You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Là bas si j'y suis :<br />
les mésaventures de l'exotisation.<br />
par La Petite Murène<br />
dossier EXOTISATION<br />
La petite murène louche de temps en temps avec agacement sur le énième<br />
feuilleton des audacieuses françaises séquestrées par des états ou mouvements<br />
barbares et mal intentionnés, qui n’ont rien compris à leur désir de connaître. C’est<br />
pas nouveau. Quand elle était enfant il y avait déjà Françoise Claustre dans les<br />
sables du Ténéré. Plus tard il y eut la mère Aubenas qui y a gagné semblet’il une<br />
espèce de magistère surjournalistique à parler avec autorité de tout et de rien. Et là<br />
on vient d’avoir droit à l’affaire Reiss. En attendant la prochaine qui ne tardera pas,<br />
puisqu’il s’agit de la reproduction d’une attitude sociale et de ses diverses<br />
conséquences.<br />
Ce qui relie quand même ces mésaventures, ne vous en déplaise, c’est le principe<br />
d’exotisme. Là bas si j’y suis. Ou si s’y trouve quelque vérité dont je puisse<br />
m’arrondir. Aller se flanquer au milieu des plus excitantes émeutes, des guérillas les<br />
plus pathétiques, des civilisations et gouvernements sur lesquelles la controverse<br />
est le plus à la mode. Parce que bien sûr, ce n’est pas dans nos tristes fesses que se<br />
situe l’intérêt, la valeur et la promotion sociale chez les siennes. C’est chez le Turc<br />
ou l’Algonquin, vieille et moisie passion française et probablement un peu<br />
rousseauiste. Principale variante il est vrai : il fut un temps où on partait sans désir<br />
de retour, où on « prenait le turban » par exemple, où on s’établissait et adieu. Ça<br />
concernait peu de gentes, et fréquemment des qui s’étaient mis en position de<br />
n’avoir guère plus le choix. Ce n’est plus le cas, pas même des bobos écolos qui ont<br />
paraîtil bâti un cauchemar nommé Auroville dans les Indes orientales, pour y vivre<br />
leur fantasme purificateur au contact (ce fameux contact, ce mot dit tout…) de la<br />
civilisation indienne (mais surtout pas de la misère et de la pollution galopantes).<br />
Á gerber.<br />
Mais l’autre version, contemporaine, c’est le tourisme militant. Lequel a, comme le<br />
militantisme en général, fusionné avec l’universitaire. On part avec quelques grades<br />
et une recommandation académique. Et en frétillant de désir de s’immerger. Et on<br />
s’immerge tellement dans la vraie vie qui bouge qu’on finit en prison, avec<br />
quelques grappes de penduEs qui se balancent aux alentours. On est quand même<br />
préservée de la pendaison, en général, quand on n’a pas eu l’idée lumineuse d’aller<br />
se ressourcer par exemple chez ceux que les médias nomment les talibans. Mais on<br />
ne sait pas quand et comment on pourra en sortir.