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Il y a un an, <strong>le</strong>s quatre présidents de Conseils généraux fondateurs de la démarche<br />

« Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités » - Patrice JOLY (Nièvre/Bourgogne), Jean-Paul DUFRÈGNE<br />

(Allier/Auvergne), Jean-Pierre SAULNIER (Cher/Centre), et Jean-Jacques LOZACH<br />

(Creuse/ Limousin) - organisaient <strong>le</strong> 1er colloque national sur l’avenir des territoires<br />

ruraux à Vichy, dans l’Allier.<br />

Rejoints par 30 autres départements à travers toute la France, <strong>le</strong>ur rapport* de<br />

mission sur <strong>le</strong>s perspectives stratégiques pour <strong>le</strong> développement des territoires ruraux<br />

a été unanimement salué et adopté <strong>le</strong> 3 décembre 2013 par <strong>le</strong> bureau de<br />

l’Assemblée des Départements de France, puis largement diffusé auprès des<br />

principa<strong>le</strong>s instances institutionnel<strong>le</strong>s françaises.<br />

Le 5 juin dernier, <strong>le</strong>s « Etats Généraux des Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités » se sont tenus à la<br />

Maison de la Culture de Nevers et de la Nièvre, en présence de deux ministres, Sylvia<br />

PINEL et André VALLINI, peu de temps après <strong>le</strong>s annonces sur la réforme territoria<strong>le</strong>.<br />

Ce rendez-vous national a réuni des intervenants de renom et rencontré un franc<br />

succès avec près de 650 participants issus de 43 départements de France, dont 150<br />

élus de col<strong>le</strong>ctivités territoria<strong>le</strong>s et par<strong>le</strong>mentaires.<br />

En partenariat avec :<br />

L’étude Médiascopie «Les Mots de la Ruralité» est cofinancée par l’Union européenne.<br />

L’Europe s’engage dans <strong>le</strong> Massif central avec <strong>le</strong> Fonds européen de développement régional.<br />

CRÉDITS<br />

Conception & Réalisation :<br />

STUDIO de communication<br />

Photos : CG58 et CG23<br />

Création du logo : H&cco<br />

Image de couverture : 123rf<br />

Impression : CIA IMPRIMERIE / Septembre 2014 /<br />

Pougues-<strong>le</strong>s-Eaux<br />

CONTACT<br />

nouvel<strong>le</strong>sruralites@cg58.fr<br />

03 86 60 67 14<br />

2<br />

my<br />

A l’issue de ces Etats Généraux, la Loire, l’Ariège, la Marne et l’Orne ont rejoint la<br />

démarche des Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités qui compte désormais 38 départements<br />

membres**, soit près de 22 millions d’habitants, décidés à faire de nos <strong>campagne</strong>s<br />

des territoires d’avenir.<br />

*Retrouvez <strong>le</strong> rapport Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités et sa synthèse en téléchargement sur cg58.fr<br />

**Liste des départements membres de la mission Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités en date du 22 septembre 2014:<br />

Allier, Nièvre, Cher, Creuse, Corrèze, Finistère, Pas-de-Calais, Lot, Cantal, Puy-De-Dôme, Haute-Vienne,<br />

Hautes-Pyrénées, Ain, Vosges, Doubs, Pyrénées Orienta<strong>le</strong>s, Drôme, Lot et Garonne, Aisne, Haute-Saône, Côtes<br />

d’Armor, Saône et Loire, Deux-Sèvres, Somme, Gironde, Meurthe et Mosel<strong>le</strong>, I<strong>le</strong> et Vilaine, Indre-et-Loire, Nord,<br />

Pyrénées Atlantiques, Haute-Garonne, Loir et Cher, Aude, Jura, Loire, Ariège, Marne, Orne.<br />

REMERCIEMENTS :<br />

A nos intervenant(e)s et animateurs pour la qualité et la richesse des débats, <strong>le</strong>ur courtoisie et <strong>le</strong>ur sens de l’humour<br />

Aux 650 personnes venues de toute la France pour <strong>le</strong>ur présence, <strong>le</strong>ur participation et tout l’intérêt porté aux débats<br />

A nos partenaires et <strong>le</strong>urs personnels<br />

Aux agents des Conseils généraux de l’Allier, du Cher, de la Creuse et de la Nièvre<br />

Aux médias et journalistes, témoins et porteurs du récit des Nouvel<strong>le</strong>s ruralités<br />

Au Groupe Centre-France<br />

A Jean Bojko pour son prélude poétique<br />

A la préfecture de la Nièvre et ses services<br />

A la vil<strong>le</strong> de la Charité-sur-Loire<br />

Au Lycée Jean Rostand (58) et à ses élèves des options Commerce-Vente et Accueil Relations à la clientè<strong>le</strong> et aux usagers<br />

Au Lycée professionnel hortico<strong>le</strong> de Sermoise-sur-Loire<br />

A l’enseigne Botanic (58)<br />

Au Pô<strong>le</strong> de la Performance de Nevers-Magny-Cours et la société Danielson<br />

A la confiserie Négus (58)<br />

A la chocolaterie A la tentation (58)<br />

Au groupe de musique « La petite Moisson »<br />

A Sylvie Roche pour son exposition photo « Tut ! Tut ! Campagne vivace »<br />

A Vincent Bernigaud Traiteur et son équipe (58)<br />

A l’hôtel Mercure Nevers Pont de Loire (58)<br />

A l’agence MyCOM’, Emilie Sa<strong>le</strong>rno et Françoise Brossard pour la signalétique et l’habillage des lieux<br />

A la Maison de la Culture de Nevers & de la Nièvre, et son équipe<br />

A Christine Haurie pour sa fidè<strong>le</strong> retranscription de tout ce qui s'est dit durant cette bel<strong>le</strong> journée<br />

Remerciements particuliers aux associations, chambres consulaires, socioprofessionnels, intel<strong>le</strong>ctuels, citoyens… pour<br />

<strong>le</strong>urs contributions en textes, idées, propositions et témoignages, et de nous avoir accompagnés dans cette démarche.<br />

Mention spécia<strong>le</strong> à :<br />

Fédération des Centres Sociaux et socioculturels de France, FNARS, Habitat et Développement, Solidarité Paysans<br />

Chambre des Métiers et de l’Artisanat de Région Bourgogne – Section Nièvre<br />

Col<strong>le</strong>ctif Vil<strong>le</strong> Campagne<br />

Retrouvez <strong>le</strong>urs contributions écrites en téléchargement sur cg58.fr rubrique « Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités »<br />

103


«<br />

Initiateurs de la démarche « Nouvel<strong>le</strong>s ruralités », qui réunit<br />

aujourd’hui 38 départements français, nous nous félicitons<br />

de voir la ruralité associée au ministère du Logement et de<br />

l’Egalité des territoires. C’est <strong>le</strong> signe d’une reconnaissance<br />

des territoires ruraux et de <strong>le</strong>urs spécificités. Et cette annonce<br />

conforte <strong>le</strong> travail mené depuis plus de deux ans autour de la<br />

démarche des « Nouvel<strong>le</strong>s ruralités », qui a abouti à la<br />

publication d’un rapport contenant 60 propositions concrètes,<br />

dont cel<strong>le</strong> de la création d’un ministère dédié à la ruralité.<br />

Par ce travail d’analyse et cette volonté constante de<br />

concevoir la ruralité sous un jour résolument positif, nous<br />

estimons avoir contribué à cette avancée.<br />

L’heure est maintenant aux actes. Nous attendons, comme<br />

l’ensemb<strong>le</strong> des membres de la mission menée dans <strong>le</strong> cadre<br />

de l’Assemblée des départements de France, qu’une véritab<strong>le</strong><br />

politique soit mise en place pour encourager l’innovation et <strong>le</strong><br />

développement économique dans <strong>le</strong>s territoires ruraux et<br />

créer <strong>le</strong>s conditions pour l’épanouissement de <strong>le</strong>urs habitants.<br />

Nous attendons de Sylvia PINEL qu’el<strong>le</strong> soit la ministre des<br />

« Nouvel<strong>le</strong>s ruralités », comme el<strong>le</strong> s’y était engagée lors des<br />

Etats Généraux <strong>le</strong> 5 juin dernier. Cela doit passer par une<br />

réorientation de la réforme territoria<strong>le</strong>, qui doit confirmer la<br />

pertinence de l’échelon départemental en milieu rural et non<br />

l’affaiblir, renforcer son rô<strong>le</strong> de proximité et non l’éloigner.<br />

Sur ce sujet, nous saluons la rentrée dans <strong>le</strong> nouveau<br />

gouvernement de l’un des premiers membres de la mission<br />

« Nouvel<strong>le</strong>s ruralités », Patrick KRANNER, qui s’était<br />

publiquement opposé à la suppression des départements.<br />

Nous attendons éga<strong>le</strong>ment que <strong>le</strong> Premier ministre tienne son<br />

engagement d’organiser cet automne <strong>le</strong>s Assises de la<br />

Ruralité.<br />

Nous nous tenons à la disposition du gouvernement pour<br />

l’accompagner dans ses décisions et démontrer que<br />

»<br />

<strong>le</strong>s<br />

territoires ruraux sont aussi l’avenir de la France.<br />

Patrice JOLY, président du Conseil général de la Nièvre<br />

Jean-Paul DUFREGNE, président du Conseil général de l’Allier<br />

Jean-Pierre SAULNIER, président du Conseil général du Cher<br />

Jean-Jacques LOZACH, président du Conseil général de la Creuse<br />

3


«<br />

Nevers, Maison de la Culture, 9 heures. On n'a pas monté<br />

<strong>le</strong>s marches, encore. On n'a pas tracé un sillon au milieu des<br />

silhouettes pour al<strong>le</strong>r prendre <strong>le</strong> premier café du matin dans<br />

<strong>le</strong> hall. On n'a salué personne. Aucun de cel<strong>le</strong>s et de ceux qui<br />

vont faire <strong>le</strong> spectac<strong>le</strong> aujourd'hui. Oui, c'est bien un<br />

spectac<strong>le</strong>, qui va se jouer là. Un spectac<strong>le</strong> qui va changer<br />

l'histoire parce qu'il va bou<strong>le</strong>verser <strong>le</strong>s représentations, dire<br />

une autre vérité. Cel<strong>le</strong> des <strong>campagne</strong>s qui veu<strong>le</strong>nt exister,<br />

vivre, respirer. On <strong>le</strong> sait, ce soir, quelque chose aura<br />

changé. Des certitudes auront été ébranlées. On aura changé<br />

d'ang<strong>le</strong>, pour regarder la France.<br />

Ici aujourd'hui, c'est la ruralité qui va se dire. Qui va par<strong>le</strong>r.<br />

Beaucoup. Dans tous <strong>le</strong>s sens. Peut-être parce qu'el<strong>le</strong> s'est<br />

trop tue, parce qu'el<strong>le</strong> avait trop peu confiance en el<strong>le</strong>, ou<br />

parce qu'on ne lui avait pas donné la paro<strong>le</strong>. L'an dernier à<br />

Vichy, el<strong>le</strong> avait poussé un cri, déjà. Avait dit sa peur d'être<br />

oubliée. El<strong>le</strong> ne l'a pas été. Une Ministre et un Secrétaire<br />

d’État sont là, à Nevers, cette année. Preuve que <strong>le</strong> cri a été<br />

entendu. Ils doivent <strong>le</strong>ur dire, maintenant. Face à face. Les<br />

yeux dans <strong>le</strong>s yeux. Ils doivent <strong>le</strong>ur dire qu'ils proposent une<br />

autre France, dans laquel<strong>le</strong> la ruralité est un atout. Cette fois,<br />

ils ne sont plus quatre, mais des dizaines. Combien sont-ils,<br />

exactement, sur la scène de la Maison de la Culture, pour<br />

lancer l'Appel de Nevers ?<br />

Nous, on assiste au spectac<strong>le</strong>. On n'est pas acteur de<br />

l'histoire. On observe. On écoute, on note, on questionne, on<br />

prend des photos, on filme. On garde <strong>le</strong> moment. Non pas<br />

pour <strong>le</strong> fixer mais parce qu'on sait que c'est une étape<br />

essentiel<strong>le</strong> dans la représentation des territoires ruraux et<br />

dans l'élaboration de la réforme territoria<strong>le</strong>. Un acte<br />

fondateur. Il y a du monde. Beaucoup. Ça grouil<strong>le</strong>. On devine<br />

<strong>le</strong>s silhouettes des attachés de presse, toujours dans la<br />

course. On reconnaît des visages, des engagements. On en<br />

découvre d'autres, aujourd'hui. Toutes <strong>le</strong>s régions de France<br />

sont venues donner de la voix. On doit pousser des coudes, se<br />

faufi<strong>le</strong>r pour interroger, sur une banquette, un président de<br />

conseil général du nord de la France. Il a une vingtaine de<br />

minutes à nous consacrer. Autour de nous, des dizaines de<br />

journalistes, des dizaines de micros, tendus en direction d'un<br />

des quatre Mousquetaires.<br />

16h30. On voudrait par<strong>le</strong>r avec <strong>le</strong>s Mousquetaires, justement.<br />

Leur demander <strong>le</strong>ur regard sur cette fol<strong>le</strong> journée. Impossib<strong>le</strong>,<br />

pour l'instant. Les quatre sont entrés dans un photomaton. Ce<br />

qu'on voit sur ce cliché, on ne <strong>le</strong> saura pas. Des hommes<br />

dans <strong>le</strong>ur costume de président de conseil général ou une<br />

bande consciente d'avoir joué un sa<strong>le</strong> tour en bou<strong>le</strong>versant<br />

une partition déjà écrite? On n'a pas voulu <strong>le</strong>s gêner dans ce<br />

moment. Perturber cet instant de « l'après ». Eux ne nous<br />

voyaient pas. Trop occupés à immortaliser <strong>le</strong> moment.<br />

Tac. La photo est faite. Et sonne la fin des États Généraux de<br />

la ruralité. Le <strong>grand</strong> <strong>pari</strong> des <strong>campagne</strong>s a t-il été re<strong>le</strong>vé ? On<br />

a envie, au vu des échanges et de la présence de membres<br />

du gouvernement, de dire oui. De dire qu'ils sont parvenus à<br />

ne pas incarner, malgré eux, une forme de conservatisme,<br />

une batail<strong>le</strong> d’arrière-garde pour sauver une institution, et à<br />

apparaître comme des porteurs d’un modè<strong>le</strong> alternatif<br />

d’organisation du territoire. Il faudra attendre quelques<br />

semaines, quelques mois, pour en avoir la certitude.<br />

On interpel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s mousquetaires. Ils arrivent, un par un.<br />

Souriants. Bruyants. Épuisés. « Champagne ! », lance l'un<br />

d'eux. On <strong>le</strong> sait bien, ils ne prendront pas une coupe. Mais <strong>le</strong><br />

mot traduit la satisfaction. La victoire. Dans un instant, un va<br />

repartir dans la Creuse, un autre dans l'Allier, un troisième<br />

dans <strong>le</strong> Cher. Le dernier joue à domici<strong>le</strong>.<br />

On rentre aussi. A la rédac. Il faut raconter, maintenant. Dire<br />

ce qu'est l'Appel de Nevers. Un appel pour dire qu’une<br />

réforme territoria<strong>le</strong> ne réussira pas sans l'ensemb<strong>le</strong> des<br />

territoires. Ruraux et urbains. Un appel pour dire que <strong>le</strong>s<br />

ruralités sont prêtes à impulser <strong>le</strong> changement, à<br />

»<br />

expérimenter, à une seu<strong>le</strong> condition : qu’on <strong>le</strong>s écoute.<br />

Valérie Mazerol<strong>le</strong><br />

Le Journal du Centre (Groupe Centre France)<br />

4


TABLE RONDE : « Les élites et la ruralité », changeons de regard !<br />

Le jeudi 5 juin 2014, se sont tenus <strong>le</strong>s Etats Généraux des Nouvel<strong>le</strong>s<br />

Ruralités, à la Maison de la Culture de Nevers et de la Nièvre.<br />

Cette journée est animée par M. Jean-Yves Vif, rédacteur en chef de La<br />

Montagne, Centre-France.<br />

ANIMATEUR : M. Jean-Yves VIF, rédacteur en chef de La Montagne, Groupe Centre-France<br />

PARTICIPANTS :<br />

• Mme Hélène COMBE DE LA FUNTE MARTINEZ, observatoire de la décision publique, déléguée généra<strong>le</strong> de<br />

la chaire partenaria<strong>le</strong> « Développement humain durab<strong>le</strong> et territoires »<br />

• Mme Marie-Françoise BECHTEL, directrice de l’ENA de 2000 à 2002, députée de l’Aisne<br />

• M. Gérard-François DUMONT, professeur de géographie à l’Université Paris IV Sorbonne, président de la<br />

revue Population et Avenir<br />

• M. Gérard PELTRE, président de l’association internationa<strong>le</strong> Ruralité-Environnement-Développement (RED)<br />

et du Mouvement européen de la ruralité<br />

Introduction de M. Jean-Yves VIF, rédacteur en chef<br />

de La Montagne, Groupe Centre-France, animateur de la journée<br />

Prélude poétique de M. Jean BOJKO, artiste, metteur en scène,<br />

poète et réalisateur<br />

Mot d’accueil de M. Denis THURIOT, maire de Nevers<br />

et président de Nevers Agglomération<br />

Ouverture par M. Patrice JOLY,<br />

président du Conseil général de la Nièvre<br />

Discours de Mme Sylvia PINEL, ministre du Logement et de l’Egalité<br />

des territoires<br />

Intervention de M. Christophe GUILLUY, géographe, « Redonner un<br />

avenir aux territoires faib<strong>le</strong>ment métropolisés : quels intérêts pour ces<br />

territoires et pour la France ? »<br />

Intervention de M. Denis MUZET, sociologue et président de l’Institut<br />

Médiascopie - Etude « Les mots des nouvel<strong>le</strong>s ruralités » : réinventer un<br />

récit politique qui fasse sens<br />

Echanges avec l’assistance<br />

CONCLUSION DE LA TABLE RONDE :<br />

« Les élites et la ruralité », changeons de regard !<br />

Discours de M. Patrick KANNER, trésorier de l’Assemblée<br />

des Départements de France et président du Conseil<br />

général du Nord<br />

6


Introduction de M. Jean-Yves VIF<br />

Intervention de M. Patrice JOLY<br />

Discours de M. André VALLINI, secrétaire<br />

d’Etat à la Réforme territoria<strong>le</strong><br />

André VALLINI et l’assistance<br />

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES :<br />

« s’organiser pour al<strong>le</strong>r plus loin»<br />

• M. Jean-Paul DUFREGNE, président du Conseil général de l’Allier<br />

• M. Jean-Pierre SAULNIER, président du Conseil général du Cher<br />

• M. Jean-Jacques LOZACH, président du Conseil général de la Creuse<br />

• M. Patrice JOLY, président du Conseil général de la Nièvre<br />

« L’appel de Nevers », déclaration des présidents de Conseils généraux<br />

TABLE RONDE : Avenir économique et social des <strong>campagne</strong>s :<br />

quel<strong>le</strong> valorisation opérationnel<strong>le</strong> de <strong>le</strong>urs atouts ?<br />

ANIMATEUR : M. Dominique VOLLET, économiste, directeur de l’Unité de Recherche à<br />

l’IRSTEA de C<strong>le</strong>rmont-Ferrand<br />

PARTICIPANTS :<br />

• M. Hervé GUYOMARD, directeur scientifique « Agriculture » de l’INRA<br />

• M. Pierre MARTIN, président de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de Bourgogne<br />

• M. Jean-Pierre AUBERT, président de la mission « Anticipation et accompagnement des<br />

mutations économiques » auprès du Premier ministre, président de SNCF Développement et<br />

secrétaire général de la Chaire « Mutations – Anticipations – Innovations »<br />

• M. Asko PELTOLA, président du Conseil régional d’Ostrobothnie du Sud (Finlande)<br />

• M. Patrice SOUDAN, directeur général adjoint du Groupe LEGRAND<br />

Echanges avec l’assistance<br />

7


M. Jean-Yves VIF<br />

Rédacteur en chef de La Montagne,<br />

Groupe Centre-France,<br />

animateur de la journée.<br />

«<br />

Ces Etats Généraux des Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités, « <strong>le</strong> Grand<br />

Pari des <strong>campagne</strong>s » s’inscrivent dans une actualité<br />

que nous aborderons bien évidemment, cel<strong>le</strong> de la<br />

réforme territoria<strong>le</strong>.<br />

«Par<strong>le</strong>r – enfin ! –<br />

des <strong>campagne</strong>s<br />

de façon positive»<br />

Mais c’est la volonté affichée d’al<strong>le</strong>r beaucoup plus<br />

loin, avec quatre Présidents de Conseils généraux :<br />

Jean-Paul Dufrègne pour l’Allier, Patrice Joly pour la<br />

Nièvre, Jean-Pierre Saulnier pour <strong>le</strong> Cher et<br />

Jean-Jacques Lozach pour la Creuse, et de par<strong>le</strong>r –<br />

enfin ! – des <strong>campagne</strong>s de façon positive.<br />

La Nièvre étant un département original, <strong>le</strong> Conseil<br />

général s’est adressé<br />

»<br />

à un poète, Jean Bojko, pour ces<br />

quelques vers.<br />

8<br />

La Seine est plus bel<strong>le</strong> que la rivière qui traverse mon village,<br />

Mais la Seine n’est pas plus bel<strong>le</strong> que la rivière qui traverse mon village<br />

Parce que la Seine, ce n’est pas la rivière qui traverse mon village.<br />

Oh, je <strong>le</strong> sais, au-delà de la Seine, il y a l’Amérique<br />

Et la fortune pour ceux qui <strong>le</strong> veu<strong>le</strong>nt et <strong>le</strong> croient,<br />

Mais qui se demande encore ce qu’il peut bien y avoir<br />

Au-delà de la rivière de mon village ? (Applaudissements.)<br />

M. Jean BOJKO<br />

Artiste, metteur en scène,<br />

poète et réalisateur.


Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Nous sommes ici réunis en cette vil<strong>le</strong><br />

de Nevers et nous verrons tout au<br />

long de la journée qu’il s’agit<br />

justement de ne pas opposer vil<strong>le</strong> et<br />

<strong>campagne</strong>, urbain et rural.<br />

Nous sommes accueillis par <strong>le</strong><br />

nouveau de maire, M. Denis Thuriot.<br />

M. Denis THURIOT<br />

Maire de Nevers et président<br />

de Nevers Agglomération<br />

«Madame la Ministre, mesdames, messieurs <strong>le</strong>s<br />

Députés, mesdames, messieurs <strong>le</strong>s Sénateurs,<br />

messieurs <strong>le</strong>s Présidents des Conseils généraux,<br />

mesdames et messieurs <strong>le</strong>s membres des Conseils<br />

régionaux et généraux, mesdames, messieurs <strong>le</strong>s<br />

Maires, mesdames, messieurs <strong>le</strong>s élus, mes chers<br />

collègues, je suis heureux en tant que Maire de Nevers<br />

et Président de Nevers Agglomération d’accueillir<br />

aujourd’hui <strong>le</strong>s Etats Généraux des Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités.<br />

La Nièvre en a été, monsieur <strong>le</strong> Président du Conseil<br />

général, cher Patrice, l’un des acteurs majeurs de sa<br />

création avec vos collègues de l’Allier, du Cher et de la<br />

Creuse.<br />

Par<strong>le</strong>r aujourd’hui de nouvel<strong>le</strong>s ruralités, c’est<br />

envisager pour demain <strong>le</strong>s changements<br />

fondamentaux qu’auront à porter <strong>le</strong>s actions politiques<br />

pour soutenir <strong>le</strong>s <strong>grand</strong>es forces de notre pays qui sont<br />

aussi cel<strong>le</strong>s de notre département, de l’agglomération<br />

et des autres intercommunalités. Si nous voulons dans<br />

l’avenir renforcer la force et l’attractivité de nos<br />

territoires, nous devons générer un intérêt et définir un<br />

objectif commun entre secteurs urbains et secteurs<br />

ruraux, comme vous l’avons d’ail<strong>le</strong>urs fait à Nevers<br />

pour l’élaboration du SCOT du Grand Nevers avec <strong>le</strong>s<br />

autres communes participantes.<br />

Cette logique de développement à la fois économique,<br />

démographique, socia<strong>le</strong> et qui touche tous <strong>le</strong>s<br />

domaines du quotidien de nos concitoyens est un<br />

enjeu d’autant plus important aujourd’hui que, <strong>le</strong><br />

Président de la République l’a annoncé, <strong>le</strong>s réformes<br />

territoria<strong>le</strong>s à venir vont profondément redessiner nos<br />

territoires pour <strong>le</strong>s adapter à une échel<strong>le</strong> européenne.<br />

Cette reconstruction à l’échel<strong>le</strong> nationa<strong>le</strong> doit être<br />

suivie par une redéfinition et une réf<strong>le</strong>xion sur la<br />

nouvel<strong>le</strong> identité de nos territoires pour ne pas laisser à<br />

la traîne des espaces ruraux qui attirent de plus en<br />

plus, mais effraient aussi parfois par <strong>le</strong>ur éloignement<br />

des zones d’activité et, de ce fait, ne bénéficient pas<br />

toujours d’une image attrayante.<br />

«Les mouvements<br />

démographiques<br />

actuels doivent nous<br />

inciter à penser<br />

autrement la ruralité»<br />

Alors, si la métropolisation est un passage nécessaire<br />

pour faire face aux enjeux européens – et je suis à<br />

mon niveau un défenseur de ce travail en assemblée<br />

–, el<strong>le</strong> n’est pas la solution à tout. Les mouvements<br />

démographiques actuels des vil<strong>le</strong>s vers que ce que l’on<br />

appel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s <strong>campagne</strong>s doivent nous inciter à penser<br />

autrement la ruralité.<br />

Monsieur <strong>le</strong> Président du Conseil général, avec ce<br />

nouveau slogan « La Nièvre n’est pas <strong>le</strong> bout du<br />

monde, mais un bout du monde », vous avez<br />

parfaitement exprimé la vision que nous devons avoir<br />

de nos territoires ruraux qui regroupent 60 % de notre<br />

population : un territoire qui ne soit plus ni dépendant<br />

ni opposé, mais un territoire qui soit complémentaire<br />

des <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s qui se dessinent.<br />

L’adoption <strong>le</strong> 3 décembre dernier par l’Assemblée des<br />

Départements de France du rapport sur <strong>le</strong>s perspectives<br />

stratégiques pour <strong>le</strong> développement des territoires<br />

ruraux était une première étape qui nous conduit<br />

aujourd’hui à nous pencher sur l’application concrète<br />

de ces 60 propositions. Cel<strong>le</strong>s-ci répondent à cette idée<br />

selon laquel<strong>le</strong> la mondialisation est aujourd’hui un<br />

obstac<strong>le</strong> aux spécificités de chaque territoire. Plus<br />

encore, ce rapport redonne à la ruralité un rô<strong>le</strong> majeur<br />

dans <strong>le</strong> paysage national et, au-delà, européen. Il<br />

remet en avant <strong>le</strong>s outils et <strong>le</strong>s atouts qui nous<br />

permettront, à nous élus de territoires ruraux, de ne<br />

plus nous demander comment nous pouvons nous<br />

protéger de la mondialisation, mais à nous poser la<br />

question plutôt de savoir comment nous pouvons nous<br />

développer, nous enrichir et bénéficier de cette<br />

mondialisation. Il permettra éga<strong>le</strong>ment aux élus de ne<br />

plus considérer, comme l’a souligné Christophe Guilluy,<br />

qu’il n’y a rien au-delà des <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s. C’est<br />

un fait que nous connaissons dans la Nièvre, étant<br />

isolés de notre capita<strong>le</strong> bourguignonne, Dijon, et qui<br />

suscite encore plus d’inquiétudes avec la réforme<br />

territoria<strong>le</strong> qui se précise.<br />

L’intitulé de ces Etats Généraux « Campagnes, <strong>le</strong> <strong>grand</strong><br />

<strong>pari</strong> » résume la responsabilité qui sera la nôtre :<br />

redonner à la ruralité son rô<strong>le</strong> démographique,<br />

économique et culturel dans <strong>le</strong> paysage national, tout<br />

en respectant ses spécificités et en pesant de notre<br />

poids politique pour que ce l’on appelait autrefois « la<br />

France profonde » remonte – enfin ! – à la surface. Il<br />

est temps que la « majorité si<strong>le</strong>ncieuse » puisse<br />

retrouver son rô<strong>le</strong> d’acteur dynamique et faire<br />

entendre sa complémentarité. La France rura<strong>le</strong> n’est<br />

pas un sous-territoire. Nous sommes là aujourd’hui<br />

pour, au contraire, affirmer que nous sommes des<br />

territoires alternatifs, complémentaires et innovants,<br />

qui prendront dans l’avenir tout <strong>le</strong> poids de <strong>le</strong>ur<br />

importance. Pour ceux qui pourraient encore en douter,<br />

rappelons-nous que, voilà 100 ans, c’est <strong>le</strong> bois extrait<br />

de notre Morvan qui permettait à Paris, au « Grand<br />

Paris » en guise de jeu de mots avec l’intitulé de cette<br />

journée « Campagnes, <strong>le</strong> <strong>grand</strong> <strong>pari</strong> », de se chauffer.<br />

Bienvenue à Nevers ! Bienvenue dans la capita<strong>le</strong> pour<br />

»<br />

un jour de la ruralité !<br />

(Applaudissements)<br />

9


1 ère PARTIE : Mot d’accueil<br />

10<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

La transition est assurée avec un élu du Morvan,<br />

<strong>le</strong> Président du Conseil général de la Nièvre,<br />

Patrice Joly. Avec nombre d’entre vous,<br />

mesdames, messieurs, il a fait du combat pour la<br />

défense de la ruralité son credo, son projet parmi<br />

d’autres, mais celui-ci est essentiel.<br />

M. Patrice JOLY<br />

Président du Conseil général<br />

de la Nièvre.<br />

«Madame la Ministre, mesdames, messieurs <strong>le</strong>s élus,<br />

mesdames, messieurs <strong>le</strong>s représentants du monde<br />

associatif, des secteurs public et privé, professionnels,<br />

bénévo<strong>le</strong>s, en fait toutes et tous citoyens, plus de 600<br />

aujourd’hui ici réunis, nous avons été obligés de clore <strong>le</strong>s<br />

inscriptions pour des raisons logistiques. Oui, il se passe<br />

réel<strong>le</strong>ment quelque chose : un mouvement est en<br />

marche.<br />

«Un mouvement est<br />

en marche»<br />

Permettez-moi d’adresser un salut particulier à mes<br />

collègues Présidents de Conseils généraux : quinze<br />

aujourd’hui présents dans cette sal<strong>le</strong> et une quinzaine<br />

d’autres représentés par <strong>le</strong>ur premier Vice-président.<br />

J’adresse éga<strong>le</strong>ment un salut amical à mes trois<br />

collègues du Cher, de l’Allier et de la Creuse – je <strong>le</strong>s cite,<br />

qu’ils se rassurent, sans aucun ordre de préférence ! –<br />

pour la bel<strong>le</strong> aventure que nous vivons depuis maintenant<br />

deux ans. Au-delà du travail politique que nous<br />

menons de manière sérieuse et sincère, nous avons su<br />

nouer des liens d’amitié. Construire une bel<strong>le</strong> aventure<br />

humaine, c’est éga<strong>le</strong>ment ainsi qu’il convient de<br />

concevoir l’engagement et c’est un facteur d’efficacité.<br />

Je tiens aussi à saluer l’intervenant précédent, Denis<br />

Thuriot, Maire de Nevers, en <strong>le</strong> remerciant à la fois de sa<br />

présence et de ses propos à l’instant, ainsi que du<br />

partenariat noué avec <strong>le</strong>s services du Conseil général<br />

pour nous accueillir dans <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>ures conditions<br />

possib<strong>le</strong>s.<br />

«Cette réforme porte un<br />

mauvais coup aux<br />

espaces ruraux»<br />

Vous êtes conscients que nous sommes aujourd’hui à<br />

un moment historique pour <strong>le</strong>s territoires ruraux, avec<br />

cette réforme annoncée de la carte institutionnel<strong>le</strong><br />

loca<strong>le</strong>. Il faut <strong>le</strong> dire et je voudrais que vous<br />

l’entendiez, madame la Ministre, et que vous adressiez<br />

nos propos au Gouvernement et au Président de la<br />

République, cette réforme porte un mauvais coup aux<br />

espaces ruraux, avec la « dévitalisation » des<br />

départements, terme utilisé par <strong>le</strong> Secrétaire d’Etat,<br />

André Vallini, voilà un ou deux jours, puis <strong>le</strong>ur<br />

suppression. Nous y reviendrons cet après-midi en sa<br />

présence car je ne voudrais pas que <strong>le</strong>s enjeux de cette<br />

journée importante soient occultés par ce seul aspect<br />

institutionnel, nous entraînant dans une posture qui<br />

pourrait apparaître défensive. Non, nos territoires<br />

ruraux ne sont pas en situation défensive. Ils croient en<br />

<strong>le</strong>ur avenir et ils souhaitent faire partager cette<br />

conviction à tous, notamment aux décideurs politiques,<br />

administratifs, économiques et médiatiques. Tel est<br />

l’objet de la première tab<strong>le</strong> ronde en votre présence,<br />

madame la Ministre. Vous interviendrez en conclusion<br />

et pour porter <strong>le</strong> message du Gouvernement sur <strong>le</strong>s<br />

enjeux de l’aménagement du territoire et la réf<strong>le</strong>xion<br />

portée par vous-même et vos services.<br />

Changer <strong>le</strong>s représentations sur <strong>le</strong>s espaces ruraux est<br />

un enjeu important, notamment, je <strong>le</strong> disais, auprès<br />

des élites. Il faut qu’el<strong>le</strong>s deviennent fières de la


uralité française. Pour changer <strong>le</strong> regard, il nous faut<br />

revisiter <strong>le</strong>s données, notamment statistiques, mettre<br />

en perspective <strong>le</strong>s références actuel<strong>le</strong>s qui doivent être<br />

questionnées pour mieux prendre en compte la réalité<br />

de la France. Tel est l’objet de l’intervention de<br />

Christophe Guilluy. Il nous faut comprendre éga<strong>le</strong>ment<br />

<strong>le</strong>s attentes de nos concitoyens, qu’ils soient ruraux ou<br />

urbains. Tel est <strong>le</strong> travail que nous avons mené avec<br />

l’Institut Médiascopie depuis plusieurs mois et qui vous<br />

sera présenté.<br />

A partir de ces attentes, il sera possib<strong>le</strong> de construire <strong>le</strong><br />

récit de la ruralité du XXIème sièc<strong>le</strong> et de participer à la<br />

construction du sens et de l’avenir de la France à<br />

travers <strong>le</strong>s caractéristiques particulières de notre pays<br />

représentées par son espace rural. Cette ruralité est, en<br />

effet, l’une des caractéristiques historiques, politiques<br />

et géographiques de la France. El<strong>le</strong> a fondé la<br />

République et construit <strong>le</strong>s mentalités. El<strong>le</strong> offre<br />

aujourd’hui à notre pays un avantage réel. La France a<br />

<strong>le</strong> plus bel espace rural d’Europe par sa superficie, par<br />

sa diversité, par ses ressources humaines qui la<br />

composent et par ses ressources naturel<strong>le</strong>s. C’est, pour<br />

emprunter <strong>le</strong> langage des adeptes de la compétition,<br />

un « avantage concurrentiel » qu’il ne nous faut pas<br />

négliger, notamment sur <strong>le</strong> plan économique. Ce sera<br />

<strong>le</strong> thème de la tab<strong>le</strong> ronde de cet après-midi :<br />

économie et ruralité.<br />

Nos territoires ruraux ont une vocation économique, qui<br />

n’est pas simp<strong>le</strong>ment une vocation de production<br />

agrico<strong>le</strong> ou forestière, voire de ressourcement pour<br />

citadins fatigués. Nos territoires ruraux ont une place<br />

réel<strong>le</strong> en matière d’économie verte. Nos territoires<br />

ruraux présentent éga<strong>le</strong>ment des avantages pour <strong>le</strong>s<br />

<strong>grand</strong>es entreprises qui y sont installées si el<strong>le</strong>s savent<br />

en tirer parti. Nos territoires ruraux ont une histoire<br />

industriel<strong>le</strong>, une actualité industriel<strong>le</strong> et ils revendiquent<br />

un avenir industriel.<br />

C’est, par ail<strong>le</strong>urs, la question de la valorisation des<br />

aménités, c’est-à-dire ce que nos territoires ruraux<br />

apportent à l’ensemb<strong>le</strong> de la société. Je prendrai comme<br />

seul exemp<strong>le</strong> la question de la filtration de l’eau et de<br />

l’air, une fonction très peu valorisée sur <strong>le</strong> plan financier<br />

et très peu prise en compte dans <strong>le</strong>s apports de nos<br />

territoires à l’ensemb<strong>le</strong> du pays et,<br />

au-delà même, au monde. Pour ne prendre qu’une seu<strong>le</strong><br />

illustration de mon propos, savez-vous que <strong>le</strong> bois extrait<br />

de la forêt ne représenterait, selon de récentes études<br />

sérieuses, que 10 % de la va<strong>le</strong>ur réel<strong>le</strong> et de l’apport à<br />

notre société ? C’est dire l’immensité du travail à<br />

accomplir sur ce sujet-là !<br />

«Les ruralités sont un atout<br />

pour la France et peuvent<br />

participer au redressement<br />

de notre pays !»<br />

Nous sommes au cœur des enjeux du développement<br />

durab<strong>le</strong>. Alors, oui, la ruralité a du potentiel ! Oui, <strong>le</strong>s<br />

ruralités sont modernes et créatrices ! Oui, <strong>le</strong>s ruralités<br />

sont en mesure de construire <strong>le</strong>ur développement ! Oui,<br />

<strong>le</strong>s ruralités sont un atout pour la France et peuvent<br />

participer, plus que certains ne <strong>le</strong> pensent, au<br />

redressement de notre pays ! A ce titre, el<strong>le</strong>s sont prêtes<br />

à se prendre en charge. C’est ce que nous faisons au<br />

quotidien. C’est ce que nous exprimons depuis deux ans<br />

avec <strong>le</strong> rassemb<strong>le</strong>ment progressif de départements,<br />

aujourd’hui au nombre de 34. C’est ce que nous avons<br />

exprimé l’an dernier à Vichy, mais éga<strong>le</strong>ment en<br />

décembre dernier avec ce rapport sur <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s<br />

ruralités qui a été très bien accueilli. C’est ce que nous<br />

allons exprimer aujourd’hui à travers nos échanges.<br />

Je souhaite donc que cette journée apparaisse comme <strong>le</strong><br />

lancement national d’un « printemps des territoires »<br />

vivants, déterminés, exigeants avec eux-mêmes et à<br />

l’égard de l’Etat qui doit mettre en place une vraie<br />

politique de la ruralité. Nous sommes, quant à nous,<br />

prêts à nous engager avec lui dans un vrai pacte pour <strong>le</strong><br />

développement économique et la création d’emplois.<br />

Bonne journée à toutes et à tous !<br />

(Applaudissements)<br />

»<br />

11


Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Patrice Joly, vous évoquiez <strong>le</strong> colloque de Vichy<br />

qui s’est tenu voilà juste un an. Il a marqué <strong>le</strong><br />

lancement d’un mouvement fédérateur.<br />

Dites-nous ce qui, depuis, a changé concrètement<br />

dans vos revendications et votre état d’esprit ?<br />

«Il a d’abord changé notre regard. Il se trouve que,<br />

depuis, ce mouvement a témoigné de la vitalité et de<br />

la force de ces territoires ruraux et <strong>le</strong>s pouvoirs publics<br />

ont pris en compte notre démarche. Nous avons été<br />

reçus à différentes occasions par <strong>le</strong>s ministres en<br />

charge de ces questions, ainsi qu’à Matignon et à la<br />

Présidence de la République sur ces thèmes de la<br />

ruralité.<br />

«Il nous faut bouscu<strong>le</strong>r<br />

notre regard»<br />

Néanmoins, <strong>le</strong> travail reste à réaliser. Il nous faut<br />

continuer à « labourer » et à être déterminés parce<br />

que nous affichons une revendication que nous<br />

n’avons pas pu obtenir. Début avril, avec mes trois<br />

autres collègues du Centre de la France, nous avions<br />

adressé une demande visant à instaurer un véritab<strong>le</strong><br />

ministère de la ruralité, à l’instar du ministère en<br />

charge de la vil<strong>le</strong>. Certes, madame la ministre, il existe<br />

un ministère de l’Egalité des territoires, sauf qu’un<br />

ministre dédié à la ruralité serait à même, en<br />

participant aux discussions, de « bouscu<strong>le</strong>r » et de<br />

faire pencher <strong>le</strong>s arbitrages juridiques et d’orientation<br />

politique, mais éga<strong>le</strong>ment budgétaires en faveur de<br />

nos territoires ruraux.<br />

Faire en sorte que la ruralité puisse être prise en<br />

compte au plus haut niveau, parmi <strong>le</strong>s dirigeants que<br />

nous sollicitons et interpellons, reste l’une de nos<br />

priorités. C’est la raison pour laquel<strong>le</strong> je pense que plus<br />

nous serons nombreux dans cette démarche, plus <strong>le</strong><br />

mouvement qui ne fait que commencer fera bou<strong>le</strong> de<br />

neige. Il nous faut donc continuer en ce sens pour<br />

pouvoir peser. Nous ne représentons pas 20 % de la<br />

population. Non ! Selon <strong>le</strong>s critères, et comme <strong>le</strong><br />

rappel<strong>le</strong> Christophe Guilluy lui-même, nous<br />

représentons <strong>le</strong>s communes de moins de 10 000<br />

habitants, <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s pèsent 60 % de la population<br />

française. Même si certaines font partie de métropo<strong>le</strong>s,<br />

ce n’est pas la même chose que de considérer que <strong>le</strong>s<br />

métropolitains représentent 80 % de la population, en<br />

tout cas que 80 % d’habitants vivent dans des <strong>grand</strong>es<br />

vil<strong>le</strong>s.<br />

Il nous faut bouscu<strong>le</strong>r notre regard et nous y<br />

»<br />

participons depuis maintenant quelques mois.<br />

(Applaudissements)<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Merci, Patrice Joly, de nous aider à<br />

bouscu<strong>le</strong>r <strong>le</strong> regard !<br />

12


Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Le Président de l’ADF, M. Claudy Lebreton, retenu par<br />

un impératif gouvernemental, est représenté par son<br />

trésorier M. Patrick Kanner, Président du Conseil<br />

général du plus <strong>grand</strong> département de France, <strong>le</strong><br />

Nord, avec 2,6 millions d’habitants. Contrairement à<br />

ce que certains pourraient croire, il ne s’agit pas d’un<br />

département urbain, <strong>le</strong> Nord comptant 600 000<br />

ruraux.<br />

Merci, monsieur <strong>le</strong> Président, de nous avoir rejoints<br />

pour témoigner du regard et de la voix de l’ADF !<br />

Merci éga<strong>le</strong>ment de vous joindre au mouvement !<br />

«Madame la Ministre, madame la Préfète, mesdames,<br />

messieurs <strong>le</strong>s Par<strong>le</strong>mentaires, mesdames, messieurs,<br />

chers collègues, élus territoriaux, monsieur <strong>le</strong> Maire,<br />

mesdames, messieurs, cher Patrice, cher Jean-Pierre,<br />

cher Jean-Paul, cher Jean-Jacques, vous qui êtes <strong>le</strong>s<br />

initiateurs de cette rencontre, je veux, en ouverture de<br />

mon propos, tout d’abord excuser <strong>le</strong> Président de<br />

l’Assemblée des Départements de France, Claudy<br />

Lebreton. Je sais qu’il aurait été très heureux d’être là<br />

parmi nous et avec vous pour cette journée<br />

importante, mais un congrès est une chose et une<br />

visite ministériel<strong>le</strong> en est une autre et il est retenu<br />

dans <strong>le</strong>s Côtes-d’Armor. Je tiens à lui rendre un<br />

hommage vibrant pour la détermination qui est la<br />

sienne, pour <strong>le</strong> cap qu’il fixe à l’ADF dans un moment<br />

de <strong>grand</strong>es turbu<strong>le</strong>nces. Le combat qu’il mène est<br />

juste. J’essayerai de rappe<strong>le</strong>r aujourd’hui la mission<br />

qu’il nous a demandé de porter devant vous. C’est<br />

donc en son nom que j’interviens aujourd’hui, mais<br />

aussi en tant que Président d’un département, <strong>le</strong> Nord,<br />

qui adhère à la démarche engagée par <strong>le</strong>s<br />

départements de la Nièvre, de l’Allier, du Cher et de la<br />

Creuse, avec <strong>le</strong> soutien sans réserve de l’ADF.<br />

possède éga<strong>le</strong>ment et fort heureusement un espace<br />

rural dans <strong>le</strong>quel vivent quelque 600 000 habitants,<br />

soit un nordiste sur quatre. Mesdames, messieurs,<br />

vous avez devant vous <strong>le</strong> Président du plus <strong>grand</strong><br />

département rural de France !<br />

Je concède que la ruralité se vit différemment en<br />

fonction de la densité de population et, par voie de<br />

conséquence, de la densité des services à la<br />

population. Néanmoins, excepté peut-être pour Paris et<br />

ses départements limitrophes, tous <strong>le</strong>s départements<br />

– je dis bien tous – entretiennent avec la ruralité des<br />

liens fidè<strong>le</strong>s et privilégiés, attentifs qu’ils sont à gérer<br />

<strong>le</strong>s équilibres subtils entre <strong>le</strong>s différents usages et <strong>le</strong>s<br />

différentes fonctions qui composent la richesse d’un<br />

territoire. Ces politiques de proximité, appréciées pour<br />

<strong>le</strong>ur pertinence, sont éga<strong>le</strong>ment créatrices d’identité et<br />

de diversité. « L’unité n’est pas l’uniformité ».<br />

Rappelons-nous cette phrase de Lionel Jospin dans la<br />

vision qui était la sienne de la décentralisation.<br />

M. Patrick KANNER<br />

Trésorier de l’Assemblée<br />

des Départements de France<br />

et président du Conseil<br />

général du Nord<br />

«Il y a une vie en dehors des<br />

métropo<strong>le</strong>s, et la ruralité est<br />

l’un des éléments de l’ADN<br />

de notre République !»<br />

Cette précision me permet d’ail<strong>le</strong>urs de <strong>le</strong>ver, si besoin<br />

est, une ambiguïté : <strong>le</strong> Nord, plus <strong>grand</strong> département<br />

de France par sa population, comme il vient d’être<br />

rappelé, réputé à juste titre industriel et urbain,<br />

13


« Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités – Campagnes, <strong>le</strong> <strong>grand</strong> <strong>pari</strong> », <strong>le</strong><br />

titre du rapport de la mission « Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités »<br />

m’apparaît particulièrement bien choisi car au-delà du<br />

jeu de mots qui sonne naturel<strong>le</strong>ment à l’oreil<strong>le</strong>, en<br />

référence à notre <strong>grand</strong>e métropo<strong>le</strong> nationa<strong>le</strong>, <strong>le</strong><br />

« <strong>grand</strong> <strong>pari</strong> » représentait pour moi d’abord celui de<br />

«La ruralité est une réalité<br />

géographique qui présente<br />

plus d’atouts que de<br />

faib<strong>le</strong>sses»<br />

l’optimisme, du volontarisme, de l’audace, de la<br />

capacité à construire. Autant de qualités qui<br />

caractérisent <strong>le</strong>s élus, agents publics et acteurs locaux<br />

qui œuvrent quotidiennement au maintien d’une ruralité<br />

vivante, avec un <strong>le</strong>itmotiv fort et constant : agir pour <strong>le</strong>s<br />

solidarités socia<strong>le</strong> et territoria<strong>le</strong>.<br />

Oui, mes chers collègues, mesdames, messieurs, il y a<br />

une vie en dehors des métropo<strong>le</strong>s, et la ruralité est l’un<br />

des éléments de l’ADN de notre République !<br />

Oui, <strong>le</strong> « <strong>grand</strong> <strong>pari</strong> », notre et votre « <strong>grand</strong> <strong>pari</strong> » est<br />

de rappe<strong>le</strong>r haut et fort que la ruralité est une réalité<br />

géographique qui présente plus d’atouts que de<br />

faib<strong>le</strong>sses, pour autant que l’on sache faire fructifier ces<br />

atouts. Votre « <strong>grand</strong> <strong>pari</strong> » est de démontrer qu’il<br />

existe bien une ruralité dynamique et attractive, capab<strong>le</strong><br />

d’innover et d’apporter une contribution essentiel<strong>le</strong> au<br />

développement économique durab<strong>le</strong> des territoires car<br />

l’innovation, maître mot d’une économie moderne, ne<br />

saurait être l’apanage de <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s.<br />

L’innovation est et doit demeurer l’affaire de tous !<br />

Les idées germent au sein des territoires et se diffusent<br />

sans <strong>grand</strong> bruit médiatique sauf aujourd’hui !<br />

(Sourires) via <strong>le</strong>s réseaux d’élus et de fonctionnaires<br />

transformant ces idées nouvel<strong>le</strong>s en actions durab<strong>le</strong>s.<br />

Le rapport de la mission « Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités », dont je<br />

tiens à souligner la qualité au nom du Président<br />

Lebreton, identifie 25 propositions cohérentes et<br />

constructives, qui méritent d’être largement relayées à<br />

tous <strong>le</strong>s niveaux de décision. C’est aussi l’enjeu de notre<br />

rencontre de ce jour. Certaines font déjà l’objet<br />

d’expérimentations. Il en est une qui m’apparaît<br />

particulièrement centra<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s territoires : <strong>le</strong><br />

développement des réseaux numériques sans <strong>le</strong>squels<br />

<strong>le</strong>s territoires ruraux pourraient connaître un déclin<br />

irrémédiab<strong>le</strong>. L’enjeu est très important car, à l’opposé<br />

d’un discours optimiste et volontariste sur <strong>le</strong>s atouts de<br />

la ruralité, il convient aussi de considérer que ces<br />

territoires peuvent aussi bien, si l’on n’en prend pas<br />

garde, devenir sans bruit des territoires de relégation, de<br />

déclassement, ce que, bien naturel<strong>le</strong>ment, nous ne<br />

voulons pas.<br />

Ces territoires ne veu<strong>le</strong>nt pas et ne réclament pas de la<br />

compassion, mais simp<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s outils de l’équité <strong>le</strong>ur<br />

permettant d’agir. Là encore, c’est bien aux<br />

départements qu’il revient aujourd’hui de faire en sorte<br />

qu’aucun territoire ne soit victime de ce phénomène de<br />

relégation.<br />

«Ces territoires veu<strong>le</strong>nt<br />

<strong>le</strong>s outils de l’équité <strong>le</strong>ur<br />

permettant d’agir»<br />

Dans <strong>le</strong> contexte d’une réforme annoncée qui prévoit<br />

l’évaporation <strong>le</strong>nte des départements, laquel<strong>le</strong> a<br />

commencé voilà dix ans avec notre asphyxie financière<br />

progressive et pourrait continuer par une<br />

« dévitalisation », mot utilisé par André Vallini,<br />

permettez au Président d’une col<strong>le</strong>ctivité<br />

départementa<strong>le</strong> ce rappel : depuis la décentralisation<br />

engagée par un <strong>grand</strong> Premier ministre, Pierre Mauroy,<br />

ces départements n’ont pas cessé depuis trente ans de<br />

promouvoir <strong>le</strong>s solidarités socia<strong>le</strong> et territoria<strong>le</strong>, de<br />

conforter et de consolider <strong>le</strong>s services publics locaux, de<br />

travail<strong>le</strong>r à la mise en va<strong>le</strong>ur des patrimoines naturel et<br />

culturel, d’encourager <strong>le</strong>s initiatives loca<strong>le</strong>s tout en<br />

respectant l’autonomie de <strong>le</strong>urs partenaires locaux.<br />

Permettez-moi aussi de dire, quelque peu ému,<br />

combien je suis b<strong>le</strong>ssé d’entendre certains<br />

commentaires visant des élus départementaux, élus de<br />

la République qualifiés parfois de « conservateurs »,<br />

voire « d’archaïques », l’expression même<br />

« d’archéo-notab<strong>le</strong>s » ayant pu être utilisée et relatée<br />

dans un hebdomadaire satirique bien connu, sortant <strong>le</strong><br />

mercredi… (Sourires)<br />

« Conservateurs », <strong>le</strong>s 4 000 conseil<strong>le</strong>rs généraux ?<br />

Quel<strong>le</strong> question, alors même que nous avons et que<br />

vous avez p<strong>le</strong>in d’idées pour améliorer la vie de nos<br />

concitoyens dans la coopération, la concertation et<br />

l’optimisation de la dépense publique !<br />

« Conservateurs », <strong>le</strong>s 285 000 fonctionnaires<br />

territoriaux ? Bien évidemment, non, mais sûrement<br />

déçus, incrédu<strong>le</strong>s et légitimement inquiets sur <strong>le</strong>ur<br />

devenir.<br />

« Les départements ont vécu » a dit notre Président de<br />

la République, mon ami politique François Hollande…<br />

Tout juste pourrait-on <strong>le</strong>ur concéder au moins d’avoir<br />

été de bons et loyaux serviteurs de la nation, endossant<br />

durant de longues années, sans rechigner, de lourdes<br />

charges financières dont l’Etat s’est dé<strong>le</strong>sté sans en<br />

assurer la compensation intégra<strong>le</strong>. Je pense notamment<br />

au financement des trois allocations individuel<strong>le</strong>s de<br />

solidarité. (Applaudissements)<br />

14


Mes chers collègues, mesdames, messieurs, des<br />

économies sont à faire, sans nul doute ! La signature<br />

de la France est en jeu, mais nous sommes déjà<br />

engagés, et ce sera dur, avec l’ensemb<strong>le</strong> des<br />

col<strong>le</strong>ctivités territoria<strong>le</strong>s à hauteur de 11 Mds€ dans<br />

l’effort de redressement national qui nous attend. Mais<br />

je n’oublie pas, et <strong>le</strong> Président Lebreton m’en fera <strong>le</strong><br />

reproche, de rappe<strong>le</strong>r aussi <strong>le</strong>s 47 Mds€ déjà<br />

économisés par l’Etat au travers des différents<br />

transferts de compétences assumés depuis dix ans<br />

notamment par <strong>le</strong>s départements.<br />

Al<strong>le</strong>r plus loin et dans quel<strong>le</strong>s conditions ?<br />

Prenons garde que <strong>le</strong> « big-bang territorial » ne casse<br />

des savoir-faire et des dynamiques constructives ou<br />

qu’a contrario, il ne s’accompagne d’un long cortège<br />

de faux frais qui ira in fine à l’encontre des objectifs de<br />

compétitivité annoncés !<br />

Oui, mes chers collègues, il y a une vérité en dehors<br />

des diktats de Bercy et de ces thuriféraires prompts à<br />

nous regarder avec suffisance, voire avec mépris. Mais<br />

prenons garde surtout à ce que cela ne conduise in fine<br />

à un appauvrissement démocratique par <strong>le</strong> seul fait<br />

d’éloigner davantage <strong>le</strong>s citoyens des instances<br />

décisionnel<strong>le</strong>s ! Cette forme de déstructuration<br />

territoria<strong>le</strong> fait bien aujourd’hui <strong>le</strong>s affaires de<br />

l’idéologie nationa<strong>le</strong> populiste qui se nourrit des<br />

inquiétudes et de la perte de repères de nos<br />

concitoyens.<br />

Au contraire, la décentralisation doit être l’occasion de<br />

« revitaliser » notre démocratie et nous en avons bien<br />

besoin si l’on considère <strong>le</strong>s résultats comparés des<br />

dernières é<strong>le</strong>ctions.<br />

La position de l’ADF est simp<strong>le</strong> et claire : nous sommes<br />

favorab<strong>le</strong>s à une réforme territoria<strong>le</strong> concertée,<br />

réel<strong>le</strong>ment décentralisatrice, accompagnée d’une<br />

clarification des compétences des différents niveaux de<br />

col<strong>le</strong>ctivités et aussi d’une redéfinition du rô<strong>le</strong> de l’Etat<br />

qui ne peut échapper à l’évaluation de sa pertinence<br />

territoria<strong>le</strong>.<br />

Dans une France composée demain de <strong>grand</strong>es régions<br />

et avec des intercommunalités qui mettront beaucoup<br />

de temps à atteindre une tail<strong>le</strong> critique, un niveau<br />

intermédiaire, sans doute à réinventer, à redéfinir, à<br />

réécrire, demeure indispensab<strong>le</strong>. Il y a un équilibre à<br />

trouver entre un « jardin à la française » trop figé et un<br />

« mécano territorial » sans cap !<br />

«Il y a un équilibre à trouver<br />

entre un jardin à la française<br />

trop figé et un mécano<br />

territorial sans cap !»<br />

Puisqu’un sursis nous est accordé, mes chers collègues,<br />

chers amis, nous allons <strong>le</strong> dire et <strong>le</strong> redire au<br />

Gouvernement et aux par<strong>le</strong>mentaires qui auront la<br />

lourde responsabilité d’examiner en quelques semaines<br />

deux projets de loi, oui, une alternative peut se<br />

construire en dehors de la démocratie d’opinion.<br />

Nous commencerons par <strong>le</strong>ur raconter une histoire :<br />

« Il était une fois une France rura<strong>le</strong> »… et nous en<br />

sommes tous issus.<br />

Alors, madame la Ministre, je vous en conjure, sachez<br />

entendre cette histoire, tout simp<strong>le</strong>ment cel<strong>le</strong> de<br />

l’intelligence territoria<strong>le</strong>. (Applaudissements)»<br />

15


« Il était une fois une France rura<strong>le</strong> » et il sera<br />

demain une France rura<strong>le</strong>. Sans transition, je vous<br />

invite à ouvrir <strong>le</strong> débat dans <strong>le</strong> cadre de la tab<strong>le</strong><br />

ronde de cette matinée, sur <strong>le</strong> thème :<br />

« Les élites et la ruralité », changeons de regard !<br />

Mesdames, messieurs, je commencerai par vous<br />

poser une question d’actualité à chacun et chacune<br />

d’entre vous, cel<strong>le</strong> concernant la réforme territoria<strong>le</strong><br />

évoquée à l’instant par Patrick Kanner : la carte des<br />

14 régions, <strong>le</strong> débat sur l’intercommunalité, « <strong>le</strong><br />

sursis accordé aux départements », pour reprendre<br />

ses termes, et l’appel lancé à ses collègues pour<br />

préparer la riposte.<br />

Quels commentaires vous inspire cette réforme<br />

territoria<strong>le</strong>, madame Combe de la Funte Martinez ?<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

16


M me . Hélène COMBE DE LA<br />

FUNTE MARTINEZ<br />

Observatoire de la décision publique,<br />

déléguée généra<strong>le</strong><br />

de la chaire partenaria<strong>le</strong><br />

« Développement humain durab<strong>le</strong><br />

et territoires »<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

«Connaissant, par mon parcours de vie, <strong>le</strong> milieu à la<br />

fois rural et urbain et travaillant sur <strong>le</strong>s questions<br />

territoria<strong>le</strong>s depuis plus de vingt-cinq ans, désolée,<br />

madame la Ministre, mais je suis atterrée. J’ai honte<br />

pour l’Ouest dans <strong>le</strong>quel j’habite depuis quatre ans, qui<br />

n’a pas su trouver de la cohésion.<br />

«J’ai honte à l’égard<br />

de la question de la<br />

démocratie»<br />

Je suis triste pour <strong>le</strong> Nord-Pas-de-Calais, région dans<br />

laquel<strong>le</strong> j’ai éga<strong>le</strong>ment résidé, mais aussi pour la<br />

Haute-Normandie qui a plus à voir avec la Picardie et <strong>le</strong><br />

Nord Pas de-Calais qu’avec la Basse-Normandie,<br />

laquel<strong>le</strong> a plus à voir avec la Bretagne.<br />

J’ai honte éga<strong>le</strong>ment à l’égard de la question de la<br />

démocratie.<br />

Enfin, si réforme territoria<strong>le</strong> il y a, il serait peut-être<br />

temps de s’occuper des 36 000 communes – je<br />

rappel<strong>le</strong> que l’Afrique du Sud, d’une superficie de plus<br />

de 2,5 fois la France en compte 240 – et d’en par<strong>le</strong>r<br />

en termes d’économies d’échel<strong>le</strong>. En revanche, je crois<br />

fondamenta<strong>le</strong>ment à la place des départements,<br />

notamment dans des régions plus <strong>grand</strong>es, et ce à<br />

plusieurs titres et, en particulier, en tant que<br />

Vice-présidente de<br />

»<br />

la Sauvegarde de l’enfance de<br />

Loire-Atlantique.<br />

Voilà, c’est dit ! Nous sommes là pour un<br />

débat sans concession.<br />

Marie-Françoise Bechtel, m’adressant à une<br />

ancienne directrice de l’ENA et une députée<br />

issue du MRC, en tant que simp<strong>le</strong> journaliste<br />

j’aurais d’emblée tendance à penser<br />

jacobinisme et centralisation.<br />

M me . Marie-Françoise<br />

BECHTEL<br />

Directrice de l’ENA de 2000 à 2002,<br />

députée de l’Aisne<br />

«Je vais aggraver mon cas parce que je suis éga<strong>le</strong>ment<br />

née et j’ai été é<strong>le</strong>vée dans un territoire très rural en<br />

Béarn, dans <strong>le</strong> département des Pyrénées-Atlantiques.<br />

J’appartiens d’ail<strong>le</strong>urs à la première génération qui,<br />

depuis 250 ans, n’y réside plus. J’aggrave mon cas en<br />

ce sens que c’est, en réalité, un territoire assez<br />

jacobin, pas du tout conscient qu’il a donné un roi à la<br />

France, et un territoire qui a fina<strong>le</strong>ment une relation<br />

apaisée avec l’Etat. Je vais donc vous décevoir, en tout<br />

cas ne pas vous surprendre.<br />

«Nous sommes pour <strong>le</strong><br />

département, quitte à<br />

envisager un regroupement<br />

des départements par deux»<br />

Pour moi qui suis élue, <strong>le</strong> mot République et <strong>le</strong> sens de<br />

l’unité nationa<strong>le</strong> ont une résonance particulière, mais<br />

Jean-Pierre Chevènement qui est la tête de notre parti<br />

a une dimension souvent méconnue : c’est un<br />

technocrate moderniste. Il s’est d’ail<strong>le</strong>urs exprimé sur<br />

la réforme de l’Etat et lorsqu’il était ministre de<br />

l’Intérieur, comme chacun <strong>le</strong> sait, il a donné à<br />

l’intercommunalité sa p<strong>le</strong>ine extension. A ce titre, nous<br />

sommes très intéressés par tout ce qui est<br />

modernisation, surtout dans une perspective de<br />

redressement économique.<br />

Par conséquent, pour répondre à votre question, nous<br />

ne sommes pas opposés à une <strong>grand</strong>e réforme<br />

territoria<strong>le</strong> à la condition que <strong>le</strong>s régions ne deviennent<br />

pas de <strong>grand</strong>es féodalités, de surcroît dotées d’un<br />

17


pouvoir rég<strong>le</strong>mentaire. Nous sommes pour <strong>le</strong><br />

département, quitte à envisager un regroupement des<br />

départements par deux, comme l’avait d’ail<strong>le</strong>urs<br />

envisagé Michel Debré dans <strong>le</strong>s années 50, <strong>le</strong>quel<br />

s’était heurté à des résistances très fortes. Nous<br />

sommes aussi pour de <strong>grand</strong>es intercommunalités.<br />

«La question de l’égalité<br />

de traitement des citoyens<br />

est essentiel<strong>le</strong>»<br />

Nous portons une <strong>grand</strong>e attention sur tout ce qui est<br />

inégalité des territoires au sein de ces <strong>grand</strong>s espaces,<br />

de ces <strong>grand</strong>s interstices qui se dessineraient entre des<br />

métropo<strong>le</strong>s et même des intercommunalités et qui<br />

« siphonneraient » littéra<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s territoires. Pour<br />

nous, la question de l’égalité de traitement des<br />

citoyens est essentiel<strong>le</strong> et el<strong>le</strong> passe aussi par une<br />

définition républicaine des structures territoria<strong>le</strong>s.»<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Gérard-François Dumont, nous vous connaissons<br />

et nous vous lisons, vous <strong>le</strong> géographe au<br />

franc-par<strong>le</strong>r !<br />

Que pensez-vous des nouvel<strong>le</strong>s de cette<br />

semaine ?<br />

M. Gérard-François<br />

DUMONT<br />

Professeur de géographie à<br />

l’Université Paris IV Sorbonne,<br />

Président de la revue Population et<br />

Avenir<br />

«Tout d’abord, je suis creusois et je dois tout à la<br />

Creuse, même si ma carrière professionnel<strong>le</strong> me<br />

conduit dans d’autres contrées.<br />

Gouverner, réfléchir, être citoyen suppose d’avoir<br />

toujours présente à l’esprit cette phrase de Jean Jaurès<br />

dont nous commémorons cette année <strong>le</strong> centième<br />

anniversaire de l’assassinat : « Al<strong>le</strong>r à l’idéal et<br />

comprendre <strong>le</strong> réel ». C’est en considérant cette phrase<br />

qu’il faut examiner <strong>le</strong>s annonces politiques de ces<br />

derniers jours, en l’occurrence la diminution du nombre<br />

de régions, une division quasiment par un et demi.<br />

Le problème se pose donc ainsi : un autre pays<br />

démocratique considère-t-il que son avenir suppose de<br />

supprimer <strong>le</strong> tiers des régions ? La réponse est non !<br />

Autour de nous, aucun pays ne met en œuvre et<br />

n’envisage une tel<strong>le</strong> réforme.<br />

Par ail<strong>le</strong>urs, nos régions sont-el<strong>le</strong>s trop petites ? La<br />

réponse est éga<strong>le</strong>ment non ! La tail<strong>le</strong> moyenne des<br />

régions françaises aujourd’hui est supérieure à cel<strong>le</strong> des<br />

Länder al<strong>le</strong>mands. Je pourrais éga<strong>le</strong>ment prendre<br />

l’exemp<strong>le</strong> de l’Italie et de l’Espagne.<br />

Le Limousin qui compte <strong>le</strong> moins d’habitants, soit<br />

720 000, est-el<strong>le</strong> une région très petite en Europe ?<br />

Non ! Nombreuses sont <strong>le</strong>s régions qui, en Europe, ont<br />

moins d’habitants que <strong>le</strong> Limousin.<br />

«Quel<strong>le</strong> est la mission de<br />

l’Etat ? Faire un mécano<br />

institutionnel ?»<br />

Je pense donc que, de l’étranger, <strong>le</strong>s pays, s’ils<br />

savaient déjà que <strong>le</strong>s Français ne connaissaient pas la<br />

géographie, se rendent compte que c’est sans doute<br />

vrai ! En fait, et tel est <strong>le</strong> vrai problème, quel<strong>le</strong> est la<br />

mission de l’Etat dans une tel<strong>le</strong> affaire ? Faire un<br />

« mécano » institutionnel ? Ou créer <strong>le</strong>s conditions<br />

»<br />

permettant aux territoires de mieux se gouverner ?<br />

(Applaudissements)<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Gérard Peltre, même question !<br />

Que vous inspire cette réforme ?<br />

18


M me . Gérard PELTRE<br />

Président de l’association internationa<strong>le</strong><br />

Ruralité, Environnement et<br />

Développement, RED,<br />

et du Mouvement européen<br />

de la ruralité<br />

«Moi qui suis d’un naturel optimiste, cette réforme<br />

annoncée m’inquiète, déjà parce que se pose un<br />

problème d’agenda.<br />

Deux agendas doivent nous occuper en ce moment,<br />

l’agenda social et l’agenda européen, et j’ai<br />

l’impression que <strong>le</strong> tout est en décalage.»<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Précisons aux participants que, par votre<br />

présidence du réseau européen, vous travail<strong>le</strong>z<br />

beaucoup sur <strong>le</strong> thème de l’Europe. Vous êtes<br />

l’un des spécialistes de Ruralité et Europe. Vous<br />

avez ces exemp<strong>le</strong>s de nos pays voisins<br />

constamment sous <strong>le</strong>s yeux.<br />

la stratégie 2020 de l’Union européenne parce que la<br />

croissance inclusive par<strong>le</strong> aussi de cohésion territoria<strong>le</strong> et de<br />

cohésion socia<strong>le</strong>.<br />

«Le travail en réseau<br />

est à la base de<br />

l’organisation et du futur»<br />

«Exactement !<br />

L’agenda social demande que soit libéré du pouvoir<br />

d’agir. Les citoyens ont envie d’avoir des perspectives<br />

et non pas d’être engagés uniquement dans des<br />

réformes institutionnel<strong>le</strong>s.<br />

L’agenda européen nous invite à cette organisation<br />

territoria<strong>le</strong>. Je constate partout en Europe que peu<br />

importe l’échel<strong>le</strong> dans laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s uns et <strong>le</strong>s autres<br />

travail<strong>le</strong>nt. La France est observée comme étant un<br />

pays qui invente des solutions pour construire <strong>le</strong> futur,<br />

mais une France souvent absente au moment des<br />

»<br />

<strong>grand</strong>s rendez-vous. Actuel<strong>le</strong>ment, l’égalité des<br />

futur par <strong>le</strong> travail en réseau.<br />

territoires qui a un ministère en France est au cœur de<br />

Dans ces réformes institutionnel<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s uns et <strong>le</strong>s autres<br />

s’étaient fait à l’idée de la manière dont on est, mais ils<br />

nous attendent au bon rendez-vous.<br />

Cette réforme territoria<strong>le</strong> m’inquiète sur un point essentiel :<br />

on a l’impression que pour atteindre <strong>le</strong>s masses critiques, il<br />

suffit de construire des baronnies ou des principautés, alors<br />

que <strong>le</strong> travail en réseau est à la base de l’organisation et du<br />

futur. Précisément, nous avons toujours trouvé <strong>le</strong>s<br />

départements aux côtés des territoires pour construire ce<br />

19


20<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Hélène Combe de la Funte Martinez, travaillant au sein<br />

de l’observatoire de la décision publique dont la vocation<br />

est d’évaluer et de renouve<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s politiques publiques et<br />

<strong>le</strong>s organisations, vous avez un regard sur <strong>le</strong>s élites.<br />

Vous qui avez largement « bourlingué », accumulé <strong>le</strong>s<br />

expériences du journalisme, de l’agriculture, du travail<br />

social, du travail dans la fonction publique et <strong>le</strong>s<br />

col<strong>le</strong>ctivités, <strong>le</strong>s élites n’auraient-el<strong>le</strong>s pas tendance à<br />

vous « énerver » ?<br />

«La réforme territoria<strong>le</strong> est la<br />

résultante de cette notion<br />

d’élite, une uniformisation de<br />

la pensée»<br />

M me . Hélène COMBE DE LA<br />

FUNTE MARTINEZ<br />

Observatoire de la décision publique,<br />

déléguée généra<strong>le</strong><br />

de la chaire partenaria<strong>le</strong><br />

« Développement humain durab<strong>le</strong><br />

et territoires »<br />

«El<strong>le</strong>s ont une vision obsolète du monde et, là est <strong>le</strong><br />

problème, une vision très française du monde et un<br />

fonctionnement très français. Ce qui se passe en ce<br />

moment autour de la réforme territoria<strong>le</strong> qui constitue<br />

un vrai enjeu est la résultante de cette notion d’élite,<br />

laquel<strong>le</strong> amène la question des corporatismes et des<br />

baronnies, <strong>le</strong> favoritisme entre pairs au détriment du<br />

plus <strong>grand</strong> nombre et une uniformisation de la pensée.<br />

Je suis en batail<strong>le</strong> depuis plusieurs années sur la<br />

pensée unique de la densification de la vil<strong>le</strong>, qui<br />

conduit aujourd’hui des vil<strong>le</strong>s françaises à vouloir<br />

s’appe<strong>le</strong>r métropo<strong>le</strong>s, avec des egos démesurés. Le fait<br />

que Nantes veuil<strong>le</strong> se comparer à Barcelone donne à<br />

sourire.<br />

Cette vision unifiée de la densification de la vil<strong>le</strong><br />

amène à avoir des propos et des attitudes de l’élite qui<br />

considère <strong>le</strong> rural, soit comme <strong>le</strong> lieu de loisirs – « on<br />

vient user du loisir en <strong>campagne</strong> » –, soit comme un<br />

espace d’ajustement. C’est alors <strong>le</strong> rural « subi » pour<br />

ceux qui ne peuvent plus se loger en vil<strong>le</strong> et qui partent<br />

en rural comme si c’était une punition.<br />

Avec cette vision d’élite, c’est une perte de sens de<br />

l’intérêt col<strong>le</strong>ctif et une résistance aiguë au<br />

changement car ce sont <strong>le</strong>s élites, qu’el<strong>le</strong>s soient<br />

financières, politiques ou académiques, qui ont <strong>le</strong> plus<br />

à perdre dans <strong>le</strong> changement du monde.<br />

«Le fait que Nantes veuil<strong>le</strong><br />

se comparer à Barcelone<br />

donne à sourire»<br />

Dans <strong>le</strong> contexte des crises, mais aussi, et moi aussi je<br />

suis optimiste, de renouveau civilisationnel dans <strong>le</strong>quel<br />

nous pouvons nous positionner, il faut faire attention à<br />

trois défaitismes / fatalismes.<br />

L’un est stratégique et largement porté par l’élite :<br />

procéder à de l’ajustement car franchement, s’il était<br />

possib<strong>le</strong> de ne pas trop changer <strong>le</strong>s choses, ce ne serait<br />

quand même pas mal ! C’est alors s’adapter à la<br />

marge, avec des injonctions contradictoires. C’est ce<br />

que j’appel<strong>le</strong> la<br />

»<br />

stratégie d’évitement des questions<br />

fondamenta<strong>le</strong>s.<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

C’est, comme <strong>le</strong> disait Patrick Kanner,<br />

« brico<strong>le</strong>r <strong>le</strong> mécano ».


«<br />

Exactement<br />

!<br />

Vous avez aussi <strong>le</strong> fatalisme / défaitisme par paresse<br />

intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong> et citoyenne, qui concerne un plus <strong>grand</strong><br />

nombre. Considérant que c’est compliqué, pourquoi ne<br />

pas laisser faire, après tout ? Vous vous dites que,<br />

fina<strong>le</strong>ment, dans la majorité, personne ne s’en sort si<br />

mal, que cela vient d’ail<strong>le</strong>urs, qu’il n’existe pas d’autre<br />

schéma que la globalisation économique, etc.<br />

Vous avez encore <strong>le</strong> défaitisme / fatalisme par<br />

résignation et par impuissance, qui, là, concerne <strong>le</strong>s plus<br />

vulnérab<strong>le</strong>s.<br />

Le fatalisme stratégique me paraît <strong>le</strong> plus dangereux.<br />

C’est ce que j’appel<strong>le</strong> la « politique de la tour d’ivoire ».<br />

C’est, à mon avis, celui qui sera <strong>le</strong> plus diffici<strong>le</strong> à<br />

dépasser. Par contre, par rapport aux deux autres, ce sont<br />

tel<strong>le</strong>ment d’initiatives dans <strong>le</strong>s territoires et tel<strong>le</strong>ment<br />

d’inventions au titre de la solidarité pour <strong>le</strong>s plus<br />

vulnérab<strong>le</strong>s que l’on doit pouvoir passer à autre chose.»<br />

Dans <strong>le</strong>s débats, il est largement question de<br />

PIB et de chiffres. Vous évoquez <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de la<br />

finance, mais <strong>le</strong>s questions humaines et<br />

culturel<strong>le</strong>s semb<strong>le</strong>nt absentes.<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

«C’est là ma <strong>grand</strong>e batail<strong>le</strong> depuis toujours et c’est<br />

d’ail<strong>le</strong>urs un sujet inquiétant qui mérite d’être évoqué.<br />

«Mais à quel moment<br />

par<strong>le</strong>-t-on des populations ?»<br />

Par<strong>le</strong>r des territoires en France aujourd’hui, c’est par<strong>le</strong>r<br />

d’espaces géographiques et de dimensions administratives,<br />

mais à quel moment par<strong>le</strong>-t-on des populations ?<br />

Des territoires, ce sont avant tout des populations et<br />

des communautés d’acteurs à mobiliser. Il s’agit donc<br />

de reprendre la question des territoires à travers la<br />

création de communautés d’acteurs et de repenser <strong>le</strong><br />

territoire à partir, non seu<strong>le</strong>ment des politiques<br />

publiques, mais du rô<strong>le</strong> de chacun. C’est ce que<br />

j’appel<strong>le</strong> la démocratie collaborative. Patrick Kanner se<br />

référait tout à l’heure à la « démocratie d’opinion ».<br />

D’autres en réfèrent à la démocratie participative : faire<br />

avec vous et un peu avec vous depuis <strong>le</strong>s politiques<br />

publiques.<br />

Il faut al<strong>le</strong>r plus loin. Dans ce moment de transformation,<br />

chacun doit « faire » sa part, ce qui implique de<br />

différencier <strong>le</strong> temps du débat du temps des décisions.<br />

Il convient de s’orienter vers <strong>le</strong> développement d’un<br />

débat public très audacieux, dans <strong>le</strong>quel on se regarde<br />

en tant que citoyens multifacettes. Les élus sont aussi<br />

citoyens, parfois consommateurs, mais représentants<br />

et donc décideurs des politiques publiques. Inversement,<br />

un responsab<strong>le</strong> associatif a aussi par moment à<br />

être dans un rô<strong>le</strong> de citoyen parce que résidant dans un<br />

territoire et de prise de position politique au sens fort.<br />

C’est, par exemp<strong>le</strong>, la posture à la Sauvegarde de<br />

l’enfance, notre association ayant un rô<strong>le</strong> d’interpellation<br />

et de proposition politique, si bien que, par<br />

moment, nous décidons aussi.<br />

«Chacun doit faire<br />

sa part»<br />

C’est aussi la nécessité, en toi<strong>le</strong> de fond, d’introduire la<br />

question du rendu compte mutuel. Je pense<br />

qu’aujourd’hui, nous ne sommes pas assez exigeants<br />

en tant que citoyens et é<strong>le</strong>cteurs dans la demande de<br />

rendu compte vis-à-vis des politiques publiques, mais<br />

inversement, il peut nous être demandé<br />

»<br />

à nous aussi<br />

ce que l’on a fait, là où l’on est.<br />

21


22<br />

Fina<strong>le</strong>ment, vous posez directement la<br />

question de la gouvernance.<br />

Dans un bref raccourci, <strong>le</strong>s élites<br />

s’approprient-el<strong>le</strong>s la gouvernance au<br />

détriment de la « démocratie<br />

collaborative » que vous évoquiez ? Je<br />

dis bien <strong>le</strong>s élites et non pas <strong>le</strong>s élus.<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

«Le terme de gouvernance nous vient, non pas des<br />

entreprises anglo-saxonnes, tel qu’il est dit, mais des<br />

bailliages de Flandres au XVème sièc<strong>le</strong>, dans <strong>le</strong> sens<br />

de gouverner ensemb<strong>le</strong> <strong>le</strong>s territoires. Or, qui dit<br />

gouverner ensemb<strong>le</strong> <strong>le</strong>s territoires, dit aujourd’hui, à<br />

l’inverse, centralisation de la décision.<br />

La relégitimation des politiques publiques passera, à<br />

mon avis, sinon par un retour à la gouvernance dans<br />

quelques endroits, en tout cas par l’invention de ces<br />

nouvel<strong>le</strong>s gouvernances, mais là encore, dans une<br />

responsabilité partagée.<br />

«On attend encore trop<br />

souvent que <strong>le</strong> débat public<br />

soit organisé par <strong>le</strong>s<br />

pouvoirs publics»<br />

Il est un fait que certains s’accaparent la décision, mais<br />

pour l’instant, peu de mouvements sont là pour<br />

revendiquer la mise en place du débat public d’autres<br />

façons. J’estime que l’on attend encore trop souvent<br />

que <strong>le</strong> débat public soit organisé par <strong>le</strong>s pouvoirs<br />

publics, <strong>le</strong>squels peuvent, certes, en organiser, mais <strong>le</strong><br />

débat public peut aussi démarrer d’ail<strong>le</strong>urs.<br />

Le tout nous amène éga<strong>le</strong>ment à la question : la<br />

gouvernance, pour quoi faire ?<br />

Ces nouvel<strong>le</strong>s ruralités peuvent envisager d’être des<br />

laboratoires collaboratifs. Je vous rappel<strong>le</strong> que «<br />

l’harmonie entre <strong>le</strong>s humains et l’harmonie entre <strong>le</strong>s<br />

humains et la nature » est la définition de la<br />

Commission mondia<strong>le</strong> du développement durab<strong>le</strong> de<br />

1988. Je vous rappel<strong>le</strong> aussi que nous avons une loi<br />

fondatrice en France sur la question du développement<br />

durab<strong>le</strong> dont on ne par<strong>le</strong> jamais en ces termes, la loi<br />

du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance.<br />

Selon cette loi, la question de la bientraitance des<br />

enfants est un sujet majeur de société auquel il<br />

convient à chacun de prendre sa part.<br />

Si <strong>le</strong> développement durab<strong>le</strong>, c’est prendre soin des<br />

générations émergentes et futures, cette loi est au<br />

moins aussi importante que <strong>le</strong>s lois Grenel<strong>le</strong> et l’on<br />

oublie toujours de dire qu’el<strong>le</strong> relève<br />

»<br />

des<br />

départements. (Applaudissements)<br />

Fina<strong>le</strong>ment, nous sommes là pour nous interroger :<br />

<strong>le</strong>s élites n’ont-el<strong>le</strong>s pas peur de la ruralité ?<br />

Marie-Françoise Bechtel, vous aviez écrit voilà<br />

quelque temps dans Marianne : « Les élites françaises<br />

ont honte de la France », au sens de la nation.<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

M me . Marie-Françoise<br />

BECHTEL<br />

Directrice de l’ENA de 2000 à 2002,<br />

députée de l’Aisne<br />

«Oui, je l’ai dit et je <strong>le</strong> maintiens, mais il faut déjà<br />

savoir de quel<strong>le</strong>s élites nous parlons compte tenu de<br />

<strong>le</strong>ur diversité. Vous avez <strong>le</strong>s élites économiques qui, en<br />

réalité, tiennent <strong>le</strong> haut du pavé, <strong>le</strong>s élites administratives<br />

qui, bien malheureusement, sont en vase<br />

communicant avec <strong>le</strong>s premières, <strong>le</strong>s élites<br />

médiatiques qui jouent aussi <strong>le</strong>ur rô<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s élites au<br />

travers, je m’excuse de <strong>le</strong> dire, de <strong>grand</strong>s barons<br />

locaux.<br />

Qu’ai-je essayé de dire dans cet artic<strong>le</strong> qui, du reste,<br />

m’a valu des retours en nombre extraordinaire ? Je ne<br />

m’attendais pas à de tels retours de personnes aussi<br />

différentes entre el<strong>le</strong>s d’ail<strong>le</strong>urs, y compris des élites<br />

el<strong>le</strong>s-mêmes ! J’ai essayé de dire qu’à un moment, <strong>le</strong>s<br />

élites, notamment politiques et administratives,<br />

prenaient en charge l’avenir de la nation avec énergie.<br />

C’était l’époque de la DATAR, mais aussi,<br />

rappe<strong>le</strong>z-vous, des métropo<strong>le</strong>s d’équilibre dont on<br />

pensait qu’el<strong>le</strong>s avaient en charge <strong>le</strong> développement<br />

du territoire et un développement dans l’égalité.<br />

Aujourd’hui, el<strong>le</strong>s regardent tout à fait ail<strong>le</strong>urs, vers <strong>le</strong>


monde. Or, qui pense mondial ne pense pas beaucoup<br />

territoire, encore qu’une certaine différenciation<br />

territoria<strong>le</strong> arrange bien une certaine conception de la<br />

mondialisation ! A vrai dire, cela marche bien aussi<br />

ensemb<strong>le</strong> ! El<strong>le</strong>s ne pensent donc pas national et el<strong>le</strong>s<br />

ne pensent pas la France comme on pense l’espace<br />

qui, dans sa diversité, doit être rééquilibré, aménagé<br />

et, si je puis dire, al<strong>le</strong>r de l’avant.<br />

D’ail<strong>le</strong>urs, j’en profite pour féliciter <strong>le</strong>s organisateurs de<br />

la présente manifestation parce que la meil<strong>le</strong>ure<br />

défense est l’attaque. Au lieu de dire que la ruralité est<br />

triste, qu’el<strong>le</strong> se porte mal et que personne ne s’en<br />

occupe, <strong>le</strong> discours consistant à décider de prendre en<br />

charge cette idée de ruralité, à la définir, à la porter<br />

vers l’avenir et à formu<strong>le</strong>r des propositions qui doivent<br />

être entendues m’a vivement intéressée. C’est ce que<br />

j’ai lu dans <strong>le</strong>s documents que j’ai reçus et qui est<br />

reflété dans la plupart des interventions à la tribune.<br />

En ce qui me concerne, je me sens très solidaire de<br />

cette démarche.<br />

Je félicite <strong>le</strong>s participants parce qu’il est très reposant<br />

pour la par<strong>le</strong>mentaire que je suis de ne pas entendre –<br />

pour une fois ! – acco<strong>le</strong>r l’idée de ruralité à la notion<br />

de normes. Par<strong>le</strong>r de ruralité au Par<strong>le</strong>ment, c’est tout<br />

de suite se référer à l’excès de normes. C’est, au<br />

demeurant, parfaitement exact, mais tout un combat,<br />

peut-être pas toujours très progressiste, vise à dire que<br />

<strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s, notamment <strong>le</strong>s plus petites<br />

d’entre el<strong>le</strong>s, sont étouffées par <strong>le</strong>s normes. Tant que<br />

tout ne sera pas simplifié, dit-on, tant que ne seront<br />

pas édictés des lois et décrets à géométrie variab<strong>le</strong> sur<br />

tout <strong>le</strong> territoire, tant que l’on aura pas laissé <strong>le</strong>s<br />

petites communes adapter <strong>le</strong>s normes d’accessibilité<br />

faute de moyens – tous problèmes qui, je m’empresse<br />

de <strong>le</strong> dire, sont réels – on n’aura pas avancé dans<br />

l’aide à la ruralité.<br />

«La ruralité doit participer<br />

au redressement<br />

économique de la France»<br />

Je ne dis pas que <strong>le</strong> problème ne se pose pas, mais je<br />

pense que ce n’est pas la bonne approche. Ce que<br />

j’apprécie dans la conception de l’échange qui est <strong>le</strong><br />

nôtre aujourd’hui, c’est cette idée selon laquel<strong>le</strong> la<br />

ruralité doit participer au redressement économique de<br />

la France et el<strong>le</strong> a toute sa part à y jouer. C’est, en<br />

tout cas, ainsi que je la comprends.<br />

Je me félicite vivement de la mise en place d’un<br />

ministre de l’Egalité des territoires que j’ai d’ail<strong>le</strong>urs<br />

mobilisé depuis plus d’un an déjà, y compris avec<br />

votre prédécesseure, madame la Ministre, pour essayer<br />

de <strong>le</strong> réintéresser à un bassin comme <strong>le</strong> mien : <strong>le</strong><br />

Soissonnais. C’est un bassin dévitalisé, qui a perdu<br />

40 % d’emplois industriels en dix ans. En tout cas, <strong>le</strong><br />

ministère de l’Egalité des territoires a été présent et je<br />

ne doute pas qu’il continuera de l’être.<br />

Je tiens ce propos pour une autre raison : voilà<br />

quelques années, il a été inventé de remplacer la<br />

DATAR par une DIACT, avec un affreux jeu de mots sur<br />

<strong>le</strong> « A » signifiant, non plus « aménagement », mais,<br />

déviation intermédiaire, « attractivité », la DIACT étant<br />

la Délégation interministériel<strong>le</strong> à l’attractivité et à la<br />

compétitivité des territoires. En d’autres termes, c’était<br />

une autre manière, mais extrêmement visib<strong>le</strong>, de dire<br />

que la France était composée de territoires inégaux<br />

entre eux qu’il fallait traiter différemment, avec ce<br />

« siphonage » de ce qui n’était pas encore <strong>le</strong>s<br />

métropo<strong>le</strong>s, mais des zones riches. La France en<br />

compte deux très riches : la région I<strong>le</strong>-de-France qui est<br />

la plus riche d’Europe et la région Rhône-Alpes. Ce sont<br />

– de loin ! – <strong>le</strong>s plus riches de France. Pour <strong>le</strong>s zones<br />

moins riches, il faudrait, peut-être avec un ou deux<br />

paliers, avoir un traitement différent.<br />

(Applaudissements)<br />

»<br />

Marie-Françoise Bechtel, vous qui avez dirigé l’ENA et qui<br />

êtes Conseillère d’Etat, vous côtoyez nombre de hauts<br />

fonctionnaires et <strong>le</strong>s élites.<br />

L’objet d’une tel<strong>le</strong> journée étant aussi de chercher à<br />

comprendre, estimez-vous que, parmi ces élites, s’impose<br />

une pensée unique, une pensée urbaine, européenne, qui<br />

s’éloigne de la ruralité. Le regard est-il condescendant ?<br />

Dites-nous franchement <strong>le</strong> fond de votre pensée.<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

23


24<br />

«Sachez que j’ai l’habitude de par<strong>le</strong>r franchement !<br />

Quand vous interrogez des élèves de l’ENA, tous vous<br />

expliquent qu’ils adorent et qu’ils n’aiment que <strong>le</strong><br />

service public. Seu<strong>le</strong>ment, lorsqu’ils sortent de l’Eco<strong>le</strong>,<br />

«Si tant de partis politiques<br />

utilisent des énarques, c’est<br />

parce qu’ils sont reposants»<br />

ils n’ont rien de plus pressé que d’al<strong>le</strong>r dans la banque,<br />

par exemp<strong>le</strong> ! (Sourires) Quand ils rentrent de stage, et<br />

<strong>le</strong> stage en préfecture est une excel<strong>le</strong>nte institution en<br />

ce sens qu’ils se promènent un peu partout sur <strong>le</strong><br />

territoire, ils nous disent avoir tout compris de la ruralité<br />

qu’ils ne connaissaient pas jusque-là. De retour de<br />

stage, ils la connaissent, ils l’aiment, ils sont conquis et<br />

tout acquis à la ruralité et au service public…»<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Ce sont des esprits brillants : ils<br />

comprennent vite…<br />

«« Brillants »… il ne faut pas exagérer ! Disons que ce<br />

sont des esprits clairs, ce qui n’est pas la même chose !<br />

(Sourires et applaudissements) Ils ne sont pas très<br />

cultivés non plus… (Rires) Je veux dire par là qu’ils<br />

ont une clarté d’esprit, du reste très uti<strong>le</strong>. D’ail<strong>le</strong>urs, si<br />

tant de partis politiques utilisent des énarques, c’est<br />

parce qu’ils sont reposants, sachant dire des choses en<br />

deux ou trois points. En revanche, ils n’ont pas une<br />

culture scientifique, humaniste ou géographique qui<br />

serait tel<strong>le</strong>ment uti<strong>le</strong> ! Moi, j’ai commencé ma carrière<br />

en étant prof de philo et c’est peut-être la raison pour<br />

laquel<strong>le</strong> je jette un regard un peu différent, sans<br />

prétendre naturel<strong>le</strong>ment être la culture à moi toute<br />

seu<strong>le</strong>. Il m’est arrivé d’être choquée par cette sorte<br />

d’inculture des gens cultivés. Ils savent façonner un<br />

discours et perçoivent rapidement <strong>le</strong>s problèmes, tout<br />

en pouvant aussi rester à la surface. Dès qu’ils ont<br />

perçu <strong>le</strong> problème, ils ont déjà la solution. C’est, en<br />

général, en deux parties et c’est quasiment toujours la<br />

même chose, du sty<strong>le</strong> : s’il est nécessaire de consentir<br />

des efforts supérieurs pour aménager tel ou tel<br />

système, tel ou tel dispositif, il faut, en revanche, tenir<br />

compte de l’état des finances publiques. Disons que<br />

c’est une pensée qui a tendance à tourner en rond et il<br />

y aurait moyen de faire mieux et d’intéresser<br />

davantage, peut être à travers <strong>le</strong>s questions<br />

européennes.<br />

«C’est parce que, dans ce pays,<br />

<strong>le</strong>s élites ont réel<strong>le</strong>ment tourné<br />

<strong>le</strong> dos à la nation que l’on a<br />

laissé <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> à ses démons !»<br />

Les énarques sont toujours très partants pour être<br />

envoyés en stage en Europe. En ce qui me concerne,<br />

j’ai de vives réserves vis-à-vis de l’Union européenne. Il<br />

n’en demeure pas moins que j’envoyais toujours<br />

beaucoup d’énarques auprès de la Commission, non<br />

seu<strong>le</strong>ment pour qu’ils voient, mais aussi pour qu’ils<br />

soient vus, ce qui n’est pas inuti<strong>le</strong>. Ils en revenaient<br />

plutôt avec une ouverture d’esprit plus <strong>grand</strong>e. Je<br />

pense que si nous pouvions lier <strong>le</strong>s deux problèmes,<br />

c'est-à-dire partir de l’idée des territoires vue de<br />

l’Europe et qu’ils ramènent des brassées d’idées<br />

susceptib<strong>le</strong>s d’animer des séminaires, nous pourrions<br />

raccrocher la question européenne à cel<strong>le</strong> du territoire<br />

français et son aménagement.<br />

Lier la question européenne à la question territoria<strong>le</strong><br />

dans <strong>le</strong> cadre de formations rénoverait l’éternel<br />

apprentissage académique des traités européens qui,<br />

chacun <strong>le</strong> sait, sont très comp<strong>le</strong>xes. Comme je l’ai<br />

signifié au conseil d’administration de l’ENA, c’est une<br />

proposition que je serais, en tant<br />

»<br />

que par<strong>le</strong>mentaire,<br />

tout à fait prête à soumettre.<br />

C’est là une question que je pose à l’ancienne<br />

agrégée de philo : par <strong>le</strong>s temps qui courent avec la<br />

montée des populismes et des extrémismes, ce n’est<br />

pas faci<strong>le</strong> comme discours de s’en prendre aux élites.<br />

Nous avons bien compris ici <strong>le</strong> sens de ce regard<br />

critique sur ces élites, avec la question de la<br />

démocratie et de la gouvernance, mais ce n’est pas<br />

faci<strong>le</strong> à manier et à ne pas fabriquer du <strong>le</strong>pennisme.<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE


«Je suis élue d’un territoire, <strong>le</strong> département de l’Aisne,<br />

qui a <strong>le</strong> plus voté Front national aux dernières é<strong>le</strong>ctions,<br />

soit à 40 %. C’est aussi un territoire qui, à côté de<br />

l’agriculture qui est l’une des plus riches de France, est<br />

très illustratif du sentiment de relégation qui atteint une<br />

<strong>grand</strong>e partie de la population. J’ai dit que <strong>le</strong>s élites ont<br />

tourné <strong>le</strong> dos à la nation et je <strong>le</strong> maintiens. Je pense<br />

que c’est plutôt dans ce sens qu’il faut voir <strong>le</strong>s choses.<br />

C’est parce que, dans ce pays, <strong>le</strong>s élites ont réel<strong>le</strong>ment<br />

tourné <strong>le</strong> dos à la nation que l’on a laissé <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> à<br />

ses démons ! (Applaudissements)»<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Monsieur Dumont, nous vous connaissons de<br />

tempérament très calme, mais vous êtes capab<strong>le</strong><br />

d’avancer quelques Scuds. Dans un papier publié<br />

sous <strong>le</strong> pseudonyme de Sherlock Holmes, vous avez<br />

conduit une « enquête exclusive » : Un meurtre<br />

géographique : la France rura<strong>le</strong>.<br />

M. Gérard-François<br />

DUMONT<br />

Professeur de géographie à<br />

l’Université Paris IV Sorbonne,<br />

Président de la revue Population et<br />

Avenir<br />

«Oui, je suis, en effet, très fier de cet artic<strong>le</strong> référencé<br />

sous <strong>le</strong> nom de Sherlock Holmes sur de nombreux sites<br />

Internet.<br />

En fait, aujourd’hui dans cette France – vous avez parlé<br />

à l’instant de « relégation », madame <strong>le</strong> député –, nous<br />

sommes de plus en plus de Français à considérer que<br />

l’on nous traite comme des « bouseux » ou, si vous<br />

préférez, comme des « cutéreux » dans la mesure où ce<br />

qui était un processus, c’est-à-dire la métropolisation, est<br />

devenu une idéologie pour une partie du microcosme<br />

<strong>pari</strong>sien.<br />

Il est vrai que s’est produit dans <strong>le</strong> monde entier un<br />

processus de métropolisation lié à des facteurs très<br />

précis. C’est, d’abord, la tertiarisation de l’économie.<br />

Nous avons bien vu effectivement que <strong>le</strong>s emplois<br />

tertiaires étaient largement localisés dans <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s<br />

plus peuplées.<br />

C’est, ensuite, <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong>s entreprises, mais aussi <strong>le</strong>s<br />

individus considèrent souvent qu’il faut un marché large<br />

de l’emploi, surtout dans une économie instab<strong>le</strong>.<br />

C’est, enfin, <strong>le</strong> fait qu’un certain nombre d’entreprises<br />

ont besoin de connexions au monde entier dans cette<br />

globalisation.<br />

Ce processus est donc devenu une idéologie. C’est très<br />

clair puisque nos chers par<strong>le</strong>mentaires viennent de<br />

voter une loi sur <strong>le</strong>s métropo<strong>le</strong>s, donnant l’impression<br />

qu’à partir du moment où un territoire serait une<br />

métropo<strong>le</strong>, ce serait lui donner automatiquement une<br />

chance de développement supplémentaire. L’avenir de<br />

la France serait donc exclusivement dans ces<br />

métropo<strong>le</strong>s, <strong>le</strong> reste du territoire devant être<br />

progressivement passé par pertes et acceptant de ne<br />

plus avoir de dynamisme.<br />

«La métropolisation est devenue<br />

une idéologie pour une partie<br />

du microcosme <strong>pari</strong>sien»<br />

Or, même s’il y a un processus de métropolisation,<br />

lorsque l’on étudie l’évolution des <strong>grand</strong>es vil<strong>le</strong>s dans<br />

<strong>le</strong> monde, on constate en réalité que ce processus a<br />

des effets extrêmement différents : des <strong>grand</strong>es vil<strong>le</strong>s<br />

bien gouvernées profitent de ce processus pour être<br />

effectivement très dynamiques, tandis que d’autres,<br />

comme Paris d’ail<strong>le</strong>urs, perdent des sièges sociaux tous<br />

<strong>le</strong>s jours. La presse ne par<strong>le</strong> que des sièges sociaux<br />

25


d’entreprises que Paris perd, mais pas des directions<br />

internationa<strong>le</strong>s d’entreprises qui quittent Paris. Nous<br />

avons donc une métropo<strong>le</strong> qui n’est pas en bonne<br />

santé aujourd’hui. C’était là une parenthèse, mais<br />

puisque vous vouliez des Scuds, en voilà un !<br />

(Sourires)<br />

«Cette idéologie des métropo<strong>le</strong>s<br />

oublie tout simp<strong>le</strong>ment que tout<br />

territoire peut être créatif,<br />

quel<strong>le</strong> que soit sa dimension. Il<br />

n’y a pas d’optimum territorial»<br />

Il faut donc bien constater que ces résultats sont fort<br />

différents, y compris en France. Si vous étudiez<br />

finement l’évolution relative de Bordeaux et de<br />

Toulouse au fil des quarante dernières années, vous<br />

verrez des différences tout à fait considérab<strong>le</strong>s.<br />

Pourquoi ? Si l’une a bénéficié d’une bonne<br />

gouvernance tout au long de la période, pour l’autre, il<br />

s’est agi d’une gouvernance de fin de règne assez<br />

décevante pour la dynamique de la vil<strong>le</strong> et il a fallu<br />

attendre la fin de ce règne pour qu’intervienne un<br />

changement de gouvernance entraînant des évolutions.<br />

Cette idéologie des métropo<strong>le</strong>s oublie tout simp<strong>le</strong>ment<br />

qu’en fait, il y a de la créativité à tous <strong>le</strong>s niveaux<br />

territoriaux. En particulier, dans ma revue Population et<br />

Avenir, j’ai voulu publier une carte de territoires qui ont<br />

métamorphosé <strong>le</strong>ur économie au cours de ces<br />

dernières décennies. Cette carte met en évidence à la<br />

fois des territoires de 200 habitants, de petites<br />

communes rura<strong>le</strong>s qui étaient en train de se dévitaliser<br />

progressivement et qui ont redynamisé <strong>le</strong>ur économie,<br />

retrouvant ainsi une nette croissance démographique,<br />

mais y figurent aussi des communes de 2 000<br />

habitants, d’autres de 2 500, d’autres encore de<br />

5 000 et de 10 000 habitants, mais aussi des<br />

métropo<strong>le</strong>s comme Lyon citée tout à l’heure.<br />

Cela veut dire que tout territoire a sa chance, sans être<br />

en proie à un handicap dirimant sous prétexte d’une<br />

petite dimension, et que, bien au contraire, tout est<br />

toujours possib<strong>le</strong> ! C’est vrai en France, mais aussi à<br />

l’étranger. Les sièges sociaux des <strong>grand</strong>es entreprises<br />

al<strong>le</strong>mandes ne sont pas nécessairement installés dans<br />

<strong>le</strong>s métropo<strong>le</strong>s. Je trouve aussitôt, dans des vil<strong>le</strong>s de<br />

10 000 habitants, des exemp<strong>le</strong>s de sièges sociaux<br />

d’entreprises qui sont numéro 2 mondial dans <strong>le</strong>ur<br />

secteur. Concernant <strong>le</strong> championnat de France de<br />

football, qui en établit <strong>le</strong> ca<strong>le</strong>ndrier ? C’est une<br />

entreprise spécialisée dans <strong>le</strong>s logiciels, située dans<br />

une petite vil<strong>le</strong> canadienne, qui a précisément créé un<br />

logiciel pour organiser <strong>le</strong>s ca<strong>le</strong>ndriers.<br />

«Une métropo<strong>le</strong> qui rayonne<br />

ne <strong>le</strong> peut qu’à condition<br />

d’avoir un arrière-pays !»<br />

En réalité, il importe de bien préciser que tout territoire<br />

peut être créatif, quel<strong>le</strong> que soit sa dimension. Il n’y a<br />

pas d’optimum territorial et, à cet égard, vous<br />

imaginez bien sûr que je suis très critique sur cette<br />

norme de 20 000 habitants qui a été annoncée<br />

récemment parce qu’el<strong>le</strong> ne signifie rien. Nombreux<br />

sont <strong>le</strong>s territoires de moins de 20 000 habitants qui<br />

ont témoigné de <strong>le</strong>ur créativité.<br />

Je prends un seul exemp<strong>le</strong>. Il est éclairant mais je<br />

pourrais en citer mil<strong>le</strong> autres : <strong>le</strong> festival des Vieil<strong>le</strong>s<br />

Charrues. Ce festival est organisé à Carhaix, une<br />

commune de 7 000 habitants, la communauté de<br />

communes comptant 14 000 habitants ! Cela <strong>le</strong>s a-t-il<br />

empêchés de créer un festival mondia<strong>le</strong>ment connu ?<br />

Personne n’a jamais prouvé qu’il fallait au moins 20<br />

000 habitants pour qu’un territoire soit créatif ! Je suis<br />

sûr que, dans la sal<strong>le</strong>, des maires de communes<br />

peuplées de bien moins de 20 000 habitants ont fait<br />

p<strong>le</strong>in de réalisations dans <strong>le</strong>ur commune.<br />

Quand on par<strong>le</strong> de métropo<strong>le</strong>, on donne l’impression<br />

qu’une métropo<strong>le</strong> vivrait hors sol, mais une métropo<strong>le</strong>,<br />

c’est-à-dire une vil<strong>le</strong> qui rayonne ne <strong>le</strong> peut qu’à<br />

condition d’avoir un arrière-pays ! Que serait Paris sans<br />

<strong>le</strong> reste de la France ? Que seraient <strong>le</strong>s universités<br />

<strong>pari</strong>siennes si el<strong>le</strong>s n’avaient pas la chance d’accueillir<br />

un certain nombre d’étudiants de nos régions<br />

françaises ? Que serait <strong>le</strong> tourisme à Paris si <strong>le</strong>s<br />

touristes y venant n’avaient pas envie aussi d’al<strong>le</strong>r<br />

visiter <strong>le</strong>s caves de Bourgogne qui n’existeraient pas ?<br />

Que serait <strong>le</strong> Salon de l’Agriculture de Paris si la France<br />

n’était pas un <strong>grand</strong> pays agroalimentaire ? Il faut<br />

donc bien préciser qu’une métropo<strong>le</strong> n’existe que parce<br />

qu’el<strong>le</strong> bénéficie d’un environnement territorial qui a sa<br />

propre dynamique.<br />

Or, et tel est <strong>le</strong> problème, cette idéologie est<br />

aujourd’hui encouragée<br />

»<br />

par des méthodes statistiques<br />

utilisées par l’INSEE…<br />

26


Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

L’INSEE à laquel<strong>le</strong> vous en vou<strong>le</strong>z beaucoup,<br />

n’est-ce pas ?<br />

«Ce n’est pas que je lui en veuil<strong>le</strong>, ayant encore<br />

rencontré ses représentants la semaine dernière. Je<br />

constate simp<strong>le</strong>ment que <strong>le</strong>s outils qu’ils utilisent sont<br />

obsolètes et donnent à penser aux Français que<br />

l’avenir n’est que dans <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s.<br />

«Les outils de l’INSEE sont<br />

obsolètes et donnent à penser<br />

aux Français que l’avenir n’est<br />

que dans <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s»<br />

Sans entrer dans des considérations techniques, ce<br />

sont deux outils principaux : l’outil de l’unité urbaine et<br />

celui de l’aire urbaine.<br />

L’unité urbaine conduit à définir <strong>le</strong> fait que seuls 25 %<br />

des Français seraient des ruraux, ce qui est<br />

évidemment tota<strong>le</strong>ment faux. L’INSEE considère par<br />

exemp<strong>le</strong>, pour citer la Creuse, qu’une commune<br />

comme Boussac de 2 200 habitants est réputée<br />

habitée par des urbains. Excusez-moi, mais <strong>le</strong>s<br />

Boussaquins considèrent al<strong>le</strong>r à la vil<strong>le</strong> lorsqu’ils se<br />

rendent à Limoges ! Ils habitent dans un<br />

environnement de morphologie rura<strong>le</strong>. Par conséquent,<br />

cette règ<strong>le</strong> des 2 000 habitants agglomérée au<br />

chef-lieu ne correspond pas du tout au vécu des<br />

populations. Dire que ce sont 25 % de ruraux en<br />

France, c’est tota<strong>le</strong>ment faux, <strong>le</strong> chiffre étant<br />

nettement plus é<strong>le</strong>vé.<br />

La méthode de calcul des aires urbaines, complètement<br />

aberrante, consiste à faire en sorte de rabattre tous <strong>le</strong>s<br />

bourgs comme s’ils étaient dominés par une vil<strong>le</strong>, avec<br />

une règ<strong>le</strong> de 40 % qui n’a jamais été expliquée –<br />

pourquoi 40 % et pourquoi pas 30 % ou 50 % ? – et<br />

un système de pondération tout à fait discutab<strong>le</strong>.<br />

Le résultat de tout cela donne l’impression que la<br />

France se centralise sur la dimension urbaine, alors que<br />

ce n’est pas vrai. Même à partir des chiffres de<br />

l’INSEE, j’arrive au fait qu’il y a un renouveau des<br />

<strong>campagne</strong>s françaises et, si je n’utilise pas ces chiffres,<br />

c’est encore mieux !<br />

En matière d’emplois, c’est exactement la même<br />

chose : <strong>le</strong>s créations d’emplois sont supérieures dans <strong>le</strong><br />

monde rural que dans <strong>le</strong> monde urbain ces dernières<br />

années et nous l’avons prouvé dans un certain nombre<br />

d’artic<strong>le</strong>s.<br />

Cette idéologie, et tel est <strong>le</strong> problème, a tout de même<br />

des conséquences graves pour la ruralité. Pourquoi ?<br />

En fait, el<strong>le</strong> continue à justifier des décisions d’inégalité<br />

des territoires. Dans notre pays, chacun <strong>le</strong> sait, figure<br />

sur <strong>le</strong> fronton de nos mairies <strong>le</strong> mot « égalité ». Or<br />

nous sommes ici dans cette sal<strong>le</strong> tous inégaux au<br />

regard de l’Etat et des dotations de fonctionnement<br />

que verse ce dernier aux col<strong>le</strong>ctivités territoria<strong>le</strong>s. La<br />

dotation que reçoit la col<strong>le</strong>ctivité territoria<strong>le</strong> au nombre<br />

d’habitants, selon que vous résidiez dans une<br />

commune de 200 habitants, de 2 000, de 20 000,<br />

de 50 000, de 150 000 ou de 250 000 habitants,<br />

n’est pas la même. Les Français sont traités<br />

inéga<strong>le</strong>ment. C’est donc là une inégalité foncière<br />

absolument injustifiée et qui est <strong>le</strong> résultat de cette<br />

idéologie.<br />

Par conséquent, si l’on veut faire vraiment l’égalité des<br />

territoires, tous <strong>le</strong>s Français doivent être considérés de<br />

la même façon et donc <strong>le</strong>s dotations de l’Etat aux<br />

col<strong>le</strong>ctivités territoria<strong>le</strong>s par habitant doivent être <strong>le</strong>s<br />

mêmes, quel<strong>le</strong> que soit la tail<strong>le</strong><br />

»<br />

de la commune dans<br />

laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s habitants résident.<br />

(Applaudissements)<br />

«Cette idéologie continue à<br />

justifier des décisions<br />

d’inégalité des territoires au<br />

regard de l’Etat et des<br />

dotations de fonctionnement»<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Merci vraiment, Jean-François Dumont, de<br />

nous avoir placés au cœur des débats.<br />

27


M me . Marie-Françoise<br />

BECHTEL<br />

Directrice de l’ENA de 2000 à 2002,<br />

députée de l’Aisne<br />

M. Gérard-François<br />

DUMONT<br />

Professeur de géographie à<br />

l’Université Paris IV Sorbonne,<br />

Président de la revue Population et<br />

Avenir<br />

«C’est être, non pas technocratique, mais tout<br />

simp<strong>le</strong>ment égalitaire.»<br />

«Si je puis me <strong>le</strong> permettre, monsieur Dumont, je trouve<br />

que la vision que vous venez de développer est<br />

terrib<strong>le</strong>ment technocratique, sachant que j’ai apprécié<br />

tout <strong>le</strong> reste de votre discours. Je crois qu’il faut tenir<br />

compte d’autres paramètres. Il convient de dire que si<br />

nous avons construit <strong>le</strong>s intercommunalités, c’est<br />

justement pour agréger des situations disparates et<br />

<strong>le</strong>ur donner de la solidarité, l’étape suivante pouvant<br />

être d’ail<strong>le</strong>urs la mutualisation des moyens. Par<br />

ail<strong>le</strong>urs, je m’excuse de <strong>le</strong> dire, mais la péréquation<br />

horizonta<strong>le</strong> a fait des progrès depuis deux ans dans ce<br />

pays et el<strong>le</strong> peut encore en faire. Mais qui dit<br />

péréquation ne dit pas attribution de la même somme<br />

à chaque habitant, commune par commune. Je me<br />

permets de vous dire que cette vision est, pour moi,<br />

quelque peu technocratique.»<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Nous avons dit égalité et non pas<br />

égalitarisme.<br />

«Oui, mais ce qui est grave de surcroît dans <strong>le</strong><br />

système actuel, c’est <strong>le</strong> fait de créer des effets de<br />

seuils qui créent des inégalités, ce que connaissent<br />

bien <strong>le</strong>s maires !»<br />

28


M me . Gérard PELTRE<br />

Président de l’association internationa<strong>le</strong><br />

Ruralité, Environnement et<br />

Développement, RED,<br />

et du Mouvement européen<br />

de la ruralité<br />

«Il appartient aux<br />

ruraux de prendre<br />

conscience que la<br />

ruralité est un enjeu et<br />

offre des perspectives»<br />

«Nous sommes là pour resituer la ruralité et <strong>le</strong>s<br />

territoires ruraux dans la perspective du développement<br />

et, à l’échel<strong>le</strong> de l’Union européenne, d’une cohésion<br />

territoria<strong>le</strong> qui en a bien besoin. Il convient d’emblée<br />

de souligner un point : il appartient aux ruraux de<br />

prendre conscience que la ruralité est un enjeu et offre<br />

des perspectives pour toutes <strong>le</strong>s femmes et tous <strong>le</strong>s<br />

hommes qui veu<strong>le</strong>nt bien s’investir dans la ruralité pour<br />

construire <strong>le</strong> futur.<br />

Les élites dont il a été question dans <strong>le</strong> débat sont<br />

cel<strong>le</strong>s qui écrivent des certitudes et qui ne sont pas<br />

ouvertes aux mutations et à ce qui se construit. Le<br />

regret qui est <strong>le</strong> mien réside dans <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong>s<br />

femmes et <strong>le</strong>s hommes de conviction ne défendent pas<br />

suffisamment <strong>le</strong>urs convictions pour montrer que <strong>le</strong>s<br />

territoires ruraux sont des outils et des enjeux pour<br />

construire <strong>le</strong> futur.<br />

Je vous convie à un peu de mémoire, car « un peup<strong>le</strong><br />

sans mémoire est un peup<strong>le</strong> sans avenir». En 1982, se<br />

sont tenus <strong>le</strong>s Etats Généraux des pays à Mâcon qui<br />

ont ouvert <strong>le</strong> champ au développement local. C’était<br />

déjà <strong>le</strong>s ruraux qui ont ouvert ce chantier du<br />

développement local, estimant qu’il était vain d’être<br />

désespérés et qu’il <strong>le</strong>ur fallait prendre <strong>le</strong>s choses en<br />

main avec méthode pour montrer qu’il était possib<strong>le</strong> de<br />

construire quelque chose. Alors premier Président de<br />

l’association nationa<strong>le</strong> pour <strong>le</strong> développement local<br />

avant de l’être de RED, j’ai ouvert <strong>le</strong> chantier du<br />

développement local urbain. Je ne suis pas sûr d’avoir<br />

eu raison parce que, en 1984, il nous a été dit :<br />

« Ras-<strong>le</strong>-bol <strong>le</strong> rural ! »<br />

En 2014, <strong>le</strong>s départements reprennent l’initiative de la<br />

ruralité et c’est tant mieux parce que c’est dans<br />

l’actualité européenne. Dans <strong>le</strong> cadre de l’Union<br />

européenne, <strong>le</strong>s notions de ruralité et d’urbain ont trouvé<br />

une expression concrète dans une expérimentation en<br />

cours à l’initiative de l’OCDE et du Par<strong>le</strong>ment européen<br />

sous l’impulsion de la Commission : l’expérimentation<br />

« R-Urban » visant à favoriser des interrelations<br />

équilibrées entre territoires ruraux et territoires urbains<br />

reconnus, l’un et l’autre, comme étant des pô<strong>le</strong>s de<br />

développement.<br />

«Les territoires ruraux n’ont<br />

pas besoin de soins palliatifs<br />

mais de reconnaissance»<br />

Il faut que la France dotée d’un ministère de l’Egalité des<br />

territoires se saisisse de cette opportunité pour l’enrichir.<br />

Il faut éclairer toutes <strong>le</strong>s initiatives et tout <strong>le</strong> potentiel des<br />

territoires ruraux. Là, nous avons vraiment du « job »<br />

parce que je ne suis pas certain que <strong>le</strong>s ruraux croient<br />

tous dans <strong>le</strong> devenir de la ruralité et de <strong>le</strong>ur territoire.<br />

Mais surtout, <strong>le</strong>s territoires ruraux, qui n’ont pas besoin<br />

de soins palliatifs mais de reconnaissance, n’ont pas cette<br />

reconnaissance affirmée, et la recherche est infime. Nous<br />

avons investi un outil européen, baptisé ESPON, qui<br />

fabrique la recherche, laquel<strong>le</strong> est presque<br />

essentiel<strong>le</strong>ment centrée sur <strong>le</strong>s pô<strong>le</strong>s urbains. Nous avons<br />

demandé qu’el<strong>le</strong> s’ouvre aussi sur <strong>le</strong>s territoires ruraux<br />

parce qu’il est certain que l’on ne peut pas identifier <strong>le</strong><br />

foisonnement, <strong>le</strong> potentiel des territoires dès lors que l’on<br />

n’a pas observé tout ce qu’ils étaient capab<strong>le</strong>s de faire.<br />

Je vais al<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong> sens de ce que disait <strong>le</strong> Président<br />

Joly, sachant qu’à l’échel<strong>le</strong> de l’Union européenne, nous<br />

avons <strong>le</strong>s mêmes chiffres : 91 % du territoire européen<br />

est rural ; 56 % de la population réside dans <strong>le</strong>s espaces<br />

à dominante rura<strong>le</strong>, <strong>le</strong>squels représentent 83 % de la<br />

va<strong>le</strong>ur ajoutée et 55 % de l’emploi. Nous nous sommes<br />

battus pour que ces chiffres-là apparaissent parce que<br />

nous savons bien que <strong>le</strong>s pouvoirs s’organisent aussi<br />

autour de rapports de force.<br />

29


La réalité rura<strong>le</strong>, irriguée par des vil<strong>le</strong>s et des petites<br />

vil<strong>le</strong>s, est en train de monter en puissance et nous<br />

devons porter cette certitude-là. Parlant des vil<strong>le</strong>s et<br />

des petites vil<strong>le</strong>s, vous avez eu raison, monsieur<br />

Dumont, de rappe<strong>le</strong>r que <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s de 20 000<br />

habitants ne peuvent pas exister sans une réalité<br />

rura<strong>le</strong>, si el<strong>le</strong>s ne sont pas immergées dans ce territoire<br />

rural.<br />

«91 % du territoire<br />

européen est rural»<br />

Je rappel<strong>le</strong> qu’en 1978, lors de la conférence du<br />

Conseil de l’Europe des ministres responsab<strong>le</strong>s de<br />

l’aménagement du territoire, ceux-ci disaient que <strong>le</strong>s<br />

territoires ruraux possédaient toutes <strong>le</strong>s capacités pour<br />

inventer <strong>le</strong> futur et réagir aux crises susceptib<strong>le</strong>s de<br />

survenir. C’est ce que nous vivons tous <strong>le</strong>s jours ! Dans<br />

<strong>le</strong>s territoires ruraux, il n’y a pas de désespérance. Il y<br />

a parfois de la résignation parce que l’on croit ne pas<br />

être à la hauteur du chal<strong>le</strong>nge, d’autant plus que c’est<br />

ce qui nous est dit tous <strong>le</strong>s jours. Mais en observant ce<br />

qui se fait ici ou là, en <strong>le</strong> faisant apparaître et en<br />

faisant bril<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s territoires ruraux, nous verrons que<br />

l’innovation est au cœur des territoires.<br />

L’innovation dans toutes <strong>le</strong>s constructions du futur est<br />

partout en Europe. L’association internationa<strong>le</strong> Ruralité,<br />

Environnement et Développement dont je suis<br />

Président s’est organisée pour être un lobby de<br />

propositions pour la Commission européenne et <strong>le</strong><br />

Mouvement européen de la Ruralité éclaire cela. Il faut<br />

que <strong>le</strong>s Français en soient persuadés. La France est<br />

attendue.<br />

Je rappel<strong>le</strong> que c’est l’initiative de développement local<br />

en France qui est à l’origine de la construction de<br />

LEADER. Michel Laine est venu s’inspirer du<br />

développement local à la française pour bâtir LEADER<br />

qu’il a enrichi avec l’interrelation publique/privée à<br />

l’anglo saxonne.<br />

Tout ce qui est en train de se produire aujourd’hui dans<br />

<strong>le</strong>s nouveaux règ<strong>le</strong>ments qui nous reviennent de<br />

l’Europe est issu de la politique de développement local<br />

à la française généralisée avec <strong>le</strong>s DLAL, <strong>le</strong><br />

développement local porté par <strong>le</strong>s acteurs locaux. Il<br />

faut que nos régions se l’approprient, sachant qu’el<strong>le</strong>s<br />

se l’approprient très peu, et que nos départements –<br />

je <strong>le</strong> <strong>le</strong>ur demande – soient des « réveil<strong>le</strong>urs », mais je<br />

sais que vous l’êtes déjà. Cela nous revient de<br />

l’Europe, disais-je. Il faut s’en saisir et l’interrelation<br />

rural/urbain y est inscrite.<br />

Il est dommage que, sous présidence française, alors<br />

que <strong>le</strong> <strong>grand</strong> débat portait sur la cohérence territoria<strong>le</strong>,<br />

cette dynamique de l’interrelation rural/urbain n’ait<br />

pas été évoquée. De même, dans <strong>le</strong>s chantiers ouverts<br />

alors par la DIACT, lorsqu’il était fait référence à<br />

l’interrelation rural/urbain, j’ai surtout entendu<br />

d’éminents écrivains des certitudes nous rappe<strong>le</strong>r qu’au<br />

jour d’aujourd’hui en France, la ruralité et <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s,<br />

c’était exactement pareil parce que tout <strong>le</strong> monde avait<br />

accès à Internet ! Non, c’est faux ! Des réalités<br />

socia<strong>le</strong>s et culturel<strong>le</strong>s sont complètement différentes,<br />

mais nous avons besoin de fertilisation croisée entre <strong>le</strong><br />

rural et l’urbain. Le seul moyen d’y réussir est de<br />

reconnaître aux territoires ruraux qu’ils sont des pô<strong>le</strong>s<br />

de développement et d’innovation potentiels et qu’il<br />

faut organiser des interrelations équilibrées sans<br />

condescendance. Le chemin est ouvert à l’échel<strong>le</strong> de<br />

l’Union européenne. Il faut que l’on s’en saisisse. C’est<br />

la raison pour laquel<strong>le</strong> je disais que la réforme<br />

territoria<strong>le</strong> en France m’inquiétait en ce sens qu’el<strong>le</strong> en<br />

décalage avec l’Agenda européen qui permet de libérer<br />

<strong>le</strong> pouvoir d’agir chez l’ensemb<strong>le</strong> des citoyens et c’est<br />

ce que l’on veut.<br />

Le vote, non pas même protestataire, qui est en train<br />

de s’enraciner dans <strong>le</strong>s territoires ruraux est un vote de<br />

l’individualisme, du rejet de l’approche socia<strong>le</strong> et<br />

sociéta<strong>le</strong>. Il est urgent de réveil<strong>le</strong>r cela, en permettant<br />

aux uns et aux autres de travail<strong>le</strong>r ensemb<strong>le</strong> avec des<br />

caps communs. Moi, j’observe que ce sont <strong>le</strong>s<br />

départements qui, en France, ont généralisé et fait<br />

vivre avec pragmatisme <strong>le</strong> développement local, initié<br />

dans <strong>le</strong> cadre du IXème Plan. Je ne tiens pas ce propos<br />

parce que ce sont <strong>le</strong>s départements qui nous invitent,<br />

mais c’est ce que j’observe partout. Il est donc<br />

essentiel que tout cela soit mis en œuvre rapidement.<br />

Les femmes et <strong>le</strong>s hommes des territoires <strong>le</strong><br />

demandent.<br />

Reconnaissons aux territoires ruraux ce potentiel qui<br />

est réel ! Faisons apparaître ces qualités ! C’est ainsi<br />

que <strong>le</strong>s territoires ruraux redeviendront ce qu’ils sont<br />

déjà, mais on ne <strong>le</strong> dit pas : des territoires de<br />

destination. On m’a fait faire des études supérieures<br />

pour partir de mon territoire. J’y suis revenu et je ne<br />

»<br />

<strong>le</strong><br />

regrette pas ! Nous sommes nombreux dans ce cas.<br />

(Applaudissements)<br />

30


ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Merci, madame la Ministre, d’avoir assisté et<br />

participé à nos débats de ce matin. Nous ne<br />

doutons pas que, compte tenu de l’actualité de<br />

cette semaine, votre emploi du temps soit<br />

particulièrement chargé. Mais vous comprenez que<br />

votre participation à ce rassemb<strong>le</strong>ment des<br />

nouvel<strong>le</strong>s ruralités est essentiel<strong>le</strong>.<br />

M me . Sylvia PINEL<br />

Ministre du Logement et<br />

de l’Egalité des territoires<br />

Jean-Yves VIF<br />

«Mesdames, messieurs <strong>le</strong>s Présidents de Conseils<br />

généraux, mesdames, messieurs <strong>le</strong>s élus, monsieur <strong>le</strong><br />

Maire, mesdames, messieurs, merci de m’avoir invitée<br />

à ces Etats Généraux sur un thème important.<br />

Je veux vous dire <strong>le</strong> plaisir qui est <strong>le</strong> mien de<br />

m’exprimer devant vous aujourd’hui, après avoir<br />

rencontré <strong>le</strong>s quatre Présidents de l’Allier, de la Nièvre,<br />

du Cher et de la Creuse qui ont beaucoup travaillé sur<br />

ces nouvel<strong>le</strong>s ruralités. Ils sont venus récemment me<br />

présenter <strong>le</strong>ur rapport et, au-delà, cette démarche<br />

initiée autour des nouvel<strong>le</strong>s ruralités.<br />

«Je mesure la<br />

responsabilité qui nous<br />

incombe»<br />

El<strong>le</strong> est pour moi l’occasion d’évoquer aujourd’hui ce<br />

sujet qui m’est cher. Bien sûr, mes attributions<br />

ministériel<strong>le</strong>s du logement et de l’égalité des<br />

territoires sont au cœur des interrogations sur la<br />

ruralité et el<strong>le</strong>s font éga<strong>le</strong>ment écho à mon parcours<br />

personnel, à mon engagement en tant qu’élue loca<strong>le</strong><br />

dans un département qui connaît des mutations<br />

profondes : <strong>le</strong> Tarn-et-Garonne.<br />

Je mesure aussi la responsabilité qui nous incombe,<br />

alors qu’une crise économique, socia<strong>le</strong> et<br />

démocratique sans précédent perdure dans notre pays<br />

et, de façon plus grave, sur certains territoires déjà<br />

fragilisés ou confrontés à des difficultés. Je pense bien<br />

sûr aux <strong>campagne</strong>s peu denses et enclavées, qui ont<br />

<strong>le</strong>s plus <strong>grand</strong>es difficultés à se raccrocher aux<br />

dynamiques de développement qui ne profitent<br />

souvent qu’aux <strong>grand</strong>es aires urbaines et dont <strong>le</strong>s<br />

habitants se sentent parfois oubliés de la République.<br />

Je pense aussi aux <strong>campagne</strong>s ou aux territoires<br />

périurbains qui, rattrapés par une urbanisation<br />

résidentiel<strong>le</strong> galopante, n’arrivent plus à assurer <strong>le</strong>s<br />

équilibres nécessaires au maintien de la cohésion<br />

socia<strong>le</strong> sur <strong>le</strong>ur territoire.<br />

Je pense encore aux <strong>campagne</strong>s industriel<strong>le</strong>s qui<br />

subissent de p<strong>le</strong>in fouet <strong>le</strong>s difficultés économiques de<br />

nos entreprises et peinent à trouver <strong>le</strong>s clés d’une<br />

reconversion économique.<br />

Mais je pense aussi que ces territoires vivent<br />

aujourd’hui un renouveau, ce que vous appe<strong>le</strong>z,<br />

messieurs <strong>le</strong>s Présidents, <strong>le</strong>s « nouvel<strong>le</strong>s ruralités ». Ils<br />

sont en dynamisme, en transformation profonde. Ils<br />

retrouvent des habitants qui viennent s’y instal<strong>le</strong>r car<br />

ils recherchent une qualité de vie, un environnement,<br />

une proximité et une richesse humaine qu’ils ont<br />

perdus dans <strong>le</strong>s <strong>grand</strong>es agglomérations.<br />

Plus que jamais ces territoires ruraux sont porteurs<br />

d’une <strong>grand</strong>e modernité. Ils investissent dans des<br />

infrastructures, des éco<strong>le</strong>s, des collèges, des lycées, se<br />

battent pour la réimplantation des commerces, ce que<br />

j’ai pu constater dans mon précédent poste ministériel,<br />

pour la préservation de <strong>le</strong>ur artisanat et de <strong>le</strong>ur identité<br />

loca<strong>le</strong>. Je <strong>le</strong> vois dans mes déplacements et dans mon<br />

département, <strong>le</strong>s attentes de nos concitoyens ont<br />

évolué, ce qui vaut pour <strong>le</strong>s territoires ruraux mais<br />

aussi urbains. La responsabilité des élus est de<br />

répondre à ces nouvel<strong>le</strong>s demandes.<br />

Je constate aussi que nos concitoyens sont attachés à<br />

<strong>le</strong>urs territoires et, notamment, aux territoires ruraux.<br />

Ils en sont fiers. Ils sont fiers de <strong>le</strong>urs territoires qui<br />

représentent des potentiels et des atouts.<br />

Alors, je suis venue ici pour vous dire à vous <strong>le</strong>s élus de<br />

ces territoires que je veux être cette ministre de la<br />

nouvel<strong>le</strong> ruralité. Vous avez avec moi une écoute, une<br />

bienveillance et une aide pour porter vos projets car je<br />

31


suis convaincue de la richesse et de la chance que<br />

représente la ruralité pour la France. Je dis d’autant<br />

plus que j’ai entendu vos inquiétudes dans <strong>le</strong> contexte<br />

de la réforme institutionnel<strong>le</strong> annoncée par <strong>le</strong> Président<br />

de la République et qu’il a précisée mardi dernier.<br />

L’ensemb<strong>le</strong> du Gouvernement et moi-même resterons<br />

attentifs à ce que cette réforme ne pénalise pas <strong>le</strong>s<br />

territoires ruraux, ni <strong>le</strong> besoin de proximité tant sollicité<br />

par nos concitoyens.<br />

André Vallini aura l’occasion, j’en suis sûre, d’évoquer<br />

ce sujet avec vous plus en détail cet après midi, mais je<br />

souhaitais néanmoins vous dire qu’au-delà de la<br />

réforme institutionnel<strong>le</strong>, la réforme que nous devons<br />

porter est bien cel<strong>le</strong> de l’efficacité de l’action publique<br />

et cel<strong>le</strong> du service rendu à nos concitoyens. C’est cela<br />

l’égalité des territoires !<br />

L’égalité des territoires, c’est donner à chaque Français<br />

une égalité d’accès aux services et aux équipements<br />

essentiels à la qualité de vie, tout en tenant compte de<br />

la particularité de chaque territoire. C’est l’égalité<br />

républicaine. C’est donner à tous <strong>le</strong>s mêmes chances,<br />

où qu’ils habitent, mais l’égalité ne signifie pas<br />

l’uniformité, ce qui nous demande d’innover, de penser<br />

<strong>le</strong>s outils qui nous permettront d’atteindre cette qualité<br />

de services, et de répondre aux enjeux évoqués par <strong>le</strong>s<br />

différents intervenants.<br />

L’égalité des territoires, c’est aussi <strong>le</strong>ur donner <strong>le</strong>s<br />

moyens de se développer et de renforcer <strong>le</strong>ur<br />

attractivité en fonction de <strong>le</strong>urs besoins et de <strong>le</strong>urs<br />

spécificités. C’est renforcer <strong>le</strong>s coopérations et <strong>le</strong>s<br />

complémentarités entre <strong>le</strong>s uns et <strong>le</strong>s autres, à<br />

l’opposé d’une mise en concurrence exacerbée qui<br />

prévaut trop souvent dans <strong>le</strong>s territoires et qui accentue<br />

<strong>le</strong>s décrochages et <strong>le</strong>s inégalités.<br />

L’égalité des territoires n’est donc pas une politique<br />

sectoriel<strong>le</strong>, mais bien un enjeu transversal qui doit<br />

transparaître dans l’ensemb<strong>le</strong> des politiques publiques<br />

définies par <strong>le</strong> Gouvernement, mais aussi l’ensemb<strong>le</strong><br />

des acteurs locaux, qu’il s’agisse des politiques<br />

économiques, de santé, d’accès à l’emploi, de<br />

formation, d’éducation, de culture, de jeunesse ou de<br />

sport.<br />

«Je suis venue ici pour vous<br />

dire que je veux être cette<br />

ministre de la nouvel<strong>le</strong><br />

ruralité»<br />

Pour réussir ce défi, j’ai défini plusieurs priorités :<br />

veil<strong>le</strong>r à une présence des services au public de<br />

proximité, en s’appuyant sur <strong>le</strong>s services de l’Etat, des<br />

col<strong>le</strong>ctivités territoria<strong>le</strong>s, et ce dans <strong>le</strong> cadre d’une<br />

réforme territoria<strong>le</strong> qui va modifier en profondeur <strong>le</strong><br />

paysage institutionnel français ; lancer une dynamique<br />

d’aménagement transversa<strong>le</strong> pour renforcer<br />

l’attractivité et la coopération de l’ensemb<strong>le</strong> des<br />

territoires ; accompagner de manière spécifique ceux<br />

qui nécessitent une action ciblée et, bien<br />

naturel<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong>s territoires ruraux.<br />

Comme je vous <strong>le</strong> disais, je suis une élue d’un<br />

département rural en mutation démographique. Je sais<br />

donc aussi que nous devons faire avancer <strong>le</strong>s choses<br />

concrètement, de manière opérationnel<strong>le</strong> avec tous <strong>le</strong>s<br />

acteurs. Sur l’ensemb<strong>le</strong> de ces sujets, l’Etat doit être<br />

présent, mais il doit l’être aux côtés des élus, des<br />

acteurs privés et des Français qui attendent beaucoup<br />

de nous. C’est cette conciliation entre l’exigence<br />

républicaine de présence de nos services publics et la<br />

nécessaire adaptation aux territoires qui est au cœur de<br />

ma mission.<br />

Le rô<strong>le</strong> de l’Etat est donc d’être <strong>le</strong> stratège, <strong>le</strong> garant<br />

et l’animateur de cet objectif politique, en s’appuyant<br />

sur <strong>le</strong>s relais de terrain car c’est bien de vous, élus<br />

locaux, que la plupart des initiatives partent<br />

aujourd’hui. Vous en êtes l’illustration, vous qui avez<br />

décidé de prendre en main l’avenir de vos territoires.<br />

Je connais bien, pour y avoir travaillé pendant plusieurs<br />

années, <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> et l’action des départements et des<br />

col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s. Les élus locaux sont des acteurs<br />

essentiels du développement de nos territoires, du<br />

maintien du lien social avec nos concitoyens, de la<br />

mise en œuvre de politiques publiques essentiel<strong>le</strong>s.<br />

C’est bien cette proximité que nous devons à tout prix<br />

préserver. El<strong>le</strong> est la clé de la modernité de l’action<br />

publique et du renouveau du lien entre nos concitoyens<br />

et l’action publique. C’est tout <strong>le</strong> sens de la création<br />

récente du Commissariat général à l’égalité des<br />

territoires qui incarne cette nouvel<strong>le</strong> approche. Mais<br />

pour construire l’objectif d’égalité des territoires, nous<br />

devons aussi faire évoluer notre vocabulaire : en cela je<br />

rejoins tota<strong>le</strong>ment la thématique que vous avez<br />

choisie, cel<strong>le</strong> des « nouvel<strong>le</strong>s ruralités ». Il nous faut,<br />

comme vous <strong>le</strong> dites, inventer <strong>le</strong> vocabulaire qui<br />

permet de s’adapter à ces évolutions.<br />

Cette invention est en marche, et la création d’un<br />

ministère de l’égalité des territoires en est une<br />

illustration. Nous sommes passés d’une matière,<br />

l’aménagement du territoire, à un objectif politique et<br />

positif, l’égalité des territoires. Nous allons éga<strong>le</strong>ment<br />

créer un Conseil national à l’égalité des territoires, pour<br />

traduire concrètement la nécessité d’un dialogue<br />

renouvelé entre l’Etat et <strong>le</strong>s acteurs territoriaux sur <strong>le</strong>s<br />

<strong>grand</strong>es orientations à mettre en œuvre, en partant des<br />

remontées de terrain, de l’expérience des inégalités<br />

territoria<strong>le</strong>s subies et des initiatives prometteuses et<br />

innovantes qui s’y développent et je sais qu’el<strong>le</strong>s sont<br />

extrêmement nombreuses.<br />

32


Les mots ont du sens et disent beaucoup des choix<br />

politiques que nous faisons. Poursuivant mon propos,<br />

je souhaite m’appuyer sur trois mots qui, selon moi,<br />

résument parfaitement <strong>le</strong>s enjeux essentiels qui sont<br />

ceux des territoires ruraux auxquels il nous appartient<br />

de répondre : proximité, attractivité et solidarité.<br />

Le premier mot en référence à l’égalité et aux<br />

territoires ruraux est bien celui de proximité. Jamais<br />

nos concitoyens n’ont aussi fortement appelé à un<br />

renforcement de ce lien de proximité de l’action<br />

publique, en particulier dans <strong>le</strong>s départements ruraux,<br />

mais aussi dans <strong>le</strong>s quartiers de nos <strong>grand</strong>es vil<strong>le</strong>s et<br />

<strong>le</strong>s territoires périurbains. Les difficultés sont toujours<br />

là. Mais je ne crains pas de dire que ce gouvernement<br />

a fait beaucoup en deux ans et je veux étayer mon<br />

propos de quelques exemp<strong>le</strong>s concrets. Le ministère de<br />

la santé a engagé un Plan Territoires Santé qui a<br />

permis, en 2013, la création de 200 postes de<br />

praticiens territoriaux dans <strong>le</strong>s territoires où <strong>le</strong>s<br />

généralistes n’étaient pas suffisamment nombreux.<br />

Mon ministère a aussi contribué au développement de<br />

près de 300 maisons de santé pluridisciplinaires pour<br />

faciliter la mutualisation et l’installation de médecins.<br />

Le gouvernement, en créant des postes d’enseignants,<br />

a ainsi permis à de nombreuses classes de se<br />

maintenir, d’éco<strong>le</strong>s de rester ouvertes, notamment en<br />

milieu rural. A l’échel<strong>le</strong> de mes attributions, je prends<br />

moi aussi à bras <strong>le</strong> corps cette question. Je porte ainsi<br />

une stratégie transversa<strong>le</strong> de renforcement des services<br />

au public. Cette politique publique sera fondée sur la<br />

mise en oeuvre de schémas territoriaux de<br />

renforcement de l’accessibilité des services au public,<br />

qui permettront d’avoir une vision transversa<strong>le</strong> des<br />

manques et des besoins de nos concitoyens en termes<br />

d’offre de services. Il n’est pas normal que dans nos<br />

<strong>campagne</strong>s certains de nos concitoyens doivent<br />

parcourir des dizaines de kilomètres, voire plus, pour<br />

un rendez-vous avec un conseil<strong>le</strong>r d’un opérateur de<br />

l’Etat, ou simp<strong>le</strong>ment pour déposer un dossier et<br />

s’assurer de sa complétude !<br />

Nous devons inventer de nouvel<strong>le</strong>s solutions pour<br />

rapprocher <strong>le</strong>s services des citoyens, en nous appuyant<br />

sur <strong>le</strong> numérique, bien évidemment, mais pas<br />

seu<strong>le</strong>ment. Je pense en effet qu’il est dangereux de<br />

croire que la dématérialisation des procédures peut<br />

répondre, seu<strong>le</strong>, à cet enjeu de proximité et de qualité<br />

de service, même s’il est vrai que, dans beaucoup de<br />

cas, <strong>le</strong> numérique sera la solution.<br />

J’ai confiance dans la politique de mutualisation des<br />

services. Les schémas serviront de guide à la création<br />

de maisons de services au public, dont <strong>le</strong> principe<br />

même est fondé sur la mutualisation. Il existe 300<br />

maisons aujourd’hui et je fais mien l’objectif de <strong>le</strong>s<br />

porter à 1 000 d’ici à 2017. Je signerai très<br />

prochainement une convention avec la Caisse des<br />

Dépôts pour former et animer <strong>le</strong>s équipes qui font vivre<br />

chaque jour ces maisons de services au public. Je<br />

souhaite éga<strong>le</strong>ment mettre en place un fonds de<br />

financement abondé par <strong>le</strong>s opérateurs dont <strong>le</strong>s<br />

services sont accessib<strong>le</strong>s par <strong>le</strong> biais de ces maisons.<br />

L’Etat appuie et continuera d’appuyer financièrement<br />

tous ces projets, et je sais que cela répond aux attentes<br />

que vous avez exprimées dans votre rapport, messieurs<br />

<strong>le</strong>s Présidents.<br />

Le deuxième mot, c’est celui de l’attractivité des<br />

territoires. Chaque territoire a de nombreux atouts qui<br />

contribuent à son attractivité, comme j’avais pu <strong>le</strong><br />

constater quand j’étais en charge du tourisme. Mais il<br />

faut <strong>le</strong>s mettre en capacité de <strong>le</strong>s valoriser et d’en faire<br />

des <strong>le</strong>viers de développement, en ayant une approche<br />

différente car <strong>le</strong>s besoins ne sont pas <strong>le</strong>s mêmes.<br />

Pour re<strong>le</strong>ver ce défi, nous devons apporter aux<br />

territoires <strong>le</strong>s outils indispensab<strong>le</strong>s à <strong>le</strong>ur<br />

développement. Je pense, bien entendu, tout d’abord<br />

au très haut débit. Sur cette question, <strong>le</strong><br />

Gouvernement a lancé en février 2013 un plan<br />

33


d’aménagement numérique très ambitieux et<br />

fortement péréquateur pour <strong>le</strong>s territoires ruraux peu<br />

denses et enclavés. Le développement de ces<br />

infrastructures va donc s’accélérer dans <strong>le</strong>s années à<br />

venir, pour atteindre l’objectif d’une couverture tota<strong>le</strong><br />

d’ici à 2023. Ce plan rencontre un <strong>grand</strong> succès,<br />

puisqu’en début d’année, près de 40 projets avaient<br />

été soumis à la mission très haut débit, couvrant<br />

environ la moitié du territoire.<br />

Renforcer <strong>le</strong>s capacités des territoires ruraux passe<br />

aussi par la modernisation de l’agriculture. Si<br />

l’agriculture n’est plus la seu<strong>le</strong> activité de nos<br />

territoires, comme il a été dit, cela reste un secteur<br />

économique important et un <strong>le</strong>vier de préservation des<br />

paysages. La politique agrico<strong>le</strong> commune, qui a été<br />

renégociée en 2013 et qui a maintenu <strong>le</strong> niveau<br />

d’aide qui revient à la France, permettra de soutenir<br />

considérab<strong>le</strong>ment cet effort de modernisation, dans<br />

une logique de meil<strong>le</strong>ure répartition des aides entre <strong>le</strong>s<br />

<strong>grand</strong>es exploitations intensives et <strong>le</strong>s exploitations<br />

plus modestes et plus extensives. Ces aides<br />

permettront de moderniser <strong>le</strong>s exploitations, de<br />

consolider des filières, tel<strong>le</strong> la filière bois évoquée<br />

précédemment par <strong>le</strong> Président du Conseil général de<br />

la Nièvre et c’est une réalité, mais aussi de soutenir<br />

l’installation de jeunes agriculteurs. Ce dernier point est<br />

essentiel pour la vitalité démographique et économique<br />

des territoires ruraux.<br />

Mais il est aussi nécessaire d’accompagner la<br />

structuration de modè<strong>le</strong>s économiques solidaires et<br />

vertueux. Le Gouvernement a soutenu en 2013 une<br />

première vague de pô<strong>le</strong>s territoriaux de coopération<br />

économique, qui sont des projets de collaboration entre<br />

des acteurs de l’économie socia<strong>le</strong> et solidaire et de<br />

l’économie traditionnel<strong>le</strong>. Ces projets sont créateurs<br />

d’emplois locaux et répondent souvent à des besoins<br />

sociaux. L’Etat, et mon ministère en particulier, s’est<br />

engagé dans la reconnaissance de ce type de<br />

développement économique coopératif. Je souhaite<br />

vivement que ces démarches se multiplient dans <strong>le</strong>s<br />

territoires ruraux et je continuerai à apporter mon<br />

soutien à ces initiatives.<br />

Je souhaite enfin avoir une vigilance particulière sur<br />

l’avenir de nos petites vil<strong>le</strong>s, de nos petites communes<br />

et de certains centres-bourgs qui sont essentiels à<br />

l’attractivité du monde rural. L’Etat doit apporter son<br />

concours, donner des clés de réf<strong>le</strong>xion et des outils aux<br />

col<strong>le</strong>ctivités pour agir face à cette situation grave. Tel<br />

est l’objet d’un programme expérimental, celui de la<br />

revitalisation des centres-bourgs, qui concerne quelques<br />

dizaines de communes de moins de 10 000 habitants.<br />

J’ai décidé de poursuivre ce programme : <strong>le</strong>s territoires<br />

« pilotes » de cette démarche seront connus à<br />

l’automne. Ce programme s’adresse aux communes<br />

rura<strong>le</strong>s qui connaissent un déclin démographique ou un<br />

affaiblissement de <strong>le</strong>urs fonctions de centralité et qui<br />

sont confrontées à une dévitalisation de <strong>le</strong>ur centre<br />

éventuel<strong>le</strong>ment, accompagnée d’un développement de<br />

zones pavillonnaires périphériques. Il s’adresse<br />

éga<strong>le</strong>ment aux communes gagnées par la<br />

périurbanisation, qui voient augmenter la demande de<br />

logements, d’équipements et de services et pourraient<br />

servir de point d’ancrage à un développement<br />

périurbain mieux maîtrisé. Il vise à conforter la<br />

présence de centres-bourgs animés, qui sont essentiels<br />

pour <strong>le</strong> développement durab<strong>le</strong> des territoires ruraux et<br />

périurbains, notamment grâce à la dynamisation de<br />

l’économie des bassins de vie en développant des<br />

activités productives et résidentiel<strong>le</strong>s, mais aussi à<br />

l’amélioration du cadre de vie des populations, en<br />

offrant notamment des logements de qualité et un<br />

meil<strong>le</strong>ur accès aux services de proximité, et à<br />

l’accompagnement de la transition écologique des<br />

territoires. A partir de ce dispositif expérimental, nous<br />

définirons une stratégie nationa<strong>le</strong>, concertée avec <strong>le</strong>s<br />

col<strong>le</strong>ctivités territoria<strong>le</strong>s et ambitieuse pour la<br />

reconquête des centres-bourgs.<br />

C’est éga<strong>le</strong>ment dans ce même objectif de<br />

redynamisation des territoires que je souhaite<br />

réorienter la prime d’aménagement du territoire vers<br />

<strong>le</strong>s PME qui sont essentiel<strong>le</strong>s à l’activité de chacun, qui<br />

créent des emplois, qui préservent nos savoir-faire et<br />

qui participent à l’identité de notre pays. Je crois<br />

fermement que <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de l’Etat dans la mise en<br />

capacité des territoires, c’est précisément cela : mettre<br />

en œuvre des projets qui permettent de répondre aux<br />

enjeux spécifiques des territoires.<br />

Le dernier mot auquel je fais appel, et je sais que vous<br />

y êtes attachés, c’est la solidarité. L’Etat est <strong>le</strong> garant<br />

de cette solidarité. El<strong>le</strong> s’incarne dans la définition des<br />

politiques publiques dont il a la charge, qui permet de<br />

compenser <strong>le</strong>s difficultés particulières des territoires<br />

ruraux. Je pense, par exemp<strong>le</strong>, à l’adaptation permise<br />

pour <strong>le</strong>s emplois d’avenir dans <strong>le</strong>s territoires ruraux,<br />

comme dans <strong>le</strong>s territoires urbains en difficulté : ces<br />

contrats ont été ouverts plus <strong>grand</strong>ement aux<br />

diplômés.<br />

Cette question de l’adaptation, pour des raisons de<br />

solidarité ou de justice territoria<strong>le</strong>, des politiques<br />

publiques aux réalités du quotidien rural, j’y suis<br />

extrêmement attachée. C’est d’ail<strong>le</strong>urs l’objet de la<br />

34


mission qui a été confiée à Alain Bertrand, Sénateur de<br />

la Lozère, qui me rendra ses conclusions cet été. En<br />

me fondant sur ses recommandations, je souhaite al<strong>le</strong>r<br />

plus loin dans l’adaptation des politiques publiques aux<br />

zones rura<strong>le</strong>s.<br />

C’est éga<strong>le</strong>ment cette exigence de solidarité qui guide<br />

l’effort de péréquation vertica<strong>le</strong> qui a été fait depuis<br />

deux ans dans la répartition des dotations entre <strong>le</strong>s<br />

col<strong>le</strong>ctivités. La solidarité est éga<strong>le</strong>ment au cœur des<br />

mécanismes de péréquation horizonta<strong>le</strong>.<br />

L’intercommunalité est un outil puissant pour y<br />

parvenir. C’est pourquoi son renforcement n’est qu’un<br />

objectif. Mais el<strong>le</strong> doit aussi se manifester à travers<br />

«Proximité, attractivité et<br />

solidarité, si nous arrivons à<br />

re<strong>le</strong>ver ensemb<strong>le</strong> <strong>le</strong>s défis<br />

sous-jacents à ces trois mots, nous<br />

aurons beaucoup progressé»<br />

une mutualisation renforcée des moyens et des<br />

compétences.<br />

Aujourd’hui, l’une des difficultés majeures rencontrées<br />

dans <strong>le</strong>s territoires ruraux tient à l’accès à l’ingénierie.<br />

Or, c’est une clé essentiel<strong>le</strong> du développement des<br />

capacités des territoires : la création de moyens<br />

d’ingénierie mutualisés peut répondre efficacement aux<br />

besoins des territoires <strong>le</strong>s moins dotés.<br />

Enfin, la solidarité peut s’exprimer aussi à travers<br />

d’autres moyens que la péréquation financière. J’en<br />

viens à une thématique qui est encore peu investie,<br />

mais dont j’ai constaté avec plaisir qu’Alain Calmette<br />

et Caro<strong>le</strong> Delga, quand el<strong>le</strong> était encore députée,<br />

s’étaient saisis, cel<strong>le</strong> de la coopération territoria<strong>le</strong> entre<br />

<strong>le</strong> rural et l’urbain. Vous <strong>le</strong> savez tous, la création des<br />

métropo<strong>le</strong>s a profondément modifié la géographie de<br />

notre pays. Une politique d’égalité des territoires doit<br />

aussi s’interroger sur <strong>le</strong> développement des liens entre<br />

<strong>le</strong>s populations. Si nous ne voulons pas que<br />

l’interdépendance territoria<strong>le</strong> se fasse au détriment des<br />

territoires ruraux, il nous faut ouvrir <strong>le</strong> champ des<br />

thèmes de coopération. Il s’agit, non pas de se<br />

contenter de regarder cet enjeu au travers de la<br />

question de l’accès des citadins à la nature, aux loisirs<br />

ou de la gestion des déchets, mais clairement de poser<br />

<strong>le</strong>s bases d’une relation équilibrée entre <strong>le</strong>s territoires<br />

urbains et ruraux et des apports dont ils peuvent se<br />

nourrir mutuel<strong>le</strong>ment.<br />

Je pense en particulier que nous devons aussi renforcer<br />

<strong>le</strong> « vivre ensemb<strong>le</strong> » qui existe déjà grâce à la vitalité<br />

et à la richesse de la vie associative. C’est une chance<br />

pour <strong>le</strong>s territoires ruraux et une chance pour <strong>le</strong>s<br />

va<strong>le</strong>urs de la République. C’est un défi majeur et je<br />

souhaite m’y atte<strong>le</strong>r fermement. J’aurai besoin de<br />

toutes <strong>le</strong>s bonnes volontés pour faire émerger cet enjeu<br />

et pour lui donner une traduction concrète.<br />

Tel est, en trois mots – proximité, attractivité et<br />

solidarité –, <strong>le</strong> message que je voulais partager avec<br />

vous aujourd’hui. Bien sûr, je ne prétends pas à<br />

l’exhaustivité. Beaucoup d’autres sujets auraient pu<br />

être évoqués. Mais il me semb<strong>le</strong> déjà que si nous<br />

arrivons à re<strong>le</strong>ver ensemb<strong>le</strong> <strong>le</strong>s défis sous-jacents à ces<br />

trois mots, nous aurons beaucoup progressé.<br />

Malgré <strong>le</strong>s efforts du Gouvernement et des col<strong>le</strong>ctivités<br />

depuis deux ans, je sais qu’il nous reste encore un long<br />

chemin à parcourir pour tendre vers l’égalité des<br />

territoires. Malgré <strong>le</strong> contexte diffici<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s inquiétudes<br />

qui sont <strong>le</strong>s vôtres, je sais cependant pouvoir compter<br />

sur votre mobilisation et votre sens de l’intérêt général<br />

pour faire aboutir ce projet politique pour l’avenir de<br />

nos territoires, pour <strong>le</strong> redressement<br />

»<br />

de notre pays et<br />

pour l’avenir de nos concitoyens.<br />

(Applaudissements)<br />

(Mme Sylvia Pinel, Ministre du Logement et de l’Egalité des Territoires,<br />

quitte <strong>le</strong>s Etats Généraux des Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités.)<br />

35


Sans transition, j’invite à nous rejoindre Christophe Guilluy,<br />

géographe, pour intervenir sur <strong>le</strong> thème « Redonner un<br />

avenir aux territoires faib<strong>le</strong>ment métropolisés : quels intérêts<br />

pour ces territoires et pour la France ? »<br />

Christophe Guilluy, la géographie socia<strong>le</strong> et humaine est<br />

votre domaine de compétence. Nous souhaitions bénéficier<br />

de votre regard et de votre éclairage.<br />

M. Christophe<br />

GUILLUY<br />

Géographe<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

«Le timing ayant évolué et étant moi-même contraint par<br />

des impératifs de temps, je me propose de condenser<br />

mon propos, en l’illustrant de cartes.<br />

(Il est procédé à la projection de cartes)<br />

Cette première carte a pour thème la question des<br />

représentations. Vous l’avez entendu, tout <strong>le</strong> monde<br />

vous adore : <strong>le</strong> rural, c’est formidab<strong>le</strong>, tout comme <strong>le</strong><br />

département ! La commune aussi est aimée. C’est, en<br />

tout cas, ce que j’entends depuis vingt ans.<br />

«Toute représentation<br />

géographique est politique»<br />

Puis, ce sont des faits : la réforme territoria<strong>le</strong>, par<br />

exemp<strong>le</strong>, mais aussi un pouvoir politique de moins en<br />

moins prégnant pour <strong>le</strong>s départements et, globa<strong>le</strong>ment,<br />

pour <strong>le</strong>s zones rura<strong>le</strong>s.<br />

Etant géographe, je travail<strong>le</strong>, me tournant vers M.<br />

Dumont, sur <strong>le</strong>s représentations géographiques. A ce<br />

sujet, il faut avoir présent à l’esprit un point important :<br />

toute représentation géographique est politique. Depuis<br />

la nuit des temps, des cartes, élaborées par des<br />

technocrates, en l’occurrence par l’INSEE, vous sont<br />

présentées comme étant justes. Certes, ces cartes,<br />

comme cel<strong>le</strong> qui vous est projetée sur <strong>le</strong>s aires<br />

urbaines, ne sont pas fausses.<br />

«La carte des aires urbaines<br />

structure aujourd’hui la pensée<br />

géographique et politique»<br />

Ce sont de vraies cartes, avec de bel<strong>le</strong>s cou<strong>le</strong>urs,<br />

assorties d’informations sublimina<strong>le</strong>s. C’est, par<br />

exemp<strong>le</strong>, la question rural/urbain qui a été évoquée<br />

précédemment, avec <strong>le</strong> fait que la France compterait<br />

80 % d’urbains. L’INSEE va même plus loin, en<br />

avançant cette donnée selon laquel<strong>le</strong> 95 % de la<br />

population française est sous influence urbaine. Autant<br />

dire plus <strong>grand</strong>-chose pour <strong>le</strong> rural et autant de<br />

données entrées dans <strong>le</strong>s cerveaux !<br />

Il est clair que la carte des aires urbaines structure<br />

aujourd’hui la pensée géographique et politique.<br />

Chaque année ou tous <strong>le</strong>s deux ans, l’INSEE publie<br />

cette carte et ces tâches de cou<strong>le</strong>ur orange illustrant<br />

ces aires urbaines s’étendent, avec cette idée<br />

fina<strong>le</strong>ment que 80 % ou 90 % de la population<br />

française serait intégrée à ces territoires-là et que <strong>le</strong><br />

reste serait du vide !<br />

36


Personne ne conteste cette carte qui structure toute la<br />

pensée politique. C’est ainsi, en toi<strong>le</strong> de fond, la réforme<br />

territoria<strong>le</strong> qui, bien évidemment, est inscrite dans cette<br />

carte-là. Je veux dire par là qu’il faut faire très attention à<br />

la cartographie et aux représentations qui nous sont<br />

données.<br />

En allant plus loin, quel<strong>le</strong> place pour la ruralité ?<br />

Quasiment plus rien, comme l’illustre cette même carte !<br />

Sur cette représentation, ce sont, d’un côté, <strong>le</strong>s<br />

métropo<strong>le</strong>s avec toute la population française et, de<br />

l’autre, <strong>le</strong> reste, c’est-à-dire vous qui incarnez la ruralité<br />

tant aimée et toujours évoquée avec bienveillance. Je <strong>le</strong><br />

dis parce que, travaillant beaucoup sur la politique de la<br />

vil<strong>le</strong>, je constate en m’en amusant que, chaque fois que<br />

nous avons des initiatives en direction des quartiers<br />

urbains des <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s, il est systématiquement<br />

ajouté depuis deux ou trois ans, c'est-à-dire depuis que <strong>le</strong><br />

rural a tendance à bouger : « et <strong>le</strong>s zones rura<strong>le</strong>s » ! Les<br />

politiques publiques sont toujours faites sur de l’urbain,<br />

mais <strong>le</strong> fait d’ajouter « rural » calme <strong>le</strong>s zones rura<strong>le</strong>s.<br />

Cela ne coûte strictement rien et, politiquement, c’est<br />

assez vendeur !<br />

Le rural, réduit à peau de chagrin, est voué à disparaître<br />

sur cette représentation-là.<br />

M’intéressant d’abord et avant à la question des<br />

catégories populaires, des catégories modestes, je<br />

travail<strong>le</strong> plus, en réalité, sur <strong>le</strong> peup<strong>le</strong>ment que sur <strong>le</strong><br />

territoire. J’arrive au territoire par <strong>le</strong> peup<strong>le</strong>ment, plus que<br />

l’inverse. Je me suis posé quelques questions sur <strong>le</strong>s<br />

représentations. Reprenant la même carte de l’INSEE, si<br />

j’excepte <strong>le</strong>s métropo<strong>le</strong>s et me place dans ce que<br />

j’appel<strong>le</strong> la « France périphérique », c’est-à-dire tout ce<br />

qui se trouve à l’écart des métropo<strong>le</strong>s, nous voyons bien<br />

que <strong>le</strong>s territoires situés à l’écart ne sont pas uniquement<br />

« ruraux » au sens de l’INSEE. Ils peuvent être aussi<br />

urbains, c'est-à-dire qu’il peut s’agir de petites vil<strong>le</strong>s ou de<br />

vil<strong>le</strong>s moyennes. Par conséquent, la représentation «<br />

urbain/rural », ce n’est pas seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s métropo<strong>le</strong>s,<br />

d’un côté, et <strong>le</strong>s zones rura<strong>le</strong>s, de l’autre. C’est<br />

nettement plus comp<strong>le</strong>xe, avec notamment du rural,<br />

mais très connecté avec <strong>le</strong>s petites vil<strong>le</strong>s.<br />

«Quel<strong>le</strong> place pour la<br />

ruralité ? Quasiment plus<br />

rien»<br />

La notion de « nouvel<strong>le</strong>s ruralités » est intéressante en<br />

ce sens qu’el<strong>le</strong> est beaucoup plus large que la<br />

définition de l’INSEE. Je m’y retrouve parfaitement,<br />

avec cette idée que sont présents d’immenses<br />

territoires au-delà des <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s. Seu<strong>le</strong>ment,<br />

lorsque je montre cette carte avec ces immenses<br />

territoires, il m’est rétorqué que c’est la France du<br />

vide, là où il n’y a rien, et que tout se passe dans <strong>le</strong>s<br />

<strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s représentent <strong>le</strong>s deux<br />

tiers du PIB français, etc.<br />

Nous sommes donc allés plus loin, en considérant que<br />

la France, c’est toujours une majorité d’ouvriers,<br />

d’employés de catégorie modeste, avec de petits<br />

salaires, sans être forcément des pauvres. Nous nous<br />

sommes donc posé la question : où vivent-ils ?<br />

Bizarrement, pas du tout dans <strong>le</strong>s <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s,<br />

mais ail<strong>le</strong>urs ! Dans « la France des oubliés » ou, au<br />

choix, « la France des invisib<strong>le</strong>s ». En tout cas, ils se<br />

sont délocalisés peu à peu, s’agissant de 30 ans de<br />

recomposition socia<strong>le</strong> des territoires.<br />

La majorité de la population française – ouvriers,<br />

employés, jeunes et retraités issus de ces catégories<br />

qui pèsent tout de même très lourdement sur la<br />

sociologie française – ne vit donc plus sur des<br />

territoires qui « comptent ». Aujourd’hui, la majorité<br />

des catégories populaires vit sur <strong>le</strong>s territoires qui ne<br />

créent pas de la richesse. Après, il faut s’entendre sur<br />

la notion de création de richesse, sachant que <strong>le</strong> PIB ne<br />

dit pas tout, évidemment ! Nous avons alors créé un<br />

indicateur, celui de fragilité socia<strong>le</strong>, pour définir ce<br />

qu’est la France fragi<strong>le</strong>. Nous parlons de fragilité<br />

précisément pour ne pas retomber dans tout ce qui est<br />

pauvreté, chômage, et nous situer dans une vision plus<br />

large. Nous avons enrichi cet indicateur d’un certain<br />

nombre d’autres indicateurs, comme <strong>le</strong> taux de<br />

chômage, <strong>le</strong> taux d’emploi à temps partiel, <strong>le</strong> taux de<br />

propriétaires occupants modestes, étant entendu que<br />

toute carte est contestab<strong>le</strong>, même <strong>le</strong>s miennes, rien<br />

n’étant gravé dans <strong>le</strong> marbre. Bref, nous avons là une<br />

France qui est vraiment cel<strong>le</strong> du rural, des petites vil<strong>le</strong>s,<br />

de certaines vil<strong>le</strong>s moyennes. En tout cas, il est certain<br />

que cette France des fragilités socia<strong>le</strong>s n’est pas cel<strong>le</strong><br />

des <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s. Quel<strong>le</strong> est-el<strong>le</strong> alors ? Nous<br />

pouvons l’identifier ainsi, en fonction de l’indice de<br />

fragilité socia<strong>le</strong>, avec à droite de cette carte, Paris et, à<br />

gauche, <strong>le</strong>s communes rura<strong>le</strong>s : nous voyons<br />

clairement un lien assez fort entre fragilité et tail<strong>le</strong> des<br />

communes.<br />

Je vous invite là à une comparaison, avec, d’un côté,<br />

la France des métropo<strong>le</strong>s qui, d’après nos calculs,<br />

représente maximum 40 % de la population, banlieues<br />

et couronnes périurbaines comprises…<br />

»<br />

37


«<br />

A partir de quel niveau de population<br />

considérez-vous la métropo<strong>le</strong> ?<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Nous avons fait un distinguo entre « France<br />

métropolitaine » et « France périphérique ». La France<br />

métropolitaine, ce sont <strong>le</strong>s <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s<br />

<strong>grand</strong>es vil<strong>le</strong>s vraiment au sens large. En réalité, nous<br />

pouvons aussi en discuter : combien la France<br />

compte-t-el<strong>le</strong> de vraies métropo<strong>le</strong>s ? Certains disent<br />

qu’el<strong>le</strong> ne compte qu’une seu<strong>le</strong> métropo<strong>le</strong><br />

mondialisée, Paris, mais ce peut être une définition à<br />

l’infini.<br />

La « France métropolitaine », c’est 40 % de la<br />

population française. C’est cel<strong>le</strong> des territoires qui sont<br />

plus dynamiques économiquement, qui concentrent<br />

essentiel<strong>le</strong>ment des emplois cadres et qui créent <strong>le</strong> plus<br />

d’emplois, bref, ceux qui « comptent » dans la<br />

mondialisation.<br />

«La France périphérique, c’est<br />

60 % de la population française,<br />

cel<strong>le</strong> où se trouve l’essentiel des<br />

fragilités socia<strong>le</strong>s»<br />

La « France périphérique », c’est 60 % de la<br />

population française, cel<strong>le</strong> où se trouve l’essentiel des<br />

fragilités socia<strong>le</strong>s. Cette question est primordia<strong>le</strong> : la<br />

majorité des catégories modestes vit sur <strong>le</strong>s territoires<br />

<strong>le</strong>s plus fragi<strong>le</strong>s économiquement et socia<strong>le</strong>ment.<br />

Nous comprenons aujourd’hui pourquoi <strong>le</strong>s radicalités<br />

socia<strong>le</strong>s et politiques viennent de cette France<br />

périphérique. Le mouvement des « bonnets rouges »<br />

en Bretagne est parti, ni de Nantes, ni de Rennes, mais<br />

de la Bretagne intérieure. Pourquoi ? Ces territoires<br />

sont très fragi<strong>le</strong>s économiquement. En cas de pertes<br />

d’emplois, s’ensuit très souvent <strong>le</strong> chômage total parce<br />

que <strong>le</strong>s mobilités sont très diffici<strong>le</strong>s sur ces territoires.<br />

C’est un maillage économique très fragi<strong>le</strong> et ce sont<br />

des populations el<strong>le</strong>s-mêmes très fragi<strong>le</strong>s socia<strong>le</strong>ment.<br />

Dans cette France périphérique, émerge une nouvel<strong>le</strong><br />

question socia<strong>le</strong>. L’essentiel de l’emploi aujourd’hui se<br />

crée dans <strong>le</strong>s <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s, précisément là où<br />

ne se trouvent plus ces catégories modestes. Hier, <strong>le</strong>s<br />

ouvriers vivaient dans des vil<strong>le</strong>s industriel<strong>le</strong>s qui<br />

créaient de l’emploi et ils étaient intégrés<br />

économiquement à la machine économique.<br />

Aujourd’hui, et tel est <strong>le</strong> <strong>grand</strong> malaise sociétal et<br />

démocratique que nous vivons, la majorité des<br />

catégories modestes ne vivent pas là où cela se passe.<br />

Ce n’est jamais arrivé dans l’Histoire. Là est <strong>le</strong> disque<br />

dur ! Là est <strong>le</strong> fond ! Le fond n’est pas la réforme<br />

territoria<strong>le</strong>. La coquil<strong>le</strong> est accessoire. Voici la question :<br />

quel<strong>le</strong> réalité socia<strong>le</strong> avez-vous, vous, sous <strong>le</strong>s yeux ?<br />

Ces territoires de la France périphérique se remplissent<br />

depuis 30 ans de ménages. Les territoires, y compris<br />

ruraux, accueil<strong>le</strong>nt aujourd’hui de plus en plus de<br />

monde, mais aussi des populations socia<strong>le</strong>ment<br />

modestes. C’est un enjeu social complètement nouveau.<br />

Nous sommes toujours à penser la question socia<strong>le</strong> avec<br />

<strong>le</strong>s outils statistiques français. Nous sommes très bons<br />

en France, par exemp<strong>le</strong>, pour repérer <strong>le</strong>s situations de<br />

concentration, de pauvreté, de chômage, etc. D’où la<br />

politique de la Vil<strong>le</strong>. En revanche, nous sommes assez<br />

mauvais, voire nuls sur la question de la dispersion de la<br />

précarité et du chômage.<br />

Avec la France périphérique, cette nouvel<strong>le</strong> question<br />

socia<strong>le</strong> passe complètement à l’as. Pourquoi ? Ces<br />

territoires de la France périphérique qui rejoignent vos<br />

territoires de la nouvel<strong>le</strong> ruralité n’existent pas<br />

politiquement. Nous pouvons discuter à l’infini de ces<br />

problèmes sociaux, si vous ne pesez pas politiquement,<br />

38


on n’arrivera à rien. Or, et tel est <strong>le</strong> paradoxe, vous<br />

avez la majorité de la population sur ces territoires-là et<br />

une immense majorité des catégories modestes. Au<br />

lieu d’être au chevet de cette France-là, qu’est-il<br />

organisé ? Un territoire qui va aujourd’hui se structurer<br />

autour des <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s !<br />

Je ne tiens pas un discours contre la métropolisation.<br />

Nous avons besoin de <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s d’échel<strong>le</strong><br />

mondia<strong>le</strong>. En revanche, quel est <strong>le</strong> modè<strong>le</strong> économique<br />

et social de ces territoires-là ? Il ne s’agit pas d’y<br />

refaire ce qui a été fait dans <strong>le</strong>s <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s. Il<br />

va falloir penser <strong>le</strong>s choses différemment. C’est<br />

pourquoi votre initiative est très intéressante : il s’agit<br />

de partir de vos forces et aussi de vos faib<strong>le</strong>sses pour<br />

définir ce que pourrait être un contre-modè<strong>le</strong>.<br />

Le temps me manque malheureusement pour présenter<br />

différentes thématiques socia<strong>le</strong>s touchant vos<br />

territoires. Cette carte illustre <strong>le</strong>s retraités populaires,<br />

issus de catégories modestes, qui sont aussi dans cette<br />

France périphérique, donc sur vos territoires, et qui<br />

posent des problèmes spécifiques. Avoir à gérer des<br />

retraités aux très modestes pensions n’est pas la<br />

même chose que de gérer des retraités aisés. Comme<br />

j’ai coutume de <strong>le</strong> dire, il est très faci<strong>le</strong> de gérer de<br />

<strong>grand</strong>es vil<strong>le</strong>s comme Paris et Lyon, mais nettement<br />

plus compliqué de gérer une petite vil<strong>le</strong> ou une vil<strong>le</strong><br />

moyenne. Il est plus comp<strong>le</strong>xe d’être maire de<br />

Char<strong>le</strong>vil<strong>le</strong>-Mézières ou de Saint-Dizier que d’être maire<br />

de Paris, sachant par ail<strong>le</strong>urs que je n’ai rien contre <strong>le</strong><br />

maire de Paris !<br />

Dans <strong>le</strong> cadre du Commissariat général à la stratégie et<br />

à la prospective, j’ai été missionné pour travail<strong>le</strong>r sur la<br />

question de l’enfance et de la pauvreté. C’est un<br />

exemp<strong>le</strong> parmi différentes thématiques que je vous<br />

cite. Ma mission consistait à travail<strong>le</strong>r sur <strong>le</strong>s quartiers<br />

urbains des <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s et nous nous sommes<br />

rendus compte que la majorité des enfants pauvres ne<br />

vit pas dans ces quartiers urbains qui, par ail<strong>le</strong>urs,<br />

comptent aussi des enfants pauvres, mais qu’ils sont<br />

dispersés sur l’ensemb<strong>le</strong> du territoire. Nous retrouvons là<br />

ce pourcentage : 60 % des enfants de catégories<br />

populaires vivent dans <strong>le</strong>s espaces ruraux et <strong>le</strong>s petites<br />

vil<strong>le</strong>s. C’est typiquement <strong>le</strong> genre de politique publique<br />

que ne parvient pas à se mettre en place parce que nous<br />

avons des représentations complètement calées et<br />

collées sur la <strong>grand</strong>e métropo<strong>le</strong> et <strong>le</strong> fait urbain, avec<br />

des thématiques que l’on rate. Par exemp<strong>le</strong> : la<br />

monoparentalité, la thématique par excel<strong>le</strong>nce de la<br />

politique de la vil<strong>le</strong>.<br />

«Au lieu d’être au chevet de<br />

cette France-là, qu’est-il<br />

organisé ? Un territoire qui va<br />

aujourd’hui se structurer autour<br />

des <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s !»<br />

Or, si nous assistons à de fortes concentrations de<br />

ménages monoparentaux dans des quartiers de <strong>grand</strong>es<br />

métropo<strong>le</strong>s, nous nous rendons compte aussi que la<br />

moitié de ces famil<strong>le</strong>s monoparenta<strong>le</strong>s est aussi<br />

dispersée sur <strong>le</strong> territoire. Voilà encore une thématique !<br />

Pourtant, et tel<strong>le</strong> est toujours la représentation, <strong>le</strong> rural,<br />

ce sont uniquement <strong>le</strong>s retraités.<br />

Autre thématique des facteurs de fragilité socia<strong>le</strong>, <strong>le</strong><br />

logement. La question du logement social est toujours<br />

très liée à la question urbaine, en particulier des <strong>grand</strong>es<br />

vil<strong>le</strong>s. Or, la question du logement sur vos territoires est<br />

très liée à cel<strong>le</strong> notamment des propriétaires précaires et<br />

d’un parc de logements privé très précarisé. C’est là<br />

aussi une nouvel<strong>le</strong> thématique : comment transformer<br />

ces logements ? Une politique spécifique du logement<br />

social est-el<strong>le</strong> à penser sur ces territoires ?<br />

J’ai repris la même carte des fragilités à l’échel<strong>le</strong><br />

départementa<strong>le</strong>. Il est assez intéressant de constater<br />

que <strong>le</strong>s départements <strong>le</strong>s plus fragi<strong>le</strong>s socia<strong>le</strong>ment sont<br />

ceux qui n’ont pas de métropo<strong>le</strong>. A un moment où il est<br />

prôné la dis<strong>pari</strong>tion des départements et la<br />

structuration du territoire autour des métropo<strong>le</strong>s, il est<br />

aussi intéressant de souligner qu’en réalité, la question<br />

socia<strong>le</strong> est portée par <strong>le</strong>s départements qui ne sont pas<br />

– ou très peu – métropolisés.<br />

Je conclus sur ce point, histoire de ne pas créer de<br />

polémiques… ! (Sourires)<br />

Nous pouvons ne rien changer à rien, rester<br />

tranquil<strong>le</strong>ment sur des représentations traditionnel<strong>le</strong>s,<br />

laisser <strong>le</strong> rural et <strong>le</strong>s départements mourir, sauf que<br />

surviennent des faits tout de même importants en<br />

France, socia<strong>le</strong>ment et culturel<strong>le</strong>ment, avec un malaise<br />

démocratique.<br />

Vous est présentée là, la carte nationa<strong>le</strong> du Front<br />

national et j’ai repris la même carte, avec <strong>le</strong>s mêmes<br />

chiffres, mais ramenée à la moyenne régiona<strong>le</strong>. Région<br />

par région, <strong>le</strong> vote dit protestataire émerge. J’aurais pu<br />

de même vous présenter la carte de l’abstention,<br />

sachant que nous avons sondé <strong>le</strong>s abstentionnistes,<br />

<strong>le</strong>squels voteraient de même. Par conséquent, l’idée<br />

selon laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong> vote Front national est surreprésenté à<br />

cause de l’abstention ne tient pas. En réalité, des<br />

populations tout entières sont vraiment aujourd’hui<br />

dans une forme de désaffiliation par rapport aux<br />

<strong>grand</strong>s partis. Je veux dire par là que cette logique<br />

« France périphérique » / « France métropolitaine »<br />

fonctionne dans toutes <strong>le</strong>s régions. Un vote des<br />

périphéries, très fortement lié au Front national, est en<br />

train d’émerger un peu partout et quel que soit <strong>le</strong><br />

territoire. Il en est ainsi en Bretagne où <strong>le</strong>s chiffres<br />

sont, certes, moins é<strong>le</strong>vés, mais <strong>le</strong> vote Front national<br />

est ramené à la moyenne régiona<strong>le</strong>. Il en est ainsi<br />

autour de toutes <strong>le</strong>s <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s.<br />

39


La question est majeure. Si nous ne bougeons pas, il<br />

est évident que toutes ces tendances vont s’accentuer.<br />

Il est tout de même assez paradoxal que, suite à ce<br />

vote, la réponse du Gouvernement soit cel<strong>le</strong> de la<br />

réforme territoria<strong>le</strong> et du regroupement de régions. La<br />

fusion des régions Poitou-Charentes, Centre et Limousin<br />

est-el<strong>le</strong> « la » réponse ?...<br />

«Il s’agit de partir de vos forces<br />

et aussi de vos faib<strong>le</strong>sses pour<br />

définir ce que pourrait être un<br />

contre-modè<strong>le</strong>»<br />

En conclusion, je vous laisse avec une multitude de<br />

problèmes (Sourires), mais sachez que vous êtes sur la<br />

bonne voie ! N’attendez rien « d’en haut » ! En<br />

revanche, tout se joue politiquement. La question n’est<br />

pas seu<strong>le</strong>ment socia<strong>le</strong> : el<strong>le</strong> est votre poids politique.<br />

(Applaudissements) »<br />

Pouvons-nous dire, pour faire simp<strong>le</strong> et en<br />

guise de raccourci, que la France rura<strong>le</strong> est<br />

aujourd’hui cel<strong>le</strong> des fractures socia<strong>le</strong>s ?<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

«Si nous pensons <strong>le</strong> rural au sens large, oui, bien sûr !<br />

La question socia<strong>le</strong> et politique est là.<br />

Voilà dix ans, nous disions que tout partirait des<br />

banlieues. Rappe<strong>le</strong>z-vous <strong>le</strong>s émeutes ! Tout devait<br />

« péter » dans <strong>le</strong>s banlieues. Nous observons<br />

aujourd’hui que <strong>le</strong>s radicalités socia<strong>le</strong>s et politiques<br />

émergent de cette France périphérique. Ce n’est que <strong>le</strong><br />

début et je n’ai pas l’impression qu’en haut, on l’ait<br />

compris !»<br />

Merci pour la clarté de vos propos que vous<br />

avez été contraints de synthétiser pour des<br />

impératifs horaires, sachant que votre train<br />

ne vous attendra pas ! Mais votre éclairage<br />

social et même politique, avec ce raccourci<br />

avec l’actualité, était essentiel.<br />

Merci, Christophe Guilluy, de votre<br />

contribution à notre débat !<br />

(Applaudissements)<br />

«Merci à vous et désolé d’être<br />

obligé de vous quitter !»<br />

40


M me . Hélène COMBE DE LA<br />

FUNTE MARTINEZ<br />

Observatoire de la décision publique,<br />

déléguée généra<strong>le</strong><br />

de la chaire partenaria<strong>le</strong><br />

« Développement humain durab<strong>le</strong><br />

et territoires »<br />

«Je tiens juste à réagir en deux ou trois points à<br />

l’intervention de Christophe Guilluy.<br />

Je crois qu’il faut faire attention à différencier <strong>le</strong>s<br />

problématiques qui se posent en milieu rural et en<br />

milieu urbain. Effectivement, la pauvreté est plus<br />

diffuse en milieu rural, mais il est aujourd’hui un<br />

problème en milieu urbain : l’élargissement des écarts<br />

entre <strong>le</strong>s plus riches et <strong>le</strong>s plus pauvres, ce qui crée<br />

d’autres raisons de mal-être et de mal-vivre ensemb<strong>le</strong>.<br />

«Vous devriez tous vous saisir<br />

d’un chantier important : <strong>le</strong>s<br />

nouveaux indicateurs de richesse<br />

territoriaux. Les chiffres de<br />

l’INSEE ne fonctionnant plus»<br />

Il s’agit éga<strong>le</strong>ment de ne pas trop unifier nos réf<strong>le</strong>xions<br />

lorsque l’on aborde ces sujets comp<strong>le</strong>xes, tels que ceux<br />

des famil<strong>le</strong>s monoparenta<strong>le</strong>s ou des allocataires du<br />

RSA. En particulier, <strong>le</strong>s famil<strong>le</strong>s monoparenta<strong>le</strong>s en vil<strong>le</strong><br />

et en <strong>campagne</strong> n’ont pas, la plupart du temps, <strong>le</strong>s<br />

mêmes systèmes de vie. Cel<strong>le</strong>s qui sont en <strong>campagne</strong><br />

ont plus souvent des systèmes de solidarité familia<strong>le</strong><br />

que cel<strong>le</strong>s étant en vil<strong>le</strong>.<br />

Par ail<strong>le</strong>urs, je tiens à évoquer un point cité de façon<br />

implicite à plusieurs reprises. Dans <strong>le</strong> cadre des Etats<br />

Généraux des Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités, vous devriez tous<br />

vous saisir d’un chantier important : <strong>le</strong>s nouveaux<br />

indicateurs de richesse territoriaux. Les chiffres de<br />

l’INSEE ne fonctionnant plus, comme il a été dit, il<br />

convient, et là est la logique, d’en venir à ce qui<br />

compte <strong>le</strong> plus fina<strong>le</strong>ment, et ce pour deux raisons :<br />

créer <strong>le</strong>s outils du dialogue territorial et démontrer en<br />

quoi <strong>le</strong> milieu rural est source d’apports différents.<br />

Concernant <strong>le</strong> rural et l’urbain, je vous cite juste ce qui<br />

a été dit en Pays de la Loire sur <strong>le</strong>s richesses qui ont<br />

été perdues et cel<strong>le</strong>s qui sont à préserver.<br />

Cel<strong>le</strong>s qui ont été perdues, ce sont <strong>le</strong>s liens sociaux à<br />

réinventer, <strong>le</strong>s liens sensoriels à la nature, l’enjeu<br />

col<strong>le</strong>ctif de l’éducation et de la bientraitance des<br />

enfants, <strong>le</strong>s notions de justice et d’égalité avec<br />

justement la question de la répartition des richesses et<br />

de la limitation des écarts. C’est retrouver la sérénité<br />

dans <strong>le</strong> rapport au temps. Ce sont là, ne serait-ce qu’en<br />

se saisissant de ces sujets, des enjeux majeurs à se<br />

réapproprier en milieu rural.<br />

C’est aussi la question évoquée tout à l’heure par M.<br />

Joly, cel<strong>le</strong> des biens communs. Nous nous mélangeons<br />

aujourd’hui <strong>le</strong>s pinceaux en mettant sous <strong>le</strong> vocab<strong>le</strong> de<br />

biens communs tout et n’importe quoi. « Se réinventer<br />

<strong>le</strong>s biens communs »… Non ! Les biens communs<br />

sont universels et non substituab<strong>le</strong>s. Ils sont de deux<br />

ordres : ceux qui permettent la vie humaine, c’est l’air,<br />

l’eau, <strong>le</strong> sol, la biodiversité, <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il, et ceux qui<br />

permettent de faire société, c’est la diversité culturel<strong>le</strong><br />

et l’éducation.<br />

Sur la question des biens communs permettant la vie,<br />

<strong>le</strong> milieu rural a à revendiquer son rô<strong>le</strong> de protection,<br />

de préservation, de territoire permettant la vie.<br />

Sur la question des biens communs permettant de faire<br />

société, <strong>le</strong> milieu rural doit aujourd’hui se poser la<br />

question de la diversité culturel<strong>le</strong>. Nous faisons tous<br />

actuel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s autruches sur la question des migrants<br />

du climat. Le Haut-commissariat aux réfugiés nous<br />

annonce 230 millions de personnes sur <strong>le</strong>s routes du<br />

monde d’ici à 2030, sachant que <strong>le</strong>s migrations ne<br />

seront plus seu<strong>le</strong>ment régiona<strong>le</strong>s et d’ail<strong>le</strong>urs, nous<br />

voyons bien qu’el<strong>le</strong>s commencent à ne plus être<br />

régiona<strong>le</strong>s du tout !<br />

«Le Haut-commissariat aux<br />

réfugiés nous annonce 230<br />

millions de personnes sur <strong>le</strong>s<br />

routes du monde d’ici à 2030»<br />

Par conséquent, soit l’on continue à penser la<br />

fermeture des frontières et il faudra, ce qui est déjà <strong>le</strong><br />

cas, tirer aux frontières ; soit l’on se dit que nous<br />

sommes à un moment absolument primordial de<br />

l’humanité : c’est la première fois que l’on peut<br />

anticiper des migrations massives. Qu’aurions-nous à<br />

dire de l’accueil de personnes nous venant d’ail<strong>le</strong>urs<br />

dans l’ensemb<strong>le</strong> de nos territoires et, notamment, dans<br />

nos territoires ruraux ? Ce sont là, me semb<strong>le</strong>-t-il, de<br />

»<br />

vrais enjeux ! (Applaudissements)<br />

41


42<br />

Ayant une <strong>grand</strong>e connaissance de la ruralité en<br />

tant que sociologue, Denis Muzet, éga<strong>le</strong>ment<br />

Président de l’Institut Médiascopie spécialisé dans<br />

la mesure autour notamment des médias, a eu la<br />

mission de réaliser un sondage et de retenir des<br />

mots qu’il va nous délivrer, commenter, et sur<br />

<strong>le</strong>squels il ne manquera pas ensuite de se<br />

projeter.<br />

M. Denis MUZET<br />

Sociologue et président<br />

de l’Institut Médiascopie<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

«Je précise d’emblée que ce n’est pas simp<strong>le</strong>ment une<br />

enquête. Réaliser des études et des enquêtes permet<br />

peut-être de mieux comprendre ce qui se passe dans <strong>le</strong><br />

pays, mais ce n’est pas suffisant. Je tiens donc à<br />

apporter une contribution qui va au-delà de l’enquête.<br />

D’abord, je tiens à dire merci à Patrice Joly qui nous a<br />

confié cette mission de réf<strong>le</strong>xion et d’action. Merci aux<br />

« quatre mousquetaires » de la ruralité !<br />

Pourquoi ce travail sur <strong>le</strong>s mots des nouvel<strong>le</strong>s ruralités ?<br />

Au fond, que signifie « ruralité » ? Que comprenons-nous<br />

à travers ce mot ? Quel<strong>le</strong> perception recouvre ce terme ?<br />

Peut-on par<strong>le</strong>r de nouvel<strong>le</strong>s ruralités et suffit-il d’ail<strong>le</strong>urs<br />

de faire figurer cet adjectif « nouvel<strong>le</strong>s » pour que, tout<br />

d’un coup, cela fasse sens ? Quels sont <strong>le</strong>s mots qui<br />

expriment <strong>le</strong> mieux la vitalité des territoires ruraux, <strong>le</strong>ur<br />

capacité d’innovation, l’alternative qu’ils constituent par<br />

rapport à la concentration urbaine et métropolitaine ?<br />

C’est pour répondre à ces questions que nous avons,<br />

dans un premier temps, réalisé une enquête dont je vais<br />

vous présenter <strong>le</strong>s principaux résultats. Nous avons<br />

d’abord essayé de recenser tous <strong>le</strong>s mots qui disent la<br />

réalité, ses thèmes, ses dimensions, ses enjeux, ses<br />

acteurs, etc. Nous avons donc analysé un ensemb<strong>le</strong> de<br />

publications, d’artic<strong>le</strong>s, de rapports, de sites Internet,<br />

d’interviews dans <strong>le</strong>squels on par<strong>le</strong> de ruralité afin de<br />

savoir quels sont <strong>le</strong>s mots des experts, des professionnels<br />

et des élus. Nous avons aussi cherché <strong>le</strong>s mots des<br />

habitants parce que la façon dont ils par<strong>le</strong>nt de ce sujet<br />

n’est pas tout à fait la même.<br />

Dans <strong>le</strong> cadre de cette enquête, nous avons donc<br />

interrogé des ruraux et des citadins à l’occasion<br />

d’interviews très ouverts, semi directifs, de réunions de<br />

groupes d’habitants dans différentes contrées dont<br />

Nevers, et nous avons recueilli tous <strong>le</strong>s mots qui disent<br />

la ruralité et nous sommes parvenus à une liste de plus<br />

de 500 mots, en ne choisissant pas que <strong>le</strong>s mots <strong>le</strong>s<br />

plus fréquents, mais parfois des mots rares et<br />

intéressants à prendre en compte.<br />

«Le ressenti des mots de la<br />

ruralité est très positif, aussi<br />

bien pour <strong>le</strong>s ruraux que pour<br />

<strong>le</strong>s urbains»<br />

Dans un second temps, nous avons sé<strong>le</strong>ctionné, parmi<br />

l’ensemb<strong>le</strong> des mots de l’écrit et de l’oral, un peu<br />

moins de 200 mots pour <strong>le</strong>s soumettre au jugement<br />

d’un échantillon national de 805 personnes réparties,<br />

pour moitié – 402 personnes –, dans des communes<br />

rura<strong>le</strong>s des principaux départements ruraux français et,<br />

pour moitié – 403 personnes –, dans <strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s<br />

métropo<strong>le</strong>s françaises.<br />

(Il est procédé à la projection d’un PowerPoint)<br />

L’enquête a eu lieu en ligne. Imaginez-vous participer à<br />

l’enquête, étant devant votre ordinateur ou celui de<br />

votre fils ou de votre voisine. Vous voyez un premier<br />

mot apparaître, par exemp<strong>le</strong> « <strong>campagne</strong> ». Une<br />

question vous est alors posée : « Quand vous pensez à<br />

la <strong>campagne</strong> et au milieu rural, plus ce mot et cette<br />

phrase évoquent quelque chose de positif, plus vous lui<br />

donnez une note proche de 10. Moins ce mot et cette<br />

phrase évoquent quelque chose de positif, plus vous lui<br />

donnez une note proche de 0. Admettons que sur <strong>le</strong><br />

mot « <strong>campagne</strong> », vous donniez la note de 7. A ce<br />

moment-là, un deuxième mot apparaît, par exemp<strong>le</strong><br />

« industrie » et là, vous devez <strong>le</strong> notez sur la même<br />

question en positif ou en négatif. Un troisième mot<br />

apparaît, par exemp<strong>le</strong> « tourisme rural », que vous<br />

noterez sur cette échel<strong>le</strong> et ainsi de suite, et ce<br />

jusqu’au dernier mot, s’agissant, en l’occurrence, de<br />

186 mots.


9<br />

8<br />

7<br />

6<br />

5<br />

4<br />

3<br />

4 5 6 7 8<br />

9<br />

Les mots des Nouvel<strong>le</strong>s rur<br />

positif<br />

Vue d'ensemb<strong>le</strong><br />

Urbains<br />

Ruraux<br />

ressenti<br />

8<br />

7<br />

6<br />

5<br />

5<br />

Les atouts des nouvel<strong>le</strong>s rur<br />

la chasse et la pêche<br />

Produire et consommer local<br />

L<br />

Promouvoir et valoriser<br />

<strong>le</strong> patrimoine<br />

bien-être<br />

<strong>le</strong>s forêts<br />

prendre <strong>le</strong> temps des choses<br />

produire et manger local<br />

acheter directement ses produits aux producteurs locaux<br />

gastronomie loca<strong>le</strong><br />

la <strong>campagne</strong><br />

travail<strong>le</strong>r près de chez soi conserver et valoriser <strong>le</strong> patrimoine naturel<br />

microagriculture<br />

lieux naturels pour la pratique sportive<br />

respect des cyc<strong>le</strong>s et des rythmes naturels garder <strong>le</strong>s services publics locaux<br />

promouvoir <strong>le</strong>s produits du terroir et <strong>le</strong>s AOP loca<strong>le</strong>s<br />

valoriser <strong>le</strong>s atouts du milieu rural<br />

conserver et valoriser <strong>le</strong> patrimoine architectural et historique<br />

<strong>le</strong>s villages<br />

<strong>le</strong>s artisans<br />

habiter et travail<strong>le</strong>r en milieu rural<br />

PNR<br />

tourisme rural<br />

animations, fêtes loca<strong>le</strong>s attirer et accueillir des jeunes en milieu rural<br />

croissance verte<br />

services publics en ligne<br />

aider<br />

60% de la population française vit dans des petites communes<br />

agriculture<br />

<strong>le</strong>s communes<br />

<strong>le</strong>s habitants<br />

o<br />

lien social<br />

attirer <strong>le</strong>s entreprises dans <strong>le</strong>s territoires ruraux<br />

<strong>le</strong>s associations <strong>le</strong>s ruraux<br />

transports scolaires<br />

ef<br />

attirer et accueillir des actifs en milieu rural<br />

<strong>le</strong>s agriculteurs<br />

<strong>le</strong>s jeunes<br />

voiture<br />

co-voiturage lieux culturels innovation<br />

reconversion professionnel<strong>le</strong><br />

<strong>le</strong>s petites et moyennes vil<strong>le</strong>s<br />

of<br />

insertion professionnel<strong>le</strong> des jeunes<br />

ESS mise aux normes urbaines des territoires ruraux<br />

<strong>le</strong>s maires<br />

<strong>le</strong>s seniors<br />

action publique loca<strong>le</strong><br />

offres d'emploi en milieu rural<br />

faire des territoires ruraux <strong>le</strong>s laboratoires<br />

<strong>le</strong> vieillissement de la population : un atout<br />

verte<br />

L<br />

absence d'anonymat<br />

<strong>le</strong>s syndicats agrico<strong>le</strong>s<br />

TER<br />

action publique nationa<strong>le</strong><br />

Les transports<br />

5<br />

vorante<br />

TGV<br />

<strong>le</strong>s citadins<br />

<strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s<br />

construction de <strong>grand</strong>es surfaces commercia<strong>le</strong>s aux a<strong>le</strong>ntours des bourgs<br />

industrie<br />

l'Europe<br />

"rurbanisation"<br />

dif<br />

<strong>le</strong> milieu rural, un monde en voie de dis<strong>pari</strong>tion<br />

manque de moyens financiers des territoires ruraux<br />

opposition vil<strong>le</strong>-<strong>campagne</strong><br />

4<br />

mondialisation<br />

ef<br />

Un monde en voie de dis<strong>pari</strong>tion ?<br />

iso<strong>le</strong>ment<br />

L<br />

rural<br />

3<br />

ennui<br />

4 5 6<br />

7 8<br />

ne doit pas être une prior<br />

pour <strong>le</strong>s pouvoirs publics demain<br />

doit être une prior<br />

Les peurs<br />

43


44<br />

Quand <strong>le</strong>s 186 mots ont été notés sur cette échel<strong>le</strong>, ils<br />

réapparaissent dans un ordre différent car l’ordre de<br />

passage est aléatoire pour chaque individu et nul ne<br />

voit donc <strong>le</strong>s mots dans <strong>le</strong> même ordre.<br />

«Les enjeux et <strong>le</strong>s objectifs de la<br />

mission Nouvel<strong>le</strong>s ruralités<br />

rencontrent l’adhésion<br />

spontanée de l’ensemb<strong>le</strong> de la<br />

population française»<br />

Voici alors une deuxième question : « Plus vous jugez<br />

que <strong>le</strong>s pouvoirs publics nationaux et locaux devraient<br />

faire de ce mot ou de cette phrase une priorité demain,<br />

plus vous lui donnez une note proche de 10. Moins<br />

vous jugez que <strong>le</strong>s pouvoirs publics nationaux et locaux<br />

devraient faire de ce mot ou de cette phrase une<br />

priorité demain, plus vous lui donnez une note proche<br />

de 0. » Là, chacun des mots réapparaît, étant noté sur<br />

cette deuxième échel<strong>le</strong>.<br />

A la fin, munis de <strong>le</strong>urs deux notes moyennes, <strong>le</strong>s mots<br />

sont projetés dans un graphique que je vous<br />

présenterai dans quelques instants.<br />

Il faut savoir que chacun des 186 mots a été noté en<br />

trois ou quatre secondes. Nous recueillons donc un<br />

ressenti sur chacun des mots et, à travers l’ensemb<strong>le</strong><br />

des mots, la carte des représentations des Français<br />

attachés à la ruralité. Ce n’est donc pas un sondage,<br />

contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure, <strong>le</strong>s<br />

sondages s’intéressant à l’opinion. Nous ne nous<br />

intéresserons pas à l’opinion, laquel<strong>le</strong> est volati<strong>le</strong>. Dans<br />

<strong>le</strong>s enquêtes d’opinion, <strong>le</strong>s sondés disent ce qu’ils ont<br />

vu à la télévision la veil<strong>le</strong> ou entendu à la radio <strong>le</strong><br />

matin, ce qui contribue à une très bonne revue de<br />

presse !<br />

Nous, nous travaillons sur <strong>le</strong>s représentations,<br />

c’est-à-dire sur ce que <strong>le</strong>s individus ont en fond d’écran<br />

lorsque l’on par<strong>le</strong> d’un sujet : qu’est-ce que cela<br />

mobilise comme champ de représentations ? Les mots<br />

ont cet avantage de permettre de <strong>le</strong> cerner très<br />

précisément. Les mots révè<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>s représentations des<br />

Français. Les mots permettent de capter ces<br />

représentations sensib<strong>le</strong>s, attachées à un certain<br />

nombre de thèmes. Mais <strong>le</strong>s mots ont un autre<br />

pouvoir. Certes, ils ne remplacent pas <strong>le</strong>s actes.<br />

Néanmoins, <strong>le</strong>s mots peuvent mettre en mouvement la<br />

population parce que <strong>le</strong> mot est <strong>le</strong> début du passage à<br />

l’acte, étant susceptib<strong>le</strong> d’enc<strong>le</strong>ncher une mobilisation.<br />

Précisément, nous l’observons ce matin, constatant<br />

dans cette assemblée l’importance de trouver <strong>le</strong>s mots<br />

justes pour mobiliser <strong>le</strong>s ruraux, <strong>le</strong>s urbains et <strong>le</strong>s<br />

pouvoirs politiques.<br />

Je conclurai ma présentation sur un aspect beaucoup<br />

plus pratique, très concret et très stratégique :<br />

comment mobiliser à travers <strong>le</strong>s mots de la ruralité ?<br />

Les résultats de cette enquête nous montrent d’abord<br />

que <strong>le</strong> ressenti des mots de la ruralité est très positif,<br />

aussi bien pour <strong>le</strong>s ruraux que pour <strong>le</strong>s urbains.<br />

S’affiche à l’écran la répartition des mots : sur <strong>le</strong>s<br />

186, 160 sont notés au-dessus de 5 sur l’échel<strong>le</strong><br />

vertica<strong>le</strong>, positif / négatif. Nous voyons aussi que, sur<br />

quasiment tous <strong>le</strong>s mots, l’action des pouvoirs publics<br />

est attendue. En fait, il est tout à fait remarquab<strong>le</strong> de<br />

constater que <strong>le</strong> point de vue des urbains et des ruraux<br />

est d’une <strong>grand</strong>e convergence.<br />

«La ruralité existe-t-el<strong>le</strong><br />

encore ? En tout cas, sa<br />

définition a changé»<br />

Par conséquent, <strong>le</strong>s enjeux et <strong>le</strong>s objectifs de la<br />

mission « Nouvel<strong>le</strong>s ruralités » rencontrent l’adhésion<br />

spontanée de l’ensemb<strong>le</strong> de la population française.<br />

De surcroît, l’action des pouvoirs publics est attendue<br />

sur la quasi-totalité des sujets qui touchent aux ruralités<br />

et, comme vous <strong>le</strong> constatez, la corrélation est parfaite<br />

entre <strong>le</strong>s résultats sur <strong>le</strong>s deux échel<strong>le</strong>s : l’échel<strong>le</strong><br />

vertica<strong>le</strong>, positif / négatif ; l’échel<strong>le</strong> horizonta<strong>le</strong>, échel<strong>le</strong><br />

sur laquel<strong>le</strong> plus on se situe du côté droit, plus ce mot<br />

est considéré comme devant être une priorité demain<br />

pour <strong>le</strong>s pouvoirs publics et, plus on se situe du côté<br />

gauche, moins ce mot est considéré comme devant être<br />

une priorité. Mais plus <strong>le</strong>s mots sont ressentis<br />

favorab<strong>le</strong>ment, plus ils suscitent une attente<br />

d’intervention de l’Etat ou des col<strong>le</strong>ctivités territoria<strong>le</strong>s.<br />

C’est donc une bonne nouvel<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s ruralités ! El<strong>le</strong>s<br />

plaisent aux Français et <strong>le</strong>s pouvoirs publics sont invités<br />

à s’en occuper.<br />

Alors, face au vaste mouvement de métropolisation<br />

enc<strong>le</strong>nché, la ruralité existe-t-el<strong>le</strong> encore ? En tout cas,<br />

sa définition a changé. Où commence <strong>le</strong> rural ? Où finit<br />

l’urbain ? Les habitants des <strong>campagne</strong>s se sentent-ils<br />

vraiment ruraux ? Ce n’est pas si sûr. Les interviewés<br />

nous disent souvent : « Moi, je suis urbain, la vil<strong>le</strong> étant<br />

là à dix minutes. » Il est certain qu’une petite vil<strong>le</strong> de 3<br />

000, 4 000 ou 5 000 habitants est une vil<strong>le</strong> et<br />

l’urbanité est donc là aux portes de la maison.<br />

Le monde rural apparaît spontanément aux Français<br />

traversé par un immense paradoxe. Il semb<strong>le</strong> voué à une<br />

dis<strong>pari</strong>tion progressive et, en même temps, il est très<br />

valorisé. Les habitants des <strong>campagne</strong>s ne se définissent<br />

pas forcément comme des ruraux. « Ruraux » dans<br />

l’imaginaire col<strong>le</strong>ctif désigne d’abord <strong>le</strong>s paysans,<br />

<strong>le</strong>squels, vous l’avez constaté au cours du dernier sièc<strong>le</strong>,<br />

s’effacent peu à peu. La dis<strong>pari</strong>tion d’un monde paysan,<br />

symbolique de la ruralité, est <strong>le</strong> premier pas de cette<br />

dis<strong>pari</strong>tion du monde rural tant redoutée : une nature<br />

menacée, des agriculteurs en souffrance, des villages<br />

désertés, une communauté villageoise qui se délite, des<br />

commerces et des services publics qui ferment, etc.<br />

Simultanément, ruraux et urbains <strong>le</strong> constatent, la<br />

ruralité est « grignotée » par l’urbanité et par la<br />

rurbanité sous l’effet de l’extension des métropo<strong>le</strong>s.


Dans toutes nos enquêtes, <strong>le</strong>s métropo<strong>le</strong>s ne font pas<br />

recettes. C’est un terme froid, lointain, abstrait. Les<br />

Français préfèrent <strong>le</strong>s agglomérations parce que<br />

l’agglomération agglomère là où la métropo<strong>le</strong> met à<br />

distance.<br />

Alors, si <strong>le</strong>s Français regrettent, voire déplorent<br />

l’effacement d’un monde rural paysan ancestral, ils<br />

voient néanmoins dans la ruralité une autre<br />

opportunité, cel<strong>le</strong> d’un retour au local.<br />

«Le rural est devenu<br />

<strong>le</strong> local»<br />

A l’heure où la mondialisation se renforce, <strong>le</strong> local et <strong>le</strong><br />

proche priment sur <strong>le</strong> global, c’est-à-dire sur <strong>le</strong> lointain.<br />

Or, <strong>le</strong> rural est devenu <strong>le</strong> local et <strong>le</strong>s ruraux sont non<br />

seu<strong>le</strong>ment des locaux, mais ils se vivent, en outre, bien<br />

souvent comme <strong>le</strong>s petits face aux <strong>grand</strong>s que sont la<br />

métropo<strong>le</strong> et la région. Ce sont <strong>le</strong>s seuls derniers<br />

résistants, dirai-je, au moment où la dissolution des<br />

échelons de proximité, avec la dis<strong>pari</strong>tion promise du<br />

département, est annoncée !<br />

La hiérarchie des préférences des Français est pourtant<br />

claire, comme en témoigne ce graphique. Enquête<br />

après enquête, il <strong>le</strong> confirme : plus <strong>le</strong>s échelons<br />

territoriaux sont proches, plus ils sont aimés, la<br />

commune et <strong>le</strong> département étant <strong>le</strong>s deux échelons<br />

chéris, échelons de référence pour <strong>le</strong>s ruraux et même<br />

pour <strong>le</strong>s citadins qui ne sont fina<strong>le</strong>ment que d’anciens<br />

ou du futurs ruraux.<br />

De même, vous <strong>le</strong> voyez sur la carte des échelons<br />

territoriaux, la commune est très appréciée et<br />

s’exprime une attente d’action des pouvoirs publics en<br />

sa faveur ; <strong>le</strong> département vient juste à côté de la<br />

région ; <strong>le</strong>s communautés de communes, pour <strong>le</strong>ur<br />

part, viennent plus loin parce qu’el<strong>le</strong>s ne sont pas<br />

encore véritab<strong>le</strong>ment entrées dans <strong>le</strong>s mœurs ; plus<br />

bas, noté toujours négativement dans nos enquêtes,<br />

l’Etat ; enfin, renvoyée vers la gauche du graphique, ce<br />

qui signifie qu’el<strong>le</strong> n’est pas une priorité, l’Europe.<br />

Cet autre graphique vous <strong>le</strong> dit autrement, montrant<br />

que la suppression du département est rejetée,<br />

contrairement à ce que veu<strong>le</strong>nt nous faire croire<br />

certains sondages. Ceux-ci ont évidemment introduit <strong>le</strong><br />

mot de « Conseils généraux » qui n’est pas connu et<br />

qui, dans la plupart des cas, est confondu avec <strong>le</strong><br />

Conseil régional. Il est très faci<strong>le</strong> d’obtenir la réponse<br />

souhaitée avec des questions spécifiques ! Quand vous<br />

posez la question : « Souhaitez-vous la suppression du<br />

département ? » et, plus encore : « Souhaitez-vous la<br />

suppression de votre département ? », <strong>le</strong>s notes sont<br />

négatives. Les Français ne veu<strong>le</strong>nt pas que soit bradé<br />

<strong>le</strong> département dans la réforme territoria<strong>le</strong>, surtout<br />

lorsque sera doublée la dimension de la région et<br />

quand sera éloigné <strong>le</strong> centre de décision que l’on ne<br />

verra plus vu à l’œil nu ! C’est tout de même un<br />

paradoxe extraordinaire, à l’heure de la montée du<br />

local, de dissoudre <strong>le</strong>s échelons de proximité, et ce<br />

dans un monde globalisé où l’ancrage au plus proche<br />

est tout à fait essentiel.<br />

Tout ce qui relève du national est donc mis à distance.<br />

Tout ce qui relève du supranational, <strong>le</strong> mondial comme<br />

l’européen, tend, comme nous l’avons constaté lors<br />

des dernières é<strong>le</strong>ctions, à être rejeté. La loi de la<br />

proximité monte : c’est un mouvement inexorab<strong>le</strong> de<br />

compensation de la globalisation. Le rural, redéfini<br />

comme <strong>le</strong> local, est plébiscité dans tous <strong>le</strong>s domaines :<br />

produire et manger local, travail<strong>le</strong>r local, défendre <strong>le</strong><br />

patrimoine local… Le rural s’oppose, non seu<strong>le</strong>ment<br />

au lointain, mais aussi au <strong>grand</strong>, au massif quand ce<br />

n’est pas un industriel ; autant de notions qui<br />

paraissent incompatib<strong>le</strong>s avec <strong>le</strong> paradigme des<br />

ruralités ! Nous avons eu l’idée avec l’équipe des<br />

« quatre mousquetaires » de tester l’item : « Créer des<br />

<strong>campagne</strong>s européennes de la culture à l’image des<br />

capita<strong>le</strong>s européennes de la culture ». Comme vous <strong>le</strong><br />

constatez, dans notre enquête, cette proposition reçoit<br />

un accueil froid et poli des ruraux qui la notent<br />

seu<strong>le</strong>ment à 5,4 sur l’échel<strong>le</strong> vertica<strong>le</strong>. C’est une<br />

proposition très quantitative, avec ce sentiment que<br />

quelque chose de <strong>grand</strong> va nous tomber dessus ! C’est<br />

ainsi qu’est mise à distance cette transposition dans <strong>le</strong><br />

domaine rural d’un concept quasi industriel de la culture<br />

– je pousse un peu <strong>le</strong> bouchon ! – qui nous est hérité<br />

des métropo<strong>le</strong>s.<br />

Un certain nombre de points font consensus : <strong>le</strong>s<br />

Français manifestent à l’égard de la ruralité un vif<br />

engouement et <strong>le</strong>s atouts pour <strong>le</strong>s <strong>campagne</strong>s sont<br />

reconnus par tous.<br />

Je serai bref sur ce sujet parce que vous <strong>le</strong> connaissez<br />

par cœur. C’est la proximité avec la nature, la qualité de<br />

vie, avec là une attente très forte de prise en compte<br />

des pouvoirs publics, alors que <strong>le</strong> discours des dirigeants<br />

n’est que quantitatif : « passer sous la barre des 3 % de<br />

déficit », « inverser la courbe du chômage »,<br />

« supprimer <strong>le</strong>s départements », « diviser par deux la<br />

tail<strong>le</strong> des régions »… Nous ne sommes que dans du<br />

chiffre. C’est une logique purement économique qui<br />

semb<strong>le</strong> dicter l’organisation de notre territoire, alors que<br />

<strong>le</strong>s Français attendent <strong>le</strong>s politiques et la gauche, en<br />

particulier, sur <strong>le</strong> vivre ensemb<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s va<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong> contrat<br />

social. C’est donc là un contresens absolu !<br />

Dans notre enquête sur <strong>le</strong>s mots des maires que j’ai<br />

présentée au dernier Congrès des maires au mois de<br />

novembre, quel était <strong>le</strong> mot <strong>le</strong> mieux et <strong>le</strong> plus<br />

positivement noté, <strong>le</strong> plus attendu demain ? « Qualité<br />

de vie » ! Une meil<strong>le</strong>ure qualité de vie résume<br />

45


46<br />

l’ensemb<strong>le</strong> des attentes de nos concitoyens, avec la<br />

prégnance du lien social, la qualité des relations<br />

humaines, la solidarité dont nous avons parlé, et la<br />

convivialité.<br />

Ces <strong>grand</strong>s atouts des ruralités qui font consensus<br />

auprès des deux échantillons, la vie associative et<br />

l’implication dans la vie loca<strong>le</strong>, avec <strong>le</strong>s associations,<br />

<strong>le</strong>s animations et <strong>le</strong>s fêtes loca<strong>le</strong>s. C’est, bien sûr, la<br />

possibilité d’accéder à des produits locaux de qualité.<br />

C’est éga<strong>le</strong>ment la qualité d’un environnement,<br />

l’authenticité, la simplicité.<br />

Au-delà d’un espace, c’est une véritab<strong>le</strong> philosophie de<br />

la ruralité qui se dessine, objet d’éloges de ses propres<br />

habitants et des citadins qui s’y rendent plus ou moins<br />

régulièrement ou qui rêvent parfois de s’y instal<strong>le</strong>r. La<br />

vie en milieu rural est d’autant plus louée et appréciée<br />

qu’el<strong>le</strong> est comparée à cel<strong>le</strong> des <strong>grand</strong>es cités parce<br />

que l’on ne peut pas penser la ruralité sans penser<br />

l’urbanité. La vie des <strong>grand</strong>es cités est marquée bien<br />

souvent par la pollution, <strong>le</strong> stress, une consommation<br />

compulsive, la promiscuité, la superficialité, la cherté<br />

de la vie. Bref, au regard de ces inconvénients, la<br />

ruralité recè<strong>le</strong> tel<strong>le</strong>ment de trésors, tel<strong>le</strong>ment<br />

d’essentiel qu’il est important de <strong>le</strong>s rappe<strong>le</strong>r et de <strong>le</strong>s<br />

valoriser.<br />

Evidemment, nous ne pouvons pas passer sous si<strong>le</strong>nce,<br />

mais vous <strong>le</strong>s connaissez par cœur, un certain nombre<br />

de handicaps sur <strong>le</strong>squels urbains comme ruraux<br />

tombent éga<strong>le</strong>ment d’accord. Ce sont <strong>le</strong>s difficultés<br />

d’accès à l’emploi. C’est <strong>le</strong> chômage qui est évidement<br />

l’item <strong>le</strong> plus rejeté et c’est la raison pour laquel<strong>le</strong><br />

l’insertion professionnel<strong>le</strong> des jeunes et <strong>le</strong>s offres<br />

d’emploi en milieu rural sont très demandées. C’est la<br />

désertification médica<strong>le</strong> avec la fermeture des hôpitaux<br />

de proximité. C’est <strong>le</strong> réseau de médecins généralistes<br />

en particulier, qui n’est pas optimum, c’est <strong>le</strong> moins<br />

que l’on puisse dire ! C’est la dis<strong>pari</strong>tion des services<br />

publics et des commerces de proximité. C’est <strong>le</strong><br />

caractère insuffisant ou insatisfaisant des transports.<br />

Là, dans toutes <strong>le</strong>s enquêtes que nous réalisons, que<br />

ce soit à l’échel<strong>le</strong> d’un département, comme « Les<br />

mots du Loir-et-Cher », d’une région, comme « Les<br />

mots de Rhône-Alpes » ou à d’autres échel<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s<br />

transports, en particulier ferroviaires, apparaissent<br />

comme étant assez pitoyab<strong>le</strong>s dans ce pays ! Les TER<br />

font rarement de bons scores ; la voiture, oui, mais<br />

encore faut-il mettre de l’essence, ce qui coûte, et la<br />

qualité du maillage routier n’est pas terrib<strong>le</strong>. C’est une<br />

couverture numérique très inéga<strong>le</strong>, sans compter que <strong>le</strong><br />

numérique a des effets, certes, positifs, mais aussi<br />

négatifs en milieu rural avec la dégradation des liens<br />

sociaux. D’où un autre handicap : <strong>le</strong> délitement du lien<br />

social, avec, vous <strong>le</strong> voyez sur ce graphique, la<br />

méfiance, la peur de l’autre, l’iso<strong>le</strong>ment et même<br />

parfois <strong>le</strong>s difficultés d’intégration pour <strong>le</strong>s nouveaux<br />

habitants.<br />

Bref, l’amp<strong>le</strong>ur de ces handicaps cristallise de<br />

nombreuses attentes. Au fond, il faudrait résoudre<br />

chaque handicap par une solution adaptée en matière<br />

d’emploi, de transport, de santé. C’est un impératif en<br />

même temps qu’une condition préalab<strong>le</strong> à une<br />

«Plus <strong>le</strong>s échelons<br />

territoriaux sont proches,<br />

plus ils sont aimés, la<br />

commune et <strong>le</strong> département<br />

étant <strong>le</strong>s deux échelons<br />

chéris»<br />

redynamisation du milieu rural. Les Français nous <strong>le</strong><br />

disent dans cette enquête, la ruralité mérite d’être<br />

repensée et redynamisée. Entendons-nous, il s’agit,<br />

non pas d’instal<strong>le</strong>r la vil<strong>le</strong> à la <strong>campagne</strong>, mais de<br />

comb<strong>le</strong>r des manques ou des retards en inventant des<br />

nouvel<strong>le</strong>s formes de vie et de relations spécifiquement<br />

rura<strong>le</strong>s. C’est ce que porte la démarche des « nouvel<strong>le</strong>s<br />

ruralités » !<br />

Concernant cette redynamisation nécessaire du monde<br />

rura<strong>le</strong>, quel<strong>le</strong> est-el<strong>le</strong> ? El<strong>le</strong> ne va pas sans contradictions.<br />

Les ruraux que nous avons interrogés y sont<br />

favorab<strong>le</strong>s, mais, il faut <strong>le</strong> dire, ils émettent de<br />

nombreuses réticences car ils craignent de voir la<br />

ruralité transformée et dénaturée.<br />

Voici la question : comment redynamiser une ruralité<br />

en perte de vitesse, reléguée, voire sclérosée, tout en<br />

préservant ses atouts et ses bienfaits ? C’est tout<br />

l’enjeu qui est <strong>le</strong> vôtre ! Tel est <strong>le</strong> défi des nouvel<strong>le</strong>s<br />

ruralités, un terme noté autour de 6. Qu’il soit défini<br />

ou pas, il est plutôt apprécié, mais enfin, il va lui<br />

falloir, au fil des mois et des années à venir, monter en<br />

haut et, si possib<strong>le</strong>, à droite du graphique pour que <strong>le</strong>s<br />

pouvoirs publics s’en préoccupent.<br />

Les premiers concernés, <strong>le</strong>s habitants des <strong>campagne</strong>s,<br />

sont désireux de cette redynamisation, en attirant des<br />

nouvel<strong>le</strong>s populations. Mais, en même temps, ils se<br />

montrent fri<strong>le</strong>ux devant l’installation sur <strong>le</strong>ur sol de<br />

citadins, de néo-ruraux ou d’étrangers. La <strong>campagne</strong><br />

peut-el<strong>le</strong> se redynamiser, notamment en matière<br />

économique, si el<strong>le</strong> demeure fermer à l’intégration de<br />

populations de vil<strong>le</strong>s, voire de populations de pays<br />

lointains – nous parlions tout à l’heure des migrations<br />

climatiques – désireuses de venir s’y instal<strong>le</strong>r, d’y vivre<br />

<strong>le</strong>ur retraite ou d’y travail<strong>le</strong>r ?<br />

Pour se dynamiser la ruralité doit s’ouvrir à l’autre, au<br />

lieu de se replier sur un « entre soi ».<br />

L’évolution du monde rural dans <strong>le</strong> sens d’un meil<strong>le</strong>ur<br />

équilibre vil<strong>le</strong>/<strong>campagne</strong> est un vaste chantier. Je<br />

conclurai en évoquant <strong>le</strong>s <strong>grand</strong>s défis que vous avez à<br />

re<strong>le</strong>ver.


9<br />

8<br />

7<br />

6<br />

5<br />

4<br />

3<br />

4 5 6 7 8<br />

ressenti<br />

positif<br />

9<br />

8<br />

7<br />

6<br />

Les mots des Nouvel<strong>le</strong>s rur<br />

2 - CO N VAIN CRE L TAT<br />

DE JO UER LA C ARTE DES<br />

N O UVELLES RURALIT S<br />

3 - EX PLIQ UER Q UE<br />

LA RURALIT = LE LO C AL,<br />

LE PRO CHE, LE SO CIAL<br />

4 - LES N O UVELLES RURALIT S,<br />

UN E N O UVELLE DYN AMIQ UE<br />

PO UR LE PAYS<br />

60% de la population vit dans des petites communes<br />

<strong>le</strong>s maires<br />

<strong>le</strong>s associations<br />

5 - LES N O UVELLES RURALIT S,<br />

UN EN SEMBLE DE VALEURS<br />

ET DE B N FICES<br />

<strong>le</strong>s communes<br />

lien social<br />

<strong>le</strong>s ruraux<br />

<strong>le</strong>s petites et moyennes vil<strong>le</strong>s<br />

4.3<br />

bien-être<br />

<strong>le</strong>s forêts<br />

prendre <strong>le</strong> temps des choses<br />

produire et manger local 4.2<br />

acheter directement ses produits aux producteurs locaux<br />

gastronomie loca<strong>le</strong><br />

la <strong>campagne</strong><br />

travail<strong>le</strong>r près de chez soi conserver et valoriser <strong>le</strong> patrimoine naturel<br />

microagriculture<br />

respect des cyc<strong>le</strong>s et des rythmes naturels garder <strong>le</strong>s services publics locaux<br />

promouvoir <strong>le</strong>s produits du terroir et <strong>le</strong>s AOP loca<strong>le</strong>s<br />

valoriser <strong>le</strong>s atouts du milieu rural<br />

conserver et valoriser <strong>le</strong> patrimoine architectural et historique<br />

habiter et travail<strong>le</strong>r en milieu rural<br />

tourisme rural<br />

attirer et accueillir des jeunes<br />

croissance verte<br />

services publics en ligne<br />

aider<br />

agriculture<br />

<strong>le</strong>s habitants<br />

<strong>le</strong>s agriculteurs<br />

ESS<br />

<strong>le</strong>s seniors<br />

action publique loca<strong>le</strong><br />

faire des territoires ruraux <strong>le</strong>s laboratoires<br />

<strong>le</strong>s villages<br />

<strong>le</strong>s artisans<br />

attirer <strong>le</strong>s entreprises<br />

transports scolaires<br />

attirer et accueillir des actifs<br />

4.1 = Les jeunes, <strong>le</strong>s actifs, la formation,<br />

l enseignement, une offre de soins<br />

4.1<br />

4.2 = L conomie, l agriculture, la croissance verte,<br />

la qualit de l environnement<br />

4.3 = Le tourisme rural, l artisanat, <strong>le</strong> patrimoine,<br />

la qualit des produits locaux<br />

5<br />

1 - IN VITER L TAT<br />

N E PAS O PPO SER<br />

LES UN S AUX AUTRES<br />

<strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s<br />

l'Europe<br />

opposition vil<strong>le</strong>-<strong>campagne</strong><br />

4<br />

mondialisation<br />

3<br />

4 5 6<br />

7 8<br />

ne doit pas être une prior<br />

pour <strong>le</strong>s pouvoirs publics demain<br />

doit être une prior<br />

47


48<br />

D’abord, il faut que vous engagiez un travail d’écoute,<br />

de dialogue et de compréhension mutuel<strong>le</strong> entre ruraux<br />

et urbains. Il vous faut engager un travail d’acceptation<br />

de l’autre dans ses différences. Autrement dit, il vous<br />

faut engager un chantier des civilités, je dirai même un<br />

chantier de civilisation qui ne peut que profiter à votre<br />

démarche et l’enrichir. Le discours de maires ruraux est<br />

ambigu. A <strong>le</strong>s entendre, pas tous mais un certain<br />

nombre, la <strong>campagne</strong> doit être valorisée et devrait se<br />

moderniser, mais pas trop car il ne faudrait pas qu’el<strong>le</strong><br />

soit envahie par une fou<strong>le</strong> indésirab<strong>le</strong> et qu’el<strong>le</strong> se<br />

trouve dénaturée, voire détruite. Bref, ils se prononcent<br />

en faveur d’une valorisation de la <strong>campagne</strong>, mais ils<br />

craignent d’en essuyer <strong>le</strong>s conséquences. Construire <strong>le</strong>s<br />

nouvel<strong>le</strong>s ruralités impose donc une entreprise de<br />

pédagogie pour faire évoluer <strong>le</strong> regard des ruraux sur<br />

<strong>le</strong>s autres et, vice-versa, pour faire évoluer <strong>le</strong> regard<br />

des citadins sur <strong>le</strong>s ruraux qui, lui aussi, doit changer.<br />

Ce travail de pédagogie englobe éga<strong>le</strong>ment la question<br />

du développement durab<strong>le</strong> qui est l’un de vos enjeux<br />

de tail<strong>le</strong>. Les ruraux et particulièrement <strong>le</strong>s agriculteurs<br />

doivent apprendre à se l’approprier et à l’intégrer dans<br />

<strong>le</strong>urs pratiques. Vous <strong>le</strong> voyez sur cette carte, la<br />

concentration des exploitations agrico<strong>le</strong>s en France<br />

n’est pas perçue vraiment comme une bonne nouvel<strong>le</strong><br />

par nos compatriotes. En revanche, ce qui est attendu,<br />

c’est la valorisation des agriculteurs, la reprise ou la<br />

création d’exploitations agrico<strong>le</strong>s, l’aide aux petits<br />

agriculteurs.<br />

«C’est un paradoxe<br />

extraordinaire, à l’heure de la<br />

montée du local, de dissoudre<br />

<strong>le</strong>s échelons de proximité»<br />

Il faut donc que ces aspirations qui tendent vers une<br />

écologie rura<strong>le</strong> soient prises en compte, mais à ce titre,<br />

il faut un travail de sensibilisation. Les territoires ruraux<br />

et <strong>le</strong>s habitants doivent être exemplaires en la matière.<br />

Comme l’illustre ce graphique, « <strong>le</strong>s territoires ruraux,<br />

champions du développement durab<strong>le</strong> » est une<br />

perspective qui réjouit à près de 7/10 sur l’échel<strong>le</strong><br />

vertica<strong>le</strong>, mais ce n’est encore qu’une perspective.<br />

D’où la nécessité d’un travail de pédagogie à l’endroit<br />

des agriculteurs.<br />

Se présente aussi une opportunité pour vous : réaliser<br />

ce travail de pédagogie sur la question de démocratie<br />

loca<strong>le</strong>. Vous voyez que l’idée visant à « faire des<br />

territoires ruraux <strong>le</strong>s laboratoires de la démocratie<br />

loca<strong>le</strong> et participative » est loin d’être rejetée. Au fond,<br />

poser <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s ruralités comme <strong>le</strong>s laboratoires<br />

d’une démocratie renouvelée, cel<strong>le</strong> dont <strong>le</strong> pays a<br />

besoin à l’heure de l’abstention et des populismes pour<br />

marcher sur ses deux jambes, l’une supranationa<strong>le</strong>,<br />

l’autre loca<strong>le</strong>, est un vecteur de crédibilité des<br />

nouvel<strong>le</strong>s ruralités. Vous devez donc vous emparer de<br />

ce défi de la démocratie loca<strong>le</strong>.<br />

Au final, c’est donc un compromis de civilisation avec<br />

la vil<strong>le</strong> qui se dessine afin d’inventer une nouvel<strong>le</strong><br />

ruralité qui sera moins <strong>le</strong> monde paysan d’antan qu’un<br />

monde rural de l’ouverture à l’autre, local, toujours à<br />

l’échel<strong>le</strong> humaine. C’est cette quête d’équilibre entre<br />

ruraux et urbains qui est la clé de la réussite de votre<br />

mission.<br />

C’est cette ouverture aux entreprises et, particulièrement,<br />

aux TPE et aux PME qui sont <strong>le</strong>s acteurs<br />

économiques <strong>le</strong>s plus populaires dans <strong>le</strong> pays, cette<br />

ouverture aux visiteurs et aux touristes, cette ouverture<br />

aux famil<strong>le</strong>s, aux actifs, aux jeunes et aux seniors, <strong>le</strong><br />

tout dans <strong>le</strong> but de réaliser cet équilibre si délicat entre<br />

vil<strong>le</strong>s et <strong>campagne</strong>s, ruraux et urbains.<br />

Voici <strong>le</strong> mapping général de l’ensemb<strong>le</strong> des mots. Ce<br />

graphique rappel<strong>le</strong> l’ensemb<strong>le</strong> des pans, des<br />

composantes de la représentation des ruralités auprès<br />

des Français, avec des « nuages » en bas à gauche qui<br />

sont rejetés et des « nuages » qui montent plus ou<br />

moins haut à droite, c’est-à-dire plus ou moins célébrés<br />

et sur <strong>le</strong>squels s’exprime une attente d’action des<br />

pouvoirs publics.<br />

«Quel était <strong>le</strong> mot <strong>le</strong> mieux<br />

et <strong>le</strong> plus positivement noté :<br />

Qualité de vie !»<br />

Sans m’arrêter à cette carte, je tiens à vous présenter<br />

très succinctement la stratégie narrative que nous<br />

proposons à la mission « Nouvel<strong>le</strong>s ruralités ». Une<br />

stratégie narrative, qu’est-ce ?<br />

Une fois mises à plat <strong>le</strong>s représentations d’un sujet<br />

comme <strong>le</strong>s ruralités, on se dit que l’on pourrait peut-être<br />

recomposer, reconstruire <strong>le</strong>s représentations en<br />

s’appuyer sur un certain nombre de mots que l’on a<br />

repérés sur cette carte. Nous avons choisi une trentaine<br />

de mots-clés qui partent d’en bas à gauche et montent<br />

en haut à droite. Je vous propose d’en faire l’épine<br />

dorsa<strong>le</strong> du récit, c’est-à-dire de l’ensemb<strong>le</strong> des<br />

interventions que vous ferez en faveur des nouvel<strong>le</strong>s<br />

ruralités afin peut-être de faire bouger <strong>le</strong>s<br />

représentations et, si nous refaisons cette enquête dans<br />

trois ou cinq ans, d’avoir la bonne surprise de constater<br />

que des mots qui étaient négativement notés <strong>le</strong> sont<br />

plus positivement.<br />

Cette stratégie narrative se dérou<strong>le</strong> en cinq temps. Pour<br />

convaincre de la force et de l’intérêt de la mission<br />

« Nouvel<strong>le</strong>s ruralités », il faut déjà inviter l’Etat à ne pas<br />

opposer <strong>le</strong>s uns aux autres. Vous avez là des mots tout<br />

à fait essentiels : « Suppression de mon département »,<br />

c’est rejeté ! « Déplacement des populations des<br />

<strong>campagne</strong>s vers <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s », c’est rejeté ! « Opposition<br />

vil<strong>le</strong>s/<strong>campagne</strong>s », c’est rejeté ! « Relégation des<br />

territoires ruraux par rapport aux vil<strong>le</strong>s », c’est négatif !<br />

Voici donc la première phrase du récit : « Dans <strong>le</strong> cadre<br />

du nouvel acte de décentralisation qui s’ouvre, supprimer<br />

un échelon territorial ou opposer <strong>le</strong>s uns aux autres,<br />

notamment <strong>le</strong>s <strong>campagne</strong>s aux métropo<strong>le</strong>s, est, non<br />

seu<strong>le</strong>ment inuti<strong>le</strong>, mais dangereux. »<br />

Le deuxième temps va consister à convaincre l’Etat de


jouer la carte des nouvel<strong>le</strong>s ruralités. Dans <strong>le</strong> cadre du<br />

nouvel acte de décentralisation, il est clair qu’est<br />

présent tout un potentiel. Ce sont <strong>le</strong>s déplacements des<br />

populations des vil<strong>le</strong>s vers <strong>le</strong>s <strong>campagne</strong>s. C’est la<br />

faib<strong>le</strong> densité de la population en milieu rural. C’est<br />

l’attractivité des espaces ruraux que nous avons testée<br />

pour <strong>le</strong>s résidents étrangers et <strong>le</strong>s touristes et qui est<br />

positivement notée. C’est <strong>le</strong> fait que la ruralité est une<br />

alternative au mouvement général de métropolisation<br />

ou qu’il est possib<strong>le</strong> de faire des territoires<br />

«Au-delà d’un espace,<br />

c’est une véritab<strong>le</strong><br />

philosophie de la ruralité<br />

qui se dessine»<br />

<strong>le</strong>s laboratoires de la démocratie participative. Là, dans<br />

ce deuxième temps de la conviction, voici la phrase<br />

que nous pourrions utiliser : « Les Français attendent<br />

aujourd’hui de l’Etat qu’il joue la carte des nouvel<strong>le</strong>s<br />

ruralités. El<strong>le</strong>s sont une réponse aux défis de notre<br />

époque : crise économique, pollution, métropolisation,<br />

densité de population ».<br />

Le troisième temps dans la démonstration vise à<br />

expliquer que <strong>le</strong> rural, c’est <strong>le</strong> local, <strong>le</strong> proche, <strong>le</strong><br />

social. Aux confins de l’action des communes, des<br />

départements, des régions, des petites et moyennes<br />

vil<strong>le</strong>s, la ruralité, c’est jouer la complémentarité<br />

vil<strong>le</strong>s/<strong>campagne</strong>s, mais c’est aussi <strong>le</strong> local, la<br />

proximité et <strong>le</strong> lien social au profit des habitants. Nous<br />

pouvons ainsi <strong>le</strong> résumer dans cette phrase : « Les<br />

nouvel<strong>le</strong>s ruralités, c’est la complémentarité<br />

vil<strong>le</strong>s/<strong>campagne</strong>s, l’attachement des Français au local,<br />

à la proximité, au lien social au profit de l’équilibre de<br />

la société tout entière. Le quatrième temps a pour<br />

objet d’expliquer que <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s ruralités, c’est aussi<br />

une nouvel<strong>le</strong> dynamique pour <strong>le</strong> pays, qui se déploie en<br />

trois temps : d’abord, grâce aux jeunes, aux actifs, à la<br />

formation, à l’enseignement et à l’offre de soins ;<br />

ensuite, grâce à l’économie, à l’agriculture, à la<br />

croissance verte, à la qualité de l’environnement ; enfin,<br />

grâce au tourisme rural, à l’artisanat, au patrimoine, à la<br />

qualité des produits locaux.<br />

Pour couronner <strong>le</strong> tout, il manque un cinquième temps,<br />

essentiel aujourd’hui : <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s ruralités, c’est un<br />

ensemb<strong>le</strong> de va<strong>le</strong>urs et de bénéfices. C’est tout un arc<br />

vert qui se déploie de la gauche à la droite de ce<br />

graphique au dessus duquel nous trouvons <strong>le</strong>s mots :<br />

« Fierté d’être rural », « Désir de <strong>campagne</strong> »,<br />

« Convivialité », « Attachement à la terre » et, plus haut<br />

encore, « Prendre <strong>le</strong> temps des choses »,<br />

« Proximité de la nature », « Avoir une vie saine et<br />

équilibrée », « Calme », « Tranquillité », « Bien-être »…<br />

Que du bonheur, au fond ! C’est tout ce qui manque à<br />

nos milieux urbains.<br />

Les nouvel<strong>le</strong>s ruralités, c’est un ensemb<strong>le</strong> de va<strong>le</strong>urs et de<br />

bénéfices dont notre société a plus que jamais <strong>grand</strong><br />

besoin pour réussir et vivre en harmonie : la convivialité,<br />

l’authenticité, <strong>le</strong> temps de vivre, l’équilibre et <strong>le</strong> bien-être.<br />

Tel est <strong>le</strong> récit que nous proposons à la mission<br />

« Nouvel<strong>le</strong>s ruralités ». Ce récit sera discuté et enrichi.<br />

Evidemment, un certain nombre de modifications et<br />

d’améliorations peuvent y être apportées. Mais c’est fort<br />

de ce récit qu’à partir de ce diagnostic, vous parviendrez,<br />

je l’espère, à convaincre bien davantage et à emporter la<br />

conviction du fait que <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s ruralités sont au cœur<br />

de nos sociétés qui penchent vers la métropolisation, mais<br />

qui ont besoin de cet espace de respiration, d’entreprise,<br />

d’épanouissement, de réussite que sont <strong>le</strong>s <strong>campagne</strong>s.<br />

Espérons que nous serons entendus !<br />

(Applaudissements) »<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Nous pouvons effectivement vous<br />

applaudir et vous remercier, Denis Muzet,<br />

pour cette enquête. Fina<strong>le</strong>ment, vous êtes<br />

optimiste : « Que du bonheur », nous<br />

disiez-vous !<br />

«Dans cette enceinte, il serait diffici<strong>le</strong> de ne pas être<br />

optimiste ! Nous rencontrons des élus et des acteurs<br />

déterminés, qui ont réfléchi à la question et pris <strong>le</strong><br />

temps de lire et d’analyser <strong>le</strong>s travaux de nombreux<br />

experts, géographes et démographes. Ils s’intéressent<br />

aussi aux sociologues et même aux poètes ! Il est<br />

extraordinaire de constater cette « biodiversité », cette<br />

capacité de contribution de ces différents experts et<br />

cette capacité d’écoute remarquab<strong>le</strong> de nos hôtes ! Il<br />

suffit donc maintenant d’y al<strong>le</strong>r !<br />

C’est tous ensemb<strong>le</strong> que ces mots des nouvel<strong>le</strong>s<br />

ruralités vont peut-être faire progresser la conviction<br />

dans <strong>le</strong> pays. En tout cas, depuis que nous avons<br />

entrepris ce travail au début<br />

!»<br />

de cette année, nous avons<br />

rencontré une écoute remarquab<strong>le</strong> et un « peps », un<br />

dynamisme incroyab<strong>le</strong><br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Merci pour la qualité de votre récit ! Nous<br />

ouvrons <strong>le</strong> débat avec l’assistance.<br />

Jean-Yves VIF<br />

49


Cette dernière région a été dessinée un peu<br />

rapidement, lundi soir, entre vingt et une heure<br />

quinze et vingt et une heure trente !<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

50<br />

«D’emblée, je tiens à dire que je ne suis pas un élu et<br />

que je n’ai aucun mandat é<strong>le</strong>ctif. Je suis un simp<strong>le</strong><br />

citoyen qui s’intéresse à ces questions et je suis tout à<br />

fait frappé par tout ce qui a été dit s’agissant en<br />

particulier de cette référence permanente au<br />

mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> administratif français qu’il faut défaire,<br />

comparé aux autres pays européens. Prenons <strong>le</strong> cas de<br />

l’Al<strong>le</strong>magne, parce que c’est « <strong>le</strong> » modè<strong>le</strong>. Il faut<br />

savoir que la structuration administrative du territoire<br />

al<strong>le</strong>mand est plus comp<strong>le</strong>xe ou au moins aussi<br />

comp<strong>le</strong>xe que cel<strong>le</strong> de la France.<br />

«Le mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> al<strong>le</strong>mand est au<br />

moins aussi comp<strong>le</strong>xe, sinon<br />

plus que mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> français»<br />

Nous ne pouvons donc pas prendre l’Al<strong>le</strong>magne comme<br />

modè<strong>le</strong> dans ce domaine-là, s’agissant d’un modè<strong>le</strong><br />

très compliqué. Ce sont, dans <strong>le</strong>s seize länder<br />

al<strong>le</strong>mands, plus de 180 ministres, sans par<strong>le</strong>r des<br />

arrondissements ruraux. Le mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> al<strong>le</strong>mand est au<br />

moins aussi comp<strong>le</strong>xe, sinon plus que mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong><br />

français.<br />

Par ail<strong>le</strong>urs, nous avons en France <strong>le</strong> plus vaste espace<br />

rural d’Europe. En guise de comparaison, l’Al<strong>le</strong>magne<br />

fait 200 000 kilomètres carrés de moins que la<br />

France, avec un nombre d’habitants d’une vingtaine de<br />

millions de plus. Le territoire français, par sa situation<br />

géographique, sa diversité et sa densité de population,<br />

est donc effectivement une richesse que,<br />

probab<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong>s politiques ne prennent pas<br />

suffisamment en compte.<br />

Concernant cette réforme territoria<strong>le</strong> et la dis<strong>pari</strong>tion<br />

annoncée du département, je reviens sur ce qui a été<br />

dit sur <strong>le</strong> fait que ceux qui vont défendre <strong>le</strong><br />

département et donc la ruralité sont des conservateurs.<br />

Il faut gagner <strong>le</strong> débat idéologique et la réforme qui<br />

nous est proposée ne va pas de l’avant : c’est une<br />

réforme conservatrice et même ultralibéra<strong>le</strong>. De mon<br />

point de vue de simp<strong>le</strong> citoyen, je suis désolé que ce<br />

soit un gouvernement de gauche qui <strong>le</strong> propose.<br />

Que sont ces faribo<strong>le</strong>s consistant à dire que la France<br />

serait trop petite pour peser à l’échel<strong>le</strong> mondia<strong>le</strong> ou<br />

européenne, mais qu’en revanche, une région<br />

regroupant <strong>le</strong> Centre, <strong>le</strong> Limousin et Poitou-Charentes<br />

pèserait au niveau mondial ou aurait une influence au<br />

niveau européen ?»<br />

«Oui, mais peu importe puisque c’est aussi <strong>le</strong> cas<br />

d’autres régions !<br />

Je ne sais pas, tout en regrettant qu’el<strong>le</strong> nous ait<br />

quittés, si la ministre a apaisé <strong>le</strong>s inquiétudes des élus<br />

dans sa réponse… En tout cas, el<strong>le</strong> n’a pas apaisé <strong>le</strong>s<br />

miennes et <strong>le</strong>s aurait plutôt aggravées. Quant au fait<br />

de vouloir donner de nouveaux outils, de constituer de<br />

nouveaux comités, de nouveaux commissariats et que<br />

sais-je encore, il existe précisément déjà un outil qui a<br />

fait ses preuves depuis plus de 200 ans : c’est <strong>le</strong><br />

département et on va <strong>le</strong> supprimer !<br />

Y compris sur <strong>le</strong> plan symbolique, <strong>le</strong> département<br />

ayant structuré l’histoire de la République depuis plus<br />

de 250 ans, c’est, en termes de repère, une partie de<br />

l’héritage de la Révolution que l’on brade. Au nom de<br />

quoi ? Au nom de cette idéologie européenne qui veut<br />

que la France soit intégrée absolument dans l’Europe !<br />

Je conclus donc en disant aux Présidents que c’est un<br />

mauvais coup porté à la ruralité. (Applaudissements)»<br />

Merci, monsieur. Nous avons bien compris <strong>le</strong> sens<br />

de votre intervention et de votre discours<br />

départementaliste tout à fait intéressant. Nous<br />

prenons une autre question.<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE


«Je suis nouveau maire de Saint-Hilaire-Fontaine, une<br />

commune de 205 habitants dans la Nièvre. Parmi tous<br />

<strong>le</strong>s propos bien évidemment très intéressants, je n’ai<br />

pas entendu par<strong>le</strong>r de fraternité, mot apposé aux côtés<br />

de ceux de liberté et égalité sur <strong>le</strong> fronton de certains<br />

édifices publics. Rien n’a été prononcé à ce sujet-là.»<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Maire de Saint-Hilaire-<br />

Fontaine<br />

Sans vouloir vous contredire, Hélène Combe de la Funte<br />

Martinez a abordé <strong>le</strong> thème, en évoquant l’aspect humain et<br />

fraternel et en parlant de ressources humaines. Merci, en<br />

tout cas, de souligner l’importance du mot fraternité, au<br />

même titre que ceux de liberté et d’égalité.<br />

Une dernière question ?<br />

Président de la Fédération Auvergnate-Forez<br />

des buralistes et de la Chambre syndica<strong>le</strong><br />

des buralistes<br />

«Aujourd’hui, 45 % des buralistes exercent dans des<br />

communes de moins de 3 500 habitants. Ce sont<br />

environ 12 000 points de vente sur une base de 6 000<br />

commerces dans des communes de moins de 1 000<br />

habitants. Nous sommes <strong>le</strong> premier réseau de proximité<br />

en France et un acteur du développement de la ruralité.<br />

C’est donc un sujet qui nous touche au quotidien, avec<br />

<strong>le</strong>s difficultés de nos commerçants.<br />

«Les buralistes sont <strong>le</strong> premier<br />

réseau de proximité en France<br />

et un acteur du développement<br />

de la ruralité»<br />

Les buralistes sont, la plupart du temps, des points<br />

multiservices et ils ont largement investi dans <strong>le</strong>urs<br />

affaires sur des produits informatiques afin de pouvoir<br />

bénéficier de tout ce qui est aménagement et activité<br />

économique dans <strong>le</strong> domaine du service public. Mme la<br />

ministre Sylvia Pinel a rappelé el<strong>le</strong>-même qu’el<strong>le</strong><br />

cherchait des points d’ancrage. Nous faisons partie de ces<br />

points et nous avons la possibilité technique et<br />

technologique d’apporter un service public dans <strong>le</strong>s<br />

communes <strong>le</strong>s plus reculées. C’est la raison pour laquel<strong>le</strong><br />

nous souhaitons, et nous avons lancé un appel au travers<br />

des contrats d’avenir qui ont été signés, un développement<br />

des services publics au sein des petites ruralités.<br />

Nous lançons donc un nouvel appel au Gouvernement<br />

pour qu’il tienne compte de nos efforts.»<br />

Merci, messieurs <strong>le</strong>s buralistes, pour votre<br />

contribution aux services publics !<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

51


Si cel<strong>le</strong>s et ceux qui ont participé à notre tab<strong>le</strong><br />

ronde souhaitent intervenir, c’est bien volontiers<br />

que je <strong>le</strong>ur donne la paro<strong>le</strong>.<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

«Suite à l’intervention notamment de Pascal Jardin, je<br />

tenais à évoquer <strong>le</strong> mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong>. Il se trouve que c’est une<br />

pâtisserie que j’apprécie assez, mais ce mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> a été<br />

jeté en pâture à l’opinion publique comme si c’était<br />

quelque chose de dramatique ! De surcroît, il est assez<br />

étonnant que ceux qui <strong>le</strong> critiquent <strong>le</strong> plus sont souvent<br />

ceux qui, ces dernière années, ont contribué à y ajouter<br />

de la mauvaise graisse ou de la mauvaise sauce.<br />

(Applaudissements)<br />

Parmi <strong>le</strong>s mauvaises sauces dont je veux par<strong>le</strong>r, c’est,<br />

par exemp<strong>le</strong>, <strong>le</strong> mot « métropo<strong>le</strong> » qui a été ajouté dans<br />

<strong>le</strong>s institutions, sans que cela serve à quoi que ce soit,<br />

sauf pour dire : « Maintenant, je suis <strong>grand</strong> parce que je<br />

suis une métropo<strong>le</strong> ! ». Cela n’a rien changé à<br />

l’attractivité de la vil<strong>le</strong> qui n’est d’ail<strong>le</strong>urs pas dans une<br />

bonne situation. Qui plus est, dans tous <strong>le</strong>s pays du<br />

monde, il y a des mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong>s tout simp<strong>le</strong>ment parce que<br />

<strong>le</strong> niveau de décision uti<strong>le</strong> n’est pas <strong>le</strong> même selon <strong>le</strong><br />

type de problème à rég<strong>le</strong>r. Lorsqu’il s’agit de choisir la<br />

localisation d’une éco<strong>le</strong> maternel<strong>le</strong> ou la localisation<br />

d’une gare TGV, ce n’est pas au même niveau<br />

géographique qu’il faut réfléchir à ce genre de<br />

décision.<br />

Hier, étant auditionné à l’Assemblée nationa<strong>le</strong> sur ce<br />

sujet, j’ai voulu <strong>le</strong>ur présenter un pays qui devrait être<br />

organisé d’une façon tota<strong>le</strong>ment rationnel<strong>le</strong> : c’est <strong>le</strong><br />

cas de la Chine, avec un parti communiste unique qui,<br />

a priori, est évidemment hyper rationnel ! (Sourires)<br />

Je <strong>le</strong>ur ai donc montré l’organisation territoria<strong>le</strong> en<br />

Chine : ce sont cinq niveaux, avec, à chacun d’eux, des<br />

différenciations institutionnel<strong>le</strong>s. Par conséquent, <strong>le</strong><br />

mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> est général, même si nous devions devenir<br />

un parti communiste unique en France !<br />

«Dans tous <strong>le</strong>s pays du monde, il<br />

y a des mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong>s tout<br />

simp<strong>le</strong>ment parce que <strong>le</strong> niveau<br />

de décision uti<strong>le</strong> n’est pas <strong>le</strong><br />

même selon <strong>le</strong> type de problème<br />

à rég<strong>le</strong>r»<br />

J’en viens à ma deuxième remarque. Toutes <strong>le</strong>s cartes<br />

qui nous ont été projetées sont évidemment<br />

stimulantes et intéressantes, même s’il ne faut pas <strong>le</strong>s<br />

M. Gérard-François<br />

DUMONT<br />

Professeur de géographie à<br />

l’Université Paris IV Sorbonne,<br />

Président de la revue Population et<br />

Avenir<br />

52


prendre pour vérités de l’Evangi<strong>le</strong>. En particulier, la<br />

première, cel<strong>le</strong> des aires urbaines, est dramatique : el<strong>le</strong><br />

fait de la métropolisation effectivement une idéologie,<br />

mais, en même temps, il faudrait la mettre à la<br />

poubel<strong>le</strong> ! D’ail<strong>le</strong>urs, l’INSEE a mis la ruralité à la<br />

poubel<strong>le</strong> : <strong>le</strong> mot « rural » dans la carte des aires<br />

urbaines n’existe plus du tout. Les communes,<br />

appelées autrefois « rura<strong>le</strong>s », sont dénommées dans<br />

<strong>le</strong> langage de l’INSEE : « communes isolées en dehors<br />

des pô<strong>le</strong>s ». Certains d’entre vous ne <strong>le</strong> savaient sans<br />

doute pas et j’espère que vous appréciez cette logique<br />

poétique ! (Sourires)<br />

«L’INSEE a mis la<br />

ruralité à la poubel<strong>le</strong>»<br />

Une autre carte est très intéressante, cel<strong>le</strong> des<br />

fragilités. Dans cette carte, vous n’avez pas vu une<br />

vil<strong>le</strong> comme Rennes et pourtant, Rennes vient de<br />

passer à côté d’une catastrophe. Je vous rappel<strong>le</strong> en<br />

effet que, parmi <strong>le</strong>s usines que Peugeot possédait en<br />

France, citons cel<strong>le</strong> d’Aulnay-sous-Bois dont vous avez<br />

sans doute entendu par<strong>le</strong>r, mais aussi cel<strong>le</strong> de Rennes.<br />

L’usine et surtout tous <strong>le</strong>s emplois induits par la<br />

présence de cette <strong>grand</strong>e usine Peugeot à Rennes<br />

représentent plus du tiers de l’économie de cette vil<strong>le</strong>.<br />

Supposez que Peugeot, au lieu de fermer son usine<br />

d’Aulnay-sous-Bois, ait fermé cel<strong>le</strong> de Rennes, c’eût été<br />

une catastrophe économique pour tout <strong>le</strong> bassin<br />

rennais.<br />

Par conséquent, entre ces fragilités étudiées sur des<br />

chiffres statistiques et la réalité économique, ce n’est<br />

pas nécessairement la même chose. Je tenais à attirer<br />

votre attention sur ce point parce que <strong>le</strong> calcul<br />

statistique conduit inévitab<strong>le</strong>ment à certaines<br />

approches un peu macroéconomiques, alors que la<br />

réalité géographique peut être fondamenta<strong>le</strong>ment<br />

différente.<br />

Je sais que vous saurez continuer à développer votre<br />

sens critique par rapport à tout ce qui nous est<br />

présenté tous <strong>le</strong>s jours, y compris quand cela vient du<br />

Président de la République !<br />

(Sourires et applaudissements)»<br />

Merci, Gérard-François DUMONT,<br />

pour votre humour !<br />

Je vous donne la paro<strong>le</strong>,<br />

madame Bechtel.<br />

M me . Marie-Françoise<br />

BECHTEL<br />

Directrice de l’ENA de 2000 à 2002,<br />

députée de l’Aisne<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

«D’abord, ce que vous dites sur la carte, c’est la<br />

différence entre la photographie et <strong>le</strong> potentiel. Il suffit<br />

simp<strong>le</strong>ment de savoir à quoi se rapporte la carte,<br />

laquel<strong>le</strong> donne tout de même une idée au moins<br />

photographique d’une situation à un moment donné.<br />

Si l’on veut projeter <strong>le</strong>s fragilités potentiel<strong>le</strong>s, il s’agit<br />

alors, me semb<strong>le</strong>-t-il, de procéder autrement et on<br />

l’affiche.<br />

«Je fais simp<strong>le</strong>ment remarquer<br />

que <strong>le</strong> mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> permet <strong>le</strong>s<br />

financements croisés»<br />

Sur <strong>le</strong> mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong>, je pense que ce qui a été dit est<br />

marqué au coin d’une très <strong>grand</strong>e sagesse. J’ai<br />

d’ail<strong>le</strong>urs apprécié <strong>le</strong> propos du premier intervenant<br />

dans <strong>le</strong> cadre du débat avec l’assistance. Je suis<br />

d’accord avec lui. Je fais simp<strong>le</strong>ment remarquer que <strong>le</strong><br />

mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> permet <strong>le</strong>s financements croisés. Nombreux<br />

sont <strong>le</strong>s élus qui nous disent que sans <strong>le</strong>s financements<br />

croisés, ils ne s’en tirent pas, ne pouvant pas réaliser<br />

<strong>le</strong>ur projet communal ou autre.<br />

Il faut donc bien réfléchir lorsque l’on par<strong>le</strong> du<br />

mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong>, et ce d’autant plus que <strong>le</strong> mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> nocif<br />

est, non pas <strong>le</strong> mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> administratif ou territorial,<br />

mais <strong>le</strong> mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> que j’avais appelé institutionnel. En<br />

France, <strong>le</strong>s départements et <strong>le</strong>s communes, issus de<br />

vieil<strong>le</strong>s lois de la République, 1871 pour <strong>le</strong> département<br />

et 1884 pour la commune, sont des col<strong>le</strong>ctivités<br />

qui s’administrent librement par des Conseils élus. En<br />

1982, soit 100 ans après, lorsque la région a été<br />

instituée, a été recopié ce modè<strong>le</strong> qui déjà ne<br />

s’appliquait plus à une circonscription d’une tel<strong>le</strong> tail<strong>le</strong>.<br />

Nous ne pouvons pas soutenir aujourd’hui, trente ans<br />

après avoir institué <strong>le</strong>s régions en 1982 en tant que<br />

53


54<br />

col<strong>le</strong>ctivités territoria<strong>le</strong>s, que la région est <strong>le</strong> lieu<br />

d’exercice de la démocratie.<br />

Que va donc devenir cette même démocratie qui<br />

n’existe déjà pas au niveau régional d’ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong>s élus<br />

ne connaissent pas <strong>le</strong>urs élus régionaux – lorsque nous<br />

aurons de <strong>grand</strong>es régions dont on a d’ail<strong>le</strong>urs montré<br />

que l’intérêt était très relatif ? Il n’y aura plus de<br />

démocratie du tout !<br />

Quel<strong>le</strong> est donc la logique ? Le Gouvernement n’est<br />

manifestement pas allé au bout de sa réf<strong>le</strong>xion ou<br />

alors peut-être ne l’ai-je pas encore comprise ! Si l’on<br />

dessine de très vastes régions, ce sont alors des Länder<br />

avec un gouvernement. Nous voyons d’ail<strong>le</strong>urs des<br />

chefs de région – et non des moindres – demander <strong>le</strong><br />

pouvoir rég<strong>le</strong>mentaire. Ce n’est pas la tradition<br />

française. Jamais <strong>le</strong>s Français n’accepteront d’avoir en<br />

France des Länder ! C’est complètement contraire à<br />

l’unité républicaine que <strong>le</strong>s Français ont tout de même<br />

en tête depuis plus de 200 ans. Il est alors<br />

envisageab<strong>le</strong> de concevoir, sans que ce ne soit plus<br />

une col<strong>le</strong>ctivité territoria<strong>le</strong>, un <strong>grand</strong> espace de<br />

concertation, sans même donner un exécutif à la<br />

«Que va donc devenir cette même<br />

démocratie qui n’existe déjà pas<br />

au niveau régional. Il n’y aura<br />

plus de démocratie du tout !»<br />

région, ni peut-être même une assemblée élue, dans<br />

<strong>le</strong>quel <strong>le</strong>s élus, en lien et en dialogue avec l’Etat et <strong>le</strong>s<br />

échelons territoriaux de moindre <strong>grand</strong>e tail<strong>le</strong>,<br />

prévoient, définissent et agissent pour l’avenir d’un<br />

territoire. Pour ma part, je milite en faveur des<br />

interdépartementalités dont la région serait la<br />

résultante, de même que l’intercommunalité devient<br />

de plus en plus la résultante des communes. Ainsi,<br />

seraient conservés <strong>le</strong>s départements, fût-ce peut-être<br />

en <strong>le</strong>s restructurant, et cette proximité avec <strong>le</strong>s<br />

citoyens, dont la région serait la résultante. Ce serait<br />

bien plus préférab<strong>le</strong> que de créer une sorte de vaste<br />

échelon qui va coiffer sans aucun lien démocratique un<br />

territoire extrêmement vaste et certainement regarder,<br />

en effet, vers une Europe où l’on veut maintenant<br />

nommer des super-Commissaires. Ce sera alors un<br />

dialogue entre des super-Présidents de région et des<br />

super-Commissaires européens. C’est un scénario ; je ne<br />

dis pas que c’est forcément ce qui se produira, mais il<br />

faut y penser. Pendant ce temps, un certain nombre de<br />

Français attendront d’un département réduit à la portion<br />

congrue, d’intercommunalités dont ils ne saisissent pas<br />

toujours la réalité, de communes devenues exsangues et<br />

pour finir, comme toujours, de l’Etat que l’on s’occupe<br />

vraiment d’eux. Mais entre-temps, ce qui aura été perdu,<br />

c’est <strong>le</strong> lien démocratique qui, encore une fois, est<br />

extrêmement ténu sur <strong>le</strong> plan régional et je ne crois pas<br />

que tout cela renforce la démocratie<br />

»<br />

politique dans notre<br />

pays. (Applaudissements)<br />

Je vous donne la paro<strong>le</strong>, Hélène<br />

Combe de la Funte Martinez.<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

M me . Hélène COMBE DE LA<br />

FUNTE MARTINEZ<br />

Observatoire de la décision publique,<br />

déléguée généra<strong>le</strong><br />

de la chaire partenaria<strong>le</strong><br />

« Développement humain durab<strong>le</strong><br />

et territoires »<br />

«Dans cette démarche des nouvel<strong>le</strong>s ruralités, je n’ai pas<br />

entendu par<strong>le</strong>r jusqu’à présent du choix du modè<strong>le</strong> de<br />

développement dont on par<strong>le</strong>. Il me semb<strong>le</strong> qu’il ne faut<br />

pas rater cette marche-là visant à savoir si l’on reste<br />

effectivement sur un modè<strong>le</strong> de développement<br />

constant, notamment sur la question économique.<br />

«Sommes-nous décidés à<br />

sortir petit à petit de cette<br />

hypocrisie ou non ?»<br />

Gardons-nous <strong>le</strong> même schéma économique que celui<br />

qui s’est développé au cours des dernières décennies ?<br />

Ou justement, à partir des territoires et de la<br />

réinterrogation de la proximité, cherchons-nous à revenir<br />

à des activités et à une logique économique remise à sa<br />

juste place, c’est-à-dire au service de la société et non<br />

pas avec une vision du monde à travers <strong>le</strong> PIB ?<br />

Force est de reconnaître que nous sommes dans une<br />

hypocrisie tota<strong>le</strong> : il est de bon ton aujourd’hui de dire


que <strong>le</strong> PIB n’est plus notre repère, sauf qu’il continue à<br />

être <strong>le</strong> repère de toutes <strong>le</strong>s décisions prises en termes<br />

de politiques publiques et de grosses logiques<br />

financières ! Sommes-nous décidés à sortir petit à petit<br />

de cette hypocrisie ou non ? Nous nous sommes fait<br />

embarquer dans une démesure de la consommation en<br />

deux ou trois générations. Il ne doit pas être impossib<strong>le</strong><br />

de pouvoir remettre <strong>le</strong>s pendu<strong>le</strong>s à l’heure. Prenons <strong>le</strong><br />

temps de la réalité, mais faisons des choix forts !<br />

«Nous devons reconnaître<br />

à va<strong>le</strong>ur éga<strong>le</strong><br />

l’expertise scientifique,<br />

politique, technique et<br />

l’expertise du vécu»<br />

C’est la raison pour laquel<strong>le</strong> je disais tout à l’heure que<br />

la démocratie participative ne suffira pas. Quel<strong>le</strong> est la<br />

part que chacun a à faire ? Dans ce nouveau schéma,<br />

que doivent assurer en termes de régulation et de<br />

répartition des richesses, <strong>le</strong>s politiques publiques ?<br />

Tel<strong>le</strong>s sont <strong>le</strong>s questions ! C’est pourquoi j’aurais bien<br />

aimé que, dans l’étude qui nous a été présentée, il soit<br />

demandé aussi aux interviewés, prolongeant la<br />

question de <strong>le</strong>ur attente des politiques publiques : « Et<br />

vous, considérez-vous que dans tout cela, vous avez un<br />

rô<strong>le</strong> à jouer ? » Cela nécessite des changements de<br />

posture radicaux. Moi, je n’admets pas <strong>le</strong> fait que ce<br />

monsieur intervenu dans <strong>le</strong> débat ait eu besoin de dire<br />

à plusieurs reprises, alors qu’il a tenu par ail<strong>le</strong>urs un<br />

propos intéressant, qu’il était un citoyen lambda<br />

ordinaire, juste un citoyen. Non ! Chacun est citoyen, y<br />

compris <strong>le</strong>s élus.<br />

Nous sommes aussi des citoyens multifacettes.<br />

Sachons regarder, en fonction de la facette, ce que<br />

nous avons à faire. Cela nécessite un nouveau rapport<br />

à l’expertise et nous revenons là à la question de<br />

l’élite évoquée initia<strong>le</strong>ment dans <strong>le</strong> débat. Aujourd’hui,<br />

nous devons reconnaître à va<strong>le</strong>ur éga<strong>le</strong> l’expertise<br />

scientifique, politique, technique – j’en passe et des<br />

meil<strong>le</strong>urs ! – et l’expertise du vécu qui n’est pas<br />

seu<strong>le</strong>ment l’expertise d’usage. Dans <strong>le</strong>s politiques<br />

publiques et, par exemp<strong>le</strong>, dans <strong>le</strong> domaine de l’eau,<br />

référence est faite tantôt aux « usagers des services de<br />

l’eau », tantôt aux « usagers d’un système de gestion de<br />

l’eau ». Mais nous sommes d’abord dans la vie des<br />

citoyens de l’eau. Nous avons une responsabilité,<br />

s’agissant d’un bien commun, cel<strong>le</strong> de la préservation de<br />

l’eau.<br />

Il s’agit donc de bien savoir manier ces expertises. Des<br />

expériences très intéressantes en France et à travers <strong>le</strong><br />

monde visent même à faire reconnaître ce genre<br />

d’expertises au niveau universitaire. C’est <strong>le</strong> cas de notre<br />

démarche à Nantes. La perspective est, d’une part, de<br />

faire reconnaître ces savoirs sur <strong>le</strong> plan universitaire,<br />

c’est-à-dire en termes de diplôme, et, d’autre part, de<br />

permettre à ces personnes de venir témoigner et apporter<br />

<strong>le</strong>ur savoir dans <strong>le</strong>s lieux académiques.<br />

Selon <strong>le</strong> dramaturge brésilien Augusto Boal, « Nous<br />

sommes tous acteurs : être citoyen, ce n’est pas vivre en<br />

société, c’est la changer ». Il me semb<strong>le</strong> que c’est <strong>le</strong> défi<br />

qui vous est lancé, notamment dans <strong>le</strong> cadre de cette<br />

démarche des nouvel<strong>le</strong>s ruralités. Cela nous permettrait,<br />

de là où l’on est, d’être ce que Augusto<br />

»<br />

Boal appelait <strong>le</strong>s<br />

« avant-courriers d’un monde meil<strong>le</strong>ur ».<br />

(Applaudissements)<br />

Voilà une nouvel<strong>le</strong> phrase du jour : « Etre<br />

citoyen, ce n’est pas vivre en société, c’est<br />

la changer. » Nous la retenons, n’est-ce<br />

pas, Gérard Peltre ?<br />

M me . Gérard PELTRE<br />

Président de l’association internationa<strong>le</strong><br />

Ruralité, Environnement et<br />

Développement, RED,<br />

et du Mouvement européen<br />

de la ruralité<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

«J’y adhère tout à fait, mais je dirai<br />

que, depuis longtemps déjà, <strong>le</strong>s<br />

territoires ruraux inventent <strong>le</strong>ur futur<br />

et changent la société, en<br />

apprenant à travail<strong>le</strong>r ensemb<strong>le</strong>.»<br />

55


56<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Vous nous dites justement, Gérard Peltre, que<br />

l’on ne regarde pas assez ce que font <strong>le</strong>s<br />

territoires ruraux. En fait, nous ne nous servons<br />

pas assez de ces exemplarités et nous n’allons<br />

pas assez loin dans <strong>le</strong> croisement des regards.<br />

«Tout à fait et <strong>le</strong>s territoires ruraux eux-mêmes n’osent<br />

pas en par<strong>le</strong>r et échanger sur ces questions.<br />

Il faut savoir, et c’est la raison pour laquel<strong>le</strong> j’ai été<br />

très critique à l’égard de la réforme territoria<strong>le</strong> en<br />

termes d’agenda, que, dans <strong>le</strong>s six années à venir, il<br />

va falloir construire <strong>le</strong> développement des territoires<br />

ruraux. Nous oublions toujours que dans <strong>le</strong> Traité de<br />

Lisbonne, la Charte des droits fondamentaux, reconnaît<br />

la diversité des cultures qui s’inscrit dans la diversité<br />

des territoires. Mais pour qu’el<strong>le</strong> s’exprime, il faut des<br />

politiques publiques qui permettent d’organiser <strong>le</strong><br />

développement et de donner une opportunité à la<br />

diversité des acteurs qui sont dans <strong>le</strong>s territoires. Cette<br />

opportunité est cel<strong>le</strong> d’échanger ensemb<strong>le</strong> et de<br />

construire ensemb<strong>le</strong> <strong>le</strong>ur développement en s’étant<br />

choisis un cap commun que l’on a envie de partager<br />

avec l’ensemb<strong>le</strong> des autres territoires de l’Union<br />

européenne.<br />

Les pays de l’Est attendent cet éclairage de la France<br />

qui, ne l’apportant pas, est considérée comme<br />

arrogante, non pas qu’el<strong>le</strong> soit p<strong>le</strong>ine de certitudes,<br />

mais parce qu’el<strong>le</strong> se croit l’Europe et oublie de<br />

partager et d’apporter ces expériences en travaillant<br />

avec <strong>le</strong>s uns et <strong>le</strong>s autres.<br />

Alors que s’ouvre une nouvel<strong>le</strong> période de programmation,<br />

ce sont <strong>le</strong>s régions – et non plus l’Etat – qui<br />

seront chargées de mettre en œuvre cette interface<br />

avec l’option européenne et donc <strong>le</strong>s propositions et la<br />

stratégie 2020 de l’Union européenne. Or, c’est en ce<br />

moment que la décision a été prise de réformer <strong>le</strong>s<br />

régions.<br />

Dans <strong>le</strong> cadre de la plateforme de réforme sur la<br />

coopération intercommuna<strong>le</strong> au niveau départemental,<br />

j’ai bien vu que, lorsque l’on a fait évoluer <strong>le</strong>s<br />

intercommunalités, nous n’avons pas parlé de projets,<br />

alors qu’une communauté de communes a pour objet,<br />

«Dans <strong>le</strong>s six années à<br />

venir, il va falloir<br />

construire <strong>le</strong><br />

développement des<br />

territoires ruraux»<br />

sur un territoire de solidarité, la mise en œuvre d’un<br />

projet de développement et d’aménagement de l’espace<br />

! Nous avons parlé de masse critique, de fusion de<br />

structures, de financement mais pas de projets. Si nous<br />

en avions parlé, toutes ces réformes territoria<strong>le</strong>s<br />

auraient permis de progresser. Je crains fort qu’avec <strong>le</strong>s<br />

régions, il en soit encore ainsi !<br />

Alors, comment allons-nous avoir accès à ces moyens<br />

financiers de l’Europe et à quoi allons-nous <strong>le</strong>s affecter ?<br />

Comment allons-nous re<strong>le</strong>ver <strong>le</strong> chal<strong>le</strong>nge européen<br />

dans <strong>le</strong> cadre de la stratégie 2020 que tous <strong>le</strong>s Etats<br />

membres ont acceptée et qui fait référence au social, à<br />

l’inclusion socia<strong>le</strong>, à l’inclusion territoria<strong>le</strong> et autre, et<br />

pas seu<strong>le</strong>ment à l’innovation économique et au<br />

développement durab<strong>le</strong> ? Comment <strong>le</strong> tout se fera-t-il ?<br />

Or, c’est maintenant !<br />

Moi, je demande aux départements de re<strong>le</strong>ver <strong>le</strong><br />

chal<strong>le</strong>nge parce que ce sont eux aujourd’hui qui<br />

portent toutes ces politiques publiques et qui sont<br />

proches des citoyens. Il est donc urgent de s’en<br />

emparer ; sinon, dans six ans, nous allons nous<br />

retrouver en ayant oublié six années et peut-être bien<br />

que l’on ne nous servira pas de nouveau <strong>le</strong>s plats de si<br />

tôt au niveau européen, qui offrent véritab<strong>le</strong>ment une<br />

place pour <strong>le</strong>s territoires ruraux, mais il nous faut nous<br />

en saisir.<br />

Une autre possibilité nous est éga<strong>le</strong>ment offerte :<br />

coopérer entre nous et coopérer avec <strong>le</strong>s autres<br />

territoires de l’Union européenne. Il faut avancer dans<br />

ces logiques-là, mais il nous faut apporter du sens, de<br />

l’humanité et de la construction socia<strong>le</strong> dans toutes ces<br />

affaires. Nous avons la capacité de <strong>le</strong> faire. Si nous ne<br />

<strong>le</strong> faisons pas, nous oublierons qui nous sommes, mais<br />

nous oublierons surtout d’avoir exister aujourd’hui pour<br />

construire demain.<br />

«Il convient de rappe<strong>le</strong>r aux<br />

pô<strong>le</strong>s urbains que nous<br />

n’avons pas besoin d’eux<br />

pour exister»<br />

C’est un vrai chal<strong>le</strong>nge et là est mon inquiétude, alors<br />

que, par ail<strong>le</strong>urs, je suis vraiment optimiste. Si nous<br />

nous en emparons, nous <strong>le</strong>s ruraux, je pense que <strong>le</strong>s<br />

choses iront. Nous avons beaucoup de choses à faire<br />

avec <strong>le</strong>s pô<strong>le</strong>s urbains, mais il convient de <strong>le</strong>ur rappe<strong>le</strong>r<br />

que nous n’avons pas que besoin d’eux pour exister.<br />

Nous avons une énergie et une ressource propre, mais<br />

nous savons, nous, collaborer avec <strong>le</strong>s urbains parce<br />

que nous en comprenons la va<strong>le</strong>ur ajoutée. Il faut<br />

»<br />

qu’ils s’en souviennent, surtout <strong>le</strong>s métropo<strong>le</strong>s !<br />

(Applaudissements)


Denis Muzet, dans un contexte où, comme vous <strong>le</strong><br />

disiez, <strong>le</strong> rural est devenu <strong>le</strong> local, vous vous<br />

retrouvez avec ces interventions sur la nouvel<strong>le</strong><br />

relation à établir et à définir. Vous parliez, me<br />

semb<strong>le</strong>-t-il, du « contrat de relation ».<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

«Mil<strong>le</strong> et une initiatives<br />

sont prises en milieu<br />

rural. Il faut <strong>le</strong>s faire<br />

connaître»<br />

M. Denis<br />

MUZET<br />

Sociologue et président<br />

de l’Institut Médiascopie<br />

mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> territorial, c’est risquer de la briser, comme<br />

de fracturer <strong>le</strong> dernier lien pour <strong>le</strong>s usagers/citoyens<br />

avec <strong>le</strong>s services publics. C’est donc d’une extrême<br />

importance.<br />

«Si vous n’êtes pas<br />

capab<strong>le</strong>s de narrer votre<br />

projet il n’existe pas»<br />

Pourtant, dans un esprit positif, il est clair que mil<strong>le</strong> et<br />

une initiatives sont prises en milieu rural. Il faut <strong>le</strong>s<br />

faire connaître et donc <strong>le</strong>s mettre en récit ; d’où<br />

l’importance de diffuser, notamment par <strong>le</strong>s réseaux<br />

sociaux, <strong>le</strong>s récits gagnants des nouvel<strong>le</strong>s ruralités.<br />

En conclusion, il faut avoir un projet et c’est celui des<br />

«Oui, non seu<strong>le</strong>ment je m’y retrouve, mais je suis nouvel<strong>le</strong>s ruralité. Il faut l’affiner et <strong>le</strong> démultiplier. Au<br />

optimiste comme <strong>le</strong>s précédents intervenants.<br />

fond, <strong>le</strong> récit est <strong>le</strong> projet narré. Aujourd’hui, si vous<br />

Je tiens à formu<strong>le</strong>r une réf<strong>le</strong>xion sur <strong>le</strong> mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> n’êtes pas capab<strong>le</strong>s de narrer votre projet, c’est-à-dire<br />

territorial. Il faut sans doute <strong>le</strong> réduire, mais il faut de <strong>le</strong> raconter, il n’existe pas parce que dans une<br />

faire attention à ne pas briser la « pâte territoria<strong>le</strong> » société médiatique, <strong>grand</strong>e est la consommation de<br />

qui est une pâte feuil<strong>le</strong>tée extrêmement délicate. Le narration. Si vous ne racontez pas votre projet, si vous<br />

pays est en crise et la France est fragi<strong>le</strong> sur différents ne <strong>le</strong> mettez pas en récit, <strong>le</strong>s médias vont vous col<strong>le</strong>r<br />

plans et, notamment sur <strong>le</strong> plan économique et social. aux basques un récit que vous n’aurez pas choisi et qui<br />

Il faut donc veil<strong>le</strong>r à ne pas manipu<strong>le</strong>r maladroitement sera un récit catastrophe. Il vous appartient donc de <strong>le</strong><br />

la pâte feuil<strong>le</strong>tée du mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> territorial. C’est produire et il appartient aux médias et, en particulier, à<br />

pourtant ce qui semb<strong>le</strong> être aujourd’hui un peu <strong>le</strong> cas la presse régiona<strong>le</strong> de porter <strong>le</strong><br />

»<br />

récit des nouvel<strong>le</strong>s<br />

dans <strong>le</strong> cadre d’un système de vente à la découpe ! ruralités. (Applaudissements)<br />

Manipu<strong>le</strong>r maladroitement la pâte feuil<strong>le</strong>tée du<br />

57


M. Jean-Yves VIF<br />

Rédacteur en chef de La Montagne,<br />

Groupe Centre-France,<br />

animateur de la journée.<br />

«Dans la suite de nos travaux, nous accueil<strong>le</strong>rons dans<br />

un instant M. <strong>le</strong> Secrétaire d’Etat à la Réforme<br />

territoria<strong>le</strong>, M. André Vallini.<br />

La matinée a porté plus sur l’aspect gouvernance et sur<br />

l’aspect institutionnel, sans que <strong>le</strong>s débats se<br />

cantonnent uniquement à la réforme territoria<strong>le</strong>. Nous<br />

avons éga<strong>le</strong>ment bénéficié de la présence d’un<br />

représentant du Gouvernement. Les débats ont été<br />

riches et fructueux, sans concession – tel<strong>le</strong> est la règ<strong>le</strong><br />

du jeu ! – mais toujours courtois. Et c’est donc un<br />

après-midi tout aussi riche qui s’annonce, monsieur <strong>le</strong><br />

Secrétaire d’Etat, dans une semaine qui ne doit pas<br />

être de tout repos pour vous. Merci donc de votre<br />

présence et merci d’avoir maintenu votre rendez-vous<br />

avec ces Etats Généraux des Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités !<br />

M’ont rejoint à la tribune ceux qui ont été baptisés «<br />

<strong>le</strong>s quatre mousquetaires », ainsi que <strong>le</strong> représentant<br />

de l’ADF. Les Conseils généraux sont donc représentés<br />

et bien représentés. Je précise, mesdames, messieurs,<br />

que nous profitons de la présence d’un sixième<br />

Président de Conseil général, André Vallini étant<br />

Président du Conseil général de l’Isère depuis une<br />

douzaine d’années. Il quittera son poste <strong>le</strong> 20 juin<br />

prochain. Autant dire qu’au-delà de la réforme, il<br />

connaît parfaitement la problématique des Conseils<br />

généraux !»<br />

58


Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Dans un premier temps, Patrice Joly<br />

souhaite dire un mot.<br />

M. Patrice JOLY<br />

Président du Conseil général<br />

de la Nièvre.<br />

«Je tiens à remercier André Vallini d’avoir accepté d’être<br />

présent à cette rencontre sur <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s ruralités<br />

dont <strong>le</strong>s enjeux, comme il a été évoqué dans la<br />

matinée, dépassent <strong>le</strong> cadre institutionnel. Il s’agit<br />

pour nous de démontrer ce que représentent <strong>le</strong>s<br />

espaces ruraux français sur <strong>le</strong> plan économique, social<br />

et, bien évidemment, environnemental, mais aussi sur<br />

<strong>le</strong> plan culturel et identitaire. Autant d’enjeux<br />

importants !<br />

André Vallini sait que <strong>le</strong>s Présidents de Conseils<br />

généraux, avec <strong>le</strong>squels nous venons d’ail<strong>le</strong>urs d’avoir<br />

un déjeuner de travail, considèrent que la réforme<br />

aujourd’hui proposée présente un réel risque pour nos<br />

territoires ruraux.<br />

C’est un risque de représentation politique : comment,<br />

de Nevers et, a fortiori, du centre de la Nièvre ou du<br />

Morvan, peser politiquement face à ce que seront <strong>le</strong>s<br />

présidents de régions et <strong>le</strong>s présidents<br />

d’agglomérations de Dijon ou de Besançon ? Comment<br />

peser, avec des régions dont <strong>le</strong>s centres de gravité vont<br />

être déplacés, pas simp<strong>le</strong>ment géographiquement,<br />

mais par rapport aux enjeux industriels, urbains, aux<br />

enjeux globa<strong>le</strong>ment d’aménagement du territoire, si<br />

nous ne disposons de col<strong>le</strong>ctivités capab<strong>le</strong>s de penser<br />

<strong>le</strong> territoire et de <strong>le</strong> porter politiquement et donc<br />

légitimement?<br />

«L’enjeu de la réforme territoria<strong>le</strong><br />

est important mais ce n’est pas <strong>le</strong><br />

seul message que nous voulons<br />

dispenser et faire partager»<br />

Malgré ce contexte connu, et je remercie André Vallini<br />

d’avoir accepté d’en débattre avec nous, je souhaite<br />

que dans nos échanges à la suite de son intervention,<br />

échanges qui seront nécessairement circonscrits dans <strong>le</strong><br />

temps, soit évité un risque : celui que cette journée ne<br />

soit commentée qu’à travers la question de la réforme<br />

institutionnel<strong>le</strong> loca<strong>le</strong>. L’enjeu est important et c’est<br />

une réalité, mais ce n’est pas <strong>le</strong> seul message que<br />

nous voulons dispenser et faire partager.<br />

Je laisse la paro<strong>le</strong> au Secrétaire<br />

»<br />

d’Etat à la Réforme<br />

territoria<strong>le</strong>, André Vallini.<br />

(Applaudissements)<br />

59


60<br />

«Madame la Préfète ; Mesdames, messieurs <strong>le</strong>s<br />

par<strong>le</strong>mentaires de la Nièvre, Martine Carillon-Couvreur<br />

que je retrouve avec plaisir, ayant siégé à ses côtés à<br />

l’Assemblée nationa<strong>le</strong>, Gaëtan Gorce, un ami de<br />

toujours, avec qui j’ai éga<strong>le</strong>ment siégé à l’Assemblée<br />

nationa<strong>le</strong> et, encore récemment, au Sénat, Anne<br />

Emery-Dumas, Sénatrice de la Nièvre, la députée<br />

Marie-Françoise Bechtel que je salue aussi ; Monsieur<br />

<strong>le</strong> Maire de Nevers, Président d’agglomération ;<br />

Monsieur <strong>le</strong> Président du Conseil général de la Nièvre,<br />

cher Patrice ; Mesdames, messieurs <strong>le</strong>s Présidents de<br />

Conseils généraux ; Mesdames, messieurs <strong>le</strong>s élus ;<br />

Mesdames, messieurs,<br />

M. André<br />

VALLINI<br />

Secrétaire d’Etat à la<br />

Réforme territoria<strong>le</strong><br />

Je suis heureux de me retrouver parmi vous cet<br />

après-midi, d’abord pour dissiper un ma<strong>le</strong>ntendu,<br />

réparer une maladresse et vous dire, m’adressant aux<br />

Conseil<strong>le</strong>rs généraux, que je regrette <strong>le</strong> mot qui a pu<br />

vous choquer. Au détour d’une interview de radio, il<br />

peut arriver de se laisser al<strong>le</strong>r à se tromper de<br />

vocabulaire. Il est évident qu’il n’est question de<br />

« dévitaliser » personne ni aucune institution, mais de<br />

faire évoluer <strong>le</strong>s Conseils généraux de notre pays et<br />

j’aurai l’occasion d’y revenir.<br />

«Il n’est question de<br />

dévitaliser personne ni aucune<br />

institution, mais de faire<br />

évoluer <strong>le</strong>s Conseils généraux»<br />

J’ai été d’autant plus désolé de cette maladresse que<br />

je suis des vôtres, comme vient de <strong>le</strong> rappe<strong>le</strong>r notre<br />

animateur. Conseil<strong>le</strong>r général depuis 22 ans<br />

maintenant, je suis de la « cuvée » 1992 et je préside<br />

<strong>le</strong> Conseil général de l’Isère depuis 2001, soit depuis<br />

13 ans. Je laisserai la présidence lors de la prochaine<br />

séance publique, consacrée à la DM 1 – nous sommes<br />

entre spécialistes –, qui aura lieu <strong>le</strong>s 19 et 20 juin<br />

prochains.<br />

Je suis des vôtres aussi parce que, avant d’être<br />

Conseil<strong>le</strong>r général et Président du Conseil général, j’ai<br />

été maire, comme nombre d’entre vous ici. J’ai été<br />

maire de ma petite vil<strong>le</strong> nata<strong>le</strong>, Tullins qui se situe<br />

entre Voiron et Saint-Marcellin, dans la vallée de<br />

l’Isère, entre la Chartreuse, la Voiron et <strong>le</strong> fromage de<br />

Saint-Marcellin. J’ai administré cette petite vil<strong>le</strong> avec<br />

des équipes municipa<strong>le</strong>s successives pendant 15 ans et<br />

j’y ai connu sans doute <strong>le</strong>s plus beaux moments de ma<br />

vie publique.<br />

Sincèrement, je suis donc vraiment heureux, même si<br />

je m’attends à un débat animé, de participer à vos<br />

Etats généraux, succédant à Sylvia Pinel qui était avec<br />

vous ce matin, ce qui montre d’ail<strong>le</strong>urs l’importance<br />

que <strong>le</strong> Gouvernement accorde aux problèmes dont vous<br />

débattez et qu’il est attentif aux solutions – je dis bien<br />

aux solutions – positives que vous présentez.<br />

Cela me donne l’occasion de saluer l’initiative de<br />

Patrice Joly, Jean-Paul Dufrègne, Jean-Jacques Lozach<br />

et Jean-Pierre Saulnier qui ont eu l’intelligence, avec<br />

beaucoup d’entre vous, de forger ce concept novateur<br />

de « nouvel<strong>le</strong>s ruralités », même si <strong>le</strong> mot « concept »<br />

est d’ail<strong>le</strong>urs bien trop abstrait pour rendre compte du<br />

caractère concret des réalités que vous décrivez. Votre<br />

initiative des nouvel<strong>le</strong>s ruralités est en fait une<br />

invitation à porter un regard nouveau sur des espaces,<br />

ceux que vous animez avec vos équipes, autant qu’el<strong>le</strong><br />

est <strong>le</strong> témoignage d’une lucidité de l’avenir de ces<br />

espaces, sur <strong>le</strong>urs difficultés, bien sûr – il y en a et je<br />

<strong>le</strong>s connais –, mais aussi sur <strong>le</strong>urs atouts, des atouts<br />

que vous vous attachez, jour après jour, à valoriser<br />

dans un contexte dont je reconnais qu’il est très<br />

diffici<strong>le</strong>. Je suis venu vous dire aujourd’hui que <strong>le</strong><br />

Gouvernement souhaite vous aider dans ce combat<br />

diffici<strong>le</strong>, mais qui vous passionne, je <strong>le</strong> sais, avec la<br />

réforme territoria<strong>le</strong> que nous avons lancée voilà<br />

quelques semaines.<br />

D’abord, pourquoi une réforme territoria<strong>le</strong> ?<br />

Depuis des sièc<strong>le</strong>s, c’est toujours en réformant son<br />

organisation que la France a avancé. Pour raffermir la<br />

monarchie contre <strong>le</strong>s féodalités, el<strong>le</strong> a créé l’Etat<br />

centralisé. Pour instal<strong>le</strong>r la République, à la fin du<br />

XIXème sièc<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> a inventé la démocratie loca<strong>le</strong>. A<br />

l’émergence de l’Europe, el<strong>le</strong> a lancé la


décentralisation. C’est une nouvel<strong>le</strong> page de notre<br />

histoire qu’il nous revient d’écrire aujourd'hui.<br />

En effet, avec 36 700 communes, 2 100<br />

intercommunalités, 13 400 syndicats<br />

intercommunaux, SIVOM et SIVU, 100 départements<br />

et 22 régions métropolitaines, la France totalise à el<strong>le</strong><br />

seu<strong>le</strong> 41 % des col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s de toute l’Union<br />

européenne à 28 pays.<br />

Cette organisation a vieilli. El<strong>le</strong> a vieilli d’abord parce<br />

que notre pays a changé. Depuis vingt ans, <strong>le</strong>s moyens<br />

de communication ont beaucoup évolué. La circulation<br />

des données, <strong>le</strong>s modes de vie et la mondialisation<br />

économique ont refaçonné la géographie de notre vie<br />

quotidienne, familia<strong>le</strong> autant que professionnel<strong>le</strong>.<br />

Notre organisation territoria<strong>le</strong> a vieilli aussi parce qu’au<br />

fil des réformes, depuis une trentaines d’années nous<br />

avons multiplié <strong>le</strong>s structures, additionné <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s,<br />

empilé <strong>le</strong>s procédures et souvent laissé chaque<br />

«Les élus ne sont pas en cause<br />

dans ce qui s’est passé depuis<br />

trente ans, nous <strong>le</strong> devons au<br />

législateur»<br />

col<strong>le</strong>ctivité loca<strong>le</strong> intervenir en tout domaine. Au fil du<br />

temps, <strong>le</strong>s communes, <strong>le</strong>s départements et <strong>le</strong>s régions,<br />

mais aussi <strong>le</strong>s intercommunalités, <strong>le</strong>s pays et <strong>le</strong>s<br />

syndicats de communes ont mis en œuvre des<br />

politiques souvent complémentaires – heureusement !<br />

– mais parfois redondantes, voire parfois, rarement<br />

mais cela arrive, concurrentes.<br />

Je tiens à <strong>le</strong> souligner devant vous et avec force, <strong>le</strong>s<br />

élus ne sont pas en cause dans ce qui s’est passé<br />

depuis trente ans. Avec ces centaines de milliers d’élus<br />

locaux, mobilisés 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365<br />

jours par an, dont la plupart sont des bénévo<strong>le</strong>s, la<br />

France dispose d’une vraie richesse. C’est à <strong>le</strong>ur<br />

dévouement, à votre dévouement, à notre dévouement<br />

que la France doit la vivacité de notre démocratie<br />

loca<strong>le</strong>.<br />

Ce qui s’est passé depuis trente ans, nous <strong>le</strong> devons au<br />

législateur, et je suis par ail<strong>le</strong>urs législateur. Les<br />

gouvernements de droite comme de gauche, <strong>le</strong>s<br />

majorités par<strong>le</strong>mentaires de droite comme de gauche<br />

ont, je <strong>le</strong> disais à l’instant, multiplié <strong>le</strong>s structures,<br />

additionné <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s procédures, comp<strong>le</strong>xifié <strong>le</strong><br />

paysage administratif territorial. Je sais que,<br />

notamment dans <strong>le</strong>s communes <strong>le</strong>s plus petites, <strong>le</strong>s<br />

élus se sentent souvent démunis face à un système<br />

devenu trop comp<strong>le</strong>xe. L’un des symptômes en est<br />

d’ail<strong>le</strong>urs la difficulté croissante à susciter des<br />

candidatures à chaque renouvel<strong>le</strong>ment des équipes<br />

municipa<strong>le</strong>s ; nous l’avons vu encore ces derniers mois.<br />

Notre organisation territoria<strong>le</strong> est donc devenue<br />

comp<strong>le</strong>xe. Vous <strong>le</strong> pensez, <strong>le</strong>s Français <strong>le</strong> pensent<br />

aussi, et il faut remédier à cette comp<strong>le</strong>xité, d’autant<br />

que la question pourrait se poser : la comp<strong>le</strong>xité,<br />

certes, mais l’efficacité est-el<strong>le</strong> au rendez-vous ? Pour<br />

autant, tout en étant devenue très comp<strong>le</strong>xe, notre<br />

organisation est-el<strong>le</strong> devenue plus efficace ? Hélas, la<br />

réponse n’est pas positive puisque nous peinons<br />

col<strong>le</strong>ctivement, l’Etat et <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s, à<br />

répondre aux attentes de nos concitoyens qui se<br />

sentent même parfois, notamment sur <strong>le</strong>s territoires<br />

dont vous avez la charge, oubliés, voire abandonnés.<br />

C’est une réalité, vous êtes là pour en témoigner :<br />

notre organisation territoria<strong>le</strong> ne réussit plus à résorber<br />

la ou plutôt <strong>le</strong>s fractures territoria<strong>le</strong>s. Avec<br />

l’aggravation des déséquilibres entre <strong>le</strong>s espaces<br />

prospères et d’autres qui <strong>le</strong> sont moins, la France court<br />

<strong>le</strong> risque de se disloquer entre, d’une part, une France<br />

urbaine et compétitive, autour de l’I<strong>le</strong>-de-France et des<br />

<strong>grand</strong>s espaces urbains, et, d’autre part, une France<br />

paupérisée, du chômage et de l’exclusion, à la<br />

périphérie des <strong>grand</strong>es agglomérations et dans <strong>le</strong>s<br />

zones rura<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s plus isolées.<br />

Pour autant, ayons aussi la lucidité de reconnaître que<br />

la frontière entre monde urbain et monde rural n’est<br />

plus aussi nette qu’il y a quelques années. Excepté<br />

quelques territoires très isolés de <strong>campagne</strong> ou de<br />

montagne – j’ai dans mon département des<br />

montagnes, comme Augustin Bonrepaux en a dans son<br />

département de l’Ariège –, on assiste à un<br />

rapprochement des modes de vie. Avec<br />

l’agroforesterie, l’agritourisme et surtout la<br />

périurbanisation des agglomérations, on sait bien que<br />

<strong>le</strong> rural et l’urbain s’interpénètrent de plus en plus. Il<br />

est donc stéri<strong>le</strong> aujourd’hui d’opposer de façon parfois<br />

systématique et caricatura<strong>le</strong> <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s <strong>campagne</strong>s<br />

car, comme vous l’écrivez très justement dans votre<br />

rapport, s’opposer aux métropo<strong>le</strong>s desservirait <strong>le</strong> rural.<br />

C’est donc à juste titre que vous plaidez pour des<br />

coopérations entre <strong>le</strong>s territoires. Le Gouvernement<br />

s’inscrit résolument dans votre démarche, cel<strong>le</strong> d’une<br />

complémentarité entre <strong>le</strong>s territoires urbains, ruraux et<br />

<strong>le</strong>s territoires intermédiaires, si vous me permettez<br />

l’expression.<br />

C’est un impératif pour <strong>le</strong> Gouvernement, dont je suis<br />

sûr qu’il est aussi <strong>le</strong> vôtre, celui de réconcilier, j’allais<br />

dire de « recoudre » nos territoires entre eux. Les<br />

métropo<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s moyennes et <strong>le</strong>s zones à faib<strong>le</strong><br />

densité n’auront d’avenir que si nous <strong>le</strong>s articulons<br />

entre el<strong>le</strong>s, que si nous rapprochons <strong>le</strong>s espaces ruraux<br />

et <strong>le</strong>s espaces périurbains des métropo<strong>le</strong>s.<br />

Quels sont <strong>le</strong>s objectifs de notre réforme après ce<br />

constat ?<br />

Premier objectif : simplifier l’organisation<br />

administrative de la République, pour la rendre plus<br />

claire, plus visib<strong>le</strong> par <strong>le</strong>s citoyens, mais aussi par <strong>le</strong>s<br />

élus locaux qui, je <strong>le</strong> répète, ont parfois du mal<br />

61


62<br />

– c’est, en tout cas, ce qu’ils me disent en Isère – à<br />

s’y retrouver devant l’empi<strong>le</strong>ment des structures<br />

territoria<strong>le</strong>s et l’enchevêtrement de <strong>le</strong>urs compétences.<br />

La clause de compétence généra<strong>le</strong>, qui permettait<br />

jusqu’à présent aux régions et aux départements<br />

d’intervenir en dehors de <strong>le</strong>urs missions principa<strong>le</strong>s,<br />

parfois de manière concurrente, souvent de façon<br />

redondante, aboutit à affaiblir la lisibilité de nos<br />

actions. El<strong>le</strong> aboutit aussi à diluer <strong>le</strong>s responsabilités<br />

dans <strong>le</strong> succès comme dans l’échec. Notre organisation<br />

territoria<strong>le</strong> doit donc gagner en clarté et la clause de<br />

compétence généra<strong>le</strong> sera supprimée. S’y substitueront<br />

des compétences précises, confiées par la loi à chaque<br />

niveau de col<strong>le</strong>ctivités.<br />

Notre deuxième objectif est celui de l’efficacité. En<br />

clarifiant <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de chaque col<strong>le</strong>ctivité, en supprimant<br />

<strong>le</strong>s chevauchements de compétences, en réalisant des<br />

économies d’échel<strong>le</strong> grâce à l’a<strong>grand</strong>issement des<br />

régions comme des intercommunalités, nous rendrons<br />

plus efficaces encore nos col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s.<br />

Le troisième objectif décou<strong>le</strong> directement des deux<br />

précédents : <strong>le</strong> redressement des finances publiques.<br />

L’Etat – vous <strong>le</strong> savez hélas ! – vous demande depuis<br />

quelques années un effort important en termes<br />

financiers. Nous en avons conscience et vous savez<br />

que la DGF, la fameuse dotation globa<strong>le</strong> de<br />

fonctionnement, va encore diminuer dans <strong>le</strong>s années à<br />

venir. L’Etat qui vous impose cet effort se doit, en<br />

contrepartie, d’alléger vos contraintes et de vous<br />

permettre de réaliser des économies dans <strong>le</strong><br />

fonctionnement de vos col<strong>le</strong>ctivités.<br />

«Dans ce nouveau maillage<br />

territorial, <strong>le</strong>s régions joueront<br />

un rô<strong>le</strong> de premier plan»<br />

Certes, <strong>le</strong>s économies budgétaires d’une réforme<br />

territoria<strong>le</strong> globa<strong>le</strong> qui prendra du temps n’apparaîtront<br />

pas en six mois, mais el<strong>le</strong>s n’en sont pas moins<br />

indispensab<strong>le</strong>s. Nous dénonçons tous suffisamment <strong>le</strong><br />

court termisme, la vision à courte vue de la vie<br />

politique et des médias qui relaient la vie politique,<br />

pour ne pas soutenir une réforme de structure dont <strong>le</strong>s<br />

effets se joueront, c’est vrai, à un horizon de cinq à dix<br />

ans.<br />

Je <strong>le</strong> redis, la gestion des élus, votre gestion n’est pas<br />

en cause. Dévoués à l’intérêt général, vous êtes<br />

souvent prisonniers d’un système devenu trop<br />

comp<strong>le</strong>xe et donc trop coûteux. Avec un nouveau<br />

maillage territorial de la République, plus clair et plus<br />

efficace, vous serez mieux à même encore de remplir<br />

votre mission au service des Français.<br />

Dans ce nouveau maillage territorial, <strong>le</strong>s régions<br />

joueront un rô<strong>le</strong> de premier plan. Depuis vingt ans,<br />

el<strong>le</strong>s se sont imposées comme des acteurs majeurs de<br />

l’aménagement du territoire et du développement<br />

économique, mais el<strong>le</strong>s se sentent à l’étroit dans des<br />

espaces hérités de découpages administratifs<br />

remontant aux années 60. Leurs ressources financières<br />

ne correspondent plus à <strong>le</strong>urs compétences qui,<br />

el<strong>le</strong>s-mêmes, ne sont plus adaptées au développement<br />

économique dans la mondialisation. Nous proposons<br />

donc de diminuer <strong>le</strong>ur nombre. El<strong>le</strong>s seront ainsi de<br />

tail<strong>le</strong> européenne, capab<strong>le</strong>s de bâtir des stratégies<br />

territoria<strong>le</strong>s. La carte présentée cette semaine a été<br />

définie avec <strong>le</strong> souci, bien sûr, de la cohérence et de<br />

l’équilibre entre <strong>le</strong>s régions, mais aussi <strong>le</strong> souci de <strong>le</strong>ur<br />

donner <strong>le</strong>s moyens d’affronter la compétition<br />

internationa<strong>le</strong> entre <strong>le</strong>s territoires à l’échel<strong>le</strong><br />

européenne, voire à l’échel<strong>le</strong> mondia<strong>le</strong>. Cette carte ne<br />

fait pas l’unanimité et c’est un euphémisme ! Quel<strong>le</strong><br />

carte aurait pu faire l’unanimité ? Qui connaît la carte<br />

idéa<strong>le</strong> ? Qui a <strong>le</strong> schéma idéal à proposer au<br />

Gouvernement ? Toute carte suscite des approbations<br />

– il y en a eues sur cel<strong>le</strong> que nous avons proposée –<br />

et aussi des réprobations.<br />

Moi, je me souviens de la carte de Rhône-Alpes en<br />

1972, lors de la création des établissements publics<br />

régionaux, <strong>le</strong>s EPR, auxquels ont succédé <strong>le</strong>s régions<br />

en 1990. Cette carte, lorsqu’el<strong>le</strong> est apparue, a été<br />

contestée de toute part. « Quoi de commun, disaient<br />

<strong>le</strong>s habitants de mon département par exemp<strong>le</strong>, entre<br />

Annemasse et <strong>le</strong> nord de la Haute-Savoie au bord du<br />

Lac Léman et la Drôme provença<strong>le</strong> aux portes<br />

d’Avignon ? » Pour autant, Rhône Alpes est devenue<br />

une vraie région cohérente, solide et dynamique sur <strong>le</strong><br />

plan économique, à laquel<strong>le</strong> nous allons ajouter<br />

l’Auvergne. Ce sera une région encore plus <strong>grand</strong>e, et<br />

je sais que <strong>le</strong> Président du Cantal s’inquiète de<br />

l’éloignement entre <strong>le</strong> Cantal et Lyon. Mais si nous<br />

voulons vraiment des régions à tail<strong>le</strong> géographique,<br />

démographique et économique capab<strong>le</strong>s de lutter dans<br />

la compétition internationa<strong>le</strong>, il faut a<strong>grand</strong>ir nos<br />

régions françaises.<br />

Demain, ces <strong>grand</strong>es régions auront davantage de<br />

responsabilités. El<strong>le</strong>s seront <strong>le</strong>s seu<strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités<br />

compétentes pour soutenir <strong>le</strong>s entreprises, coordonner<br />

<strong>le</strong>s politiques de formation et d’emploi, intervenir en<br />

matière de transport avec <strong>le</strong>s trains régionaux dont<br />

el<strong>le</strong>s ont déjà la charge, <strong>le</strong>s transports scolaires, <strong>le</strong>s<br />

transports interurbains, <strong>le</strong>s routes, <strong>le</strong>s ports et <strong>le</strong>s<br />

aéroports, soit un bloc économique accompagné d’un<br />

bloc mobilité et déplacements, et <strong>le</strong>s deux vont<br />

ensemb<strong>le</strong>. El<strong>le</strong>s devront, de plus, gérer <strong>le</strong>s lycées et <strong>le</strong>s<br />

collèges et assurer, bien sûr, l’aménagement et la<br />

construction des <strong>grand</strong>es infrastructures. Pour remplir<br />

<strong>le</strong>ur rô<strong>le</strong>, el<strong>le</strong>s disposeront de moyens financiers<br />

propres et dynamiques et el<strong>le</strong>s seront gérées par des<br />

assemblées de tail<strong>le</strong> raisonnab<strong>le</strong>.<br />

Après la région, l’intercommunalité sera l’autre pilier<br />

de la nouvel<strong>le</strong> architecture territoria<strong>le</strong> de la France.<br />

L’ensemb<strong>le</strong> du pays, la Nièvre comme tous <strong>le</strong>s<br />

départements, est aujourd’hui couvert par des<br />

intercommunalités, mais el<strong>le</strong>s sont de tail<strong>le</strong> différente<br />

et avec souvent des moyens trop faib<strong>le</strong>s pour porter


des projets structurants à l’échel<strong>le</strong> de <strong>le</strong>ur territoire.<br />

Ce processus d’intégration intercommuna<strong>le</strong> doit se<br />

poursuivre et s’amplifier. Les intercommunalités vont<br />

changer d’échel<strong>le</strong>. Chacune d’entre el<strong>le</strong>s devra<br />

regrouper au moins 20 000 habitants, contre 5 000<br />

aujourd’hui, avec des adaptations et des dérogations,<br />

cher Augustin Bonrepaux, pour <strong>le</strong>s zones de montagne<br />

et <strong>le</strong>s territoires faib<strong>le</strong>ment peuplés. L’intercommunalité<br />

deviendra donc, dans <strong>le</strong> respect de l’identité<br />

communa<strong>le</strong>, la structure de proximité et d’efficacité de<br />

l’action loca<strong>le</strong>.<br />

Quant aux communes, el<strong>le</strong>s vont, bien sûr, demeurer la<br />

cellu<strong>le</strong> de base de notre démocratie.<br />

Le maire que François Mitterrand a été aussi dans la<br />

Nièvre, à Château-Chinon, sans oublier qu’il présidait <strong>le</strong><br />

Conseil général de ce département, et qu’il qualifiait<br />

« d’instituteur de la démocratie » est et doit rester<br />

l’interlocuteur privilégié de nos concitoyens,<br />

particulièrement en milieu rural. Les communes<br />

rassemblées autour de <strong>le</strong>ur maire sont et resteront <strong>le</strong><br />

lieu auquel chaque Français est indéfectib<strong>le</strong>ment<br />

attaché. Lieu de la naissance, de la famil<strong>le</strong>, de la<br />

mémoire, de la maison, la commune reste en France<br />

consubstantiel<strong>le</strong> à la République. Mais sauf pour <strong>le</strong>s<br />

plus <strong>grand</strong>es d’entre el<strong>le</strong>s, nos 36 700 communes ne<br />

peuvent plus re<strong>le</strong>ver de manière isolée <strong>le</strong>s défis<br />

nombreux que pose la gestion des services de la vie<br />

quotidienne. Ce sont <strong>le</strong>s intercommunalités, nous <strong>le</strong><br />

savons tous, qui vont donc devoir continuer à monter<br />

en puissance, en prenant appui sur <strong>le</strong>s communes, des<br />

intercommunalités plus <strong>grand</strong>es, plus fortes et qui<br />

pourraient à terme être démocratiquement élues au<br />

suffrage universel direct. Rien n’est tranché, <strong>le</strong> débat<br />

est ouvert.<br />

Il y a des avantages à ce système et des risques aussi<br />

en termes de concurrence de légitimité. Mais, je <strong>le</strong><br />

répète, <strong>le</strong> débat est ouvert et <strong>le</strong> Gouvernement a<br />

devant lui évidemment quelques mois, voire quelques<br />

années de débat puisque l’é<strong>le</strong>ction au suffrage<br />

universel direct ne figurera pas dans <strong>le</strong> texte qui sera<br />

prochainement soumis au Par<strong>le</strong>ment.<br />

«Rien n’est tranché,<br />

<strong>le</strong> débat est ouvert»<br />

Enfin, j’en viens aux départements. Comment ne pas<br />

en par<strong>le</strong>r aujourd’hui devant vous ?<br />

Je <strong>le</strong> répète, Conseil<strong>le</strong>r général de l’Isère depuis<br />

22 ans, je sais à quel point, depuis la décentralisation<br />

de Pierre Mauroy et Gaston Defferre, <strong>le</strong>s Conseils<br />

généraux ont accompli un travail considérab<strong>le</strong> pour<br />

assumer <strong>le</strong>s compétences que <strong>le</strong>ur avait transférées<br />

l’Etat.<br />

Nous pouvons être fiers col<strong>le</strong>ctivement de ce que nous<br />

avons réussi en Isère comme dans chaque<br />

département : <strong>le</strong>s routes, <strong>le</strong>s collèges, <strong>le</strong>s transports<br />

scolaires et aussi, j’allais dire surtout et d’abord la<br />

solidarité socia<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s handicapés, <strong>le</strong>s personnes âgées,<br />

l’enfance maltraitée.<br />

Pierre Mauroy, Gaston Defferre que je viens de citer et<br />

Jean-Pierre Raffarin ensuite nous ont confié de lourdes<br />

mais de bel<strong>le</strong>s missions, de lourdes mais de bel<strong>le</strong>s<br />

compétences, et nous <strong>le</strong>s assumons avec beaucoup<br />

d’investissement des uns et des autres. Je sais à quel<br />

point, dans toute la France, chaque Président de<br />

Conseil général – je <strong>le</strong>s connais presque tous – fait <strong>le</strong><br />

maximum dans son canton pour être digne de la<br />

confiance de ses concitoyens, avec un dévouement<br />

formidab<strong>le</strong> et même parfois avec de la passion. Je sais<br />

la peine que peuvent ressentir mes collègues<br />

Conseil<strong>le</strong>rs généraux de l’Isère quand ils entendent<br />

par<strong>le</strong>r de la suppression des Conseils généraux. Je<br />

mesure la dou<strong>le</strong>ur – <strong>le</strong> mot est fort et je dois faire<br />

attention avec vous au vocabulaire que j’emploie… –,<br />

la peine, <strong>le</strong> chagrin parfois que cela peut susciter chez<br />

des élus départementaux investis depuis longtemps<br />

dans <strong>le</strong>ur mission.<br />

Mesdames, messieurs et, si vous <strong>le</strong> permettez, mes<br />

chers collègues, depuis trente ans, depuis la<br />

décentralisation de François Mitterrand et <strong>le</strong>s années<br />

80, <strong>le</strong>s choses ont changé. Ce qui a changé surtout<br />

dans <strong>le</strong> paysage territorial, ce sont <strong>le</strong>s<br />

intercommunalités qui ont modifié la donne, la création,<br />

bien sûr, avec <strong>le</strong>s lois Joxe et Chevènement, des<br />

communautés de communes et d’agglomération et<br />

surtout <strong>le</strong>ur montée en puissance à laquel<strong>le</strong> on assiste<br />

depuis quelques années.<br />

Le Conseil général doit donc évoluer, prendre en compte<br />

la montée en puissance de ces groupements de<br />

communes, dans la mesure où <strong>le</strong>s <strong>grand</strong>es régions,<br />

demain, comme <strong>le</strong> renforcement des intercommunalités<br />

se présentent pour absorber une large part des<br />

attributions départementa<strong>le</strong>s, et ce de façon progressive<br />

car <strong>le</strong> Conseil général joue un rô<strong>le</strong> essentiel. Cela a été<br />

souligné par nombre d’entre vous lors du déjeuner. Le<br />

Conseil général joue, dans chaque département, un rô<strong>le</strong><br />

essentiel dans la solidarité de proximité, notamment en<br />

direction des personnes <strong>le</strong>s plus fragi<strong>le</strong>s. Il ne saurait<br />

être question de remettre en cause ces politiques. Du<br />

temps est nécessaire et de la soup<strong>le</strong>sse est<br />

indispensab<strong>le</strong>.<br />

Jean-Pierre Bel, <strong>le</strong> Président ariégeois du Sénat, disait<br />

avant-hier : « Attention à ne pas créer un vide ! Il est<br />

sans doute souhaitab<strong>le</strong> de supprimer <strong>le</strong>s Conseils<br />

»<br />

généraux, mais pas pour <strong>le</strong>s remplacer par rien.<br />

63


Président du Conseil<br />

général de l’Ariège<br />

»<br />

«Voilà une bel<strong>le</strong> paro<strong>le</strong> ariégeoise !<br />

(Sourires)<br />

«<br />

Eh oui ! Je l’ai d’ail<strong>le</strong>urs citée parce que je savais que<br />

tu serais là, Augustin !<br />

Le risque, en effet, serait de casser des politiques<br />

territoria<strong>le</strong>s et de cohésion socia<strong>le</strong>, notamment dans la<br />

période de crise que nous vivons. Or, ces politiques<br />

territoria<strong>le</strong>s de solidarité et de cohésion socia<strong>le</strong> seront<br />

plus nécessaires que jamais pour lutter contre la<br />

pauvreté, l’exclusion et <strong>le</strong> sentiment d’abandon que<br />

vous relayez lors des travaux de ce jour et que je<br />

connais aussi dans certains territoires de mon<br />

département.<br />

Vous <strong>le</strong>s élus, mesdames, messieurs <strong>le</strong>s élus<br />

départementaux, al<strong>le</strong>z disposer de quatre ans pour<br />

préparer cette transition et <strong>le</strong>s transmissions des<br />

compétences socia<strong>le</strong>s du Conseil général, futur Conseil<br />

départemental, aux intercommunalités, pour certaines<br />

prestations. Ce peut être <strong>le</strong> cas – pourquoi pas ? –, et<br />

<strong>le</strong> débat, là encore, est ouvert, du RSA à la CAF, la<br />

caisse d’allocations familia<strong>le</strong>s. C’est une proposition<br />

qui existe ; mettons-la sur la tab<strong>le</strong> et débattons-en !<br />

Par ail<strong>le</strong>urs, il est évident que dans <strong>le</strong>s métropo<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s<br />

choses seront plus simp<strong>le</strong>s puisqu’il est prévu que <strong>le</strong>s<br />

métropo<strong>le</strong>s à Lyon, Grenob<strong>le</strong>, Marseil<strong>le</strong>, Toulouse,<br />

Bordeaux et ail<strong>le</strong>urs absorbent <strong>le</strong>s compétences des<br />

Conseils généraux à plus brève échéance.<br />

Un mot sur <strong>le</strong>s personnels départementaux que je veux<br />

rassurer.<br />

Ils trouveront, bien sûr, <strong>le</strong>ur place dans cette nouvel<strong>le</strong><br />

organisation et il faudra évidemment ouvrir avec <strong>le</strong>urs<br />

représentants syndicaux <strong>le</strong>s négociations préalab<strong>le</strong>s à<br />

<strong>le</strong>ur transfert. Mesdames, messieurs, et je m’adresse là<br />

aux personnels départementaux, mais aussi aux élus<br />

vers qui je reviens, certains préconisent à terme, pour<br />

ne pas remplacer <strong>le</strong>s Conseils généraux « par rien »,<br />

selon la formu<strong>le</strong> de Jean-Pierre Bel, la mise en place de<br />

fédérations d’intercommunalités à l’échel<strong>le</strong> des bassins<br />

de vie, pour qu’en 2020, lors du prochain rendez-vous<br />

municipal, <strong>le</strong>s Conseil<strong>le</strong>rs départementaux s’effacent<br />

devant <strong>le</strong> collège des Présidents d’intercommunalités si<br />

<strong>le</strong>s intercommunalités étaient élues au suffrage<br />

universel direct, ce qui résoudrait <strong>le</strong> problème de <strong>le</strong>ur<br />

légitimité démocratique.<br />

« Fédérations d’intercommunalités », « Conseil<br />

départemental des communautés de communes », là<br />

encore, je livre devant vous des propositions que vous<br />

avez entendues et lues dans la presse. Le débat est<br />

ouvert ; <strong>le</strong> Gouvernement est prêt à tout entendre et à<br />

tout prendre en compte.<br />

64


Un mot, enfin, sur <strong>le</strong> département en tant que<br />

circonscription administrative de l’Etat. Le département<br />

restera un cadre essentiel de l’action publique, de<br />

l’action de l’Etat autour des Préfets et des Préfètes,<br />

chère madame, et des administrations déconcentrées<br />

pour assurer <strong>le</strong> respect de la loi, bien sûr, et protéger<br />

<strong>le</strong>s citoyens en <strong>le</strong>ur permettant d’avoir accès aux<br />

services publics où qu’ils se trouvent.<br />

«Le département restera un cadre<br />

essentiel de l’action publique, de<br />

l’action de l’Etat autour des<br />

Préfets et des Préfètes»<br />

L’Etat devra donc plus que jamais jouer son rô<strong>le</strong><br />

essentiel de garant de l’égalité, l’égalité des citoyens<br />

et l’égalité des territoires. Vous <strong>le</strong> savez, Thierry<br />

Mandon a été nommé cette semaine Secrétaire d’Etat<br />

auprès du Premier ministre, chargé de la Réforme de<br />

l’Etat. C’est une réforme importante. On ne peut pas<br />

demander seu<strong>le</strong>ment aux territoires de se réformer. La<br />

réforme doit être globa<strong>le</strong> : réforme des territoires et<br />

réforme de l’Etat sur <strong>le</strong>s territoires. La simplification qui<br />

doit aussi être un objectif de cette réforme est prise en<br />

compte par la nouvel<strong>le</strong> nomination intervenue cette<br />

semaine, Thierry Mandon étant Secrétaire d’Etat à la<br />

Réforme de l’Etat et à la Simplification.<br />

Je crois que l’Etat doit moins s’engager et s’investir<br />

dans l’application tatillonne d’une rég<strong>le</strong>mentation de<br />

plus en plus comp<strong>le</strong>xe. Je crois aussi, et c’est l’élu<br />

local que je suis qui vous <strong>le</strong> dit, que l’Etat doit se<br />

mettre en mode projet. Je sais qu’ici, dans la Nièvre,<br />

avec Mme Kirry, vous avez une Préfète qui met en<br />

œuvre chaque jour cette nouvel<strong>le</strong> façon de représenter<br />

un Etat actif, j’allais dire proactif sur <strong>le</strong> plan<br />

économique.<br />

Mesdames, messieurs, j’en ai terminé et, dans un<br />

instant, je vais me livrer, si j’ose dire, à vos questions<br />

et à vos interventions. Je resterai <strong>le</strong> temps qu’il faudra<br />

pour vous écouter et, si possib<strong>le</strong>, pour vous répondre.<br />

Je veux dire en conclusion que l’organisation<br />

territoria<strong>le</strong> de la France est aujourd’hui trop souvent<br />

illisib<strong>le</strong> et qu’el<strong>le</strong> participe à la défiance de nos<br />

concitoyens à l’égard de la chose publique, de la res<br />

publica. Face à ce constat, <strong>le</strong> Président de la<br />

République a fait <strong>le</strong> choix du mouvement et <strong>le</strong><br />

Gouvernement a donc décidé de lancer une réforme<br />

territoria<strong>le</strong> qui transformera, pour plusieurs décennies,<br />

l’architecture de la République. El<strong>le</strong> s’inscrit dans la<br />

volonté de moderniser notre pays et de <strong>le</strong> rendre plus<br />

fort. El<strong>le</strong> est tournée vers <strong>le</strong>s citoyens car il s’agit de<br />

simplifier notre vie publique, de la rendre plus efficace,<br />

plus claire et surtout de la rendre toujours plus<br />

soucieuse du développement économique et de la<br />

cohésion socia<strong>le</strong> dont a besoin notre pays.<br />

La France compte sur ses élus. Le Gouvernement<br />

compte aussi sur <strong>le</strong>s élus de la République pour<br />

alimenter sa réf<strong>le</strong>xion. Cel<strong>le</strong> des nouvel<strong>le</strong>s ruralités que<br />

vous menez depuis un an est importante. Je <strong>le</strong> répète,<br />

<strong>le</strong>s propositions constructives que vous faites seront<br />

prises en compte. C’est pourquoi il est uti<strong>le</strong> et<br />

important de vous impliquer dans ce chantier majeur<br />

pour l’avenir de la France, et<br />

»<br />

au nom du Gouvernement,<br />

je vous en remercie.<br />

(Applaudissements)<br />

Merci, monsieur Vallini, pour la clarté et la<br />

franchise de vos propos, avec de l’information<br />

et du « lourd » !<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

65


Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Monsieur Augustin Bonrepaux, vous êtes <strong>le</strong><br />

Président du Conseil général de l’Ariège et vous<br />

avez manifesté <strong>le</strong> souhait de prendre la paro<strong>le</strong>.<br />

Président du Conseil<br />

général de l’Ariège<br />

«Merci, monsieur <strong>le</strong> Secrétaire d’Etat, d’avoir cité<br />

l’Ariège comme exemp<strong>le</strong> de modernité !<br />

En entendant la déclaration de politique généra<strong>le</strong> du<br />

Premier ministre, nous avons compris qu’il y avait une<br />

possibilité de réforme parce que c’était clair. Il y avait<br />

<strong>le</strong>s régions, <strong>le</strong>s intercommunalités et <strong>le</strong>s départements.<br />

Effectivement, il y a une possibilité de réforme et si<br />

Jean-Pierre Bel, Président du Sénat, en a fait état, c’est<br />

parce que notre première décision au Conseil général<br />

de l’Ariège a été de faire une proposition constructive,<br />

en disant : « Oui, il peut y avoir une assemblée<br />

émanant des communautés de communes ».<br />

Ce n’est pas une fédération qu’il faut pour gérer <strong>le</strong><br />

département et <strong>le</strong>s services. C’est une simplification et<br />

nous l’avons proposée. C’est dire que nous sommes,<br />

non pas en retrait, mais même en avance, sauf que<br />

nous n’avons pas l’air d’être compris. Depuis que j’ai<br />

transmis ce projet, voici la réaction : en 2020, on<br />

considère que <strong>le</strong> département est pour l’Etat une<br />

référence, avec un Préfet, des services de l’Etat<br />

chargés, non pas d’organiser <strong>le</strong>s services, mais de<br />

veil<strong>le</strong>r à ce que ces services exercés par <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités<br />

soient bien réalisés et donc à contrô<strong>le</strong>r, à imposer et à<br />

imposer des normes qui coûtent chers, qui retardent <strong>le</strong>s<br />

travaux et qui paralysent aujourd’hui notre pays. Tel<strong>le</strong><br />

est la perspective qui nous attend et ce n’est pas dans<br />

quatre ans ! Non, c’est dans quinze jours puisque une<br />

proposition de loi et un projet de loi, soumis au Conseil<br />

des ministres, commencent à transférer <strong>le</strong>s routes.<br />

«Il faut revenir à la réalité du<br />

terrain, et <strong>le</strong> terrain est là<br />

pour vous dire : Attention !»<br />

Pourquoi <strong>le</strong>s routes ? Nous <strong>le</strong>s gérons depuis toujours !<br />

Gérerions-nous mal ? S’agit-il de faire des économies ?<br />

Si oui, ce sera sur <strong>le</strong> dos des zones rura<strong>le</strong>s et surtout<br />

des zones de montagne ! (Applaudissements)<br />

Est-ce ainsi que l’on entend réduire <strong>le</strong> déficit de l’Etat ?<br />

Si la région fait des économies, vous n’al<strong>le</strong>z tout de<br />

même pas lui « piquer » des crédits, d’autant que nous<br />

contribuons, nous, à la réduction de ce déficit ! Depuis<br />

dix ans, nous assumons <strong>le</strong>s transferts de compétences,<br />

ce qui, comme je l’ai entendu ce matin, représentent<br />

40 Mds€ pour l’ensemb<strong>le</strong> des départements, en tout<br />

cas 4 Mds€ de déficit. Pour mon département, cela<br />

représente 10 % de mon budget de fonctionnement,<br />

en l’occurrence parce que la charge du RSA est mal<br />

compensée, vous <strong>le</strong> savez bien ! Ce sont donc 4 Mds€<br />

de déficit pour l’ensemb<strong>le</strong> des départements !<br />

Vous nous avez parlé à l’instant d’un éventuel transfert<br />

du RSA à la CAF. Est-ce ainsi que vous comptez réduire<br />

<strong>le</strong> déficit de la CAF ? Qui va assumer ce déficit de 40<br />

Mds€ ? Qui va <strong>le</strong> payer ? (Applaudissements)<br />

Voilà quelques exemp<strong>le</strong>s qui montrent que vous faites<br />

complètement fausse route ! Il faut revenir à la réalité<br />

du terrain, et <strong>le</strong> terrain est là pour vous dire :<br />

« Attention ! ».<br />

Oui, il y a de bonnes idées dans cette réforme et nous,<br />

nous sommes prêts à y souscrire. Cette organisation<br />

des communautés de communes élues au suffrage<br />

universel est indispensab<strong>le</strong> pour al<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong> sens que<br />

nous souhaitons : une Assemblée émanant des<br />

communautés de communes. Tel<strong>le</strong> est la proposition de<br />

l’Ariège ! Si vous y souscrivez, <strong>le</strong> monde rural est<br />

sauvé ! (Applaudissements)»<br />

66


«Fédération d’intercommunalités », <strong>le</strong> mot ne me plaît<br />

pas non plus. Pour moi, une fédération est socialiste ou<br />

sportive ! Je préfère celui de Conseil départemental<br />

des communautés qui sonne bien.<br />

C’est une idée qui vient de l’Ariège et de l’Isère<br />

quasiment <strong>le</strong> même jour. En tout cas, Augustin, tu as<br />

été dans <strong>le</strong>s premiers, c’est vrai, à réagir positivement<br />

au discours de Manuel Valls quand il a annoncé la<br />

suppression des Conseils généraux dans son discours<br />

de politique généra<strong>le</strong>. Dans la semaine qui a suivi, tu<br />

as envoyé un courrier au Gouvernement. Je l’ai lu et je<br />

l’ai toujours d’ail<strong>le</strong>urs. Il est intéressant, mais nous<br />

sommes plusieurs à avoir cette idée, cel<strong>le</strong> d’un Conseil<br />

départemental des intercommunalités qui ne serait<br />

d’ail<strong>le</strong>urs pas dépourvu de compétences.<br />

«Le Gouvernement donne<br />

quatre ans à la réf<strong>le</strong>xion<br />

col<strong>le</strong>ctive»<br />

Même si <strong>le</strong>s communautés de communes sont<br />

a<strong>grand</strong>ies, d’abord, toutes ne seront pas très <strong>grand</strong>es.<br />

Cel<strong>le</strong>s de montagne et de <strong>campagne</strong>s peu peuplées<br />

seront toujours de tail<strong>le</strong> modeste. Ce seuil de 20 000<br />

habitants ne sera pas possib<strong>le</strong> pour toutes. Ensuite, il y<br />

aura toujours des communautés plus riches et d’autres<br />

moins riches. Il y aura donc un minimum de solidarité<br />

à faire jouer entre el<strong>le</strong>s, de péréquation à faire<br />

fonctionner et – pourquoi pas ? – de compétences à<br />

exercer ensemb<strong>le</strong>. Deux ou trois communautés voisines<br />

pourraient décider de mener ensemb<strong>le</strong> tel ou tel projet<br />

structurant ou de prendre ensemb<strong>le</strong> tel<strong>le</strong> ou tel<strong>le</strong><br />

compétence.<br />

Là encore, <strong>le</strong> Gouvernement donne quatre ans à la<br />

réf<strong>le</strong>xion col<strong>le</strong>ctive, à l’intelligence col<strong>le</strong>ctive des élus<br />

nationaux et des par<strong>le</strong>mentaires parce que ce sont tout<br />

de même eux qui votent la loi in fine, mais d’abord<br />

aux élus départementaux pour faire évidemment<br />

remonter toutes <strong>le</strong>s suggestions aussi constructives que<br />

cel<strong>le</strong> que tu viens d’évoquer, Augustin.<br />

Quant aux routes, el<strong>le</strong>s ont été longtemps nationa<strong>le</strong>s<br />

pour certaines. El<strong>le</strong>s nous ont été transférées en 2004.<br />

Il a fallu trois ans pour absorber <strong>le</strong> transfert des<br />

personnels, des équipements, des véhicu<strong>le</strong>s et des<br />

bâtiments. Je l’ai vécu en Isère, comme vous tous dans<br />

vos départements. Il est vrai qu’aujourd’hui, nous<br />

voyons bien la différence entre <strong>le</strong>s routes<br />

départementa<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s routes nationa<strong>le</strong>s dont<br />

quelques-unes existent encore. J’en ai une centaine de<br />

kilomètres dans mon département.<br />

Les routes départementa<strong>le</strong>s sont bien mieux<br />

entretenues, beaucoup plus bel<strong>le</strong>s, presque trop<br />

parfois, recouvertes souvent de goudron. Les<br />

départements soignent <strong>le</strong>urs routes. (Exclamations et<br />

siff<strong>le</strong>ts dans l’assistance) Ecoutez, franchement, par<br />

rapport à nombre de pays d’Europe, nous avons <strong>le</strong>s<br />

plus bel<strong>le</strong>s routes. Je ne dis pas que c’est forcément<br />

mal. Je dis qu’en période de crise économique, il est<br />

possib<strong>le</strong> de restreindre un peu <strong>le</strong> budget des routes.<br />

Voilà, il y a des choix à faire ! (Protestations et<br />

nouveaux siff<strong>le</strong>ts) Dans <strong>le</strong> département de l’Isère, je<br />

restreins <strong>le</strong> budget des routes et j’assume, et ce au<br />

profit du budget social. C’est ainsi et l’unanimité du<br />

Conseil général est d’accord avec moi.<br />

J’en reviens donc aux routes pour dire qu’el<strong>le</strong>s sont<br />

bien mieux entretenues par <strong>le</strong>s départements qu’el<strong>le</strong>s<br />

ne l’étaient par l’Etat. Qui dit que <strong>le</strong>s régions ne<br />

sauront pas s’en occuper aussi bien que <strong>le</strong>s<br />

départements ? L’idée est d’avoir un bloc de<br />

compétences cohérent : <strong>le</strong>s transports, <strong>le</strong>s<br />

déplacements, <strong>le</strong>s mobilités. Routes, aéroports et ports<br />

en cas de bord de mer, cela va avec l’attractivité<br />

économique. C’est ce qui nous a conduits à proposer <strong>le</strong><br />

transfert des routes aux Régions.<br />

Moi-même, je n’ai pas de certitudes sur ces sujets.<br />

Comme vous, je réfléchis, j’écoute, j’ai des convictions<br />

– tout <strong>le</strong> monde <strong>le</strong>s connaît –, mais je m’imprègne<br />

aussi de ce que j’entends. Certains pensaient que des<br />

communautés de communes ou d’agglomération assez<br />

<strong>grand</strong>es et puissantes pouvaient prendre la compétence<br />

« routes ». Au final, ce sont plutôt <strong>le</strong>s régions qui ont<br />

été retenues. Les choses peuvent bouger. Les régions<br />

peuvent aussi demain décider de déléguer par<br />

convention l’entretien des routes aux communautés de<br />

communes. Pourquoi pas ? (Murmures dans<br />

l’assistance)<br />

Je vous livre des propositions, essayant d’être<br />

constructif dans la proposition et dans l’écoute.<br />

Concernant <strong>le</strong> RSA, c’est une suggestion faite par<br />

certains. Moi, je sais que la solution existe aussi de <strong>le</strong><br />

faire gérer par <strong>le</strong>s communautés de communes.<br />

(Exclamations) Cette perspective me paraissait diffici<strong>le</strong><br />

jusqu’à cette semaine où j’ai rencontré Philippe<br />

Plisson, député de la Gironde, qui préside une<br />

communauté de communes de tail<strong>le</strong> modeste, 13 000<br />

habitants. Il gère déjà <strong>le</strong> RSA par convention avec <strong>le</strong><br />

Conseil général. Il me dit que l’APA et la PCH peuvent<br />

aussi être gérées par sa communauté de communes.<br />

Le problème du financement, des déficits, de l’argent<br />

public, Augustin, ne se pose pas aux CAF, aux<br />

départements, à l’Etat ou aux communautés<br />

»<br />

de<br />

communes ! Il se pose à la nation !<br />

67


«Vous dites vouloir réduire <strong>le</strong><br />

déficit…mais vous l’aggravez !»<br />

«Justement ! Nous n’aggravons pas <strong>le</strong> déficit du RSA en<br />

transférant sa compétence à tel<strong>le</strong> ou tel<strong>le</strong> col<strong>le</strong>ctivité.<br />

Le problème financier du RSA réside dans <strong>le</strong> nombre de<br />

plus en plus croissant d’allocataires à cause de la crise.<br />

Quelqu’un doit bien supporter <strong>le</strong> déficit et, au final,<br />

c’est évidemment <strong>le</strong> contribuab<strong>le</strong> !<br />

»<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Merci de cette réponse !<br />

Le Président de l’Association des maires<br />

ruraux de France, Vanik Berberian,<br />

souhaite prendre la paro<strong>le</strong>.<br />

Président de l’association<br />

des maires ruraux de France<br />

«Je suis désolé, mais il est diffici<strong>le</strong> de passer à côté du<br />

sujet du moment, contrairement à ce qui avait été<br />

proposé en début de séance.<br />

Ce matin, nous avons entendu pour la énième fois <strong>le</strong><br />

constat selon <strong>le</strong>quel il y aurait trop de communes en<br />

France, en comparaison avec <strong>le</strong>s autres pays européens.<br />

Ne pourrions-nous pas changer cette question par une<br />

autre : la commune est-el<strong>le</strong> uti<strong>le</strong>, oui ou non ?<br />

Que nombreuses soient <strong>le</strong>s communes, tel n’est pas <strong>le</strong><br />

sujet ! C’est son utilité qui pose question. Si el<strong>le</strong> n’est<br />

pas uti<strong>le</strong>, supprimons-la ! Si el<strong>le</strong> est uti<strong>le</strong>, conservons-là !<br />

Tel<strong>le</strong> est ma première remarque.<br />

Deuxième remarque, j’ai tout de même <strong>le</strong> sentiment que<br />

l’on marche sur la tête. La carte qui vient de sortir a été<br />

élaborée dans une première version un soir, dans une<br />

autre <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain. Pardon, je vais être désobligeant,<br />

mais nous avons un peu l’impression que l’on a joué à la<br />

conférence de Yalta où chacun a dessiné des contours en<br />

fonction d’intérêts particuliers. Je suis désolé, mais c’est<br />

trop grave pour fonctionner de la sorte. Je peux vous dire<br />

aussi que <strong>le</strong>s élus ont aujourd’hui du mal à comprendre<br />

ce qui est en train de se passer.<br />

Nous nous souvenons tous des Etats généraux au Sénat<br />

et à la Sorbonne. Nous avons entendu <strong>le</strong> discours du<br />

Président de la République sur sa perception, sa<br />

conception, <strong>le</strong> sens qu’il comptait donner à notre<br />

organisation territoria<strong>le</strong>. Qu’en reste-t-il deux ans après ?<br />

Rien !<br />

Nous avons entendu aussi, au moment des vœux à la<br />

Nation ou, en tout cas, en Corrèze, <strong>le</strong> sens qu’il donnait<br />

aux Conseils généraux. Qu’en reste-t-il ? Rien !<br />

Je suis donc quelque peu étonné que des choses aussi<br />

importantes se décident ainsi, de manière rapide et dans<br />

une concertation restant tout de même très sommaire.<br />

Je voudrais attirer votre attention sur l’importance<br />

éga<strong>le</strong>ment de ne pas continuer à tromper nos concitoyens<br />

avec des formu<strong>le</strong>s du type « mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> territorial » ou<br />

« trop de communes en France » parce que l’on est en<br />

train, dans <strong>le</strong> contexte que l’on connaît, de monter <strong>le</strong>s<br />

concitoyens contre <strong>le</strong>s élus. C’est vraiment dramatique.<br />

Nous avons vécu des é<strong>le</strong>ctions municipa<strong>le</strong>s récemment.<br />

Dans certains cas, s’est exprimée une forme de vio<strong>le</strong>nce<br />

que je trouve sincèrement tout à fait inquiétante.<br />

Il faut donc au contraire expliquer comment <strong>le</strong>s choses<br />

fonctionnent. Cela ne veut pas dire qu’il fail<strong>le</strong> <strong>le</strong>s laisser<br />

«Le contexte évoluant,<br />

nous pouvons donc<br />

comprendre que nos<br />

structures changent. Mais<br />

il ne s’agit pas de<br />

changer pour changer»<br />

en l’état. Nous, <strong>le</strong>s maires ruraux, nous n’avons jamais<br />

été partisans du statu quo. Les choses peuvent se<br />

travail<strong>le</strong>r. Une structure est là, non pas pour se suffire à<br />

el<strong>le</strong>-même, mais pour rendre un service. Je suis d’accord<br />

avec votre analyse, monsieur Vallini : <strong>le</strong> contexte<br />

évoluant, nous pouvons donc comprendre que nos<br />

structures changent. Mais il ne s’agit pas de changer<br />

pour changer. Il ne s’agit pas de supprimer pour<br />

supprimer et faire des économies. Les économies sont à<br />

faire, non pas à ce niveau-là, mais dans la simplification.<br />

Il était question tout à l’heure à juste titre des normes.<br />

68


Quant aux chevauchements de compétences, je suis<br />

d’accord avec vous, la fin de la clause de compétence<br />

généra<strong>le</strong> peut permettre une simplification de notre<br />

organisation et c’est là une source d’économies.<br />

Enfin, et je conclus sur ce point, <strong>le</strong>s communes rura<strong>le</strong>s sont<br />

viscéra<strong>le</strong>ment attachées à la dimension départementa<strong>le</strong>. Je<br />

<strong>le</strong> dis d’autant plus faci<strong>le</strong>ment que je ne suis pas Conseil<strong>le</strong>r<br />

général et que je n’ai pas l’intention de l’être. Mais pour <strong>le</strong><br />

maire de petite commune ou d’une plus <strong>grand</strong>e, <strong>le</strong> Conseil<br />

général est <strong>le</strong> partenaire naturel, non pas seu<strong>le</strong>ment pour<br />

<strong>le</strong>s élus d’ail<strong>le</strong>urs, mais de même pour <strong>le</strong>s associations. Je<br />

ne vois donc pas où est l’intérêt de supprimer un échelon<br />

de proximité avec <strong>le</strong>quel nous travaillons depuis des années<br />

et des années et que nous connaissons bien, pour avoir<br />

comme nouveau correspondant une structure émanant d’un<br />

périmètre dont nous ne savons plus très bien quels sont <strong>le</strong>s<br />

contours. Sincèrement, nous n’y gagnons absolument pas ;<br />

nous y perdons et c’est clair !<br />

«Les communes rura<strong>le</strong>s sont<br />

viscéra<strong>le</strong>ment attachées à la<br />

dimension départementa<strong>le</strong>»<br />

Par conséquent, je <strong>le</strong> dis ici très so<strong>le</strong>nnel<strong>le</strong>ment et avec<br />

beaucoup d’émotion, non seu<strong>le</strong>ment nous tenons au<br />

Conseil général, mais nous ferons tout pour vous empêcher<br />

de <strong>le</strong> supprimer. (Applaudissements)<br />

Enfin, permettez-moi une explication par rapport à la notion<br />

de région. Entendant <strong>le</strong>s débats de ces derniers jours dans<br />

<strong>le</strong>s médias, nous nous rendons compte qu’il est sans doute<br />

aussi nécessaire de préciser <strong>le</strong> sens du mot « région ».<br />

D’après des sondages présentés sur <strong>le</strong> sujet, 55 % des<br />

Français sont attachés à la région. A quel<strong>le</strong> région sont-ils<br />

attachés ? Est-ce un attachement à la région dans son<br />

acception que nous connaissons tous, cel<strong>le</strong> qui nous relie à<br />

nos racines, à l’histoire, à la culture, à l’identité régiona<strong>le</strong> ?<br />

Ou est-ce un attachement à la région en tant que structure<br />

mécanique d’organisation territoria<strong>le</strong> ? Je suis désolé,<br />

mais ils sont plus attachés à la dimension identitaire qu’à<br />

l’autre !<br />

Je redis ce que j’ai dit hier auprès du Premier ministre : <strong>le</strong><br />

fait de fusionner <strong>le</strong>s régions va nous emmener, je <strong>le</strong><br />

crains, vers des conflits qui seront extrêmement diffici<strong>le</strong>s<br />

à arbitrer. Les pô<strong>le</strong>s métropolitains vont se lancer dans<br />

des surenchères de <strong>le</strong>adership pour conserver <strong>le</strong>ur poids.<br />

C’est mortifère !<br />

«On pourrait imaginer une autre<br />

forme d’organisation où <strong>le</strong>s<br />

régions seraient peut-être six ou<br />

sept, mais avec seu<strong>le</strong>ment<br />

quelques compétences<br />

structurel<strong>le</strong>s d’organisation et<br />

de développement»<br />

Je crois que l’on pourrait imaginer une autre forme<br />

d’organisation où <strong>le</strong>s régions seraient moins nombreuses<br />

que <strong>le</strong>s quatorze qui nous sont proposées, peut-être six<br />

ou sept, mais avec seu<strong>le</strong>ment quelques compétences<br />

structurel<strong>le</strong>s d’organisation et de développement : la<br />

recherche, <strong>le</strong> développement du très haut débit, la<br />

transition énergétique, la macroéconomie. Toutes ces<br />

compétences qui nécessitent des moyens importants<br />

pourraient être de la compétence de la région dans une<br />

nouvel<strong>le</strong> dimension. D’ail<strong>le</strong>urs, observez <strong>le</strong>s cartes des<br />

<strong>grand</strong>s opérateurs du service public, tels que EDF, ERDF, la<br />

SNCF, et y compris des banques. Tous ont une<br />

organisation de cette nature. La carte qui nous a amenés<br />

à nous prononcer lors des récentes é<strong>le</strong>ctions européennes<br />

est aussi dans ce schéma-là. Il est vrai que régions et<br />

départements ont fini, au fil du temps, par se ressemb<strong>le</strong>r.<br />

Les contours ne sont pas <strong>le</strong>s mêmes, mais <strong>le</strong>s compétences<br />

se chevauchent parfois. C’est sur ce sujet qu’il faut<br />

travail<strong>le</strong>r.<br />

Enfin, je crois vraiment que l’on ne par<strong>le</strong> pas du vrai sujet »:<br />

l’aménagement du territoire et <strong>le</strong> partage des richesses.<br />

(Vifs applaudissements – Bravo ! dans l’assistance)<br />

«Monsieur <strong>le</strong> Président, décidément nous nous voyons<br />

tous <strong>le</strong>s jours puisque vous étiez, en effet, reçu hier à<br />

Matignon par <strong>le</strong> Premier ministre. (Sourires)<br />

Je formu<strong>le</strong> deux ou trois éléments de réponse à vos<br />

propos.<br />

D’abord, s’agissant des communes, vous avez raison<br />

et il n’est pas question de <strong>le</strong>s supprimer. J’ai dit<br />

moi-même à quel point el<strong>le</strong>s étaient consubstantiel<strong>le</strong>s à<br />

la République. Les Français sont attachés à <strong>le</strong>ur<br />

commune, mais au-delà de cet attachement<br />

sentimental au bon sens du terme et de cet<br />

attachement républicain et citoyen, la commune joue<br />

un rô<strong>le</strong> de proximité essentiel. Même, et je dirai a<br />

fortiori avec la montée en puissance des<br />

intercommunalités, la commune devra rester l’échelon<br />

de base pour informer <strong>le</strong> citoyen, faire remonter à<br />

l’intercommunalité <strong>le</strong>s aspirations des citoyens et faire<br />

redescendre aussi tout ce qui se décide à<br />

l’intercommunalité.<br />

69


Nous souhaitons tous, je <strong>le</strong> répète, ne l’ayant pas<br />

éludé dans mon discours, que la démocratie loca<strong>le</strong> soit<br />

la plus vivante possib<strong>le</strong> et nous savons qu’à la base de<br />

la démocratie, loca<strong>le</strong> ou nationa<strong>le</strong> d’ail<strong>le</strong>urs, il y a<br />

l’é<strong>le</strong>ction au suffrage universel.<br />

«S’orienter vers l’é<strong>le</strong>ction au<br />

suffrage universel direct des<br />

intercommunalités pourquoi pas ?<br />

Mais attention au conflit de<br />

S’orienter vers l’é<strong>le</strong>ction au suffrage universel direct<br />

des intercommunalités – pourquoi pas ? – serait<br />

satisfaisant sur <strong>le</strong> plan intel<strong>le</strong>ctuel au regard de la<br />

démocratie, mais attention au conflit de légitimité !<br />

A titre personnel et sans engager <strong>le</strong> Gouvernement, j’y<br />

suis plutôt favorab<strong>le</strong>. J’entendais dernièrement Martin<br />

Malvy, Président de la Région Midi-Pyrénées, expliquer<br />

dans un débat que cela pouvait compliquer <strong>le</strong>s choses.<br />

Il y a déjà actuel<strong>le</strong>ment un problème parce que, dans<br />

mon département en tout cas, à deux ou trois reprises<br />

des élus battus au suffrage universel dans <strong>le</strong>ur<br />

commune se sont malgré tout retrouvés présidents<br />

d’intercommunalité. Cela pose question. Il faut bien<br />

réfléchir à ce que l’on fait dans ce domaine parce que<br />

<strong>le</strong>s choses ne sont pas simp<strong>le</strong>s.<br />

Chaque commune doit rester ce qu’el<strong>le</strong> est. Cela dit, si<br />

<strong>le</strong>s fusions de communes sont encouragées par la loi et<br />

si el<strong>le</strong>s ont lieu sur la base du volontariat, nous ne<br />

pouvons que nous en réjouir. Vous savez que, de ce<br />

point de vue, <strong>le</strong> Président de l’association des maires<br />

de France, Jacques Pélissard, député du Jura, est<br />

l’auteur d’une proposition de loi visant à favoriser et à<br />

encourager <strong>le</strong>s fusions de communes. Cela ne<br />

provoquera pas, à mon avis, des dizaines de milliers de<br />

fusions, même pas des milliers, mais <strong>le</strong> cas peut se<br />

produire.<br />

Les intercommunalités, je <strong>le</strong> répète, vont monter en<br />

puissance, s’a<strong>grand</strong>ir et c’est, à mes yeux, la seu<strong>le</strong><br />

façon de sauver <strong>le</strong>s communes. C’est avec des<br />

intercommunalités prenant appui sur <strong>le</strong>s communes<br />

que l’on garantira l’avenir des communes et qu’el<strong>le</strong>s<br />

resteront ce qu’el<strong>le</strong>s sont : l’échelon de base de la<br />

démocratie.<br />

Vous avez raison, il faut stopper l’inflation normative<br />

et c’est en cours puisque <strong>le</strong> Gouvernement, je <strong>le</strong><br />

répète, vient de prendre une décision en ce sens. Un<br />

Conseil national d’évaluation des normes a été créé en<br />

Conseil des ministres.<br />

»<br />

seront responsab<strong>le</strong>s demain.<br />

légitimité !»<br />

«Aucune norme nouvel<strong>le</strong><br />

sans la suppression<br />

d’une norme ancienne»<br />

C’est Alain Lambert, ancien Ministre du Budget,<br />

Président du Conseil général de l’Orne, qui va en<br />

assurer la présidence. Voici la règ<strong>le</strong> : aucune norme<br />

nouvel<strong>le</strong> sans la suppression d’une norme ancienne,<br />

déjà pour stabiliser <strong>le</strong> nombre de normes. Aujourd’hui,<br />

400 000 normes rég<strong>le</strong>mentaires s’imposent à nous<br />

tous ! Il faut savoir qu’en cinq ans, <strong>le</strong> coût financier<br />

pour nous, <strong>le</strong>s élus locaux, de ces normes a représenté<br />

1,85 Mds€ en 2013, soit quatre fois plus qu’il y a<br />

cinq ans.<br />

Enfin, concernant <strong>le</strong>s régions, <strong>le</strong>s <strong>grand</strong>es régions dont<br />

vous par<strong>le</strong>z, <strong>le</strong>s régions téléphoniques, <strong>le</strong>s zones<br />

militaires, <strong>le</strong>s régions européennes, cel<strong>le</strong>s dans<br />

<strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s on vote, pourquoi pas ? Mais là, il serait<br />

encore plus diffici<strong>le</strong>, voire quasiment impossib<strong>le</strong> de<br />

faire une carte idéa<strong>le</strong> ! En tout cas, pour ce qui est des<br />

compétences, cel<strong>le</strong>s que vous avez énumérées seront<br />

justement cel<strong>le</strong>s que nous allons donner aux nouvel<strong>le</strong>s<br />

<strong>grand</strong>es régions. Tout ce qui tourne autour du<br />

développement économique sera de la compétence<br />

exclusive des Régions, avec, pour l’intercommunalité,<br />

l’aide à l’immobilier d’entreprises. Tout ce qui est<br />

construction d’usines et viabilisation de terrains<br />

nécessite plus de proximité, mais s’agissant des<br />

<strong>grand</strong>es stratégies économiques, seu<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s régions en<br />

«<br />

Vice-Présidente du Conseil général<br />

du Cher et Secrétaire généra<strong>le</strong> de la<br />

FNESR, Fédération nationa<strong>le</strong> des élus<br />

socialistes et républicains<br />

Monsieur <strong>le</strong> Secrétaire d’Etat, cher André Vallini,<br />

permettez-moi de formu<strong>le</strong>r quelques mots sur cette<br />

réforme.<br />

Je fais partie de cel<strong>le</strong>s et ceux qui considèrent<br />

qu’aucune organisation ne doit se penser comme<br />

définitivement figée. Je fais donc partie de cel<strong>le</strong>s et<br />

ceux qui, depuis des années, réfléchissent sur <strong>le</strong>s<br />

évolutions possib<strong>le</strong>s de notre organisation territoria<strong>le</strong> et<br />

sur la façon de mieux répondre aux besoins de nos<br />

concitoyens, avec une action publique forte, une action<br />

publique solidaire et une action publique innovante.<br />

Mais alors, pourquoi avoir tout fait à l’envers ? On<br />

nous dit qu’il faut des <strong>grand</strong>es régions qui seraient<br />

portées par <strong>le</strong>s phénomènes de métropolisation. Mais<br />

alors, pourquoi avoir commencé par retirer aux régions,<br />

comme aux départements d’ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong>ur capacité<br />

d’action sur <strong>le</strong>s territoires métropolitains et donc <strong>le</strong>s<br />

avoir privés du pouvoir d’entraînement et de la richesse<br />

des métropo<strong>le</strong>s ?<br />

70


On nous dit qu’il faudrait faire des économies. Mais alors,<br />

pourquoi prévoir autant d’administrations départementa<strong>le</strong>s<br />

qu’il y aurait d’intercommunalités si <strong>le</strong>s intercommunalités<br />

prennent en charge nos responsabilités ?<br />

Dans <strong>le</strong> département du Cher, situé juste de l’autre côté de<br />

la Loire et comptant 300 000 habitants, nous avons sept<br />

médecins de PMI, la protection maternel<strong>le</strong> et infanti<strong>le</strong>, cinq<br />

encadrants techniques pour l’aide socia<strong>le</strong> à l’enfance et six<br />

instructeurs de l’APA. Comment <strong>le</strong>s répartissons-nous dans<br />

<strong>le</strong>s 27 intercommunalités départementa<strong>le</strong>s ? Et comment<br />

assurons-nous, à l’échel<strong>le</strong> des intercommunalités,<br />

l’expertise que nous pouvons avoir au niveau<br />

départemental ?<br />

«Il faut que l’intercommunalité<br />

procède toujours de la commune et<br />

ne soit pas une nouvel<strong>le</strong> institution<br />

complémentaire»<br />

On nous par<strong>le</strong> aussi de démocratie. Mais alors, comment<br />

peut-on sérieusement soutenir <strong>le</strong> transfert aux caisses<br />

d’allocations familia<strong>le</strong>s d’une partie de nos compétences ?<br />

Les caisses d’allocations familia<strong>le</strong>s relèvent, certes, de la<br />

démocratie socia<strong>le</strong> – encore que, avec des rythmes<br />

d’é<strong>le</strong>ction quand même discutab<strong>le</strong>s –, mais el<strong>le</strong>s n’ont pas<br />

la légitimité démocratique pour gérer une politique qui<br />

dépend aujourd’hui de financements à la fois nationaux et,<br />

je <strong>le</strong> rappel<strong>le</strong>, locaux.<br />

On nous par<strong>le</strong> de proximité et de besoin de reconnaissance,<br />

besoin de reconnaissance qui s’exprime parfois vio<strong>le</strong>mment<br />

dans des prises de position é<strong>le</strong>ctives. On nous propose des<br />

régions plus <strong>grand</strong>es, avec une réf<strong>le</strong>xion qui ne me semb<strong>le</strong><br />

pas aboutie sur <strong>le</strong>s modalités d’exercice de la démocratie<br />

dans ces instances que sont <strong>le</strong>s régions. On <strong>le</strong> voit déjà un<br />

peu aujourd’hui et je crains qu’on ne <strong>le</strong> voie plus largement<br />

ensuite.<br />

Puis, on s’interroge : la politique a-t-el<strong>le</strong> encore un pouvoir ?<br />

Autrement dit, la démocratie a-t-el<strong>le</strong> encore un pouvoir ?<br />

Comment lutte-t-on contre ce pouvoir de l’argent, <strong>le</strong> pouvoir<br />

de la finance ? Cela faisait partie des <strong>grand</strong>es questions, des<br />

<strong>grand</strong>es interpellations de la dernière <strong>campagne</strong><br />

présidentiel<strong>le</strong>. On redessine des territoires – c’est notre<br />

ultime capitulation face à la finance – sur des arguments,<br />

des process et des réf<strong>le</strong>xions de nature économique, alors<br />

que c’est une réf<strong>le</strong>xion citoyenne à laquel<strong>le</strong> il faudrait<br />

s’attacher.<br />

On s’inquiète du vote FN et dans <strong>le</strong>s discours dans <strong>le</strong>squels<br />

on ne par<strong>le</strong> pas simp<strong>le</strong>ment de « dévitalisation », mais<br />

parfois, d’autres maladresses sont dites – j’allais dire pas<br />

seu<strong>le</strong>ment par vous ! – on a une concession au populisme<br />

consistant à dire : « Il faut moins d’élus. » Mais c’est une<br />

doub<strong>le</strong> faute ! C’est une faute parce que c’est une<br />

concession au populisme et c’est une erreur stratégique parce<br />

que, dès lors que l’on ne touche pas aux communes, et je ne<br />

préconise surtout pas que l’on touche aux communes, la<br />

réduction du nombre d’élus à l’issue de la réforme sera<br />

margina<strong>le</strong>. On s’expose donc à un jugement critique, à une<br />

évaluation critique sur ce point de vue. Par conséquent, c’est<br />

une faute mora<strong>le</strong> et c’est une erreur stratégique.<br />

Seul un point me semb<strong>le</strong> intéressant dans ce qui est proposé<br />

et peut-être serais-je encline à faire <strong>le</strong> même <strong>pari</strong> que vous à<br />

cet égard. Je veux par<strong>le</strong>r du fait que des intercommunalités<br />

plus fortes soient, en réalité, l’outil des communes pour<br />

garder un sens et un ancrage<br />

communal. Mais pour cela, il faut que l’intercommunalité<br />

procède toujours de la commune et ne soit pas une nouvel<strong>le</strong><br />

institution complémentaire.<br />

Je conclus sur un seul point. Jusqu’à présent, rien ne nous a<br />

été dit – je dis bien rien ! – sur <strong>le</strong> financement de<br />

l’ensemb<strong>le</strong> et sur <strong>le</strong>s péréquations à tous <strong>le</strong>s niveaux. Tant<br />

que rien ne nous est dit sur ce point, permettez-nous d’avoir<br />

<strong>le</strong>s plus vives inquiétudes et de penser que là encore, on<br />

est bien dans la concession à l’opinion du moment plus<br />

que dans la construction d’une égalité républicaine qui<br />

nous est particulièrement chère.<br />

Par conséquent, il y a un peu de travail, monsieur <strong>le</strong><br />

Secrétaire d’Etat ! (Vifs applaudissements – Bravo !<br />

dans l’assistance)»<br />

Merci, madame Félix. Je prends l’intervention<br />

d’Eric Gautier, Président du Conseil général des<br />

Deux-Sèvres, et, ensuite, André Vallini répondra<br />

à ces deux intervenants.<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

71


«<br />

Président du Conseil général<br />

des Deux-Sèvres<br />

Monsieur <strong>le</strong> Secrétaire d’Etat, j’ai bien compris que<br />

cette réforme avait comme objectif premier de faire un<br />

certain nombre d’économies. Par parenthèse, <strong>le</strong> sens<br />

politique de la réforme n’a jamais été énoncé par<br />

aucune des personnalités qui la portent.<br />

Alors, faire des économies, soit. Vous avez annoncé un<br />

certain nombre de chiffres, sans préciser, du reste, <strong>le</strong><br />

détail de ces économies, ni où <strong>le</strong>s trouver. Hier, dans<br />

un artic<strong>le</strong> de presse, votre collègue M. Sapin évoquait<br />

une possibilité d’économies : la masse salaria<strong>le</strong> de nos<br />

col<strong>le</strong>ctivités.<br />

Depuis l’acte II de la décentralisation, nous avons<br />

repris <strong>le</strong>s personnels de l’Etat et, sur mon<br />

département, nous avons doublé <strong>le</strong> nombre de<br />

fonctionnaires du Conseil général.<br />

Je vais rencontrer prochainement <strong>le</strong>s syndicats qui<br />

s’inquiètent. Monsieur <strong>le</strong> Secrétaire d’Etat, je vous<br />

demande so<strong>le</strong>nnel<strong>le</strong>ment : que dois-je <strong>le</strong>ur dire ? Il<br />

faut que vous compreniez aussi que derrière ceux qui<br />

travail<strong>le</strong>nt, ce sont des femmes et des hommes qui<br />

s’inquiètent.<br />

Moi, je souhaite, quand on porte l’étiquette d’un<br />

Gouvernement socialiste auquel on a contribué à<br />

l’é<strong>le</strong>ction, qu’au moins <strong>le</strong>s femmes et <strong>le</strong>s hommes qui<br />

appliquent nos politiques soient respectés.<br />

(Vifs applaudissements)<br />

»<br />

«<br />

S’agissant<br />

des personnels départementaux, j’en ai<br />

parlé dans mon intervention liminaire. C’est un souci<br />

que j’ai et que <strong>le</strong> Gouvernement a, évidemment.<br />

A mon niveau, dans <strong>le</strong> département de l’Isère, je vais<br />

<strong>le</strong>s inviter tous à venir me rencontrer, en tant que<br />

Président du Conseil général pour encore quelques<br />

jours encore, mais surtout en tant que Secrétaire<br />

d’Etat, et ce afin de <strong>le</strong>ur expliquer comment se feront<br />

<strong>le</strong>s transferts, si transferts il doit y avoir et il y en aura.<br />

En général, <strong>le</strong>s transferts se font dans de bonnes<br />

conditions financières. Regardez ce qui s’est passé<br />

pour <strong>le</strong>s TOS des collèges lorsque l’Etat nous <strong>le</strong>s a<br />

transférés. L’harmonisation se fait souvent par <strong>le</strong> haut.<br />

Cela a d’ail<strong>le</strong>urs conduit Alain Rousset, Président de<br />

l’association des régions de France, à dire que la<br />

réforme coûtera, dans un premier temps, un peu<br />

«Les transferts se font dans<br />

de bonnes conditions<br />

financières. L’harmonisation<br />

se fait souvent par <strong>le</strong> haut»<br />

d’argent parce que, et c’est tout à fait légitime, <strong>le</strong>s<br />

fonctionnaires territoriaux ont des acquis qu’il faut<br />

garantir et maintenir. Tout cela sera fait dans la plus<br />

<strong>grand</strong>e concertation. Et <strong>le</strong>s organisations syndica<strong>le</strong>s<br />

seront reçues autant que nécessaire.<br />

Sur <strong>le</strong>s économies à réaliser, nous disposons de<br />

nombreux chiffrages d’économies potentiel<strong>le</strong>s. Des<br />

rapports ont été faits. MM. Martin Malvy et Alain<br />

Lambert en ont rendu récemment un au Gouvernement,<br />

qui est éclairant sur <strong>le</strong>s gisements d’économies<br />

potentiel<strong>le</strong>s. Plusieurs rapports de la Cour des Comptes<br />

montrent que des économies potentiel<strong>le</strong>s sont à<br />

réaliser, notamment dans <strong>le</strong> bloc communal en<br />

mutualisant <strong>le</strong>s services communes / intercommunalités.<br />

Ne serait-ce que sur la question des personnels,<br />

sans par<strong>le</strong>r de diminution des effectifs car ce n’est pas<br />

du tout ce qui est envisagé, mais une simp<strong>le</strong><br />

perspective de stabilisation des effectifs de la fonction<br />

publique territoria<strong>le</strong> permettrait de gagner un peu<br />

d’argent. Il faut savoir que ce sont aujourd’hui 1,9<br />

million de fonctionnaires territoriaux et que, depuis<br />

quelques années, l’augmentation est en moyenne,<br />

chaque année, de 1,6 % pour répondre à des besoins<br />

et être uti<strong>le</strong> aux populations. Une seu<strong>le</strong> stabilisation<br />

permettrait de rapporter 7 Mds€ sur dix ans, mais ce<br />

n’est pas gagné d’avance parce que <strong>le</strong>s besoins de la<br />

population augmentent.<br />

Ayons l’honnêteté de reconnaître que si <strong>le</strong>s budgets ont<br />

augmenté dans <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s, si <strong>le</strong>s<br />

personnels sont aujourd’hui nombreux dans certaines<br />

intercommunalités, c’est aussi parce que <strong>le</strong>s besoins de<br />

nos concitoyens ont changé et qu’ils ont eux-mêmes<br />

augmenté.<br />

Ayons aussi l’honnêteté de reconnaître – et je ne suis<br />

pas là pour défendre <strong>le</strong>s présidents d’intercommunalité<br />

– que voilà vingt ans, la petite enfance et la protection<br />

de l’environnement, tout ce qui tourne autour du tri et<br />

du recyclage des déchets n’étaient pas pris en compte<br />

par <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s. Nous avons assisté à une<br />

72


explosion des dépenses dans ces domaines parce que<br />

nos concitoyens <strong>le</strong> souhaitent : ils veu<strong>le</strong>nt à juste titre<br />

plus de crèches, de haltes-garderies et ils veu<strong>le</strong>nt que<br />

l’on s’occupe davantage des déchets ménagers. Ce<br />

sont des compétences que n’exerçaient pas beaucoup<br />

<strong>le</strong>s communes et qu’exercent <strong>le</strong>s intercommunalités, ce<br />

qui explique cette augmentation de la sphère<br />

communa<strong>le</strong>/intercommuna<strong>le</strong> aussi en termes<br />

financiers.<br />

Sur <strong>le</strong>s interpellations amica<strong>le</strong>s…»<br />

«Si <strong>le</strong>s budgets ont<br />

augmenté dans <strong>le</strong>s<br />

col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s, si <strong>le</strong>s<br />

personnels sont<br />

aujourd’hui nombreux<br />

dans certaines<br />

intercommunalités, c’est<br />

aussi parce que <strong>le</strong>s besoins<br />

de nos concitoyens ont<br />

changé»<br />

«<br />

«<br />

Quid de la réponse à la question<br />

»<br />

concernant nos personnels ?<br />

Président du Conseil général<br />

de l’Ariège<br />

Nous <strong>le</strong>ur disons calmement – comme tu sais si bien <strong>le</strong><br />

faire, Augustin ! (Sourires) – de ne pas s’inquiéter. Les<br />

transferts se feront dans <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>ures conditions socia<strong>le</strong>s,<br />

ainsi que dans <strong>le</strong> plus <strong>grand</strong> respect de <strong>le</strong>urs acquis sociaux<br />

»<br />

et dans <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>ures conditions financières.<br />

« »<br />

Afin de réaliser des économies !<br />

« »<br />

Non, ce n’est pas là réaliser des économies…<br />

«<br />

C’est pourtant une possibilité<br />

»<br />

d’économies<br />

évoquée par Michel Sapin !<br />

Non, ce n’est pas ce qu’a dit Michel Sapin et je ne sais<br />

d’ail<strong>le</strong>urs pas de quel<strong>le</strong> déclaration vous par<strong>le</strong>z. En tout<br />

cas, moi je dis que <strong>le</strong>s transferts de personnels se<br />

feront dans <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>ures conditions socia<strong>le</strong>s et<br />

financières possib<strong>le</strong>s.<br />

«<br />

»<br />

«<br />

Irène Felix, je suis comme toi très attaché à la<br />

démocratie. Nous nous connaissons bien depuis<br />

longtemps parce que nous avons siégé dans <strong>le</strong>s mêmes<br />

instances politiques et démocratiques.<br />

«Les compétences socia<strong>le</strong>s<br />

sont <strong>le</strong>s plus diffici<strong>le</strong>s à<br />

transférer»<br />

Avant de terminer sur ce point de l’attachement à la<br />

démocratie, je voudrais revenir sur <strong>le</strong>s compétences<br />

socia<strong>le</strong>s qui sont <strong>le</strong>s compétences <strong>le</strong>s plus diffici<strong>le</strong>s à<br />

transférer. Quand je vous dis aujourd’hui que je suis<br />

preneur de vos suggestions, et que <strong>le</strong> Gouvernement<br />

veut savoir comment faire en écoutant <strong>le</strong>s élus, sachez<br />

que nous sommes vraiment à l’écoute de vos<br />

propositions.<br />

La PCH et l’APA sont des prestations que l’on<br />

accompagne, avec des parcours, en fonction de GIR,<br />

etc. On peut l’envisager sur de <strong>grand</strong>es communautés<br />

de communes ou d’agglomération. Sur <strong>le</strong>s petites<br />

communautés de communes, ce sera plus compliqué,<br />

73


74<br />

sauf peut-être si el<strong>le</strong>s se rassemb<strong>le</strong>nt à plusieurs.<br />

Quant au RSA, ce n’est pas moi qui ai proposé de <strong>le</strong><br />

transférer aux CAF. Je lis cette proposition, comme<br />

vous la lisez aujourd’hui. El<strong>le</strong> existe. Il peut y en avoir<br />

d’autres.<br />

«Sachez que nous sommes<br />

vraiment à l’écoute de vos<br />

propositions»<br />

En revanche, il est un sujet que nous n’avons pas<br />

évoqué, mais dont je tiens à par<strong>le</strong>r parce qu’il<br />

m’intéresse vivement, et pour cause ! Je pense que <strong>le</strong>s<br />

SDIS doivent être renationalisés. (Murmures dans<br />

l’assistance) Je connais un proverbe en France : « Qui<br />

paye commande ! ». Or, pour <strong>le</strong> SDIS, <strong>le</strong> Conseil<br />

général ne sert qu’à payer et n’est responsab<strong>le</strong><br />

d’aucune décision. C’est <strong>le</strong> Préfet qui commande. La<br />

question des SDIS me paraît assez simp<strong>le</strong> à rég<strong>le</strong>r.<br />

S’agissant des compétences socia<strong>le</strong>s, notamment<br />

cel<strong>le</strong>s de l’enfance en danger et de l’enfance<br />

maltraitée, c’est très compliqué. Je vois mal une<br />

communauté de communes, a fortiori si el<strong>le</strong> ne compte<br />

que 20 000 ou 30 000 habitants, s’occuper de cette<br />

compétence énorme, très lourde financièrement mais<br />

aussi humainement, et qui demande beaucoup de<br />

professionnalisme. Souvenez-vous déjà des débats<br />

compliqués qui ont eu lieu lorsque l’Etat, en<br />

l’occurrence la DDASS à l’époque, a transféré l’ASE<br />

aux Conseils généraux. D’ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong>s personnels<br />

l’avaient alors mal vécu, pensant que l’Etat était<br />

garant d’une égalité de traitement et de plus de<br />

professionnalisme. J’estime que <strong>le</strong>s Conseils généraux<br />

n’ont pas démérité. Aujourd’hui, chaque département<br />

fait <strong>le</strong> maximum pour ces enfants maltraités et ces<br />

enfants en danger. C’est une compétence qu’il est<br />

diffici<strong>le</strong> de transférer, et là encore, je ne suis preneur<br />

de vos propositions.<br />

Concernant <strong>le</strong>s élus, Irène, moi je n’ai jamais fait de<br />

démagogie « anti-élus ». Je prends soin au contraire,<br />

chaque fois que la question m’est posée, de dire que<br />

<strong>le</strong>s élus sont uti<strong>le</strong>s évidemment et irremplaçab<strong>le</strong>s,<br />

notamment en milieu rural. Soyons honnêtes, je me<br />

pose parfois la question de savoir s’il n’y a pas, dans<br />

certaines communes, un effectif municipal trop<br />

nombreux par rapport aux candidatures que l’on<br />

n’arrive pas à susciter. Ce n’est pas <strong>le</strong> cas partout. Je<br />

connais des villages où il y a trois listes et des villages<br />

où l’on ne trouve personne pour être candidat.<br />

Je me dis qu’au fond, avec ces 500 000 élus<br />

municipaux – c’est ainsi, en tout cas, que je <strong>le</strong> vois en<br />

Isère –, nous avons là des bénévo<strong>le</strong>s et que si nous<br />

devions <strong>le</strong>s remplacer par des fonctionnaires, ce serait<br />

prohibitif pour <strong>le</strong>s finances publiques.<br />

Dans <strong>le</strong>s <strong>campagne</strong>s et <strong>le</strong>s montagnes, c’est<br />

irremplaçab<strong>le</strong> ! Par conséquent, non, il n’y a pas trop<br />

d’élus, surtout que ceux-là sont bénévo<strong>le</strong>s. Quant aux<br />

Conseil<strong>le</strong>rs généraux et régionaux, je l’ai encore dit<br />

cette semaine sur une chaîne de télévision, <strong>le</strong> coût ne<br />

représente vraiment qu’une somme infinitésima<strong>le</strong> :<br />

c’est 0,1 %. Beaucoup de démagogie est alimentée<br />

par une certaine presse sur <strong>le</strong>s élus, <strong>le</strong>urs indemnités et<br />

<strong>le</strong>urs avantages. Je suis <strong>le</strong> premier à m’en insurger et à<br />

m’inscrire en faux contre ce populisme anti-élus.<br />

Enfin, sur la péréquation et la solidarité entre <strong>le</strong>s<br />

col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s, nous tenons en ce moment,<br />

Marylise Lebranchu, Christian Eckert et moi-même, une<br />

réunion par semaine pour mettre au point une réforme<br />

fisca<strong>le</strong> loca<strong>le</strong>, pour rendre la péréquation plus efficace,<br />

pour faire jouer davantage la péréquation vertica<strong>le</strong> et<br />

horizonta<strong>le</strong> et pour rendre la fiscalité plus<br />

»<br />

juste entre<br />

<strong>le</strong>s contribuab<strong>le</strong>s et entre <strong>le</strong>s territoires.<br />

«Il n’y a pas trop d’élus. Le<br />

coût c’est 0,1 %. Beaucoup<br />

de démagogie est<br />

alimentée par une certaine<br />

presse sur <strong>le</strong>s élus»<br />

«<br />

Le Sénateur Gaëtan Gorce fait <strong>le</strong> forcing, comme<br />

d’habitude, pour intervenir ! C’est vraiment l’ultime<br />

question que nous prenons.<br />

Sénateur<br />

de la Nièvre<br />

Jean-Yves VIF<br />

Mon intervention sera très brève.<br />

J’ai beaucoup entendu par<strong>le</strong>r à juste titre des<br />

problèmes institutionnels, de la mécanique juridique et<br />

administrative, ce qui revêt évidemment une <strong>grand</strong>e<br />

importance. Mais si une réforme se fait, sa seu<strong>le</strong><br />

justification, me semb<strong>le</strong>-t-il, est de répondre aux enjeux<br />

auxquels <strong>le</strong> pays est confronté et qui, sur <strong>le</strong> territoire,<br />

sont d’abord, nous <strong>le</strong> savons bien, économiques et<br />

sociaux.<br />

Nous assistons à l’affaissement des économies dans<br />

nombre de nos territoires, et d’abord dans <strong>le</strong>s<br />

territoires ruraux. C’est à cela qu’il faut répondre pour<br />

ce qui nous concerne.<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE


L’Etat serait-il prêt, dans <strong>le</strong> cadre de la réforme qu’il<br />

met en place, à encourager <strong>le</strong>s formes<br />

d’expérimentations à travers <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s il serait dit à<br />

ces territoires : « Trouvez l’organisation qui vous paraît<br />

la plus adéquate pour répondre aux défis auxquels<br />

vous avez à répondre, c’est-à-dire <strong>le</strong>s défis<br />

«L’Etat serait-il<br />

prêt à encourager <strong>le</strong>s formes<br />

d’expérimentations ?»<br />

d’administration et de développement. En contrepartie<br />

de quoi, l’Etat consacrera des moyens<br />

supplémentaires. Déjà, il fera un moratoire de la baisse<br />

des dotations et il soutiendra <strong>le</strong>s projets prioritaires<br />

contribuant à l’avenir de ces départements ». Si vous<br />

nous teniez ce propos, cela pourrait peut-être valoir la<br />

peine pour nous de travail<strong>le</strong>r dans un autre état<br />

d’esprit, moins pour regretter ce que nous pourrions<br />

faire que pour imaginer ce que nous pourrions<br />

construire si l’Etat nous en donnait naturel<strong>le</strong>ment<br />

l’initiative et la liberté. (Applaudissements)<br />

C’était bref, n’est-ce pas ?»<br />

Oui, parfait et merci, Gaëtan<br />

Gorce !<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

«<br />

Ma réponse sera très brève aussi !<br />

Oui, bien sûr, ce projet, et tu as raison Gaëtan, s’inscrit<br />

dans une volonté réformatrice du pays. Il s’agit, non<br />

pas de réformer pour réformer. Il s’agit aussi d’alléger<br />

la fiscalité qui pèse sur nos concitoyens et donc de faire<br />

des économies budgétaires, mais d’abord de rendre la<br />

France plus forte, plus attractive, avec de <strong>grand</strong>es<br />

championnes d’Europe : <strong>le</strong>s régions. L’essentiel de la<br />

réforme, cel<strong>le</strong> présentée avec cette fameuse carte, vise<br />

à rendre <strong>le</strong>s régions plus fortes et mieux armées dans<br />

la compétition économique.<br />

Quant à ta proposition d’expérimentations, oui, <strong>le</strong><br />

Gouvernement est prêt à encourager <strong>le</strong>s<br />

expérimentations et <strong>le</strong>s initiatives loca<strong>le</strong>s !<br />

Michel Mercier, Président du département du Rhône, a<br />

fait avec Gérard Collomb, vous <strong>le</strong> savez, cette<br />

métropo<strong>le</strong> qui va absorber <strong>le</strong>s compétences du Conseil<br />

général. Il souhaite lancer une expérimentation dans <strong>le</strong><br />

département « résiduel » du Rhône, si j’ose dire,<br />

s’agissant de ce qui n’est pas compris dans la<br />

métropo<strong>le</strong> lyonnaise, où il reste 400 000 habitants.<br />

Michel Mercier a des idées qui s’apparentent un peu,<br />

Augustin, à ce que nous proposons tous <strong>le</strong>s deux : un<br />

Conseil départemental des communautés.<br />

Nous l’encourageons dans cette direction, de la même<br />

façon qu’en Alsace, certains repar<strong>le</strong>nt de fusionner la<br />

région et <strong>le</strong>s départements. Mais maintenant que l’on<br />

va marier l’Alsace et la Lorraine, <strong>le</strong>s choses vont<br />

peut-être prendre un peu plus de temps, encore que<br />

l’on m’a dit que <strong>le</strong> Président de la Lorraine était ouvert<br />

lui aussi à cette idée. Les Bretons ont des idées<br />

concernant la région et <strong>le</strong>s départements et, sur <strong>le</strong><br />

terrain, plus loca<strong>le</strong>ment, sur <strong>le</strong>s communautés de<br />

communes et <strong>le</strong>s Pays.<br />

Des expérimentations sont à lancer. Vous êtes inventifs<br />

dans la Nièvre. L’Etat sera là pour vous aider, non pas<br />

par plus de subventions, mais par moins de<br />

diminutions de l’aide de l’Etat. (Exclamations) Je suis<br />

honnête avec vous, il n’y aura pas de bonus ! Ce n’est<br />

pas possib<strong>le</strong> car c’est devenu hors de portée.<br />

Merci, en tout cas, de m’avoir<br />

»<br />

écouté et de m’avoir accueilli !<br />

(Applaudissements)<br />

«Le Gouvernement est prêt à<br />

encourager <strong>le</strong>s<br />

expérimentations et <strong>le</strong>s<br />

initiatives loca<strong>le</strong>s ! Non pas par<br />

plus de subventions, mais par<br />

moins de diminutions de l’aide<br />

de l’Etat»<br />

Merci, monsieur <strong>le</strong> Secrétaire d’Etat, d’avoir joué<br />

<strong>le</strong> jeu des questions-réponses !<br />

Patrice Joly, il ne faut pas qu’André Vallini reparte<br />

ainsi, sans être destinataire et porteur d’un<br />

message, n’est-ce pas ?<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

75


Président du Conseil<br />

général de la Nièvre<br />

«J’invite <strong>le</strong>s Présidents de Conseils généraux à me<br />

rejoindre à la tribune pour que nous puissions<br />

ensemb<strong>le</strong> remettre au Secrétaire d’Etat une déclaration<br />

que nous avons co-rédigée.<br />

Pendant qu’ils me rejoignent, je tiens à porter à la<br />

connaissance de l’ensemb<strong>le</strong> de l’assemblée cette<br />

déclaration pour une reconnaissance des territoires<br />

ruraux et du rô<strong>le</strong> des départements.<br />

»<br />

(Entouré de ses pairs d’autres départements, Patrice<br />

Joly, Président du Conseil général de la Nièvre, donne<br />

<strong>le</strong>cture dudit texte qui sera remis à M. André Vallini,<br />

Secrétaire d’Etat à la Réforme territoria<strong>le</strong>)<br />

76


« Conscients du besoin de réponse concret à apporter<br />

aux habitants, aux entreprises, aux territoires ruraux,<br />

durement touchés par la crise et souffrant aujourd'hui<br />

d’un sentiment de relégation ;<br />

« Conscients de l’enjeu national prioritaire de<br />

contribuer à la relance de l’emploi et au maintien du<br />

tissu productif dans <strong>le</strong>s espaces ruraux ;<br />

« Considérant que <strong>le</strong>s espaces ruraux rassemb<strong>le</strong>nt des<br />

ressources et des forces représentant un potentiel de<br />

développement pour <strong>le</strong> renouveau de la France ;<br />

« Inquiets face à un projet de réforme territoria<strong>le</strong><br />

portant <strong>le</strong> risque de priver <strong>le</strong>s territoires ruraux de <strong>le</strong>ur<br />

représentation politique affaiblissant notre République ;<br />

« Considérant la nécessité de politiques publiques de<br />

proximité contribuant au développement des territoires,<br />

à l’égalité entre citoyens et au renforcement des<br />

solidarités territoria<strong>le</strong>s et socia<strong>le</strong>s ;<br />

« Affirmant que <strong>le</strong>s Départements jouent un rô<strong>le</strong> décisif<br />

dans <strong>le</strong> développement économique, la cohésion des<br />

territoires et agissent comme fédérateurs des<br />

institutions loca<strong>le</strong>s ;<br />

« Nous, Présidents de Conseils généraux,<br />

« Demandons au Président de la République de faire<br />

connaître son projet en matière d’aménagement du<br />

territoire national et la place donnée aux territoires<br />

ruraux dans cet ensemb<strong>le</strong> ;<br />

« Nous, Présidents de Conseils généraux,<br />

« Demandons un diagnostic précis de la situation des<br />

Départements afin, s’il y a lieu, d’adapter et<br />

d’améliorer nos organisations pour ne pas créer, à<br />

travers cette réforme à la hussarde, des territoires de<br />

gestion technocratique et des lieux de relégation des<br />

populations ;<br />

« Nous, Présidents de Conseils généraux,<br />

« Encourageons <strong>le</strong>s Départements à se saisir de cette<br />

question en engageant des audits d’évaluation de<br />

l’efficacité de <strong>le</strong>urs politiques de proximité sur <strong>le</strong>ur<br />

territoire ;<br />

« Nous, Présidents de Conseils généraux,<br />

« Appelons l’ensemb<strong>le</strong> des Conseils généraux et des<br />

forces vives des territoires ruraux à se mobiliser, à<br />

participer aux débats, à agir pour revitaliser <strong>le</strong>s<br />

territoires et ne pas céder à la pensée unique qui vise à<br />

<strong>le</strong>s priver de <strong>le</strong>ur vitalité ;<br />

« Nous, Présidents de Conseils généraux,<br />

« Refusons la dis<strong>pari</strong>tion des Départements sous couvert<br />

d’économies substantiel<strong>le</strong>s à réaliser mais non<br />

démontrées, ayant pour conséquence une régression du<br />

service public ;<br />

« Nous, Présidents de Conseils généraux,<br />

« Exigeons un débat national consacré à cette réforme et<br />

rappelons <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> majeur et indispensab<strong>le</strong> que jouent <strong>le</strong>s<br />

Départements, notamment ruraux, en termes de cohésion<br />

socia<strong>le</strong> et d’équilibre du territoire ;<br />

« Nous, Présidents de Conseils généraux,<br />

« Exprimons avec force : "Non à la dévitalisation des<br />

départements, oui à la revitalisation de nos territoires". »<br />

(Vifs applaudissements)<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

Il s’agissait de « l’appel de Nevers », monsieur <strong>le</strong> Secrétaire d’Etat. Merci d’en<br />

avoir pris bonne note et merci pour ce moment de démocratie intéressant !<br />

Mesdames, messieurs, ce fut une semaine chargée, avec l’annonce d’une réforme<br />

que nombre d’entre vous critiquent, contestent ou dénoncent. El<strong>le</strong> a été présentée<br />

par un ministre de la République, devant une assistance qui, sans concession, a<br />

continué à formu<strong>le</strong>r ses critiques, mais respecté <strong>le</strong> débat. Merci, mesdames,<br />

messieurs, pour votre courtoisie et votre esprit démocratique !<br />

(M. André Vallini, Secrétaire d’Etat à la Réforme territoria<strong>le</strong>,<br />

quitte ces Etats Généraux)<br />

77


78<br />

J’appel<strong>le</strong> à nous rejoindre Dominique Vol<strong>le</strong>t,<br />

économiste, qui sera l’animateur de notre tab<strong>le</strong><br />

ronde « Avenir économique et social des<br />

<strong>campagne</strong>s : quel<strong>le</strong> valorisation opérationnel<strong>le</strong> de<br />

<strong>le</strong>urs atouts ? »<br />

M. Dominique VOLLET<br />

Economiste, directeur de l’Unité de<br />

Recherche à l’IRSTEA<br />

de C<strong>le</strong>rmont-Ferrand, animateur<br />

de la Tab<strong>le</strong> Ronde<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

«Un terme est révélateur de l’état d’esprit de<br />

l’ensemb<strong>le</strong> de la journée, celui d’atouts. Nous ne<br />

sommes pas du tout dans une vision misérabiliste de<br />

l’espace rural. Les intervenants de la matinée y ont<br />

largement insisté, parlant de renouveau des<br />

<strong>campagne</strong>s pour Gérard Dumont et de territoires<br />

porteurs de récits pour Denis Muzet. Cette dimension<br />

de la valorisation des atouts de l’espace rural est donc<br />

vraiment la marque de fabrique de toute cette journée<br />

et de notre tab<strong>le</strong> ronde, en particulier.<br />

«Nous ne sommes pas du tout<br />

dans une vision misérabiliste<br />

de l’espace rural»<br />

« Avenir économique et social des <strong>campagne</strong>s : quel<strong>le</strong>s<br />

valorisation opérationnel<strong>le</strong> de <strong>le</strong>urs atouts ? ». Deux<br />

termes constituent véritab<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s objectifs que nous<br />

ont assignés <strong>le</strong>s organisateurs à la tab<strong>le</strong> ronde. Le<br />

premier est l’avenir en dressant des perspectives, bien<br />

au-delà d’un certain nombre d’éléments déjà évoqués<br />

précédemment. Et <strong>le</strong> second est la question de la<br />

valorisation opérationnel<strong>le</strong> en proposant des outils à<br />

destination des acteurs publics et privés présents dans<br />

la sal<strong>le</strong>.<br />

«Cette dimension de la<br />

valorisation des atouts est donc<br />

vraiment la marque de fabrique<br />

de toute cette journée»<br />

Première question : dans quel<strong>le</strong> mesure<br />

l’environnement naturel n’est plus une contrainte à<br />

intégrer mais, au contraire, un véritab<strong>le</strong> vecteur de<br />

développement des territoires ?<br />

Hervé Guyomard, l’INRA, Institut national de la<br />

Recherche agronomique, travail<strong>le</strong> déjà depuis de<br />

nombreuses années sur la valorisation des ressources<br />

»<br />

environnementa<strong>le</strong>s.


M. Hervé<br />

GUYOMARD<br />

Directeur scientifique<br />

« Agriculture » de l’INRA<br />

«L’’INRA travail<strong>le</strong> sur l’agriculture, l’alimentation et<br />

l’environnement et, évidemment, sur l’interface entre<br />

agriculture, alimentation et environnement.<br />

La question de la valorisation de l’environnement<br />

revient à dire qu’il faut, dans <strong>le</strong> monde de la recherche<br />

et ses applications, partir d’une conception corrigée des<br />

effets environnementaux négatifs, en particulier ceux<br />

de l’agriculture et de l’agroalimentaire pour ce qui nous<br />

concerne, et ce dans une vision tendant à valoriser <strong>le</strong>s<br />

atouts environnementaux. En ce qui concerne<br />

l’agriculture, pour prendre un exemp<strong>le</strong> concret, c’est<br />

aujourd’hui ce que l’on appel<strong>le</strong> l’agroécologie,<br />

s’agissant de concilier ce qui relève de l’agriculture, de<br />

l’agronomie, de l’é<strong>le</strong>vage ou de l’agrotechnique et des<br />

principes écologiques, de tel<strong>le</strong> façon que vous arriviez<br />

à la fois à tirer un revenu agrico<strong>le</strong> et une production,<br />

tout en respectant l’environnement.<br />

Premier point qu’il faut chercher à viser : ne plus<br />

considérer l’environnement uniquement comme une<br />

contrainte, ce qu’il peut être encore, mais surtout<br />

comme un atout que l’on cherche à valoriser.<br />

Deuxième point par rapport à la question de façon<br />

généra<strong>le</strong> : comment valoriser l’environnement, au sens<br />

large ?<br />

Ce sont, non pas mil<strong>le</strong> manières, mais deux : la<br />

valorisation par des marchés et la valorisation par la<br />

mise en place d’une certaine rég<strong>le</strong>mentation, quel<strong>le</strong><br />

qu’el<strong>le</strong> soit.<br />

Ce sont deux types de marché par rapport à la<br />

valorisation des ressources environnementa<strong>le</strong>s.<br />

D’une part, c’est la valorisation par des marchés de<br />

produits. Cela renvoie à ce que <strong>le</strong>s consommateurs,<br />

quels qu’ils soient, y compris <strong>le</strong>s consommateurs dans<br />

<strong>le</strong>s territoires ruraux, sont prêts à payer pour des<br />

produits qui respectent mieux l’environnement. C’est<br />

très variab<strong>le</strong> selon <strong>le</strong>s territoires.<br />

D’autre part, et là nous sommes encore un peu<br />

hésitants, c’est la création de marchés<br />

environnementaux. Ce n’est pas parce que <strong>le</strong> marché<br />

du carbone n’est pas aujourd’hui dans une forme<br />

olympique, si je puis dire, qu’il ne faut pas al<strong>le</strong>r vers la<br />

création de marchés environnementaux pour <strong>le</strong><br />

carbone, l’eau, la biodiversité. Parce que <strong>le</strong>s ressources<br />

budgétaires seront insuffisantes, il faut trouver des<br />

marchés, voire suppléer par des aides qui peuvent être<br />

attribuées par <strong>le</strong> contribuab<strong>le</strong>, ce qui suppose des<br />

transferts. Ce point rejoint celui de transfert de fiscalité<br />

évoqué précédemment.<br />

«Ne plus considérer<br />

l’environnement uniquement<br />

comme une contrainte mais<br />

surtout comme un atout que<br />

l’on cherche à valoriser»<br />

Ce dont donc deux optiques : la première, une aide<br />

pour instal<strong>le</strong>r des entreprises, des industries, des<br />

activités qui valorisent l’environnement et qui ne<br />

« trouvent » par <strong>le</strong>ur marché ; la seconde, une<br />

meil<strong>le</strong>ure intégration des problèmes environnementaux<br />

dans la comptabilité de tous, des activités privées<br />

comme des activités publiques, donnant ainsi une<br />

légitimité à l’obtention<br />

»<br />

de ces aides au titre de<br />

l’environnement.<br />

79


80<br />

M. Pierre<br />

MARTIN<br />

Président de la Chambre de Métiers<br />

et de l’Artisanat de Bourgogne<br />

Nous parlions de valorisation par<br />

<strong>le</strong> marché des atouts<br />

environnementaux. Auriez-vous,<br />

Pierre Martin, quelques éléments<br />

concernant <strong>le</strong> tourisme ?<br />

Dominique VOLLET<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

TABLE RONDE<br />

«Bien évidemment, nous avons une richesse formidab<strong>le</strong>.<br />

Un Conseil avec <strong>le</strong>quel je travaillais avait l’habitude de<br />

dire : « Un si beau pays ne restera pas vide ! »<br />

Nous avons ces potentialités, mais il nous faut une<br />

politique beaucoup plus volontariste. Nos territoires, en<br />

particulier en Bourgogne, sont très fréquentés, mais<br />

avec un passage court. Nous n’avons pas suffisamment<br />

de résidents qui restent très longtemps, sauf pour ce<br />

qui est des résidences secondaires et j’y reviendrai.<br />

Mais il nous faut être très attentifs à cette industrie du<br />

tourisme en préservant la qualité à la fois de l’accueil<br />

et de notre environnement, sans nous orienter<br />

«Nous avons ces<br />

potentialités, mais il nous<br />

faut une politique beaucoup<br />

plus volontariste»<br />

justement vers ce mode industriel. L’industrie du<br />

tourisme est une activité économique en tant que tel<strong>le</strong>.<br />

N’oublions jamais que nous avons, autour de nous et<br />

même plus loin, nombre de pays d’Europe ou d’Asie<br />

qui ont cette appétence pour découvrir <strong>le</strong> nôtre. Je vous<br />

cite un chiffre : 80 millions de Chinois sont en capacité<br />

de voyager. En 2050, ils seront 400 millions ! Bien<br />

entendu, ils ne viendront pas tous chez nous, mais<br />

nous avons, encore une fois, un potentiel extrêmement<br />

important et, avec nos paysages,<br />

»<br />

l’agroalimentaire et<br />

<strong>le</strong> vin, la Bourgogne est riche.<br />

Jean-Pierre Aubert, selon vous, par quoi<br />

passe la valorisation des atouts<br />

touristiques ?<br />

M. Jean-Pierre<br />

AUBERT<br />

Président de la mission<br />

« Anticipation et accompagnement<br />

des mutations économiques »<br />

auprès du Premier ministre,<br />

Président de SNCF Développement et<br />

Secrétaire général de la<br />

Chaire « Mutations – Anticipations –<br />

Innovations »<br />

Dominique VOLLET<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

TABLE RONDE<br />

«Pour ma part, je puis dire simp<strong>le</strong>ment que, au total, il<br />

serait bien que l’on commence à faire connaître ce qui<br />

se passe dans ces territoires. Ayant l’habitude de<br />

« tourner » partout en France depuis des années, je<br />

considère que l’on sous estime <strong>le</strong>s initiatives et <strong>le</strong>s<br />

capacités déjà existantes dans ces territoires.<br />

On sous-estime que ces territoires sont aussi porteurs<br />

d’un développement industriel. Vous avez raison<br />

d’évoquer <strong>le</strong> tourisme et il ne s’agit pas du tout de <strong>le</strong><br />

dénigrer. Toutefois, l’industrie continue à exister et à<br />

représenter dans ces territoires un élément important.<br />

Car il convient d’appréhender tous <strong>le</strong>s atouts de ces<br />

territoires et, en particulier, <strong>le</strong>s qualités des différents<br />

acteurs qui ont déjà cette ingéniosité et cette capacité<br />

à faire indéniab<strong>le</strong>s.<br />

«Je considère que l’on sous<br />

estime <strong>le</strong>s initiatives et <strong>le</strong>s<br />

capacités déjà existantes dans<br />

ces territoires»<br />

Ce point est d’autant plus important que nous sommes<br />

dans une période de mutations généra<strong>le</strong>s qui touchent<br />

tout <strong>le</strong> monde et pas seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s territoires ruraux.<br />

Les métropo<strong>le</strong>s peuvent aussi être confrontées à des<br />

évolutions. Par exemp<strong>le</strong>, une métropo<strong>le</strong> comme Détroit<br />

aux Etats-Unis a quasiment été mise à bas parce que<br />

l’automobi<strong>le</strong> a évolué.


Dès lors, une question se pose pour <strong>le</strong>s différentes<br />

activités : dans ces moments où toutes <strong>le</strong>s cartes sont<br />

rebattues, <strong>le</strong>s territoires ruraux ont-ils du fait de<br />

l’ingéniosité préexistante une capacité à rebondir et à<br />

utiliser au mieux <strong>le</strong>urs capacités, certes, naturel<strong>le</strong>s,<br />

mais aussi humaines ? Cette<br />

»<br />

question me paraît<br />

extrêmement importante.<br />

M. Asko PELTOLA<br />

Président du Conseil régional<br />

d’Ostrobothnie du Sud (Finlande)<br />

«Mesdames, messieurs, je m’excuse, ne parlant pas<br />

français, de m’exprimer en anglais, mais mon<br />

interprète va rendre compte de mes propos.<br />

(Interprète)<br />

Je viens d’un « pays » rural en Finlande où je réside<br />

depuis toujours. Comme dans <strong>le</strong>s zones rura<strong>le</strong>s<br />

européennes, nous assistons à une demande croissante<br />

pour une vie plus proche de la nature et, nul doute,<br />

que <strong>le</strong> phénomène s’accentuera dans <strong>le</strong>s années<br />

futures.<br />

L’un des éléments clés pour <strong>le</strong> développement des<br />

territoires ruraux réside dans une bonne connexion très<br />

haut débit, en particulier fibre optique. Il nous faudra<br />

ensemb<strong>le</strong> avec <strong>le</strong>s autres régions européennes, dont la<br />

Nièvre, créer <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>ures solutions pour une bonne<br />

Dominique VOLLET<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

TABLE RONDE<br />

Permettez-moi, mesdames, messieurs, une mention<br />

particulière pour notre invité, Asko Peltola, qui nous<br />

arrive de Finlande, étant Président du Conseil régional<br />

d’Ostrobothnie du Sud, une région finlandaise du<br />

centre ouest de la Finlande qui se caractérise par une<br />

densité de population de l’ordre de 15 habitants au<br />

kilomètre carré, avec 200 000 habitants. Pouvez-vous,<br />

monsieur Peltola, nous donner quelques exemp<strong>le</strong>s<br />

« venus du froid », et ce pour valoriser <strong>le</strong>s atouts<br />

environnementaux de nos espaces ruraux ?<br />

«L’un des éléments clés pour <strong>le</strong><br />

développement des territoires<br />

ruraux réside dans une bonne<br />

connexion très haut débit»<br />

connexion à très haut débit, en particulier pour inciter<br />

<strong>le</strong>s jeunes à vivre en <strong>campagne</strong>.<br />

Il convient de mobiliser <strong>le</strong>s habitants des villages à<br />

coopérer ensemb<strong>le</strong> pour être créatifs, y compris pour<br />

trouver eux-mêmes des solutions, sachant que ne<br />

prévaut pas une solution unique en Europe pour <strong>le</strong>s<br />

zones rura<strong>le</strong>s.<br />

Il est absolument essentiel de créer de la solidarité<br />

entre <strong>le</strong>s zones rura<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s zones métropolitaines,<br />

mais aussi entre <strong>le</strong>s différents pays et régions rura<strong>le</strong>s<br />

en Europe. De même, il est vrai que certaines<br />

réticences sont parfois observées dans <strong>le</strong>s zones rura<strong>le</strong>s<br />

pour accepter <strong>le</strong>s nouveaux arrivants. Il est néanmoins<br />

essentiel de se concentrer sur une vraie politique<br />

»<br />

d’accueil de nouvel<strong>le</strong>s populations.<br />

(Applaudissements)<br />

81


82<br />

Dominique VOLLET<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

TABLE RONDE<br />

Nous abordons maintenant notre deuxième<br />

question, s’agissant de l’avantage<br />

concurrentiel pour l’industrie. Jean-Pierre<br />

Aubert, en tant que Président de la mission<br />

« Anticipation et accompagnement des<br />

mutations économiques » auprès du Premier<br />

ministre, pouvez-vous en dire plus sur <strong>le</strong>s<br />

facteurs c<strong>le</strong>fs des processus de localisation ou<br />

de relocalisation des activités ?<br />

M. Jean-Pierre<br />

AUBERT<br />

Président de la mission<br />

« Anticipation et accompagnement<br />

des mutations économiques »<br />

auprès du Premier ministre,<br />

Président de SNCF Développement et<br />

Secrétaire général de la<br />

Chaire « Mutations – Anticipations –<br />

Innovations »<br />

«Il ne faut surtout pas perdre de vue cette stratégie de<br />

rebondissement de ces PME industriel<strong>le</strong>s qui restent<br />

des vecteurs très importants du tissu rural. Pour ma<br />

part, je porte une très <strong>grand</strong>e attention à ces capacités<br />

de rebondissement qui passent par des coopérations à<br />

monter notamment entre <strong>grand</strong>es et petites<br />

entreprises. Comme vous <strong>le</strong> savez, j’ai toujours prôné<br />

<strong>le</strong>s avantages des clusters, c’est-à-dire <strong>le</strong>s regroupements<br />

d’entreprises qui me semb<strong>le</strong>nt indispensab<strong>le</strong>s, y<br />

compris éventuel<strong>le</strong>ment en <strong>le</strong>s liant à des centres<br />

techniques existants. Il sera intéressant de considérer<br />

l’apport d’un pô<strong>le</strong> de compétitivité sous cet ang<strong>le</strong>.<br />

Ne sous-estimons pas toutefois l’accompagnement de<br />

stratégies de rebondissement de PME. Notons en<br />

particulier <strong>le</strong> problème de la succession du chef<br />

d’entreprise, avec <strong>le</strong> coup de fouet que peut donner<br />

une bonne succession. Cette problématique est très<br />

importante pour <strong>le</strong> tissu économique et pour l’industrie.<br />

Une politique appropriée doit être de mise entre <strong>le</strong>s<br />

<strong>grand</strong>s groupes et des entreprises, souvent des<br />

sous-traitants partiels ou des équipementiers sur des<br />

niches particulières, pour permettre aux premiers de<br />

soutenir ces stratégies de rebondissement ou de<br />

consolidation par rapprochement entre entreprises. Il<br />

est vrai que j’ai une inquiétude sous cet ang<strong>le</strong> : nous<br />

ne sommes pas un pays qui a l’habitude de favoriser<br />

ces coopérations en tant que tel<strong>le</strong>s. Je <strong>le</strong> dis et j’espère<br />

que <strong>le</strong> représentant de l’entreprise Le<strong>grand</strong> pourra me<br />

démentir. En tout cas, c’est à mon sens une donnée<br />

capita<strong>le</strong>, s’agissant de faire évoluer un tissu<br />

économique dans son ensemb<strong>le</strong> et pas seu<strong>le</strong>ment de<br />

façon séparée.<br />

«La <strong>grand</strong>e entreprise peut apporter<br />

des éléments positifs que si toutes<br />

<strong>le</strong>s PME, existantes ou à venir,<br />

viennent s’agglutiner autour d’un<br />

tel projet»<br />

Un exemp<strong>le</strong> me permettra de terminer mon propos sur<br />

ce point. Dans un territoire plutôt à dominante rura<strong>le</strong>,<br />

celui de Culmont-Chalindrey en Haute-Marne, nous<br />

avions un <strong>grand</strong> centre ferroviaire, mais qui était en<br />

déclin relatif. Nous avons proposé de faire un centre de<br />

démantè<strong>le</strong>ment de tous nos équipements roulants,<br />

notamment <strong>le</strong>s voitures en tant que tel<strong>le</strong>s, ce qui a été<br />

une innovation y compris pour <strong>le</strong> groupe SNCF. Cet<br />

investissement est assuré d’un marché de très long<br />

terme, plus de 15 ans, mais nous voyons bien qu’il<br />

n’aura d’intérêt que si <strong>le</strong> tissu économique local et si<br />

<strong>le</strong>s acteurs locaux s’emparent de cet apport pour en<br />

faire éventuel<strong>le</strong>ment une filière plus généralisée du<br />

démantè<strong>le</strong>ment et passer par <strong>le</strong> recyclage, en étendant<br />

<strong>le</strong>s compétences qui peuvent éventuel<strong>le</strong>ment s’y<br />

greffer.<br />

Nous partons de compétences existantes dans <strong>le</strong> cadre<br />

d’un patrimoine ancien existant en <strong>le</strong> renouvelant<br />

profondément. De ce point de vue, la <strong>grand</strong>e entreprise<br />

peut apporter des éléments positifs, mais el<strong>le</strong> ne<br />

trouvera son développement que si toutes <strong>le</strong>s PME,<br />

existantes ou à venir, viennent s’agglutiner autour d’un<br />

tel projet. C’est là <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> du territoire au niveau local,<br />

»<br />

ne s’agissant pas d’une approche sur <strong>le</strong> plan national.


Patrice Soudan, quels atouts et quel<br />

déterminant représente la localisation dans <strong>le</strong>s<br />

espaces régionaux d’un <strong>grand</strong> groupe<br />

industriel tel que Le<strong>grand</strong> ?<br />

Dominique VOLLET<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

TABLE RONDE<br />

M. Patrice<br />

SOUDAN<br />

Directeur général adjoint<br />

du Groupe Le<strong>grand</strong><br />

«En effet, Le<strong>grand</strong> est un <strong>grand</strong> groupe international :<br />

4,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires dont près de<br />

80 % réalisé hors de France, avec plus de 35 000<br />

personnes dans <strong>le</strong> monde. Avec Michelin, c’est la seu<strong>le</strong><br />

entreprise du CAC 40 à avoir son siège social en<br />

province, ce dont nous sommes fiers. Cette présence<br />

n’est pas un point caractéristique ou déterminant de<br />

notre stratégie industriel<strong>le</strong>. Nous essayons plutôt de<br />

capitaliser sur <strong>le</strong>s avantages et de compenser <strong>le</strong>s<br />

quelques inconvénients que nous pouvons avoir en<br />

région.<br />

Parmi <strong>le</strong>s avantages, nous avons un personnel plutôt<br />

fidè<strong>le</strong> et très engagé vis-à-vis de la société puisque<br />

Le<strong>grand</strong> sur Limoges était vite une grosse entreprise<br />

très lisib<strong>le</strong> ; d’où un certain attachement à la marque.<br />

Le turn over est donc faib<strong>le</strong>, ce qui est un point<br />

important.<br />

Une certaine qualité de la vie se retrouve tant vis-à-vis<br />

du personnel de Le<strong>grand</strong> que globa<strong>le</strong>ment au niveau<br />

de l’entreprise.<br />

Autre atout important, c’est <strong>le</strong> coût de la vie et, en<br />

particulier, <strong>le</strong> coût du foncier. A cet égard, je dois vous<br />

avouer qu’il est plus faci<strong>le</strong> de procéder à une mutation<br />

d’un cadre de l’usine d’Antibes vers Limoges que<br />

l’inverse, tant il est vrai que <strong>le</strong> coût du foncier n’est<br />

pas <strong>le</strong> même. Nous capitalisons donc sur ces avantages<br />

et nous essayons de pallier <strong>le</strong>s quelques inconvénients<br />

parmi <strong>le</strong>squels j’en mets deux en exergue.<br />

D’une part, la région Limousin peut sans doute<br />

manquer d’attractivité pour certaines populations<br />

d’experts que nous souhaitons recruter, par exemp<strong>le</strong><br />

des é<strong>le</strong>ctroniciens ou des spécialistes en logiciels.<br />

D’autre part, c’est l’accès à la région et à Limoges.<br />

«Nous essayons plutôt de<br />

capitaliser sur <strong>le</strong>s avantages et<br />

de compenser <strong>le</strong>s quelques<br />

inconvénients que nous pouvons<br />

avoir en région»<br />

Certes, cet inconvénient n’est pas complètement<br />

structurel, mais il faut quand même y être très attentif.<br />

Exemp<strong>le</strong> récent, Air France envisageait voilà quelques<br />

mois la suppression de la ligne aérienne entre Limoges<br />

et Lyon, perspective qui, je <strong>le</strong> dis honnêtement, était<br />

pour nous un point très critique. En effet, l’aéroport de<br />

Lyon nous ouvre de multip<strong>le</strong>s destinations, que ce soit<br />

sur l’Europe centra<strong>le</strong>, l’Europe de l’Est, éventuel<strong>le</strong>ment<br />

l’Europe du Sud, et <strong>le</strong> sud de la France. C’est donc un<br />

sujet sur <strong>le</strong>quel nous devons être tout à fait attentifs.<br />

Sur cette question de l’accès, je puis évoquer un autre<br />

aspect qui n’est pas complètement accessoire,<br />

s’agissant d’un point de compétitivité. Prenons <strong>le</strong> cas<br />

d’un cadre de Le<strong>grand</strong> devant se rendre en Espagne<br />

pour une journée. S’il est basé en I<strong>le</strong>-de-France, il fera<br />

l’al<strong>le</strong>r-retour dans la journée, alors que s’il est basé à<br />

Limoges, il va « consommer » deux jours, devant<br />

passer par Paris tant à l’al<strong>le</strong>r qu’au retour. La facilité<br />

d’accès est donc bien un point déterminant.<br />

Pour faire <strong>le</strong> tour comp<strong>le</strong>t du sujet, je dirai que ces<br />

avantages et ces inconvénients sont peut-être plus<br />

prégnants pour <strong>le</strong>s activités et <strong>le</strong>s personnels qui<br />

travail<strong>le</strong>nt au niveau du siège social, s’agissant sans<br />

doute de populations plus mobi<strong>le</strong>s. Sur <strong>le</strong>s ateliers de<br />

production situés dans <strong>le</strong> Limousin et à d’autres<br />

endroits, <strong>le</strong>s populations sont moins mobi<strong>le</strong>s et<br />

engendrent moins de soucis sous l’ang<strong>le</strong> des avantages<br />

et des inconvénients.<br />

La localisation industriel<strong>le</strong> n’est pas un problème<br />

régional, mais plutôt un problème national de<br />

compétitivité de nos usines françaises par rapport à des<br />

marchés de destination sur<br />

»<br />

<strong>le</strong>squels nous devons nous<br />

positionner correctement.<br />

83


84<br />

M. Hervé<br />

GUYOMARD<br />

Directeur scientifique<br />

« Agriculture » de l’INRA<br />

Dominique VOLLET<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

TABLE RONDE<br />

Ce matin, Gérard-François Dumont nous rappelait que la<br />

métropolisation était un processus et pas simp<strong>le</strong>ment une idéologie.<br />

Pour essayer de décomposer <strong>le</strong> processus, un certain nombre de<br />

modè<strong>le</strong>s ont été mis en œuvre pour expliciter cette métropolisation.<br />

Hervé Guyomard, une tel<strong>le</strong> démarche peut nous être très uti<strong>le</strong> en<br />

termes d’action publique ?<br />

«<br />

M. Soudan a dressé une certaine liste d’avantages et<br />

d’inconvénients vus du côté de l’entreprise, ce que <strong>le</strong>s<br />

économistes en recherche appel<strong>le</strong>nt ce qui concourt à<br />

l’agglomération, versus à la dispersion.<br />

Je souligne que nombreuses sont <strong>le</strong>s forces<br />

économiques qui concourent, qu’on <strong>le</strong> veuil<strong>le</strong> ou non, à<br />

agglomérer <strong>le</strong>s choses et à ce que vous ayez plutôt<br />

tendance à préférer l’agglomération. Cela conduit au<br />

phénomène économique de métropolisation, quel<strong>le</strong><br />

que soit l’appellation utilisée. En tout cas, il s’agit bien<br />

de cela, avec des gains et des économies d’échel<strong>le</strong>.<br />

Je prends cet exemp<strong>le</strong> qui touche même <strong>le</strong> secteur<br />

agrico<strong>le</strong>. L’une des premières choses que regardent <strong>le</strong>s<br />

candidats à l’installation en agriculture, c’est de savoir<br />

s’ils pourront avoir <strong>le</strong>ur habitation en dehors de<br />

l’exploitation agrico<strong>le</strong>, dans un centre urbain à part,<br />

qu’il soit de tail<strong>le</strong> modeste ou plus <strong>grand</strong>e. C’est un<br />

critère de choix puisqu’ils veu<strong>le</strong>nt en fait l’accès aux<br />

mêmes services. Ce souhait concourt donc à<br />

l’agglomération.<br />

Mon propos vient ainsi en écho aux deux interventions.<br />

Comment attirer de l’activité en zone rura<strong>le</strong> ? Au-delà<br />

de ce que j’ai entendu sur la possibilité de jouer sur <strong>le</strong>s<br />

politiques publiques et donc sur la répartition du<br />

« gâteau », phénomène très important, il faut quand<br />

même créer de la richesse à un moment donné.<br />

Aujourd’hui, de façon généra<strong>le</strong> <strong>le</strong>s entreprises ne<br />

mettent pas un poids très fort sur <strong>le</strong> territoire et la<br />

localisation.<br />

Nous avons mené avec l’IRSTEA et d’autres instituts un<br />

programme de recherche sur <strong>le</strong> développement local.<br />

Nous nous sommes aperçus que <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités<br />

territoria<strong>le</strong>s se soucient largement de l’entreprise, quels<br />

que soient son domaine d’activité, sa localisation et<br />

des conséquences, mais que l’inverse est nettement<br />

moins vrai de façon généra<strong>le</strong>. D’où des difficultés. Je<br />

pense donc que la première question à travail<strong>le</strong>r porte<br />

sur ce que demandent <strong>le</strong>s entreprises de façon<br />

généra<strong>le</strong> et la deuxième sur ce que l’on est capab<strong>le</strong><br />

d’offrir pour contrer ce phénomène d’agglomération et<br />

de métropolisation que nous avons décrit. En fait, la<br />

question est de savoir sur quels avantages vous vous<br />

basez.<br />

«Nombreuses sont <strong>le</strong>s forces<br />

économiques qui concourent à<br />

agglomérer <strong>le</strong>s choses. Cela<br />

conduit au phénomène<br />

économique de métropolisation»<br />

Je termine mon propos par un exemp<strong>le</strong>. Breton, je suis<br />

d’une région qui bouge peu pour l’instant, mais qui a<br />

été en ébullition à un moment donné... Pourquoi <strong>le</strong><br />

couverc<strong>le</strong> a-t-il quelque peu explosé voilà quelques<br />

mois ? En raison des problèmes dans <strong>le</strong>s entreprises<br />

agroalimentaires de première transformation !<br />

Quel<strong>le</strong>s sont cel<strong>le</strong>s qui s’en sont un peu mieux sorties<br />

face à l’énorme crise de la volail<strong>le</strong> et du porc en<br />

Bretagne ? Cel<strong>le</strong>s qui avaient une stratégie beaucoup<br />

plus forte de liens entre la production, la première, la<br />

deuxième transformation et la consommation par<br />

rapport à un ensemb<strong>le</strong> qui était resté éclaté.<br />

Je veux dire par là qu’il faut avoir aussi une stratégie<br />

territoria<strong>le</strong> plus claire, en prenant <strong>le</strong>s avantages et <strong>le</strong>s<br />

inconvénients, sachant que l’on ne peut avoir « de tout<br />

partout », si je puis dire,<br />

»<br />

ce qui concourt en fait à une<br />

certaine spécialisation.


Pour terminer ce tour de tab<strong>le</strong> de ronde sur<br />

l’économie productive, quelques exemp<strong>le</strong>s<br />

finlandais dans la métallurgie ?<br />

Dominique VOLLET<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

TABLE RONDE<br />

M. Asko<br />

PELTOLA<br />

Président du Conseil régional<br />

d’Ostrobothnie du Sud (Finlande)<br />

«<br />

(Interprète)<br />

Il faut savoir que même la présence de <strong>grand</strong>es<br />

entreprises industriel<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong>s zones rura<strong>le</strong>s<br />

n’empêche pas que certaines faib<strong>le</strong>sses rendent<br />

cel<strong>le</strong>s-ci très vulnérab<strong>le</strong>s. Si l’entreprise décide de se<br />

localiser, l’impact sur <strong>le</strong> chômage est alors<br />

considérab<strong>le</strong>.<br />

«Dans notre région, nous<br />

essayons d’encourager des PME<br />

à devenir plus importantes»<br />

Dans notre région, nous essayons d’encourager des<br />

PME à devenir plus importantes, sachant que <strong>le</strong> lien<br />

entre ces entrepreneurs et <strong>le</strong>ur région est très fort. Par<br />

exemp<strong>le</strong>, l’une des plus <strong>grand</strong>es fonderies d’aluminium<br />

de toute la Finlande est située dans notre région. El<strong>le</strong> a<br />

commencé son activité voilà près de 70 ans avec un<br />

seul entrepreneur qui, depuis, a créé 200 emplois dans<br />

la région. Point très important de la politique de cette<br />

entreprise, c’est son investissement dans <strong>le</strong>s villages,<br />

<strong>le</strong>urs activités culturel<strong>le</strong>s et économiques, ainsi que la<br />

volonté d’améliorer la qualité de vie de ses employés.<br />

A mon avis, il est préférab<strong>le</strong> de mener une politique<br />

d’investissement auprès des entrepreneurs locaux<br />

existants plutôt que d’essayer d’attirer des<br />

entrepreneurs plus éloignés.<br />

Enfin, il convient de souligner que <strong>le</strong>s régions rura<strong>le</strong>s<br />

ont aussi des atouts et présentent de vrais avantages<br />

en termes d’attractivité : des ouvriers qualifiés et bien<br />

formés, <strong>le</strong> paysage, <strong>le</strong>s possibilités de pratiques<br />

sportives et différentes activités.<br />

Il faut éga<strong>le</strong>ment insister sur <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de l’approche<br />

LEADER, programme qui a été en quelque sorte conçu<br />

et inventé par un Français et il convient de vous en<br />

remercier ! (Sourires) Ce programme a été d’une<br />

importance essentiel<strong>le</strong>, permettant à de petits<br />

entrepreneurs de s’a<strong>grand</strong>ir en créant de nouvel<strong>le</strong>s<br />

activités dans <strong>le</strong>s zones rura<strong>le</strong>s.»<br />

Dominique VOLLET<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

TABLE RONDE<br />

Tout à fait ! Ce matin, Gérard Peltre nous a parlé du<br />

développement local par <strong>le</strong>s acteurs, thème mis en avant dans la<br />

nouvel<strong>le</strong> programmation 2014/2020, « kit » de développement<br />

mis en place dans <strong>le</strong> cadre des groupes d’action locaux LEADER et<br />

dont <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s régions devront se saisir.<br />

Merci, monsieur Peltola, d’attirer notre attention sur ce sujet.<br />

85


Nous abordons maintenant la troisième question particulièrement<br />

importante : la localisation des services et l’attractivité des<br />

territoires. Ce matin, M. Denis MUZET nous a proposé une<br />

interprétation intéressante. Nous avons vu ainsi que<br />

l’implantation des <strong>grand</strong>es surfaces était notée négativement par<br />

la population sollicitée.<br />

Monsieur Martin, pouvez-vous nous aider à mieux comprendre<br />

<strong>le</strong>s facteurs en jeu dans l’attractivité des territoires, en particulier<br />

en matière de services.<br />

M. Pierre<br />

MARTIN<br />

Président de la Chambre de Métiers<br />

et de l’Artisanat de Bourgogne<br />

Dominique VOLLET<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

TABLE RONDE<br />

«L’artisanat, c’est un million d’entreprises sur<br />

l’ensemb<strong>le</strong> du territoire et 26 000 entreprises en<br />

Bourgogne. Effectivement, nous avons un ancrage au<br />

territoire extrêmement fort. Il est essentiel et<br />

correspond à un thème sur <strong>le</strong>quel j’ai travaillé et que<br />

beaucoup revendiquent aujourd’hui : l’économie de<br />

proximité.<br />

L’économie de proximité, c’est l’offre de services<br />

essentiels à la population. Nous voyons bien ce retour<br />

en arrière qui est en train de s’opérer. Certes, il est<br />

<strong>le</strong>nt, mais nous avons besoin de reconquérir <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s,<br />

<strong>le</strong>s centres-vil<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s quartiers périphériques qui ont été<br />

désertés. Quand ces endroits sont désertés, ils<br />

deviennent diffici<strong>le</strong>s et <strong>le</strong> lien social n’existe plus. Cela<br />

renvoie d’ail<strong>le</strong>urs aux discussions et aux interventions<br />

que nous avons entendues sur ce besoin de « refaire<br />

société » dans ce pays, notamment à travers la<br />

ruralité, comme il est proposé dans <strong>le</strong> projet.<br />

Pour nous, cette démarche est essentiel<strong>le</strong> car notre<br />

marché est déjà là. M. Muzet faisait allusion à la<br />

<strong>grand</strong>e distribution. Je n’ai pas l’intention aujourd’hui<br />

de jeter l’opprobre sur ce mode de distribution, mais<br />

force est de reconnaître que nous avons quand même<br />

été trop loin dans ce pays : nous avons <strong>le</strong> privilège en<br />

quelque sorte d’être recordmen du monde en termes<br />

de mètres carrés de <strong>grand</strong>s distributeurs présents pour<br />

la consommation. Ce faisant, nous avons détruit de<br />

nombreux commerces ou activités artisana<strong>le</strong>s, soit<br />

dans <strong>le</strong>s centres-bourgs, soit dans <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s. Mon<br />

collègue, Président de la section de la Chambre de<br />

Métiers de la Nièvre, me disait qu’à Nevers même,<br />

plus de 60 commerces sont fermés. De même, c’est<br />

quasiment <strong>le</strong> quart des commerces qui est fermé<br />

aujourd’hui dans ma bonne vil<strong>le</strong> de Tonnerre qui, pour<br />

5 800 habitants, compte deux <strong>grand</strong>s distributeurs<br />

périphériques : on a tué <strong>le</strong> centre vil<strong>le</strong>.<br />

Aujourd’hui, il faut consacrer de l’argent public à<br />

travers des dispositifs bien connus, de type FISAC ou<br />

OPARCA, et, en même temps, avoir des politiques plus<br />

incitatives pour reconquérir ces centres-bourgs ou ces<br />

quartiers en déshérence. Là, <strong>le</strong>s élus ont une<br />

responsabilité particulière, cel<strong>le</strong> de veil<strong>le</strong>r à ce que<br />

j’appel<strong>le</strong> « l’état d’équilibre ». En effet, la <strong>grand</strong>e<br />

distribution est une forme de commerce moderne que<br />

l’on ne peut pas éluder. J’ajoute que, pour avoir un de<br />

mes magasins dans une ga<strong>le</strong>rie marchande, il serait<br />

malvenu que je critique ce mode de distribution. Mais,<br />

encore une fois, veillons à l’équilibre !<br />

Or, nous n’avons pas veillé à l’équilibre ! A partir du<br />

moment où une vil<strong>le</strong> avait une implantation de <strong>grand</strong><br />

distributeur, cel<strong>le</strong> d’à-côté en voulait une pour garder la<br />

clientè<strong>le</strong>. Cette espèce de course a toujours été<br />

pratiquée et el<strong>le</strong> nous a conduit très loin. Dans ces<br />

conditions, il est urgent de devenir raisonnab<strong>le</strong>s et de<br />

veil<strong>le</strong>r à ce que nous puissions garder des activités<br />

indépendantes et cette offre de services aux<br />

populations. Cette approche fait partie aussi de<br />

l’économie<br />

»<br />

des territoires et de l’aménagement du<br />

territoire.<br />

86


Membre de la section Economie régiona<strong>le</strong> et<br />

Aménagement du territoire au Conseil<br />

économique et social, vous avez travaillé sur ces<br />

questions d’économie résidentiel<strong>le</strong> et<br />

d’articulation entre économie résidentiel<strong>le</strong> et<br />

économie productive ?<br />

Dominique VOLLET<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

TABLE RONDE<br />

«<br />

L’économie<br />

«Nous n’avons pas dans ce pays<br />

la pratique suffisamment<br />

développée de cette<br />

complémentarité entre <strong>le</strong>s<br />

activités productives et <strong>le</strong><br />

monde de la sous-traitance avec<br />

toute l’économie induite par la<br />

présence de <strong>grand</strong>es<br />

entreprises»<br />

productive est essentiel<strong>le</strong> pour nous. Dans<br />

l’ouvrage que j’ai produit en 2008 sur l’économie de<br />

proximité, il n’était pas question d’opposer la<br />

mondialisation avec <strong>le</strong>s activités industriel<strong>le</strong>s qui<br />

délocalisaient beaucoup et l’économie de proximité.<br />

Nous avons besoin de deux !<br />

Je partage <strong>le</strong> propos de Jean-Pierre Aubert sur <strong>le</strong> fait<br />

que nous n’avons pas dans ce pays la pratique<br />

suffisamment développée de cette complémentarité<br />

entre <strong>le</strong>s activités productives et <strong>le</strong> monde de la<br />

sous-traitance avec toute l’économie induite par la<br />

présence de <strong>grand</strong>es entreprises. Nous avons donc<br />

encore beaucoup de chemin à faire. Il a cité <strong>le</strong>s clusters<br />

et <strong>le</strong>s grappes entreprises, la Plastics Vallée ou la<br />

Cosmetic Val<strong>le</strong>y. Il faut tendre vers cela car nous avons<br />

besoin de ces synergies entre <strong>le</strong>s plus <strong>grand</strong>es et <strong>le</strong>s<br />

plus petites activités.<br />

J’en viens à votre question sur l’économie résidentiel<strong>le</strong>,<br />

chère à Laurent Davezies qui a beaucoup travaillé sur<br />

cette thématique. Il la remet d’ail<strong>le</strong>urs un peu en<br />

»<br />

question aujourd’hui par rapport à la métropolisation.<br />

En effet, dans son dernier ouvrage, il est<br />

extrêmement critique par rapport à l’économie<br />

résidentiel<strong>le</strong>.<br />

Dominique VOLLET<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

TABLE RONDE<br />

«Absolument ! C’est tout de même curieux de sa part,<br />

lui qui en a été <strong>le</strong> chantre. Ce point mériterait un débat<br />

avec lui, débat qui serait certainement très intéressant.<br />

Je veux vous donner un exemp<strong>le</strong> très concret de<br />

l’économie résidentiel<strong>le</strong>. Au nord du département de<br />

l’Yonne, c’est-à-dire aux franges de l’I<strong>le</strong>-de-France,<br />

3 500 personnes prennent <strong>le</strong> train tous <strong>le</strong>s jours pour<br />

al<strong>le</strong>r travail<strong>le</strong>r sur Paris ou en banlieue <strong>pari</strong>sienne. Ces<br />

personnes consomment, non pas sur Paris ou<br />

l’I<strong>le</strong>-de-France qui est <strong>le</strong>ur lieu de travail, mais bien sur<br />

<strong>le</strong>ur lieu de résidence, c’est-à-dire <strong>le</strong> Sénonais. Il est<br />

donc tout à fait intéressant de considérer aussi ce type<br />

d’économie que nous retrouvons par ail<strong>le</strong>urs avec la<br />

forte présence de résidences secondaires sur nos<br />

territoires, y compris ceux de la Nièvre et du Morvan.<br />

C’est là une source d’économie intéressante qui,<br />

induisant des revenus supérieurs à ceux de la moyenne<br />

de nos départements plutôt ruraux, nous permet de<br />

pallier ce manque de présence de PME parfois ou<br />

d’entreprises plus importantes.<br />

»<br />

87


88<br />

M. Jean-Pierre<br />

AUBERT<br />

Président de la mission<br />

« Anticipation et accompagnement<br />

des mutations économiques »<br />

auprès du Premier ministre,<br />

Président de SNCF Développement et<br />

Secrétaire général de la<br />

Chaire « Mutations – Anticipations –<br />

Innovations »<br />

«J’ai écouté avec une <strong>grand</strong>e attention ce qui a été dit<br />

sur ce point car ces services peuvent être très<br />

importants en complément de l’activité productive<br />

classique.<br />

«Je pense que <strong>le</strong> rural peut<br />

apporter quelque chose dans<br />

l’invention de nouveaux services»<br />

Je veux insister toutefois sur un aspect de la question<br />

qui me paraît fondamental : <strong>le</strong>s territoires ruraux<br />

apportent-ils quelque chose en termes d’innovation par<br />

rapport aux territoires métropolitains ? Il est vrai que<br />

l’on ne refera pas <strong>le</strong> passé ! Autrement dit, on ne<br />

refera pas <strong>le</strong>s services du passé et on invente de<br />

nouveaux services. Je pense que <strong>le</strong> rural peut apporter<br />

quelque chose dans l’invention de nouveaux services.<br />

Ne nous inscrivons pas seu<strong>le</strong>ment dans la défense d’un<br />

certain nombre de services qui préexistaient contre<br />

d’autres qui <strong>le</strong>s ont détruits ou qui <strong>le</strong>s attaquent !<br />

Inscrivons-nous éga<strong>le</strong>ment dans l’innovation !<br />

Sous l’ang<strong>le</strong> du service à la personne et considérant<br />

une situation où <strong>le</strong>s habitants sont éloignés <strong>le</strong>s uns des<br />

autres, il y a certainement à développer des technologies,<br />

à inventer des natures de prestations de services<br />

partagés, par exemp<strong>le</strong> en termes de surveillance des<br />

personnes âgées à domici<strong>le</strong>. Je pense qu’il y a, sur ce<br />

plan-là, tout un secteur d’activités à développer. Une<br />

maison de retraite est un objet économique important<br />

et un pô<strong>le</strong> de services sur un territoire donné peut aussi<br />

être un atout.<br />

De là, mon interrogation fondamenta<strong>le</strong> vis-à-vis des<br />

territoires ruraux. A cause de <strong>le</strong>urs caractéristiques, ne<br />

sont-ils pas en opposition avec l’idée d’agglomération<br />

comme un facteur décisif ? Mais ne sont-ils pas aussi<br />

un lieu d’innovation important sur <strong>le</strong> secteur productif<br />

comme sur <strong>le</strong> secteur des services ?<br />

Je prends ici un exemp<strong>le</strong> tota<strong>le</strong>ment différent, mais qui<br />

rejoint quand même <strong>le</strong> service à la personne. En<br />

Meurthe-et-Mosel<strong>le</strong>, sur <strong>le</strong> bassin de Pompey, une<br />

entreprise industriel<strong>le</strong> a inventé une machine à cuire <strong>le</strong><br />

pain ! Des boulangers ont mis ainsi en place une<br />

distribution de <strong>le</strong>ur pain. De la sorte, ceux-ci alimentent<br />

cette machine, permettant <strong>le</strong> maintien d’un contact<br />

direct avec <strong>le</strong> client sans avoir à passer par la baguette<br />

industriel<strong>le</strong> de la <strong>grand</strong>e surface ! Du coup, l’activité<br />

des boulangers a pu être maintenue. C’est toujours un<br />

artisan boulanger qui fait sa pâte à sa façon et<br />

distribue son pain grâce à un moyen technique<br />

nouveau qui a d’ail<strong>le</strong>urs été inventé sur place.<br />

Cette question des services à la personne va devenir<br />

crucia<strong>le</strong> et ce sont peut-être <strong>le</strong>s territoires ruraux qui<br />

vont nous apprendre à passer à une nouvel<strong>le</strong> ère, à un<br />

moment où la population vieillit et alors que la<br />

question de la dépendance se pose de plus en plus.<br />

Pour moi, cette question reste ouverte, mais je crois<br />

qu’il y a sous cet ang<strong>le</strong> un potentiel réel d’innovation.»


Hervé Guyomard, pouvez-vous nous en dire<br />

davantage sur ce qui fonde l’attractivité des<br />

territoires et, notamment, sur un aspect qui a été<br />

peu évoqué : la question du foncier.<br />

Dominique VOLLET<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

TABLE RONDE<br />

M. Hervé<br />

GUYOMARD<br />

Directeur scientifique<br />

« Agriculture » de l’INRA<br />

«Je dois dire d’abord que si nous avions la recette<br />

mirac<strong>le</strong>, nous l’appliquerions !<br />

La question des services, quels qu’ils soient, est<br />

fondamenta<strong>le</strong>. Les populations, résidentes ou<br />

passagères, demandent des services, et ce quel que<br />

soit l’organisme, l’institution ou <strong>le</strong> dispositif qui <strong>le</strong>s<br />

offrent. C’est d’abord peut-être sur cette question de la<br />

demande des services qu’il faut réfléchir.<br />

La question de l’innovation est évidemment très<br />

importante. Question incidente à la vôtre, en quoi<br />

serez-vous plutôt incité à innover dans ces territoires<br />

ruraux ? Qu’al<strong>le</strong>z-vous y valoriser davantage plutôt<br />

qu’ail<strong>le</strong>urs ?<br />

Il faut essayer de valoriser <strong>le</strong>s ressources de ces<br />

territoires ruraux qui ne sont pas délocalisab<strong>le</strong>s, mais<br />

fixes en quelque sorte. Compte tenu des avantages<br />

comparatifs, certaines ressources doivent être<br />

améliorées dans certains cas, considérant des effets<br />

négatifs qui ont pu être observés dans <strong>le</strong> cadre de<br />

l’agriculture ou sous l’ang<strong>le</strong> d’une utilisation intensive<br />

de la forêt. En fait, il faut lutter aussi contre <strong>le</strong>s<br />

inconvénients que vous avez mentionnés, l’objectif<br />

étant que <strong>le</strong>s avantages puissent l’emporter sur <strong>le</strong>s<br />

inconvénients.<br />

«Il faut essayer de valoriser <strong>le</strong>s<br />

ressources de ces territoires<br />

ruraux qui ne sont pas<br />

délocalisab<strong>le</strong>s»<br />

Dans cette perspective, se pose la question très<br />

importante du foncier.<br />

Pour revenir sur <strong>le</strong> point évoqué par Dominique Vol<strong>le</strong>t,<br />

l’une des forces principa<strong>le</strong>s qui va à l’encontre de<br />

l’agglomération et qui induit donc une certaine<br />

dispersion, c’est bien la question foncière. Le prix du<br />

foncier et l’accès au foncier sont des problématiques<br />

qui se posent dans de nombreuses métropo<strong>le</strong>s et pas<br />

seu<strong>le</strong>ment à Paris.<br />

Une question se pose donc aujourd’hui : comment<br />

arriver à valoriser <strong>le</strong> foncier, au delà de tout ce qui a<br />

déjà été fait en la matière ? Je ne par<strong>le</strong> pas de<br />

mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> territorial sur <strong>le</strong> plan foncier, mais je pense<br />

que la marge de progrès est <strong>grand</strong>e de tel<strong>le</strong> façon que<br />

<strong>le</strong>s territoires valorisent mieux <strong>le</strong> foncier qu’ils ne <strong>le</strong><br />

font aujourd’hui, évidemment pour des usages<br />

agrico<strong>le</strong>s, point qui m’intéresse en premier lieu, mais<br />

pas seu<strong>le</strong>ment. Dans ce cadre-là, cette problématique<br />

rejoint la question des aménités ou des effets positifs<br />

associés à des usages ouverts du foncier, notamment<br />

en termes de paysage, aujourd’hui insuffisamment<br />

»<br />

valorisés. La solution passe par la création de marchés<br />

ou de marchés liés, comme ceux afférents au tourisme.<br />

89


M. Asko<br />

PELTOLA<br />

Président du Conseil régional<br />

d’Ostrobothnie du Sud (Finlande)<br />

«<br />

(Interprète)<br />

Il est éga<strong>le</strong>ment essentiel de bénéficier des mêmes<br />

infrastructures numériques et technologiques que dans<br />

<strong>le</strong>s <strong>grand</strong>es zones métropolitaines. La possibilité d’offrir<br />

aux entreprises et aux citoyens exactement <strong>le</strong>s mêmes<br />

services que dans ces zones est vraiment pour nous un<br />

élément stratégique. C’est la<br />

»<br />

clé fondamenta<strong>le</strong> pour <strong>le</strong><br />

développement de la région.<br />

Comment <strong>le</strong>s territoires peuvent-ils tirer parti de<br />

collaborations avec <strong>le</strong> monde de la recherche, en<br />

particulier sur la question de l’économie verte ?<br />

Patrice Soudan, en tant que Président du pô<strong>le</strong><br />

Elopsys basé à Limoges, pouvez-vous nous éclairer<br />

sur toutes ces perfusions que nous appelons de nos<br />

vœux entre recherche et territoires ?<br />

M. Patrice<br />

SOUDAN<br />

Directeur général adjoint<br />

du Groupe Le<strong>grand</strong><br />

Dominique VOLLET<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

TABLE RONDE<br />

«<br />

Je vais vous répondre, d’abord, en mettant ma<br />

casquette pô<strong>le</strong> de compétitivité et, ensuite, en vous<br />

donnant un exemp<strong>le</strong> avec ma casquette Le<strong>grand</strong>.<br />

Point essentiel d’ail<strong>le</strong>urs évoqué précédemment, il faut<br />

que <strong>le</strong>s synergies d’intérêts existantes entre <strong>le</strong>s<br />

différents acteurs privés, publics, économiques et <strong>le</strong>s<br />

col<strong>le</strong>ctivités territoria<strong>le</strong>s fonctionnent bien. En cas de<br />

déséquilibre, automatiquement el<strong>le</strong>s ne fonctionneront<br />

pas bien : soit <strong>le</strong> tissu industriel est faib<strong>le</strong> ; soit il n’y a<br />

pas de recherche et développement dans la région ;<br />

soit c’est un problème d’innovation. Autrement dit,<br />

différents éléments doivent contribuer au dynamisme<br />

de la région.<br />

Le pô<strong>le</strong> de compétitivité Elopsys est adossé à un<br />

laboratoire de recherche très important, XLIM, basé à<br />

Limoges, à Poitiers et à Brive, et qui compte à peu près<br />

480 chercheurs. Depuis la création du pô<strong>le</strong> en 2006,<br />

nous avons vu passer environ 350 projets dont 140<br />

ont été financés, chiffre assez significatif.<br />

Toutefois, la difficulté est liée au fait que <strong>le</strong> tissu<br />

industriel de la région Limousin est relativement faib<strong>le</strong>.<br />

En conséquence, un certain nombre de projets, au lieu<br />

de contribuer à la vie économique loca<strong>le</strong>, ont dû «<br />

s’expatrier », si je puis m’exprimer ainsi, en allant<br />

dans d’autres régions ou dans des métropo<strong>le</strong>s où ils<br />

ont pu trouver des acteurs industriels en mesure de<br />

porter <strong>le</strong>s projets avec <strong>le</strong> laboratoire XLIM.<br />

90


Une trentaine de start-up ont été créées dans <strong>le</strong> même<br />

interval<strong>le</strong>, ce qui n’est pas négligeab<strong>le</strong>. Ce sont des<br />

sociétés plutôt jeunes, mais avec des effectifs<br />

relativement réduits, même si des emplois ont été<br />

créés.<br />

«Un tiers des Limousins a plus de<br />

60 ans ! Tout <strong>le</strong> monde a<br />

maintenant compris que ce<br />

déséquilibre démographique peut<br />

devenir un avantage compétitif»<br />

J’insiste donc sur <strong>le</strong> fait que, pour que <strong>le</strong>s synergies<br />

fonctionnent, il faut que la recherche, l’industrie et tout<br />

l’environnement social, économique et local puissent<br />

contribuer à ce qu’un projet puisse devenir générateur<br />

d’emplois et de richesses.<br />

Quittant ma casquette pô<strong>le</strong> de compétitivité pour<br />

prendre ma casquette Le<strong>grand</strong>, je vous donne un<br />

exemp<strong>le</strong> porteur puisqu’il faut plutôt mettre en avant<br />

<strong>le</strong>s réalisations positives. C’est <strong>le</strong> sujet de la Silver<br />

Economie dans <strong>le</strong> cadre de laquel<strong>le</strong> il y a effectivement<br />

une bonne synergie d’intérêts entre l’industriel – à<br />

savoir Le<strong>grand</strong> – et toute la col<strong>le</strong>ctivité socia<strong>le</strong> et<br />

sociéta<strong>le</strong>.<br />

Un tiers des Limousins a plus de 60 ans ! Tout <strong>le</strong><br />

monde a maintenant compris que ce déséquilibre<br />

démographique peut devenir un avantage compétitif<br />

dans cet environnement. En conséquence, il s’est créé<br />

un écosystème qui a permis de mettre en place un<br />

certain nombre d’initiatives en Creuse et en Corrèze<br />

pour l’assistance et <strong>le</strong> maintien à domici<strong>le</strong> des<br />

personnes âgées ou des personnes dépendantes. Nous<br />

rejoignons là <strong>le</strong>s sujets d’innovation évoqués<br />

précédemment. La ruralité peut donc contribuer<br />

effectivement à l’innovation, mais encore faut-il que <strong>le</strong>s<br />

différents « morceaux » du puzz<strong>le</strong> puissent contribuer<br />

à cette innovation pour qu’ensuite el<strong>le</strong> se transforme<br />

en économie et en richesses.»<br />

Après la vue de l’entreprise, cel<strong>le</strong><br />

complémentaire de la recherche, Hervé<br />

Guyomard ?<br />

M. Hervé<br />

GUYOMARD<br />

Directeur scientifique<br />

« Agriculture » de l’INRA<br />

Dominique VOLLET<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

TABLE RONDE<br />

«L’INRA est un institut de recherche finalisée et donc<br />

avec une volonté d’impacts et de solutions. Il est<br />

implanté dans de nombreuses régions et nous<br />

travaillons donc beaucoup avec différents pô<strong>le</strong>s de<br />

compétitivité, notamment concernant <strong>le</strong> domaine<br />

agrico<strong>le</strong> et agroalimentaire.<br />

Que peuvent faire <strong>le</strong> monde de la recherche et<br />

l’ensemb<strong>le</strong> des acteurs par rapport au développement<br />

des territoires ? Pour notre part, en tant que recherche<br />

publique, nous devons essayer de valoriser ce que<br />

j’appel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s ressources spécifiques des territoires de<br />

tel<strong>le</strong> façon que la va<strong>le</strong>ur ajoutée créée par <strong>le</strong>s activités<br />

soit gardées dans <strong>le</strong>sdites régions. Dans ce cadre là,<br />

nombreux sont <strong>le</strong>s gisements et j’en citerai deux.<br />

Le premier est relatif aux déchets et sous-produits dans<br />

«On fonctionne de façon<br />

encore un peu trop<br />

cloisonnée par filière»<br />

<strong>le</strong>s territoires. Qu’ils soient d’origine ménagère,<br />

industriel<strong>le</strong>, agrico<strong>le</strong>, forestière ou autre, il s’agit en<br />

fait, dans ce concept d’économie verte ou d’économie<br />

circulaire, de prendre en compte simultanément<br />

l’ensemb<strong>le</strong> des ressources de la biomasse, que ce soit<br />

pour produire de la cha<strong>le</strong>ur, faire de la méthanisation,<br />

par exemp<strong>le</strong>, mais peu importe car <strong>le</strong> problème n’est<br />

91


92<br />

pas là ! En fait, il s’agit de raisonner à une échel<strong>le</strong><br />

supérieure à un seul secteur – pour ce qui me concerne<br />

<strong>le</strong> secteur agrico<strong>le</strong> – de tel<strong>le</strong> façon à obtenir des<br />

économies d’échel<strong>le</strong> en développant <strong>le</strong>s possibilités<br />

d’accès à une biomasse.<br />

Le second a trait au recours aux technologies de pointe<br />

sur <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s il ne faut pas non plus avoir peur d’al<strong>le</strong>r<br />

aussi, y compris en profitant d’autres filières. Les<br />

services à la personne et, notamment, aux personnes<br />

âgées ont été évoqués précédemment. Prenez un<br />

secteur tota<strong>le</strong>ment différent, celui de l’agriculture de<br />

précision et, plus précisément, des porcheries de<br />

précision. En termes de technologies d’informations, de<br />

statistiques, de traitement des données, ce sont <strong>le</strong>s<br />

mêmes dispositifs et <strong>le</strong>s mêmes logiciels qui<br />

s’appliquent. Evidemment, des adaptations sont<br />

nécessaires. En fait, <strong>le</strong> défi est de trouver des<br />

dispositifs appropriés et de s’assurer qu’il existe un<br />

marché suffisant, qu’il relève du domaine de l’aide aux<br />

personnes âgées et à la petite enfance ou d’un secteur<br />

très différent comme l’agriculture. L’approche n’est pas<br />

si simp<strong>le</strong>, sachant que l’on fonctionne<br />

»<br />

de façon encore<br />

un peu trop cloisonnée par filière.<br />

Dominique VOLLET<br />

Jean-Pierre Aubert, dans quel<strong>le</strong> autre<br />

exemp<strong>le</strong> de filière <strong>le</strong> lien entre recherche et<br />

développement est-il particulièrement<br />

stratégique ?<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

TABLE RONDE<br />

M. Jean-Pierre<br />

AUBERT<br />

Président de la mission<br />

« Anticipation et accompagnement<br />

des mutations économiques »<br />

auprès du Premier ministre,<br />

Président de SNCF Développement et<br />

Secrétaire général de la<br />

Chaire « Mutations – Anticipations –<br />

Innovations »<br />

«Celui de la filière équine en Normandie. Les Jeux<br />

Equestres Mondiaux qui se préparent en ce moment et<br />

doivent s’y dérou<strong>le</strong>r font l’image !<br />

La Normandie fait un très gros investissement en<br />

essayant de développer cet écosystème pour <strong>le</strong> cheval<br />

autour de l’idée de maîtrise de l’ensemb<strong>le</strong> des aspects<br />

de la filière, y compris en termes de développement.<br />

C’est <strong>le</strong> seul pô<strong>le</strong> de compétitivité existant sur la filière<br />

équine et il s’inscrit dans un lien très étroit entre <strong>le</strong>s<br />

é<strong>le</strong>veurs dans toutes <strong>le</strong>urs composantes et la<br />

recherche.<br />

Cet exemp<strong>le</strong> me permet d’illustrer <strong>le</strong> fait rapporté par<br />

<strong>le</strong>s deux intervenants précédant. On peut peut-être<br />

combattre <strong>le</strong>s effets d’agglomération par l’intensité des<br />

relations qui se situent à tous <strong>le</strong>s niveaux de ces<br />

composantes. Cette intensité passe par la possibilité<br />

d’avoir des connaissances transversa<strong>le</strong>s. Sans<br />

nécessairement se traduire par une invention dans<br />

chaque filière ou dans chaque secteur, el<strong>le</strong> se<br />

concrétise par la possibilité de transférer des<br />

connaissances acquises dans d’autres secteurs vers <strong>le</strong><br />

secteur considéré. Cette approche me paraît<br />

extrêmement importante. A mon sens, par cette<br />

intensité et par cet entretien des relations sur <strong>le</strong>squels<br />

ils peuvent avoir une responsabilité, <strong>le</strong>s territoires<br />

ruraux peuvent avoir une place pour combattre et peut<br />

être même trouver des voies alternatives à<br />

l’agglomération.<br />

«On peut peut-être combattre <strong>le</strong>s<br />

effets d’agglomération par la<br />

possibilité de transférer des<br />

connaissances acquises dans<br />

d’autres secteurs vers <strong>le</strong> secteur<br />

considéré»<br />

Si cette dernière est un avantage à certains égards,<br />

el<strong>le</strong> crée aussi des obstac<strong>le</strong>s. Nous savons très bien<br />

que <strong>le</strong>s difficultés de communication sont réel<strong>le</strong>s dans<br />

certaines agglomérations ou métropo<strong>le</strong>s, avec des<br />

cloisonnements.<br />

Peut-on trouver d’autres voies alternatives pour avoir<br />

l’intensité et la synergie nécessaires ? Je crois que oui.<br />

Mais c’est un <strong>pari</strong> et je pense que c’est <strong>le</strong> <strong>pari</strong> de<br />

l’avenir des territoires ruraux.»


M. Asko PELTOLA<br />

Président du Conseil régional<br />

d’Ostrobothnie du Sud (Finlande)<br />

«<br />

(Interprète)<br />

A mon sens, <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de la recherche est absolument<br />

fondamental pour donner de la vitalité aux zones<br />

rura<strong>le</strong>s. Tout <strong>le</strong> monde <strong>le</strong> sait, nous nous orientons<br />

aujourd’hui vers une économie plus « verte » qui est,<br />

en principe, l’apanage plus des zones rura<strong>le</strong>s, alors que<br />

tout ce qui est recherche – développement est surtout<br />

celui des vil<strong>le</strong>s et des zones métropolitaines. Toutefois,<br />

des initiatives peuvent être prises, comme je vais<br />

l’illustrer.<br />

«En incitant des<br />

universitaires à faire de<br />

la recherche au service<br />

de la région»<br />

La région d’Ostrobothnie ne compte pas d’université<br />

technique et scientifique. Toutefois, voilà une quinzaine<br />

d’années, il a été décidé de créer une équipe<br />

universitaire de recherche pour aider au développement<br />

de la région. Un réseau d’universitaires et de<br />

chercheurs a ainsi été créé – ils sont au nombre de 15<br />

aujourd’hui – travaillant sur différents secteurs liés plus<br />

spécia<strong>le</strong>ment au développement économique territorial.<br />

Trois catégories d’acteurs ont pris part à ce projet de<br />

recherche – développement : des universités en<br />

incitant des universitaires à faire de la recherche au<br />

service de la région, <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s et l’Union<br />

européenne par <strong>le</strong> biais de financements et de<br />

nombreuses entreprises qui investissent el<strong>le</strong>s-mêmes<br />

aussi au profit de la recherche, à raison de quelque<br />

10 000 € ou 20 000 €. Cette équipe de 15 à 20<br />

universitaires et chercheurs est au service des<br />

entrepreneurs de la région pour répondre à <strong>le</strong>urs<br />

besoins et contribue ainsi au développement des zones<br />

rura<strong>le</strong>s, ce qui nous paraît absolument fondamental.<br />

Je tiens à préciser que cette initiative est née dans la<br />

région el<strong>le</strong>-même. El<strong>le</strong> n’est ni <strong>le</strong> fait du gouvernement<br />

central ni des universités. Ce sont <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités<br />

el<strong>le</strong>s-mêmes qui ont entrepris cette démarche auprès<br />

des universités, sollicitant <strong>le</strong> concours de chercheurs,<br />

»<br />

une recherche vraiment menée au service du territoire.<br />

Je vous propose maintenant d’engager <strong>le</strong> débat<br />

avec l’assistance.<br />

Dominique VOLLET<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

TABLE RONDE<br />

93


94<br />

«<br />

Ingénieur forestier<br />

Ingénieur forestier et représentant un cabinet<br />

d’expertise basé à Vichy, Arborea, je souhaite évoquer<br />

un secteur qui représente tout de même 30 % du<br />

territoire français, plaçant la France au troisième rang<br />

européen, après la Finlande : la forêt. La forêt ou du<br />

moins l’espace vert dans ce milieu rural m’apparaît<br />

trop souvent évoqué comme un espace« passif ». C’est<br />

un espace qui accueil<strong>le</strong> des activités sportives et que<br />

l’on a plaisir à observer pour <strong>le</strong>s animaux, <strong>le</strong> paysage,<br />

l’eau. Mais il n’en est jamais parlé comme un espace<br />

« actif », un espace économique. C’est pourtant un<br />

espace de production avec des acteurs et une filière.<br />

En Auvergne, un petit cabinet a essayé d’innover avec<br />

des moyens technologiques simp<strong>le</strong>s et de réveil<strong>le</strong>r la<br />

conscience des propriétaires forestiers car ils sont <strong>le</strong><br />

premier maillon de la filière bois, en <strong>le</strong>ur proposant des<br />

services par internet. Le propos était de <strong>le</strong>ur faire<br />

prendre conscience qu’ils n’avaient pas que quelques<br />

hectares à gérer mais un véritab<strong>le</strong> patrimoine.<br />

Dans cette démarche des nouvel<strong>le</strong>s ruralités, quel<br />

appui concret al<strong>le</strong>z-vous apporter à ces entreprises<br />

loca<strong>le</strong>s qui essayent de dynamiser<br />

cet espace rural ?»<br />

En effet, <strong>le</strong> cas de la filière bois a été rapidement évoqué<br />

sur la question des aménités. Si l’agriculture est<br />

pourvoyeuse d’aménités et source d’agrément du<br />

paysage, la forêt l’est aussi, étant largement fréquentée et<br />

pas seu<strong>le</strong>ment dans <strong>le</strong> <strong>grand</strong> bassin <strong>pari</strong>sien.<br />

Concernant l’industrie du bois, l’INRA a travaillé sur un<br />

certain nombre d’éléments ?<br />

«<br />

L’INRA travail<strong>le</strong> sur la forêt non seu<strong>le</strong>ment à Nancy,<br />

mais aussi à Orléans et Bordeaux.<br />

La filière française du bois souffre sans doute au niveau<br />

de la production et c’est donc la première question<br />

qu’il faut travail<strong>le</strong>r.<br />

La deuxième question tient au fait que nombre de<br />

travaux et de recherches vont jusqu’à la mise en œuvre<br />

d’expérimentations tendant à valoriser <strong>le</strong>s différentes<br />

aménités forestières, c’est-à-dire <strong>le</strong>s différents services<br />

environnementaux et territoriaux rendus par la forêt. La<br />

démarche n’est pas si simp<strong>le</strong> parce que ces services ne<br />

vont pas toujours tous dans <strong>le</strong> même sens et il<br />

convient de faire attention à la façon dont peuvent se<br />

concilier <strong>le</strong>s différents services rendus. Sous cet ang<strong>le</strong>,<br />

il faut être attentif à ceux que vous privilégiez.<br />

La troisième question qui se dégage d’après ce que je<br />

sais des recherches qui peuvent être menées est cel<strong>le</strong><br />

de la propriété forestière en France. Vous devez<br />

d’ail<strong>le</strong>urs, madame, être plus experte que moi en la<br />

matière. La problématique est cel<strong>le</strong> de la capacité des<br />

différents acteurs, publics mais surtout privés,<br />

nombreux étant <strong>le</strong>s propriétaires privés, à pouvoir<br />

Dominique VOLLET<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

TABLE RONDE<br />

mettre en œuvre l’ensemb<strong>le</strong> des services que vous<br />

mentionnez et sur <strong>le</strong>squels vous travail<strong>le</strong>z. La<br />

démarche suppose <strong>le</strong> même effort que pour <strong>le</strong>s<br />

territoires.<br />

Enfin, j’aurais tendance à dire qu’il y a, certes, des<br />

spécificités forestières, mais sans doute faut-il inscrire<br />

l’approche dans la démarche<br />

»<br />

transversa<strong>le</strong> dont nous<br />

parlions tout à l’heure.<br />

Asko Peltola, pouvez-vous nous éclairer sur<br />

<strong>le</strong>s facteurs de la dimension productive<br />

forestière en Finlande ?<br />

Dominique VOLLET<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

TABLE RONDE<br />

«<br />

(Interprète)<br />

La filière bois est très importante pour notre région en<br />

termes économiques. Plusieurs entreprises s’occupent<br />

de la préfabrication de maisons en bois. Avec notre<br />

réseau de chercheurs que j’évoquais précédemment,<br />

nous sommes, par exemp<strong>le</strong>, en train de développer de<br />

nouvel<strong>le</strong>s technologies pour mettre au point de<br />

nouvel<strong>le</strong>s formes de maisons et de bâtiments. C’est <strong>le</strong><br />

cas actuel<strong>le</strong>ment pour de nouveaux modè<strong>le</strong>s de<br />

»<br />

bâtiments en bois comprenant jusqu’à huit étages.


«Je suis utilisateur d’espace rural en <strong>grand</strong>e quantité et<br />

ma question concerne précisément <strong>le</strong> foncier. Non, ce<br />

beau pays n’est pas vide. Il a des habitants, et ce<br />

encore pour un moment, du moins je l’espère, car cela<br />

peut toujours changer… Depuis <strong>le</strong> début de cette<br />

journée, nous avons entendu tout <strong>le</strong> bien qu’il est<br />

possib<strong>le</strong> de retirer d’une vie simp<strong>le</strong> et saine à la<br />

<strong>campagne</strong>, mais au-delà des <strong>grand</strong>es envolées<br />

lyriques, encore faut-il pouvoir y vivre.<br />

La dernière loi SRU a sanctuarisé <strong>le</strong>s terres agrico<strong>le</strong>s. Si<br />

cette volonté peut être concevab<strong>le</strong> en zone<br />

périurbaine, il faut tenir compte de l’interdiction de<br />

construire en ZA – zone agrico<strong>le</strong> – même si <strong>le</strong>s<br />

parcel<strong>le</strong>s ne sont pas des terres agrico<strong>le</strong>s. Par exemp<strong>le</strong>,<br />

un artisan ne pourra pas construire son atelier ou un<br />

propriétaire de chevaux un abri de pâture. Cette<br />

interdiction fait de notre espace local un sanctuaire. Or,<br />

un sanctuaire n’est certainement pas un lieu dédié à<br />

l’innovation et au développement. L’esprit d’entreprise<br />

se brise sur cet obstac<strong>le</strong> administratif et chaque<br />

initiative rejetée est définitivement perdue pour <strong>le</strong>s<br />

<strong>campagne</strong>s, alors qu’el<strong>le</strong>s en ont bien besoin.<br />

«L’interdiction de construire<br />

en ZA fait de notre espace<br />

local un sanctuaire»<br />

De là ma question ! Al<strong>le</strong>z-vous œuvrer – enfin ! – à la<br />

liberté de vivre à la <strong>campagne</strong> comme à la vil<strong>le</strong>, en<br />

redonnant par exemp<strong>le</strong> la possibilité de juger de<br />

l’opportunité des constructions, alors que, jusqu’à<br />

présent, ce sont <strong>le</strong>s préfets qui ont <strong>le</strong> dernier mot ?<br />

Merci au<br />

»<br />

nom des 30 millions d’utilisateurs de l’espace<br />

rural !<br />

Dominique VOLLET<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

TABLE RONDE<br />

La question du foncier a été évoquée tout à<br />

l’heure. El<strong>le</strong> relève typiquement d’une fonction<br />

régalienne de l’Etat, s’agissant de<br />

l’administration de la surface. La démarche des<br />

nouvel<strong>le</strong>s ruralités n’ignore bien évidemment pas<br />

<strong>le</strong>s questions liées à la gestion du foncier.<br />

Je ne suis pas un spécialiste de la rég<strong>le</strong>mentation du<br />

foncier, mais je suis plutôt sensib<strong>le</strong> à ce qui vient d’être<br />

dit sur l’impossibilité d’entreprendre et sur <strong>le</strong>s marges<br />

de soup<strong>le</strong>sse que l’on peut essayer d’obtenir.<br />

Il a été suffisamment évoqué au cours de cette journée<br />

<strong>le</strong> fait que <strong>le</strong>s rég<strong>le</strong>mentations peuvent être<br />

quelquefois des obstac<strong>le</strong>s. Mais sur <strong>le</strong> foncier, il y a<br />

sans doute un dialogue à mener avec <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités<br />

loca<strong>le</strong>s. En tout cas, c’est ce que j’ai souvent vu sur <strong>le</strong><br />

plan industriel. El<strong>le</strong>s ont quand même un rô<strong>le</strong> à jouer<br />

sur la dévolution du foncier et son traitement en<br />

termes de protection et de sécurité. Un tel rô<strong>le</strong><br />

s’impose.<br />

Nous serons tous d’accord pour reconnaître <strong>le</strong> caractère<br />

peut-être excessif de rég<strong>le</strong>mentations dans certains<br />

domaines, mais aussi la nécessité de protections.<br />

Dans cet équilibre, je suis sensib<strong>le</strong> au fait que doit<br />

prévaloir <strong>le</strong> plus possib<strong>le</strong>, dans <strong>le</strong> respect de la sécurité,<br />

la possibilité d’entreprendre dans l’esprit de ce qui a<br />

été dit précédemment. Cette possibilité a des limites,<br />

compte tenu des problèmes de protection précités.<br />

C’est <strong>le</strong> cas en Bretagne, compte tenu des pollutions<br />

qui peuvent naître d’une certaine liberté de production.<br />

Des protections sont par exemp<strong>le</strong> prévues pour l’eau,<br />

entre autres.<br />

« «Des enjeux du foncier vont<br />

devenir cruciaux, y compris dans<br />

des zones où l’espace existe»<br />

Je ne suis pas suffisamment spécialiste pour apporter<br />

des éléments de réponse très précis, mais il est certain<br />

que la question de l’utilisation et de la dévolution du<br />

foncier deviendra de plus en plus crucia<strong>le</strong>, même en<br />

territoire rural.<br />

Je reviens sur l’exemp<strong>le</strong> de la Normandie pour la filière<br />

équine : il y a un conflit de dévolution entre cette filière<br />

et d’autres filières agrico<strong>le</strong>s, dont la filière bovine.<br />

D’autres utilisations sont, en effet, envisageab<strong>le</strong>s et<br />

l’alimentation du bétail peut être contradictoire avec<br />

l’utilisation du pâturage. Je prends cet exemp<strong>le</strong> pour<br />

souligner que des enjeux du foncier vont devenir<br />

cruciaux, y compris dans des zones où, théoriquement,<br />

l’espace existe.<br />

Cette question du foncier tout à fait importante n’est<br />

pas seu<strong>le</strong>ment d’ordre rég<strong>le</strong>mentaire, mais el<strong>le</strong> est<br />

relative à<br />

»<br />

des priorités qui vont devoir traiter de conflits<br />

d’intérêts. 95


Mesdames, messieurs, nous étions l’an dernier à Vichy<br />

pour <strong>le</strong> premier colloque national sur <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s<br />

ruralités. Avec ces Etats Généraux des Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités<br />

« Campagnes, <strong>le</strong> <strong>grand</strong> <strong>pari</strong> », nous n’avons peut-être<br />

pas gagné l’ensemb<strong>le</strong> du « <strong>grand</strong> <strong>pari</strong> », mais il me<br />

semb<strong>le</strong> que <strong>le</strong> <strong>pari</strong> des Etats Généraux, lui, est gagné.<br />

Marquée par la réforme territoria<strong>le</strong>, cette journée a<br />

permis de faire passer <strong>le</strong> message des <strong>campagne</strong>s au<br />

travers de celui de la réforme territoria<strong>le</strong>. Je laisse <strong>le</strong> soin<br />

aux « quatre mousquetaires » de la conclure.<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

96


«<br />

L’année<br />

M. Jean-Paul<br />

DUFREGNE<br />

Président du Conseil<br />

général de l’Allier<br />

«<br />

dernière, nous étions à Vichy dans <strong>le</strong> cadre de ce<br />

colloque d’installation d’une démarche et, aujourd’hui,<br />

nous sommes dans une journée d’action. Cette journée a<br />

été possib<strong>le</strong> parce que nous avons pris l’initiative avec<br />

mes collègues de lancer cette mission de réf<strong>le</strong>xion sur <strong>le</strong>s<br />

nouvel<strong>le</strong>s ruralités et sur <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s fonctions de ces<br />

territoires. Nous avons pu ainsi réagir directement à<br />

l’actualité qui pointe aujourd’hui notamment la<br />

dis<strong>pari</strong>tion des départements.<br />

«L’année dernière, nous étions dans<br />

l’installation d’une démarche et<br />

aujourd’hui, nous sommes dans une<br />

journée d’action qui nous permet<br />

d’interpel<strong>le</strong>r directement cel<strong>le</strong>s et<br />

ceux qui ont <strong>le</strong>s commandes<br />

de la France» »<br />

Je pense que la démarche que nous avons engagée<br />

devient maintenant particulièrement uti<strong>le</strong> au débat qui<br />

s’ouvre. Nous ne souhaitions, et pas nous ne<br />

souhaitons pas, que cette démarche soit exclusivement<br />

cel<strong>le</strong> des départements ou des Conseils généraux. La<br />

suite que nous voulions y donner s’impose aujourd’hui,<br />

à savoir cel<strong>le</strong> d’une réf<strong>le</strong>xion intégra<strong>le</strong>ment ouverte sur<br />

l’ensemb<strong>le</strong> des territoires ruraux. Vanik Berberian avec<br />

qui j’en avais discuté ce matin a donné ce signe :<br />

travail<strong>le</strong>r avec <strong>le</strong>s communes et <strong>le</strong>s intercommunalités,<br />

mais aussi avec l’ensemb<strong>le</strong> des partenaires<br />

directement concernés aujourd’hui par cette question<br />

sociéta<strong>le</strong> autour de ces espaces ruraux.<br />

Oui, pour moi, c’est une journée qui compte et qui ne<br />

sera pas pour rien ! El<strong>le</strong> nous permet, au-delà de<br />

l’installation de plus en plus forte de cette réf<strong>le</strong>xion,<br />

d’interpel<strong>le</strong>r directement cel<strong>le</strong>s et ceux qui ont <strong>le</strong>s<br />

commandes de la France aujourd’hui, de <strong>le</strong>ur dire que<br />

nous sommes là et que nous existons, que notre<br />

démarche de valorisation des ruralités dans ces<br />

nouvel<strong>le</strong>s fonctions est uti<strong>le</strong> à la réf<strong>le</strong>xion de notre<br />

pays.<br />

97


M. Jean-Pierre<br />

SAULNIER<br />

Président du Conseil<br />

général du Cher<br />

Jean-Pierre Saulnier, nous aurions pu avoir un débat et des<br />

discussions entre spécialistes et entre élus que vous êtes.<br />

Fina<strong>le</strong>ment, notre débat a été ouvert. C’est ainsi que Mme<br />

Irène Félix, Vice-présidente du Conseil général du Cher, a<br />

abordé <strong>le</strong> dossier de la démocratie de proximité et de la<br />

gouvernance.<br />

Nous nous apercevons que <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s ruralités se<br />

gagneront si nous inventons et partageons aussi d’autres<br />

modes de gouvernance et de montage de projets, discours<br />

que Jean Paul Dufrègne et Patrice Joly tiennent souvent.<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

«Oui, comme vous l’avez vu aujourd’hui, <strong>le</strong>s Nouvel<strong>le</strong>s<br />

Ruralités sont un espace de débats et un espace de<br />

combats, de propositions concrètes pour l’avenir. Je crois<br />

que c’est dans cet esprit que nous travaillons. Le<br />

courage, la créativité, l’innovation, l’ingéniosité existent<br />

dans nos territoires ruraux.<br />

Les débats de ce matin et de cet après-midi en ont<br />

témoigné. En témoigne aussi <strong>le</strong> rapport que nous avons<br />

remis à l’Assemblée des Départements de France et qui<br />

a été adopté à l’unanimité du bureau.<br />

«Les Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités sont un<br />

espace de débats et de combats,<br />

de propositions concrètes pour<br />

l’avenir»<br />

C’est dire que, même si nos départements ont des<br />

différences, <strong>le</strong>s problématiques sont <strong>le</strong>s mêmes et nous<br />

voulons y répondre col<strong>le</strong>ctivement avec l’ensemb<strong>le</strong> des<br />

acteurs et l’ensemb<strong>le</strong> des citoyens. Nous voulons oser !<br />

Nous osons, nous agissons ensemb<strong>le</strong> et nous voulons<br />

poursuivre dans cette logique pour l’avenir.<br />

Merci à vous toutes et à vous tous de votre présence et<br />

de vos contributions, en particulier à ceux qui ont amené<br />

des éléments supplémentaires dans <strong>le</strong>s tab<strong>le</strong>s rondes.<br />

Le combat continue ! « Le printemps des territoires »,<br />

comme aime à <strong>le</strong> dire Patrice Joly, est lancé et ne<br />

s’arrêtera pas. Vous pouvez être assurés de notre<br />

détermination. Merci !<br />

(Applaudissements)<br />

»<br />

98


M. Jean-Jacques<br />

LOZACH<br />

Président du Conseil<br />

général de la Creuse<br />

Vous parliez ensemb<strong>le</strong>, messieurs <strong>le</strong>s Présidents, de trois<br />

<strong>pari</strong>s : rassemb<strong>le</strong>ment, influence, développement.<br />

Jean-Jacques Lozach, il reste à gagner <strong>le</strong> <strong>pari</strong> du<br />

développement, <strong>pari</strong> qui nous dépasse sans doute ici. En<br />

revanche, <strong>le</strong> <strong>pari</strong> du rassemb<strong>le</strong>ment, lui, est gagné. Je me<br />

demande aussi si aujourd’hui nous n’avons pas commencé<br />

éga<strong>le</strong>ment à gagner <strong>le</strong> <strong>pari</strong> de l’influence.<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

«S’agissant du <strong>pari</strong> de l’influence, attendons encore<br />

quelques jours ou quelques mois pour savoir si notre<br />

pouvoir d’influence aura été pris en compte ou pas. En<br />

tout cas, à travers ce type de rassemb<strong>le</strong>ment et d’Etats<br />

Généraux nous mettons <strong>le</strong> doigt, me semb<strong>le</strong>-t-il, sur la<br />

gravité de la situation actuel<strong>le</strong>, à travers, certes, la<br />

situation de la ruralité, mais éga<strong>le</strong>ment cette réforme<br />

territoria<strong>le</strong>.<br />

Je crois effectivement que nous sommes à un tournant<br />

historique. On n’a de cesse de dire que, sur <strong>le</strong> plan<br />

démographique, par exemp<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s espaces ruraux ont<br />

gagné des habitants au cours de ces vingt dernières<br />

années et même que l’exode rural est stoppé. Il est<br />

vrai que ce constat est clair, considérant notamment <strong>le</strong><br />

recensement de 1999 de l’INSEE : un renversement<br />

de tendance s’est produit. Par exemp<strong>le</strong>, mon<br />

département, celui de la Creuse, qui a connu une<br />

véritab<strong>le</strong> hémorragie démographique depuis la fin du<br />

XIXème sièc<strong>le</strong> enregistre désormais un solde migratoire<br />

positif depuis 1999.<br />

Nous disons que cette situation est très fragi<strong>le</strong> et il ne<br />

faudrait pas que nous soyons confrontés à une réalité<br />

absolument incompréhensib<strong>le</strong>, pour ne pas dire<br />

inexcusab<strong>le</strong> de la part des acteurs de la politique<br />

publique dans ce pays. Ainsi, au moment où jamais <strong>le</strong><br />

désir de <strong>campagne</strong> n’a été aussi fort et aussi prégnant,<br />

comme l’indiquent tous <strong>le</strong>s sondages et toutes <strong>le</strong>s<br />

études d’opinion, il ne faudrait pas que nous assistions<br />

à une reprise de l’exode rural.<br />

«La ruralité n’est une chance<br />

pour la France que si un<br />

certain nombre de conditions<br />

sont remplies»<br />

Pour ma part, je suis intimement convaincu que cette<br />

reprise démographique reste très fragi<strong>le</strong>. De très<br />

nombreux rapports ont été publiés sur <strong>le</strong> thème : « La<br />

ruralité, une chance pour la France ». Non ! La ruralité<br />

n’est une chance pour la France que si un certain<br />

nombre de conditions sont remplies. C’est la raison<br />

pour laquel<strong>le</strong>, nous, de manière positive et constructive<br />

à travers des propositions, nous entendons participer<br />

précisément à cet effort de construction tant il est vrai<br />

que l’espace rural du XXIème sièc<strong>le</strong> reste encore en<br />

<strong>grand</strong>e partie à construire. (Applaudissements)<br />

»<br />

99


M. Patrice JOLY<br />

Président du Conseil général<br />

de la Nièvre.<br />

Merci, messieurs <strong>le</strong>s Présidents, d’avoir dépassé, même s’il est<br />

important, <strong>le</strong> stade de la gestion et de vos contraintes.<br />

Monsieur Patrice Joly, vous avez <strong>le</strong> mot de la fin.<br />

« Nous, Présidents de Conseil généraux… », disiez-vous en<br />

parlant au nom de vous quatre mais aussi de tous <strong>le</strong>s autres !<br />

« Nous, Présidents de Conseils généraux, nous lançons l’appel<br />

de Nevers et nous vous remettons cet appel… », disiez-vous<br />

en vous adressant au Secrétaire d’Etat André Vallini, dans un<br />

moment de démocratie mais sans concession.<br />

Jean-Yves VIF<br />

ANIMATEUR<br />

DE LA<br />

JOURNÉE<br />

«<br />

Tel<strong>le</strong> est notre stratégie d’influence ! Nous avons ainsi<br />

franchi un cran cette année. Au départ, nous étions<br />

quatre et nous sommes maintenant 34 départements.<br />

L’année dernière à Vichy, nous étions 400 et nous<br />

comptions aujourd’hui 600 inscrits. Si nous n’avions<br />

pas clos <strong>le</strong>s inscriptions pour des raisons de capacités<br />

d’accueil, nous serions peut-être 700 ou 800.<br />

Une démarche est engagée. Deux ministres sont venus<br />

pour une journée et cela n’est pas banal. C’est bien la<br />

preuve qu’il se passe quelque chose !<br />

Puis, il y a cette déclaration commune que vous venez<br />

de rappe<strong>le</strong>r. 34 départements représentant 20 millions<br />

de Français, soit un tiers de la population, s’expriment<br />

à travers nous et disent que cette réforme n’est pas<br />

satisfaisante.<br />

«Au départ, nous étions quatre<br />

et nous sommes maintenant<br />

34 départements»<br />

Les départements témoignent de <strong>le</strong>ur impertinence,<br />

disent certains, quitte à se poser des interrogations sur<br />

<strong>le</strong>ur pertinence. Pour ma part, je n’ai pas<br />

d’interrogation sur <strong>le</strong>ur capacité à être impertinents.<br />

L’enjeu d’avenir de la société, c’est précisément d’être<br />

impertinent et de requestionner tout ce qui paraît<br />

évident. L’avenir de la France ne passe pas que par <strong>le</strong>s<br />

métropo<strong>le</strong>s.<br />

Cette journée, notre démarche « Campagnes, <strong>le</strong> <strong>grand</strong><br />

<strong>pari</strong> », c’est de l’impertinence ! Nous sommes<br />

impertinents en Bourgogne quand, par exemp<strong>le</strong>, nous<br />

disons que, dans <strong>le</strong> schéma régional d’aménagement<br />

du territoire qui nous est présenté, Dijon n’est pas une<br />

métropo<strong>le</strong> et ne <strong>le</strong> sera jamais. Dijon n’est pas<br />

Shanghai, Mexico ou Paris ! C’est une capita<strong>le</strong><br />

régiona<strong>le</strong> dont nous sommes fiers et nous voulons<br />

qu’el<strong>le</strong> se développe. Non, nous ne sommes pas des<br />

« franges » de la région dans <strong>le</strong> Val de Loire, des<br />

« franges urbaines », comme <strong>le</strong>s choses nous ont été<br />

présentées ! Il se trouve que l’organisation du territoire<br />

bourguignon est une organisation périphérique urbaine.<br />

Il y a un réseau à construire et peut-être que cette<br />

organisation en réseau est précisément en résonance<br />

avec l’organisation à venir de la société.<br />

Non, il n’y a pas un « croissant ferti<strong>le</strong> » Dijon –<br />

Beaune – Mâcon ! Que serait <strong>le</strong> reste ?<br />

Oui, nous sommes impertinents parce que nous<br />

éclairons sous un autre ang<strong>le</strong> ce que représente <strong>le</strong><br />

potentiel de nos territoires.<br />

Mais nous ne gommons pas non plus nos difficultés et<br />

<strong>le</strong>s quelques handicaps. A entendre André Vallini, nous<br />

sommes sur d’autres planètes ! Je l’entendais dire que<br />

trop de financements sont affectés aux routes… Il<br />

nous manque 50 % de budget ! Aujourd’hui, nous<br />

assurons tous <strong>le</strong>s 18 ans <strong>le</strong> renouvel<strong>le</strong>ment des routes.<br />

Pourtant, tout <strong>le</strong> monde reconnaît qu’une douzaine<br />

d’années est vraiment <strong>le</strong> minimum. Il nous manque<br />

50 %... N’étant pas dans <strong>le</strong> même département, nous<br />

ne parlons donc pas des mêmes choses.<br />

Reprenant l’une de mes interviews hier, un<br />

hebdomadaire écrit : « François Hollande, élu <strong>pari</strong>sien<br />

en circonscription rura<strong>le</strong>. » Il n’a pas trahi mon propos.<br />

Je ne sais comment François Hollande exerçait ses<br />

fonctions de Président de Conseil général. Mais, très<br />

honnêtement, j’ai quelque inquiétude s’il n’a pas<br />

compris qu’il était nécessaire qu’une institution<br />

représente <strong>le</strong>s territoires ruraux pour, en tout cas à<br />

légitimité équiva<strong>le</strong>nte, pouvoir discuter avec <strong>le</strong>s<br />

présidents d’agglomération. Nous allons devoir discuter<br />

avec <strong>le</strong>s présidents des agglomérations de Dijon et de<br />

Besançon, <strong>le</strong>s maires des vil<strong>le</strong>s de Dô<strong>le</strong>, de Mâcon et<br />

autres. Or, si nos territoires ruraux ne sont pas portés<br />

par des élus légitimes, ils n’existent plus. Dans ces<br />

conditions et comme il a été dit, nous perdons tout <strong>le</strong><br />

bénéfice que cet espace peut apporter si on lui prête<br />

100


une attention particulière. Tel<strong>le</strong> est notre interprétation<br />

sur <strong>le</strong>s responsab<strong>le</strong>s, quel que soit <strong>le</strong>ur secteur<br />

d’activité.<br />

«Si nos territoires ruraux<br />

ne sont pas portés par des<br />

élus légitimes, ils<br />

n’existent plus»<br />

En conclusion, puisqu’il m’incombe de conclure cette<br />

journée, je tiens tous à vous remercier, mesdames et<br />

messieurs, pour votre présence. Bravo pour l’intérêt<br />

que vous avez porté à nos débats, tant il est vrai qu’il<br />

y a des suites à y donner. Il nous faut continuer à<br />

travail<strong>le</strong>r sur <strong>le</strong> combat idéologique pour bouscu<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s<br />

idées reçues. Aujourd’hui, sur la réforme institutionnel<strong>le</strong>,<br />

mais aussi sur d’autres domaines, l’idée prévaut<br />

que tout se passe entre treize régions et <strong>le</strong>s<br />

métropo<strong>le</strong>s. Non ! C’est une erreur ! C’est une erreur,<br />

pas seu<strong>le</strong>ment pour nous, mais pour <strong>le</strong> pays<br />

éga<strong>le</strong>ment.<br />

Il nous faut donc continuer à travail<strong>le</strong>r et à mobiliser<br />

tous <strong>le</strong>s intel<strong>le</strong>ctuels pour nous accompagner dans cette<br />

démarche. D’ail<strong>le</strong>urs, ils ont bien compris l’importance<br />

qui s’y attache pour l’avenir de notre pays. Poursuivons<br />

éga<strong>le</strong>ment en progressant dans ce mouvement des<br />

nouvel<strong>le</strong>s ruralités. L’exercice sera compliqué car il<br />

suppose des moyens.<br />

Pendant cette rencontre, j’ai reçu quelques messages<br />

d’encouragement de socioprofessionnels. Il est vrai que<br />

<strong>le</strong> combat que nous menons n’est pas seu<strong>le</strong>ment celui<br />

des élus. Il faut que <strong>le</strong>s représentants du secteur privé<br />

nous accompagnent et soient présents. Nous savons<br />

qu’ils souffrent aussi d’être méprisés par certains, ne<br />

serait-ce que parce qu’ils n’ont pas <strong>le</strong>ur siège social à<br />

Paris ou parce que <strong>le</strong>urs entreprises ne comptent que<br />

100 à 150 salariés. Eh bien, non ! Ils se trouvent<br />

aussi qu’ils représentent un potentiel de<br />

développement, qu’ils sont créatifs, imaginatifs et<br />

innovants. Dois-je rappe<strong>le</strong>r que des éléments de la<br />

voiture de demain sont construits sur ce département ?<br />

Il faudra aussi nous faire accompagner par <strong>le</strong> secteur<br />

associatif qui risque éga<strong>le</strong>ment de souffrir avec cette<br />

réforme territoria<strong>le</strong> et, à travers lui, par nos<br />

concitoyens.<br />

Enfin, comme l’ont dit plusieurs intervenants, la<br />

question de la ruralité est un enjeu européen. El<strong>le</strong> a été<br />

évoquée en termes de population, d’espace, mais<br />

aussi de richesses créées. Nous devons porter cette<br />

problématique à l’échel<strong>le</strong> européenne, tant il est vrai<br />

que l’on peut par<strong>le</strong>r de « ruralités nouvel<strong>le</strong>s sans<br />

frontières » !<br />

Notre difficulté tient au fait que nous représentons de<br />

petits départements. Les moyens que nous mettons en<br />

commun restent relativement limités et nous avons<br />

beaucoup de peine à bouc<strong>le</strong>r nos budgets. Il n’en<br />

demeure pas moins qu’il nous faudra avancer à la fois<br />

sur <strong>le</strong> plan des idées, sur l’élargissement de ceux qui<br />

doivent nous accompagner et, c’est d’ail<strong>le</strong>urs la raison<br />

pour laquel<strong>le</strong> nous avons invité notre collègue de<br />

Finlande, sur la prise de conscience de cet enjeu à<br />

l’échel<strong>le</strong> européenne.<br />

Il nous faut donc exiger des politiques rura<strong>le</strong>s à<br />

l’échel<strong>le</strong> européenne, en allant au-delà des<br />

programmes LEADER, parfois de quelques milliers<br />

d’euros, même si la démarche peut être intéressante.<br />

Il nous faut exiger une politique de développement<br />

rural à l’échel<strong>le</strong> nationa<strong>le</strong>, comme il y a une politique<br />

de la vil<strong>le</strong>.<br />

Il nous faut aussi exiger que, dans nos régions, tel<strong>le</strong>s<br />

qu’el<strong>le</strong>s sont ou qu’el<strong>le</strong>s soient élargies, une vraie<br />

attention soit portée aux espaces ruraux par la mise en<br />

place de vraies politiques régiona<strong>le</strong>s. C’est<br />

indispensab<strong>le</strong>.<br />

«Ce n’est pas que notre affaire !<br />

C’est l’affaire de l’Etat qui a la<br />

responsabilité de ces territoires<br />

en partage avec nous»<br />

Nous sommes prêts à y travail<strong>le</strong>r et nous l’avons dit.<br />

Ce n’est pas que « notre » affaire ! C’est l’affaire de<br />

l’Etat qui a la responsabilité de ces territoires en<br />

partage avec nous. Nous sommes prêts à signer des<br />

contrats sur la base d’un engagement de<br />

responsabilité, avec des contreparties en termes de<br />

développement économique et en termes d’emploi, ce<br />

que refusent certains, avec <strong>le</strong>squels nous voulons<br />

signer des contrats. Pour notre part, nous sommes<br />

prêts à nous y engager de manière sérieuse et précise.<br />

Une nouvel<strong>le</strong> fois, je remercie <strong>le</strong>s intervenants, <strong>le</strong>s<br />

animateurs et vous tous ici présents. Je crois que nous<br />

avons marqué aujourd’hui un temps important dans<br />

cette reconquête à la fois de l’opinion<br />

»<br />

et des politiques<br />

publiques nécessaires au pays.<br />

(Applaudissements)<br />

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