong>de</strong> diverses sources <strong>de</strong>puis <strong>les</strong> années 1960, y compris <strong>de</strong> vieil<strong>les</strong> armes et<br />

munitions françaises et du matériel russe datant <strong>de</strong> l'époque soviétique. Un grand nombre <strong>de</strong> ces armes<br />

était obsolète ; d'autre part, <strong>la</strong> mutinerie <strong>de</strong> septembre 2002 s'est soldée par le transfert <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s<br />

quantités d'armes et <strong>de</strong> munitions détenues par le gouvernement aux Forces nouvel<strong>les</strong>.<br />

En réponse à ce<strong>la</strong>, le gouvernement <strong>de</strong> Côte d'Ivoire s'est <strong>la</strong>ncé dans un programme d'armement soutenu.<br />

Entre septembre 2002 et décembre 2003, on estime que <strong>les</strong> dépenses du gouvernement en matériel<br />

militaire sont passées <strong>de</strong> 113 millions à 175 millions <strong>de</strong> dol<strong>la</strong>rs, totalisant plus <strong>de</strong> 10 % du budget<br />

national 2004-2005 10 .<br />

En 1998, <strong>la</strong> Communauté économique <strong>de</strong>s États d'Afrique <strong>de</strong> l'Ouest (CEDEAO) a déc<strong>la</strong>ré un moratoire<br />

volontaire <strong>de</strong> trois ans sur l'importation, l'exportation et <strong>la</strong> fabrication d'armes légères et <strong>de</strong> petit calibre 11<br />

afin d'empêcher <strong>la</strong> prolifération <strong>de</strong> ces armes en Afrique <strong>de</strong> l'Ouest. Le moratoire a été prolongé en 2001<br />

et à nouveau en 2004. En tant qu'État membre <strong>de</strong> <strong>la</strong> CEDEAO, le gouvernement ivoirien n'aurait pas dû<br />

procé<strong>de</strong>r à l'importation <strong>de</strong> ces armes avant d'en avoir informé le secrétariat <strong>de</strong> <strong>la</strong> CEDEAO et d'avoir<br />

obtenu une dérogation <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong> <strong>la</strong> CEDEAO. Néanmoins, d'après le Groupe d'experts <strong>de</strong>s Nations<br />

unies 12 , <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s livraisons d'armes légères et <strong>de</strong> petit calibre n'ont pas été signalées à <strong>la</strong> CEDEAO<br />

par le gouvernement ivoirien 13 .<br />

1. VÉHICULES BLINDÉS VENUS D'ANGOLA<br />

En 2002, l'Ango<strong>la</strong> a fourni <strong>de</strong>ux véhicu<strong>les</strong> blindés <strong>de</strong> transport <strong>de</strong> troupes BMP-2 et <strong>de</strong>ux chars T-55 au<br />

gouvernement ivoirien 14 . Les circonstances exactes du transfert sont floues, bien que l'équipement ait été<br />

livré par voie maritime au port d'Abidjan.<br />

2. LIVRAISONS CHINOISES D'ARMES ET DE MUNITIONS DE PETIT CALIBRE<br />

Des éléments recueillis <strong>de</strong>puis 2004 indiquent que le gouvernement <strong>de</strong> Côte d'Ivoire était en possession<br />

<strong>de</strong> très gran<strong>de</strong>s quantités <strong>de</strong> munitions <strong>de</strong> 7,62 x 39 mm fabriquées en Chine, produites en 2002. Ces<br />

stocks comprennent environ 30 % ou plus <strong>de</strong> toutes <strong>les</strong> munitions <strong>de</strong> ce calibre détenues par le<br />

gouvernement, suggérant <strong>de</strong>s volumes <strong>de</strong> transferts avoisinant <strong>les</strong> centaines <strong>de</strong> milliers au moins. 15 .<br />

La date <strong>de</strong> fabrication indique <strong>de</strong>s transferts quelque temps après janvier 2002 et avant l'embargo sur<br />

<strong>les</strong> armes décidé par <strong>les</strong> Nations unies en novembre 2004 16 . Des informations concernant <strong>de</strong>s livraisons<br />

<strong>de</strong>s caisses <strong>de</strong> munitions (voir image ci-<strong>de</strong>ssous), qui font état d'un exportateur chinois et d'Abidjan<br />

comme <strong>de</strong>stination, <strong>la</strong>issent entendre que <strong>la</strong> Chine a fourni <strong>de</strong>s munitions directement à <strong>la</strong> Côte d'Ivoire<br />

(sans <strong>les</strong> faire réexporter par un troisième État). Étant donné <strong>les</strong> dé<strong>la</strong>is habituels entre <strong>les</strong> phases <strong>de</strong><br />

fabrication et d'exportation, qui viennent s'ajouter aux dé<strong>la</strong>is d'expédition, <strong>la</strong> livraison <strong>de</strong>s munitions a<br />

vraisemb<strong>la</strong>blement eu lieu après 2002 17 . Toutefois, en l'absence d'informations complémentaires, <strong>la</strong> date<br />

exacte <strong>de</strong> livraison ne peut pas être établie.


Munitions chinoises <strong>de</strong> 7,62 x 39 mm fabriquées en 2002 (dans <strong>de</strong>s caisses), Abidjan<br />

Source : Conseil <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong>s Nations unies. 2009. « Rapport final du Groupe d'experts sur <strong>la</strong> Côte<br />

d'Ivoire établi en application du paragraphe 11 <strong>de</strong> <strong>la</strong> résolution 1842 (2008) du Conseil <strong>de</strong> sécurité ».<br />

S/2009/521. Paragraphe 139.<br />

Notes : Date <strong>de</strong> manufacture (2002) confirmée par <strong>les</strong> numéros <strong>de</strong> lot sur <strong>les</strong> embal<strong>la</strong>ges et <strong>les</strong> sceaux<br />

<strong>de</strong>s munitions.<br />

3. FOURNITURE D'ARMEMENTS CLASSIQUES MAJEURS PAR LE BÉLARUS<br />

Entre 2002 et 2003, le Bé<strong>la</strong>rus a livré une série d'armes c<strong>la</strong>ssiques majeures au gouvernement ivoirien.<br />

Les transferts d'avions militaires comprenaient un avion <strong>de</strong> transport AN-12, <strong>de</strong>ux hélicoptères d'attaque<br />

Mi-24V, un hélicoptère Mi-8T et quatre avions d'attaque au sol à voilure fixe SU-25. Les livraisons<br />

bé<strong>la</strong>russiennes comprenaient également <strong>de</strong>s véhicu<strong>les</strong> blindés, dont 13 BMP-1P, 13 BRDM-2 et<br />

6 véhicu<strong>les</strong> blindés <strong>de</strong> transport <strong>de</strong> troupes BTR-80. Les livraisons d'armes à feu indirect comprenaient<br />

dix mortiers <strong>de</strong> 120 mm et six systèmes <strong>de</strong> <strong>la</strong>nce-roquettes multip<strong>les</strong> <strong>de</strong> 122 mm BM-21 installés sur<br />

<strong>de</strong>s camions 18 .<br />

Il semble que l'ai<strong>de</strong> fournie par le Bé<strong>la</strong>rus au gouvernement ivoirien se soit poursuivie après novembre<br />

2004, avec <strong>la</strong> fourniture <strong>de</strong> 22 4x4 militaires UAZ-3151, <strong>de</strong>stinés au Centre <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s<br />

opérations <strong>de</strong> sécurité (CECOS) et arrivés à Abidjan le 23 juin 2005 19 . Le Groupe d'experts <strong>de</strong>s Nations<br />

unies a également fait état <strong>de</strong> <strong>la</strong> présence, entre avril 2005 et fin 2006, <strong>de</strong> techniciens <strong>de</strong> nationalité<br />

bé<strong>la</strong>russienne travail<strong>la</strong>nt sur un hélicoptère d'attaque Mi-24 appartenant au gouvernement 20 .<br />

4. FOURNITURE D'ARMEMENTS CLASSIQUES MAJEURS PAR LA BULGARIE<br />

En 2003, <strong>la</strong> Bulgarie a fourni <strong>de</strong>s armes c<strong>la</strong>ssiques majeures au gouvernement ivoirien, dont trois<br />

mortiers <strong>de</strong> 120 mm, <strong>de</strong>ux hélicoptères d'attaque Mi-24V, <strong>de</strong>ux MiG-23ML et <strong>de</strong>ux avions <strong>de</strong> combat<br />

MiG-23MLD 21 .<br />

5. VÉHICULE BLINDÉ DE TRANSPORT DE TROUPES VENU D'UKRAINE<br />

En 2003, l'Ukraine a fourni un véhicule blindé <strong>de</strong> transport <strong>de</strong> troupes BMP-2 au gouvernement<br />

ivoirien 22 .<br />

6. ARMES LÉGÈRES ET DE PETIT CALIBRE ET MUNITIONS FOURNIES PAR LA BULGARIE<br />

En octobre 2004, <strong>la</strong> Bulgarie a livré plus <strong>de</strong> 1 000 fusils d'assaut <strong>de</strong> type Ka<strong>la</strong>chnikov AR-M <strong>de</strong><br />

7,62 x 39 mm, <strong>de</strong>s mitrailleuses lour<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s <strong>la</strong>nce-roquettes ATGL (<strong>de</strong> type RPG-7) et <strong>de</strong>s roquettes<br />

anti-personnel PG-7VM et OG-7V 23 . L'annuaire sur <strong>les</strong> armes légères indique qu'en 2004, <strong>la</strong> Bulgarie a<br />

également fourni 2 000 grena<strong>de</strong>s à main offensives, 2 000 grena<strong>de</strong>s à main défensives, 1 500 roquettes<br />

anti-personnel OG-7V pour recharger <strong>de</strong>s <strong>la</strong>nce-roquettes RPG-7, 20 000 munitions <strong>de</strong> 12,7 x 108 mm<br />

et 250 600 munitions <strong>de</strong> 7,62 x 39 mm, dont <strong>la</strong> valeur est estimée à 700 642 USD 24 . Il existe<br />

également <strong>de</strong>s informations attestant que <strong>les</strong> forces gouvernementa<strong>les</strong> à Abidjan détenaient <strong>de</strong>s grena<strong>de</strong>s<br />

à main RGD-5 bulgares fabriquées en 2004 (voir image ci-<strong>de</strong>ssous). La date <strong>de</strong> fabrication semble<br />

indiquer <strong>la</strong> possibilité d'un transfert à une date proche <strong>de</strong> l'embargo <strong>de</strong> novembre 2004. Toutefois, il


n'existe aucune preuve disponible permettant <strong>de</strong> préciser le mois <strong>de</strong> fabrication ou <strong>la</strong> date <strong>de</strong> fourniture à<br />

<strong>la</strong> Côte d'Ivoire.<br />

Grena<strong>de</strong>s RGD-5 bulgares fabriquées en 2004 (caisse <strong>de</strong> 20), Abidjan 2009<br />

Source : Confi<strong>de</strong>ntielle.<br />

Notes : Le troisième numéro du numéro <strong>de</strong> lot (« 04 ») indique l'année <strong>de</strong> manufacture (2004).<br />

7. LIVRAISONS DE DRONES D'ISRAËL<br />

À une date indéterminée en 2004, Israël a livré <strong>de</strong>ux avions <strong>de</strong> surveil<strong>la</strong>nce aérienne sans équipage au<br />

gouvernement ivoirien. À l'origine, <strong>de</strong>s techniciens israéliens faisaient fonctionner ces aéronefs, avant<br />

d'être rappelés lorsqu'Israël a reconnu que leur présence vio<strong>la</strong>it le régime <strong>de</strong> sanctions, introduit en<br />

novembre 2004. Les <strong>de</strong>ux avions sans équipage sont restés dans le pays 25 .<br />

B. FOURNITURE D'ARMES AUX FORCES NOUVELLES<br />

À l'exception <strong>de</strong>s armes saisies pendant <strong>les</strong> hostilités <strong>de</strong> 2011, <strong>les</strong> unités <strong>de</strong>s Forces nouvel<strong>les</strong> n'ont pas<br />

déployé d'armes c<strong>la</strong>ssiques majeures pendant le conflit entre 2002 et 2011. C'est pourquoi <strong>la</strong> visibilité<br />

<strong>de</strong>s transferts d'armes provenant <strong>de</strong> l'étranger est très réduite par rapport aux livraisons effectuées auprès<br />

du gouvernement ivoirien.<br />

Au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> 2002-2011, <strong>les</strong> Forces nouvel<strong>les</strong> ont déployé un éventail d'armes, tel<strong>les</strong> que <strong>de</strong>s<br />

fusils d'assaut chinois, russes et polonais et <strong>de</strong>s munitions d'origines et <strong>de</strong> calibres divers. Des parties<br />

inconnues avait retiré <strong>les</strong> numéros <strong>de</strong> série <strong>de</strong> presque tous <strong>les</strong> fusils d'assaut, ce qui a mené <strong>les</strong> Groupes<br />

d'experts <strong>de</strong>s Nations unies successifs à <strong>la</strong> conclusion selon <strong>la</strong>quelle <strong>les</strong> armes avaient été retransférées<br />

en vio<strong>la</strong>tion du régime <strong>de</strong> sanctions (et non pas directement fournies par <strong>les</strong> États fabricants). De plus, <strong>de</strong><br />

gran<strong>de</strong>s quantités <strong>de</strong> munitions <strong>de</strong>s Forces nouvel<strong>les</strong> avaient été retirées <strong>de</strong> leur embal<strong>la</strong>ge d'origine<br />

(ainsi que <strong>les</strong> numéros d'i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s lots), vraisemb<strong>la</strong>blement pour <strong>les</strong> mêmes raisons. 26<br />

Pour ces raisons, il est difficile <strong>de</strong> tirer <strong>de</strong>s conclusions directes quant à <strong>de</strong>s transferts d'armes<br />

irresponsab<strong>les</strong> aux Forces nouvel<strong>les</strong> avant l'embargo <strong>de</strong> novembre 2004. Voici <strong>les</strong> raisons : 1) l'absence<br />

<strong>de</strong> numéros <strong>de</strong> série sur <strong>les</strong> armes et <strong>de</strong> numéros <strong>de</strong> lot sur <strong>les</strong> munitions ne permet pas <strong>de</strong> tracer<br />

l'historique <strong>de</strong> transfert du matériel militaire concerné et 2) le matériel peut, par conséquent, avoir<br />

changé plusieurs fois <strong>de</strong> mains avant d'entrer en possession <strong>de</strong>s Forces nouvel<strong>les</strong>. Néanmoins, il existe <strong>de</strong><br />

plus en plus <strong>de</strong> preuves attestant <strong>de</strong> transferts d'armes <strong>de</strong>puis le territoire du Burkina Faso, avant et<br />

après l'embargo sur <strong>les</strong> armes <strong>de</strong> novembre 2004.<br />

1. TRANSFERTS D'ARMES SOUS ESCORTE DEPUIS LE BURKINA FASO EN 2002-2003<br />

Selon <strong>de</strong>s témoins ocu<strong>la</strong>ires fiab<strong>les</strong>, <strong>de</strong>s forces militaires burkinabè en uniforme auraient escorté <strong>de</strong>s<br />

livraisons d'armes et <strong>de</strong> munitions jusqu’à leur remise à <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong>s Forces nouvel<strong>les</strong> au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

pério<strong>de</strong> 2002-début 2003. La nature exacte <strong>de</strong> ces livraisons est floue, mais <strong>de</strong>s enquêtes ultérieures<br />

suggèrent qu'el<strong>les</strong> contenaient probablement diverses armes et munitions, y compris <strong>de</strong>s fusils d'assaut<br />

et <strong>de</strong>s munitions <strong>de</strong> petit calibre (<strong>de</strong> calibre 7,62 x 39 mm à 12,7 x 108 mm) 27 .


2. TRANSFERTS D'ARMES DEPUIS LE BURKINA FASO PENDANT ET APRES 2003<br />

Le Groupe d'experts sur <strong>la</strong> Côte d'Ivoire <strong>de</strong>s Nations unies <strong>de</strong> 2011 a fait état <strong>de</strong> plusieurs traces d'un<br />

soutien à long terme aux Forces nouvel<strong>les</strong> émanant du territoire du Burkina Faso. Ces traces comprennent<br />

<strong>de</strong>s informations re<strong>la</strong>tives à <strong>la</strong> fourniture <strong>de</strong> fusils d'assaut <strong>de</strong> type Ka<strong>la</strong>chnikov, <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> munitions<br />

<strong>de</strong> petit calibre ayant été entre <strong>les</strong> mains <strong>de</strong> forces <strong>de</strong> sécurité au Burkina Faso puis en Côte d'Ivoire,<br />

ainsi que <strong>de</strong>s livraisons d'autres équipements militaires, tels que <strong>de</strong>s véhicu<strong>les</strong>, <strong>de</strong>s uniformes et du<br />

matériel <strong>de</strong> communication radio 28 .<br />

Malgré ces preuves, il est difficile d'établir précisément quel<strong>les</strong> armes et quel<strong>les</strong> munitions le Burkina<br />

Faso a fournies, notamment dans <strong>la</strong> mesure où <strong>de</strong>s types d'armes divers, souvent anciens, semblent avoir<br />

été mêlés au cours <strong>de</strong>s transferts. Le retrait <strong>de</strong>s numéros <strong>de</strong> série et <strong>de</strong> lot a encore plus compliqué <strong>la</strong><br />

tâche. Conclusion : une arme utilisée par <strong>les</strong> Forces nouvel<strong>les</strong> ne peut pas être associée à un transfert<br />

particulier, ce qui ne permet pas <strong>de</strong> répondre facilement à <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> « responsabilité » <strong>de</strong>s<br />

transferts.<br />

Ce<strong>la</strong> étant, l'analyse du conflit post-2004 par le Groupe d'experts sur <strong>la</strong> Côte d'Ivoire <strong>de</strong>s Nations unies<br />

révèle <strong>de</strong>s quantités <strong>de</strong> munitions roumaines <strong>de</strong> calibre 7,62 x 39 mm fabriquées en 2005 en circu<strong>la</strong>tion<br />

dans le pays, suite au détournement illicite <strong>de</strong> ces munitions <strong>de</strong>puis le Burkina Faso vers <strong>la</strong> Côte d’Ivoire<br />

(voir ci-après) 29 .<br />

III. UTILISATION ABUSIVE DES ARMES PAR LES FORCES<br />

GOUVERNEMENTALES ENTRE 2010 ET 2011<br />

Il existe <strong>de</strong>s preuves manifestes selon <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> un grand nombre <strong>de</strong>s armes fournies au gouvernement<br />

ivoirien entre 2002 et 2004 n'ont pas seulement eu un impact immédiat sur <strong>les</strong> hostilités <strong>de</strong> l'époque,<br />

mais ont également été utilisées par <strong>la</strong> suite à l'encontre <strong>de</strong> civils dans <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> précédant le conflit <strong>de</strong><br />

2011 et pendant ce conflit. Les exemp<strong>les</strong> présentés ci-<strong>de</strong>ssous le sont à titre d'illustration et ne sont pas<br />

exhaustifs.<br />

En novembre 2004, le gouvernement <strong>de</strong> Côte d'Ivoire a <strong>la</strong>ncé <strong>de</strong>s attaques aériennes contre <strong>les</strong> Forces<br />

nouvel<strong>les</strong> dans le nord du pays, en ayant recours à un éventail <strong>de</strong> moyens aériens acquis entre 2002 et<br />

2004. Ces moyens incluent <strong>de</strong>s hélicoptères d'attaque Mi-24V fournis par le Bé<strong>la</strong>rus et <strong>la</strong> Bulgarie (en<br />

2002 et 2003 respectivement) et <strong>de</strong>s avions d'attaque au sol SU-25 fournis par le Bé<strong>la</strong>rus en 2003 et<br />

2004.<br />

L'utilisation <strong>de</strong> ces systèmes d'armement confirme que <strong>la</strong> fourniture d'armes provenant <strong>de</strong> pays étrangers<br />

au gouvernement ivoirien a eu un impact quasi immédiat sur l'esca<strong>la</strong><strong>de</strong> <strong>de</strong>s hostilités, conjointement à<br />

<strong>de</strong>s attaques contre <strong>de</strong>s civils dans le pays. Par exemple, <strong>de</strong>s munitions non explosées et <strong>de</strong>s fragments<br />

<strong>de</strong> roquettes S-5 fournies par le Bé<strong>la</strong>rus, retrouvées dans <strong>de</strong>s zones rési<strong>de</strong>ntiel<strong>les</strong> dans <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Bouaké,<br />

au nord du pays, indiquent que <strong>les</strong> attaques aériennes ont <strong>la</strong>rgement pris pour cible <strong>de</strong>s zones civi<strong>les</strong> 30 .<br />

Une attaque menée le 6 novembre à l'ai<strong>de</strong> d'un SU-25 fourni par le Bé<strong>la</strong>rus sur <strong>la</strong> base militaire<br />

française <strong>de</strong> Bouaké, qui a fait dix morts, atteste elle aussi <strong>de</strong> l'impact <strong>de</strong> ces transferts d'armes avant<br />

l'embargo.<br />

La prolifération et l’abus <strong>de</strong>s armes légères et <strong>de</strong> petit calibre a eu <strong>de</strong>s <strong>effets</strong> tragiques. Dans un rapport<br />

publié en mars 2007, <strong>Amnesty</strong> International a fait état d'une série <strong>de</strong> violences, y compris <strong>de</strong>s viols,<br />

perpétrées à l'encontre <strong>de</strong>s femmes et <strong>de</strong>s fil<strong>les</strong> par <strong>de</strong>s hommes armés appartenant à toutes <strong>les</strong> parties<br />

au conflit. Un grand nombre <strong>de</strong> femmes et <strong>de</strong> fil<strong>les</strong> ont été victimes <strong>de</strong> viols en réunion sous <strong>la</strong> menace<br />

d'une arme. D'autres ont été passées à tabac avec <strong>la</strong> crosse <strong>de</strong> fusils Ka<strong>la</strong>chnikov avant ou après avoir été<br />

violées 31 .<br />

Après <strong>la</strong> signature d’une série d’accords, d’abord pour imposer un cessez-le-feu puis pour mettre un<br />

terme au conflit, avec un engagement à démobiliser, désarmer et réinsérer toutes <strong>les</strong> forces armées 32 ,<br />

l’absence <strong>de</strong> financement en vue du regroupement <strong>de</strong>s Forces nouvel<strong>les</strong> a causé <strong>de</strong>s retards importants<br />

dans le désarmement <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rnières. Des troub<strong>les</strong> ont été suscités par plusieurs manifestations<br />

déclenchées en 2007 et 2008 par <strong>de</strong>s soldats qui n’avaient pas été payés. Ces <strong>de</strong>ux facteurs ont<br />

intensifié le débat déjà engagé sur <strong>la</strong> possibilité d’élections avant que le désarmement soit effectif, d’où<br />

l’ajournement <strong>de</strong>s élections et l’aggravation <strong>de</strong>s tensions dans le pays


A. DES MANIFESTANTS PRIS POUR CIBLES A ABIDJAN EN JANVIER ET FÉVRIER 2011<br />

En janvier et février 2011, <strong>les</strong> forces gouvernementa<strong>les</strong> ont utilisé <strong>de</strong>s bal<strong>les</strong> réel<strong>les</strong> pour disperser et<br />

dissua<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s manifestants civils, hommes et femmes originaires en majorité <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté diou<strong>la</strong>,<br />

dans divers quartiers d'Abidjan, tels qu'Abobo, Adjamé, Attecoubé, Port-Bouët et Treichville. À l'exception<br />

d'Abobo (voir ci-<strong>de</strong>ssous), ces événements ont été marqués, dans l'ensemble, par un schéma répétitif<br />

d'esca<strong>la</strong><strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> violence, contraire aux normes <strong>de</strong>s Nations unies en matière <strong>de</strong> recours à <strong>la</strong> force par <strong>les</strong><br />

responsab<strong>les</strong> <strong>de</strong> l'application <strong>de</strong>s lois, avec notamment :<br />

• <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> feu tirés dans l'air pour disperser <strong>les</strong> manifestants ;<br />

• <strong>de</strong>s tirs en direction <strong>de</strong>s manifestants qui ne s'étaient pas dispersés ou avaient tenté d'allumer<br />

<strong>de</strong>s feux/d'ériger <strong>de</strong>s barrica<strong>de</strong>s ; et<br />

• l'utilisation <strong>de</strong> grena<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> roquettes et d'autres explosifs pour repousser <strong>les</strong> <strong>de</strong>rniers groupes<br />

<strong>de</strong> manifestants (dans <strong>de</strong>s zones d'habitation, bien souvent) 33 .<br />

Le 18 janvier 2011, par exemple, <strong>les</strong> forces <strong>de</strong> <strong>la</strong> gendarmerie et <strong>de</strong> <strong>la</strong> gar<strong>de</strong> républicaine ont dispersé<br />

<strong>de</strong>s manifestants et <strong>de</strong>s manifestants qui avaient allumé <strong>de</strong>s feux et érigé <strong>de</strong>s barrica<strong>de</strong>s le long du<br />

boulevard <strong>de</strong> <strong>la</strong> Paix, près <strong>de</strong>s bureaux <strong>de</strong>s Nations unies à Attecoubé. Les forces <strong>de</strong> sécurité ont tiré à<br />

bal<strong>les</strong> réel<strong>les</strong> pour disperser <strong>les</strong> manifestants et ont entrepris <strong>de</strong> mettre le feu aux maquis (petites<br />

boutiques) à l'intersection du boulevard <strong>de</strong> <strong>la</strong> Paix et du boulevard <strong>de</strong> l'Ouest.<br />

Les manifestants se sont dispersés dans <strong>les</strong> zones d'habitation au sud du boulevard <strong>de</strong> <strong>la</strong> Paix, où <strong>les</strong><br />

forces <strong>de</strong> sécurité ont <strong>la</strong>ncé une roquette <strong>de</strong>puis un <strong>la</strong>nce-roquette <strong>de</strong> type RPG-7, au moins <strong>de</strong>ux<br />

grena<strong>de</strong>s à fragmentation très explosives, ainsi qu'une grena<strong>de</strong> <strong>la</strong>ncée ou jetée <strong>de</strong>puis le véhicule blindé<br />

<strong>de</strong> première ligne.<br />

Tous ces exemp<strong>les</strong> <strong>de</strong> recours à une force excessive et non motivée ont eu lieu dans le quartier <strong>de</strong>s<br />

bidonvil<strong>les</strong>, où <strong>les</strong> constructions sont principalement en tôle et offrent peu <strong>de</strong> protection contre <strong>les</strong> bal<strong>les</strong><br />

et <strong>les</strong> explosifs (voir image ci-<strong>de</strong>ssous) 34 .


Civils pris pour cible à Attecoubé, Abidjan, le 18 janvier 2011<br />

Boutiques<br />

détruites<br />

Roquette<br />

rpg<br />

Grena<strong>de</strong> <strong>la</strong>ncée/tirée <strong>de</strong>puis VAB APC<br />

Grena<strong>de</strong>s à<br />

fragmentation HE<br />

Zone<br />

d'habitation<br />

Siège <strong>de</strong> l'ONU<br />

à Abidjan<br />

Source : Google Earth © 2013 Google. Image © 2013 Digital Globe.<br />

Notes fournies par une source confi<strong>de</strong>ntielle.<br />

Remarque : <strong>les</strong> cib<strong>les</strong> font +/- 10 mètres. Les cerc<strong>les</strong> indiquent <strong>la</strong> source du feu (ou du <strong>la</strong>ncer).<br />

Les flèches indiquent <strong>la</strong> direction et <strong>la</strong> cible du feu.<br />

B. OFFENSIVES AU MORTIER À ABOBO, ABIDJAN<br />

Fin février, <strong>les</strong> forces <strong>de</strong> sécurité fidè<strong>les</strong> à Laurent Gbagbo ont commencé à diriger <strong>de</strong>s tirs <strong>de</strong> mortier sur<br />

<strong>de</strong>s zones <strong>de</strong>nsément peuplées d'Abobo, un quartier d'Abidjan récupéré par <strong>les</strong> hommes du Commando<br />

invisible anti-Gbagbo 35 . Plus <strong>de</strong> dix personnes (femmes, hommes et enfants) ont été tués. Des<br />

informations recueillies par <strong>Amnesty</strong> International indiquent également que <strong>les</strong> forces <strong>de</strong> sécurité ont tiré<br />

sans ménagement, alors qu'el<strong>les</strong> traversaient le quartier d'Abobo, tuant et b<strong>les</strong>sant <strong>de</strong>s hommes et <strong>de</strong>s<br />

femmes non armés.<br />

Le 11 mars 2011, peu avant minuit, un obus <strong>de</strong> mortier a atterri dans <strong>la</strong> cour d'une famille, tuant trois<br />

enfants et b<strong>les</strong>sant grièvement plusieurs membres <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille. L'une <strong>de</strong>s personnes présentes lors <strong>de</strong><br />

l'attaque a témoigné auprès d'<strong>Amnesty</strong> International :<br />

« Lorsque nous sommes allés nous coucher, nous n'entendions ni bruit ni coup <strong>de</strong> feu, puis soudain, au<br />

milieu <strong>de</strong> <strong>la</strong> nuit, vers 23h30, nous avons entendu un grand bruit. Un obus avait touché <strong>la</strong> cour <strong>de</strong> notre<br />

voisin. Un ado<strong>les</strong>cent <strong>de</strong> 12 ans, qui dormait, a été tué sur le coup. Koné Toumoutou et Bakary Koné,<br />

respectivement âgés <strong>de</strong> six et <strong>de</strong>ux ans, ont été mortellement b<strong>les</strong>sés et sont décédés peu après avoir été<br />

transférés vers un centre médical. Deux autres enfants <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille ont été b<strong>les</strong>sés. Plusieurs adultes,<br />

dont <strong>la</strong> grand-mère <strong>de</strong> 53 ans, ont été b<strong>les</strong>sés. »<br />

Le 17 mars 2011, <strong>de</strong>s bombes ont été lâchées sur un marché à Abobo, faisant au moins 20 morts et<br />

environ 60 b<strong>les</strong>sés, principalement <strong>de</strong>s femmes.


Un témoin a raconté <strong>la</strong> scène à <strong>Amnesty</strong> International : « Cet après-midi là, avant <strong>la</strong> prière, quelques<br />

femmes vendaient leurs fruits et légumes sur le marché <strong>de</strong> Gagnoa, à Abobo. Tout était calme quand,<br />

soudain, nous avons entendu un grand bruit, au moment où <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce du marché était touchée par un<br />

obus. Au moins dix personnes, surtout <strong>de</strong>s femmes, ont été tuées, et d'autres b<strong>les</strong>sées. »<br />

Un autre témoin a déc<strong>la</strong>ré que, peu après <strong>la</strong> prière <strong>de</strong> 13h, <strong>de</strong>s enfants étaient en train <strong>de</strong> jouer par terre<br />

lorsque l'obus a frappé <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce du marché. « Une femme, Bamba Aminata, est entrée dans <strong>la</strong> cour avec<br />

son bébé. Elle a été frappée par l'obus. Elle est morte <strong>de</strong>s suites <strong>de</strong> ses b<strong>les</strong>sures à l'hôpital quelques<br />

heures plus tard. Son bébé a été b<strong>les</strong>sé et un autre bébé <strong>de</strong> 18 mois a été tué par l'obus. »<br />

À l'hôpital d'Abobo, un homme a raconté à <strong>Amnesty</strong> International qu'il avait vu <strong>les</strong> cadavres <strong>de</strong><br />

13 personnes - 11 hommes, une femme et un enfant <strong>de</strong> cinq ou six ans - tués par cette attaque.<br />

Le 21 mars 2011, un autre tir <strong>de</strong> mortier a frappé le quartier Cé<strong>les</strong>te d'Abobo. Un témoin a raconté <strong>la</strong><br />

scène à <strong>Amnesty</strong> International : « Tout était calme à l'exception du bruit <strong>de</strong>s enfants et <strong>de</strong> l'eau dans<br />

<strong>la</strong>quelle nous nous <strong>la</strong>vions avant <strong>la</strong> prière <strong>de</strong> 18h30, quand soudain un obus est tombé dans <strong>la</strong> cour. Trois<br />

personnes, dont un enfant <strong>de</strong> 12 ans, ont été tuées et <strong>de</strong>ux autres ont été b<strong>les</strong>sés. »<br />

Un autre témoin ajoute : « J’ai encore l’image <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux femmes dont <strong>les</strong> jambes ont été arrachées<br />

quand l’obus est tombé. El<strong>les</strong> ont été conduites à l’hôpital mais el<strong>les</strong> n’ont pas survécu à leurs<br />

b<strong>les</strong>sures… L'une d'el<strong>les</strong> avait reçu plusieurs éc<strong>la</strong>ts d'obus. »<br />

Des unités mobi<strong>les</strong> <strong>de</strong>s forces <strong>de</strong> sécurité semblent avoir été à l'origine <strong>de</strong> certains tirs <strong>de</strong> mortier.<br />

D'autres preuves indiquent que <strong>de</strong>s unités <strong>de</strong> <strong>la</strong> gendarmerie ont <strong>la</strong>ncé <strong>de</strong>s obus <strong>de</strong> mortier <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s<br />

bases à Abobo.<br />

À titre d'exemple, <strong>la</strong> carte suivante illustre <strong>la</strong> trajectoire d'un mortier <strong>de</strong> 82 mm <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> base <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

gendarmerie Camp Commando dans le centre d'Abobo, qui, selon <strong>de</strong>s sources, aurait été utilisé pour tirer<br />

sur <strong>de</strong>s cib<strong>les</strong> dans <strong>la</strong> zone PK-18 entre le 4 et le 7 mars 2011. Non seulement ces armes à feu indirect<br />

risquent <strong>de</strong> causer un grand nombre <strong>de</strong> victimes col<strong>la</strong>téra<strong>les</strong>, car ceux qui <strong>les</strong> manient ne peuvent pas<br />

voir <strong>la</strong> zone ciblée, mais <strong>la</strong> trajectoire <strong>de</strong> cette arme suggère qu'on a tiré sur une zone contigüe d'Abidjan<br />

à forte <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> popu<strong>la</strong>tion. De plus, il semblerait que l'arme ait été utilisée pour une portée quasi<br />

maximale, ce qui indique une forte probabilité que <strong>la</strong> bombe tombe à côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> cible initiale.


Disposition d'un mortier <strong>de</strong> 82 mm à <strong>la</strong> base <strong>de</strong> gendarmerie « Camp Commando » à Abobo, Abidjan, du<br />

4 au 7 mars 2011.<br />

Lieu du mortier <strong>de</strong> 82 mm<br />

Angle <strong>de</strong> tir : 280˚ - 290˚<br />

Direction PK-18<br />

DISTRICT<br />

PK-18<br />

+ <strong>de</strong> 3 000 mètres<br />

Abobo<br />

centre<br />

Source : Google Earth © 2013 Google. Image © 2013 Digital Globe.<br />

Notes fournies par une source confi<strong>de</strong>ntielle.<br />

Remarque : Lieu exact (marge d'1 mètre) et trajectoire du mortier confirmés par une source confi<strong>de</strong>ntielle


C. ORIGINE DES ARMES UTILISÉES DANS LES OPÉRATIONS DES FORCES DE<br />

SÉCURITÉ À ABIDJAN<br />

Les armes suivantes ont été utilisées dans <strong>les</strong> opérations <strong>de</strong>s forces <strong>de</strong> sécurité à Abobo : <strong>de</strong>s fusils<br />

d'assaut (principalement <strong>de</strong> type Ka<strong>la</strong>chnikov), <strong>de</strong>s grena<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s fusils mitrailleurs, <strong>de</strong>s mitrailleuses<br />

lour<strong>de</strong>s <strong>de</strong> 12,7 et 14,5 mm, <strong>de</strong>s <strong>la</strong>nce-roquettes <strong>de</strong> type RPG-7, <strong>de</strong>s canons <strong>de</strong> 20 mm montés sur <strong>de</strong>s<br />

véhicu<strong>les</strong> et <strong>de</strong>s mortiers <strong>de</strong> calibre 82 et 120 mm. Les forces <strong>de</strong> sécurité ont également déployé un<br />

éventail <strong>de</strong> véhicu<strong>les</strong> blindés, y compris <strong>de</strong>s VAB (véhicu<strong>les</strong> <strong>de</strong> l'avant blindés) et <strong>de</strong>s véhicu<strong>les</strong> <strong>de</strong><br />

transport <strong>de</strong> troupes BTR-80 et BMP-2.<br />

Des membres <strong>de</strong>s forces <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong> l’État harcèlent et frappent à coups <strong>de</strong> pied et <strong>de</strong> crosse <strong>de</strong> fusil<br />

<strong>les</strong> passagers d'un minibus, boulevard <strong>de</strong> <strong>la</strong> Paix, Abidjan, 19 janvier 2011<br />

Fusils mitrailleurs AR-M<br />

Bulgarie<br />

Remarque : L'auteur <strong>de</strong> <strong>la</strong> photographie a i<strong>de</strong>ntifié avec certitu<strong>de</strong> <strong>les</strong> armes bulgares sans s’appuyer sur<br />

<strong>la</strong> photographie. Les armes en question ont probablement été transférées en Côte d'Ivoire en octobre<br />

2004.<br />

L'analyse du déploiement d'armes dans <strong>les</strong> rues d’Abidjan à l'époque confirme que le gouvernement <strong>de</strong><br />

Côte d'Ivoire a importé un grand nombre <strong>de</strong> ces armes pendant <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> ayant mené à l'embargo sur <strong>les</strong><br />

armes <strong>de</strong> novembre 2004 (voir tableau <strong>de</strong>s importations d’armes ci-<strong>de</strong>ssous).


Armes dont l'utilisation pendant <strong>les</strong> opérations contre <strong>les</strong> civils à Abidjan a été confirmée :<br />

Janvier/mars 2011<br />

Types d'armes Origine Livraison Remarques :<br />

Fusils mitrailleurs Bulgarie 2004 Plusieurs lieux. Confirmation par témoin<br />

expert lors <strong>de</strong> l'utilisation (voir aussi<br />

l'image ci-<strong>de</strong>ssus).<br />

Munition <strong>de</strong> fusil<br />

d'assaut <strong>de</strong> calibre<br />

7,62 x 39 mm<br />

Munition <strong>de</strong> fusil<br />

d'assaut <strong>de</strong> calibre<br />

7,62 x 39 mm<br />

Mitrailleuse lour<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> calibre<br />

12,7 x 108 mm<br />

Roquettes<br />

antipersonnel OG-<br />

7V<br />

Mortier <strong>de</strong><br />

120 mm<br />

Véhicu<strong>les</strong> blindés<br />

<strong>de</strong> transport <strong>de</strong><br />

troupes BTR-80 et<br />

BMP-2<br />

Bulgarie 2004 Plusieurs lieux. Confirmée grâce à<br />

l'analyse <strong>de</strong>s cartouches envoyées.<br />

Chine 2002-2004 Plusieurs lieux. Confirmée grâce à<br />

l'analyse <strong>de</strong>s cartouches envoyées.<br />

Bulgarie 2004 Plusieurs lieux. Confirmée grâce à<br />

l'analyse <strong>de</strong>s cartouches envoyées.<br />

Bulgarie 2004 Abobo, Attecoubé et Treichville.<br />

Confirmation par témoin expert lors <strong>de</strong><br />

l'utilisation.<br />

Bé<strong>la</strong>rus/Bulgarie 2002 ou 2004 Zone PK-18 d'Abobo. Confirmation par<br />

témoin expert lors <strong>de</strong> l'utilisation.<br />

Bé<strong>la</strong>rus et<br />

Ango<strong>la</strong>/Ukraine<br />

2003 Zone PK-18 d'Abobo. Confirmation par<br />

témoin expert lors <strong>de</strong> l'utilisation.<br />

Sources : tous <strong>les</strong> cas ont été confirmés par l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> détention d'armes avant le conflit <strong>de</strong> 2011, <strong>de</strong>s<br />

observations <strong>de</strong> témoins en janvier-mars 2011 et l'analyse <strong>de</strong>s armes après le conflit, en avril 2011.<br />

Sources confi<strong>de</strong>ntiel<strong>les</strong>.<br />

Il convient <strong>de</strong> souligner que <strong>les</strong> armes listées ci-<strong>de</strong>ssus ne représentent qu'une faible proportion <strong>de</strong>s<br />

armes transférées au gouvernement <strong>de</strong> Côte d'Ivoire dans <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> ayant immédiatement précédé<br />

l'embargo imposé par <strong>les</strong> Nations unies en novembre 2004. Une analyse <strong>de</strong>s stocks d'armes et <strong>de</strong><br />

munitions <strong>de</strong>s unités armées impliquées dans <strong>la</strong> répression civile, avant et après le conflit <strong>de</strong> 2011,<br />

suggère que ces unités armées ont déployé presque tous <strong>les</strong> types d'armes, à l'exception d'avions et <strong>de</strong><br />

matériel militaire <strong>de</strong> gros calibre, comme <strong>de</strong>s roquettes BM-21. Ces unités sont composées <strong>de</strong> <strong>la</strong> police,<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> gendarmerie et <strong>de</strong>s unités spécia<strong>les</strong> <strong>de</strong> Côte d'Ivoire, comme le Centre <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s<br />

opérations <strong>de</strong> sécurité (CECOS).<br />

Si aucun <strong>de</strong>s transferts d'armes et <strong>de</strong> munitions vers <strong>la</strong> Côte d'Ivoire mentionnés ci-<strong>de</strong>ssus n'ont violé<br />

l'embargo sur <strong>les</strong> armes imposé par <strong>les</strong> Nations unies en novembre 2004, ils ont néanmoins eu lieu à une<br />

pério<strong>de</strong> où le pays connaissait un cessez-le-feu fragile ou dans <strong>de</strong>s circonstances où il apparaissait<br />

c<strong>la</strong>irement que le cessez-le-feu avait été violé et que <strong>les</strong> combats avaient repris dans le pays. C'est<br />

pourquoi il existe <strong>de</strong>s preuves soli<strong>de</strong>s suggérant que :<br />

1. <strong>les</strong> États fournisseurs connaissaient parfaitement ou auraient dû connaître <strong>la</strong> situation <strong>de</strong><br />

sécurité précaire et <strong>de</strong> vio<strong>la</strong>tions graves <strong>de</strong>s droits humains en Côte d'Ivoire au moment du<br />

transfert ;<br />

2. <strong>les</strong> transferts étaient, par conséquent, irresponsab<strong>les</strong> du point <strong>de</strong> vue d'une esca<strong>la</strong><strong>de</strong> potentielle<br />

du conflit armé et d'une aggravation <strong>de</strong> <strong>la</strong> sécurité régionale et, enfin, <strong>de</strong>s droits humains,<br />

notamment à <strong>la</strong> lumière <strong>de</strong>s décisions prises par le Conseil <strong>de</strong> sécurité après février 2004 ; et<br />

3. <strong>les</strong> forces <strong>de</strong> sécurité ivoiriennes ont utilisé <strong>les</strong> armes fournies par <strong>de</strong>s États étrangers en vue <strong>de</strong><br />

prendre pour cible <strong>de</strong>s civils, ainsi que <strong>de</strong>s équipes <strong>de</strong> maintien <strong>de</strong> <strong>la</strong> paix <strong>de</strong>s Nations unies et<br />

<strong>de</strong>s membres <strong>de</strong>s forces armées françaises, en 2004, puis à nouveau en 2011.


IV. LIVRAISONS ILLÉGALES D’ARMES AUX FORCES DE SÉCURITÉ<br />

IVOIRIENNES<br />

Outre <strong>les</strong> exemp<strong>les</strong> cités plus haut d’armes, <strong>de</strong> munitions et d’équipements connexes qui ont été livrés <strong>de</strong><br />

façon irresponsable à <strong>la</strong> Côte d’Ivoire avant l’embargo sur <strong>les</strong> armements à <strong>de</strong>stination <strong>de</strong> ce pays décrété<br />

tardivement par <strong>les</strong> Nations unies, et qui ont servi à commettre <strong>de</strong> graves vio<strong>la</strong>tions du droit international<br />

humanitaire et re<strong>la</strong>tif aux droits humains, le Groupe d’experts <strong>de</strong>s Nations unies sur <strong>la</strong> Côte d’Ivoire<br />

[Groupe d’experts] a mis à jour <strong>de</strong> nombreux cas <strong>de</strong> vio<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> cet embargo <strong>de</strong> 2004, qui viennent<br />

renforcer <strong>les</strong> inquiétu<strong>de</strong>s déjà exprimées par <strong>Amnesty</strong> International 36 .<br />

Entre avril 2011 et avril 2012, le Groupe d’experts enquêtant sur <strong>les</strong> vio<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> l’embargo <strong>de</strong>s<br />

armements a constaté à plusieurs reprises <strong>la</strong> présence en Côte d’Ivoire <strong>de</strong> cartouches <strong>de</strong> 7,62 x 39 mm<br />

fabriquées en Roumanie. Le 22 mars 2012, <strong>les</strong> autorités roumaines ont informé le Groupe que ces<br />

munitions avaient été envoyées au gouvernement du Burkina Faso <strong>les</strong> 16 décembre 2005 et 21 juin<br />

2006 37 . Dans une secon<strong>de</strong> réponse adressée le 23 avril 2012, <strong>les</strong> autorités roumaines ont ajouté qu’un<br />

envoi <strong>de</strong>s munitions susmentionnées avait également été effectué à <strong>de</strong>stination du Burkina Faso le<br />

18 juin 2008 38 . L’organisme roumain chargé du contrôle <strong>de</strong>s exportations avait autorisé <strong>de</strong>ux envois (<strong>de</strong><br />

200 000 et 800 000 cartouches, respectivement), sous <strong>les</strong> licences E/2005/183 et E/2006/915, au<br />

ministère <strong>de</strong> <strong>la</strong> Défense du Burkina Faso. Ces <strong>de</strong>ux transactions étaient assorties <strong>de</strong> certificats <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>stination finale et d’autorisation émis par <strong>la</strong> Communauté économique <strong>de</strong>s États <strong>de</strong> l’Afrique <strong>de</strong> l’Ouest<br />

(CEDEAO). On a donc <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> penser que ces munitions ont été détournées <strong>de</strong> façon illicite <strong>de</strong>puis<br />

le Burkina Faso vers <strong>la</strong> Côte d’Ivoire, au prix d’une vio<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> l’embargo <strong>de</strong>s Nations unies sur <strong>les</strong><br />

armes.<br />

D’après le rapport remis en avril 2012 par le Groupe d’experts, <strong>de</strong>s armes et du matériel connexe ont<br />

également été importés en Côte d’Ivoire <strong>de</strong> façon directe jusqu’en 2009, parfois avec l’accord <strong>de</strong>s<br />

autorités du pays d’origine. En 2009, le Sénégal a commencé à être utilisé comme pays <strong>de</strong> transit. Le<br />

Groupe d’experts a été en mesure d’établir que <strong>de</strong>s représentants <strong>de</strong> l’État sénéga<strong>la</strong>is avaient autorisé le<br />

transfert d’armes et <strong>de</strong> matériel connexe vers <strong>la</strong> Côte d’Ivoire.<br />

Le Groupe d’experts a par exemple déc<strong>la</strong>ré en avril 2012 qu’il avait « obtenu <strong>de</strong>s documents qui prouvent<br />

<strong>de</strong> manière irréfutable <strong>les</strong> vio<strong>la</strong>tions répétées du régime <strong>de</strong> sanctions perpétrées par un réseau qui se<br />

compose <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux groupes ci-après, et qui permettent <strong>de</strong> comprendre le modus operandi <strong>de</strong> ce réseau :<br />

a) Robert Montoya, Mikhail Kapylou, Frédéric Lafont et leurs sociétés respectives ; et b) un groupe parainstitutionnel<br />

<strong>de</strong> personnes, à savoir Ka<strong>de</strong>t Bertin (ancien conseiller auprès <strong>de</strong> M. Gbagbo, chargé <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

sécurité, qui rési<strong>de</strong> maintenant au Ghana) et le commandant Anselme Séka Yapo. Ces <strong>de</strong>ux groupes<br />

avaient <strong>de</strong>s liens entre eux et faisaient parfois <strong>de</strong>s transactions ensemble. Le Groupe d’experts peut<br />

prouver que ces <strong>de</strong>ux groupes ont eu accès à d’importants responsab<strong>les</strong> ivoiriens, qu’ils ont bénéficié du<br />

soutien <strong>de</strong> ceux-ci, et qu’ils ont également <strong>de</strong>s liens soli<strong>de</strong>s avec <strong>les</strong> autorités en Guinée 39 . »<br />

D’après <strong>les</strong> enquêteurs <strong>de</strong>s Nations unies, le réseau susmentionné « a violé à <strong>de</strong> nombreuses reprises le<br />

régime <strong>de</strong> sanctions en important <strong>de</strong>s armes, <strong>de</strong>s munitions, <strong>de</strong>s pièces détachées pour l’aviation et du<br />

matériel pour <strong>les</strong> forces <strong>de</strong> sécurité ivoiriennes et d’autres entités40 ». Il ressort <strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong>s<br />

documents réunis par le Groupe d’experts qu’au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> 2006-2010, <strong>les</strong> sociétés Protec-CI,<br />

Protec-SA et Darkwood Logistics ont vendu <strong>de</strong>s armes et du matériel connexe à l’ancien gouvernement<br />

ivoirien pour un montant d’environ 16,3 millions <strong>de</strong> dol<strong>la</strong>rs <strong>de</strong>s États-Unis 41 . Des transactions effectuées<br />

par <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>nce Gbagbo sont peut-être venues s’ajouter à ce montant, a expliqué le Groupe d’experts.<br />

<strong>Amnesty</strong> International s’est procuré une liste <strong>de</strong>s armements que Darkwood, société basée au <strong>Togo</strong>, a<br />

proposé <strong>de</strong> fournir au gouvernement ivoirien 42 .<br />

À cette fin, le réseau a bénéficié <strong>de</strong> <strong>la</strong> complicité <strong>de</strong> nombreuses sociétés étrangères spécialisées dans <strong>la</strong><br />

production d’équipements et d’armes <strong>de</strong>stinés au maintien <strong>de</strong> l’ordre ainsi que <strong>de</strong> matériel connexe. Les<br />

enquêteurs <strong>de</strong>s Nations unies ont indiqué que M. Lafont, M. Montoya et M. Kapylou étaient <strong>de</strong>s maillons<br />

directs ou indirects d’une structure complexe <strong>de</strong> sociétés ayant leur siège en Côte d’Ivoire, en Tunisie et<br />

en Lettonie dont ils s’étaient servis pour violer à <strong>de</strong> nombreuses reprises le régime <strong>de</strong> sanctions imposé à<br />

<strong>la</strong> Côte d’Ivoire. « Des vio<strong>la</strong>tions répétées du régime <strong>de</strong> sanctions se sont produites par l’intermédiaire <strong>de</strong><br />

sociétés tel<strong>les</strong> que Protec-SA, Darkwood Logistics (voir annexe 9), dont le siège est en Côte d’Ivoire et qui<br />

appartient à hauteur <strong>de</strong> 90 % à Robert Montoya et UAZ-CI (voir annexe 10), société <strong>de</strong> droit ivoirien qui<br />

appartient à At<strong>la</strong>ntis Corporation, dont le siège est en Lettonie et qui est gérée par Taurenis Agris et<br />

Ilmars Blumbergs (voir annexe 11). Mikhail Kapylou est le Directeur <strong>de</strong> UAZ-CI. Protec-SA sert <strong>de</strong> p<strong>la</strong>te-


forme pour <strong>de</strong>ux sociétés qui appartiennent à Robert Montoya ou dont il est l’actionnaire majoritaire, à<br />

savoir Darkwood Logistics et UAZ-CI 43 . » Le Groupe d’experts a également affirmé avoir réuni <strong>de</strong>s<br />

documents montrant que <strong>les</strong> sociétés UAZ-CI et Bel Tech Export (dont le siège est au Bé<strong>la</strong>rus) étaient <strong>de</strong>s<br />

partenaires commerciaux.<br />

De 2006 à 2009, <strong>les</strong> armes et le matériel militaire importés en vio<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> l’embargo <strong>de</strong>s Nations unies<br />

par le consortium <strong>de</strong> M. Montoya et M. Lafont pouvaient être qualifiés <strong>de</strong> « semi-létaux ». Citons, à titre<br />

d’exemple, du gaz <strong>la</strong>crymogène (sous forme d’aérosol ou <strong>de</strong> grena<strong>de</strong>), <strong>de</strong>s bal<strong>les</strong> en caoutchouc (Gomme<br />

Cogne), <strong>de</strong>s fusils <strong>la</strong>nce-grena<strong>de</strong>s (Cougar) et <strong>de</strong>s pistolets <strong>de</strong> défense (GC27 et GC54). En outre, le<br />

Groupe d’experts a réuni <strong>de</strong>s documents prouvant qu’il y avait eu <strong>de</strong>s ventes d’armes léta<strong>les</strong> et <strong>de</strong><br />

munitions correspondantes à partir d’août 2009 44 . M. Lafont aurait en effet participé à <strong>la</strong> vente à <strong>la</strong> Côte<br />

d’Ivoire <strong>de</strong> plusieurs milliers <strong>de</strong> grena<strong>de</strong>s à fragmentation <strong>de</strong> type H.Gr 84 et <strong>de</strong> gros volumes <strong>de</strong> matériel<br />

létal <strong>de</strong> 2009 à fin 2010. Le Groupe d’experts a également indiqué avoir recueilli <strong>de</strong>s données prouvant<br />

que le réseau <strong>de</strong> M. Montoya avait vendu à <strong>la</strong> gendarmerie 54 munitions <strong>de</strong> 73 mm réparties dans neuf<br />

caisses 45 , et que celui-ci avait organisé le voyage et le séjour d’un groupe <strong>de</strong> sept techniciens chargés<br />

d’effectuer <strong>de</strong>s opérations <strong>de</strong> réparation et <strong>de</strong> maintenance sur un hélicoptère d’attaque Mi-24 46 .<br />

L’équipe est restée en Côte d’Ivoire <strong>de</strong> janvier à mars 2011 et a bénéficié du soutien logistique <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Gar<strong>de</strong> républicaine.<br />

Le Groupe d’experts a déc<strong>la</strong>ré avoir obtenu <strong>de</strong>s documents montrant que <strong>les</strong> établissements Fakih, dont<br />

le siège est à Dakar, avaient servi d’intermédiaire pour l’exportation vers <strong>la</strong> Côte d’Ivoire <strong>de</strong>s armes et du<br />

matériel connexe ci-après, en vio<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> l’embargo sur <strong>les</strong> armes : munitions <strong>la</strong>crymogènes, vendues par<br />

Nobel Sport et SAE Alsetex (dont le siège est en France) ; dispositifs <strong>de</strong> <strong>la</strong>ncement pour <strong>de</strong>s munitions<br />

« semi-léta<strong>les</strong> » et munitions correspondantes [vendus par SAE Alsetex (pistolets GC27 et GC54)] ;<br />

pistolets <strong>de</strong> calibre 9 mm, revolvers <strong>de</strong> calibre 357 magnum fabriqués par Taurus (dont le siège est au<br />

Brésil) et munitions correspondantes ; fusils à canon rayé et fusils <strong>de</strong> chasse <strong>de</strong> calibre 12 fabriqués par<br />

Hatsan (dont le siège est en Turquie), également avec <strong>les</strong> munitions correspondantes 47 .<br />

D’après <strong>les</strong> informations recueillies par le Groupe d’experts, c’est <strong>la</strong> compagnie aérienne Sophia Airlines<br />

(qui appartient à Louise Kodo, l’épouse <strong>de</strong> Frédéric Lafont) qui a transporté le matériel <strong>de</strong> Dakar à<br />

Abidjan. Lors d’un entretien avec le Groupe d’experts le 15 décembre 2011, Mme Kodo a reconnu avoir<br />

pris part à plusieurs vols effectués entre Dakar et Abidjan, qui transportaient du matériel <strong>de</strong> maintien <strong>de</strong><br />

l’ordre 48 . L’aéronef utilisé était un avion <strong>de</strong> type Let-410, immatriculé TU-TCV. D’après le Groupe<br />

d’experts, <strong>de</strong>s membres du réseau se sont rendus fréquemment en Tunisie pour déposer dans <strong>de</strong>s<br />

institutions bancaires loca<strong>les</strong> d’importantes sommes d’argent liqui<strong>de</strong> obtenues lors d’activités associées à<br />

<strong>la</strong> Côte d’Ivoire.<br />

Le Groupe d’experts a noté avec inquiétu<strong>de</strong> que, immédiatement après l’élection prési<strong>de</strong>ntielle <strong>de</strong> 2010,<br />

une importante quantité <strong>de</strong> munitions <strong>de</strong> fusil d’assaut, <strong>de</strong> grena<strong>de</strong>s à fragmentation, d’obus <strong>de</strong> mortier<br />

<strong>de</strong> 120 mm et <strong>de</strong> pistolets ont été livrés au Centre <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s opérations <strong>de</strong> sécurité<br />

(CECOS), au mépris manifeste du régime <strong>de</strong>s sanctions, comme l’atteste un document officiel daté du<br />

1er novembre 2010 et récapitu<strong>la</strong>nt <strong>les</strong> livraisons effectuées au CECOS 49 . Le Groupe d’experts a<br />

rassemblé <strong>de</strong>s preuves écrites concernant l’importation, malgré le régime <strong>de</strong> sanctions, <strong>de</strong> grena<strong>de</strong>s à<br />

fragmentation <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux types : <strong>de</strong>s grena<strong>de</strong>s M26A9 (fabriquées par <strong>la</strong> société Denel en Afrique du Sud)<br />

et <strong>de</strong>s contrefaçons <strong>de</strong>s grena<strong>de</strong>s H.Gr 84 (non fabriquées par conséquent en Autriche, mais<br />

probablement en Serbie 50 ). De nombreuses sources ont indiqué au Groupe d’experts que ces <strong>de</strong>ux types<br />

<strong>de</strong> grena<strong>de</strong>s à fragmentation avaient été <strong>la</strong>rgement distribués aux milices favorab<strong>les</strong> à M. Gbagbo<br />

pendant <strong>la</strong> crise <strong>de</strong> 2010-2011 qui avait suivi l’élection prési<strong>de</strong>ntielle. Ces grena<strong>de</strong>s ont été utilisées par<br />

le CECOS et <strong>la</strong> Gar<strong>de</strong> républicaine contre <strong>de</strong>s civils à Abidjan durant <strong>la</strong> crise.<br />

L’Opération <strong>de</strong>s Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI), mission <strong>de</strong> maintien <strong>de</strong> <strong>la</strong> paix <strong>de</strong>s Nations<br />

unies, a déc<strong>la</strong>ré que, entre le 15 décembre 2010 et le 15 mai 2011, son centre médical avait accueilli<br />

154 personnes b<strong>les</strong>sées par <strong>de</strong>s grena<strong>de</strong>s (dont cinq avaient succombé à leurs b<strong>les</strong>sures).<br />

Qui plus est, d’après <strong>de</strong>s documents obtenus par <strong>les</strong> enquêteurs <strong>de</strong>s Nations unies auprès du service<br />

douanier du ministère <strong>de</strong> <strong>la</strong> Défense, Transit interarmées, et du ministère <strong>de</strong> l’Intérieur, M. Lafont a<br />

enfreint régulièrement le régime <strong>de</strong> sanctions <strong>de</strong>puis 2004 en fournissant aux forces <strong>de</strong> sécurité<br />

ivoiriennes du matériel <strong>de</strong> communication livré par <strong>la</strong> société Soicex Électronique (dont le siège est en<br />

France). Ceux-ci ont établi que le matériel livré avait été fabriqué par <strong>les</strong> sociétés Motoro<strong>la</strong> (dont le siège<br />

est aux États-Unis), Barret Communication (dont le siège est en Australie) et Danimex (dont le siège est<br />

au Danemark 51 ). <strong>Amnesty</strong> International ne dispose toutefois d’aucun élément donnant à penser que ces


sociétés savaient que <strong>la</strong> livraison <strong>de</strong> ces équipements était contraire à l’embargo sur <strong>les</strong> armes <strong>de</strong>s<br />

Nations unies.


V. UTILISATION D’ARMES PAR DES GROUPES OPPOSÉS À LAURENT<br />

GBAGBO EN 2010-2011<br />

Des éléments d’information <strong>de</strong> plus en plus nombreux portent à croire que <strong>de</strong>s homici<strong>de</strong>s illégaux ont été<br />

perpétrés par différents groupes opposés à Laurent Gbagbo, notamment <strong>les</strong> Forces nouvel<strong>les</strong> avant leur<br />

intégration dans <strong>les</strong> FRCI, <strong>les</strong> FRCI el<strong>les</strong>-mêmes et <strong>les</strong> Dozos durant <strong>la</strong> crise <strong>de</strong> 2010-2011. Les Dozos,<br />

milice composée <strong>de</strong> chasseurs traditionnels et appuyée par l’État et l’armée, se sont rendus coupab<strong>les</strong> <strong>de</strong><br />

graves exactions pendant et après <strong>la</strong> crise post-électorale <strong>de</strong> 2011.<br />

Ce chapitre décrit <strong>les</strong> attaques menées contre <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion civile et expose <strong>les</strong> armes et munitions<br />

utilisées par <strong>les</strong> auteurs <strong>de</strong> ces attaques.<br />

A. HOMICIDES ILLÉGAUX ET AUTRES CRIMES DE DROIT INTERNATIONAL<br />

À DUÉKOUÉ<br />

Lorsqu’el<strong>les</strong> ont pris le contrôle <strong>de</strong> Duékoué et <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges alentour dans l’ouest <strong>de</strong> <strong>la</strong> Côte d’Ivoire, <strong>les</strong><br />

FRCI (créées par A<strong>la</strong>ssane Ouattara le 17 mars 2011) et <strong>les</strong> Dozos (voir l’encadré ci-après) ont massacré<br />

plusieurs centaines d’hommes et <strong>de</strong> femmes guérés, essentiellement pour <strong>de</strong>s motifs ethniques et<br />

politiques, cette popu<strong>la</strong>tion étant soupçonnée dans son ensemble d’être favorable à Gbagbo.<br />

Après avoir pris le contrôle <strong>de</strong> Duékoué dans <strong>la</strong> matinée du 29 mars 2011, <strong>les</strong> FRCI, soutenues par <strong>de</strong>s<br />

Dozos et <strong>de</strong>s éléments armés en civil, ont procédé à une chasse à l’homme dans le quartier Carrefour,<br />

dont <strong>les</strong> habitants appartiennent pour l’essentiel à l’ethnie guéré. Les hommes sont entrés dans <strong>les</strong> cours,<br />

ont exigé <strong>de</strong> l’argent et pillé <strong>les</strong> maisons. Ils ont <strong>de</strong>mandé aux femmes et aux fil<strong>les</strong> <strong>de</strong> partir et ont<br />

exécuté sommairement plusieurs centaines d’hommes <strong>de</strong> tous âges. Avant <strong>de</strong> <strong>les</strong> tuer, ils ont <strong>de</strong>mandé à<br />

leurs victimes <strong>de</strong> donner leur nom et <strong>de</strong> montrer leur carte d’i<strong>de</strong>ntité. Certaines <strong>de</strong> ces cartes ont été<br />

retrouvées à côté <strong>de</strong>s corps 52 .<br />

RELATIONS ÉTROITES ENTRE LES DOZOS ET LES FRCI<br />

Les Dozos sont une milice armée regroupant <strong>de</strong>s chasseurs traditionnels, tous <strong>de</strong> sexe masculin, qui appartiennent pour <strong>la</strong> plupart<br />

à l’ethnie diou<strong>la</strong>53. Depuis le soulèvement armé <strong>de</strong> 2002, <strong>les</strong> Dozos ont régulièrement combattu aux côtés <strong>de</strong>s Forces nouvel<strong>les</strong> et<br />

se sont rendus coupab<strong>les</strong> <strong>de</strong> graves atteintes aux droits fondamentaux, y compris d’homici<strong>de</strong>s délibérés et arbitraires, d’actes <strong>de</strong><br />

torture et d’autres mauvais traitements.<br />

Les Dozos étaient étroitement liés aux Forces nouvel<strong>les</strong>, groupe d’opposition armé contrô<strong>la</strong>nt le nord du pays après <strong>la</strong> tentative <strong>de</strong><br />

coup d’État <strong>de</strong> 2002. Ces liens, associés à <strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> travail importantes, se sont considérablement renforcés après <strong>la</strong><br />

création <strong>de</strong>s FRCI.<br />

D’après <strong>de</strong> nombreux récits <strong>de</strong> témoins ocu<strong>la</strong>ires, <strong>les</strong> FRCI et <strong>les</strong> Dozos ont combattu ensemble lors d’opérations armées menées<br />

dans plusieurs vil<strong>la</strong>ges <strong>de</strong> l’ouest du pays. Les délégués d’<strong>Amnesty</strong> International ont constaté que <strong>les</strong> Dozos s’apparentaient <strong>de</strong><br />

plus en plus à une force <strong>de</strong> sécurité officieuse ivoirienne. Ils ont rencontré plusieurs barrages tenus par <strong>de</strong>s Dozos sur <strong>de</strong> grands<br />

axes routiers reliant <strong>de</strong>s vil<strong>les</strong> <strong>de</strong> l’ouest ainsi que sur <strong>de</strong>s pistes cheminant à travers <strong>la</strong> forêt pour rejoindre <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges plus<br />

reculés.<br />

Les délégués d’<strong>Amnesty</strong> International se sont entretenus avec un Dozo responsable d’un barrage situé dans un secteur en<br />

périphérie <strong>de</strong> Duékoué. Celui-ci a évoqué <strong>les</strong> re<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> travail étroites qu’entretenaient <strong>les</strong> Dozos avec <strong>les</strong> FRCI, indiquant que<br />

ces <strong>de</strong>rnières leur fournissaient régulièrement <strong>de</strong>s instructions, par exemple sur <strong>les</strong> endroits où installer <strong>de</strong>s barrages, ainsi qu’une<br />

assistance logistique, qui prenait notamment <strong>la</strong> forme <strong>de</strong> nourriture, <strong>de</strong> carburant pour <strong>les</strong> véhicu<strong>les</strong> et <strong>de</strong> munitions.<br />

<strong>Amnesty</strong> International a également rencontré <strong>de</strong>s responsab<strong>les</strong> dozos, dont le chef régional et son fils, à Duékoué en juin 2011. Ils<br />

ont confirmé travailler en étroite col<strong>la</strong>boration avec <strong>les</strong> FRCI, précisant que cel<strong>les</strong>-ci leur avaient confié <strong>la</strong> responsabilité <strong>de</strong>s<br />

patrouil<strong>les</strong> <strong>de</strong> sécurité effectuées <strong>la</strong> nuit dans toute <strong>la</strong> région. Les combattants dozos, ont-ils expliqué, procédaient fréquemment à<br />

<strong>de</strong>s interpel<strong>la</strong>tions lors <strong>de</strong> ces patrouil<strong>les</strong>, en particulier lorsque <strong>la</strong> carte d’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> l’intéressé n’était pas « vali<strong>de</strong> ». Ils ne<br />

retenaient alors <strong>la</strong> personne interpellée que pendant quelques heures, avant <strong>de</strong> <strong>la</strong> remettre aux FRCI. Ils n’avaient connaissance<br />

d’aucun texte <strong>de</strong> loi habilitant <strong>les</strong> FRCI à leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> remplir cette mission. Même s’ils ont parlé d’une col<strong>la</strong>boration étroite,<br />

<strong>les</strong> responsab<strong>les</strong> dozos ont insisté sur le fait qu’ils <strong>de</strong>meuraient une force totalement indépendante, qu’ils n’étaient pas sous <strong>la</strong><br />

coupe <strong>de</strong>s FRCI ni n’avaient <strong>de</strong> comptes à leur rendre.<br />

<strong>Amnesty</strong> International considère que <strong>la</strong> coopération et <strong>la</strong> coordination étroites (y compris dans le cadre <strong>de</strong> nombreuses opérations<br />

conjointes) entre <strong>les</strong> Dozos et <strong>les</strong> FRCI, l’ai<strong>de</strong> qu’ils reçoivent <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong>s autorités sous <strong>la</strong> forme d’équipements et d’armes, <strong>la</strong><br />

re<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> longue date qui <strong>les</strong> unit à ceux qui sont maintenant au pouvoir, et l’impunité totale dont ils jouissent, sont autant<br />

d’éléments qui donnent à penser que <strong>les</strong> Dozos font partie intégrante <strong>de</strong> l’appareil sécuritaire <strong>de</strong> l’État. À ce titre, l’organisation<br />

estime qu’il existe <strong>de</strong>s motifs <strong>de</strong> croire que <strong>les</strong> autorités ivoiriennes portent <strong>la</strong> responsabilité directe <strong>de</strong>s vio<strong>la</strong>tions commises par<br />

<strong>les</strong> Dozos. El<strong>les</strong> doivent soit procé<strong>de</strong>r à leur dissolution et désarmement, soit <strong>les</strong> incorporer dans <strong>les</strong> forces <strong>de</strong> sécurité et <strong>les</strong> forces<br />

armées officiel<strong>les</strong> <strong>de</strong> sorte qu’ils soient correctement encadrés, aient à rendre <strong>de</strong>s comptes, soient formés et soumis à un contrôle


hiérarchique c<strong>la</strong>irement défini. Cependant, <strong>les</strong> Dozos soupçonnés d’avoir commis <strong>de</strong>s crimes <strong>de</strong> droit international ou <strong>de</strong>s vio<strong>la</strong>tions<br />

<strong>de</strong>s droits humains doivent être traduits en justice et jugés équitablement.<br />

<strong>Amnesty</strong> International a recueilli le témoignage <strong>de</strong> plus d’une centaine <strong>de</strong> femmes et d’hommes qui ont<br />

survécu au massacre perpétré à Duékoué et dans <strong>les</strong> vil<strong>la</strong>ges alentour. Ces hommes et ces femmes ont<br />

tous évoqué le caractère systématique et ciblé <strong>de</strong>s homici<strong>de</strong>s commis par <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong>s FRCI en<br />

uniforme et <strong>de</strong>s Dozos à l’encontre <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions guérés. De nombreuses personnes, <strong>de</strong>s hommes pour<br />

<strong>la</strong> plupart, ont également été tuées chez el<strong>les</strong> lors <strong>de</strong> raids menés systématiquement contre <strong>les</strong><br />

habitations <strong>de</strong> membres <strong>de</strong> cette ethnie. Lors <strong>de</strong> sa mission d’enquête à Duékoué en avril 2011, <strong>la</strong><br />

délégation d’<strong>Amnesty</strong> International s’est rendue dans plusieurs maisons incendiées et a pu voir <strong>de</strong>s corps<br />

calcinés qui n’avaient pas encore été enterrés.<br />

Une habitante <strong>de</strong> Duékoué a raconté à <strong>Amnesty</strong> International : « Le lundi [28 mars 2011], <strong>les</strong> FRCI ont<br />

eu facilement le <strong>de</strong>ssus sur <strong>les</strong> forces <strong>de</strong> sécurité et leurs alliés, miliciens et mercenaires libériens. Ceuxci<br />

ont vite déserté <strong>la</strong> ville en abandonnant <strong>les</strong> civils, nous étions sans aucune protection. Le len<strong>de</strong>main,<br />

<strong>les</strong> FRCI et <strong>les</strong> Dozos ont pénétré dans le quartier Carrefour, ils sont entrés dans <strong>les</strong> cours et ont chassé<br />

<strong>les</strong> femmes. Puis, ils ont ordonné aux hommes <strong>de</strong> s’aligner et leur ont <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> décliner leurs prénom<br />

et nom et <strong>de</strong> présenter leur carte d’i<strong>de</strong>ntité. Puis, ils <strong>les</strong> ont exécutés. J’ai assisté au tri qu’ils opéraient,<br />

trois jeunes hommes, dont un âgé d’une quinzaine d’années, ont été tués par balle <strong>de</strong>vant moi. »<br />

<strong>Amnesty</strong> International a appris que <strong>de</strong>s combattants armés s’étaient régulièrement rendus <strong>les</strong> jours<br />

suivants à l’hôpital <strong>de</strong> Duékoué pour rechercher <strong>les</strong> personnes b<strong>les</strong>sées par balle et avaient, à une<br />

occasion, tiré une balle à l’intérieur <strong>de</strong> l’hôpital pour impressionner le personnel médical.<br />

Plusieurs hommes ont été abattus après avoir montré leur carte d’i<strong>de</strong>ntité. Un pasteur protestant a<br />

témoigné : « Ce mardi [29 mars 2011], je me suis enfui avec <strong>de</strong>s fidè<strong>les</strong> pour trouver refuge à <strong>la</strong> Mission<br />

catholique. Quand nous sommes arrivés dans le secteur <strong>de</strong> CP II, ils ont tiré sur nous. Mon fils et <strong>de</strong>ux<br />

autres personnes ont été tués. Quelques mètres plus loin, ils m’ont arrêté et m’ont <strong>de</strong>mandé à quelle<br />

ethnie j’appartenais. J’ai répondu que j’étais pasteur. Ils m’ont <strong>de</strong>mandé ma carte d’i<strong>de</strong>ntité. Ils n’ont<br />

pas tout vérifié car ils étaient en pleine dispute avec un autre habitant qui fuyait. Quand ce <strong>de</strong>rnier a<br />

déc<strong>la</strong>ré qu’il était bété 54 , ils lui ont <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> s’allonger sur le sol et ils l’ont égorgé. Puis, ils ont arrêté<br />

un autre jeune homme, ils ont regardé sa carte d’i<strong>de</strong>ntité et ils l’ont abattu. J’en ai profité pour<br />

m’enfuir. »<br />

D’autres membres <strong>de</strong> congrégations religieuses ont été tués, et toutes <strong>les</strong> églises se trouvant dans le<br />

quartier Carrefour ont été saccagées, pillées et incendiées.<br />

Une femme <strong>de</strong> l’ethnie guéré s’est remémorée <strong>les</strong> événements : « Le lundi et le mardi [28 et 29 mars<br />

2011], nous avons entendu <strong>de</strong>s tirs <strong>de</strong> tous côtés. Nous nous sommes réfugiés dans d’autres habitations,<br />

avant <strong>de</strong> rejoindre celle <strong>de</strong> notre pasteur. Ils ont encerclé <strong>la</strong> maison. Le pasteur a ouvert <strong>la</strong> porte et leur a<br />

dit qu’il était un serviteur <strong>de</strong> Dieu. Ils l’ont alors fait sortir avec ses fidè<strong>les</strong>, et l’ont enjoint <strong>de</strong> partir car<br />

ils al<strong>la</strong>ient transformer le quartier en une vaste p<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> cacao. Avant même notre départ, ils avaient<br />

déjà commencé à piller <strong>la</strong> maison et l’église, puis ils ont tout incendié. »<br />

Un pasteur nommé Jacquemin a été tué dans son église avec un <strong>de</strong> ses fidè<strong>les</strong>. Un témoin a raconté à<br />

<strong>Amnesty</strong> International :<br />

« Mardi 29 mars, ils [<strong>les</strong> Dozos et <strong>de</strong>s hommes armés <strong>de</strong>s FRCI] ont pénétré dans notre église pendant<br />

que le pasteur priait avec ses fidè<strong>les</strong>. L’un d’eux lui a <strong>de</strong>mandé ce qu’il faisait et <strong>de</strong> quelle ethnie il était.<br />

Il a répondu qu’il priait et qu’il était pasteur. “Pasteur n’est pas une ethnie”, a alors déc<strong>la</strong>ré l’homme. Un<br />

autre lui a <strong>de</strong>mandé le parti qu’il soutenait. Lorsque le pasteur a répondu que son parti était Jésus Christ,<br />

l’un <strong>de</strong>s assail<strong>la</strong>nts a répliqué : “Pourquoi ton parti est Jésus Christ ” et ils l’ont tué. Un <strong>de</strong> ses fidè<strong>les</strong>,<br />

Arsène, qui était avec lui, a subi le même sort. »<br />

Un autre prêtre <strong>de</strong> l’Église du christianisme cé<strong>les</strong>te qui portait encore ses habits sacerdotaux et huit<br />

membres <strong>de</strong> cette église ont également été tués.<br />

Cherchant à fuir ces massacres, <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> personnes, essentiellement <strong>de</strong>s femmes, ont tenté <strong>de</strong><br />

rejoindre <strong>la</strong> Mission catholique <strong>de</strong> Duékoué et certaines, <strong>de</strong>s hommes pour <strong>la</strong> plupart, ont été tuées en<br />

route. Une <strong>de</strong>s femmes a raconté ce qui s’était passé :<br />

« Le mardi après-midi [29 mars 2011], nous étions nombreux sur <strong>la</strong> route à fuir <strong>les</strong> rebel<strong>les</strong>. Nous nous<br />

dirigions vers <strong>la</strong> Mission catholique quand nous avons été arrêtés. L’un <strong>de</strong>s hommes armés s’est adressé à<br />

mon oncle, qui était à <strong>la</strong> retraite, et il lui a dit : “Toi, l’homme, tu ne peux pas partir, nous allons tuer


tous <strong>les</strong> hommes.” Mon oncle a répondu : “Pardon, mon enfant, ne me tuez pas, qu’est-ce que j’ai fait,<br />

mon enfant ” Il lui a tiré une balle, j’en tremble encore. La route conduisant à l’église était jonchée <strong>de</strong><br />

cadavres. »<br />

Des personnes (hommes et femmes) ont été tuées chez el<strong>les</strong> alors qu’el<strong>les</strong> avaient mis <strong>les</strong> mains sur <strong>la</strong><br />

tête en signe <strong>de</strong> reddition. Un témoin a déc<strong>la</strong>ré :<br />

« Le mardi matin, au moins neuf personnes dont <strong>la</strong> majorité portaient <strong>de</strong>s treillis, sont arrivées dans <strong>la</strong><br />

cour commune. Les gens ont pris peur, ils sont sortis, ils ont mis <strong>les</strong> mains sur <strong>la</strong> tête. C’est à ce<br />

moment-là qu’on leur a tiré <strong>de</strong>ssus. Sept personnes <strong>de</strong> <strong>la</strong> cour commune ont été tuées et, parmi el<strong>les</strong>,<br />

une femme, Temohin Suzanne, âgée <strong>de</strong> 52 ans, et <strong>de</strong>ux hommes, Gbahounou Dominique Ouonmouegnon<br />

et Gbahounou Desiré. »<br />

Des personnes ont été abattues sous <strong>les</strong> yeux <strong>de</strong> leurs parents, parfois à l’arme b<strong>la</strong>nche. La mère d’un<br />

jeune homme égorgé <strong>de</strong>vant elle a raconté à <strong>Amnesty</strong> International :<br />

« Le lundi matin, vers 10 ou 11 heures, ils sont entrés dans <strong>la</strong> cour et ont tiré en l’air. Mon fils et moi<br />

sommes sortis, <strong>les</strong> mains sur <strong>la</strong> tête. Ils ont dit qu’ils vou<strong>la</strong>ient tuer le garçon. J’ai commencé à pleurer.<br />

L’un d’entre eux a crié et a dit qu’il ne vou<strong>la</strong>it pas tuer <strong>les</strong> femmes : “On veut le garçon. Les femmes, ce<br />

sont nos chiens qui vont coucher avec vous”, et ils ont égorgé mon fils. »<br />

<strong>Amnesty</strong> International a également recueilli <strong>de</strong>s informations sur <strong>de</strong>s cas <strong>de</strong> viols et d’autres formes <strong>de</strong><br />

violences sexuel<strong>les</strong> commis à l’égard <strong>de</strong> femmes et <strong>de</strong> jeunes fil<strong>les</strong> par <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong>s FRCI et d’autres<br />

éléments armés combattant à leurs côtés. Ainsi, le 31 mars, dans un vil<strong>la</strong>ge 55 situé à proximité <strong>de</strong><br />

Duékoué, une jeune fille âgée <strong>de</strong> 14 ans a été violée et tuée. Un témoin a raconté :<br />

« Le 31 mars, <strong>de</strong>s hommes portant <strong>de</strong>s treillis ont encerclé mon campement [maison située dans une<br />

p<strong>la</strong>ntation]. Ils ont d’abord tiré sur moi. Je suis tombé, ils ont cru que j’étais mort. Ils ont ensuite<br />

encerclé <strong>les</strong> autres personnes. Une fille âgée <strong>de</strong> 14 ans qui habitait aussi le campement a été violée<br />

avant d’être tuée. Elle se débattait, elle poussait <strong>de</strong>s cris, elle <strong>de</strong>mandait <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong>, en vain, <strong>les</strong> autres ne<br />

pouvaient rien faire. L’un <strong>de</strong>s assail<strong>la</strong>nts a déchiré son pagne et l’a violée, puis il lui a tiré <strong>de</strong>ssus et<br />

ensuite sur <strong>les</strong> autres. »<br />

Dans un autre vil<strong>la</strong>ge, plusieurs femmes ont été violées le 1 er avril 2011. L’une d’entre el<strong>les</strong> a témoigné :<br />

« Quand <strong>les</strong> rebel<strong>les</strong> sont arrivés au vil<strong>la</strong>ge, le vendredi 1 er avril, ils ont tiré en l’air et ont chassé <strong>les</strong><br />

hommes – certains ont été tués. Ils ont poussé <strong>les</strong> femmes dans une maison contenant <strong>de</strong>ux pièces. Ils<br />

ont <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> l’argent, l’un d’entre eux a soulevé mon pagne, a mis ses doigts dans mon vagin et m’a<br />

jetée par terre. Un homme a mis un pied sur mes hanches pour m’immobiliser, un <strong>de</strong>uxième a écarté<br />

mes jambes et un troisième m’a violée. Ils ont menacé <strong>de</strong> nous tuer si on criait. »<br />

B. ARMES UTILISÉES LORS DES MASSACRES PERPÉTRÉS DANS L’OUEST<br />

DE LA CÔTE D’IVOIRE<br />

À <strong>la</strong> lumière <strong>de</strong>s éléments disponib<strong>les</strong>, il est impossible pour <strong>Amnesty</strong> International d’associer à <strong>de</strong>s<br />

livraisons internationa<strong>les</strong> spécifiques <strong>les</strong> armes utilisées lors du massacre <strong>de</strong> Duékoué et <strong>de</strong>s violences<br />

qui l’ont accompagné. Ce<strong>la</strong> s’explique par trois raisons. En premier lieu, comme indiqué plus haut, on<br />

dispose <strong>de</strong> bien moins d’informations sur <strong>la</strong> composition et l’origine <strong>de</strong>s armements spécifiquement<br />

utilisés par <strong>les</strong> Forces nouvel<strong>les</strong> que sur ceux <strong>de</strong>s forces gouvernementa<strong>les</strong>. Lorsque le massacre <strong>de</strong><br />

Duékoué a eu lieu, <strong>les</strong> Forces nouvel<strong>les</strong> avaient officiellement été intégrées aux FRCI (forces armées<br />

gouvernementa<strong>les</strong>) créées <strong>de</strong>ux semaines plus tôt (voir plus bas). En second lieu, ces forces n’ont pas<br />

utilisé d’armes <strong>de</strong> gros calibre facilement i<strong>de</strong>ntifiab<strong>les</strong> lors <strong>de</strong>s opérations <strong>de</strong> 2011. Dernier point, mais<br />

non le moindre, il existe une gran<strong>de</strong> part d’incertitu<strong>de</strong> quant à l’i<strong>de</strong>ntité exacte <strong>de</strong>s personnes et <strong>de</strong>s<br />

groupes responsab<strong>les</strong> <strong>de</strong>s massacres et d’autres graves atteintes aux droits fondamentaux perpétrés<br />

pendant et après le conflit ; il est en effet difficile <strong>de</strong> faire <strong>la</strong> différence entre <strong>les</strong> unités <strong>de</strong>s Forces<br />

nouvel<strong>les</strong> ne portant pas d’uniformes, <strong>les</strong> forces alliées composées <strong>de</strong> civils ou <strong>les</strong> éléments civils armés<br />

agissant à titre <strong>de</strong> représail<strong>les</strong> <strong>de</strong> façon indépendante.<br />

Néanmoins, il est c<strong>la</strong>ir que <strong>les</strong> Forces nouvel<strong>les</strong> se sont procuré <strong>de</strong>s volumes significatifs d’armes et <strong>de</strong><br />

munitions <strong>de</strong>puis le Burkina Faso. Ce matériel ne peut pas être lié à un acte <strong>de</strong> violence spécifique visant<br />

<strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion civile. Certains éléments ten<strong>de</strong>nt à indiquer que <strong>les</strong> types <strong>de</strong> munitions utilisés par <strong>les</strong>


Forces nouvel<strong>les</strong> étaient également monnaie courante parmi <strong>les</strong> groupes ethniques en conflit avant <strong>la</strong><br />

reprise <strong>de</strong>s hostilités en 2011. Par exemple, <strong>les</strong> munitions retrouvées dans <strong>la</strong> région du Mont Péko, dans<br />

l’ouest <strong>de</strong> <strong>la</strong> Côte d’Ivoire, utilisées lors <strong>de</strong> violences intercommunautaires en 2010, étaient simi<strong>la</strong>ires<br />

aux types et à <strong>la</strong> composition <strong>de</strong> cel<strong>les</strong> dont se sont servies <strong>les</strong> Forces nouvel<strong>les</strong> à cette époque. Les<br />

auteurs <strong>de</strong> ces violences étaient pourtant <strong>de</strong>s civils 56 .<br />

Davantage d’informations sont disponib<strong>les</strong> sur <strong>les</strong> munitions <strong>de</strong> fusil <strong>de</strong> chasse <strong>de</strong> calibre 12, très<br />

courantes chez <strong>les</strong> Dozos et d’autres civils traditionnellement armés <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong> fusils dans <strong>la</strong> région<br />

(voir <strong>les</strong> images plus bas). La cartoucherie <strong>de</strong> Carma-SARL est située à Bamako, au Mali, mais <strong>les</strong><br />

cartouches qu’elle fabrique sont <strong>les</strong> principa<strong>les</strong> munitions utilisées en Côte d’Ivoire.<br />

Des marchands locaux situés un peu partout en Afrique <strong>de</strong> l’Ouest se ren<strong>de</strong>nt à Bamako pour acheter ces<br />

cartouches. Ce commerce s’étend aux zones rura<strong>les</strong> maliennes et aux pays voisins. L’un <strong>de</strong> ces<br />

marchands <strong>de</strong> munitions, par exemple, est installé à Bobo-Diou<strong>la</strong>sso, au Burkina Faso. Il se rend<br />

régulièrement en voiture à Bamako et en Côte d’Ivoire, où il vend <strong>de</strong>s cartouches à plusieurs fournisseurs<br />

dans <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> <strong>de</strong> Ferkessédougou et <strong>de</strong> Korhogo. Des marchands ivoiriens transportent ensuite <strong>de</strong>s<br />

quantités re<strong>la</strong>tivement petites <strong>de</strong> cartouches (généralement <strong>de</strong>s boîtes d’une vingtaine d’unités) dans <strong>de</strong>s<br />

vil<strong>les</strong> situées à <strong>la</strong> frontière avec <strong>la</strong> Guinée et le Liberia 57 .<br />

Fusil <strong>de</strong> chasse et munitions fabriquées au Mali, dans l’ouest <strong>de</strong> <strong>la</strong> Côte d’Ivoire (2010)<br />

Source : confi<strong>de</strong>ntielle<br />

Munitions fabriquées au Mali pour fusil <strong>de</strong> chasse <strong>de</strong> calibre 12<br />

Source : confi<strong>de</strong>ntielle


De toute évi<strong>de</strong>nce, <strong>la</strong> livraison <strong>de</strong> munitions <strong>de</strong> fusil <strong>de</strong> chasse <strong>de</strong>puis le Mali à <strong>de</strong>stination <strong>de</strong> civils en<br />

Côte d’Ivoire ne fait quasiment pas l’objet <strong>de</strong> restrictions, et <strong>les</strong> États voisins n’appliquent qu’un nombre<br />

limité <strong>de</strong> mesures <strong>de</strong> contrôle aux échanges transfrontaliers.


VI. VIOLENCE ARMÉE EN CÔTE D’IVOIRE APRÈS LE CONFLIT<br />

L’un <strong>de</strong>s plus grands problèmes <strong>de</strong> droits humains que rencontre <strong>la</strong> Côte d’Ivoire <strong>de</strong>meure <strong>la</strong><br />

surabondance <strong>de</strong> forces <strong>de</strong> sécurité armées, qui ne partagent pas <strong>les</strong> mêmes allégeances et ne sont pas<br />

soumises à une direction ni à un comman<strong>de</strong>ment centralisés.<br />

En mars 2011, le nouveau gouvernement du prési<strong>de</strong>nt A<strong>la</strong>ssane Ouattara a mis en p<strong>la</strong>ce <strong>les</strong> FRCI dans le<br />

but <strong>de</strong> créer une force armée unifiée incluant <strong>les</strong> Forces nouvel<strong>les</strong> et <strong>les</strong> Forces armées nationa<strong>les</strong> <strong>de</strong><br />

Côte d’Ivoire (FANCI), l’armée nationale qui soutenait Laurent Gbagbo. Dans <strong>la</strong> pratique, <strong>les</strong> FRCI<br />

comptaient en majorité <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong>s Forces nouvel<strong>les</strong> qui conservaient <strong>les</strong> principaux postes <strong>de</strong><br />

comman<strong>de</strong>ment.<br />

Étant donné que <strong>les</strong> capacités militaires <strong>de</strong>s Forces nouvel<strong>les</strong> étaient précé<strong>de</strong>mment réparties entre<br />

10 commandants <strong>de</strong> zone semi-autonomes (ou « com’zones »), <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce d’une direction et d’un<br />

comman<strong>de</strong>ment effectifs s’est révélée extrêmement difficile. Les informations qui nous sont parvenues<br />

avant le conflit <strong>de</strong> 2011 indiquent que <strong>les</strong> commandants <strong>de</strong> zone <strong>de</strong>s Forces nouvel<strong>les</strong> dirigeaient dans<br />

<strong>les</strong> faits une « économie <strong>de</strong> seigneurs <strong>de</strong> guerre » dans le nord du pays, avaient établi leurs propres<br />

milices personnalisées et exerçaient un contrôle judiciaire et économique quasi total sur leur zone<br />

respective. Les vio<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>s droits humains, notamment <strong>les</strong> exécutions sommaires et <strong>les</strong> actes <strong>de</strong><br />

torture, dont <strong>de</strong>s viols, étaient monnaie courante dans ces zones 58 .<br />

Après <strong>les</strong> victoires remportées lors du conflit <strong>de</strong> janvier à mars 2011, <strong>de</strong> nombreux commandants ont<br />

simplement étendu vers le sud <strong>les</strong> zones qu’ils contrô<strong>la</strong>ient, assumant <strong>la</strong> responsabilité <strong>de</strong> <strong>la</strong> sécurité<br />

dans leur secteur respectif, y compris dans <strong>la</strong> capitale ivoirienne, Abidjan. Les FRCI s’apparentaient ainsi<br />

davantage, à leur création, à une alliance mal structurée <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>ments militaires semiindépendants<br />

plutôt qu’à une force militaire cohésive.<br />

De hauts dignitaires du régime <strong>de</strong> l’ancien prési<strong>de</strong>nt Gbagbo, nombres d’éléments <strong>de</strong> milices comme <strong>les</strong><br />

Jeunes patriotes et <strong>de</strong> combattants aguerris et <strong>de</strong> responsab<strong>les</strong> <strong>de</strong>s anciennes Forces <strong>de</strong> défense et <strong>de</strong><br />

sécurité se sont réfugiés au Bénin, au Ghana, au Liberia et au <strong>Togo</strong> au len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> <strong>la</strong> crise postélectorale.<br />

Le Groupe d’experts <strong>de</strong>s Nations unies enquêtant sur <strong>les</strong> vio<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> l’embargo sur <strong>les</strong><br />

armements a signalé à plusieurs reprises que ces groupes étant soupçonnés d’organiser et <strong>de</strong> financer<br />

<strong>de</strong>s opérations militaires en Côte d’Ivoire en recrutant <strong>de</strong>s mercenaires et en achetant <strong>de</strong>s armes et du<br />

matériel connexe 59 .<br />

Il a également indiqué que <strong>de</strong>s groupes d’opposition simi<strong>la</strong>ires auraient organisé et p<strong>la</strong>nifié <strong>de</strong>s<br />

opérations militaires au Mali et à <strong>la</strong> frontière entre <strong>la</strong> Mauritanie et le Sénégal.<br />

Il a constaté que <strong>de</strong>s groupes armés, composés principalement <strong>de</strong> mercenaires libériens et <strong>de</strong> miliciens<br />

ivoiriens, agissant sur instructions et avec le soutien politique, financier et matériel directs <strong>de</strong> groupes<br />

pro-Gbagbo en exil, avaient multiplié <strong>les</strong> attaques d’envergure <strong>de</strong> plus en plus meurtrières <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> fin<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> crise post-électorale. Le Groupe d’experts cherche actuellement à savoir si ces groupes armés ont<br />

utilisé à cette fin l’exploitation illégale <strong>de</strong> ressources naturel<strong>les</strong> (cacao, noix <strong>de</strong> cajou, or et bois) ainsi<br />

qu’un système d’imposition illégal 60 .<br />

Durant <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> qui a immédiatement suivi le conflit, <strong>de</strong>s armes ont semble-t-il été acquises<br />

gratuitement. De nombreux commandants <strong>de</strong> zone ont saisi <strong>de</strong>s armes lour<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s munitions<br />

appartenant aux anciennes forces gouvernementa<strong>les</strong> mais, au lieu <strong>de</strong> <strong>les</strong> stocker et <strong>de</strong> <strong>les</strong> centraliser<br />

dans un bâtiment d’État, ils <strong>les</strong> ont redistribuées à leurs propres milices. Ce comportement a, dans un<br />

certaine mesure, renforcé <strong>les</strong> capacités militaires <strong>de</strong> certains commandants <strong>de</strong> zone (et, peut-être, leur<br />

indépendance à l’égard <strong>de</strong>s structures <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>ment), al<strong>la</strong>nt à l’encontre <strong>de</strong>s objectifs <strong>de</strong> création<br />

d’une armée centralisée p<strong>la</strong>cée sous le contrôle exclusif <strong>de</strong> l’État. Cette situation semble mise en<br />

évi<strong>de</strong>nce par <strong>les</strong> tensions qui existent entre <strong>les</strong> anciens commandants <strong>de</strong> zone et <strong>les</strong> nouveaux<br />

représentants civils <strong>de</strong> l’État 61 .<br />

D’après <strong>les</strong> informations reçues entre mars 2011 et ce jour, <strong>la</strong> Côte d’Ivoire continue d’être le théâtre<br />

d’une forte criminalité armée avec, en particulier, <strong>de</strong> nombreux actes <strong>de</strong> violence motivés par <strong>de</strong>s<br />

considérations économiques ou à titre <strong>de</strong> représail<strong>les</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> part d’anciens éléments <strong>de</strong>s Forces<br />

nouvel<strong>les</strong> 62 . Le fait que, pendant le conflit <strong>de</strong> 2011, un grand nombre <strong>de</strong> personnes se soient alliées à ce<br />

groupe complique encore <strong>les</strong> questions <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>ment.


Le gouvernement <strong>de</strong> Côte d’Ivoire <strong>de</strong>vrait chercher en priorité à empêcher que <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> vio<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>s<br />

droits humains et exactions ne soient commises et, ainsi, à disposer d’un véritable pouvoir <strong>de</strong> contrôle sur<br />

<strong>les</strong> différents groupes armés. Il doit s’employer à transformer une force armée nationale constituée <strong>de</strong><br />

groupes indépendants pour <strong>la</strong> plupart en un seul et unique corps soumis à un comman<strong>de</strong>ment et une<br />

direction centralisés et efficaces. En outre, <strong>les</strong> douanes étant <strong>la</strong> principale institution publique ivoirienne<br />

chargée d’empêcher <strong>les</strong> mouvements transfrontaliers d’armes, <strong>de</strong> munitions et d’autres biens dont <strong>la</strong><br />

circu<strong>la</strong>tion est interdite ou soumise à <strong>de</strong>s restrictions au regard du droit international, il est essentiel que<br />

<strong>la</strong> communauté internationale, par le biais <strong>de</strong>s Nations unies et <strong>de</strong> l’Organisation mondiale <strong>de</strong>s douanes,<br />

apporte à cette institution une assistance technique, une formation et une ai<strong>de</strong> adaptée en matière <strong>de</strong><br />

renforcement <strong>de</strong>s capacités pour que soient rapi<strong>de</strong>ment renforcés <strong>les</strong> contrô<strong>les</strong> aux frontières,<br />

conformément aux normes <strong>de</strong>s Nations unies pour <strong>les</strong> responsab<strong>les</strong> <strong>de</strong> l’application <strong>de</strong>s lois, qui<br />

comportent le respect <strong>de</strong>s droits humains.


VII. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS<br />

Comme le montrent le présent rapport et <strong>les</strong> travaux du Groupe d’experts <strong>de</strong>s Nations unies, <strong>de</strong>s armes,<br />

<strong>de</strong>s munitions et du matériel connexe continuent <strong>de</strong>puis plus d’une décennie d’être livrés illégalement et<br />

<strong>de</strong> façon irresponsable aux parties au conflit en Côte d’Ivoire, malgré l’embargo sur <strong>les</strong> armes décrété par<br />

<strong>les</strong> Nations unies en 2004. Ces livraisons d’armements ont favorisé l’intensification <strong>de</strong>s hostilités, à<br />

l’origine <strong>de</strong> graves vio<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>s droits humains et d’une criminalité violente généralisées.<br />

La prolifération et l’utilisation abusive d’armes continuent <strong>de</strong> mettre gravement en péril <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />

civile. Les violences qui ont suivi l’élection prési<strong>de</strong>ntielle contestée <strong>de</strong> novembre 2011 ont été à l’origine<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> plus grave crise humanitaire et <strong>de</strong>s droits humains que <strong>la</strong> Côte d’Ivoire ait connue <strong>de</strong>puis <strong>la</strong><br />

partition <strong>de</strong> facto du pays, en 2002. Toutes <strong>les</strong> parties au conflit se sont rendues coupab<strong>les</strong> <strong>de</strong> crimes <strong>de</strong><br />

droit international, y compris <strong>de</strong> crimes <strong>de</strong> guerre et <strong>de</strong> crimes contre l’humanité. Plusieurs centaines <strong>de</strong><br />

personnes ont été tuées illégalement, <strong>de</strong>s femmes et <strong>de</strong>s ado<strong>les</strong>centes ont été victimes <strong>de</strong> violences<br />

sexuel<strong>les</strong>, notamment <strong>de</strong> viols, <strong>de</strong>s habitants ont dû quitter leur foyer. Cependant, <strong>les</strong> armes c<strong>la</strong>ssiques<br />

ont continué d’affluer dans le pays.<br />

La situation catastrophique que connaît <strong>la</strong> Côte d’Ivoire met en évi<strong>de</strong>nce <strong>la</strong> nécessité pour <strong>les</strong> États<br />

membres <strong>de</strong>s Nations unies <strong>de</strong> parachever <strong>de</strong> toute urgence un traité efficace sur le commerce <strong>de</strong>s armes<br />

lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> Conférence finale <strong>de</strong>s Nations unies en mars 2013. Ce texte pourrait protéger et sauver <strong>de</strong>s vies<br />

à condition qu’il incorpore <strong>de</strong> soli<strong>de</strong>s mesures prévoyant <strong>la</strong> mise en œuvre <strong>de</strong> <strong>la</strong> « règle d’or », en vertu <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong>quelle tous <strong>les</strong> États parties sont tenus d’empêcher un transfert international d’armes dès lors qu’il<br />

existe un risque substantiel que ces armes soient utilisées pour commettre <strong>de</strong> graves atteintes aux droits<br />

fondamentaux ou <strong>de</strong>s vio<strong>la</strong>tions f<strong>la</strong>grantes du droit international humanitaire.<br />

Si un tel traité – bénéficiant d’un <strong>la</strong>rge soutien <strong>de</strong>s États, contenant une « règle d’or » et couvrant toutes<br />

<strong>les</strong> armes c<strong>la</strong>ssiques, y compris <strong>les</strong> munitions, <strong>les</strong> pièces et <strong>les</strong> composants, <strong>les</strong> technologies et <strong>les</strong><br />

équipements <strong>de</strong> sécurité létaux – avait été en vigueur avant l’embargo sur <strong>les</strong> armes <strong>de</strong>s Nations unies, le<br />

réarmement irresponsable <strong>de</strong> toutes <strong>les</strong> parties en Côte d’Ivoire aurait pu être évité ou, du moins,<br />

considérablement limité. Notons également que, si ce texte avait existé et été appliqué dans <strong>la</strong> plupart<br />

<strong>de</strong>s pays, l’embargo sur <strong>les</strong> armes imposé par <strong>les</strong> Nations unies aurait été mieux respecté.<br />

Par ailleurs, si un traité sur le commerce <strong>de</strong>s armes où figurent <strong>de</strong> soli<strong>de</strong>s mesures d’encadrement <strong>de</strong>s<br />

activités <strong>de</strong>s intermédiaires (par exemple, <strong>les</strong> courtiers et <strong>les</strong> transporteurs) avait été en vigueur, <strong>les</strong><br />

transferts effectués par <strong>les</strong> États exportateurs et <strong>les</strong> transactions réalisées par <strong>de</strong>s marchands d’armes<br />

privés présentés dans ce rapport auraient probablement fait l’objet d’un examen préa<strong>la</strong>ble approprié <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

part <strong>de</strong>s autorités <strong>de</strong> l’État où <strong>les</strong> marchands, courtiers et entreprises <strong>de</strong> transport rési<strong>de</strong>nt, où ils ont<br />

installé leurs activités et dont ils détiennent <strong>la</strong> nationalité. Ainsi, ces États auraient pu consulter <strong>les</strong> États<br />

prévus d’approvisionnement et <strong>de</strong> <strong>de</strong>stination avant que <strong>de</strong>s transactions d’exportation, entre autres, ne<br />

soient approuvées, ce qui aurait aidé à protéger <strong>les</strong> droits humains et à garantir l’état <strong>de</strong> droit dans <strong>de</strong>s<br />

pays comme <strong>la</strong> Côte d’Ivoire.<br />

À <strong>la</strong> lumière <strong>de</strong>s conclusions présentées dans ce document et dans d’autres rapports <strong>de</strong> l’organisation sur<br />

<strong>les</strong> crimes <strong>de</strong> droit international, y compris <strong>de</strong>s crimes <strong>de</strong> guerre, et <strong>les</strong> vio<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>s droits humains et<br />

exactions en Côte d’Ivoire, <strong>Amnesty</strong> International formule <strong>les</strong> recommandations suivantes :<br />

Au gouvernement <strong>de</strong> Côte d’Ivoire :<br />

• Veiller à ce que toutes <strong>les</strong> personnes soupçonnées d’avoir commis <strong>de</strong>s crimes <strong>de</strong> droit<br />

international ou <strong>de</strong>s vio<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>s droits humains ou exactions soient traduites en justice et<br />

jugées équitablement <strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s juridictions civi<strong>les</strong> <strong>de</strong> droit commun ;<br />

• Exécuter dans <strong>les</strong> meilleurs dé<strong>la</strong>is le mandat d’arrêt délivré par <strong>la</strong> Cour pénale internationale<br />

contre Simone Gbagbo et, en qualité d’État partie au Statut <strong>de</strong> Rome, coopérer pleinement avec<br />

cette instance ;<br />

• Relever immédiatement <strong>de</strong> ses fonctions, dans l’attente d’une enquête, toute personne en<br />

position d’autorité soupçonnée d’avoir commis <strong>de</strong>s vio<strong>la</strong>tions du droit international humanitaire<br />

ou du droit international re<strong>la</strong>tif aux droits humains <strong>de</strong>puis novembre 2010, y compris cel<strong>les</strong><br />

perpétrées dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Duékoué, afin qu’elle ne puisse plus être en mesure <strong>de</strong> commettre<br />

<strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> vio<strong>la</strong>tions ;


• Garantir, en droit et en pratique, que <strong>les</strong> forces qui exercent <strong>de</strong>s fonctions <strong>de</strong> maintien <strong>de</strong> l’ordre<br />

agissent conformément aux normes internationa<strong>les</strong> pertinentes, y compris au Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> conduite<br />

<strong>de</strong>s Nations unies pour <strong>les</strong> responsab<strong>les</strong> <strong>de</strong> l’application <strong>de</strong>s lois, adopté par l’Assemblée<br />

générale dans <strong>la</strong> résolution 34/169 du 17 décembre 1979, et aux Principes <strong>de</strong> base <strong>de</strong>s<br />

Nations unies sur le recours à <strong>la</strong> force et l’utilisation <strong>de</strong>s armes à feu par <strong>les</strong> responsab<strong>les</strong> <strong>de</strong><br />

l’application <strong>de</strong>s lois, adoptés par le huitième Congrès <strong>de</strong>s Nations unies pour <strong>la</strong> prévention du<br />

crime et le traitement <strong>de</strong>s délinquants à La Havane, Cuba, du 27 août au 7 septembre 1990 ;<br />

• Donner <strong>de</strong>s instructions publiques c<strong>la</strong>ires à toutes <strong>les</strong> forces <strong>de</strong> sécurité pour qu’el<strong>les</strong> respectent<br />

le droit ivoirien et le droit international re<strong>la</strong>tif aux droits humains, et préciser que toutes <strong>les</strong><br />

personnes responsab<strong>les</strong> d’avoir ordonné, exécuté, ou <strong>de</strong> ne pas avoir empêché <strong>de</strong>s vio<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>s<br />

droits humains, en particulier cel<strong>les</strong> impliquant <strong>de</strong>s exécutions extrajudiciaires, <strong>de</strong>s homici<strong>de</strong>s<br />

illégaux, <strong>de</strong>s disparitions forcées, <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> torture ou <strong>de</strong>s violences sexuel<strong>les</strong>, <strong>de</strong>vront rendre<br />

<strong>de</strong>s comptes <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> justice ;<br />

• Exercer un contrôle hiérarchique strict sur <strong>les</strong> forces armées et tenir pour responsable <strong>de</strong> ses<br />

actes tout membre <strong>de</strong> ces forces ayant commis ou <strong>la</strong>issé commettre <strong>de</strong>s actes constitutifs <strong>de</strong><br />

vio<strong>la</strong>tions du droit international humanitaire ou du droit international re<strong>la</strong>tif aux droits humains ;<br />

• Prendre sans dé<strong>la</strong>i <strong>de</strong>s mesures afin <strong>de</strong> mettre un terme au rôle dévolu <strong>de</strong> manière formelle et<br />

informelle aux Dozos dans <strong>les</strong> domaines du maintien <strong>de</strong> l’ordre et <strong>de</strong> <strong>la</strong> sécurité, et veiller à ce<br />

que toutes <strong>les</strong> allégations d’atteintes aux droits fondamentaux commises par <strong>de</strong>s combattants<br />

dozos fassent l’objet d’une enquête rapi<strong>de</strong>, exhaustive et impartiale menée par <strong>de</strong>s juridictions<br />

civi<strong>les</strong> <strong>de</strong> droit commun ;<br />

• Poursuivre <strong>de</strong> manière efficace le programme <strong>de</strong> désarmement, démobilisation et réinsertion <strong>de</strong>s<br />

milices et autres forces irrégulières, doter ce programme <strong>de</strong> moyens financiers suffisants et<br />

accor<strong>de</strong>r <strong>la</strong> priorité à <strong>la</strong> réinsertion <strong>de</strong>s combattants dans <strong>la</strong> société.<br />

À <strong>la</strong> communauté internationale :<br />

• Le Conseil <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong>s Nations unies doit maintenir l’embargo sur <strong>les</strong> armes imposé à <strong>la</strong><br />

Côte d’Ivoire et ne pas accor<strong>de</strong>r <strong>de</strong> dérogations aux transferts d’armes, <strong>de</strong> munitions et <strong>de</strong><br />

matériel connexe tant que <strong>les</strong> vio<strong>la</strong>tions persistantes <strong>de</strong>s droits humains n’auront pas cessé ; à<br />

consoli<strong>de</strong>r cet embargo par l’adoption d’un traité soli<strong>de</strong> sur le commerce <strong>de</strong>s armes (voir plus<br />

bas) ;<br />

• Veiller à ce qu’un programme spécial, reposant sur <strong>les</strong> normes et le droit internationaux soit mis<br />

en p<strong>la</strong>ce par le gouvernement <strong>de</strong> Côte d’Ivoire avec le soutien <strong>de</strong>s gouvernements donateurs<br />

internationaux, qui prévoit <strong>la</strong> formation, entre autres mesures pratiques, <strong>de</strong> tous <strong>les</strong> membres<br />

<strong>de</strong>s forces armées et <strong>de</strong>s organes chargés du maintien <strong>de</strong> l’ordre public dans le but <strong>de</strong> prévenir<br />

et d’éradiquer <strong>les</strong> violences liées au genre, y compris <strong>les</strong> violences sexuel<strong>les</strong> à l’égard <strong>de</strong>s<br />

femmes et <strong>de</strong>s fil<strong>les</strong> ;<br />

• Ai<strong>de</strong>r l’Opération <strong>de</strong>s Nations unies en Côte d’Ivoire à prendre toutes <strong>les</strong> mesures nécessaires<br />

pour ai<strong>de</strong>r le gouvernement ivoirien à désarmer, démobiliser et réinsérer <strong>les</strong> combattants et <strong>les</strong><br />

éléments armés associés, en veil<strong>la</strong>nt tout particulièrement au désarmement <strong>de</strong>s civils, tout en<br />

respectant <strong>les</strong> normes en matière <strong>de</strong> droits humains ;<br />

• Encourager <strong>les</strong> gouvernements donateurs internationaux à accor<strong>de</strong>r en priorité une ai<strong>de</strong> au<br />

gouvernement ivoirien pour une réforme du secteur <strong>de</strong> <strong>la</strong> sécurité conforme aux normes<br />

internationa<strong>les</strong>, <strong>de</strong> façon à rétablir une structure hiérarchique c<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>ment et <strong>de</strong><br />

conduite <strong>de</strong>s opérations et à restaurer un contrôle civil sur <strong>les</strong> forces <strong>de</strong> sécurité et <strong>de</strong> défense<br />

dans tout le pays ;<br />

• Soutenir l’Organisation mondiale <strong>de</strong>s douanes afin qu’elle apporte une assistance technique,<br />

une formation et une ai<strong>de</strong> adaptée en matière <strong>de</strong> renforcement <strong>de</strong>s capacités pour que soit<br />

rapi<strong>de</strong>ment renforcés <strong>les</strong> contrô<strong>les</strong> aux frontières ivoiriennes ;<br />

• Exhorter tous <strong>les</strong> États membres <strong>de</strong>s Nations unies à faire tout leur possible, lors <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Conférence finale <strong>de</strong>s Nations unies pour un traité sur le commerce <strong>de</strong>s armes, pour s’accor<strong>de</strong>r


sur un texte prévoyant <strong>de</strong>s règ<strong>les</strong> strictes pour protéger <strong>les</strong> droits humains, conformément aux<br />

obligations <strong>de</strong>s États au regard du droit international, et instituant <strong>de</strong>s mécanismes <strong>de</strong> contrôle<br />

soli<strong>de</strong>s et transparents afin <strong>de</strong> réglementer tous <strong>les</strong> types d’armes, <strong>de</strong> munitions et<br />

d’équipements connexes (y compris <strong>les</strong> munitions, <strong>les</strong> technologies, <strong>les</strong> pièces et <strong>les</strong><br />

composants). Ils <strong>de</strong>vront notamment veiller à ce que le traité sur le commerce <strong>de</strong>s armes<br />

incorpore <strong>les</strong> éléments suivants :<br />

• Aucun État n’autorise <strong>de</strong> transferts d’armes c<strong>la</strong>ssiques si ces transferts risquent d’apporter ai<strong>de</strong><br />

ou assistance à <strong>la</strong> commission d’un génoci<strong>de</strong>, <strong>de</strong> crimes contre l’humanité, <strong>de</strong> crimes <strong>de</strong> guerre,<br />

ou <strong>de</strong> vio<strong>la</strong>tions systématiques du droit international re<strong>la</strong>tif aux droits humains constitutives <strong>de</strong><br />

crimes aux termes du droit international,<br />

• Aucun État n’autorise <strong>de</strong> transferts d’armements lorsqu’il existe un danger réel, ou un risque<br />

substantiel, que ces armements soient utilisés pour commettre ou faciliter <strong>de</strong> graves vio<strong>la</strong>tions<br />

du droit international humanitaire et du droit international re<strong>la</strong>tif aux droits humains, ou <strong>de</strong>s<br />

crimes aux termes du droit international,<br />

• Tous <strong>les</strong> États doivent réaliser une analyse rigoureuse <strong>de</strong>s risques, reposant sur <strong>les</strong> critères<br />

juridiquement contraignants exposés plus haut, pour tous <strong>les</strong> transferts d’armes proposés dans le<br />

cadre <strong>de</strong> leur système national <strong>de</strong> contrôle <strong>de</strong>s exportations,<br />

• Tous <strong>les</strong> États doivent être tenus <strong>de</strong> réaliser cette analyse <strong>de</strong>s risques et, le cas échéant, <strong>de</strong><br />

prendre <strong>de</strong>s mesures réalisab<strong>les</strong> pour s’assurer que <strong>de</strong>s armes c<strong>la</strong>ssiques ne seront pas utilisées<br />

pour commettre ou faciliter <strong>de</strong>s violence liées au genre, <strong>de</strong>s violences contre <strong>les</strong> enfants, <strong>de</strong>s<br />

actes relevant <strong>de</strong> <strong>la</strong> criminalité transnationale organisée et <strong>de</strong>s actes terroristes,<br />

• Tous <strong>les</strong> États doivent également être tenus <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>s mesures réalisab<strong>les</strong> pour faire en<br />

sorte que <strong>de</strong>s armes c<strong>la</strong>ssiques ne soient pas détournées à <strong>de</strong>s fins <strong>de</strong> trafic sur <strong>de</strong>s marchés<br />

illégaux ou d’approvisionnement d’utilisateurs finaux illicites. Ils doivent notamment mettre en<br />

p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> documentation fiable sur l’utilisation finale, contrôler <strong>les</strong> activités <strong>de</strong><br />

courtage et <strong>de</strong> transport d’armes et réglementer <strong>les</strong> opérations <strong>de</strong> transit et <strong>de</strong> transbor<strong>de</strong>ment<br />

<strong>de</strong>s armes c<strong>la</strong>ssiques,<br />

• Tous <strong>les</strong> types <strong>de</strong> munitions, <strong>de</strong> même que <strong>les</strong> pièces et composants, <strong>la</strong> technologie militaire, et<br />

toutes <strong>les</strong> activités liées au commerce international d’armes c<strong>la</strong>ssiques doivent être entièrement<br />

couverts par le traité,<br />

• Tous <strong>les</strong> États doivent, en vertu du traité, mettre en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s mécanismes soli<strong>de</strong>s <strong>de</strong> mise en<br />

œuvre intégrant <strong>les</strong> systèmes d’autorisation, <strong>les</strong> procédures péna<strong>les</strong> et <strong>les</strong> sanctions, ainsi que<br />

l’établissement <strong>de</strong> rapports complets rendus publics à interval<strong>les</strong> réguliers, sur tous leurs<br />

transferts internationaux d’armements pour qu’une surveil<strong>la</strong>nce démocratique <strong>de</strong> ces<br />

transactions soit possible et que le respect <strong>de</strong>s dispositions du traité soit garanti,<br />

• La Conférence <strong>de</strong>s États parties au traité doit être autorisée à examiner <strong>les</strong> rapports annuels<br />

ainsi qu’à apporter <strong>de</strong>s modifications au traité et, si tous ses efforts visant à parvenir à un<br />

consensus échouent, <strong>les</strong> modifications doivent, en <strong>de</strong>rnier recours, être adoptées par un vote à <strong>la</strong><br />

majorité <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux tiers,<br />

• Un article supplémentaire doit prévoir spécifiquement que <strong>la</strong> participation à tout protocole se<br />

rapportant au traité sera ouverte à tous <strong>les</strong> États parties.<br />

*****************


NOTES<br />

1<br />

Voir Côte d’Ivoire : Les femmes, victimes oubliées du conflit (in<strong>de</strong>x AI : AFR 31/001/2007) et Côte d’Ivoire : « Ils lui ont <strong>de</strong>mandé sa<br />

carte d’i<strong>de</strong>ntité et l’ont abattu. » Six mois <strong>de</strong> violence post-électorale en Côte d’Ivoire (in<strong>de</strong>x AI : AFR 31/002/2011)<br />

2<br />

Paragraphe 7 <strong>de</strong> <strong>la</strong> résolution 1572 du Conseil <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong>s Nations unies, 15 novembre 2004 : Déci<strong>de</strong> que tous <strong>les</strong> États<br />

prendront, pour une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> treize mois à compter <strong>de</strong> <strong>la</strong> date d’adoption <strong>de</strong> <strong>la</strong> présente résolution, <strong>les</strong> mesures nécessaires pour<br />

empêcher <strong>la</strong> fourniture, <strong>la</strong> vente ou le transfert directs ou indirects à <strong>de</strong>stination <strong>de</strong> <strong>la</strong> Côte d’Ivoire, <strong>de</strong>puis leur territoire ou par leurs<br />

nationaux, ou au moyen d’aéronefs immatriculés sur leur territoire ou <strong>de</strong> navires battant leur pavillon, d’armes et <strong>de</strong> tout matériel<br />

connexe, notamment d’aéronefs militaires et autres matériels provenant ou non <strong>de</strong> leur territoire, ainsi que <strong>la</strong> fourniture <strong>de</strong> toute<br />

assistance, conseil ou formation se rapportant à <strong>de</strong>s activités militaires. Cet embargo a été prolongé par <strong>de</strong>s résolutions ultérieures du<br />

Conseil <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong>s Nations unies.<br />

3<br />

Voir Côte d’Ivoire : « Ils lui ont <strong>de</strong>mandé sa carte d’i<strong>de</strong>ntité et l’ont abattu. » Six mois <strong>de</strong> violence post-électorale en Côte d’Ivoire<br />

(in<strong>de</strong>x AI : AFR 31/002/2011, mai 2011) et Côte d’Ivoire : « Nous voulons rentrer chez nous mais nous ne pouvons pas ». Insécurité et<br />

personnes dép<strong>la</strong>cées en Côte d'Ivoire : une crise persistante (in<strong>de</strong>x AI : AFR 31/007/2011, 28 juillet 2011).<br />

4<br />

La Conférence <strong>de</strong>s chefs d'État sur <strong>la</strong> Côte d'Ivoire a approuvé l'accord <strong>de</strong> Linas-Marcoussis <strong>les</strong> 25 et 26 janvier 2003 à Paris. Voir<br />

Conseil <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong>s Nations unies. 2003. Lettre datée du 27 janvier 2003 du représentant permanent <strong>de</strong> <strong>la</strong> France auprès <strong>de</strong>s<br />

Nations unies adressée au prési<strong>de</strong>nt du Conseil <strong>de</strong> sécurité. S/2003/99. 27 janvier.<br />

5<br />

Conseil <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong>s Nations unies. 2004a. Résolution 1528 (2004). Adoptée par le Conseil <strong>de</strong> sécurité lors <strong>de</strong> sa 4918 e réunion,<br />

le 27 février 2004. Préambule et paragraphes 1, 6 et 16.<br />

6<br />

La France et <strong>la</strong> Côte d’Ivoire sont liées par plusieurs accords militaires bi<strong>la</strong>téraux <strong>de</strong>puis l’indépendance (1960), notamment un<br />

accord général <strong>de</strong> défense signé en avril 1961. Dans le cadre <strong>de</strong> cette coopération militaire, <strong>de</strong>s soldats français étaient basés en<br />

permanence à Port-Bouët, près d’Abidjan. Concernant l’implication <strong>de</strong> <strong>la</strong> France dans le conflit ivoirien, voir Côte d'Ivoire.<br />

Affrontements entre forces <strong>de</strong> maintien <strong>de</strong> <strong>la</strong> paix et civils : leçons à tirer (in<strong>de</strong>x AI : AFR 31/005/2006).<br />

7<br />

Voir Côte d'Ivoire. Affrontements entre forces <strong>de</strong> maintien <strong>de</strong> <strong>la</strong> paix et civils : leçons à tirer (in<strong>de</strong>x AI : AFR 31/005/2006).<br />

8<br />

Conseil <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong>s Nations unies. 2004. Déc<strong>la</strong>ration du prési<strong>de</strong>nt du Conseil <strong>de</strong> sécurité. S/PRST/2004/42. 6 novembre.<br />

9<br />

Conseil <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong>s Nations unies. 2004. Résolution 1572 (2004). Adoptée par le Conseil <strong>de</strong> sécurité lors <strong>de</strong> sa 5078 e réunion, le<br />

15 novembre 2004. Préambule et paragraphes 1 et 7.<br />

10<br />

Conseil <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong>s Nations unies. 2005. « Rapport du Groupe d’experts établi en application du paragraphe 7 <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

résolution 1584 (2005) du Conseil <strong>de</strong> sécurité concernant <strong>la</strong> Côte d'Ivoire ». S/2005/699. 7 novembre. Paragraphes 22 à 25. Il y a eu<br />

35 expéditions par voie aérienne d'armes légères et <strong>de</strong> petit calibre en Côte d'Ivoire, d'après le Rapport du Groupe d'experts <strong>de</strong>s Nations<br />

unies, S/2005/699, p.8.<br />

11<br />

La nature volontaire du moratoire et le manque <strong>de</strong> sanctions applicab<strong>les</strong> ont nui à l'efficacité <strong>de</strong> cette décision, qui a été remp<strong>la</strong>cée<br />

par <strong>la</strong> Convention <strong>de</strong> <strong>la</strong> CEDEAO sur <strong>les</strong> armes légères et <strong>de</strong> petit calibre, leurs munitions et d'autres matériels connexes, signée le<br />

14 juin 2006.<br />

12<br />

Établi par le paragraphe 7 <strong>de</strong> <strong>la</strong> résolution 1584 (2005) du Conseil <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong>s Nations unies.<br />

13<br />

Rapport du Groupe d'experts faisant suite au paragraphe 7 <strong>de</strong> <strong>la</strong> résolution 1584 (2005) du Conseil <strong>de</strong> sécurité concernant <strong>la</strong> Côte<br />

d'Ivoire (S/2005/699), paragraphe 11, (Rapport du Groupe d'experts faisant suite au paragraphe 7 <strong>de</strong> <strong>la</strong> résolution 1584 du Conseil <strong>de</strong><br />

sécurité, paragraphe 11).<br />

14<br />

Institut international <strong>de</strong> recherche sur <strong>la</strong> paix <strong>de</strong> Stockholm (SIPRI). 2012. ‘Transfers of major conventional weapons: sorted by<br />

supplier. Deals with <strong>de</strong>liveries or or<strong>de</strong>rs ma<strong>de</strong> for year range 2000 to 2005.’ SIPRI Arms Transfer Database Tra<strong>de</strong> Register. Généré le<br />

14 mai 2012.<br />

15<br />

Évaluation <strong>de</strong>s réserves gouvernementa<strong>les</strong>, 2009-2012. Source : confi<strong>de</strong>ntielle.<br />

16<br />

La Chine déc<strong>la</strong>re n'avoir pas exporté d'armes, <strong>de</strong> munitions et <strong>de</strong> matériel connexe vers <strong>la</strong> Côte d'Ivoire après l'embargo sur <strong>les</strong> armes<br />

<strong>de</strong> novembre 2004 et il n'existe aucune preuve disponible suggérant <strong>la</strong> présence d'armes et <strong>de</strong> matériel connexe chinois ayant été<br />

importés dans le pays en vio<strong>la</strong>tion du régime <strong>de</strong> sanctions.<br />

17<br />

Par ailleurs, il est important <strong>de</strong> tenir compte du fait que <strong>les</strong> munitions ont pu être fabriquées à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> l'année 2002, dans <strong>la</strong><br />

mesure où seule l'année <strong>de</strong> production (2002) figure sur <strong>les</strong> cartouches, non pas le mois exact <strong>de</strong> fabrication.<br />

18<br />

Institut international <strong>de</strong> recherche sur <strong>la</strong> paix <strong>de</strong> Stockholm (SIPRI). 2012. ‘Transfers of major conventional weapons: sorted by<br />

supplier. Deals with <strong>de</strong>liveries or or<strong>de</strong>rs ma<strong>de</strong> for year range 2000 to 2005.’ SIPRI Arms Transfer Database Tra<strong>de</strong> Register. Généré le<br />

14 mai 2012.<br />

19<br />

Conseil <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong>s Nations unies. 2005. « Rapport du Groupe d’experts établi en application du paragraphe 7 <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

résolution 1584 (2005) du Conseil <strong>de</strong> sécurité concernant <strong>la</strong> Côte d'Ivoire ». S/2005/699. 7 novembre. Paragraphes 124-151.<br />

20<br />

Conseil <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong>s Nations unies. 2006. « Rapport du Groupe d’experts établi en application du paragraphe 9 <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

résolution 1643 (2005) du Conseil <strong>de</strong> sécurité concernant <strong>la</strong> Côte d'Ivoire ». S/2006/735. Paragraphes 70-77.<br />

21<br />

Institut international <strong>de</strong> recherche sur <strong>la</strong> paix <strong>de</strong> Stockholm (SIPRI). 2012. ‘Transfers of major conventional weapons: sorted by<br />

supplier. Deals with <strong>de</strong>liveries or or<strong>de</strong>rs ma<strong>de</strong> for year range 2000 to 2005.’ SIPRI Arms Transfer Database Tra<strong>de</strong> Register. Généré le<br />

14 mai 2012.<br />

22<br />

Institut international <strong>de</strong> recherche sur <strong>la</strong> paix <strong>de</strong> Stockholm (SIPRI). 2012. ‘Transfers of major conventional weapons: sorted by<br />

supplier. Deals with <strong>de</strong>liveries or or<strong>de</strong>rs ma<strong>de</strong> for year range 2000 to 2005.’ SIPRI Arms Transfer Database Tra<strong>de</strong> Register. Généré le<br />

14 mai 2012.<br />

23<br />

Sources confi<strong>de</strong>ntiel<strong>les</strong>. Lieu et date non divulgués.<br />

24<br />

Annuaire sur <strong>les</strong> armes légères. 2011. ‘Scraping the Barrel: The Tra<strong>de</strong> in Surplus Ammunition.’ Document d'information numéro 2.<br />

Genève : Annuaire sur <strong>les</strong> armes légères. Avril. pp. 6 et 12.<br />

25<br />

Entretiens confi<strong>de</strong>ntiels. Voir aussi le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI). 2012. ‘Transfers of major<br />

conventional weapons: sorted by supplier. Deals with <strong>de</strong>liveries or or<strong>de</strong>rs ma<strong>de</strong> for year range 2000 to 2005.’ SIPRI Arms Transfer<br />

Database Tra<strong>de</strong> Register. Généré le 14 mai 2012.<br />

26<br />

Conseil <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong>s Nations unies. 2009. « Rapport final du Groupe d'experts sur <strong>la</strong> Côte d'Ivoire établi en application du<br />

paragraphe 11 <strong>de</strong> <strong>la</strong> résolution 1842 (2008) du Conseil <strong>de</strong> sécurité ». S/2009/521. Paragraphes 138-151.<br />

27<br />

Sources confi<strong>de</strong>ntiel<strong>les</strong>.<br />

28<br />

Conseil <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong>s Nations unies 2011. « Rapport présenté par le Groupe d’experts sur <strong>la</strong> Côte d'Ivoire, établi en application du<br />

paragraphe 11 <strong>de</strong> <strong>la</strong> résolution 1946 (2010) du Conseil <strong>de</strong> sécurité ». S/2011/272. Paragraphes 105-132.<br />

29<br />

Rapport du Groupe d’experts <strong>de</strong>s Nations unies sur <strong>la</strong> Côte d'Ivoire, 14 avril 2012, S/2012/196, annexe 3.<br />

30<br />

Entretiens confi<strong>de</strong>ntiels avec <strong>de</strong>s observateurs experts à Bouaké et analyse <strong>de</strong> l'équipement militaire.<br />

31<br />

<strong>Amnesty</strong> International, Côte d'Ivoire. Les femmes, victimes oubliées du conflit (in<strong>de</strong>x AI : AFR 31/001/2007) 15 mars 2007.<br />

32<br />

Les <strong>de</strong>ux premiers grands accords <strong>de</strong> paix ont été l’accord <strong>de</strong> Linas-Marcoussis, signé le 23 janvier 2003 et en vertu duquel toutes<br />

<strong>les</strong> parties au conflit ont convenu d’un cessez-le-feu et <strong>de</strong> l’instauration d’un gouvernement <strong>de</strong> réconciliation nationale (GRN) qui<br />

mettrait en p<strong>la</strong>ce <strong>les</strong> conditions du désarmement. Le 30 juillet 2004, l’accord d’Accra III a été signé. Il comportait un calendrier et <strong>de</strong>s<br />

modalités <strong>de</strong> réactivation du processus <strong>de</strong> paix, en vue d’assurer l’application complète <strong>de</strong> l’accord <strong>de</strong> Linas-Marcoussis. Les parties se<br />

sont engagées à entreprendre le processus <strong>de</strong> désarmement, démobilisation et réintégration, en y incluant tous <strong>les</strong> groupes<br />

paramilitaires et milices.


33<br />

Entretiens confi<strong>de</strong>ntiels avec <strong>de</strong>s observateurs experts.<br />

34<br />

I<strong>de</strong>m<br />

35<br />

Le « Commando invisible » était dirigé par un ancien chef <strong>de</strong> l'armée ivoirienne, Ibrahim Coulibaly, surnommé « IB », qui avait<br />

participé à <strong>la</strong> tentative <strong>de</strong> coup d'État en 2002.<br />

36<br />

<strong>Amnesty</strong> International, Blood at the Crossroads: making the case for an Arms Tra<strong>de</strong> Treaty, chapitre 4 (“Côte d’Ivoire – a be<strong>la</strong>ted UN<br />

arms embargo”), ACT 30/011/2008, 17 septembre 2008.<br />

37<br />

Rapport <strong>de</strong> mi-mandat du Groupe d’experts <strong>de</strong>s Nations unies sur <strong>la</strong> Côte d’Ivoire, 15 octobre 2012, S/2012/766, annexe 6a.<br />

38<br />

Ibid., annexe 6b.<br />

39<br />

Rapport final du Groupe d’experts <strong>de</strong>s Nations unies sur <strong>la</strong> Côte d’Ivoire, avril 2012, S/2012/196, § 30.<br />

40<br />

Ibid., § 32.<br />

41<br />

Ibid., § 59.<br />

42<br />

Cette liste est disponible dans le document d’<strong>Amnesty</strong> International, Blood at the Crossroads: making the case for an Arms Tra<strong>de</strong><br />

Treaty, op. cit.<br />

43<br />

Rapport final du Groupe d’experts <strong>de</strong>s Nations unies sur <strong>la</strong> Côte d’Ivoire, op. cit., § 40. Des informations sur <strong>les</strong> liens entre <strong>les</strong><br />

sociétés et sur leurs propriétaires sont disponib<strong>les</strong> dans <strong>la</strong> partie E <strong>de</strong> ce rapport.<br />

44<br />

Ibid., annexes 14-20.<br />

45<br />

Ibid., annexes 18 et 41.<br />

46<br />

Rapport présenté par le Groupe d’experts <strong>de</strong>s Nations unies sur <strong>la</strong> Côte d’Ivoire, 27 avril 2011, S/2011/272, § 101-104.<br />

47<br />

Rapport final du Groupe d’experts <strong>de</strong>s Nations unies sur <strong>la</strong> Côte d’Ivoire, avril 2012, S/2012/196, § 58.<br />

48<br />

Ibid., annexe 6.<br />

49<br />

Ibid., § 69 (récapitu<strong>la</strong>tif <strong>de</strong>s livraisons d’armes effectuées).<br />

50<br />

Ibid., § 71 à 74.<br />

51<br />

Rapport final du Groupe d’experts <strong>de</strong>s Nations unies sur <strong>la</strong> Côte d’Ivoire, op. cit., partie K.<br />

52<br />

Entretiens confi<strong>de</strong>ntiels avec <strong>de</strong>s témoins ocu<strong>la</strong>ires.<br />

53<br />

Héritiers d’une tradition millénaire, <strong>les</strong> Dozos (ou « doson »), qui signifie en bambara « celui qui rentre à <strong>la</strong> maison après avoir chassé<br />

en forêt », sont une confrérie <strong>de</strong> chasseurs très puissante et soudée, <strong>la</strong>rgement représentée au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, en<br />

Guinée, au Mali, au Niger et au Sénégal.<br />

54<br />

Les Bétés sont une ethnie à <strong>la</strong>quelle appartient Laurent Gbagbo.<br />

55<br />

Afin <strong>de</strong> ne pas mettre en péril <strong>la</strong> sécurité <strong>de</strong>s témoins, <strong>Amnesty</strong> International ne mentionne pas le nom <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges où ces viols ont<br />

été commis.<br />

56<br />

Source confi<strong>de</strong>ntielle.<br />

57<br />

Entretien effectué en mars 2010 à Korhogo, en Côte d’Ivoire, avec un marchand installé à Bobo-Diou<strong>la</strong>sso. Source confi<strong>de</strong>ntielle.<br />

58<br />

Voir <strong>les</strong> rapports disponib<strong>les</strong> dans <strong>la</strong> section « Droits <strong>de</strong> l’homme » sur le site <strong>de</strong> l’Opération <strong>de</strong>s Nations unies en Côte d’Ivoire<br />

(ONUCI), 2004-2011.<br />

59<br />

Rapport <strong>de</strong> mi-mandat du Groupe d’experts <strong>de</strong>s Nations unies sur <strong>la</strong> Côte d’Ivoire, op. cit., 15 octobre 2012, S/2012/766.<br />

60<br />

Ibid.<br />

61<br />

Assemblée générale <strong>de</strong>s Nations unies, Rapport <strong>de</strong> l’expert indépendant sur <strong>la</strong> situation en Côte d’Ivoire, Doudou Diène, Conseil <strong>de</strong>s<br />

droits <strong>de</strong> l’homme, 19 e session, point 10 <strong>de</strong> l’ordre du jour « Assistance technique et renforcement <strong>de</strong>s capacités », A/HRC/19/72,<br />

§ 19-24.<br />

62<br />

Voir le site <strong>de</strong> l’Opération <strong>de</strong>s Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI), « Compte rendu du point <strong>de</strong> presse hebdomadaire », Abidjan,<br />

9 juin 2011 ; Assemblée générale <strong>de</strong>s Nations unies, Rapport <strong>de</strong> l’expert indépendant sur <strong>la</strong> situation en Côte d’Ivoire, Doudou Dieǹe,<br />

op. cit., § 49-60.


4093_ATT_CoteD'Ivoire_cover_FR_Portrait 15/03/2013 15:28 Page 4<br />

LES CAMPAGNES D'AMNESTY INTERNATIONAL<br />

S’EFFORCENT D’OBTENIR LA JUSTICE,<br />

LA LIBERTÉ ET LA DIGNITÉ POUR TOUS ET DE<br />

MOBILISER L’OPINION PUBLIQUE POUR UN<br />

MONDE MEILLEUR, QUE CE SOIT LORS DE<br />

CONFLITS TRÈS MÉDIATISÉS OU DANS DES<br />

ENDROITS OUBLIÉS DE LA PLANÈTE<br />

QUE POUVEZ-VOUS FAIRE <br />

Dans le mon<strong>de</strong> entier, <strong>de</strong>s militants font <strong>la</strong> preuve qu’il est possible<br />

<strong>de</strong> résister aux forces qui bafouent <strong>les</strong> droits humains. Rejoignez ce<br />

mouvement mondial. Combattez <strong>les</strong> marchands <strong>de</strong> peur et <strong>de</strong> haine.<br />

Adhérez à <strong>Amnesty</strong> International et participez, au sein d’un<br />

mouvement mondial, à <strong>la</strong> lutte contre <strong>les</strong> atteintes aux droits<br />

fondamentaux. Vous pouvez nous ai<strong>de</strong>r à changer <strong>les</strong> choses.<br />

Faites un don pour soutenir l’action d’<strong>Amnesty</strong> International.<br />

Ensemble, nous ferons entendre notre voix.<br />

nom<br />

Je désire recevoir <strong>de</strong>s renseignements complémentaires sur <strong>les</strong> conditions d’adhésion<br />

à <strong>Amnesty</strong> International.<br />

adresse<br />

pays<br />

courriel<br />

Je désire faire un don à <strong>Amnesty</strong> International<br />

(merci <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s dons en livres sterling, en dol<strong>la</strong>rs US ou en euros)<br />

somme<br />

veuillez débiter ma carte Visa Mastercard<br />

JE VEUX<br />

AIDER<br />

numéro<br />

date d’expiration<br />

signature<br />

Vos coordonnées sont nécessaires au traitement <strong>de</strong> votre don et <strong>de</strong> votre reçu fiscal. Conformément<br />

à <strong>la</strong> loi Informatique et Liberté du 6 janvier 1978, vous disposez, en vous adressant au siège d’<strong>Amnesty</strong><br />

International, d’un droit d’accès, <strong>de</strong> rectification et d’opposition aux informations vous concernant.<br />

Par notre intermédiaire, vous pouvez être amené-e à recevoir <strong>de</strong>s courriers d’autres associations et ONG.<br />

Si vous ne le souhaitez pas, vous pouvez cocher cette case :<br />

Veuillez retourner ce formu<strong>la</strong>ire au bureau d'<strong>Amnesty</strong> International dans votre pays.<br />

Vous trouverez une liste <strong>de</strong>s sièges d’<strong>Amnesty</strong> International dans le mon<strong>de</strong> entier<br />

à l’adresse suivante : www.amnesty.org/en/worldwi<strong>de</strong>-sites<br />

amnesty.org<br />

Si <strong>Amnesty</strong> International n’est pas présente dans votre pays, faites parvenir ce formu<strong>la</strong>ire à :<br />

<strong>Amnesty</strong> International, Secrétariat international, Peter Benenson House,<br />

1 Easton Street, Londres, WC1X 0DW, Royaume-Uni


4093_ATT_CoteD'Ivoire_cover_FR_Portrait 15/03/2013 15:28 Page 1<br />

CÔTE D’IVOIRE. LES EFFETS DESTRUCTEURS<br />

DE LA PROLIFÉRATION DES ARMES ET DE<br />

LEUR USAGE INCONTRÔLÉ<br />

La fourniture irresponsable et illégale d'armes et <strong>de</strong> munitions aux parties au<br />

conflit en Côte d'Ivoire se poursuit <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> dix ans, malgré l'embargo<br />

sur <strong>les</strong> armes imposé par l'ONU <strong>de</strong>puis 2004. Ces armes ont contribué à<br />

l'esca<strong>la</strong><strong>de</strong> <strong>de</strong>s hostilités et alimenté <strong>la</strong> récurrence <strong>de</strong> graves vio<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>s<br />

droits humains et <strong>de</strong> crimes violents, en particulier au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> crise postélectorale<br />

<strong>de</strong> 2011.<br />

Les violences qui ont suivi l'élection prési<strong>de</strong>ntielle contestée en novembre<br />

2011 sont à l’origine <strong>de</strong> <strong>la</strong> plus grave crise humanitaire et <strong>de</strong>s droits humains<br />

<strong>de</strong>puis <strong>la</strong> partition <strong>de</strong> facto <strong>de</strong> <strong>la</strong> Côte d'Ivoire en 2002. Toutes <strong>les</strong> parties au<br />

conflit ont commis <strong>de</strong>s crimes relevant du droit international, dont <strong>de</strong>s crimes<br />

<strong>de</strong> guerre et <strong>de</strong>s crimes contre l’humanité. Des centaines <strong>de</strong> personnes ont<br />

été exécutées en toute illégalité, <strong>de</strong>s femmes et <strong>de</strong>s enfants ont été victimes<br />

<strong>de</strong> viols et <strong>de</strong> violences sexuel<strong>les</strong>, et <strong>de</strong>s personnes ont été forcées <strong>de</strong> quitter<br />

leur foyer. Pendant ce temps, <strong>les</strong> armes ont continué à circuler.<br />

La situation catastrophique en Côte d'Ivoire souligne l'urgence pour <strong>les</strong> États<br />

membres <strong>de</strong> l'ONU <strong>de</strong> finaliser un Traité sur le commerce <strong>de</strong>s armes lors <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> conférence <strong>de</strong>s Nations unies <strong>de</strong> mars 2013. Ce traité pourra protéger et<br />

sauver <strong>de</strong>s vies, s'il contient <strong>de</strong>s mesures strictes obligeant <strong>les</strong> États parties<br />

à mettre un terme au transfert international d'armes dès qu’il existe un risque<br />

substantiel que ces armes soient utilisées pour commettre ou faciliter <strong>de</strong>s<br />

atrocités ou <strong>de</strong> graves atteintes aux droits humains. Empêcher le commerce<br />

international <strong>de</strong>s armes <strong>de</strong> détruire <strong>de</strong>s sociétés <strong>de</strong> façon répétée suppose<br />

l'application d'un traité mondial comprenant <strong>de</strong>s règ<strong>les</strong> fortes basées sur le<br />

respect du droit international humanitaire et re<strong>la</strong>tif aux droits humains.<br />

amnesty.org<br />

Même si le Traité sur le commerce <strong>de</strong>s armes n'est pas une réponse<br />

suffisante, il constitue un volet essentiel <strong>de</strong> <strong>la</strong> solution mondiale qui<br />

permettrait <strong>de</strong> construire un mon<strong>de</strong> plus sûr pour <strong>de</strong>s milliards <strong>de</strong> personnes.<br />

In<strong>de</strong>x : AFR 31/002/2013<br />

Mars 2013

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