campagne le grand pari.pdf
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Il y a un an, <strong>le</strong>s quatre présidents de Conseils généraux fondateurs de la démarche<br />
« Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités » - Patrice JOLY (Nièvre/Bourgogne), Jean-Paul DUFRÈGNE<br />
(Allier/Auvergne), Jean-Pierre SAULNIER (Cher/Centre), et Jean-Jacques LOZACH<br />
(Creuse/ Limousin) - organisaient <strong>le</strong> 1er colloque national sur l’avenir des territoires<br />
ruraux à Vichy, dans l’Allier.<br />
Rejoints par 30 autres départements à travers toute la France, <strong>le</strong>ur rapport* de<br />
mission sur <strong>le</strong>s perspectives stratégiques pour <strong>le</strong> développement des territoires ruraux<br />
a été unanimement salué et adopté <strong>le</strong> 3 décembre 2013 par <strong>le</strong> bureau de<br />
l’Assemblée des Départements de France, puis largement diffusé auprès des<br />
principa<strong>le</strong>s instances institutionnel<strong>le</strong>s françaises.<br />
Le 5 juin dernier, <strong>le</strong>s « Etats Généraux des Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités » se sont tenus à la<br />
Maison de la Culture de Nevers et de la Nièvre, en présence de deux ministres, Sylvia<br />
PINEL et André VALLINI, peu de temps après <strong>le</strong>s annonces sur la réforme territoria<strong>le</strong>.<br />
Ce rendez-vous national a réuni des intervenants de renom et rencontré un franc<br />
succès avec près de 650 participants issus de 43 départements de France, dont 150<br />
élus de col<strong>le</strong>ctivités territoria<strong>le</strong>s et par<strong>le</strong>mentaires.<br />
En partenariat avec :<br />
L’étude Médiascopie «Les Mots de la Ruralité» est cofinancée par l’Union européenne.<br />
L’Europe s’engage dans <strong>le</strong> Massif central avec <strong>le</strong> Fonds européen de développement régional.<br />
CRÉDITS<br />
Conception & Réalisation :<br />
STUDIO de communication<br />
Photos : CG58 et CG23<br />
Création du logo : H&cco<br />
Image de couverture : 123rf<br />
Impression : CIA IMPRIMERIE / Septembre 2014 /<br />
Pougues-<strong>le</strong>s-Eaux<br />
CONTACT<br />
nouvel<strong>le</strong>sruralites@cg58.fr<br />
03 86 60 67 14<br />
2<br />
my<br />
A l’issue de ces Etats Généraux, la Loire, l’Ariège, la Marne et l’Orne ont rejoint la<br />
démarche des Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités qui compte désormais 38 départements<br />
membres**, soit près de 22 millions d’habitants, décidés à faire de nos <strong>campagne</strong>s<br />
des territoires d’avenir.<br />
*Retrouvez <strong>le</strong> rapport Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités et sa synthèse en téléchargement sur cg58.fr<br />
**Liste des départements membres de la mission Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités en date du 22 septembre 2014:<br />
Allier, Nièvre, Cher, Creuse, Corrèze, Finistère, Pas-de-Calais, Lot, Cantal, Puy-De-Dôme, Haute-Vienne,<br />
Hautes-Pyrénées, Ain, Vosges, Doubs, Pyrénées Orienta<strong>le</strong>s, Drôme, Lot et Garonne, Aisne, Haute-Saône, Côtes<br />
d’Armor, Saône et Loire, Deux-Sèvres, Somme, Gironde, Meurthe et Mosel<strong>le</strong>, I<strong>le</strong> et Vilaine, Indre-et-Loire, Nord,<br />
Pyrénées Atlantiques, Haute-Garonne, Loir et Cher, Aude, Jura, Loire, Ariège, Marne, Orne.<br />
REMERCIEMENTS :<br />
A nos intervenant(e)s et animateurs pour la qualité et la richesse des débats, <strong>le</strong>ur courtoisie et <strong>le</strong>ur sens de l’humour<br />
Aux 650 personnes venues de toute la France pour <strong>le</strong>ur présence, <strong>le</strong>ur participation et tout l’intérêt porté aux débats<br />
A nos partenaires et <strong>le</strong>urs personnels<br />
Aux agents des Conseils généraux de l’Allier, du Cher, de la Creuse et de la Nièvre<br />
Aux médias et journalistes, témoins et porteurs du récit des Nouvel<strong>le</strong>s ruralités<br />
Au Groupe Centre-France<br />
A Jean Bojko pour son prélude poétique<br />
A la préfecture de la Nièvre et ses services<br />
A la vil<strong>le</strong> de la Charité-sur-Loire<br />
Au Lycée Jean Rostand (58) et à ses élèves des options Commerce-Vente et Accueil Relations à la clientè<strong>le</strong> et aux usagers<br />
Au Lycée professionnel hortico<strong>le</strong> de Sermoise-sur-Loire<br />
A l’enseigne Botanic (58)<br />
Au Pô<strong>le</strong> de la Performance de Nevers-Magny-Cours et la société Danielson<br />
A la confiserie Négus (58)<br />
A la chocolaterie A la tentation (58)<br />
Au groupe de musique « La petite Moisson »<br />
A Sylvie Roche pour son exposition photo « Tut ! Tut ! Campagne vivace »<br />
A Vincent Bernigaud Traiteur et son équipe (58)<br />
A l’hôtel Mercure Nevers Pont de Loire (58)<br />
A l’agence MyCOM’, Emilie Sa<strong>le</strong>rno et Françoise Brossard pour la signalétique et l’habillage des lieux<br />
A la Maison de la Culture de Nevers & de la Nièvre, et son équipe<br />
A Christine Haurie pour sa fidè<strong>le</strong> retranscription de tout ce qui s'est dit durant cette bel<strong>le</strong> journée<br />
Remerciements particuliers aux associations, chambres consulaires, socioprofessionnels, intel<strong>le</strong>ctuels, citoyens… pour<br />
<strong>le</strong>urs contributions en textes, idées, propositions et témoignages, et de nous avoir accompagnés dans cette démarche.<br />
Mention spécia<strong>le</strong> à :<br />
Fédération des Centres Sociaux et socioculturels de France, FNARS, Habitat et Développement, Solidarité Paysans<br />
Chambre des Métiers et de l’Artisanat de Région Bourgogne – Section Nièvre<br />
Col<strong>le</strong>ctif Vil<strong>le</strong> Campagne<br />
Retrouvez <strong>le</strong>urs contributions écrites en téléchargement sur cg58.fr rubrique « Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités »<br />
103
«<br />
Initiateurs de la démarche « Nouvel<strong>le</strong>s ruralités », qui réunit<br />
aujourd’hui 38 départements français, nous nous félicitons<br />
de voir la ruralité associée au ministère du Logement et de<br />
l’Egalité des territoires. C’est <strong>le</strong> signe d’une reconnaissance<br />
des territoires ruraux et de <strong>le</strong>urs spécificités. Et cette annonce<br />
conforte <strong>le</strong> travail mené depuis plus de deux ans autour de la<br />
démarche des « Nouvel<strong>le</strong>s ruralités », qui a abouti à la<br />
publication d’un rapport contenant 60 propositions concrètes,<br />
dont cel<strong>le</strong> de la création d’un ministère dédié à la ruralité.<br />
Par ce travail d’analyse et cette volonté constante de<br />
concevoir la ruralité sous un jour résolument positif, nous<br />
estimons avoir contribué à cette avancée.<br />
L’heure est maintenant aux actes. Nous attendons, comme<br />
l’ensemb<strong>le</strong> des membres de la mission menée dans <strong>le</strong> cadre<br />
de l’Assemblée des départements de France, qu’une véritab<strong>le</strong><br />
politique soit mise en place pour encourager l’innovation et <strong>le</strong><br />
développement économique dans <strong>le</strong>s territoires ruraux et<br />
créer <strong>le</strong>s conditions pour l’épanouissement de <strong>le</strong>urs habitants.<br />
Nous attendons de Sylvia PINEL qu’el<strong>le</strong> soit la ministre des<br />
« Nouvel<strong>le</strong>s ruralités », comme el<strong>le</strong> s’y était engagée lors des<br />
Etats Généraux <strong>le</strong> 5 juin dernier. Cela doit passer par une<br />
réorientation de la réforme territoria<strong>le</strong>, qui doit confirmer la<br />
pertinence de l’échelon départemental en milieu rural et non<br />
l’affaiblir, renforcer son rô<strong>le</strong> de proximité et non l’éloigner.<br />
Sur ce sujet, nous saluons la rentrée dans <strong>le</strong> nouveau<br />
gouvernement de l’un des premiers membres de la mission<br />
« Nouvel<strong>le</strong>s ruralités », Patrick KRANNER, qui s’était<br />
publiquement opposé à la suppression des départements.<br />
Nous attendons éga<strong>le</strong>ment que <strong>le</strong> Premier ministre tienne son<br />
engagement d’organiser cet automne <strong>le</strong>s Assises de la<br />
Ruralité.<br />
Nous nous tenons à la disposition du gouvernement pour<br />
l’accompagner dans ses décisions et démontrer que<br />
»<br />
<strong>le</strong>s<br />
territoires ruraux sont aussi l’avenir de la France.<br />
Patrice JOLY, président du Conseil général de la Nièvre<br />
Jean-Paul DUFREGNE, président du Conseil général de l’Allier<br />
Jean-Pierre SAULNIER, président du Conseil général du Cher<br />
Jean-Jacques LOZACH, président du Conseil général de la Creuse<br />
3
«<br />
Nevers, Maison de la Culture, 9 heures. On n'a pas monté<br />
<strong>le</strong>s marches, encore. On n'a pas tracé un sillon au milieu des<br />
silhouettes pour al<strong>le</strong>r prendre <strong>le</strong> premier café du matin dans<br />
<strong>le</strong> hall. On n'a salué personne. Aucun de cel<strong>le</strong>s et de ceux qui<br />
vont faire <strong>le</strong> spectac<strong>le</strong> aujourd'hui. Oui, c'est bien un<br />
spectac<strong>le</strong>, qui va se jouer là. Un spectac<strong>le</strong> qui va changer<br />
l'histoire parce qu'il va bou<strong>le</strong>verser <strong>le</strong>s représentations, dire<br />
une autre vérité. Cel<strong>le</strong> des <strong>campagne</strong>s qui veu<strong>le</strong>nt exister,<br />
vivre, respirer. On <strong>le</strong> sait, ce soir, quelque chose aura<br />
changé. Des certitudes auront été ébranlées. On aura changé<br />
d'ang<strong>le</strong>, pour regarder la France.<br />
Ici aujourd'hui, c'est la ruralité qui va se dire. Qui va par<strong>le</strong>r.<br />
Beaucoup. Dans tous <strong>le</strong>s sens. Peut-être parce qu'el<strong>le</strong> s'est<br />
trop tue, parce qu'el<strong>le</strong> avait trop peu confiance en el<strong>le</strong>, ou<br />
parce qu'on ne lui avait pas donné la paro<strong>le</strong>. L'an dernier à<br />
Vichy, el<strong>le</strong> avait poussé un cri, déjà. Avait dit sa peur d'être<br />
oubliée. El<strong>le</strong> ne l'a pas été. Une Ministre et un Secrétaire<br />
d’État sont là, à Nevers, cette année. Preuve que <strong>le</strong> cri a été<br />
entendu. Ils doivent <strong>le</strong>ur dire, maintenant. Face à face. Les<br />
yeux dans <strong>le</strong>s yeux. Ils doivent <strong>le</strong>ur dire qu'ils proposent une<br />
autre France, dans laquel<strong>le</strong> la ruralité est un atout. Cette fois,<br />
ils ne sont plus quatre, mais des dizaines. Combien sont-ils,<br />
exactement, sur la scène de la Maison de la Culture, pour<br />
lancer l'Appel de Nevers ?<br />
Nous, on assiste au spectac<strong>le</strong>. On n'est pas acteur de<br />
l'histoire. On observe. On écoute, on note, on questionne, on<br />
prend des photos, on filme. On garde <strong>le</strong> moment. Non pas<br />
pour <strong>le</strong> fixer mais parce qu'on sait que c'est une étape<br />
essentiel<strong>le</strong> dans la représentation des territoires ruraux et<br />
dans l'élaboration de la réforme territoria<strong>le</strong>. Un acte<br />
fondateur. Il y a du monde. Beaucoup. Ça grouil<strong>le</strong>. On devine<br />
<strong>le</strong>s silhouettes des attachés de presse, toujours dans la<br />
course. On reconnaît des visages, des engagements. On en<br />
découvre d'autres, aujourd'hui. Toutes <strong>le</strong>s régions de France<br />
sont venues donner de la voix. On doit pousser des coudes, se<br />
faufi<strong>le</strong>r pour interroger, sur une banquette, un président de<br />
conseil général du nord de la France. Il a une vingtaine de<br />
minutes à nous consacrer. Autour de nous, des dizaines de<br />
journalistes, des dizaines de micros, tendus en direction d'un<br />
des quatre Mousquetaires.<br />
16h30. On voudrait par<strong>le</strong>r avec <strong>le</strong>s Mousquetaires, justement.<br />
Leur demander <strong>le</strong>ur regard sur cette fol<strong>le</strong> journée. Impossib<strong>le</strong>,<br />
pour l'instant. Les quatre sont entrés dans un photomaton. Ce<br />
qu'on voit sur ce cliché, on ne <strong>le</strong> saura pas. Des hommes<br />
dans <strong>le</strong>ur costume de président de conseil général ou une<br />
bande consciente d'avoir joué un sa<strong>le</strong> tour en bou<strong>le</strong>versant<br />
une partition déjà écrite? On n'a pas voulu <strong>le</strong>s gêner dans ce<br />
moment. Perturber cet instant de « l'après ». Eux ne nous<br />
voyaient pas. Trop occupés à immortaliser <strong>le</strong> moment.<br />
Tac. La photo est faite. Et sonne la fin des États Généraux de<br />
la ruralité. Le <strong>grand</strong> <strong>pari</strong> des <strong>campagne</strong>s a t-il été re<strong>le</strong>vé ? On<br />
a envie, au vu des échanges et de la présence de membres<br />
du gouvernement, de dire oui. De dire qu'ils sont parvenus à<br />
ne pas incarner, malgré eux, une forme de conservatisme,<br />
une batail<strong>le</strong> d’arrière-garde pour sauver une institution, et à<br />
apparaître comme des porteurs d’un modè<strong>le</strong> alternatif<br />
d’organisation du territoire. Il faudra attendre quelques<br />
semaines, quelques mois, pour en avoir la certitude.<br />
On interpel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s mousquetaires. Ils arrivent, un par un.<br />
Souriants. Bruyants. Épuisés. « Champagne ! », lance l'un<br />
d'eux. On <strong>le</strong> sait bien, ils ne prendront pas une coupe. Mais <strong>le</strong><br />
mot traduit la satisfaction. La victoire. Dans un instant, un va<br />
repartir dans la Creuse, un autre dans l'Allier, un troisième<br />
dans <strong>le</strong> Cher. Le dernier joue à domici<strong>le</strong>.<br />
On rentre aussi. A la rédac. Il faut raconter, maintenant. Dire<br />
ce qu'est l'Appel de Nevers. Un appel pour dire qu’une<br />
réforme territoria<strong>le</strong> ne réussira pas sans l'ensemb<strong>le</strong> des<br />
territoires. Ruraux et urbains. Un appel pour dire que <strong>le</strong>s<br />
ruralités sont prêtes à impulser <strong>le</strong> changement, à<br />
»<br />
expérimenter, à une seu<strong>le</strong> condition : qu’on <strong>le</strong>s écoute.<br />
Valérie Mazerol<strong>le</strong><br />
Le Journal du Centre (Groupe Centre France)<br />
4
TABLE RONDE : « Les élites et la ruralité », changeons de regard !<br />
Le jeudi 5 juin 2014, se sont tenus <strong>le</strong>s Etats Généraux des Nouvel<strong>le</strong>s<br />
Ruralités, à la Maison de la Culture de Nevers et de la Nièvre.<br />
Cette journée est animée par M. Jean-Yves Vif, rédacteur en chef de La<br />
Montagne, Centre-France.<br />
ANIMATEUR : M. Jean-Yves VIF, rédacteur en chef de La Montagne, Groupe Centre-France<br />
PARTICIPANTS :<br />
• Mme Hélène COMBE DE LA FUNTE MARTINEZ, observatoire de la décision publique, déléguée généra<strong>le</strong> de<br />
la chaire partenaria<strong>le</strong> « Développement humain durab<strong>le</strong> et territoires »<br />
• Mme Marie-Françoise BECHTEL, directrice de l’ENA de 2000 à 2002, députée de l’Aisne<br />
• M. Gérard-François DUMONT, professeur de géographie à l’Université Paris IV Sorbonne, président de la<br />
revue Population et Avenir<br />
• M. Gérard PELTRE, président de l’association internationa<strong>le</strong> Ruralité-Environnement-Développement (RED)<br />
et du Mouvement européen de la ruralité<br />
Introduction de M. Jean-Yves VIF, rédacteur en chef<br />
de La Montagne, Groupe Centre-France, animateur de la journée<br />
Prélude poétique de M. Jean BOJKO, artiste, metteur en scène,<br />
poète et réalisateur<br />
Mot d’accueil de M. Denis THURIOT, maire de Nevers<br />
et président de Nevers Agglomération<br />
Ouverture par M. Patrice JOLY,<br />
président du Conseil général de la Nièvre<br />
Discours de Mme Sylvia PINEL, ministre du Logement et de l’Egalité<br />
des territoires<br />
Intervention de M. Christophe GUILLUY, géographe, « Redonner un<br />
avenir aux territoires faib<strong>le</strong>ment métropolisés : quels intérêts pour ces<br />
territoires et pour la France ? »<br />
Intervention de M. Denis MUZET, sociologue et président de l’Institut<br />
Médiascopie - Etude « Les mots des nouvel<strong>le</strong>s ruralités » : réinventer un<br />
récit politique qui fasse sens<br />
Echanges avec l’assistance<br />
CONCLUSION DE LA TABLE RONDE :<br />
« Les élites et la ruralité », changeons de regard !<br />
Discours de M. Patrick KANNER, trésorier de l’Assemblée<br />
des Départements de France et président du Conseil<br />
général du Nord<br />
6
Introduction de M. Jean-Yves VIF<br />
Intervention de M. Patrice JOLY<br />
Discours de M. André VALLINI, secrétaire<br />
d’Etat à la Réforme territoria<strong>le</strong><br />
André VALLINI et l’assistance<br />
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES :<br />
« s’organiser pour al<strong>le</strong>r plus loin»<br />
• M. Jean-Paul DUFREGNE, président du Conseil général de l’Allier<br />
• M. Jean-Pierre SAULNIER, président du Conseil général du Cher<br />
• M. Jean-Jacques LOZACH, président du Conseil général de la Creuse<br />
• M. Patrice JOLY, président du Conseil général de la Nièvre<br />
« L’appel de Nevers », déclaration des présidents de Conseils généraux<br />
TABLE RONDE : Avenir économique et social des <strong>campagne</strong>s :<br />
quel<strong>le</strong> valorisation opérationnel<strong>le</strong> de <strong>le</strong>urs atouts ?<br />
ANIMATEUR : M. Dominique VOLLET, économiste, directeur de l’Unité de Recherche à<br />
l’IRSTEA de C<strong>le</strong>rmont-Ferrand<br />
PARTICIPANTS :<br />
• M. Hervé GUYOMARD, directeur scientifique « Agriculture » de l’INRA<br />
• M. Pierre MARTIN, président de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de Bourgogne<br />
• M. Jean-Pierre AUBERT, président de la mission « Anticipation et accompagnement des<br />
mutations économiques » auprès du Premier ministre, président de SNCF Développement et<br />
secrétaire général de la Chaire « Mutations – Anticipations – Innovations »<br />
• M. Asko PELTOLA, président du Conseil régional d’Ostrobothnie du Sud (Finlande)<br />
• M. Patrice SOUDAN, directeur général adjoint du Groupe LEGRAND<br />
Echanges avec l’assistance<br />
7
M. Jean-Yves VIF<br />
Rédacteur en chef de La Montagne,<br />
Groupe Centre-France,<br />
animateur de la journée.<br />
«<br />
Ces Etats Généraux des Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités, « <strong>le</strong> Grand<br />
Pari des <strong>campagne</strong>s » s’inscrivent dans une actualité<br />
que nous aborderons bien évidemment, cel<strong>le</strong> de la<br />
réforme territoria<strong>le</strong>.<br />
«Par<strong>le</strong>r – enfin ! –<br />
des <strong>campagne</strong>s<br />
de façon positive»<br />
Mais c’est la volonté affichée d’al<strong>le</strong>r beaucoup plus<br />
loin, avec quatre Présidents de Conseils généraux :<br />
Jean-Paul Dufrègne pour l’Allier, Patrice Joly pour la<br />
Nièvre, Jean-Pierre Saulnier pour <strong>le</strong> Cher et<br />
Jean-Jacques Lozach pour la Creuse, et de par<strong>le</strong>r –<br />
enfin ! – des <strong>campagne</strong>s de façon positive.<br />
La Nièvre étant un département original, <strong>le</strong> Conseil<br />
général s’est adressé<br />
»<br />
à un poète, Jean Bojko, pour ces<br />
quelques vers.<br />
8<br />
La Seine est plus bel<strong>le</strong> que la rivière qui traverse mon village,<br />
Mais la Seine n’est pas plus bel<strong>le</strong> que la rivière qui traverse mon village<br />
Parce que la Seine, ce n’est pas la rivière qui traverse mon village.<br />
Oh, je <strong>le</strong> sais, au-delà de la Seine, il y a l’Amérique<br />
Et la fortune pour ceux qui <strong>le</strong> veu<strong>le</strong>nt et <strong>le</strong> croient,<br />
Mais qui se demande encore ce qu’il peut bien y avoir<br />
Au-delà de la rivière de mon village ? (Applaudissements.)<br />
M. Jean BOJKO<br />
Artiste, metteur en scène,<br />
poète et réalisateur.
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Nous sommes ici réunis en cette vil<strong>le</strong><br />
de Nevers et nous verrons tout au<br />
long de la journée qu’il s’agit<br />
justement de ne pas opposer vil<strong>le</strong> et<br />
<strong>campagne</strong>, urbain et rural.<br />
Nous sommes accueillis par <strong>le</strong><br />
nouveau de maire, M. Denis Thuriot.<br />
M. Denis THURIOT<br />
Maire de Nevers et président<br />
de Nevers Agglomération<br />
«Madame la Ministre, mesdames, messieurs <strong>le</strong>s<br />
Députés, mesdames, messieurs <strong>le</strong>s Sénateurs,<br />
messieurs <strong>le</strong>s Présidents des Conseils généraux,<br />
mesdames et messieurs <strong>le</strong>s membres des Conseils<br />
régionaux et généraux, mesdames, messieurs <strong>le</strong>s<br />
Maires, mesdames, messieurs <strong>le</strong>s élus, mes chers<br />
collègues, je suis heureux en tant que Maire de Nevers<br />
et Président de Nevers Agglomération d’accueillir<br />
aujourd’hui <strong>le</strong>s Etats Généraux des Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités.<br />
La Nièvre en a été, monsieur <strong>le</strong> Président du Conseil<br />
général, cher Patrice, l’un des acteurs majeurs de sa<br />
création avec vos collègues de l’Allier, du Cher et de la<br />
Creuse.<br />
Par<strong>le</strong>r aujourd’hui de nouvel<strong>le</strong>s ruralités, c’est<br />
envisager pour demain <strong>le</strong>s changements<br />
fondamentaux qu’auront à porter <strong>le</strong>s actions politiques<br />
pour soutenir <strong>le</strong>s <strong>grand</strong>es forces de notre pays qui sont<br />
aussi cel<strong>le</strong>s de notre département, de l’agglomération<br />
et des autres intercommunalités. Si nous voulons dans<br />
l’avenir renforcer la force et l’attractivité de nos<br />
territoires, nous devons générer un intérêt et définir un<br />
objectif commun entre secteurs urbains et secteurs<br />
ruraux, comme vous l’avons d’ail<strong>le</strong>urs fait à Nevers<br />
pour l’élaboration du SCOT du Grand Nevers avec <strong>le</strong>s<br />
autres communes participantes.<br />
Cette logique de développement à la fois économique,<br />
démographique, socia<strong>le</strong> et qui touche tous <strong>le</strong>s<br />
domaines du quotidien de nos concitoyens est un<br />
enjeu d’autant plus important aujourd’hui que, <strong>le</strong><br />
Président de la République l’a annoncé, <strong>le</strong>s réformes<br />
territoria<strong>le</strong>s à venir vont profondément redessiner nos<br />
territoires pour <strong>le</strong>s adapter à une échel<strong>le</strong> européenne.<br />
Cette reconstruction à l’échel<strong>le</strong> nationa<strong>le</strong> doit être<br />
suivie par une redéfinition et une réf<strong>le</strong>xion sur la<br />
nouvel<strong>le</strong> identité de nos territoires pour ne pas laisser à<br />
la traîne des espaces ruraux qui attirent de plus en<br />
plus, mais effraient aussi parfois par <strong>le</strong>ur éloignement<br />
des zones d’activité et, de ce fait, ne bénéficient pas<br />
toujours d’une image attrayante.<br />
«Les mouvements<br />
démographiques<br />
actuels doivent nous<br />
inciter à penser<br />
autrement la ruralité»<br />
Alors, si la métropolisation est un passage nécessaire<br />
pour faire face aux enjeux européens – et je suis à<br />
mon niveau un défenseur de ce travail en assemblée<br />
–, el<strong>le</strong> n’est pas la solution à tout. Les mouvements<br />
démographiques actuels des vil<strong>le</strong>s vers que ce que l’on<br />
appel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s <strong>campagne</strong>s doivent nous inciter à penser<br />
autrement la ruralité.<br />
Monsieur <strong>le</strong> Président du Conseil général, avec ce<br />
nouveau slogan « La Nièvre n’est pas <strong>le</strong> bout du<br />
monde, mais un bout du monde », vous avez<br />
parfaitement exprimé la vision que nous devons avoir<br />
de nos territoires ruraux qui regroupent 60 % de notre<br />
population : un territoire qui ne soit plus ni dépendant<br />
ni opposé, mais un territoire qui soit complémentaire<br />
des <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s qui se dessinent.<br />
L’adoption <strong>le</strong> 3 décembre dernier par l’Assemblée des<br />
Départements de France du rapport sur <strong>le</strong>s perspectives<br />
stratégiques pour <strong>le</strong> développement des territoires<br />
ruraux était une première étape qui nous conduit<br />
aujourd’hui à nous pencher sur l’application concrète<br />
de ces 60 propositions. Cel<strong>le</strong>s-ci répondent à cette idée<br />
selon laquel<strong>le</strong> la mondialisation est aujourd’hui un<br />
obstac<strong>le</strong> aux spécificités de chaque territoire. Plus<br />
encore, ce rapport redonne à la ruralité un rô<strong>le</strong> majeur<br />
dans <strong>le</strong> paysage national et, au-delà, européen. Il<br />
remet en avant <strong>le</strong>s outils et <strong>le</strong>s atouts qui nous<br />
permettront, à nous élus de territoires ruraux, de ne<br />
plus nous demander comment nous pouvons nous<br />
protéger de la mondialisation, mais à nous poser la<br />
question plutôt de savoir comment nous pouvons nous<br />
développer, nous enrichir et bénéficier de cette<br />
mondialisation. Il permettra éga<strong>le</strong>ment aux élus de ne<br />
plus considérer, comme l’a souligné Christophe Guilluy,<br />
qu’il n’y a rien au-delà des <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s. C’est<br />
un fait que nous connaissons dans la Nièvre, étant<br />
isolés de notre capita<strong>le</strong> bourguignonne, Dijon, et qui<br />
suscite encore plus d’inquiétudes avec la réforme<br />
territoria<strong>le</strong> qui se précise.<br />
L’intitulé de ces Etats Généraux « Campagnes, <strong>le</strong> <strong>grand</strong><br />
<strong>pari</strong> » résume la responsabilité qui sera la nôtre :<br />
redonner à la ruralité son rô<strong>le</strong> démographique,<br />
économique et culturel dans <strong>le</strong> paysage national, tout<br />
en respectant ses spécificités et en pesant de notre<br />
poids politique pour que ce l’on appelait autrefois « la<br />
France profonde » remonte – enfin ! – à la surface. Il<br />
est temps que la « majorité si<strong>le</strong>ncieuse » puisse<br />
retrouver son rô<strong>le</strong> d’acteur dynamique et faire<br />
entendre sa complémentarité. La France rura<strong>le</strong> n’est<br />
pas un sous-territoire. Nous sommes là aujourd’hui<br />
pour, au contraire, affirmer que nous sommes des<br />
territoires alternatifs, complémentaires et innovants,<br />
qui prendront dans l’avenir tout <strong>le</strong> poids de <strong>le</strong>ur<br />
importance. Pour ceux qui pourraient encore en douter,<br />
rappelons-nous que, voilà 100 ans, c’est <strong>le</strong> bois extrait<br />
de notre Morvan qui permettait à Paris, au « Grand<br />
Paris » en guise de jeu de mots avec l’intitulé de cette<br />
journée « Campagnes, <strong>le</strong> <strong>grand</strong> <strong>pari</strong> », de se chauffer.<br />
Bienvenue à Nevers ! Bienvenue dans la capita<strong>le</strong> pour<br />
»<br />
un jour de la ruralité !<br />
(Applaudissements)<br />
9
1 ère PARTIE : Mot d’accueil<br />
10<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
La transition est assurée avec un élu du Morvan,<br />
<strong>le</strong> Président du Conseil général de la Nièvre,<br />
Patrice Joly. Avec nombre d’entre vous,<br />
mesdames, messieurs, il a fait du combat pour la<br />
défense de la ruralité son credo, son projet parmi<br />
d’autres, mais celui-ci est essentiel.<br />
M. Patrice JOLY<br />
Président du Conseil général<br />
de la Nièvre.<br />
«Madame la Ministre, mesdames, messieurs <strong>le</strong>s élus,<br />
mesdames, messieurs <strong>le</strong>s représentants du monde<br />
associatif, des secteurs public et privé, professionnels,<br />
bénévo<strong>le</strong>s, en fait toutes et tous citoyens, plus de 600<br />
aujourd’hui ici réunis, nous avons été obligés de clore <strong>le</strong>s<br />
inscriptions pour des raisons logistiques. Oui, il se passe<br />
réel<strong>le</strong>ment quelque chose : un mouvement est en<br />
marche.<br />
«Un mouvement est<br />
en marche»<br />
Permettez-moi d’adresser un salut particulier à mes<br />
collègues Présidents de Conseils généraux : quinze<br />
aujourd’hui présents dans cette sal<strong>le</strong> et une quinzaine<br />
d’autres représentés par <strong>le</strong>ur premier Vice-président.<br />
J’adresse éga<strong>le</strong>ment un salut amical à mes trois<br />
collègues du Cher, de l’Allier et de la Creuse – je <strong>le</strong>s cite,<br />
qu’ils se rassurent, sans aucun ordre de préférence ! –<br />
pour la bel<strong>le</strong> aventure que nous vivons depuis maintenant<br />
deux ans. Au-delà du travail politique que nous<br />
menons de manière sérieuse et sincère, nous avons su<br />
nouer des liens d’amitié. Construire une bel<strong>le</strong> aventure<br />
humaine, c’est éga<strong>le</strong>ment ainsi qu’il convient de<br />
concevoir l’engagement et c’est un facteur d’efficacité.<br />
Je tiens aussi à saluer l’intervenant précédent, Denis<br />
Thuriot, Maire de Nevers, en <strong>le</strong> remerciant à la fois de sa<br />
présence et de ses propos à l’instant, ainsi que du<br />
partenariat noué avec <strong>le</strong>s services du Conseil général<br />
pour nous accueillir dans <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>ures conditions<br />
possib<strong>le</strong>s.<br />
«Cette réforme porte un<br />
mauvais coup aux<br />
espaces ruraux»<br />
Vous êtes conscients que nous sommes aujourd’hui à<br />
un moment historique pour <strong>le</strong>s territoires ruraux, avec<br />
cette réforme annoncée de la carte institutionnel<strong>le</strong><br />
loca<strong>le</strong>. Il faut <strong>le</strong> dire et je voudrais que vous<br />
l’entendiez, madame la Ministre, et que vous adressiez<br />
nos propos au Gouvernement et au Président de la<br />
République, cette réforme porte un mauvais coup aux<br />
espaces ruraux, avec la « dévitalisation » des<br />
départements, terme utilisé par <strong>le</strong> Secrétaire d’Etat,<br />
André Vallini, voilà un ou deux jours, puis <strong>le</strong>ur<br />
suppression. Nous y reviendrons cet après-midi en sa<br />
présence car je ne voudrais pas que <strong>le</strong>s enjeux de cette<br />
journée importante soient occultés par ce seul aspect<br />
institutionnel, nous entraînant dans une posture qui<br />
pourrait apparaître défensive. Non, nos territoires<br />
ruraux ne sont pas en situation défensive. Ils croient en<br />
<strong>le</strong>ur avenir et ils souhaitent faire partager cette<br />
conviction à tous, notamment aux décideurs politiques,<br />
administratifs, économiques et médiatiques. Tel est<br />
l’objet de la première tab<strong>le</strong> ronde en votre présence,<br />
madame la Ministre. Vous interviendrez en conclusion<br />
et pour porter <strong>le</strong> message du Gouvernement sur <strong>le</strong>s<br />
enjeux de l’aménagement du territoire et la réf<strong>le</strong>xion<br />
portée par vous-même et vos services.<br />
Changer <strong>le</strong>s représentations sur <strong>le</strong>s espaces ruraux est<br />
un enjeu important, notamment, je <strong>le</strong> disais, auprès<br />
des élites. Il faut qu’el<strong>le</strong>s deviennent fières de la
uralité française. Pour changer <strong>le</strong> regard, il nous faut<br />
revisiter <strong>le</strong>s données, notamment statistiques, mettre<br />
en perspective <strong>le</strong>s références actuel<strong>le</strong>s qui doivent être<br />
questionnées pour mieux prendre en compte la réalité<br />
de la France. Tel est l’objet de l’intervention de<br />
Christophe Guilluy. Il nous faut comprendre éga<strong>le</strong>ment<br />
<strong>le</strong>s attentes de nos concitoyens, qu’ils soient ruraux ou<br />
urbains. Tel est <strong>le</strong> travail que nous avons mené avec<br />
l’Institut Médiascopie depuis plusieurs mois et qui vous<br />
sera présenté.<br />
A partir de ces attentes, il sera possib<strong>le</strong> de construire <strong>le</strong><br />
récit de la ruralité du XXIème sièc<strong>le</strong> et de participer à la<br />
construction du sens et de l’avenir de la France à<br />
travers <strong>le</strong>s caractéristiques particulières de notre pays<br />
représentées par son espace rural. Cette ruralité est, en<br />
effet, l’une des caractéristiques historiques, politiques<br />
et géographiques de la France. El<strong>le</strong> a fondé la<br />
République et construit <strong>le</strong>s mentalités. El<strong>le</strong> offre<br />
aujourd’hui à notre pays un avantage réel. La France a<br />
<strong>le</strong> plus bel espace rural d’Europe par sa superficie, par<br />
sa diversité, par ses ressources humaines qui la<br />
composent et par ses ressources naturel<strong>le</strong>s. C’est, pour<br />
emprunter <strong>le</strong> langage des adeptes de la compétition,<br />
un « avantage concurrentiel » qu’il ne nous faut pas<br />
négliger, notamment sur <strong>le</strong> plan économique. Ce sera<br />
<strong>le</strong> thème de la tab<strong>le</strong> ronde de cet après-midi :<br />
économie et ruralité.<br />
Nos territoires ruraux ont une vocation économique, qui<br />
n’est pas simp<strong>le</strong>ment une vocation de production<br />
agrico<strong>le</strong> ou forestière, voire de ressourcement pour<br />
citadins fatigués. Nos territoires ruraux ont une place<br />
réel<strong>le</strong> en matière d’économie verte. Nos territoires<br />
ruraux présentent éga<strong>le</strong>ment des avantages pour <strong>le</strong>s<br />
<strong>grand</strong>es entreprises qui y sont installées si el<strong>le</strong>s savent<br />
en tirer parti. Nos territoires ruraux ont une histoire<br />
industriel<strong>le</strong>, une actualité industriel<strong>le</strong> et ils revendiquent<br />
un avenir industriel.<br />
C’est, par ail<strong>le</strong>urs, la question de la valorisation des<br />
aménités, c’est-à-dire ce que nos territoires ruraux<br />
apportent à l’ensemb<strong>le</strong> de la société. Je prendrai comme<br />
seul exemp<strong>le</strong> la question de la filtration de l’eau et de<br />
l’air, une fonction très peu valorisée sur <strong>le</strong> plan financier<br />
et très peu prise en compte dans <strong>le</strong>s apports de nos<br />
territoires à l’ensemb<strong>le</strong> du pays et,<br />
au-delà même, au monde. Pour ne prendre qu’une seu<strong>le</strong><br />
illustration de mon propos, savez-vous que <strong>le</strong> bois extrait<br />
de la forêt ne représenterait, selon de récentes études<br />
sérieuses, que 10 % de la va<strong>le</strong>ur réel<strong>le</strong> et de l’apport à<br />
notre société ? C’est dire l’immensité du travail à<br />
accomplir sur ce sujet-là !<br />
«Les ruralités sont un atout<br />
pour la France et peuvent<br />
participer au redressement<br />
de notre pays !»<br />
Nous sommes au cœur des enjeux du développement<br />
durab<strong>le</strong>. Alors, oui, la ruralité a du potentiel ! Oui, <strong>le</strong>s<br />
ruralités sont modernes et créatrices ! Oui, <strong>le</strong>s ruralités<br />
sont en mesure de construire <strong>le</strong>ur développement ! Oui,<br />
<strong>le</strong>s ruralités sont un atout pour la France et peuvent<br />
participer, plus que certains ne <strong>le</strong> pensent, au<br />
redressement de notre pays ! A ce titre, el<strong>le</strong>s sont prêtes<br />
à se prendre en charge. C’est ce que nous faisons au<br />
quotidien. C’est ce que nous exprimons depuis deux ans<br />
avec <strong>le</strong> rassemb<strong>le</strong>ment progressif de départements,<br />
aujourd’hui au nombre de 34. C’est ce que nous avons<br />
exprimé l’an dernier à Vichy, mais éga<strong>le</strong>ment en<br />
décembre dernier avec ce rapport sur <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s<br />
ruralités qui a été très bien accueilli. C’est ce que nous<br />
allons exprimer aujourd’hui à travers nos échanges.<br />
Je souhaite donc que cette journée apparaisse comme <strong>le</strong><br />
lancement national d’un « printemps des territoires »<br />
vivants, déterminés, exigeants avec eux-mêmes et à<br />
l’égard de l’Etat qui doit mettre en place une vraie<br />
politique de la ruralité. Nous sommes, quant à nous,<br />
prêts à nous engager avec lui dans un vrai pacte pour <strong>le</strong><br />
développement économique et la création d’emplois.<br />
Bonne journée à toutes et à tous !<br />
(Applaudissements)<br />
»<br />
11
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Patrice Joly, vous évoquiez <strong>le</strong> colloque de Vichy<br />
qui s’est tenu voilà juste un an. Il a marqué <strong>le</strong><br />
lancement d’un mouvement fédérateur.<br />
Dites-nous ce qui, depuis, a changé concrètement<br />
dans vos revendications et votre état d’esprit ?<br />
«Il a d’abord changé notre regard. Il se trouve que,<br />
depuis, ce mouvement a témoigné de la vitalité et de<br />
la force de ces territoires ruraux et <strong>le</strong>s pouvoirs publics<br />
ont pris en compte notre démarche. Nous avons été<br />
reçus à différentes occasions par <strong>le</strong>s ministres en<br />
charge de ces questions, ainsi qu’à Matignon et à la<br />
Présidence de la République sur ces thèmes de la<br />
ruralité.<br />
«Il nous faut bouscu<strong>le</strong>r<br />
notre regard»<br />
Néanmoins, <strong>le</strong> travail reste à réaliser. Il nous faut<br />
continuer à « labourer » et à être déterminés parce<br />
que nous affichons une revendication que nous<br />
n’avons pas pu obtenir. Début avril, avec mes trois<br />
autres collègues du Centre de la France, nous avions<br />
adressé une demande visant à instaurer un véritab<strong>le</strong><br />
ministère de la ruralité, à l’instar du ministère en<br />
charge de la vil<strong>le</strong>. Certes, madame la ministre, il existe<br />
un ministère de l’Egalité des territoires, sauf qu’un<br />
ministre dédié à la ruralité serait à même, en<br />
participant aux discussions, de « bouscu<strong>le</strong>r » et de<br />
faire pencher <strong>le</strong>s arbitrages juridiques et d’orientation<br />
politique, mais éga<strong>le</strong>ment budgétaires en faveur de<br />
nos territoires ruraux.<br />
Faire en sorte que la ruralité puisse être prise en<br />
compte au plus haut niveau, parmi <strong>le</strong>s dirigeants que<br />
nous sollicitons et interpellons, reste l’une de nos<br />
priorités. C’est la raison pour laquel<strong>le</strong> je pense que plus<br />
nous serons nombreux dans cette démarche, plus <strong>le</strong><br />
mouvement qui ne fait que commencer fera bou<strong>le</strong> de<br />
neige. Il nous faut donc continuer en ce sens pour<br />
pouvoir peser. Nous ne représentons pas 20 % de la<br />
population. Non ! Selon <strong>le</strong>s critères, et comme <strong>le</strong><br />
rappel<strong>le</strong> Christophe Guilluy lui-même, nous<br />
représentons <strong>le</strong>s communes de moins de 10 000<br />
habitants, <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s pèsent 60 % de la population<br />
française. Même si certaines font partie de métropo<strong>le</strong>s,<br />
ce n’est pas la même chose que de considérer que <strong>le</strong>s<br />
métropolitains représentent 80 % de la population, en<br />
tout cas que 80 % d’habitants vivent dans des <strong>grand</strong>es<br />
vil<strong>le</strong>s.<br />
Il nous faut bouscu<strong>le</strong>r notre regard et nous y<br />
»<br />
participons depuis maintenant quelques mois.<br />
(Applaudissements)<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Merci, Patrice Joly, de nous aider à<br />
bouscu<strong>le</strong>r <strong>le</strong> regard !<br />
12
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Le Président de l’ADF, M. Claudy Lebreton, retenu par<br />
un impératif gouvernemental, est représenté par son<br />
trésorier M. Patrick Kanner, Président du Conseil<br />
général du plus <strong>grand</strong> département de France, <strong>le</strong><br />
Nord, avec 2,6 millions d’habitants. Contrairement à<br />
ce que certains pourraient croire, il ne s’agit pas d’un<br />
département urbain, <strong>le</strong> Nord comptant 600 000<br />
ruraux.<br />
Merci, monsieur <strong>le</strong> Président, de nous avoir rejoints<br />
pour témoigner du regard et de la voix de l’ADF !<br />
Merci éga<strong>le</strong>ment de vous joindre au mouvement !<br />
«Madame la Ministre, madame la Préfète, mesdames,<br />
messieurs <strong>le</strong>s Par<strong>le</strong>mentaires, mesdames, messieurs,<br />
chers collègues, élus territoriaux, monsieur <strong>le</strong> Maire,<br />
mesdames, messieurs, cher Patrice, cher Jean-Pierre,<br />
cher Jean-Paul, cher Jean-Jacques, vous qui êtes <strong>le</strong>s<br />
initiateurs de cette rencontre, je veux, en ouverture de<br />
mon propos, tout d’abord excuser <strong>le</strong> Président de<br />
l’Assemblée des Départements de France, Claudy<br />
Lebreton. Je sais qu’il aurait été très heureux d’être là<br />
parmi nous et avec vous pour cette journée<br />
importante, mais un congrès est une chose et une<br />
visite ministériel<strong>le</strong> en est une autre et il est retenu<br />
dans <strong>le</strong>s Côtes-d’Armor. Je tiens à lui rendre un<br />
hommage vibrant pour la détermination qui est la<br />
sienne, pour <strong>le</strong> cap qu’il fixe à l’ADF dans un moment<br />
de <strong>grand</strong>es turbu<strong>le</strong>nces. Le combat qu’il mène est<br />
juste. J’essayerai de rappe<strong>le</strong>r aujourd’hui la mission<br />
qu’il nous a demandé de porter devant vous. C’est<br />
donc en son nom que j’interviens aujourd’hui, mais<br />
aussi en tant que Président d’un département, <strong>le</strong> Nord,<br />
qui adhère à la démarche engagée par <strong>le</strong>s<br />
départements de la Nièvre, de l’Allier, du Cher et de la<br />
Creuse, avec <strong>le</strong> soutien sans réserve de l’ADF.<br />
possède éga<strong>le</strong>ment et fort heureusement un espace<br />
rural dans <strong>le</strong>quel vivent quelque 600 000 habitants,<br />
soit un nordiste sur quatre. Mesdames, messieurs,<br />
vous avez devant vous <strong>le</strong> Président du plus <strong>grand</strong><br />
département rural de France !<br />
Je concède que la ruralité se vit différemment en<br />
fonction de la densité de population et, par voie de<br />
conséquence, de la densité des services à la<br />
population. Néanmoins, excepté peut-être pour Paris et<br />
ses départements limitrophes, tous <strong>le</strong>s départements<br />
– je dis bien tous – entretiennent avec la ruralité des<br />
liens fidè<strong>le</strong>s et privilégiés, attentifs qu’ils sont à gérer<br />
<strong>le</strong>s équilibres subtils entre <strong>le</strong>s différents usages et <strong>le</strong>s<br />
différentes fonctions qui composent la richesse d’un<br />
territoire. Ces politiques de proximité, appréciées pour<br />
<strong>le</strong>ur pertinence, sont éga<strong>le</strong>ment créatrices d’identité et<br />
de diversité. « L’unité n’est pas l’uniformité ».<br />
Rappelons-nous cette phrase de Lionel Jospin dans la<br />
vision qui était la sienne de la décentralisation.<br />
M. Patrick KANNER<br />
Trésorier de l’Assemblée<br />
des Départements de France<br />
et président du Conseil<br />
général du Nord<br />
«Il y a une vie en dehors des<br />
métropo<strong>le</strong>s, et la ruralité est<br />
l’un des éléments de l’ADN<br />
de notre République !»<br />
Cette précision me permet d’ail<strong>le</strong>urs de <strong>le</strong>ver, si besoin<br />
est, une ambiguïté : <strong>le</strong> Nord, plus <strong>grand</strong> département<br />
de France par sa population, comme il vient d’être<br />
rappelé, réputé à juste titre industriel et urbain,<br />
13
« Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités – Campagnes, <strong>le</strong> <strong>grand</strong> <strong>pari</strong> », <strong>le</strong><br />
titre du rapport de la mission « Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités »<br />
m’apparaît particulièrement bien choisi car au-delà du<br />
jeu de mots qui sonne naturel<strong>le</strong>ment à l’oreil<strong>le</strong>, en<br />
référence à notre <strong>grand</strong>e métropo<strong>le</strong> nationa<strong>le</strong>, <strong>le</strong><br />
« <strong>grand</strong> <strong>pari</strong> » représentait pour moi d’abord celui de<br />
«La ruralité est une réalité<br />
géographique qui présente<br />
plus d’atouts que de<br />
faib<strong>le</strong>sses»<br />
l’optimisme, du volontarisme, de l’audace, de la<br />
capacité à construire. Autant de qualités qui<br />
caractérisent <strong>le</strong>s élus, agents publics et acteurs locaux<br />
qui œuvrent quotidiennement au maintien d’une ruralité<br />
vivante, avec un <strong>le</strong>itmotiv fort et constant : agir pour <strong>le</strong>s<br />
solidarités socia<strong>le</strong> et territoria<strong>le</strong>.<br />
Oui, mes chers collègues, mesdames, messieurs, il y a<br />
une vie en dehors des métropo<strong>le</strong>s, et la ruralité est l’un<br />
des éléments de l’ADN de notre République !<br />
Oui, <strong>le</strong> « <strong>grand</strong> <strong>pari</strong> », notre et votre « <strong>grand</strong> <strong>pari</strong> » est<br />
de rappe<strong>le</strong>r haut et fort que la ruralité est une réalité<br />
géographique qui présente plus d’atouts que de<br />
faib<strong>le</strong>sses, pour autant que l’on sache faire fructifier ces<br />
atouts. Votre « <strong>grand</strong> <strong>pari</strong> » est de démontrer qu’il<br />
existe bien une ruralité dynamique et attractive, capab<strong>le</strong><br />
d’innover et d’apporter une contribution essentiel<strong>le</strong> au<br />
développement économique durab<strong>le</strong> des territoires car<br />
l’innovation, maître mot d’une économie moderne, ne<br />
saurait être l’apanage de <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s.<br />
L’innovation est et doit demeurer l’affaire de tous !<br />
Les idées germent au sein des territoires et se diffusent<br />
sans <strong>grand</strong> bruit médiatique sauf aujourd’hui !<br />
(Sourires) via <strong>le</strong>s réseaux d’élus et de fonctionnaires<br />
transformant ces idées nouvel<strong>le</strong>s en actions durab<strong>le</strong>s.<br />
Le rapport de la mission « Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités », dont je<br />
tiens à souligner la qualité au nom du Président<br />
Lebreton, identifie 25 propositions cohérentes et<br />
constructives, qui méritent d’être largement relayées à<br />
tous <strong>le</strong>s niveaux de décision. C’est aussi l’enjeu de notre<br />
rencontre de ce jour. Certaines font déjà l’objet<br />
d’expérimentations. Il en est une qui m’apparaît<br />
particulièrement centra<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s territoires : <strong>le</strong><br />
développement des réseaux numériques sans <strong>le</strong>squels<br />
<strong>le</strong>s territoires ruraux pourraient connaître un déclin<br />
irrémédiab<strong>le</strong>. L’enjeu est très important car, à l’opposé<br />
d’un discours optimiste et volontariste sur <strong>le</strong>s atouts de<br />
la ruralité, il convient aussi de considérer que ces<br />
territoires peuvent aussi bien, si l’on n’en prend pas<br />
garde, devenir sans bruit des territoires de relégation, de<br />
déclassement, ce que, bien naturel<strong>le</strong>ment, nous ne<br />
voulons pas.<br />
Ces territoires ne veu<strong>le</strong>nt pas et ne réclament pas de la<br />
compassion, mais simp<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s outils de l’équité <strong>le</strong>ur<br />
permettant d’agir. Là encore, c’est bien aux<br />
départements qu’il revient aujourd’hui de faire en sorte<br />
qu’aucun territoire ne soit victime de ce phénomène de<br />
relégation.<br />
«Ces territoires veu<strong>le</strong>nt<br />
<strong>le</strong>s outils de l’équité <strong>le</strong>ur<br />
permettant d’agir»<br />
Dans <strong>le</strong> contexte d’une réforme annoncée qui prévoit<br />
l’évaporation <strong>le</strong>nte des départements, laquel<strong>le</strong> a<br />
commencé voilà dix ans avec notre asphyxie financière<br />
progressive et pourrait continuer par une<br />
« dévitalisation », mot utilisé par André Vallini,<br />
permettez au Président d’une col<strong>le</strong>ctivité<br />
départementa<strong>le</strong> ce rappel : depuis la décentralisation<br />
engagée par un <strong>grand</strong> Premier ministre, Pierre Mauroy,<br />
ces départements n’ont pas cessé depuis trente ans de<br />
promouvoir <strong>le</strong>s solidarités socia<strong>le</strong> et territoria<strong>le</strong>, de<br />
conforter et de consolider <strong>le</strong>s services publics locaux, de<br />
travail<strong>le</strong>r à la mise en va<strong>le</strong>ur des patrimoines naturel et<br />
culturel, d’encourager <strong>le</strong>s initiatives loca<strong>le</strong>s tout en<br />
respectant l’autonomie de <strong>le</strong>urs partenaires locaux.<br />
Permettez-moi aussi de dire, quelque peu ému,<br />
combien je suis b<strong>le</strong>ssé d’entendre certains<br />
commentaires visant des élus départementaux, élus de<br />
la République qualifiés parfois de « conservateurs »,<br />
voire « d’archaïques », l’expression même<br />
« d’archéo-notab<strong>le</strong>s » ayant pu être utilisée et relatée<br />
dans un hebdomadaire satirique bien connu, sortant <strong>le</strong><br />
mercredi… (Sourires)<br />
« Conservateurs », <strong>le</strong>s 4 000 conseil<strong>le</strong>rs généraux ?<br />
Quel<strong>le</strong> question, alors même que nous avons et que<br />
vous avez p<strong>le</strong>in d’idées pour améliorer la vie de nos<br />
concitoyens dans la coopération, la concertation et<br />
l’optimisation de la dépense publique !<br />
« Conservateurs », <strong>le</strong>s 285 000 fonctionnaires<br />
territoriaux ? Bien évidemment, non, mais sûrement<br />
déçus, incrédu<strong>le</strong>s et légitimement inquiets sur <strong>le</strong>ur<br />
devenir.<br />
« Les départements ont vécu » a dit notre Président de<br />
la République, mon ami politique François Hollande…<br />
Tout juste pourrait-on <strong>le</strong>ur concéder au moins d’avoir<br />
été de bons et loyaux serviteurs de la nation, endossant<br />
durant de longues années, sans rechigner, de lourdes<br />
charges financières dont l’Etat s’est dé<strong>le</strong>sté sans en<br />
assurer la compensation intégra<strong>le</strong>. Je pense notamment<br />
au financement des trois allocations individuel<strong>le</strong>s de<br />
solidarité. (Applaudissements)<br />
14
Mes chers collègues, mesdames, messieurs, des<br />
économies sont à faire, sans nul doute ! La signature<br />
de la France est en jeu, mais nous sommes déjà<br />
engagés, et ce sera dur, avec l’ensemb<strong>le</strong> des<br />
col<strong>le</strong>ctivités territoria<strong>le</strong>s à hauteur de 11 Mds€ dans<br />
l’effort de redressement national qui nous attend. Mais<br />
je n’oublie pas, et <strong>le</strong> Président Lebreton m’en fera <strong>le</strong><br />
reproche, de rappe<strong>le</strong>r aussi <strong>le</strong>s 47 Mds€ déjà<br />
économisés par l’Etat au travers des différents<br />
transferts de compétences assumés depuis dix ans<br />
notamment par <strong>le</strong>s départements.<br />
Al<strong>le</strong>r plus loin et dans quel<strong>le</strong>s conditions ?<br />
Prenons garde que <strong>le</strong> « big-bang territorial » ne casse<br />
des savoir-faire et des dynamiques constructives ou<br />
qu’a contrario, il ne s’accompagne d’un long cortège<br />
de faux frais qui ira in fine à l’encontre des objectifs de<br />
compétitivité annoncés !<br />
Oui, mes chers collègues, il y a une vérité en dehors<br />
des diktats de Bercy et de ces thuriféraires prompts à<br />
nous regarder avec suffisance, voire avec mépris. Mais<br />
prenons garde surtout à ce que cela ne conduise in fine<br />
à un appauvrissement démocratique par <strong>le</strong> seul fait<br />
d’éloigner davantage <strong>le</strong>s citoyens des instances<br />
décisionnel<strong>le</strong>s ! Cette forme de déstructuration<br />
territoria<strong>le</strong> fait bien aujourd’hui <strong>le</strong>s affaires de<br />
l’idéologie nationa<strong>le</strong> populiste qui se nourrit des<br />
inquiétudes et de la perte de repères de nos<br />
concitoyens.<br />
Au contraire, la décentralisation doit être l’occasion de<br />
« revitaliser » notre démocratie et nous en avons bien<br />
besoin si l’on considère <strong>le</strong>s résultats comparés des<br />
dernières é<strong>le</strong>ctions.<br />
La position de l’ADF est simp<strong>le</strong> et claire : nous sommes<br />
favorab<strong>le</strong>s à une réforme territoria<strong>le</strong> concertée,<br />
réel<strong>le</strong>ment décentralisatrice, accompagnée d’une<br />
clarification des compétences des différents niveaux de<br />
col<strong>le</strong>ctivités et aussi d’une redéfinition du rô<strong>le</strong> de l’Etat<br />
qui ne peut échapper à l’évaluation de sa pertinence<br />
territoria<strong>le</strong>.<br />
Dans une France composée demain de <strong>grand</strong>es régions<br />
et avec des intercommunalités qui mettront beaucoup<br />
de temps à atteindre une tail<strong>le</strong> critique, un niveau<br />
intermédiaire, sans doute à réinventer, à redéfinir, à<br />
réécrire, demeure indispensab<strong>le</strong>. Il y a un équilibre à<br />
trouver entre un « jardin à la française » trop figé et un<br />
« mécano territorial » sans cap !<br />
«Il y a un équilibre à trouver<br />
entre un jardin à la française<br />
trop figé et un mécano<br />
territorial sans cap !»<br />
Puisqu’un sursis nous est accordé, mes chers collègues,<br />
chers amis, nous allons <strong>le</strong> dire et <strong>le</strong> redire au<br />
Gouvernement et aux par<strong>le</strong>mentaires qui auront la<br />
lourde responsabilité d’examiner en quelques semaines<br />
deux projets de loi, oui, une alternative peut se<br />
construire en dehors de la démocratie d’opinion.<br />
Nous commencerons par <strong>le</strong>ur raconter une histoire :<br />
« Il était une fois une France rura<strong>le</strong> »… et nous en<br />
sommes tous issus.<br />
Alors, madame la Ministre, je vous en conjure, sachez<br />
entendre cette histoire, tout simp<strong>le</strong>ment cel<strong>le</strong> de<br />
l’intelligence territoria<strong>le</strong>. (Applaudissements)»<br />
15
« Il était une fois une France rura<strong>le</strong> » et il sera<br />
demain une France rura<strong>le</strong>. Sans transition, je vous<br />
invite à ouvrir <strong>le</strong> débat dans <strong>le</strong> cadre de la tab<strong>le</strong><br />
ronde de cette matinée, sur <strong>le</strong> thème :<br />
« Les élites et la ruralité », changeons de regard !<br />
Mesdames, messieurs, je commencerai par vous<br />
poser une question d’actualité à chacun et chacune<br />
d’entre vous, cel<strong>le</strong> concernant la réforme territoria<strong>le</strong><br />
évoquée à l’instant par Patrick Kanner : la carte des<br />
14 régions, <strong>le</strong> débat sur l’intercommunalité, « <strong>le</strong><br />
sursis accordé aux départements », pour reprendre<br />
ses termes, et l’appel lancé à ses collègues pour<br />
préparer la riposte.<br />
Quels commentaires vous inspire cette réforme<br />
territoria<strong>le</strong>, madame Combe de la Funte Martinez ?<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
16
M me . Hélène COMBE DE LA<br />
FUNTE MARTINEZ<br />
Observatoire de la décision publique,<br />
déléguée généra<strong>le</strong><br />
de la chaire partenaria<strong>le</strong><br />
« Développement humain durab<strong>le</strong><br />
et territoires »<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
«Connaissant, par mon parcours de vie, <strong>le</strong> milieu à la<br />
fois rural et urbain et travaillant sur <strong>le</strong>s questions<br />
territoria<strong>le</strong>s depuis plus de vingt-cinq ans, désolée,<br />
madame la Ministre, mais je suis atterrée. J’ai honte<br />
pour l’Ouest dans <strong>le</strong>quel j’habite depuis quatre ans, qui<br />
n’a pas su trouver de la cohésion.<br />
«J’ai honte à l’égard<br />
de la question de la<br />
démocratie»<br />
Je suis triste pour <strong>le</strong> Nord-Pas-de-Calais, région dans<br />
laquel<strong>le</strong> j’ai éga<strong>le</strong>ment résidé, mais aussi pour la<br />
Haute-Normandie qui a plus à voir avec la Picardie et <strong>le</strong><br />
Nord Pas de-Calais qu’avec la Basse-Normandie,<br />
laquel<strong>le</strong> a plus à voir avec la Bretagne.<br />
J’ai honte éga<strong>le</strong>ment à l’égard de la question de la<br />
démocratie.<br />
Enfin, si réforme territoria<strong>le</strong> il y a, il serait peut-être<br />
temps de s’occuper des 36 000 communes – je<br />
rappel<strong>le</strong> que l’Afrique du Sud, d’une superficie de plus<br />
de 2,5 fois la France en compte 240 – et d’en par<strong>le</strong>r<br />
en termes d’économies d’échel<strong>le</strong>. En revanche, je crois<br />
fondamenta<strong>le</strong>ment à la place des départements,<br />
notamment dans des régions plus <strong>grand</strong>es, et ce à<br />
plusieurs titres et, en particulier, en tant que<br />
Vice-présidente de<br />
»<br />
la Sauvegarde de l’enfance de<br />
Loire-Atlantique.<br />
Voilà, c’est dit ! Nous sommes là pour un<br />
débat sans concession.<br />
Marie-Françoise Bechtel, m’adressant à une<br />
ancienne directrice de l’ENA et une députée<br />
issue du MRC, en tant que simp<strong>le</strong> journaliste<br />
j’aurais d’emblée tendance à penser<br />
jacobinisme et centralisation.<br />
M me . Marie-Françoise<br />
BECHTEL<br />
Directrice de l’ENA de 2000 à 2002,<br />
députée de l’Aisne<br />
«Je vais aggraver mon cas parce que je suis éga<strong>le</strong>ment<br />
née et j’ai été é<strong>le</strong>vée dans un territoire très rural en<br />
Béarn, dans <strong>le</strong> département des Pyrénées-Atlantiques.<br />
J’appartiens d’ail<strong>le</strong>urs à la première génération qui,<br />
depuis 250 ans, n’y réside plus. J’aggrave mon cas en<br />
ce sens que c’est, en réalité, un territoire assez<br />
jacobin, pas du tout conscient qu’il a donné un roi à la<br />
France, et un territoire qui a fina<strong>le</strong>ment une relation<br />
apaisée avec l’Etat. Je vais donc vous décevoir, en tout<br />
cas ne pas vous surprendre.<br />
«Nous sommes pour <strong>le</strong><br />
département, quitte à<br />
envisager un regroupement<br />
des départements par deux»<br />
Pour moi qui suis élue, <strong>le</strong> mot République et <strong>le</strong> sens de<br />
l’unité nationa<strong>le</strong> ont une résonance particulière, mais<br />
Jean-Pierre Chevènement qui est la tête de notre parti<br />
a une dimension souvent méconnue : c’est un<br />
technocrate moderniste. Il s’est d’ail<strong>le</strong>urs exprimé sur<br />
la réforme de l’Etat et lorsqu’il était ministre de<br />
l’Intérieur, comme chacun <strong>le</strong> sait, il a donné à<br />
l’intercommunalité sa p<strong>le</strong>ine extension. A ce titre, nous<br />
sommes très intéressés par tout ce qui est<br />
modernisation, surtout dans une perspective de<br />
redressement économique.<br />
Par conséquent, pour répondre à votre question, nous<br />
ne sommes pas opposés à une <strong>grand</strong>e réforme<br />
territoria<strong>le</strong> à la condition que <strong>le</strong>s régions ne deviennent<br />
pas de <strong>grand</strong>es féodalités, de surcroît dotées d’un<br />
17
pouvoir rég<strong>le</strong>mentaire. Nous sommes pour <strong>le</strong><br />
département, quitte à envisager un regroupement des<br />
départements par deux, comme l’avait d’ail<strong>le</strong>urs<br />
envisagé Michel Debré dans <strong>le</strong>s années 50, <strong>le</strong>quel<br />
s’était heurté à des résistances très fortes. Nous<br />
sommes aussi pour de <strong>grand</strong>es intercommunalités.<br />
«La question de l’égalité<br />
de traitement des citoyens<br />
est essentiel<strong>le</strong>»<br />
Nous portons une <strong>grand</strong>e attention sur tout ce qui est<br />
inégalité des territoires au sein de ces <strong>grand</strong>s espaces,<br />
de ces <strong>grand</strong>s interstices qui se dessineraient entre des<br />
métropo<strong>le</strong>s et même des intercommunalités et qui<br />
« siphonneraient » littéra<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s territoires. Pour<br />
nous, la question de l’égalité de traitement des<br />
citoyens est essentiel<strong>le</strong> et el<strong>le</strong> passe aussi par une<br />
définition républicaine des structures territoria<strong>le</strong>s.»<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Gérard-François Dumont, nous vous connaissons<br />
et nous vous lisons, vous <strong>le</strong> géographe au<br />
franc-par<strong>le</strong>r !<br />
Que pensez-vous des nouvel<strong>le</strong>s de cette<br />
semaine ?<br />
M. Gérard-François<br />
DUMONT<br />
Professeur de géographie à<br />
l’Université Paris IV Sorbonne,<br />
Président de la revue Population et<br />
Avenir<br />
«Tout d’abord, je suis creusois et je dois tout à la<br />
Creuse, même si ma carrière professionnel<strong>le</strong> me<br />
conduit dans d’autres contrées.<br />
Gouverner, réfléchir, être citoyen suppose d’avoir<br />
toujours présente à l’esprit cette phrase de Jean Jaurès<br />
dont nous commémorons cette année <strong>le</strong> centième<br />
anniversaire de l’assassinat : « Al<strong>le</strong>r à l’idéal et<br />
comprendre <strong>le</strong> réel ». C’est en considérant cette phrase<br />
qu’il faut examiner <strong>le</strong>s annonces politiques de ces<br />
derniers jours, en l’occurrence la diminution du nombre<br />
de régions, une division quasiment par un et demi.<br />
Le problème se pose donc ainsi : un autre pays<br />
démocratique considère-t-il que son avenir suppose de<br />
supprimer <strong>le</strong> tiers des régions ? La réponse est non !<br />
Autour de nous, aucun pays ne met en œuvre et<br />
n’envisage une tel<strong>le</strong> réforme.<br />
Par ail<strong>le</strong>urs, nos régions sont-el<strong>le</strong>s trop petites ? La<br />
réponse est éga<strong>le</strong>ment non ! La tail<strong>le</strong> moyenne des<br />
régions françaises aujourd’hui est supérieure à cel<strong>le</strong> des<br />
Länder al<strong>le</strong>mands. Je pourrais éga<strong>le</strong>ment prendre<br />
l’exemp<strong>le</strong> de l’Italie et de l’Espagne.<br />
Le Limousin qui compte <strong>le</strong> moins d’habitants, soit<br />
720 000, est-el<strong>le</strong> une région très petite en Europe ?<br />
Non ! Nombreuses sont <strong>le</strong>s régions qui, en Europe, ont<br />
moins d’habitants que <strong>le</strong> Limousin.<br />
«Quel<strong>le</strong> est la mission de<br />
l’Etat ? Faire un mécano<br />
institutionnel ?»<br />
Je pense donc que, de l’étranger, <strong>le</strong>s pays, s’ils<br />
savaient déjà que <strong>le</strong>s Français ne connaissaient pas la<br />
géographie, se rendent compte que c’est sans doute<br />
vrai ! En fait, et tel est <strong>le</strong> vrai problème, quel<strong>le</strong> est la<br />
mission de l’Etat dans une tel<strong>le</strong> affaire ? Faire un<br />
« mécano » institutionnel ? Ou créer <strong>le</strong>s conditions<br />
»<br />
permettant aux territoires de mieux se gouverner ?<br />
(Applaudissements)<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Gérard Peltre, même question !<br />
Que vous inspire cette réforme ?<br />
18
M me . Gérard PELTRE<br />
Président de l’association internationa<strong>le</strong><br />
Ruralité, Environnement et<br />
Développement, RED,<br />
et du Mouvement européen<br />
de la ruralité<br />
«Moi qui suis d’un naturel optimiste, cette réforme<br />
annoncée m’inquiète, déjà parce que se pose un<br />
problème d’agenda.<br />
Deux agendas doivent nous occuper en ce moment,<br />
l’agenda social et l’agenda européen, et j’ai<br />
l’impression que <strong>le</strong> tout est en décalage.»<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Précisons aux participants que, par votre<br />
présidence du réseau européen, vous travail<strong>le</strong>z<br />
beaucoup sur <strong>le</strong> thème de l’Europe. Vous êtes<br />
l’un des spécialistes de Ruralité et Europe. Vous<br />
avez ces exemp<strong>le</strong>s de nos pays voisins<br />
constamment sous <strong>le</strong>s yeux.<br />
la stratégie 2020 de l’Union européenne parce que la<br />
croissance inclusive par<strong>le</strong> aussi de cohésion territoria<strong>le</strong> et de<br />
cohésion socia<strong>le</strong>.<br />
«Le travail en réseau<br />
est à la base de<br />
l’organisation et du futur»<br />
«Exactement !<br />
L’agenda social demande que soit libéré du pouvoir<br />
d’agir. Les citoyens ont envie d’avoir des perspectives<br />
et non pas d’être engagés uniquement dans des<br />
réformes institutionnel<strong>le</strong>s.<br />
L’agenda européen nous invite à cette organisation<br />
territoria<strong>le</strong>. Je constate partout en Europe que peu<br />
importe l’échel<strong>le</strong> dans laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s uns et <strong>le</strong>s autres<br />
travail<strong>le</strong>nt. La France est observée comme étant un<br />
pays qui invente des solutions pour construire <strong>le</strong> futur,<br />
mais une France souvent absente au moment des<br />
»<br />
<strong>grand</strong>s rendez-vous. Actuel<strong>le</strong>ment, l’égalité des<br />
futur par <strong>le</strong> travail en réseau.<br />
territoires qui a un ministère en France est au cœur de<br />
Dans ces réformes institutionnel<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s uns et <strong>le</strong>s autres<br />
s’étaient fait à l’idée de la manière dont on est, mais ils<br />
nous attendent au bon rendez-vous.<br />
Cette réforme territoria<strong>le</strong> m’inquiète sur un point essentiel :<br />
on a l’impression que pour atteindre <strong>le</strong>s masses critiques, il<br />
suffit de construire des baronnies ou des principautés, alors<br />
que <strong>le</strong> travail en réseau est à la base de l’organisation et du<br />
futur. Précisément, nous avons toujours trouvé <strong>le</strong>s<br />
départements aux côtés des territoires pour construire ce<br />
19
20<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Hélène Combe de la Funte Martinez, travaillant au sein<br />
de l’observatoire de la décision publique dont la vocation<br />
est d’évaluer et de renouve<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s politiques publiques et<br />
<strong>le</strong>s organisations, vous avez un regard sur <strong>le</strong>s élites.<br />
Vous qui avez largement « bourlingué », accumulé <strong>le</strong>s<br />
expériences du journalisme, de l’agriculture, du travail<br />
social, du travail dans la fonction publique et <strong>le</strong>s<br />
col<strong>le</strong>ctivités, <strong>le</strong>s élites n’auraient-el<strong>le</strong>s pas tendance à<br />
vous « énerver » ?<br />
«La réforme territoria<strong>le</strong> est la<br />
résultante de cette notion<br />
d’élite, une uniformisation de<br />
la pensée»<br />
M me . Hélène COMBE DE LA<br />
FUNTE MARTINEZ<br />
Observatoire de la décision publique,<br />
déléguée généra<strong>le</strong><br />
de la chaire partenaria<strong>le</strong><br />
« Développement humain durab<strong>le</strong><br />
et territoires »<br />
«El<strong>le</strong>s ont une vision obsolète du monde et, là est <strong>le</strong><br />
problème, une vision très française du monde et un<br />
fonctionnement très français. Ce qui se passe en ce<br />
moment autour de la réforme territoria<strong>le</strong> qui constitue<br />
un vrai enjeu est la résultante de cette notion d’élite,<br />
laquel<strong>le</strong> amène la question des corporatismes et des<br />
baronnies, <strong>le</strong> favoritisme entre pairs au détriment du<br />
plus <strong>grand</strong> nombre et une uniformisation de la pensée.<br />
Je suis en batail<strong>le</strong> depuis plusieurs années sur la<br />
pensée unique de la densification de la vil<strong>le</strong>, qui<br />
conduit aujourd’hui des vil<strong>le</strong>s françaises à vouloir<br />
s’appe<strong>le</strong>r métropo<strong>le</strong>s, avec des egos démesurés. Le fait<br />
que Nantes veuil<strong>le</strong> se comparer à Barcelone donne à<br />
sourire.<br />
Cette vision unifiée de la densification de la vil<strong>le</strong><br />
amène à avoir des propos et des attitudes de l’élite qui<br />
considère <strong>le</strong> rural, soit comme <strong>le</strong> lieu de loisirs – « on<br />
vient user du loisir en <strong>campagne</strong> » –, soit comme un<br />
espace d’ajustement. C’est alors <strong>le</strong> rural « subi » pour<br />
ceux qui ne peuvent plus se loger en vil<strong>le</strong> et qui partent<br />
en rural comme si c’était une punition.<br />
Avec cette vision d’élite, c’est une perte de sens de<br />
l’intérêt col<strong>le</strong>ctif et une résistance aiguë au<br />
changement car ce sont <strong>le</strong>s élites, qu’el<strong>le</strong>s soient<br />
financières, politiques ou académiques, qui ont <strong>le</strong> plus<br />
à perdre dans <strong>le</strong> changement du monde.<br />
«Le fait que Nantes veuil<strong>le</strong><br />
se comparer à Barcelone<br />
donne à sourire»<br />
Dans <strong>le</strong> contexte des crises, mais aussi, et moi aussi je<br />
suis optimiste, de renouveau civilisationnel dans <strong>le</strong>quel<br />
nous pouvons nous positionner, il faut faire attention à<br />
trois défaitismes / fatalismes.<br />
L’un est stratégique et largement porté par l’élite :<br />
procéder à de l’ajustement car franchement, s’il était<br />
possib<strong>le</strong> de ne pas trop changer <strong>le</strong>s choses, ce ne serait<br />
quand même pas mal ! C’est alors s’adapter à la<br />
marge, avec des injonctions contradictoires. C’est ce<br />
que j’appel<strong>le</strong> la<br />
»<br />
stratégie d’évitement des questions<br />
fondamenta<strong>le</strong>s.<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
C’est, comme <strong>le</strong> disait Patrick Kanner,<br />
« brico<strong>le</strong>r <strong>le</strong> mécano ».
«<br />
Exactement<br />
!<br />
Vous avez aussi <strong>le</strong> fatalisme / défaitisme par paresse<br />
intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong> et citoyenne, qui concerne un plus <strong>grand</strong><br />
nombre. Considérant que c’est compliqué, pourquoi ne<br />
pas laisser faire, après tout ? Vous vous dites que,<br />
fina<strong>le</strong>ment, dans la majorité, personne ne s’en sort si<br />
mal, que cela vient d’ail<strong>le</strong>urs, qu’il n’existe pas d’autre<br />
schéma que la globalisation économique, etc.<br />
Vous avez encore <strong>le</strong> défaitisme / fatalisme par<br />
résignation et par impuissance, qui, là, concerne <strong>le</strong>s plus<br />
vulnérab<strong>le</strong>s.<br />
Le fatalisme stratégique me paraît <strong>le</strong> plus dangereux.<br />
C’est ce que j’appel<strong>le</strong> la « politique de la tour d’ivoire ».<br />
C’est, à mon avis, celui qui sera <strong>le</strong> plus diffici<strong>le</strong> à<br />
dépasser. Par contre, par rapport aux deux autres, ce sont<br />
tel<strong>le</strong>ment d’initiatives dans <strong>le</strong>s territoires et tel<strong>le</strong>ment<br />
d’inventions au titre de la solidarité pour <strong>le</strong>s plus<br />
vulnérab<strong>le</strong>s que l’on doit pouvoir passer à autre chose.»<br />
Dans <strong>le</strong>s débats, il est largement question de<br />
PIB et de chiffres. Vous évoquez <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de la<br />
finance, mais <strong>le</strong>s questions humaines et<br />
culturel<strong>le</strong>s semb<strong>le</strong>nt absentes.<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
«C’est là ma <strong>grand</strong>e batail<strong>le</strong> depuis toujours et c’est<br />
d’ail<strong>le</strong>urs un sujet inquiétant qui mérite d’être évoqué.<br />
«Mais à quel moment<br />
par<strong>le</strong>-t-on des populations ?»<br />
Par<strong>le</strong>r des territoires en France aujourd’hui, c’est par<strong>le</strong>r<br />
d’espaces géographiques et de dimensions administratives,<br />
mais à quel moment par<strong>le</strong>-t-on des populations ?<br />
Des territoires, ce sont avant tout des populations et<br />
des communautés d’acteurs à mobiliser. Il s’agit donc<br />
de reprendre la question des territoires à travers la<br />
création de communautés d’acteurs et de repenser <strong>le</strong><br />
territoire à partir, non seu<strong>le</strong>ment des politiques<br />
publiques, mais du rô<strong>le</strong> de chacun. C’est ce que<br />
j’appel<strong>le</strong> la démocratie collaborative. Patrick Kanner se<br />
référait tout à l’heure à la « démocratie d’opinion ».<br />
D’autres en réfèrent à la démocratie participative : faire<br />
avec vous et un peu avec vous depuis <strong>le</strong>s politiques<br />
publiques.<br />
Il faut al<strong>le</strong>r plus loin. Dans ce moment de transformation,<br />
chacun doit « faire » sa part, ce qui implique de<br />
différencier <strong>le</strong> temps du débat du temps des décisions.<br />
Il convient de s’orienter vers <strong>le</strong> développement d’un<br />
débat public très audacieux, dans <strong>le</strong>quel on se regarde<br />
en tant que citoyens multifacettes. Les élus sont aussi<br />
citoyens, parfois consommateurs, mais représentants<br />
et donc décideurs des politiques publiques. Inversement,<br />
un responsab<strong>le</strong> associatif a aussi par moment à<br />
être dans un rô<strong>le</strong> de citoyen parce que résidant dans un<br />
territoire et de prise de position politique au sens fort.<br />
C’est, par exemp<strong>le</strong>, la posture à la Sauvegarde de<br />
l’enfance, notre association ayant un rô<strong>le</strong> d’interpellation<br />
et de proposition politique, si bien que, par<br />
moment, nous décidons aussi.<br />
«Chacun doit faire<br />
sa part»<br />
C’est aussi la nécessité, en toi<strong>le</strong> de fond, d’introduire la<br />
question du rendu compte mutuel. Je pense<br />
qu’aujourd’hui, nous ne sommes pas assez exigeants<br />
en tant que citoyens et é<strong>le</strong>cteurs dans la demande de<br />
rendu compte vis-à-vis des politiques publiques, mais<br />
inversement, il peut nous être demandé<br />
»<br />
à nous aussi<br />
ce que l’on a fait, là où l’on est.<br />
21
22<br />
Fina<strong>le</strong>ment, vous posez directement la<br />
question de la gouvernance.<br />
Dans un bref raccourci, <strong>le</strong>s élites<br />
s’approprient-el<strong>le</strong>s la gouvernance au<br />
détriment de la « démocratie<br />
collaborative » que vous évoquiez ? Je<br />
dis bien <strong>le</strong>s élites et non pas <strong>le</strong>s élus.<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
«Le terme de gouvernance nous vient, non pas des<br />
entreprises anglo-saxonnes, tel qu’il est dit, mais des<br />
bailliages de Flandres au XVème sièc<strong>le</strong>, dans <strong>le</strong> sens<br />
de gouverner ensemb<strong>le</strong> <strong>le</strong>s territoires. Or, qui dit<br />
gouverner ensemb<strong>le</strong> <strong>le</strong>s territoires, dit aujourd’hui, à<br />
l’inverse, centralisation de la décision.<br />
La relégitimation des politiques publiques passera, à<br />
mon avis, sinon par un retour à la gouvernance dans<br />
quelques endroits, en tout cas par l’invention de ces<br />
nouvel<strong>le</strong>s gouvernances, mais là encore, dans une<br />
responsabilité partagée.<br />
«On attend encore trop<br />
souvent que <strong>le</strong> débat public<br />
soit organisé par <strong>le</strong>s<br />
pouvoirs publics»<br />
Il est un fait que certains s’accaparent la décision, mais<br />
pour l’instant, peu de mouvements sont là pour<br />
revendiquer la mise en place du débat public d’autres<br />
façons. J’estime que l’on attend encore trop souvent<br />
que <strong>le</strong> débat public soit organisé par <strong>le</strong>s pouvoirs<br />
publics, <strong>le</strong>squels peuvent, certes, en organiser, mais <strong>le</strong><br />
débat public peut aussi démarrer d’ail<strong>le</strong>urs.<br />
Le tout nous amène éga<strong>le</strong>ment à la question : la<br />
gouvernance, pour quoi faire ?<br />
Ces nouvel<strong>le</strong>s ruralités peuvent envisager d’être des<br />
laboratoires collaboratifs. Je vous rappel<strong>le</strong> que «<br />
l’harmonie entre <strong>le</strong>s humains et l’harmonie entre <strong>le</strong>s<br />
humains et la nature » est la définition de la<br />
Commission mondia<strong>le</strong> du développement durab<strong>le</strong> de<br />
1988. Je vous rappel<strong>le</strong> aussi que nous avons une loi<br />
fondatrice en France sur la question du développement<br />
durab<strong>le</strong> dont on ne par<strong>le</strong> jamais en ces termes, la loi<br />
du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance.<br />
Selon cette loi, la question de la bientraitance des<br />
enfants est un sujet majeur de société auquel il<br />
convient à chacun de prendre sa part.<br />
Si <strong>le</strong> développement durab<strong>le</strong>, c’est prendre soin des<br />
générations émergentes et futures, cette loi est au<br />
moins aussi importante que <strong>le</strong>s lois Grenel<strong>le</strong> et l’on<br />
oublie toujours de dire qu’el<strong>le</strong> relève<br />
»<br />
des<br />
départements. (Applaudissements)<br />
Fina<strong>le</strong>ment, nous sommes là pour nous interroger :<br />
<strong>le</strong>s élites n’ont-el<strong>le</strong>s pas peur de la ruralité ?<br />
Marie-Françoise Bechtel, vous aviez écrit voilà<br />
quelque temps dans Marianne : « Les élites françaises<br />
ont honte de la France », au sens de la nation.<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
M me . Marie-Françoise<br />
BECHTEL<br />
Directrice de l’ENA de 2000 à 2002,<br />
députée de l’Aisne<br />
«Oui, je l’ai dit et je <strong>le</strong> maintiens, mais il faut déjà<br />
savoir de quel<strong>le</strong>s élites nous parlons compte tenu de<br />
<strong>le</strong>ur diversité. Vous avez <strong>le</strong>s élites économiques qui, en<br />
réalité, tiennent <strong>le</strong> haut du pavé, <strong>le</strong>s élites administratives<br />
qui, bien malheureusement, sont en vase<br />
communicant avec <strong>le</strong>s premières, <strong>le</strong>s élites<br />
médiatiques qui jouent aussi <strong>le</strong>ur rô<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s élites au<br />
travers, je m’excuse de <strong>le</strong> dire, de <strong>grand</strong>s barons<br />
locaux.<br />
Qu’ai-je essayé de dire dans cet artic<strong>le</strong> qui, du reste,<br />
m’a valu des retours en nombre extraordinaire ? Je ne<br />
m’attendais pas à de tels retours de personnes aussi<br />
différentes entre el<strong>le</strong>s d’ail<strong>le</strong>urs, y compris des élites<br />
el<strong>le</strong>s-mêmes ! J’ai essayé de dire qu’à un moment, <strong>le</strong>s<br />
élites, notamment politiques et administratives,<br />
prenaient en charge l’avenir de la nation avec énergie.<br />
C’était l’époque de la DATAR, mais aussi,<br />
rappe<strong>le</strong>z-vous, des métropo<strong>le</strong>s d’équilibre dont on<br />
pensait qu’el<strong>le</strong>s avaient en charge <strong>le</strong> développement<br />
du territoire et un développement dans l’égalité.<br />
Aujourd’hui, el<strong>le</strong>s regardent tout à fait ail<strong>le</strong>urs, vers <strong>le</strong>
monde. Or, qui pense mondial ne pense pas beaucoup<br />
territoire, encore qu’une certaine différenciation<br />
territoria<strong>le</strong> arrange bien une certaine conception de la<br />
mondialisation ! A vrai dire, cela marche bien aussi<br />
ensemb<strong>le</strong> ! El<strong>le</strong>s ne pensent donc pas national et el<strong>le</strong>s<br />
ne pensent pas la France comme on pense l’espace<br />
qui, dans sa diversité, doit être rééquilibré, aménagé<br />
et, si je puis dire, al<strong>le</strong>r de l’avant.<br />
D’ail<strong>le</strong>urs, j’en profite pour féliciter <strong>le</strong>s organisateurs de<br />
la présente manifestation parce que la meil<strong>le</strong>ure<br />
défense est l’attaque. Au lieu de dire que la ruralité est<br />
triste, qu’el<strong>le</strong> se porte mal et que personne ne s’en<br />
occupe, <strong>le</strong> discours consistant à décider de prendre en<br />
charge cette idée de ruralité, à la définir, à la porter<br />
vers l’avenir et à formu<strong>le</strong>r des propositions qui doivent<br />
être entendues m’a vivement intéressée. C’est ce que<br />
j’ai lu dans <strong>le</strong>s documents que j’ai reçus et qui est<br />
reflété dans la plupart des interventions à la tribune.<br />
En ce qui me concerne, je me sens très solidaire de<br />
cette démarche.<br />
Je félicite <strong>le</strong>s participants parce qu’il est très reposant<br />
pour la par<strong>le</strong>mentaire que je suis de ne pas entendre –<br />
pour une fois ! – acco<strong>le</strong>r l’idée de ruralité à la notion<br />
de normes. Par<strong>le</strong>r de ruralité au Par<strong>le</strong>ment, c’est tout<br />
de suite se référer à l’excès de normes. C’est, au<br />
demeurant, parfaitement exact, mais tout un combat,<br />
peut-être pas toujours très progressiste, vise à dire que<br />
<strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s, notamment <strong>le</strong>s plus petites<br />
d’entre el<strong>le</strong>s, sont étouffées par <strong>le</strong>s normes. Tant que<br />
tout ne sera pas simplifié, dit-on, tant que ne seront<br />
pas édictés des lois et décrets à géométrie variab<strong>le</strong> sur<br />
tout <strong>le</strong> territoire, tant que l’on aura pas laissé <strong>le</strong>s<br />
petites communes adapter <strong>le</strong>s normes d’accessibilité<br />
faute de moyens – tous problèmes qui, je m’empresse<br />
de <strong>le</strong> dire, sont réels – on n’aura pas avancé dans<br />
l’aide à la ruralité.<br />
«La ruralité doit participer<br />
au redressement<br />
économique de la France»<br />
Je ne dis pas que <strong>le</strong> problème ne se pose pas, mais je<br />
pense que ce n’est pas la bonne approche. Ce que<br />
j’apprécie dans la conception de l’échange qui est <strong>le</strong><br />
nôtre aujourd’hui, c’est cette idée selon laquel<strong>le</strong> la<br />
ruralité doit participer au redressement économique de<br />
la France et el<strong>le</strong> a toute sa part à y jouer. C’est, en<br />
tout cas, ainsi que je la comprends.<br />
Je me félicite vivement de la mise en place d’un<br />
ministre de l’Egalité des territoires que j’ai d’ail<strong>le</strong>urs<br />
mobilisé depuis plus d’un an déjà, y compris avec<br />
votre prédécesseure, madame la Ministre, pour essayer<br />
de <strong>le</strong> réintéresser à un bassin comme <strong>le</strong> mien : <strong>le</strong><br />
Soissonnais. C’est un bassin dévitalisé, qui a perdu<br />
40 % d’emplois industriels en dix ans. En tout cas, <strong>le</strong><br />
ministère de l’Egalité des territoires a été présent et je<br />
ne doute pas qu’il continuera de l’être.<br />
Je tiens ce propos pour une autre raison : voilà<br />
quelques années, il a été inventé de remplacer la<br />
DATAR par une DIACT, avec un affreux jeu de mots sur<br />
<strong>le</strong> « A » signifiant, non plus « aménagement », mais,<br />
déviation intermédiaire, « attractivité », la DIACT étant<br />
la Délégation interministériel<strong>le</strong> à l’attractivité et à la<br />
compétitivité des territoires. En d’autres termes, c’était<br />
une autre manière, mais extrêmement visib<strong>le</strong>, de dire<br />
que la France était composée de territoires inégaux<br />
entre eux qu’il fallait traiter différemment, avec ce<br />
« siphonage » de ce qui n’était pas encore <strong>le</strong>s<br />
métropo<strong>le</strong>s, mais des zones riches. La France en<br />
compte deux très riches : la région I<strong>le</strong>-de-France qui est<br />
la plus riche d’Europe et la région Rhône-Alpes. Ce sont<br />
– de loin ! – <strong>le</strong>s plus riches de France. Pour <strong>le</strong>s zones<br />
moins riches, il faudrait, peut-être avec un ou deux<br />
paliers, avoir un traitement différent.<br />
(Applaudissements)<br />
»<br />
Marie-Françoise Bechtel, vous qui avez dirigé l’ENA et qui<br />
êtes Conseillère d’Etat, vous côtoyez nombre de hauts<br />
fonctionnaires et <strong>le</strong>s élites.<br />
L’objet d’une tel<strong>le</strong> journée étant aussi de chercher à<br />
comprendre, estimez-vous que, parmi ces élites, s’impose<br />
une pensée unique, une pensée urbaine, européenne, qui<br />
s’éloigne de la ruralité. Le regard est-il condescendant ?<br />
Dites-nous franchement <strong>le</strong> fond de votre pensée.<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
23
24<br />
«Sachez que j’ai l’habitude de par<strong>le</strong>r franchement !<br />
Quand vous interrogez des élèves de l’ENA, tous vous<br />
expliquent qu’ils adorent et qu’ils n’aiment que <strong>le</strong><br />
service public. Seu<strong>le</strong>ment, lorsqu’ils sortent de l’Eco<strong>le</strong>,<br />
«Si tant de partis politiques<br />
utilisent des énarques, c’est<br />
parce qu’ils sont reposants»<br />
ils n’ont rien de plus pressé que d’al<strong>le</strong>r dans la banque,<br />
par exemp<strong>le</strong> ! (Sourires) Quand ils rentrent de stage, et<br />
<strong>le</strong> stage en préfecture est une excel<strong>le</strong>nte institution en<br />
ce sens qu’ils se promènent un peu partout sur <strong>le</strong><br />
territoire, ils nous disent avoir tout compris de la ruralité<br />
qu’ils ne connaissaient pas jusque-là. De retour de<br />
stage, ils la connaissent, ils l’aiment, ils sont conquis et<br />
tout acquis à la ruralité et au service public…»<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Ce sont des esprits brillants : ils<br />
comprennent vite…<br />
«« Brillants »… il ne faut pas exagérer ! Disons que ce<br />
sont des esprits clairs, ce qui n’est pas la même chose !<br />
(Sourires et applaudissements) Ils ne sont pas très<br />
cultivés non plus… (Rires) Je veux dire par là qu’ils<br />
ont une clarté d’esprit, du reste très uti<strong>le</strong>. D’ail<strong>le</strong>urs, si<br />
tant de partis politiques utilisent des énarques, c’est<br />
parce qu’ils sont reposants, sachant dire des choses en<br />
deux ou trois points. En revanche, ils n’ont pas une<br />
culture scientifique, humaniste ou géographique qui<br />
serait tel<strong>le</strong>ment uti<strong>le</strong> ! Moi, j’ai commencé ma carrière<br />
en étant prof de philo et c’est peut-être la raison pour<br />
laquel<strong>le</strong> je jette un regard un peu différent, sans<br />
prétendre naturel<strong>le</strong>ment être la culture à moi toute<br />
seu<strong>le</strong>. Il m’est arrivé d’être choquée par cette sorte<br />
d’inculture des gens cultivés. Ils savent façonner un<br />
discours et perçoivent rapidement <strong>le</strong>s problèmes, tout<br />
en pouvant aussi rester à la surface. Dès qu’ils ont<br />
perçu <strong>le</strong> problème, ils ont déjà la solution. C’est, en<br />
général, en deux parties et c’est quasiment toujours la<br />
même chose, du sty<strong>le</strong> : s’il est nécessaire de consentir<br />
des efforts supérieurs pour aménager tel ou tel<br />
système, tel ou tel dispositif, il faut, en revanche, tenir<br />
compte de l’état des finances publiques. Disons que<br />
c’est une pensée qui a tendance à tourner en rond et il<br />
y aurait moyen de faire mieux et d’intéresser<br />
davantage, peut être à travers <strong>le</strong>s questions<br />
européennes.<br />
«C’est parce que, dans ce pays,<br />
<strong>le</strong>s élites ont réel<strong>le</strong>ment tourné<br />
<strong>le</strong> dos à la nation que l’on a<br />
laissé <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> à ses démons !»<br />
Les énarques sont toujours très partants pour être<br />
envoyés en stage en Europe. En ce qui me concerne,<br />
j’ai de vives réserves vis-à-vis de l’Union européenne. Il<br />
n’en demeure pas moins que j’envoyais toujours<br />
beaucoup d’énarques auprès de la Commission, non<br />
seu<strong>le</strong>ment pour qu’ils voient, mais aussi pour qu’ils<br />
soient vus, ce qui n’est pas inuti<strong>le</strong>. Ils en revenaient<br />
plutôt avec une ouverture d’esprit plus <strong>grand</strong>e. Je<br />
pense que si nous pouvions lier <strong>le</strong>s deux problèmes,<br />
c'est-à-dire partir de l’idée des territoires vue de<br />
l’Europe et qu’ils ramènent des brassées d’idées<br />
susceptib<strong>le</strong>s d’animer des séminaires, nous pourrions<br />
raccrocher la question européenne à cel<strong>le</strong> du territoire<br />
français et son aménagement.<br />
Lier la question européenne à la question territoria<strong>le</strong><br />
dans <strong>le</strong> cadre de formations rénoverait l’éternel<br />
apprentissage académique des traités européens qui,<br />
chacun <strong>le</strong> sait, sont très comp<strong>le</strong>xes. Comme je l’ai<br />
signifié au conseil d’administration de l’ENA, c’est une<br />
proposition que je serais, en tant<br />
»<br />
que par<strong>le</strong>mentaire,<br />
tout à fait prête à soumettre.<br />
C’est là une question que je pose à l’ancienne<br />
agrégée de philo : par <strong>le</strong>s temps qui courent avec la<br />
montée des populismes et des extrémismes, ce n’est<br />
pas faci<strong>le</strong> comme discours de s’en prendre aux élites.<br />
Nous avons bien compris ici <strong>le</strong> sens de ce regard<br />
critique sur ces élites, avec la question de la<br />
démocratie et de la gouvernance, mais ce n’est pas<br />
faci<strong>le</strong> à manier et à ne pas fabriquer du <strong>le</strong>pennisme.<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE
«Je suis élue d’un territoire, <strong>le</strong> département de l’Aisne,<br />
qui a <strong>le</strong> plus voté Front national aux dernières é<strong>le</strong>ctions,<br />
soit à 40 %. C’est aussi un territoire qui, à côté de<br />
l’agriculture qui est l’une des plus riches de France, est<br />
très illustratif du sentiment de relégation qui atteint une<br />
<strong>grand</strong>e partie de la population. J’ai dit que <strong>le</strong>s élites ont<br />
tourné <strong>le</strong> dos à la nation et je <strong>le</strong> maintiens. Je pense<br />
que c’est plutôt dans ce sens qu’il faut voir <strong>le</strong>s choses.<br />
C’est parce que, dans ce pays, <strong>le</strong>s élites ont réel<strong>le</strong>ment<br />
tourné <strong>le</strong> dos à la nation que l’on a laissé <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> à<br />
ses démons ! (Applaudissements)»<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Monsieur Dumont, nous vous connaissons de<br />
tempérament très calme, mais vous êtes capab<strong>le</strong><br />
d’avancer quelques Scuds. Dans un papier publié<br />
sous <strong>le</strong> pseudonyme de Sherlock Holmes, vous avez<br />
conduit une « enquête exclusive » : Un meurtre<br />
géographique : la France rura<strong>le</strong>.<br />
M. Gérard-François<br />
DUMONT<br />
Professeur de géographie à<br />
l’Université Paris IV Sorbonne,<br />
Président de la revue Population et<br />
Avenir<br />
«Oui, je suis, en effet, très fier de cet artic<strong>le</strong> référencé<br />
sous <strong>le</strong> nom de Sherlock Holmes sur de nombreux sites<br />
Internet.<br />
En fait, aujourd’hui dans cette France – vous avez parlé<br />
à l’instant de « relégation », madame <strong>le</strong> député –, nous<br />
sommes de plus en plus de Français à considérer que<br />
l’on nous traite comme des « bouseux » ou, si vous<br />
préférez, comme des « cutéreux » dans la mesure où ce<br />
qui était un processus, c’est-à-dire la métropolisation, est<br />
devenu une idéologie pour une partie du microcosme<br />
<strong>pari</strong>sien.<br />
Il est vrai que s’est produit dans <strong>le</strong> monde entier un<br />
processus de métropolisation lié à des facteurs très<br />
précis. C’est, d’abord, la tertiarisation de l’économie.<br />
Nous avons bien vu effectivement que <strong>le</strong>s emplois<br />
tertiaires étaient largement localisés dans <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s<br />
plus peuplées.<br />
C’est, ensuite, <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong>s entreprises, mais aussi <strong>le</strong>s<br />
individus considèrent souvent qu’il faut un marché large<br />
de l’emploi, surtout dans une économie instab<strong>le</strong>.<br />
C’est, enfin, <strong>le</strong> fait qu’un certain nombre d’entreprises<br />
ont besoin de connexions au monde entier dans cette<br />
globalisation.<br />
Ce processus est donc devenu une idéologie. C’est très<br />
clair puisque nos chers par<strong>le</strong>mentaires viennent de<br />
voter une loi sur <strong>le</strong>s métropo<strong>le</strong>s, donnant l’impression<br />
qu’à partir du moment où un territoire serait une<br />
métropo<strong>le</strong>, ce serait lui donner automatiquement une<br />
chance de développement supplémentaire. L’avenir de<br />
la France serait donc exclusivement dans ces<br />
métropo<strong>le</strong>s, <strong>le</strong> reste du territoire devant être<br />
progressivement passé par pertes et acceptant de ne<br />
plus avoir de dynamisme.<br />
«La métropolisation est devenue<br />
une idéologie pour une partie<br />
du microcosme <strong>pari</strong>sien»<br />
Or, même s’il y a un processus de métropolisation,<br />
lorsque l’on étudie l’évolution des <strong>grand</strong>es vil<strong>le</strong>s dans<br />
<strong>le</strong> monde, on constate en réalité que ce processus a<br />
des effets extrêmement différents : des <strong>grand</strong>es vil<strong>le</strong>s<br />
bien gouvernées profitent de ce processus pour être<br />
effectivement très dynamiques, tandis que d’autres,<br />
comme Paris d’ail<strong>le</strong>urs, perdent des sièges sociaux tous<br />
<strong>le</strong>s jours. La presse ne par<strong>le</strong> que des sièges sociaux<br />
25
d’entreprises que Paris perd, mais pas des directions<br />
internationa<strong>le</strong>s d’entreprises qui quittent Paris. Nous<br />
avons donc une métropo<strong>le</strong> qui n’est pas en bonne<br />
santé aujourd’hui. C’était là une parenthèse, mais<br />
puisque vous vouliez des Scuds, en voilà un !<br />
(Sourires)<br />
«Cette idéologie des métropo<strong>le</strong>s<br />
oublie tout simp<strong>le</strong>ment que tout<br />
territoire peut être créatif,<br />
quel<strong>le</strong> que soit sa dimension. Il<br />
n’y a pas d’optimum territorial»<br />
Il faut donc bien constater que ces résultats sont fort<br />
différents, y compris en France. Si vous étudiez<br />
finement l’évolution relative de Bordeaux et de<br />
Toulouse au fil des quarante dernières années, vous<br />
verrez des différences tout à fait considérab<strong>le</strong>s.<br />
Pourquoi ? Si l’une a bénéficié d’une bonne<br />
gouvernance tout au long de la période, pour l’autre, il<br />
s’est agi d’une gouvernance de fin de règne assez<br />
décevante pour la dynamique de la vil<strong>le</strong> et il a fallu<br />
attendre la fin de ce règne pour qu’intervienne un<br />
changement de gouvernance entraînant des évolutions.<br />
Cette idéologie des métropo<strong>le</strong>s oublie tout simp<strong>le</strong>ment<br />
qu’en fait, il y a de la créativité à tous <strong>le</strong>s niveaux<br />
territoriaux. En particulier, dans ma revue Population et<br />
Avenir, j’ai voulu publier une carte de territoires qui ont<br />
métamorphosé <strong>le</strong>ur économie au cours de ces<br />
dernières décennies. Cette carte met en évidence à la<br />
fois des territoires de 200 habitants, de petites<br />
communes rura<strong>le</strong>s qui étaient en train de se dévitaliser<br />
progressivement et qui ont redynamisé <strong>le</strong>ur économie,<br />
retrouvant ainsi une nette croissance démographique,<br />
mais y figurent aussi des communes de 2 000<br />
habitants, d’autres de 2 500, d’autres encore de<br />
5 000 et de 10 000 habitants, mais aussi des<br />
métropo<strong>le</strong>s comme Lyon citée tout à l’heure.<br />
Cela veut dire que tout territoire a sa chance, sans être<br />
en proie à un handicap dirimant sous prétexte d’une<br />
petite dimension, et que, bien au contraire, tout est<br />
toujours possib<strong>le</strong> ! C’est vrai en France, mais aussi à<br />
l’étranger. Les sièges sociaux des <strong>grand</strong>es entreprises<br />
al<strong>le</strong>mandes ne sont pas nécessairement installés dans<br />
<strong>le</strong>s métropo<strong>le</strong>s. Je trouve aussitôt, dans des vil<strong>le</strong>s de<br />
10 000 habitants, des exemp<strong>le</strong>s de sièges sociaux<br />
d’entreprises qui sont numéro 2 mondial dans <strong>le</strong>ur<br />
secteur. Concernant <strong>le</strong> championnat de France de<br />
football, qui en établit <strong>le</strong> ca<strong>le</strong>ndrier ? C’est une<br />
entreprise spécialisée dans <strong>le</strong>s logiciels, située dans<br />
une petite vil<strong>le</strong> canadienne, qui a précisément créé un<br />
logiciel pour organiser <strong>le</strong>s ca<strong>le</strong>ndriers.<br />
«Une métropo<strong>le</strong> qui rayonne<br />
ne <strong>le</strong> peut qu’à condition<br />
d’avoir un arrière-pays !»<br />
En réalité, il importe de bien préciser que tout territoire<br />
peut être créatif, quel<strong>le</strong> que soit sa dimension. Il n’y a<br />
pas d’optimum territorial et, à cet égard, vous<br />
imaginez bien sûr que je suis très critique sur cette<br />
norme de 20 000 habitants qui a été annoncée<br />
récemment parce qu’el<strong>le</strong> ne signifie rien. Nombreux<br />
sont <strong>le</strong>s territoires de moins de 20 000 habitants qui<br />
ont témoigné de <strong>le</strong>ur créativité.<br />
Je prends un seul exemp<strong>le</strong>. Il est éclairant mais je<br />
pourrais en citer mil<strong>le</strong> autres : <strong>le</strong> festival des Vieil<strong>le</strong>s<br />
Charrues. Ce festival est organisé à Carhaix, une<br />
commune de 7 000 habitants, la communauté de<br />
communes comptant 14 000 habitants ! Cela <strong>le</strong>s a-t-il<br />
empêchés de créer un festival mondia<strong>le</strong>ment connu ?<br />
Personne n’a jamais prouvé qu’il fallait au moins 20<br />
000 habitants pour qu’un territoire soit créatif ! Je suis<br />
sûr que, dans la sal<strong>le</strong>, des maires de communes<br />
peuplées de bien moins de 20 000 habitants ont fait<br />
p<strong>le</strong>in de réalisations dans <strong>le</strong>ur commune.<br />
Quand on par<strong>le</strong> de métropo<strong>le</strong>, on donne l’impression<br />
qu’une métropo<strong>le</strong> vivrait hors sol, mais une métropo<strong>le</strong>,<br />
c’est-à-dire une vil<strong>le</strong> qui rayonne ne <strong>le</strong> peut qu’à<br />
condition d’avoir un arrière-pays ! Que serait Paris sans<br />
<strong>le</strong> reste de la France ? Que seraient <strong>le</strong>s universités<br />
<strong>pari</strong>siennes si el<strong>le</strong>s n’avaient pas la chance d’accueillir<br />
un certain nombre d’étudiants de nos régions<br />
françaises ? Que serait <strong>le</strong> tourisme à Paris si <strong>le</strong>s<br />
touristes y venant n’avaient pas envie aussi d’al<strong>le</strong>r<br />
visiter <strong>le</strong>s caves de Bourgogne qui n’existeraient pas ?<br />
Que serait <strong>le</strong> Salon de l’Agriculture de Paris si la France<br />
n’était pas un <strong>grand</strong> pays agroalimentaire ? Il faut<br />
donc bien préciser qu’une métropo<strong>le</strong> n’existe que parce<br />
qu’el<strong>le</strong> bénéficie d’un environnement territorial qui a sa<br />
propre dynamique.<br />
Or, et tel est <strong>le</strong> problème, cette idéologie est<br />
aujourd’hui encouragée<br />
»<br />
par des méthodes statistiques<br />
utilisées par l’INSEE…<br />
26
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
L’INSEE à laquel<strong>le</strong> vous en vou<strong>le</strong>z beaucoup,<br />
n’est-ce pas ?<br />
«Ce n’est pas que je lui en veuil<strong>le</strong>, ayant encore<br />
rencontré ses représentants la semaine dernière. Je<br />
constate simp<strong>le</strong>ment que <strong>le</strong>s outils qu’ils utilisent sont<br />
obsolètes et donnent à penser aux Français que<br />
l’avenir n’est que dans <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s.<br />
«Les outils de l’INSEE sont<br />
obsolètes et donnent à penser<br />
aux Français que l’avenir n’est<br />
que dans <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s»<br />
Sans entrer dans des considérations techniques, ce<br />
sont deux outils principaux : l’outil de l’unité urbaine et<br />
celui de l’aire urbaine.<br />
L’unité urbaine conduit à définir <strong>le</strong> fait que seuls 25 %<br />
des Français seraient des ruraux, ce qui est<br />
évidemment tota<strong>le</strong>ment faux. L’INSEE considère par<br />
exemp<strong>le</strong>, pour citer la Creuse, qu’une commune<br />
comme Boussac de 2 200 habitants est réputée<br />
habitée par des urbains. Excusez-moi, mais <strong>le</strong>s<br />
Boussaquins considèrent al<strong>le</strong>r à la vil<strong>le</strong> lorsqu’ils se<br />
rendent à Limoges ! Ils habitent dans un<br />
environnement de morphologie rura<strong>le</strong>. Par conséquent,<br />
cette règ<strong>le</strong> des 2 000 habitants agglomérée au<br />
chef-lieu ne correspond pas du tout au vécu des<br />
populations. Dire que ce sont 25 % de ruraux en<br />
France, c’est tota<strong>le</strong>ment faux, <strong>le</strong> chiffre étant<br />
nettement plus é<strong>le</strong>vé.<br />
La méthode de calcul des aires urbaines, complètement<br />
aberrante, consiste à faire en sorte de rabattre tous <strong>le</strong>s<br />
bourgs comme s’ils étaient dominés par une vil<strong>le</strong>, avec<br />
une règ<strong>le</strong> de 40 % qui n’a jamais été expliquée –<br />
pourquoi 40 % et pourquoi pas 30 % ou 50 % ? – et<br />
un système de pondération tout à fait discutab<strong>le</strong>.<br />
Le résultat de tout cela donne l’impression que la<br />
France se centralise sur la dimension urbaine, alors que<br />
ce n’est pas vrai. Même à partir des chiffres de<br />
l’INSEE, j’arrive au fait qu’il y a un renouveau des<br />
<strong>campagne</strong>s françaises et, si je n’utilise pas ces chiffres,<br />
c’est encore mieux !<br />
En matière d’emplois, c’est exactement la même<br />
chose : <strong>le</strong>s créations d’emplois sont supérieures dans <strong>le</strong><br />
monde rural que dans <strong>le</strong> monde urbain ces dernières<br />
années et nous l’avons prouvé dans un certain nombre<br />
d’artic<strong>le</strong>s.<br />
Cette idéologie, et tel est <strong>le</strong> problème, a tout de même<br />
des conséquences graves pour la ruralité. Pourquoi ?<br />
En fait, el<strong>le</strong> continue à justifier des décisions d’inégalité<br />
des territoires. Dans notre pays, chacun <strong>le</strong> sait, figure<br />
sur <strong>le</strong> fronton de nos mairies <strong>le</strong> mot « égalité ». Or<br />
nous sommes ici dans cette sal<strong>le</strong> tous inégaux au<br />
regard de l’Etat et des dotations de fonctionnement<br />
que verse ce dernier aux col<strong>le</strong>ctivités territoria<strong>le</strong>s. La<br />
dotation que reçoit la col<strong>le</strong>ctivité territoria<strong>le</strong> au nombre<br />
d’habitants, selon que vous résidiez dans une<br />
commune de 200 habitants, de 2 000, de 20 000,<br />
de 50 000, de 150 000 ou de 250 000 habitants,<br />
n’est pas la même. Les Français sont traités<br />
inéga<strong>le</strong>ment. C’est donc là une inégalité foncière<br />
absolument injustifiée et qui est <strong>le</strong> résultat de cette<br />
idéologie.<br />
Par conséquent, si l’on veut faire vraiment l’égalité des<br />
territoires, tous <strong>le</strong>s Français doivent être considérés de<br />
la même façon et donc <strong>le</strong>s dotations de l’Etat aux<br />
col<strong>le</strong>ctivités territoria<strong>le</strong>s par habitant doivent être <strong>le</strong>s<br />
mêmes, quel<strong>le</strong> que soit la tail<strong>le</strong><br />
»<br />
de la commune dans<br />
laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s habitants résident.<br />
(Applaudissements)<br />
«Cette idéologie continue à<br />
justifier des décisions<br />
d’inégalité des territoires au<br />
regard de l’Etat et des<br />
dotations de fonctionnement»<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Merci vraiment, Jean-François Dumont, de<br />
nous avoir placés au cœur des débats.<br />
27
M me . Marie-Françoise<br />
BECHTEL<br />
Directrice de l’ENA de 2000 à 2002,<br />
députée de l’Aisne<br />
M. Gérard-François<br />
DUMONT<br />
Professeur de géographie à<br />
l’Université Paris IV Sorbonne,<br />
Président de la revue Population et<br />
Avenir<br />
«C’est être, non pas technocratique, mais tout<br />
simp<strong>le</strong>ment égalitaire.»<br />
«Si je puis me <strong>le</strong> permettre, monsieur Dumont, je trouve<br />
que la vision que vous venez de développer est<br />
terrib<strong>le</strong>ment technocratique, sachant que j’ai apprécié<br />
tout <strong>le</strong> reste de votre discours. Je crois qu’il faut tenir<br />
compte d’autres paramètres. Il convient de dire que si<br />
nous avons construit <strong>le</strong>s intercommunalités, c’est<br />
justement pour agréger des situations disparates et<br />
<strong>le</strong>ur donner de la solidarité, l’étape suivante pouvant<br />
être d’ail<strong>le</strong>urs la mutualisation des moyens. Par<br />
ail<strong>le</strong>urs, je m’excuse de <strong>le</strong> dire, mais la péréquation<br />
horizonta<strong>le</strong> a fait des progrès depuis deux ans dans ce<br />
pays et el<strong>le</strong> peut encore en faire. Mais qui dit<br />
péréquation ne dit pas attribution de la même somme<br />
à chaque habitant, commune par commune. Je me<br />
permets de vous dire que cette vision est, pour moi,<br />
quelque peu technocratique.»<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Nous avons dit égalité et non pas<br />
égalitarisme.<br />
«Oui, mais ce qui est grave de surcroît dans <strong>le</strong><br />
système actuel, c’est <strong>le</strong> fait de créer des effets de<br />
seuils qui créent des inégalités, ce que connaissent<br />
bien <strong>le</strong>s maires !»<br />
28
M me . Gérard PELTRE<br />
Président de l’association internationa<strong>le</strong><br />
Ruralité, Environnement et<br />
Développement, RED,<br />
et du Mouvement européen<br />
de la ruralité<br />
«Il appartient aux<br />
ruraux de prendre<br />
conscience que la<br />
ruralité est un enjeu et<br />
offre des perspectives»<br />
«Nous sommes là pour resituer la ruralité et <strong>le</strong>s<br />
territoires ruraux dans la perspective du développement<br />
et, à l’échel<strong>le</strong> de l’Union européenne, d’une cohésion<br />
territoria<strong>le</strong> qui en a bien besoin. Il convient d’emblée<br />
de souligner un point : il appartient aux ruraux de<br />
prendre conscience que la ruralité est un enjeu et offre<br />
des perspectives pour toutes <strong>le</strong>s femmes et tous <strong>le</strong>s<br />
hommes qui veu<strong>le</strong>nt bien s’investir dans la ruralité pour<br />
construire <strong>le</strong> futur.<br />
Les élites dont il a été question dans <strong>le</strong> débat sont<br />
cel<strong>le</strong>s qui écrivent des certitudes et qui ne sont pas<br />
ouvertes aux mutations et à ce qui se construit. Le<br />
regret qui est <strong>le</strong> mien réside dans <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong>s<br />
femmes et <strong>le</strong>s hommes de conviction ne défendent pas<br />
suffisamment <strong>le</strong>urs convictions pour montrer que <strong>le</strong>s<br />
territoires ruraux sont des outils et des enjeux pour<br />
construire <strong>le</strong> futur.<br />
Je vous convie à un peu de mémoire, car « un peup<strong>le</strong><br />
sans mémoire est un peup<strong>le</strong> sans avenir». En 1982, se<br />
sont tenus <strong>le</strong>s Etats Généraux des pays à Mâcon qui<br />
ont ouvert <strong>le</strong> champ au développement local. C’était<br />
déjà <strong>le</strong>s ruraux qui ont ouvert ce chantier du<br />
développement local, estimant qu’il était vain d’être<br />
désespérés et qu’il <strong>le</strong>ur fallait prendre <strong>le</strong>s choses en<br />
main avec méthode pour montrer qu’il était possib<strong>le</strong> de<br />
construire quelque chose. Alors premier Président de<br />
l’association nationa<strong>le</strong> pour <strong>le</strong> développement local<br />
avant de l’être de RED, j’ai ouvert <strong>le</strong> chantier du<br />
développement local urbain. Je ne suis pas sûr d’avoir<br />
eu raison parce que, en 1984, il nous a été dit :<br />
« Ras-<strong>le</strong>-bol <strong>le</strong> rural ! »<br />
En 2014, <strong>le</strong>s départements reprennent l’initiative de la<br />
ruralité et c’est tant mieux parce que c’est dans<br />
l’actualité européenne. Dans <strong>le</strong> cadre de l’Union<br />
européenne, <strong>le</strong>s notions de ruralité et d’urbain ont trouvé<br />
une expression concrète dans une expérimentation en<br />
cours à l’initiative de l’OCDE et du Par<strong>le</strong>ment européen<br />
sous l’impulsion de la Commission : l’expérimentation<br />
« R-Urban » visant à favoriser des interrelations<br />
équilibrées entre territoires ruraux et territoires urbains<br />
reconnus, l’un et l’autre, comme étant des pô<strong>le</strong>s de<br />
développement.<br />
«Les territoires ruraux n’ont<br />
pas besoin de soins palliatifs<br />
mais de reconnaissance»<br />
Il faut que la France dotée d’un ministère de l’Egalité des<br />
territoires se saisisse de cette opportunité pour l’enrichir.<br />
Il faut éclairer toutes <strong>le</strong>s initiatives et tout <strong>le</strong> potentiel des<br />
territoires ruraux. Là, nous avons vraiment du « job »<br />
parce que je ne suis pas certain que <strong>le</strong>s ruraux croient<br />
tous dans <strong>le</strong> devenir de la ruralité et de <strong>le</strong>ur territoire.<br />
Mais surtout, <strong>le</strong>s territoires ruraux, qui n’ont pas besoin<br />
de soins palliatifs mais de reconnaissance, n’ont pas cette<br />
reconnaissance affirmée, et la recherche est infime. Nous<br />
avons investi un outil européen, baptisé ESPON, qui<br />
fabrique la recherche, laquel<strong>le</strong> est presque<br />
essentiel<strong>le</strong>ment centrée sur <strong>le</strong>s pô<strong>le</strong>s urbains. Nous avons<br />
demandé qu’el<strong>le</strong> s’ouvre aussi sur <strong>le</strong>s territoires ruraux<br />
parce qu’il est certain que l’on ne peut pas identifier <strong>le</strong><br />
foisonnement, <strong>le</strong> potentiel des territoires dès lors que l’on<br />
n’a pas observé tout ce qu’ils étaient capab<strong>le</strong>s de faire.<br />
Je vais al<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong> sens de ce que disait <strong>le</strong> Président<br />
Joly, sachant qu’à l’échel<strong>le</strong> de l’Union européenne, nous<br />
avons <strong>le</strong>s mêmes chiffres : 91 % du territoire européen<br />
est rural ; 56 % de la population réside dans <strong>le</strong>s espaces<br />
à dominante rura<strong>le</strong>, <strong>le</strong>squels représentent 83 % de la<br />
va<strong>le</strong>ur ajoutée et 55 % de l’emploi. Nous nous sommes<br />
battus pour que ces chiffres-là apparaissent parce que<br />
nous savons bien que <strong>le</strong>s pouvoirs s’organisent aussi<br />
autour de rapports de force.<br />
29
La réalité rura<strong>le</strong>, irriguée par des vil<strong>le</strong>s et des petites<br />
vil<strong>le</strong>s, est en train de monter en puissance et nous<br />
devons porter cette certitude-là. Parlant des vil<strong>le</strong>s et<br />
des petites vil<strong>le</strong>s, vous avez eu raison, monsieur<br />
Dumont, de rappe<strong>le</strong>r que <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s de 20 000<br />
habitants ne peuvent pas exister sans une réalité<br />
rura<strong>le</strong>, si el<strong>le</strong>s ne sont pas immergées dans ce territoire<br />
rural.<br />
«91 % du territoire<br />
européen est rural»<br />
Je rappel<strong>le</strong> qu’en 1978, lors de la conférence du<br />
Conseil de l’Europe des ministres responsab<strong>le</strong>s de<br />
l’aménagement du territoire, ceux-ci disaient que <strong>le</strong>s<br />
territoires ruraux possédaient toutes <strong>le</strong>s capacités pour<br />
inventer <strong>le</strong> futur et réagir aux crises susceptib<strong>le</strong>s de<br />
survenir. C’est ce que nous vivons tous <strong>le</strong>s jours ! Dans<br />
<strong>le</strong>s territoires ruraux, il n’y a pas de désespérance. Il y<br />
a parfois de la résignation parce que l’on croit ne pas<br />
être à la hauteur du chal<strong>le</strong>nge, d’autant plus que c’est<br />
ce qui nous est dit tous <strong>le</strong>s jours. Mais en observant ce<br />
qui se fait ici ou là, en <strong>le</strong> faisant apparaître et en<br />
faisant bril<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s territoires ruraux, nous verrons que<br />
l’innovation est au cœur des territoires.<br />
L’innovation dans toutes <strong>le</strong>s constructions du futur est<br />
partout en Europe. L’association internationa<strong>le</strong> Ruralité,<br />
Environnement et Développement dont je suis<br />
Président s’est organisée pour être un lobby de<br />
propositions pour la Commission européenne et <strong>le</strong><br />
Mouvement européen de la Ruralité éclaire cela. Il faut<br />
que <strong>le</strong>s Français en soient persuadés. La France est<br />
attendue.<br />
Je rappel<strong>le</strong> que c’est l’initiative de développement local<br />
en France qui est à l’origine de la construction de<br />
LEADER. Michel Laine est venu s’inspirer du<br />
développement local à la française pour bâtir LEADER<br />
qu’il a enrichi avec l’interrelation publique/privée à<br />
l’anglo saxonne.<br />
Tout ce qui est en train de se produire aujourd’hui dans<br />
<strong>le</strong>s nouveaux règ<strong>le</strong>ments qui nous reviennent de<br />
l’Europe est issu de la politique de développement local<br />
à la française généralisée avec <strong>le</strong>s DLAL, <strong>le</strong><br />
développement local porté par <strong>le</strong>s acteurs locaux. Il<br />
faut que nos régions se l’approprient, sachant qu’el<strong>le</strong>s<br />
se l’approprient très peu, et que nos départements –<br />
je <strong>le</strong> <strong>le</strong>ur demande – soient des « réveil<strong>le</strong>urs », mais je<br />
sais que vous l’êtes déjà. Cela nous revient de<br />
l’Europe, disais-je. Il faut s’en saisir et l’interrelation<br />
rural/urbain y est inscrite.<br />
Il est dommage que, sous présidence française, alors<br />
que <strong>le</strong> <strong>grand</strong> débat portait sur la cohérence territoria<strong>le</strong>,<br />
cette dynamique de l’interrelation rural/urbain n’ait<br />
pas été évoquée. De même, dans <strong>le</strong>s chantiers ouverts<br />
alors par la DIACT, lorsqu’il était fait référence à<br />
l’interrelation rural/urbain, j’ai surtout entendu<br />
d’éminents écrivains des certitudes nous rappe<strong>le</strong>r qu’au<br />
jour d’aujourd’hui en France, la ruralité et <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s,<br />
c’était exactement pareil parce que tout <strong>le</strong> monde avait<br />
accès à Internet ! Non, c’est faux ! Des réalités<br />
socia<strong>le</strong>s et culturel<strong>le</strong>s sont complètement différentes,<br />
mais nous avons besoin de fertilisation croisée entre <strong>le</strong><br />
rural et l’urbain. Le seul moyen d’y réussir est de<br />
reconnaître aux territoires ruraux qu’ils sont des pô<strong>le</strong>s<br />
de développement et d’innovation potentiels et qu’il<br />
faut organiser des interrelations équilibrées sans<br />
condescendance. Le chemin est ouvert à l’échel<strong>le</strong> de<br />
l’Union européenne. Il faut que l’on s’en saisisse. C’est<br />
la raison pour laquel<strong>le</strong> je disais que la réforme<br />
territoria<strong>le</strong> en France m’inquiétait en ce sens qu’el<strong>le</strong> en<br />
décalage avec l’Agenda européen qui permet de libérer<br />
<strong>le</strong> pouvoir d’agir chez l’ensemb<strong>le</strong> des citoyens et c’est<br />
ce que l’on veut.<br />
Le vote, non pas même protestataire, qui est en train<br />
de s’enraciner dans <strong>le</strong>s territoires ruraux est un vote de<br />
l’individualisme, du rejet de l’approche socia<strong>le</strong> et<br />
sociéta<strong>le</strong>. Il est urgent de réveil<strong>le</strong>r cela, en permettant<br />
aux uns et aux autres de travail<strong>le</strong>r ensemb<strong>le</strong> avec des<br />
caps communs. Moi, j’observe que ce sont <strong>le</strong>s<br />
départements qui, en France, ont généralisé et fait<br />
vivre avec pragmatisme <strong>le</strong> développement local, initié<br />
dans <strong>le</strong> cadre du IXème Plan. Je ne tiens pas ce propos<br />
parce que ce sont <strong>le</strong>s départements qui nous invitent,<br />
mais c’est ce que j’observe partout. Il est donc<br />
essentiel que tout cela soit mis en œuvre rapidement.<br />
Les femmes et <strong>le</strong>s hommes des territoires <strong>le</strong><br />
demandent.<br />
Reconnaissons aux territoires ruraux ce potentiel qui<br />
est réel ! Faisons apparaître ces qualités ! C’est ainsi<br />
que <strong>le</strong>s territoires ruraux redeviendront ce qu’ils sont<br />
déjà, mais on ne <strong>le</strong> dit pas : des territoires de<br />
destination. On m’a fait faire des études supérieures<br />
pour partir de mon territoire. J’y suis revenu et je ne<br />
»<br />
<strong>le</strong><br />
regrette pas ! Nous sommes nombreux dans ce cas.<br />
(Applaudissements)<br />
30
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Merci, madame la Ministre, d’avoir assisté et<br />
participé à nos débats de ce matin. Nous ne<br />
doutons pas que, compte tenu de l’actualité de<br />
cette semaine, votre emploi du temps soit<br />
particulièrement chargé. Mais vous comprenez que<br />
votre participation à ce rassemb<strong>le</strong>ment des<br />
nouvel<strong>le</strong>s ruralités est essentiel<strong>le</strong>.<br />
M me . Sylvia PINEL<br />
Ministre du Logement et<br />
de l’Egalité des territoires<br />
Jean-Yves VIF<br />
«Mesdames, messieurs <strong>le</strong>s Présidents de Conseils<br />
généraux, mesdames, messieurs <strong>le</strong>s élus, monsieur <strong>le</strong><br />
Maire, mesdames, messieurs, merci de m’avoir invitée<br />
à ces Etats Généraux sur un thème important.<br />
Je veux vous dire <strong>le</strong> plaisir qui est <strong>le</strong> mien de<br />
m’exprimer devant vous aujourd’hui, après avoir<br />
rencontré <strong>le</strong>s quatre Présidents de l’Allier, de la Nièvre,<br />
du Cher et de la Creuse qui ont beaucoup travaillé sur<br />
ces nouvel<strong>le</strong>s ruralités. Ils sont venus récemment me<br />
présenter <strong>le</strong>ur rapport et, au-delà, cette démarche<br />
initiée autour des nouvel<strong>le</strong>s ruralités.<br />
«Je mesure la<br />
responsabilité qui nous<br />
incombe»<br />
El<strong>le</strong> est pour moi l’occasion d’évoquer aujourd’hui ce<br />
sujet qui m’est cher. Bien sûr, mes attributions<br />
ministériel<strong>le</strong>s du logement et de l’égalité des<br />
territoires sont au cœur des interrogations sur la<br />
ruralité et el<strong>le</strong>s font éga<strong>le</strong>ment écho à mon parcours<br />
personnel, à mon engagement en tant qu’élue loca<strong>le</strong><br />
dans un département qui connaît des mutations<br />
profondes : <strong>le</strong> Tarn-et-Garonne.<br />
Je mesure aussi la responsabilité qui nous incombe,<br />
alors qu’une crise économique, socia<strong>le</strong> et<br />
démocratique sans précédent perdure dans notre pays<br />
et, de façon plus grave, sur certains territoires déjà<br />
fragilisés ou confrontés à des difficultés. Je pense bien<br />
sûr aux <strong>campagne</strong>s peu denses et enclavées, qui ont<br />
<strong>le</strong>s plus <strong>grand</strong>es difficultés à se raccrocher aux<br />
dynamiques de développement qui ne profitent<br />
souvent qu’aux <strong>grand</strong>es aires urbaines et dont <strong>le</strong>s<br />
habitants se sentent parfois oubliés de la République.<br />
Je pense aussi aux <strong>campagne</strong>s ou aux territoires<br />
périurbains qui, rattrapés par une urbanisation<br />
résidentiel<strong>le</strong> galopante, n’arrivent plus à assurer <strong>le</strong>s<br />
équilibres nécessaires au maintien de la cohésion<br />
socia<strong>le</strong> sur <strong>le</strong>ur territoire.<br />
Je pense encore aux <strong>campagne</strong>s industriel<strong>le</strong>s qui<br />
subissent de p<strong>le</strong>in fouet <strong>le</strong>s difficultés économiques de<br />
nos entreprises et peinent à trouver <strong>le</strong>s clés d’une<br />
reconversion économique.<br />
Mais je pense aussi que ces territoires vivent<br />
aujourd’hui un renouveau, ce que vous appe<strong>le</strong>z,<br />
messieurs <strong>le</strong>s Présidents, <strong>le</strong>s « nouvel<strong>le</strong>s ruralités ». Ils<br />
sont en dynamisme, en transformation profonde. Ils<br />
retrouvent des habitants qui viennent s’y instal<strong>le</strong>r car<br />
ils recherchent une qualité de vie, un environnement,<br />
une proximité et une richesse humaine qu’ils ont<br />
perdus dans <strong>le</strong>s <strong>grand</strong>es agglomérations.<br />
Plus que jamais ces territoires ruraux sont porteurs<br />
d’une <strong>grand</strong>e modernité. Ils investissent dans des<br />
infrastructures, des éco<strong>le</strong>s, des collèges, des lycées, se<br />
battent pour la réimplantation des commerces, ce que<br />
j’ai pu constater dans mon précédent poste ministériel,<br />
pour la préservation de <strong>le</strong>ur artisanat et de <strong>le</strong>ur identité<br />
loca<strong>le</strong>. Je <strong>le</strong> vois dans mes déplacements et dans mon<br />
département, <strong>le</strong>s attentes de nos concitoyens ont<br />
évolué, ce qui vaut pour <strong>le</strong>s territoires ruraux mais<br />
aussi urbains. La responsabilité des élus est de<br />
répondre à ces nouvel<strong>le</strong>s demandes.<br />
Je constate aussi que nos concitoyens sont attachés à<br />
<strong>le</strong>urs territoires et, notamment, aux territoires ruraux.<br />
Ils en sont fiers. Ils sont fiers de <strong>le</strong>urs territoires qui<br />
représentent des potentiels et des atouts.<br />
Alors, je suis venue ici pour vous dire à vous <strong>le</strong>s élus de<br />
ces territoires que je veux être cette ministre de la<br />
nouvel<strong>le</strong> ruralité. Vous avez avec moi une écoute, une<br />
bienveillance et une aide pour porter vos projets car je<br />
31
suis convaincue de la richesse et de la chance que<br />
représente la ruralité pour la France. Je dis d’autant<br />
plus que j’ai entendu vos inquiétudes dans <strong>le</strong> contexte<br />
de la réforme institutionnel<strong>le</strong> annoncée par <strong>le</strong> Président<br />
de la République et qu’il a précisée mardi dernier.<br />
L’ensemb<strong>le</strong> du Gouvernement et moi-même resterons<br />
attentifs à ce que cette réforme ne pénalise pas <strong>le</strong>s<br />
territoires ruraux, ni <strong>le</strong> besoin de proximité tant sollicité<br />
par nos concitoyens.<br />
André Vallini aura l’occasion, j’en suis sûre, d’évoquer<br />
ce sujet avec vous plus en détail cet après midi, mais je<br />
souhaitais néanmoins vous dire qu’au-delà de la<br />
réforme institutionnel<strong>le</strong>, la réforme que nous devons<br />
porter est bien cel<strong>le</strong> de l’efficacité de l’action publique<br />
et cel<strong>le</strong> du service rendu à nos concitoyens. C’est cela<br />
l’égalité des territoires !<br />
L’égalité des territoires, c’est donner à chaque Français<br />
une égalité d’accès aux services et aux équipements<br />
essentiels à la qualité de vie, tout en tenant compte de<br />
la particularité de chaque territoire. C’est l’égalité<br />
républicaine. C’est donner à tous <strong>le</strong>s mêmes chances,<br />
où qu’ils habitent, mais l’égalité ne signifie pas<br />
l’uniformité, ce qui nous demande d’innover, de penser<br />
<strong>le</strong>s outils qui nous permettront d’atteindre cette qualité<br />
de services, et de répondre aux enjeux évoqués par <strong>le</strong>s<br />
différents intervenants.<br />
L’égalité des territoires, c’est aussi <strong>le</strong>ur donner <strong>le</strong>s<br />
moyens de se développer et de renforcer <strong>le</strong>ur<br />
attractivité en fonction de <strong>le</strong>urs besoins et de <strong>le</strong>urs<br />
spécificités. C’est renforcer <strong>le</strong>s coopérations et <strong>le</strong>s<br />
complémentarités entre <strong>le</strong>s uns et <strong>le</strong>s autres, à<br />
l’opposé d’une mise en concurrence exacerbée qui<br />
prévaut trop souvent dans <strong>le</strong>s territoires et qui accentue<br />
<strong>le</strong>s décrochages et <strong>le</strong>s inégalités.<br />
L’égalité des territoires n’est donc pas une politique<br />
sectoriel<strong>le</strong>, mais bien un enjeu transversal qui doit<br />
transparaître dans l’ensemb<strong>le</strong> des politiques publiques<br />
définies par <strong>le</strong> Gouvernement, mais aussi l’ensemb<strong>le</strong><br />
des acteurs locaux, qu’il s’agisse des politiques<br />
économiques, de santé, d’accès à l’emploi, de<br />
formation, d’éducation, de culture, de jeunesse ou de<br />
sport.<br />
«Je suis venue ici pour vous<br />
dire que je veux être cette<br />
ministre de la nouvel<strong>le</strong><br />
ruralité»<br />
Pour réussir ce défi, j’ai défini plusieurs priorités :<br />
veil<strong>le</strong>r à une présence des services au public de<br />
proximité, en s’appuyant sur <strong>le</strong>s services de l’Etat, des<br />
col<strong>le</strong>ctivités territoria<strong>le</strong>s, et ce dans <strong>le</strong> cadre d’une<br />
réforme territoria<strong>le</strong> qui va modifier en profondeur <strong>le</strong><br />
paysage institutionnel français ; lancer une dynamique<br />
d’aménagement transversa<strong>le</strong> pour renforcer<br />
l’attractivité et la coopération de l’ensemb<strong>le</strong> des<br />
territoires ; accompagner de manière spécifique ceux<br />
qui nécessitent une action ciblée et, bien<br />
naturel<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong>s territoires ruraux.<br />
Comme je vous <strong>le</strong> disais, je suis une élue d’un<br />
département rural en mutation démographique. Je sais<br />
donc aussi que nous devons faire avancer <strong>le</strong>s choses<br />
concrètement, de manière opérationnel<strong>le</strong> avec tous <strong>le</strong>s<br />
acteurs. Sur l’ensemb<strong>le</strong> de ces sujets, l’Etat doit être<br />
présent, mais il doit l’être aux côtés des élus, des<br />
acteurs privés et des Français qui attendent beaucoup<br />
de nous. C’est cette conciliation entre l’exigence<br />
républicaine de présence de nos services publics et la<br />
nécessaire adaptation aux territoires qui est au cœur de<br />
ma mission.<br />
Le rô<strong>le</strong> de l’Etat est donc d’être <strong>le</strong> stratège, <strong>le</strong> garant<br />
et l’animateur de cet objectif politique, en s’appuyant<br />
sur <strong>le</strong>s relais de terrain car c’est bien de vous, élus<br />
locaux, que la plupart des initiatives partent<br />
aujourd’hui. Vous en êtes l’illustration, vous qui avez<br />
décidé de prendre en main l’avenir de vos territoires.<br />
Je connais bien, pour y avoir travaillé pendant plusieurs<br />
années, <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> et l’action des départements et des<br />
col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s. Les élus locaux sont des acteurs<br />
essentiels du développement de nos territoires, du<br />
maintien du lien social avec nos concitoyens, de la<br />
mise en œuvre de politiques publiques essentiel<strong>le</strong>s.<br />
C’est bien cette proximité que nous devons à tout prix<br />
préserver. El<strong>le</strong> est la clé de la modernité de l’action<br />
publique et du renouveau du lien entre nos concitoyens<br />
et l’action publique. C’est tout <strong>le</strong> sens de la création<br />
récente du Commissariat général à l’égalité des<br />
territoires qui incarne cette nouvel<strong>le</strong> approche. Mais<br />
pour construire l’objectif d’égalité des territoires, nous<br />
devons aussi faire évoluer notre vocabulaire : en cela je<br />
rejoins tota<strong>le</strong>ment la thématique que vous avez<br />
choisie, cel<strong>le</strong> des « nouvel<strong>le</strong>s ruralités ». Il nous faut,<br />
comme vous <strong>le</strong> dites, inventer <strong>le</strong> vocabulaire qui<br />
permet de s’adapter à ces évolutions.<br />
Cette invention est en marche, et la création d’un<br />
ministère de l’égalité des territoires en est une<br />
illustration. Nous sommes passés d’une matière,<br />
l’aménagement du territoire, à un objectif politique et<br />
positif, l’égalité des territoires. Nous allons éga<strong>le</strong>ment<br />
créer un Conseil national à l’égalité des territoires, pour<br />
traduire concrètement la nécessité d’un dialogue<br />
renouvelé entre l’Etat et <strong>le</strong>s acteurs territoriaux sur <strong>le</strong>s<br />
<strong>grand</strong>es orientations à mettre en œuvre, en partant des<br />
remontées de terrain, de l’expérience des inégalités<br />
territoria<strong>le</strong>s subies et des initiatives prometteuses et<br />
innovantes qui s’y développent et je sais qu’el<strong>le</strong>s sont<br />
extrêmement nombreuses.<br />
32
Les mots ont du sens et disent beaucoup des choix<br />
politiques que nous faisons. Poursuivant mon propos,<br />
je souhaite m’appuyer sur trois mots qui, selon moi,<br />
résument parfaitement <strong>le</strong>s enjeux essentiels qui sont<br />
ceux des territoires ruraux auxquels il nous appartient<br />
de répondre : proximité, attractivité et solidarité.<br />
Le premier mot en référence à l’égalité et aux<br />
territoires ruraux est bien celui de proximité. Jamais<br />
nos concitoyens n’ont aussi fortement appelé à un<br />
renforcement de ce lien de proximité de l’action<br />
publique, en particulier dans <strong>le</strong>s départements ruraux,<br />
mais aussi dans <strong>le</strong>s quartiers de nos <strong>grand</strong>es vil<strong>le</strong>s et<br />
<strong>le</strong>s territoires périurbains. Les difficultés sont toujours<br />
là. Mais je ne crains pas de dire que ce gouvernement<br />
a fait beaucoup en deux ans et je veux étayer mon<br />
propos de quelques exemp<strong>le</strong>s concrets. Le ministère de<br />
la santé a engagé un Plan Territoires Santé qui a<br />
permis, en 2013, la création de 200 postes de<br />
praticiens territoriaux dans <strong>le</strong>s territoires où <strong>le</strong>s<br />
généralistes n’étaient pas suffisamment nombreux.<br />
Mon ministère a aussi contribué au développement de<br />
près de 300 maisons de santé pluridisciplinaires pour<br />
faciliter la mutualisation et l’installation de médecins.<br />
Le gouvernement, en créant des postes d’enseignants,<br />
a ainsi permis à de nombreuses classes de se<br />
maintenir, d’éco<strong>le</strong>s de rester ouvertes, notamment en<br />
milieu rural. A l’échel<strong>le</strong> de mes attributions, je prends<br />
moi aussi à bras <strong>le</strong> corps cette question. Je porte ainsi<br />
une stratégie transversa<strong>le</strong> de renforcement des services<br />
au public. Cette politique publique sera fondée sur la<br />
mise en oeuvre de schémas territoriaux de<br />
renforcement de l’accessibilité des services au public,<br />
qui permettront d’avoir une vision transversa<strong>le</strong> des<br />
manques et des besoins de nos concitoyens en termes<br />
d’offre de services. Il n’est pas normal que dans nos<br />
<strong>campagne</strong>s certains de nos concitoyens doivent<br />
parcourir des dizaines de kilomètres, voire plus, pour<br />
un rendez-vous avec un conseil<strong>le</strong>r d’un opérateur de<br />
l’Etat, ou simp<strong>le</strong>ment pour déposer un dossier et<br />
s’assurer de sa complétude !<br />
Nous devons inventer de nouvel<strong>le</strong>s solutions pour<br />
rapprocher <strong>le</strong>s services des citoyens, en nous appuyant<br />
sur <strong>le</strong> numérique, bien évidemment, mais pas<br />
seu<strong>le</strong>ment. Je pense en effet qu’il est dangereux de<br />
croire que la dématérialisation des procédures peut<br />
répondre, seu<strong>le</strong>, à cet enjeu de proximité et de qualité<br />
de service, même s’il est vrai que, dans beaucoup de<br />
cas, <strong>le</strong> numérique sera la solution.<br />
J’ai confiance dans la politique de mutualisation des<br />
services. Les schémas serviront de guide à la création<br />
de maisons de services au public, dont <strong>le</strong> principe<br />
même est fondé sur la mutualisation. Il existe 300<br />
maisons aujourd’hui et je fais mien l’objectif de <strong>le</strong>s<br />
porter à 1 000 d’ici à 2017. Je signerai très<br />
prochainement une convention avec la Caisse des<br />
Dépôts pour former et animer <strong>le</strong>s équipes qui font vivre<br />
chaque jour ces maisons de services au public. Je<br />
souhaite éga<strong>le</strong>ment mettre en place un fonds de<br />
financement abondé par <strong>le</strong>s opérateurs dont <strong>le</strong>s<br />
services sont accessib<strong>le</strong>s par <strong>le</strong> biais de ces maisons.<br />
L’Etat appuie et continuera d’appuyer financièrement<br />
tous ces projets, et je sais que cela répond aux attentes<br />
que vous avez exprimées dans votre rapport, messieurs<br />
<strong>le</strong>s Présidents.<br />
Le deuxième mot, c’est celui de l’attractivité des<br />
territoires. Chaque territoire a de nombreux atouts qui<br />
contribuent à son attractivité, comme j’avais pu <strong>le</strong><br />
constater quand j’étais en charge du tourisme. Mais il<br />
faut <strong>le</strong>s mettre en capacité de <strong>le</strong>s valoriser et d’en faire<br />
des <strong>le</strong>viers de développement, en ayant une approche<br />
différente car <strong>le</strong>s besoins ne sont pas <strong>le</strong>s mêmes.<br />
Pour re<strong>le</strong>ver ce défi, nous devons apporter aux<br />
territoires <strong>le</strong>s outils indispensab<strong>le</strong>s à <strong>le</strong>ur<br />
développement. Je pense, bien entendu, tout d’abord<br />
au très haut débit. Sur cette question, <strong>le</strong><br />
Gouvernement a lancé en février 2013 un plan<br />
33
d’aménagement numérique très ambitieux et<br />
fortement péréquateur pour <strong>le</strong>s territoires ruraux peu<br />
denses et enclavés. Le développement de ces<br />
infrastructures va donc s’accélérer dans <strong>le</strong>s années à<br />
venir, pour atteindre l’objectif d’une couverture tota<strong>le</strong><br />
d’ici à 2023. Ce plan rencontre un <strong>grand</strong> succès,<br />
puisqu’en début d’année, près de 40 projets avaient<br />
été soumis à la mission très haut débit, couvrant<br />
environ la moitié du territoire.<br />
Renforcer <strong>le</strong>s capacités des territoires ruraux passe<br />
aussi par la modernisation de l’agriculture. Si<br />
l’agriculture n’est plus la seu<strong>le</strong> activité de nos<br />
territoires, comme il a été dit, cela reste un secteur<br />
économique important et un <strong>le</strong>vier de préservation des<br />
paysages. La politique agrico<strong>le</strong> commune, qui a été<br />
renégociée en 2013 et qui a maintenu <strong>le</strong> niveau<br />
d’aide qui revient à la France, permettra de soutenir<br />
considérab<strong>le</strong>ment cet effort de modernisation, dans<br />
une logique de meil<strong>le</strong>ure répartition des aides entre <strong>le</strong>s<br />
<strong>grand</strong>es exploitations intensives et <strong>le</strong>s exploitations<br />
plus modestes et plus extensives. Ces aides<br />
permettront de moderniser <strong>le</strong>s exploitations, de<br />
consolider des filières, tel<strong>le</strong> la filière bois évoquée<br />
précédemment par <strong>le</strong> Président du Conseil général de<br />
la Nièvre et c’est une réalité, mais aussi de soutenir<br />
l’installation de jeunes agriculteurs. Ce dernier point est<br />
essentiel pour la vitalité démographique et économique<br />
des territoires ruraux.<br />
Mais il est aussi nécessaire d’accompagner la<br />
structuration de modè<strong>le</strong>s économiques solidaires et<br />
vertueux. Le Gouvernement a soutenu en 2013 une<br />
première vague de pô<strong>le</strong>s territoriaux de coopération<br />
économique, qui sont des projets de collaboration entre<br />
des acteurs de l’économie socia<strong>le</strong> et solidaire et de<br />
l’économie traditionnel<strong>le</strong>. Ces projets sont créateurs<br />
d’emplois locaux et répondent souvent à des besoins<br />
sociaux. L’Etat, et mon ministère en particulier, s’est<br />
engagé dans la reconnaissance de ce type de<br />
développement économique coopératif. Je souhaite<br />
vivement que ces démarches se multiplient dans <strong>le</strong>s<br />
territoires ruraux et je continuerai à apporter mon<br />
soutien à ces initiatives.<br />
Je souhaite enfin avoir une vigilance particulière sur<br />
l’avenir de nos petites vil<strong>le</strong>s, de nos petites communes<br />
et de certains centres-bourgs qui sont essentiels à<br />
l’attractivité du monde rural. L’Etat doit apporter son<br />
concours, donner des clés de réf<strong>le</strong>xion et des outils aux<br />
col<strong>le</strong>ctivités pour agir face à cette situation grave. Tel<br />
est l’objet d’un programme expérimental, celui de la<br />
revitalisation des centres-bourgs, qui concerne quelques<br />
dizaines de communes de moins de 10 000 habitants.<br />
J’ai décidé de poursuivre ce programme : <strong>le</strong>s territoires<br />
« pilotes » de cette démarche seront connus à<br />
l’automne. Ce programme s’adresse aux communes<br />
rura<strong>le</strong>s qui connaissent un déclin démographique ou un<br />
affaiblissement de <strong>le</strong>urs fonctions de centralité et qui<br />
sont confrontées à une dévitalisation de <strong>le</strong>ur centre<br />
éventuel<strong>le</strong>ment, accompagnée d’un développement de<br />
zones pavillonnaires périphériques. Il s’adresse<br />
éga<strong>le</strong>ment aux communes gagnées par la<br />
périurbanisation, qui voient augmenter la demande de<br />
logements, d’équipements et de services et pourraient<br />
servir de point d’ancrage à un développement<br />
périurbain mieux maîtrisé. Il vise à conforter la<br />
présence de centres-bourgs animés, qui sont essentiels<br />
pour <strong>le</strong> développement durab<strong>le</strong> des territoires ruraux et<br />
périurbains, notamment grâce à la dynamisation de<br />
l’économie des bassins de vie en développant des<br />
activités productives et résidentiel<strong>le</strong>s, mais aussi à<br />
l’amélioration du cadre de vie des populations, en<br />
offrant notamment des logements de qualité et un<br />
meil<strong>le</strong>ur accès aux services de proximité, et à<br />
l’accompagnement de la transition écologique des<br />
territoires. A partir de ce dispositif expérimental, nous<br />
définirons une stratégie nationa<strong>le</strong>, concertée avec <strong>le</strong>s<br />
col<strong>le</strong>ctivités territoria<strong>le</strong>s et ambitieuse pour la<br />
reconquête des centres-bourgs.<br />
C’est éga<strong>le</strong>ment dans ce même objectif de<br />
redynamisation des territoires que je souhaite<br />
réorienter la prime d’aménagement du territoire vers<br />
<strong>le</strong>s PME qui sont essentiel<strong>le</strong>s à l’activité de chacun, qui<br />
créent des emplois, qui préservent nos savoir-faire et<br />
qui participent à l’identité de notre pays. Je crois<br />
fermement que <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de l’Etat dans la mise en<br />
capacité des territoires, c’est précisément cela : mettre<br />
en œuvre des projets qui permettent de répondre aux<br />
enjeux spécifiques des territoires.<br />
Le dernier mot auquel je fais appel, et je sais que vous<br />
y êtes attachés, c’est la solidarité. L’Etat est <strong>le</strong> garant<br />
de cette solidarité. El<strong>le</strong> s’incarne dans la définition des<br />
politiques publiques dont il a la charge, qui permet de<br />
compenser <strong>le</strong>s difficultés particulières des territoires<br />
ruraux. Je pense, par exemp<strong>le</strong>, à l’adaptation permise<br />
pour <strong>le</strong>s emplois d’avenir dans <strong>le</strong>s territoires ruraux,<br />
comme dans <strong>le</strong>s territoires urbains en difficulté : ces<br />
contrats ont été ouverts plus <strong>grand</strong>ement aux<br />
diplômés.<br />
Cette question de l’adaptation, pour des raisons de<br />
solidarité ou de justice territoria<strong>le</strong>, des politiques<br />
publiques aux réalités du quotidien rural, j’y suis<br />
extrêmement attachée. C’est d’ail<strong>le</strong>urs l’objet de la<br />
34
mission qui a été confiée à Alain Bertrand, Sénateur de<br />
la Lozère, qui me rendra ses conclusions cet été. En<br />
me fondant sur ses recommandations, je souhaite al<strong>le</strong>r<br />
plus loin dans l’adaptation des politiques publiques aux<br />
zones rura<strong>le</strong>s.<br />
C’est éga<strong>le</strong>ment cette exigence de solidarité qui guide<br />
l’effort de péréquation vertica<strong>le</strong> qui a été fait depuis<br />
deux ans dans la répartition des dotations entre <strong>le</strong>s<br />
col<strong>le</strong>ctivités. La solidarité est éga<strong>le</strong>ment au cœur des<br />
mécanismes de péréquation horizonta<strong>le</strong>.<br />
L’intercommunalité est un outil puissant pour y<br />
parvenir. C’est pourquoi son renforcement n’est qu’un<br />
objectif. Mais el<strong>le</strong> doit aussi se manifester à travers<br />
«Proximité, attractivité et<br />
solidarité, si nous arrivons à<br />
re<strong>le</strong>ver ensemb<strong>le</strong> <strong>le</strong>s défis<br />
sous-jacents à ces trois mots, nous<br />
aurons beaucoup progressé»<br />
une mutualisation renforcée des moyens et des<br />
compétences.<br />
Aujourd’hui, l’une des difficultés majeures rencontrées<br />
dans <strong>le</strong>s territoires ruraux tient à l’accès à l’ingénierie.<br />
Or, c’est une clé essentiel<strong>le</strong> du développement des<br />
capacités des territoires : la création de moyens<br />
d’ingénierie mutualisés peut répondre efficacement aux<br />
besoins des territoires <strong>le</strong>s moins dotés.<br />
Enfin, la solidarité peut s’exprimer aussi à travers<br />
d’autres moyens que la péréquation financière. J’en<br />
viens à une thématique qui est encore peu investie,<br />
mais dont j’ai constaté avec plaisir qu’Alain Calmette<br />
et Caro<strong>le</strong> Delga, quand el<strong>le</strong> était encore députée,<br />
s’étaient saisis, cel<strong>le</strong> de la coopération territoria<strong>le</strong> entre<br />
<strong>le</strong> rural et l’urbain. Vous <strong>le</strong> savez tous, la création des<br />
métropo<strong>le</strong>s a profondément modifié la géographie de<br />
notre pays. Une politique d’égalité des territoires doit<br />
aussi s’interroger sur <strong>le</strong> développement des liens entre<br />
<strong>le</strong>s populations. Si nous ne voulons pas que<br />
l’interdépendance territoria<strong>le</strong> se fasse au détriment des<br />
territoires ruraux, il nous faut ouvrir <strong>le</strong> champ des<br />
thèmes de coopération. Il s’agit, non pas de se<br />
contenter de regarder cet enjeu au travers de la<br />
question de l’accès des citadins à la nature, aux loisirs<br />
ou de la gestion des déchets, mais clairement de poser<br />
<strong>le</strong>s bases d’une relation équilibrée entre <strong>le</strong>s territoires<br />
urbains et ruraux et des apports dont ils peuvent se<br />
nourrir mutuel<strong>le</strong>ment.<br />
Je pense en particulier que nous devons aussi renforcer<br />
<strong>le</strong> « vivre ensemb<strong>le</strong> » qui existe déjà grâce à la vitalité<br />
et à la richesse de la vie associative. C’est une chance<br />
pour <strong>le</strong>s territoires ruraux et une chance pour <strong>le</strong>s<br />
va<strong>le</strong>urs de la République. C’est un défi majeur et je<br />
souhaite m’y atte<strong>le</strong>r fermement. J’aurai besoin de<br />
toutes <strong>le</strong>s bonnes volontés pour faire émerger cet enjeu<br />
et pour lui donner une traduction concrète.<br />
Tel est, en trois mots – proximité, attractivité et<br />
solidarité –, <strong>le</strong> message que je voulais partager avec<br />
vous aujourd’hui. Bien sûr, je ne prétends pas à<br />
l’exhaustivité. Beaucoup d’autres sujets auraient pu<br />
être évoqués. Mais il me semb<strong>le</strong> déjà que si nous<br />
arrivons à re<strong>le</strong>ver ensemb<strong>le</strong> <strong>le</strong>s défis sous-jacents à ces<br />
trois mots, nous aurons beaucoup progressé.<br />
Malgré <strong>le</strong>s efforts du Gouvernement et des col<strong>le</strong>ctivités<br />
depuis deux ans, je sais qu’il nous reste encore un long<br />
chemin à parcourir pour tendre vers l’égalité des<br />
territoires. Malgré <strong>le</strong> contexte diffici<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s inquiétudes<br />
qui sont <strong>le</strong>s vôtres, je sais cependant pouvoir compter<br />
sur votre mobilisation et votre sens de l’intérêt général<br />
pour faire aboutir ce projet politique pour l’avenir de<br />
nos territoires, pour <strong>le</strong> redressement<br />
»<br />
de notre pays et<br />
pour l’avenir de nos concitoyens.<br />
(Applaudissements)<br />
(Mme Sylvia Pinel, Ministre du Logement et de l’Egalité des Territoires,<br />
quitte <strong>le</strong>s Etats Généraux des Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités.)<br />
35
Sans transition, j’invite à nous rejoindre Christophe Guilluy,<br />
géographe, pour intervenir sur <strong>le</strong> thème « Redonner un<br />
avenir aux territoires faib<strong>le</strong>ment métropolisés : quels intérêts<br />
pour ces territoires et pour la France ? »<br />
Christophe Guilluy, la géographie socia<strong>le</strong> et humaine est<br />
votre domaine de compétence. Nous souhaitions bénéficier<br />
de votre regard et de votre éclairage.<br />
M. Christophe<br />
GUILLUY<br />
Géographe<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
«Le timing ayant évolué et étant moi-même contraint par<br />
des impératifs de temps, je me propose de condenser<br />
mon propos, en l’illustrant de cartes.<br />
(Il est procédé à la projection de cartes)<br />
Cette première carte a pour thème la question des<br />
représentations. Vous l’avez entendu, tout <strong>le</strong> monde<br />
vous adore : <strong>le</strong> rural, c’est formidab<strong>le</strong>, tout comme <strong>le</strong><br />
département ! La commune aussi est aimée. C’est, en<br />
tout cas, ce que j’entends depuis vingt ans.<br />
«Toute représentation<br />
géographique est politique»<br />
Puis, ce sont des faits : la réforme territoria<strong>le</strong>, par<br />
exemp<strong>le</strong>, mais aussi un pouvoir politique de moins en<br />
moins prégnant pour <strong>le</strong>s départements et, globa<strong>le</strong>ment,<br />
pour <strong>le</strong>s zones rura<strong>le</strong>s.<br />
Etant géographe, je travail<strong>le</strong>, me tournant vers M.<br />
Dumont, sur <strong>le</strong>s représentations géographiques. A ce<br />
sujet, il faut avoir présent à l’esprit un point important :<br />
toute représentation géographique est politique. Depuis<br />
la nuit des temps, des cartes, élaborées par des<br />
technocrates, en l’occurrence par l’INSEE, vous sont<br />
présentées comme étant justes. Certes, ces cartes,<br />
comme cel<strong>le</strong> qui vous est projetée sur <strong>le</strong>s aires<br />
urbaines, ne sont pas fausses.<br />
«La carte des aires urbaines<br />
structure aujourd’hui la pensée<br />
géographique et politique»<br />
Ce sont de vraies cartes, avec de bel<strong>le</strong>s cou<strong>le</strong>urs,<br />
assorties d’informations sublimina<strong>le</strong>s. C’est, par<br />
exemp<strong>le</strong>, la question rural/urbain qui a été évoquée<br />
précédemment, avec <strong>le</strong> fait que la France compterait<br />
80 % d’urbains. L’INSEE va même plus loin, en<br />
avançant cette donnée selon laquel<strong>le</strong> 95 % de la<br />
population française est sous influence urbaine. Autant<br />
dire plus <strong>grand</strong>-chose pour <strong>le</strong> rural et autant de<br />
données entrées dans <strong>le</strong>s cerveaux !<br />
Il est clair que la carte des aires urbaines structure<br />
aujourd’hui la pensée géographique et politique.<br />
Chaque année ou tous <strong>le</strong>s deux ans, l’INSEE publie<br />
cette carte et ces tâches de cou<strong>le</strong>ur orange illustrant<br />
ces aires urbaines s’étendent, avec cette idée<br />
fina<strong>le</strong>ment que 80 % ou 90 % de la population<br />
française serait intégrée à ces territoires-là et que <strong>le</strong><br />
reste serait du vide !<br />
36
Personne ne conteste cette carte qui structure toute la<br />
pensée politique. C’est ainsi, en toi<strong>le</strong> de fond, la réforme<br />
territoria<strong>le</strong> qui, bien évidemment, est inscrite dans cette<br />
carte-là. Je veux dire par là qu’il faut faire très attention à<br />
la cartographie et aux représentations qui nous sont<br />
données.<br />
En allant plus loin, quel<strong>le</strong> place pour la ruralité ?<br />
Quasiment plus rien, comme l’illustre cette même carte !<br />
Sur cette représentation, ce sont, d’un côté, <strong>le</strong>s<br />
métropo<strong>le</strong>s avec toute la population française et, de<br />
l’autre, <strong>le</strong> reste, c’est-à-dire vous qui incarnez la ruralité<br />
tant aimée et toujours évoquée avec bienveillance. Je <strong>le</strong><br />
dis parce que, travaillant beaucoup sur la politique de la<br />
vil<strong>le</strong>, je constate en m’en amusant que, chaque fois que<br />
nous avons des initiatives en direction des quartiers<br />
urbains des <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s, il est systématiquement<br />
ajouté depuis deux ou trois ans, c'est-à-dire depuis que <strong>le</strong><br />
rural a tendance à bouger : « et <strong>le</strong>s zones rura<strong>le</strong>s » ! Les<br />
politiques publiques sont toujours faites sur de l’urbain,<br />
mais <strong>le</strong> fait d’ajouter « rural » calme <strong>le</strong>s zones rura<strong>le</strong>s.<br />
Cela ne coûte strictement rien et, politiquement, c’est<br />
assez vendeur !<br />
Le rural, réduit à peau de chagrin, est voué à disparaître<br />
sur cette représentation-là.<br />
M’intéressant d’abord et avant à la question des<br />
catégories populaires, des catégories modestes, je<br />
travail<strong>le</strong> plus, en réalité, sur <strong>le</strong> peup<strong>le</strong>ment que sur <strong>le</strong><br />
territoire. J’arrive au territoire par <strong>le</strong> peup<strong>le</strong>ment, plus que<br />
l’inverse. Je me suis posé quelques questions sur <strong>le</strong>s<br />
représentations. Reprenant la même carte de l’INSEE, si<br />
j’excepte <strong>le</strong>s métropo<strong>le</strong>s et me place dans ce que<br />
j’appel<strong>le</strong> la « France périphérique », c’est-à-dire tout ce<br />
qui se trouve à l’écart des métropo<strong>le</strong>s, nous voyons bien<br />
que <strong>le</strong>s territoires situés à l’écart ne sont pas uniquement<br />
« ruraux » au sens de l’INSEE. Ils peuvent être aussi<br />
urbains, c'est-à-dire qu’il peut s’agir de petites vil<strong>le</strong>s ou de<br />
vil<strong>le</strong>s moyennes. Par conséquent, la représentation «<br />
urbain/rural », ce n’est pas seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s métropo<strong>le</strong>s,<br />
d’un côté, et <strong>le</strong>s zones rura<strong>le</strong>s, de l’autre. C’est<br />
nettement plus comp<strong>le</strong>xe, avec notamment du rural,<br />
mais très connecté avec <strong>le</strong>s petites vil<strong>le</strong>s.<br />
«Quel<strong>le</strong> place pour la<br />
ruralité ? Quasiment plus<br />
rien»<br />
La notion de « nouvel<strong>le</strong>s ruralités » est intéressante en<br />
ce sens qu’el<strong>le</strong> est beaucoup plus large que la<br />
définition de l’INSEE. Je m’y retrouve parfaitement,<br />
avec cette idée que sont présents d’immenses<br />
territoires au-delà des <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s. Seu<strong>le</strong>ment,<br />
lorsque je montre cette carte avec ces immenses<br />
territoires, il m’est rétorqué que c’est la France du<br />
vide, là où il n’y a rien, et que tout se passe dans <strong>le</strong>s<br />
<strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s représentent <strong>le</strong>s deux<br />
tiers du PIB français, etc.<br />
Nous sommes donc allés plus loin, en considérant que<br />
la France, c’est toujours une majorité d’ouvriers,<br />
d’employés de catégorie modeste, avec de petits<br />
salaires, sans être forcément des pauvres. Nous nous<br />
sommes donc posé la question : où vivent-ils ?<br />
Bizarrement, pas du tout dans <strong>le</strong>s <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s,<br />
mais ail<strong>le</strong>urs ! Dans « la France des oubliés » ou, au<br />
choix, « la France des invisib<strong>le</strong>s ». En tout cas, ils se<br />
sont délocalisés peu à peu, s’agissant de 30 ans de<br />
recomposition socia<strong>le</strong> des territoires.<br />
La majorité de la population française – ouvriers,<br />
employés, jeunes et retraités issus de ces catégories<br />
qui pèsent tout de même très lourdement sur la<br />
sociologie française – ne vit donc plus sur des<br />
territoires qui « comptent ». Aujourd’hui, la majorité<br />
des catégories populaires vit sur <strong>le</strong>s territoires qui ne<br />
créent pas de la richesse. Après, il faut s’entendre sur<br />
la notion de création de richesse, sachant que <strong>le</strong> PIB ne<br />
dit pas tout, évidemment ! Nous avons alors créé un<br />
indicateur, celui de fragilité socia<strong>le</strong>, pour définir ce<br />
qu’est la France fragi<strong>le</strong>. Nous parlons de fragilité<br />
précisément pour ne pas retomber dans tout ce qui est<br />
pauvreté, chômage, et nous situer dans une vision plus<br />
large. Nous avons enrichi cet indicateur d’un certain<br />
nombre d’autres indicateurs, comme <strong>le</strong> taux de<br />
chômage, <strong>le</strong> taux d’emploi à temps partiel, <strong>le</strong> taux de<br />
propriétaires occupants modestes, étant entendu que<br />
toute carte est contestab<strong>le</strong>, même <strong>le</strong>s miennes, rien<br />
n’étant gravé dans <strong>le</strong> marbre. Bref, nous avons là une<br />
France qui est vraiment cel<strong>le</strong> du rural, des petites vil<strong>le</strong>s,<br />
de certaines vil<strong>le</strong>s moyennes. En tout cas, il est certain<br />
que cette France des fragilités socia<strong>le</strong>s n’est pas cel<strong>le</strong><br />
des <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s. Quel<strong>le</strong> est-el<strong>le</strong> alors ? Nous<br />
pouvons l’identifier ainsi, en fonction de l’indice de<br />
fragilité socia<strong>le</strong>, avec à droite de cette carte, Paris et, à<br />
gauche, <strong>le</strong>s communes rura<strong>le</strong>s : nous voyons<br />
clairement un lien assez fort entre fragilité et tail<strong>le</strong> des<br />
communes.<br />
Je vous invite là à une comparaison, avec, d’un côté,<br />
la France des métropo<strong>le</strong>s qui, d’après nos calculs,<br />
représente maximum 40 % de la population, banlieues<br />
et couronnes périurbaines comprises…<br />
»<br />
37
«<br />
A partir de quel niveau de population<br />
considérez-vous la métropo<strong>le</strong> ?<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Nous avons fait un distinguo entre « France<br />
métropolitaine » et « France périphérique ». La France<br />
métropolitaine, ce sont <strong>le</strong>s <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s<br />
<strong>grand</strong>es vil<strong>le</strong>s vraiment au sens large. En réalité, nous<br />
pouvons aussi en discuter : combien la France<br />
compte-t-el<strong>le</strong> de vraies métropo<strong>le</strong>s ? Certains disent<br />
qu’el<strong>le</strong> ne compte qu’une seu<strong>le</strong> métropo<strong>le</strong><br />
mondialisée, Paris, mais ce peut être une définition à<br />
l’infini.<br />
La « France métropolitaine », c’est 40 % de la<br />
population française. C’est cel<strong>le</strong> des territoires qui sont<br />
plus dynamiques économiquement, qui concentrent<br />
essentiel<strong>le</strong>ment des emplois cadres et qui créent <strong>le</strong> plus<br />
d’emplois, bref, ceux qui « comptent » dans la<br />
mondialisation.<br />
«La France périphérique, c’est<br />
60 % de la population française,<br />
cel<strong>le</strong> où se trouve l’essentiel des<br />
fragilités socia<strong>le</strong>s»<br />
La « France périphérique », c’est 60 % de la<br />
population française, cel<strong>le</strong> où se trouve l’essentiel des<br />
fragilités socia<strong>le</strong>s. Cette question est primordia<strong>le</strong> : la<br />
majorité des catégories modestes vit sur <strong>le</strong>s territoires<br />
<strong>le</strong>s plus fragi<strong>le</strong>s économiquement et socia<strong>le</strong>ment.<br />
Nous comprenons aujourd’hui pourquoi <strong>le</strong>s radicalités<br />
socia<strong>le</strong>s et politiques viennent de cette France<br />
périphérique. Le mouvement des « bonnets rouges »<br />
en Bretagne est parti, ni de Nantes, ni de Rennes, mais<br />
de la Bretagne intérieure. Pourquoi ? Ces territoires<br />
sont très fragi<strong>le</strong>s économiquement. En cas de pertes<br />
d’emplois, s’ensuit très souvent <strong>le</strong> chômage total parce<br />
que <strong>le</strong>s mobilités sont très diffici<strong>le</strong>s sur ces territoires.<br />
C’est un maillage économique très fragi<strong>le</strong> et ce sont<br />
des populations el<strong>le</strong>s-mêmes très fragi<strong>le</strong>s socia<strong>le</strong>ment.<br />
Dans cette France périphérique, émerge une nouvel<strong>le</strong><br />
question socia<strong>le</strong>. L’essentiel de l’emploi aujourd’hui se<br />
crée dans <strong>le</strong>s <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s, précisément là où<br />
ne se trouvent plus ces catégories modestes. Hier, <strong>le</strong>s<br />
ouvriers vivaient dans des vil<strong>le</strong>s industriel<strong>le</strong>s qui<br />
créaient de l’emploi et ils étaient intégrés<br />
économiquement à la machine économique.<br />
Aujourd’hui, et tel est <strong>le</strong> <strong>grand</strong> malaise sociétal et<br />
démocratique que nous vivons, la majorité des<br />
catégories modestes ne vivent pas là où cela se passe.<br />
Ce n’est jamais arrivé dans l’Histoire. Là est <strong>le</strong> disque<br />
dur ! Là est <strong>le</strong> fond ! Le fond n’est pas la réforme<br />
territoria<strong>le</strong>. La coquil<strong>le</strong> est accessoire. Voici la question :<br />
quel<strong>le</strong> réalité socia<strong>le</strong> avez-vous, vous, sous <strong>le</strong>s yeux ?<br />
Ces territoires de la France périphérique se remplissent<br />
depuis 30 ans de ménages. Les territoires, y compris<br />
ruraux, accueil<strong>le</strong>nt aujourd’hui de plus en plus de<br />
monde, mais aussi des populations socia<strong>le</strong>ment<br />
modestes. C’est un enjeu social complètement nouveau.<br />
Nous sommes toujours à penser la question socia<strong>le</strong> avec<br />
<strong>le</strong>s outils statistiques français. Nous sommes très bons<br />
en France, par exemp<strong>le</strong>, pour repérer <strong>le</strong>s situations de<br />
concentration, de pauvreté, de chômage, etc. D’où la<br />
politique de la Vil<strong>le</strong>. En revanche, nous sommes assez<br />
mauvais, voire nuls sur la question de la dispersion de la<br />
précarité et du chômage.<br />
Avec la France périphérique, cette nouvel<strong>le</strong> question<br />
socia<strong>le</strong> passe complètement à l’as. Pourquoi ? Ces<br />
territoires de la France périphérique qui rejoignent vos<br />
territoires de la nouvel<strong>le</strong> ruralité n’existent pas<br />
politiquement. Nous pouvons discuter à l’infini de ces<br />
problèmes sociaux, si vous ne pesez pas politiquement,<br />
38
on n’arrivera à rien. Or, et tel est <strong>le</strong> paradoxe, vous<br />
avez la majorité de la population sur ces territoires-là et<br />
une immense majorité des catégories modestes. Au<br />
lieu d’être au chevet de cette France-là, qu’est-il<br />
organisé ? Un territoire qui va aujourd’hui se structurer<br />
autour des <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s !<br />
Je ne tiens pas un discours contre la métropolisation.<br />
Nous avons besoin de <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s d’échel<strong>le</strong><br />
mondia<strong>le</strong>. En revanche, quel est <strong>le</strong> modè<strong>le</strong> économique<br />
et social de ces territoires-là ? Il ne s’agit pas d’y<br />
refaire ce qui a été fait dans <strong>le</strong>s <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s. Il<br />
va falloir penser <strong>le</strong>s choses différemment. C’est<br />
pourquoi votre initiative est très intéressante : il s’agit<br />
de partir de vos forces et aussi de vos faib<strong>le</strong>sses pour<br />
définir ce que pourrait être un contre-modè<strong>le</strong>.<br />
Le temps me manque malheureusement pour présenter<br />
différentes thématiques socia<strong>le</strong>s touchant vos<br />
territoires. Cette carte illustre <strong>le</strong>s retraités populaires,<br />
issus de catégories modestes, qui sont aussi dans cette<br />
France périphérique, donc sur vos territoires, et qui<br />
posent des problèmes spécifiques. Avoir à gérer des<br />
retraités aux très modestes pensions n’est pas la<br />
même chose que de gérer des retraités aisés. Comme<br />
j’ai coutume de <strong>le</strong> dire, il est très faci<strong>le</strong> de gérer de<br />
<strong>grand</strong>es vil<strong>le</strong>s comme Paris et Lyon, mais nettement<br />
plus compliqué de gérer une petite vil<strong>le</strong> ou une vil<strong>le</strong><br />
moyenne. Il est plus comp<strong>le</strong>xe d’être maire de<br />
Char<strong>le</strong>vil<strong>le</strong>-Mézières ou de Saint-Dizier que d’être maire<br />
de Paris, sachant par ail<strong>le</strong>urs que je n’ai rien contre <strong>le</strong><br />
maire de Paris !<br />
Dans <strong>le</strong> cadre du Commissariat général à la stratégie et<br />
à la prospective, j’ai été missionné pour travail<strong>le</strong>r sur la<br />
question de l’enfance et de la pauvreté. C’est un<br />
exemp<strong>le</strong> parmi différentes thématiques que je vous<br />
cite. Ma mission consistait à travail<strong>le</strong>r sur <strong>le</strong>s quartiers<br />
urbains des <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s et nous nous sommes<br />
rendus compte que la majorité des enfants pauvres ne<br />
vit pas dans ces quartiers urbains qui, par ail<strong>le</strong>urs,<br />
comptent aussi des enfants pauvres, mais qu’ils sont<br />
dispersés sur l’ensemb<strong>le</strong> du territoire. Nous retrouvons là<br />
ce pourcentage : 60 % des enfants de catégories<br />
populaires vivent dans <strong>le</strong>s espaces ruraux et <strong>le</strong>s petites<br />
vil<strong>le</strong>s. C’est typiquement <strong>le</strong> genre de politique publique<br />
que ne parvient pas à se mettre en place parce que nous<br />
avons des représentations complètement calées et<br />
collées sur la <strong>grand</strong>e métropo<strong>le</strong> et <strong>le</strong> fait urbain, avec<br />
des thématiques que l’on rate. Par exemp<strong>le</strong> : la<br />
monoparentalité, la thématique par excel<strong>le</strong>nce de la<br />
politique de la vil<strong>le</strong>.<br />
«Au lieu d’être au chevet de<br />
cette France-là, qu’est-il<br />
organisé ? Un territoire qui va<br />
aujourd’hui se structurer autour<br />
des <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s !»<br />
Or, si nous assistons à de fortes concentrations de<br />
ménages monoparentaux dans des quartiers de <strong>grand</strong>es<br />
métropo<strong>le</strong>s, nous nous rendons compte aussi que la<br />
moitié de ces famil<strong>le</strong>s monoparenta<strong>le</strong>s est aussi<br />
dispersée sur <strong>le</strong> territoire. Voilà encore une thématique !<br />
Pourtant, et tel<strong>le</strong> est toujours la représentation, <strong>le</strong> rural,<br />
ce sont uniquement <strong>le</strong>s retraités.<br />
Autre thématique des facteurs de fragilité socia<strong>le</strong>, <strong>le</strong><br />
logement. La question du logement social est toujours<br />
très liée à la question urbaine, en particulier des <strong>grand</strong>es<br />
vil<strong>le</strong>s. Or, la question du logement sur vos territoires est<br />
très liée à cel<strong>le</strong> notamment des propriétaires précaires et<br />
d’un parc de logements privé très précarisé. C’est là<br />
aussi une nouvel<strong>le</strong> thématique : comment transformer<br />
ces logements ? Une politique spécifique du logement<br />
social est-el<strong>le</strong> à penser sur ces territoires ?<br />
J’ai repris la même carte des fragilités à l’échel<strong>le</strong><br />
départementa<strong>le</strong>. Il est assez intéressant de constater<br />
que <strong>le</strong>s départements <strong>le</strong>s plus fragi<strong>le</strong>s socia<strong>le</strong>ment sont<br />
ceux qui n’ont pas de métropo<strong>le</strong>. A un moment où il est<br />
prôné la dis<strong>pari</strong>tion des départements et la<br />
structuration du territoire autour des métropo<strong>le</strong>s, il est<br />
aussi intéressant de souligner qu’en réalité, la question<br />
socia<strong>le</strong> est portée par <strong>le</strong>s départements qui ne sont pas<br />
– ou très peu – métropolisés.<br />
Je conclus sur ce point, histoire de ne pas créer de<br />
polémiques… ! (Sourires)<br />
Nous pouvons ne rien changer à rien, rester<br />
tranquil<strong>le</strong>ment sur des représentations traditionnel<strong>le</strong>s,<br />
laisser <strong>le</strong> rural et <strong>le</strong>s départements mourir, sauf que<br />
surviennent des faits tout de même importants en<br />
France, socia<strong>le</strong>ment et culturel<strong>le</strong>ment, avec un malaise<br />
démocratique.<br />
Vous est présentée là, la carte nationa<strong>le</strong> du Front<br />
national et j’ai repris la même carte, avec <strong>le</strong>s mêmes<br />
chiffres, mais ramenée à la moyenne régiona<strong>le</strong>. Région<br />
par région, <strong>le</strong> vote dit protestataire émerge. J’aurais pu<br />
de même vous présenter la carte de l’abstention,<br />
sachant que nous avons sondé <strong>le</strong>s abstentionnistes,<br />
<strong>le</strong>squels voteraient de même. Par conséquent, l’idée<br />
selon laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong> vote Front national est surreprésenté à<br />
cause de l’abstention ne tient pas. En réalité, des<br />
populations tout entières sont vraiment aujourd’hui<br />
dans une forme de désaffiliation par rapport aux<br />
<strong>grand</strong>s partis. Je veux dire par là que cette logique<br />
« France périphérique » / « France métropolitaine »<br />
fonctionne dans toutes <strong>le</strong>s régions. Un vote des<br />
périphéries, très fortement lié au Front national, est en<br />
train d’émerger un peu partout et quel que soit <strong>le</strong><br />
territoire. Il en est ainsi en Bretagne où <strong>le</strong>s chiffres<br />
sont, certes, moins é<strong>le</strong>vés, mais <strong>le</strong> vote Front national<br />
est ramené à la moyenne régiona<strong>le</strong>. Il en est ainsi<br />
autour de toutes <strong>le</strong>s <strong>grand</strong>es métropo<strong>le</strong>s.<br />
39
La question est majeure. Si nous ne bougeons pas, il<br />
est évident que toutes ces tendances vont s’accentuer.<br />
Il est tout de même assez paradoxal que, suite à ce<br />
vote, la réponse du Gouvernement soit cel<strong>le</strong> de la<br />
réforme territoria<strong>le</strong> et du regroupement de régions. La<br />
fusion des régions Poitou-Charentes, Centre et Limousin<br />
est-el<strong>le</strong> « la » réponse ?...<br />
«Il s’agit de partir de vos forces<br />
et aussi de vos faib<strong>le</strong>sses pour<br />
définir ce que pourrait être un<br />
contre-modè<strong>le</strong>»<br />
En conclusion, je vous laisse avec une multitude de<br />
problèmes (Sourires), mais sachez que vous êtes sur la<br />
bonne voie ! N’attendez rien « d’en haut » ! En<br />
revanche, tout se joue politiquement. La question n’est<br />
pas seu<strong>le</strong>ment socia<strong>le</strong> : el<strong>le</strong> est votre poids politique.<br />
(Applaudissements) »<br />
Pouvons-nous dire, pour faire simp<strong>le</strong> et en<br />
guise de raccourci, que la France rura<strong>le</strong> est<br />
aujourd’hui cel<strong>le</strong> des fractures socia<strong>le</strong>s ?<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
«Si nous pensons <strong>le</strong> rural au sens large, oui, bien sûr !<br />
La question socia<strong>le</strong> et politique est là.<br />
Voilà dix ans, nous disions que tout partirait des<br />
banlieues. Rappe<strong>le</strong>z-vous <strong>le</strong>s émeutes ! Tout devait<br />
« péter » dans <strong>le</strong>s banlieues. Nous observons<br />
aujourd’hui que <strong>le</strong>s radicalités socia<strong>le</strong>s et politiques<br />
émergent de cette France périphérique. Ce n’est que <strong>le</strong><br />
début et je n’ai pas l’impression qu’en haut, on l’ait<br />
compris !»<br />
Merci pour la clarté de vos propos que vous<br />
avez été contraints de synthétiser pour des<br />
impératifs horaires, sachant que votre train<br />
ne vous attendra pas ! Mais votre éclairage<br />
social et même politique, avec ce raccourci<br />
avec l’actualité, était essentiel.<br />
Merci, Christophe Guilluy, de votre<br />
contribution à notre débat !<br />
(Applaudissements)<br />
«Merci à vous et désolé d’être<br />
obligé de vous quitter !»<br />
40
M me . Hélène COMBE DE LA<br />
FUNTE MARTINEZ<br />
Observatoire de la décision publique,<br />
déléguée généra<strong>le</strong><br />
de la chaire partenaria<strong>le</strong><br />
« Développement humain durab<strong>le</strong><br />
et territoires »<br />
«Je tiens juste à réagir en deux ou trois points à<br />
l’intervention de Christophe Guilluy.<br />
Je crois qu’il faut faire attention à différencier <strong>le</strong>s<br />
problématiques qui se posent en milieu rural et en<br />
milieu urbain. Effectivement, la pauvreté est plus<br />
diffuse en milieu rural, mais il est aujourd’hui un<br />
problème en milieu urbain : l’élargissement des écarts<br />
entre <strong>le</strong>s plus riches et <strong>le</strong>s plus pauvres, ce qui crée<br />
d’autres raisons de mal-être et de mal-vivre ensemb<strong>le</strong>.<br />
«Vous devriez tous vous saisir<br />
d’un chantier important : <strong>le</strong>s<br />
nouveaux indicateurs de richesse<br />
territoriaux. Les chiffres de<br />
l’INSEE ne fonctionnant plus»<br />
Il s’agit éga<strong>le</strong>ment de ne pas trop unifier nos réf<strong>le</strong>xions<br />
lorsque l’on aborde ces sujets comp<strong>le</strong>xes, tels que ceux<br />
des famil<strong>le</strong>s monoparenta<strong>le</strong>s ou des allocataires du<br />
RSA. En particulier, <strong>le</strong>s famil<strong>le</strong>s monoparenta<strong>le</strong>s en vil<strong>le</strong><br />
et en <strong>campagne</strong> n’ont pas, la plupart du temps, <strong>le</strong>s<br />
mêmes systèmes de vie. Cel<strong>le</strong>s qui sont en <strong>campagne</strong><br />
ont plus souvent des systèmes de solidarité familia<strong>le</strong><br />
que cel<strong>le</strong>s étant en vil<strong>le</strong>.<br />
Par ail<strong>le</strong>urs, je tiens à évoquer un point cité de façon<br />
implicite à plusieurs reprises. Dans <strong>le</strong> cadre des Etats<br />
Généraux des Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités, vous devriez tous<br />
vous saisir d’un chantier important : <strong>le</strong>s nouveaux<br />
indicateurs de richesse territoriaux. Les chiffres de<br />
l’INSEE ne fonctionnant plus, comme il a été dit, il<br />
convient, et là est la logique, d’en venir à ce qui<br />
compte <strong>le</strong> plus fina<strong>le</strong>ment, et ce pour deux raisons :<br />
créer <strong>le</strong>s outils du dialogue territorial et démontrer en<br />
quoi <strong>le</strong> milieu rural est source d’apports différents.<br />
Concernant <strong>le</strong> rural et l’urbain, je vous cite juste ce qui<br />
a été dit en Pays de la Loire sur <strong>le</strong>s richesses qui ont<br />
été perdues et cel<strong>le</strong>s qui sont à préserver.<br />
Cel<strong>le</strong>s qui ont été perdues, ce sont <strong>le</strong>s liens sociaux à<br />
réinventer, <strong>le</strong>s liens sensoriels à la nature, l’enjeu<br />
col<strong>le</strong>ctif de l’éducation et de la bientraitance des<br />
enfants, <strong>le</strong>s notions de justice et d’égalité avec<br />
justement la question de la répartition des richesses et<br />
de la limitation des écarts. C’est retrouver la sérénité<br />
dans <strong>le</strong> rapport au temps. Ce sont là, ne serait-ce qu’en<br />
se saisissant de ces sujets, des enjeux majeurs à se<br />
réapproprier en milieu rural.<br />
C’est aussi la question évoquée tout à l’heure par M.<br />
Joly, cel<strong>le</strong> des biens communs. Nous nous mélangeons<br />
aujourd’hui <strong>le</strong>s pinceaux en mettant sous <strong>le</strong> vocab<strong>le</strong> de<br />
biens communs tout et n’importe quoi. « Se réinventer<br />
<strong>le</strong>s biens communs »… Non ! Les biens communs<br />
sont universels et non substituab<strong>le</strong>s. Ils sont de deux<br />
ordres : ceux qui permettent la vie humaine, c’est l’air,<br />
l’eau, <strong>le</strong> sol, la biodiversité, <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il, et ceux qui<br />
permettent de faire société, c’est la diversité culturel<strong>le</strong><br />
et l’éducation.<br />
Sur la question des biens communs permettant la vie,<br />
<strong>le</strong> milieu rural a à revendiquer son rô<strong>le</strong> de protection,<br />
de préservation, de territoire permettant la vie.<br />
Sur la question des biens communs permettant de faire<br />
société, <strong>le</strong> milieu rural doit aujourd’hui se poser la<br />
question de la diversité culturel<strong>le</strong>. Nous faisons tous<br />
actuel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s autruches sur la question des migrants<br />
du climat. Le Haut-commissariat aux réfugiés nous<br />
annonce 230 millions de personnes sur <strong>le</strong>s routes du<br />
monde d’ici à 2030, sachant que <strong>le</strong>s migrations ne<br />
seront plus seu<strong>le</strong>ment régiona<strong>le</strong>s et d’ail<strong>le</strong>urs, nous<br />
voyons bien qu’el<strong>le</strong>s commencent à ne plus être<br />
régiona<strong>le</strong>s du tout !<br />
«Le Haut-commissariat aux<br />
réfugiés nous annonce 230<br />
millions de personnes sur <strong>le</strong>s<br />
routes du monde d’ici à 2030»<br />
Par conséquent, soit l’on continue à penser la<br />
fermeture des frontières et il faudra, ce qui est déjà <strong>le</strong><br />
cas, tirer aux frontières ; soit l’on se dit que nous<br />
sommes à un moment absolument primordial de<br />
l’humanité : c’est la première fois que l’on peut<br />
anticiper des migrations massives. Qu’aurions-nous à<br />
dire de l’accueil de personnes nous venant d’ail<strong>le</strong>urs<br />
dans l’ensemb<strong>le</strong> de nos territoires et, notamment, dans<br />
nos territoires ruraux ? Ce sont là, me semb<strong>le</strong>-t-il, de<br />
»<br />
vrais enjeux ! (Applaudissements)<br />
41
42<br />
Ayant une <strong>grand</strong>e connaissance de la ruralité en<br />
tant que sociologue, Denis Muzet, éga<strong>le</strong>ment<br />
Président de l’Institut Médiascopie spécialisé dans<br />
la mesure autour notamment des médias, a eu la<br />
mission de réaliser un sondage et de retenir des<br />
mots qu’il va nous délivrer, commenter, et sur<br />
<strong>le</strong>squels il ne manquera pas ensuite de se<br />
projeter.<br />
M. Denis MUZET<br />
Sociologue et président<br />
de l’Institut Médiascopie<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
«Je précise d’emblée que ce n’est pas simp<strong>le</strong>ment une<br />
enquête. Réaliser des études et des enquêtes permet<br />
peut-être de mieux comprendre ce qui se passe dans <strong>le</strong><br />
pays, mais ce n’est pas suffisant. Je tiens donc à<br />
apporter une contribution qui va au-delà de l’enquête.<br />
D’abord, je tiens à dire merci à Patrice Joly qui nous a<br />
confié cette mission de réf<strong>le</strong>xion et d’action. Merci aux<br />
« quatre mousquetaires » de la ruralité !<br />
Pourquoi ce travail sur <strong>le</strong>s mots des nouvel<strong>le</strong>s ruralités ?<br />
Au fond, que signifie « ruralité » ? Que comprenons-nous<br />
à travers ce mot ? Quel<strong>le</strong> perception recouvre ce terme ?<br />
Peut-on par<strong>le</strong>r de nouvel<strong>le</strong>s ruralités et suffit-il d’ail<strong>le</strong>urs<br />
de faire figurer cet adjectif « nouvel<strong>le</strong>s » pour que, tout<br />
d’un coup, cela fasse sens ? Quels sont <strong>le</strong>s mots qui<br />
expriment <strong>le</strong> mieux la vitalité des territoires ruraux, <strong>le</strong>ur<br />
capacité d’innovation, l’alternative qu’ils constituent par<br />
rapport à la concentration urbaine et métropolitaine ?<br />
C’est pour répondre à ces questions que nous avons,<br />
dans un premier temps, réalisé une enquête dont je vais<br />
vous présenter <strong>le</strong>s principaux résultats. Nous avons<br />
d’abord essayé de recenser tous <strong>le</strong>s mots qui disent la<br />
réalité, ses thèmes, ses dimensions, ses enjeux, ses<br />
acteurs, etc. Nous avons donc analysé un ensemb<strong>le</strong> de<br />
publications, d’artic<strong>le</strong>s, de rapports, de sites Internet,<br />
d’interviews dans <strong>le</strong>squels on par<strong>le</strong> de ruralité afin de<br />
savoir quels sont <strong>le</strong>s mots des experts, des professionnels<br />
et des élus. Nous avons aussi cherché <strong>le</strong>s mots des<br />
habitants parce que la façon dont ils par<strong>le</strong>nt de ce sujet<br />
n’est pas tout à fait la même.<br />
Dans <strong>le</strong> cadre de cette enquête, nous avons donc<br />
interrogé des ruraux et des citadins à l’occasion<br />
d’interviews très ouverts, semi directifs, de réunions de<br />
groupes d’habitants dans différentes contrées dont<br />
Nevers, et nous avons recueilli tous <strong>le</strong>s mots qui disent<br />
la ruralité et nous sommes parvenus à une liste de plus<br />
de 500 mots, en ne choisissant pas que <strong>le</strong>s mots <strong>le</strong>s<br />
plus fréquents, mais parfois des mots rares et<br />
intéressants à prendre en compte.<br />
«Le ressenti des mots de la<br />
ruralité est très positif, aussi<br />
bien pour <strong>le</strong>s ruraux que pour<br />
<strong>le</strong>s urbains»<br />
Dans un second temps, nous avons sé<strong>le</strong>ctionné, parmi<br />
l’ensemb<strong>le</strong> des mots de l’écrit et de l’oral, un peu<br />
moins de 200 mots pour <strong>le</strong>s soumettre au jugement<br />
d’un échantillon national de 805 personnes réparties,<br />
pour moitié – 402 personnes –, dans des communes<br />
rura<strong>le</strong>s des principaux départements ruraux français et,<br />
pour moitié – 403 personnes –, dans <strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s<br />
métropo<strong>le</strong>s françaises.<br />
(Il est procédé à la projection d’un PowerPoint)<br />
L’enquête a eu lieu en ligne. Imaginez-vous participer à<br />
l’enquête, étant devant votre ordinateur ou celui de<br />
votre fils ou de votre voisine. Vous voyez un premier<br />
mot apparaître, par exemp<strong>le</strong> « <strong>campagne</strong> ». Une<br />
question vous est alors posée : « Quand vous pensez à<br />
la <strong>campagne</strong> et au milieu rural, plus ce mot et cette<br />
phrase évoquent quelque chose de positif, plus vous lui<br />
donnez une note proche de 10. Moins ce mot et cette<br />
phrase évoquent quelque chose de positif, plus vous lui<br />
donnez une note proche de 0. Admettons que sur <strong>le</strong><br />
mot « <strong>campagne</strong> », vous donniez la note de 7. A ce<br />
moment-là, un deuxième mot apparaît, par exemp<strong>le</strong><br />
« industrie » et là, vous devez <strong>le</strong> notez sur la même<br />
question en positif ou en négatif. Un troisième mot<br />
apparaît, par exemp<strong>le</strong> « tourisme rural », que vous<br />
noterez sur cette échel<strong>le</strong> et ainsi de suite, et ce<br />
jusqu’au dernier mot, s’agissant, en l’occurrence, de<br />
186 mots.
9<br />
8<br />
7<br />
6<br />
5<br />
4<br />
3<br />
4 5 6 7 8<br />
9<br />
Les mots des Nouvel<strong>le</strong>s rur<br />
positif<br />
Vue d'ensemb<strong>le</strong><br />
Urbains<br />
Ruraux<br />
ressenti<br />
8<br />
7<br />
6<br />
5<br />
5<br />
Les atouts des nouvel<strong>le</strong>s rur<br />
la chasse et la pêche<br />
Produire et consommer local<br />
L<br />
Promouvoir et valoriser<br />
<strong>le</strong> patrimoine<br />
bien-être<br />
<strong>le</strong>s forêts<br />
prendre <strong>le</strong> temps des choses<br />
produire et manger local<br />
acheter directement ses produits aux producteurs locaux<br />
gastronomie loca<strong>le</strong><br />
la <strong>campagne</strong><br />
travail<strong>le</strong>r près de chez soi conserver et valoriser <strong>le</strong> patrimoine naturel<br />
microagriculture<br />
lieux naturels pour la pratique sportive<br />
respect des cyc<strong>le</strong>s et des rythmes naturels garder <strong>le</strong>s services publics locaux<br />
promouvoir <strong>le</strong>s produits du terroir et <strong>le</strong>s AOP loca<strong>le</strong>s<br />
valoriser <strong>le</strong>s atouts du milieu rural<br />
conserver et valoriser <strong>le</strong> patrimoine architectural et historique<br />
<strong>le</strong>s villages<br />
<strong>le</strong>s artisans<br />
habiter et travail<strong>le</strong>r en milieu rural<br />
PNR<br />
tourisme rural<br />
animations, fêtes loca<strong>le</strong>s attirer et accueillir des jeunes en milieu rural<br />
croissance verte<br />
services publics en ligne<br />
aider<br />
60% de la population française vit dans des petites communes<br />
agriculture<br />
<strong>le</strong>s communes<br />
<strong>le</strong>s habitants<br />
o<br />
lien social<br />
attirer <strong>le</strong>s entreprises dans <strong>le</strong>s territoires ruraux<br />
<strong>le</strong>s associations <strong>le</strong>s ruraux<br />
transports scolaires<br />
ef<br />
attirer et accueillir des actifs en milieu rural<br />
<strong>le</strong>s agriculteurs<br />
<strong>le</strong>s jeunes<br />
voiture<br />
co-voiturage lieux culturels innovation<br />
reconversion professionnel<strong>le</strong><br />
<strong>le</strong>s petites et moyennes vil<strong>le</strong>s<br />
of<br />
insertion professionnel<strong>le</strong> des jeunes<br />
ESS mise aux normes urbaines des territoires ruraux<br />
<strong>le</strong>s maires<br />
<strong>le</strong>s seniors<br />
action publique loca<strong>le</strong><br />
offres d'emploi en milieu rural<br />
faire des territoires ruraux <strong>le</strong>s laboratoires<br />
<strong>le</strong> vieillissement de la population : un atout<br />
verte<br />
L<br />
absence d'anonymat<br />
<strong>le</strong>s syndicats agrico<strong>le</strong>s<br />
TER<br />
action publique nationa<strong>le</strong><br />
Les transports<br />
5<br />
vorante<br />
TGV<br />
<strong>le</strong>s citadins<br />
<strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s<br />
construction de <strong>grand</strong>es surfaces commercia<strong>le</strong>s aux a<strong>le</strong>ntours des bourgs<br />
industrie<br />
l'Europe<br />
"rurbanisation"<br />
dif<br />
<strong>le</strong> milieu rural, un monde en voie de dis<strong>pari</strong>tion<br />
manque de moyens financiers des territoires ruraux<br />
opposition vil<strong>le</strong>-<strong>campagne</strong><br />
4<br />
mondialisation<br />
ef<br />
Un monde en voie de dis<strong>pari</strong>tion ?<br />
iso<strong>le</strong>ment<br />
L<br />
rural<br />
3<br />
ennui<br />
4 5 6<br />
7 8<br />
ne doit pas être une prior<br />
pour <strong>le</strong>s pouvoirs publics demain<br />
doit être une prior<br />
Les peurs<br />
43
44<br />
Quand <strong>le</strong>s 186 mots ont été notés sur cette échel<strong>le</strong>, ils<br />
réapparaissent dans un ordre différent car l’ordre de<br />
passage est aléatoire pour chaque individu et nul ne<br />
voit donc <strong>le</strong>s mots dans <strong>le</strong> même ordre.<br />
«Les enjeux et <strong>le</strong>s objectifs de la<br />
mission Nouvel<strong>le</strong>s ruralités<br />
rencontrent l’adhésion<br />
spontanée de l’ensemb<strong>le</strong> de la<br />
population française»<br />
Voici alors une deuxième question : « Plus vous jugez<br />
que <strong>le</strong>s pouvoirs publics nationaux et locaux devraient<br />
faire de ce mot ou de cette phrase une priorité demain,<br />
plus vous lui donnez une note proche de 10. Moins<br />
vous jugez que <strong>le</strong>s pouvoirs publics nationaux et locaux<br />
devraient faire de ce mot ou de cette phrase une<br />
priorité demain, plus vous lui donnez une note proche<br />
de 0. » Là, chacun des mots réapparaît, étant noté sur<br />
cette deuxième échel<strong>le</strong>.<br />
A la fin, munis de <strong>le</strong>urs deux notes moyennes, <strong>le</strong>s mots<br />
sont projetés dans un graphique que je vous<br />
présenterai dans quelques instants.<br />
Il faut savoir que chacun des 186 mots a été noté en<br />
trois ou quatre secondes. Nous recueillons donc un<br />
ressenti sur chacun des mots et, à travers l’ensemb<strong>le</strong><br />
des mots, la carte des représentations des Français<br />
attachés à la ruralité. Ce n’est donc pas un sondage,<br />
contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure, <strong>le</strong>s<br />
sondages s’intéressant à l’opinion. Nous ne nous<br />
intéresserons pas à l’opinion, laquel<strong>le</strong> est volati<strong>le</strong>. Dans<br />
<strong>le</strong>s enquêtes d’opinion, <strong>le</strong>s sondés disent ce qu’ils ont<br />
vu à la télévision la veil<strong>le</strong> ou entendu à la radio <strong>le</strong><br />
matin, ce qui contribue à une très bonne revue de<br />
presse !<br />
Nous, nous travaillons sur <strong>le</strong>s représentations,<br />
c’est-à-dire sur ce que <strong>le</strong>s individus ont en fond d’écran<br />
lorsque l’on par<strong>le</strong> d’un sujet : qu’est-ce que cela<br />
mobilise comme champ de représentations ? Les mots<br />
ont cet avantage de permettre de <strong>le</strong> cerner très<br />
précisément. Les mots révè<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>s représentations des<br />
Français. Les mots permettent de capter ces<br />
représentations sensib<strong>le</strong>s, attachées à un certain<br />
nombre de thèmes. Mais <strong>le</strong>s mots ont un autre<br />
pouvoir. Certes, ils ne remplacent pas <strong>le</strong>s actes.<br />
Néanmoins, <strong>le</strong>s mots peuvent mettre en mouvement la<br />
population parce que <strong>le</strong> mot est <strong>le</strong> début du passage à<br />
l’acte, étant susceptib<strong>le</strong> d’enc<strong>le</strong>ncher une mobilisation.<br />
Précisément, nous l’observons ce matin, constatant<br />
dans cette assemblée l’importance de trouver <strong>le</strong>s mots<br />
justes pour mobiliser <strong>le</strong>s ruraux, <strong>le</strong>s urbains et <strong>le</strong>s<br />
pouvoirs politiques.<br />
Je conclurai ma présentation sur un aspect beaucoup<br />
plus pratique, très concret et très stratégique :<br />
comment mobiliser à travers <strong>le</strong>s mots de la ruralité ?<br />
Les résultats de cette enquête nous montrent d’abord<br />
que <strong>le</strong> ressenti des mots de la ruralité est très positif,<br />
aussi bien pour <strong>le</strong>s ruraux que pour <strong>le</strong>s urbains.<br />
S’affiche à l’écran la répartition des mots : sur <strong>le</strong>s<br />
186, 160 sont notés au-dessus de 5 sur l’échel<strong>le</strong><br />
vertica<strong>le</strong>, positif / négatif. Nous voyons aussi que, sur<br />
quasiment tous <strong>le</strong>s mots, l’action des pouvoirs publics<br />
est attendue. En fait, il est tout à fait remarquab<strong>le</strong> de<br />
constater que <strong>le</strong> point de vue des urbains et des ruraux<br />
est d’une <strong>grand</strong>e convergence.<br />
«La ruralité existe-t-el<strong>le</strong><br />
encore ? En tout cas, sa<br />
définition a changé»<br />
Par conséquent, <strong>le</strong>s enjeux et <strong>le</strong>s objectifs de la<br />
mission « Nouvel<strong>le</strong>s ruralités » rencontrent l’adhésion<br />
spontanée de l’ensemb<strong>le</strong> de la population française.<br />
De surcroît, l’action des pouvoirs publics est attendue<br />
sur la quasi-totalité des sujets qui touchent aux ruralités<br />
et, comme vous <strong>le</strong> constatez, la corrélation est parfaite<br />
entre <strong>le</strong>s résultats sur <strong>le</strong>s deux échel<strong>le</strong>s : l’échel<strong>le</strong><br />
vertica<strong>le</strong>, positif / négatif ; l’échel<strong>le</strong> horizonta<strong>le</strong>, échel<strong>le</strong><br />
sur laquel<strong>le</strong> plus on se situe du côté droit, plus ce mot<br />
est considéré comme devant être une priorité demain<br />
pour <strong>le</strong>s pouvoirs publics et, plus on se situe du côté<br />
gauche, moins ce mot est considéré comme devant être<br />
une priorité. Mais plus <strong>le</strong>s mots sont ressentis<br />
favorab<strong>le</strong>ment, plus ils suscitent une attente<br />
d’intervention de l’Etat ou des col<strong>le</strong>ctivités territoria<strong>le</strong>s.<br />
C’est donc une bonne nouvel<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s ruralités ! El<strong>le</strong>s<br />
plaisent aux Français et <strong>le</strong>s pouvoirs publics sont invités<br />
à s’en occuper.<br />
Alors, face au vaste mouvement de métropolisation<br />
enc<strong>le</strong>nché, la ruralité existe-t-el<strong>le</strong> encore ? En tout cas,<br />
sa définition a changé. Où commence <strong>le</strong> rural ? Où finit<br />
l’urbain ? Les habitants des <strong>campagne</strong>s se sentent-ils<br />
vraiment ruraux ? Ce n’est pas si sûr. Les interviewés<br />
nous disent souvent : « Moi, je suis urbain, la vil<strong>le</strong> étant<br />
là à dix minutes. » Il est certain qu’une petite vil<strong>le</strong> de 3<br />
000, 4 000 ou 5 000 habitants est une vil<strong>le</strong> et<br />
l’urbanité est donc là aux portes de la maison.<br />
Le monde rural apparaît spontanément aux Français<br />
traversé par un immense paradoxe. Il semb<strong>le</strong> voué à une<br />
dis<strong>pari</strong>tion progressive et, en même temps, il est très<br />
valorisé. Les habitants des <strong>campagne</strong>s ne se définissent<br />
pas forcément comme des ruraux. « Ruraux » dans<br />
l’imaginaire col<strong>le</strong>ctif désigne d’abord <strong>le</strong>s paysans,<br />
<strong>le</strong>squels, vous l’avez constaté au cours du dernier sièc<strong>le</strong>,<br />
s’effacent peu à peu. La dis<strong>pari</strong>tion d’un monde paysan,<br />
symbolique de la ruralité, est <strong>le</strong> premier pas de cette<br />
dis<strong>pari</strong>tion du monde rural tant redoutée : une nature<br />
menacée, des agriculteurs en souffrance, des villages<br />
désertés, une communauté villageoise qui se délite, des<br />
commerces et des services publics qui ferment, etc.<br />
Simultanément, ruraux et urbains <strong>le</strong> constatent, la<br />
ruralité est « grignotée » par l’urbanité et par la<br />
rurbanité sous l’effet de l’extension des métropo<strong>le</strong>s.
Dans toutes nos enquêtes, <strong>le</strong>s métropo<strong>le</strong>s ne font pas<br />
recettes. C’est un terme froid, lointain, abstrait. Les<br />
Français préfèrent <strong>le</strong>s agglomérations parce que<br />
l’agglomération agglomère là où la métropo<strong>le</strong> met à<br />
distance.<br />
Alors, si <strong>le</strong>s Français regrettent, voire déplorent<br />
l’effacement d’un monde rural paysan ancestral, ils<br />
voient néanmoins dans la ruralité une autre<br />
opportunité, cel<strong>le</strong> d’un retour au local.<br />
«Le rural est devenu<br />
<strong>le</strong> local»<br />
A l’heure où la mondialisation se renforce, <strong>le</strong> local et <strong>le</strong><br />
proche priment sur <strong>le</strong> global, c’est-à-dire sur <strong>le</strong> lointain.<br />
Or, <strong>le</strong> rural est devenu <strong>le</strong> local et <strong>le</strong>s ruraux sont non<br />
seu<strong>le</strong>ment des locaux, mais ils se vivent, en outre, bien<br />
souvent comme <strong>le</strong>s petits face aux <strong>grand</strong>s que sont la<br />
métropo<strong>le</strong> et la région. Ce sont <strong>le</strong>s seuls derniers<br />
résistants, dirai-je, au moment où la dissolution des<br />
échelons de proximité, avec la dis<strong>pari</strong>tion promise du<br />
département, est annoncée !<br />
La hiérarchie des préférences des Français est pourtant<br />
claire, comme en témoigne ce graphique. Enquête<br />
après enquête, il <strong>le</strong> confirme : plus <strong>le</strong>s échelons<br />
territoriaux sont proches, plus ils sont aimés, la<br />
commune et <strong>le</strong> département étant <strong>le</strong>s deux échelons<br />
chéris, échelons de référence pour <strong>le</strong>s ruraux et même<br />
pour <strong>le</strong>s citadins qui ne sont fina<strong>le</strong>ment que d’anciens<br />
ou du futurs ruraux.<br />
De même, vous <strong>le</strong> voyez sur la carte des échelons<br />
territoriaux, la commune est très appréciée et<br />
s’exprime une attente d’action des pouvoirs publics en<br />
sa faveur ; <strong>le</strong> département vient juste à côté de la<br />
région ; <strong>le</strong>s communautés de communes, pour <strong>le</strong>ur<br />
part, viennent plus loin parce qu’el<strong>le</strong>s ne sont pas<br />
encore véritab<strong>le</strong>ment entrées dans <strong>le</strong>s mœurs ; plus<br />
bas, noté toujours négativement dans nos enquêtes,<br />
l’Etat ; enfin, renvoyée vers la gauche du graphique, ce<br />
qui signifie qu’el<strong>le</strong> n’est pas une priorité, l’Europe.<br />
Cet autre graphique vous <strong>le</strong> dit autrement, montrant<br />
que la suppression du département est rejetée,<br />
contrairement à ce que veu<strong>le</strong>nt nous faire croire<br />
certains sondages. Ceux-ci ont évidemment introduit <strong>le</strong><br />
mot de « Conseils généraux » qui n’est pas connu et<br />
qui, dans la plupart des cas, est confondu avec <strong>le</strong><br />
Conseil régional. Il est très faci<strong>le</strong> d’obtenir la réponse<br />
souhaitée avec des questions spécifiques ! Quand vous<br />
posez la question : « Souhaitez-vous la suppression du<br />
département ? » et, plus encore : « Souhaitez-vous la<br />
suppression de votre département ? », <strong>le</strong>s notes sont<br />
négatives. Les Français ne veu<strong>le</strong>nt pas que soit bradé<br />
<strong>le</strong> département dans la réforme territoria<strong>le</strong>, surtout<br />
lorsque sera doublée la dimension de la région et<br />
quand sera éloigné <strong>le</strong> centre de décision que l’on ne<br />
verra plus vu à l’œil nu ! C’est tout de même un<br />
paradoxe extraordinaire, à l’heure de la montée du<br />
local, de dissoudre <strong>le</strong>s échelons de proximité, et ce<br />
dans un monde globalisé où l’ancrage au plus proche<br />
est tout à fait essentiel.<br />
Tout ce qui relève du national est donc mis à distance.<br />
Tout ce qui relève du supranational, <strong>le</strong> mondial comme<br />
l’européen, tend, comme nous l’avons constaté lors<br />
des dernières é<strong>le</strong>ctions, à être rejeté. La loi de la<br />
proximité monte : c’est un mouvement inexorab<strong>le</strong> de<br />
compensation de la globalisation. Le rural, redéfini<br />
comme <strong>le</strong> local, est plébiscité dans tous <strong>le</strong>s domaines :<br />
produire et manger local, travail<strong>le</strong>r local, défendre <strong>le</strong><br />
patrimoine local… Le rural s’oppose, non seu<strong>le</strong>ment<br />
au lointain, mais aussi au <strong>grand</strong>, au massif quand ce<br />
n’est pas un industriel ; autant de notions qui<br />
paraissent incompatib<strong>le</strong>s avec <strong>le</strong> paradigme des<br />
ruralités ! Nous avons eu l’idée avec l’équipe des<br />
« quatre mousquetaires » de tester l’item : « Créer des<br />
<strong>campagne</strong>s européennes de la culture à l’image des<br />
capita<strong>le</strong>s européennes de la culture ». Comme vous <strong>le</strong><br />
constatez, dans notre enquête, cette proposition reçoit<br />
un accueil froid et poli des ruraux qui la notent<br />
seu<strong>le</strong>ment à 5,4 sur l’échel<strong>le</strong> vertica<strong>le</strong>. C’est une<br />
proposition très quantitative, avec ce sentiment que<br />
quelque chose de <strong>grand</strong> va nous tomber dessus ! C’est<br />
ainsi qu’est mise à distance cette transposition dans <strong>le</strong><br />
domaine rural d’un concept quasi industriel de la culture<br />
– je pousse un peu <strong>le</strong> bouchon ! – qui nous est hérité<br />
des métropo<strong>le</strong>s.<br />
Un certain nombre de points font consensus : <strong>le</strong>s<br />
Français manifestent à l’égard de la ruralité un vif<br />
engouement et <strong>le</strong>s atouts pour <strong>le</strong>s <strong>campagne</strong>s sont<br />
reconnus par tous.<br />
Je serai bref sur ce sujet parce que vous <strong>le</strong> connaissez<br />
par cœur. C’est la proximité avec la nature, la qualité de<br />
vie, avec là une attente très forte de prise en compte<br />
des pouvoirs publics, alors que <strong>le</strong> discours des dirigeants<br />
n’est que quantitatif : « passer sous la barre des 3 % de<br />
déficit », « inverser la courbe du chômage »,<br />
« supprimer <strong>le</strong>s départements », « diviser par deux la<br />
tail<strong>le</strong> des régions »… Nous ne sommes que dans du<br />
chiffre. C’est une logique purement économique qui<br />
semb<strong>le</strong> dicter l’organisation de notre territoire, alors que<br />
<strong>le</strong>s Français attendent <strong>le</strong>s politiques et la gauche, en<br />
particulier, sur <strong>le</strong> vivre ensemb<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s va<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong> contrat<br />
social. C’est donc là un contresens absolu !<br />
Dans notre enquête sur <strong>le</strong>s mots des maires que j’ai<br />
présentée au dernier Congrès des maires au mois de<br />
novembre, quel était <strong>le</strong> mot <strong>le</strong> mieux et <strong>le</strong> plus<br />
positivement noté, <strong>le</strong> plus attendu demain ? « Qualité<br />
de vie » ! Une meil<strong>le</strong>ure qualité de vie résume<br />
45
46<br />
l’ensemb<strong>le</strong> des attentes de nos concitoyens, avec la<br />
prégnance du lien social, la qualité des relations<br />
humaines, la solidarité dont nous avons parlé, et la<br />
convivialité.<br />
Ces <strong>grand</strong>s atouts des ruralités qui font consensus<br />
auprès des deux échantillons, la vie associative et<br />
l’implication dans la vie loca<strong>le</strong>, avec <strong>le</strong>s associations,<br />
<strong>le</strong>s animations et <strong>le</strong>s fêtes loca<strong>le</strong>s. C’est, bien sûr, la<br />
possibilité d’accéder à des produits locaux de qualité.<br />
C’est éga<strong>le</strong>ment la qualité d’un environnement,<br />
l’authenticité, la simplicité.<br />
Au-delà d’un espace, c’est une véritab<strong>le</strong> philosophie de<br />
la ruralité qui se dessine, objet d’éloges de ses propres<br />
habitants et des citadins qui s’y rendent plus ou moins<br />
régulièrement ou qui rêvent parfois de s’y instal<strong>le</strong>r. La<br />
vie en milieu rural est d’autant plus louée et appréciée<br />
qu’el<strong>le</strong> est comparée à cel<strong>le</strong> des <strong>grand</strong>es cités parce<br />
que l’on ne peut pas penser la ruralité sans penser<br />
l’urbanité. La vie des <strong>grand</strong>es cités est marquée bien<br />
souvent par la pollution, <strong>le</strong> stress, une consommation<br />
compulsive, la promiscuité, la superficialité, la cherté<br />
de la vie. Bref, au regard de ces inconvénients, la<br />
ruralité recè<strong>le</strong> tel<strong>le</strong>ment de trésors, tel<strong>le</strong>ment<br />
d’essentiel qu’il est important de <strong>le</strong>s rappe<strong>le</strong>r et de <strong>le</strong>s<br />
valoriser.<br />
Evidemment, nous ne pouvons pas passer sous si<strong>le</strong>nce,<br />
mais vous <strong>le</strong>s connaissez par cœur, un certain nombre<br />
de handicaps sur <strong>le</strong>squels urbains comme ruraux<br />
tombent éga<strong>le</strong>ment d’accord. Ce sont <strong>le</strong>s difficultés<br />
d’accès à l’emploi. C’est <strong>le</strong> chômage qui est évidement<br />
l’item <strong>le</strong> plus rejeté et c’est la raison pour laquel<strong>le</strong><br />
l’insertion professionnel<strong>le</strong> des jeunes et <strong>le</strong>s offres<br />
d’emploi en milieu rural sont très demandées. C’est la<br />
désertification médica<strong>le</strong> avec la fermeture des hôpitaux<br />
de proximité. C’est <strong>le</strong> réseau de médecins généralistes<br />
en particulier, qui n’est pas optimum, c’est <strong>le</strong> moins<br />
que l’on puisse dire ! C’est la dis<strong>pari</strong>tion des services<br />
publics et des commerces de proximité. C’est <strong>le</strong><br />
caractère insuffisant ou insatisfaisant des transports.<br />
Là, dans toutes <strong>le</strong>s enquêtes que nous réalisons, que<br />
ce soit à l’échel<strong>le</strong> d’un département, comme « Les<br />
mots du Loir-et-Cher », d’une région, comme « Les<br />
mots de Rhône-Alpes » ou à d’autres échel<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s<br />
transports, en particulier ferroviaires, apparaissent<br />
comme étant assez pitoyab<strong>le</strong>s dans ce pays ! Les TER<br />
font rarement de bons scores ; la voiture, oui, mais<br />
encore faut-il mettre de l’essence, ce qui coûte, et la<br />
qualité du maillage routier n’est pas terrib<strong>le</strong>. C’est une<br />
couverture numérique très inéga<strong>le</strong>, sans compter que <strong>le</strong><br />
numérique a des effets, certes, positifs, mais aussi<br />
négatifs en milieu rural avec la dégradation des liens<br />
sociaux. D’où un autre handicap : <strong>le</strong> délitement du lien<br />
social, avec, vous <strong>le</strong> voyez sur ce graphique, la<br />
méfiance, la peur de l’autre, l’iso<strong>le</strong>ment et même<br />
parfois <strong>le</strong>s difficultés d’intégration pour <strong>le</strong>s nouveaux<br />
habitants.<br />
Bref, l’amp<strong>le</strong>ur de ces handicaps cristallise de<br />
nombreuses attentes. Au fond, il faudrait résoudre<br />
chaque handicap par une solution adaptée en matière<br />
d’emploi, de transport, de santé. C’est un impératif en<br />
même temps qu’une condition préalab<strong>le</strong> à une<br />
«Plus <strong>le</strong>s échelons<br />
territoriaux sont proches,<br />
plus ils sont aimés, la<br />
commune et <strong>le</strong> département<br />
étant <strong>le</strong>s deux échelons<br />
chéris»<br />
redynamisation du milieu rural. Les Français nous <strong>le</strong><br />
disent dans cette enquête, la ruralité mérite d’être<br />
repensée et redynamisée. Entendons-nous, il s’agit,<br />
non pas d’instal<strong>le</strong>r la vil<strong>le</strong> à la <strong>campagne</strong>, mais de<br />
comb<strong>le</strong>r des manques ou des retards en inventant des<br />
nouvel<strong>le</strong>s formes de vie et de relations spécifiquement<br />
rura<strong>le</strong>s. C’est ce que porte la démarche des « nouvel<strong>le</strong>s<br />
ruralités » !<br />
Concernant cette redynamisation nécessaire du monde<br />
rura<strong>le</strong>, quel<strong>le</strong> est-el<strong>le</strong> ? El<strong>le</strong> ne va pas sans contradictions.<br />
Les ruraux que nous avons interrogés y sont<br />
favorab<strong>le</strong>s, mais, il faut <strong>le</strong> dire, ils émettent de<br />
nombreuses réticences car ils craignent de voir la<br />
ruralité transformée et dénaturée.<br />
Voici la question : comment redynamiser une ruralité<br />
en perte de vitesse, reléguée, voire sclérosée, tout en<br />
préservant ses atouts et ses bienfaits ? C’est tout<br />
l’enjeu qui est <strong>le</strong> vôtre ! Tel est <strong>le</strong> défi des nouvel<strong>le</strong>s<br />
ruralités, un terme noté autour de 6. Qu’il soit défini<br />
ou pas, il est plutôt apprécié, mais enfin, il va lui<br />
falloir, au fil des mois et des années à venir, monter en<br />
haut et, si possib<strong>le</strong>, à droite du graphique pour que <strong>le</strong>s<br />
pouvoirs publics s’en préoccupent.<br />
Les premiers concernés, <strong>le</strong>s habitants des <strong>campagne</strong>s,<br />
sont désireux de cette redynamisation, en attirant des<br />
nouvel<strong>le</strong>s populations. Mais, en même temps, ils se<br />
montrent fri<strong>le</strong>ux devant l’installation sur <strong>le</strong>ur sol de<br />
citadins, de néo-ruraux ou d’étrangers. La <strong>campagne</strong><br />
peut-el<strong>le</strong> se redynamiser, notamment en matière<br />
économique, si el<strong>le</strong> demeure fermer à l’intégration de<br />
populations de vil<strong>le</strong>s, voire de populations de pays<br />
lointains – nous parlions tout à l’heure des migrations<br />
climatiques – désireuses de venir s’y instal<strong>le</strong>r, d’y vivre<br />
<strong>le</strong>ur retraite ou d’y travail<strong>le</strong>r ?<br />
Pour se dynamiser la ruralité doit s’ouvrir à l’autre, au<br />
lieu de se replier sur un « entre soi ».<br />
L’évolution du monde rural dans <strong>le</strong> sens d’un meil<strong>le</strong>ur<br />
équilibre vil<strong>le</strong>/<strong>campagne</strong> est un vaste chantier. Je<br />
conclurai en évoquant <strong>le</strong>s <strong>grand</strong>s défis que vous avez à<br />
re<strong>le</strong>ver.
9<br />
8<br />
7<br />
6<br />
5<br />
4<br />
3<br />
4 5 6 7 8<br />
ressenti<br />
positif<br />
9<br />
8<br />
7<br />
6<br />
Les mots des Nouvel<strong>le</strong>s rur<br />
2 - CO N VAIN CRE L TAT<br />
DE JO UER LA C ARTE DES<br />
N O UVELLES RURALIT S<br />
3 - EX PLIQ UER Q UE<br />
LA RURALIT = LE LO C AL,<br />
LE PRO CHE, LE SO CIAL<br />
4 - LES N O UVELLES RURALIT S,<br />
UN E N O UVELLE DYN AMIQ UE<br />
PO UR LE PAYS<br />
60% de la population vit dans des petites communes<br />
<strong>le</strong>s maires<br />
<strong>le</strong>s associations<br />
5 - LES N O UVELLES RURALIT S,<br />
UN EN SEMBLE DE VALEURS<br />
ET DE B N FICES<br />
<strong>le</strong>s communes<br />
lien social<br />
<strong>le</strong>s ruraux<br />
<strong>le</strong>s petites et moyennes vil<strong>le</strong>s<br />
4.3<br />
bien-être<br />
<strong>le</strong>s forêts<br />
prendre <strong>le</strong> temps des choses<br />
produire et manger local 4.2<br />
acheter directement ses produits aux producteurs locaux<br />
gastronomie loca<strong>le</strong><br />
la <strong>campagne</strong><br />
travail<strong>le</strong>r près de chez soi conserver et valoriser <strong>le</strong> patrimoine naturel<br />
microagriculture<br />
respect des cyc<strong>le</strong>s et des rythmes naturels garder <strong>le</strong>s services publics locaux<br />
promouvoir <strong>le</strong>s produits du terroir et <strong>le</strong>s AOP loca<strong>le</strong>s<br />
valoriser <strong>le</strong>s atouts du milieu rural<br />
conserver et valoriser <strong>le</strong> patrimoine architectural et historique<br />
habiter et travail<strong>le</strong>r en milieu rural<br />
tourisme rural<br />
attirer et accueillir des jeunes<br />
croissance verte<br />
services publics en ligne<br />
aider<br />
agriculture<br />
<strong>le</strong>s habitants<br />
<strong>le</strong>s agriculteurs<br />
ESS<br />
<strong>le</strong>s seniors<br />
action publique loca<strong>le</strong><br />
faire des territoires ruraux <strong>le</strong>s laboratoires<br />
<strong>le</strong>s villages<br />
<strong>le</strong>s artisans<br />
attirer <strong>le</strong>s entreprises<br />
transports scolaires<br />
attirer et accueillir des actifs<br />
4.1 = Les jeunes, <strong>le</strong>s actifs, la formation,<br />
l enseignement, une offre de soins<br />
4.1<br />
4.2 = L conomie, l agriculture, la croissance verte,<br />
la qualit de l environnement<br />
4.3 = Le tourisme rural, l artisanat, <strong>le</strong> patrimoine,<br />
la qualit des produits locaux<br />
5<br />
1 - IN VITER L TAT<br />
N E PAS O PPO SER<br />
LES UN S AUX AUTRES<br />
<strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s<br />
l'Europe<br />
opposition vil<strong>le</strong>-<strong>campagne</strong><br />
4<br />
mondialisation<br />
3<br />
4 5 6<br />
7 8<br />
ne doit pas être une prior<br />
pour <strong>le</strong>s pouvoirs publics demain<br />
doit être une prior<br />
47
48<br />
D’abord, il faut que vous engagiez un travail d’écoute,<br />
de dialogue et de compréhension mutuel<strong>le</strong> entre ruraux<br />
et urbains. Il vous faut engager un travail d’acceptation<br />
de l’autre dans ses différences. Autrement dit, il vous<br />
faut engager un chantier des civilités, je dirai même un<br />
chantier de civilisation qui ne peut que profiter à votre<br />
démarche et l’enrichir. Le discours de maires ruraux est<br />
ambigu. A <strong>le</strong>s entendre, pas tous mais un certain<br />
nombre, la <strong>campagne</strong> doit être valorisée et devrait se<br />
moderniser, mais pas trop car il ne faudrait pas qu’el<strong>le</strong><br />
soit envahie par une fou<strong>le</strong> indésirab<strong>le</strong> et qu’el<strong>le</strong> se<br />
trouve dénaturée, voire détruite. Bref, ils se prononcent<br />
en faveur d’une valorisation de la <strong>campagne</strong>, mais ils<br />
craignent d’en essuyer <strong>le</strong>s conséquences. Construire <strong>le</strong>s<br />
nouvel<strong>le</strong>s ruralités impose donc une entreprise de<br />
pédagogie pour faire évoluer <strong>le</strong> regard des ruraux sur<br />
<strong>le</strong>s autres et, vice-versa, pour faire évoluer <strong>le</strong> regard<br />
des citadins sur <strong>le</strong>s ruraux qui, lui aussi, doit changer.<br />
Ce travail de pédagogie englobe éga<strong>le</strong>ment la question<br />
du développement durab<strong>le</strong> qui est l’un de vos enjeux<br />
de tail<strong>le</strong>. Les ruraux et particulièrement <strong>le</strong>s agriculteurs<br />
doivent apprendre à se l’approprier et à l’intégrer dans<br />
<strong>le</strong>urs pratiques. Vous <strong>le</strong> voyez sur cette carte, la<br />
concentration des exploitations agrico<strong>le</strong>s en France<br />
n’est pas perçue vraiment comme une bonne nouvel<strong>le</strong><br />
par nos compatriotes. En revanche, ce qui est attendu,<br />
c’est la valorisation des agriculteurs, la reprise ou la<br />
création d’exploitations agrico<strong>le</strong>s, l’aide aux petits<br />
agriculteurs.<br />
«C’est un paradoxe<br />
extraordinaire, à l’heure de la<br />
montée du local, de dissoudre<br />
<strong>le</strong>s échelons de proximité»<br />
Il faut donc que ces aspirations qui tendent vers une<br />
écologie rura<strong>le</strong> soient prises en compte, mais à ce titre,<br />
il faut un travail de sensibilisation. Les territoires ruraux<br />
et <strong>le</strong>s habitants doivent être exemplaires en la matière.<br />
Comme l’illustre ce graphique, « <strong>le</strong>s territoires ruraux,<br />
champions du développement durab<strong>le</strong> » est une<br />
perspective qui réjouit à près de 7/10 sur l’échel<strong>le</strong><br />
vertica<strong>le</strong>, mais ce n’est encore qu’une perspective.<br />
D’où la nécessité d’un travail de pédagogie à l’endroit<br />
des agriculteurs.<br />
Se présente aussi une opportunité pour vous : réaliser<br />
ce travail de pédagogie sur la question de démocratie<br />
loca<strong>le</strong>. Vous voyez que l’idée visant à « faire des<br />
territoires ruraux <strong>le</strong>s laboratoires de la démocratie<br />
loca<strong>le</strong> et participative » est loin d’être rejetée. Au fond,<br />
poser <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s ruralités comme <strong>le</strong>s laboratoires<br />
d’une démocratie renouvelée, cel<strong>le</strong> dont <strong>le</strong> pays a<br />
besoin à l’heure de l’abstention et des populismes pour<br />
marcher sur ses deux jambes, l’une supranationa<strong>le</strong>,<br />
l’autre loca<strong>le</strong>, est un vecteur de crédibilité des<br />
nouvel<strong>le</strong>s ruralités. Vous devez donc vous emparer de<br />
ce défi de la démocratie loca<strong>le</strong>.<br />
Au final, c’est donc un compromis de civilisation avec<br />
la vil<strong>le</strong> qui se dessine afin d’inventer une nouvel<strong>le</strong><br />
ruralité qui sera moins <strong>le</strong> monde paysan d’antan qu’un<br />
monde rural de l’ouverture à l’autre, local, toujours à<br />
l’échel<strong>le</strong> humaine. C’est cette quête d’équilibre entre<br />
ruraux et urbains qui est la clé de la réussite de votre<br />
mission.<br />
C’est cette ouverture aux entreprises et, particulièrement,<br />
aux TPE et aux PME qui sont <strong>le</strong>s acteurs<br />
économiques <strong>le</strong>s plus populaires dans <strong>le</strong> pays, cette<br />
ouverture aux visiteurs et aux touristes, cette ouverture<br />
aux famil<strong>le</strong>s, aux actifs, aux jeunes et aux seniors, <strong>le</strong><br />
tout dans <strong>le</strong> but de réaliser cet équilibre si délicat entre<br />
vil<strong>le</strong>s et <strong>campagne</strong>s, ruraux et urbains.<br />
Voici <strong>le</strong> mapping général de l’ensemb<strong>le</strong> des mots. Ce<br />
graphique rappel<strong>le</strong> l’ensemb<strong>le</strong> des pans, des<br />
composantes de la représentation des ruralités auprès<br />
des Français, avec des « nuages » en bas à gauche qui<br />
sont rejetés et des « nuages » qui montent plus ou<br />
moins haut à droite, c’est-à-dire plus ou moins célébrés<br />
et sur <strong>le</strong>squels s’exprime une attente d’action des<br />
pouvoirs publics.<br />
«Quel était <strong>le</strong> mot <strong>le</strong> mieux<br />
et <strong>le</strong> plus positivement noté :<br />
Qualité de vie !»<br />
Sans m’arrêter à cette carte, je tiens à vous présenter<br />
très succinctement la stratégie narrative que nous<br />
proposons à la mission « Nouvel<strong>le</strong>s ruralités ». Une<br />
stratégie narrative, qu’est-ce ?<br />
Une fois mises à plat <strong>le</strong>s représentations d’un sujet<br />
comme <strong>le</strong>s ruralités, on se dit que l’on pourrait peut-être<br />
recomposer, reconstruire <strong>le</strong>s représentations en<br />
s’appuyer sur un certain nombre de mots que l’on a<br />
repérés sur cette carte. Nous avons choisi une trentaine<br />
de mots-clés qui partent d’en bas à gauche et montent<br />
en haut à droite. Je vous propose d’en faire l’épine<br />
dorsa<strong>le</strong> du récit, c’est-à-dire de l’ensemb<strong>le</strong> des<br />
interventions que vous ferez en faveur des nouvel<strong>le</strong>s<br />
ruralités afin peut-être de faire bouger <strong>le</strong>s<br />
représentations et, si nous refaisons cette enquête dans<br />
trois ou cinq ans, d’avoir la bonne surprise de constater<br />
que des mots qui étaient négativement notés <strong>le</strong> sont<br />
plus positivement.<br />
Cette stratégie narrative se dérou<strong>le</strong> en cinq temps. Pour<br />
convaincre de la force et de l’intérêt de la mission<br />
« Nouvel<strong>le</strong>s ruralités », il faut déjà inviter l’Etat à ne pas<br />
opposer <strong>le</strong>s uns aux autres. Vous avez là des mots tout<br />
à fait essentiels : « Suppression de mon département »,<br />
c’est rejeté ! « Déplacement des populations des<br />
<strong>campagne</strong>s vers <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s », c’est rejeté ! « Opposition<br />
vil<strong>le</strong>s/<strong>campagne</strong>s », c’est rejeté ! « Relégation des<br />
territoires ruraux par rapport aux vil<strong>le</strong>s », c’est négatif !<br />
Voici donc la première phrase du récit : « Dans <strong>le</strong> cadre<br />
du nouvel acte de décentralisation qui s’ouvre, supprimer<br />
un échelon territorial ou opposer <strong>le</strong>s uns aux autres,<br />
notamment <strong>le</strong>s <strong>campagne</strong>s aux métropo<strong>le</strong>s, est, non<br />
seu<strong>le</strong>ment inuti<strong>le</strong>, mais dangereux. »<br />
Le deuxième temps va consister à convaincre l’Etat de
jouer la carte des nouvel<strong>le</strong>s ruralités. Dans <strong>le</strong> cadre du<br />
nouvel acte de décentralisation, il est clair qu’est<br />
présent tout un potentiel. Ce sont <strong>le</strong>s déplacements des<br />
populations des vil<strong>le</strong>s vers <strong>le</strong>s <strong>campagne</strong>s. C’est la<br />
faib<strong>le</strong> densité de la population en milieu rural. C’est<br />
l’attractivité des espaces ruraux que nous avons testée<br />
pour <strong>le</strong>s résidents étrangers et <strong>le</strong>s touristes et qui est<br />
positivement notée. C’est <strong>le</strong> fait que la ruralité est une<br />
alternative au mouvement général de métropolisation<br />
ou qu’il est possib<strong>le</strong> de faire des territoires<br />
«Au-delà d’un espace,<br />
c’est une véritab<strong>le</strong><br />
philosophie de la ruralité<br />
qui se dessine»<br />
<strong>le</strong>s laboratoires de la démocratie participative. Là, dans<br />
ce deuxième temps de la conviction, voici la phrase<br />
que nous pourrions utiliser : « Les Français attendent<br />
aujourd’hui de l’Etat qu’il joue la carte des nouvel<strong>le</strong>s<br />
ruralités. El<strong>le</strong>s sont une réponse aux défis de notre<br />
époque : crise économique, pollution, métropolisation,<br />
densité de population ».<br />
Le troisième temps dans la démonstration vise à<br />
expliquer que <strong>le</strong> rural, c’est <strong>le</strong> local, <strong>le</strong> proche, <strong>le</strong><br />
social. Aux confins de l’action des communes, des<br />
départements, des régions, des petites et moyennes<br />
vil<strong>le</strong>s, la ruralité, c’est jouer la complémentarité<br />
vil<strong>le</strong>s/<strong>campagne</strong>s, mais c’est aussi <strong>le</strong> local, la<br />
proximité et <strong>le</strong> lien social au profit des habitants. Nous<br />
pouvons ainsi <strong>le</strong> résumer dans cette phrase : « Les<br />
nouvel<strong>le</strong>s ruralités, c’est la complémentarité<br />
vil<strong>le</strong>s/<strong>campagne</strong>s, l’attachement des Français au local,<br />
à la proximité, au lien social au profit de l’équilibre de<br />
la société tout entière. Le quatrième temps a pour<br />
objet d’expliquer que <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s ruralités, c’est aussi<br />
une nouvel<strong>le</strong> dynamique pour <strong>le</strong> pays, qui se déploie en<br />
trois temps : d’abord, grâce aux jeunes, aux actifs, à la<br />
formation, à l’enseignement et à l’offre de soins ;<br />
ensuite, grâce à l’économie, à l’agriculture, à la<br />
croissance verte, à la qualité de l’environnement ; enfin,<br />
grâce au tourisme rural, à l’artisanat, au patrimoine, à la<br />
qualité des produits locaux.<br />
Pour couronner <strong>le</strong> tout, il manque un cinquième temps,<br />
essentiel aujourd’hui : <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s ruralités, c’est un<br />
ensemb<strong>le</strong> de va<strong>le</strong>urs et de bénéfices. C’est tout un arc<br />
vert qui se déploie de la gauche à la droite de ce<br />
graphique au dessus duquel nous trouvons <strong>le</strong>s mots :<br />
« Fierté d’être rural », « Désir de <strong>campagne</strong> »,<br />
« Convivialité », « Attachement à la terre » et, plus haut<br />
encore, « Prendre <strong>le</strong> temps des choses »,<br />
« Proximité de la nature », « Avoir une vie saine et<br />
équilibrée », « Calme », « Tranquillité », « Bien-être »…<br />
Que du bonheur, au fond ! C’est tout ce qui manque à<br />
nos milieux urbains.<br />
Les nouvel<strong>le</strong>s ruralités, c’est un ensemb<strong>le</strong> de va<strong>le</strong>urs et de<br />
bénéfices dont notre société a plus que jamais <strong>grand</strong><br />
besoin pour réussir et vivre en harmonie : la convivialité,<br />
l’authenticité, <strong>le</strong> temps de vivre, l’équilibre et <strong>le</strong> bien-être.<br />
Tel est <strong>le</strong> récit que nous proposons à la mission<br />
« Nouvel<strong>le</strong>s ruralités ». Ce récit sera discuté et enrichi.<br />
Evidemment, un certain nombre de modifications et<br />
d’améliorations peuvent y être apportées. Mais c’est fort<br />
de ce récit qu’à partir de ce diagnostic, vous parviendrez,<br />
je l’espère, à convaincre bien davantage et à emporter la<br />
conviction du fait que <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s ruralités sont au cœur<br />
de nos sociétés qui penchent vers la métropolisation, mais<br />
qui ont besoin de cet espace de respiration, d’entreprise,<br />
d’épanouissement, de réussite que sont <strong>le</strong>s <strong>campagne</strong>s.<br />
Espérons que nous serons entendus !<br />
(Applaudissements) »<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Nous pouvons effectivement vous<br />
applaudir et vous remercier, Denis Muzet,<br />
pour cette enquête. Fina<strong>le</strong>ment, vous êtes<br />
optimiste : « Que du bonheur », nous<br />
disiez-vous !<br />
«Dans cette enceinte, il serait diffici<strong>le</strong> de ne pas être<br />
optimiste ! Nous rencontrons des élus et des acteurs<br />
déterminés, qui ont réfléchi à la question et pris <strong>le</strong><br />
temps de lire et d’analyser <strong>le</strong>s travaux de nombreux<br />
experts, géographes et démographes. Ils s’intéressent<br />
aussi aux sociologues et même aux poètes ! Il est<br />
extraordinaire de constater cette « biodiversité », cette<br />
capacité de contribution de ces différents experts et<br />
cette capacité d’écoute remarquab<strong>le</strong> de nos hôtes ! Il<br />
suffit donc maintenant d’y al<strong>le</strong>r !<br />
C’est tous ensemb<strong>le</strong> que ces mots des nouvel<strong>le</strong>s<br />
ruralités vont peut-être faire progresser la conviction<br />
dans <strong>le</strong> pays. En tout cas, depuis que nous avons<br />
entrepris ce travail au début<br />
!»<br />
de cette année, nous avons<br />
rencontré une écoute remarquab<strong>le</strong> et un « peps », un<br />
dynamisme incroyab<strong>le</strong><br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Merci pour la qualité de votre récit ! Nous<br />
ouvrons <strong>le</strong> débat avec l’assistance.<br />
Jean-Yves VIF<br />
49
Cette dernière région a été dessinée un peu<br />
rapidement, lundi soir, entre vingt et une heure<br />
quinze et vingt et une heure trente !<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
50<br />
«D’emblée, je tiens à dire que je ne suis pas un élu et<br />
que je n’ai aucun mandat é<strong>le</strong>ctif. Je suis un simp<strong>le</strong><br />
citoyen qui s’intéresse à ces questions et je suis tout à<br />
fait frappé par tout ce qui a été dit s’agissant en<br />
particulier de cette référence permanente au<br />
mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> administratif français qu’il faut défaire,<br />
comparé aux autres pays européens. Prenons <strong>le</strong> cas de<br />
l’Al<strong>le</strong>magne, parce que c’est « <strong>le</strong> » modè<strong>le</strong>. Il faut<br />
savoir que la structuration administrative du territoire<br />
al<strong>le</strong>mand est plus comp<strong>le</strong>xe ou au moins aussi<br />
comp<strong>le</strong>xe que cel<strong>le</strong> de la France.<br />
«Le mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> al<strong>le</strong>mand est au<br />
moins aussi comp<strong>le</strong>xe, sinon<br />
plus que mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> français»<br />
Nous ne pouvons donc pas prendre l’Al<strong>le</strong>magne comme<br />
modè<strong>le</strong> dans ce domaine-là, s’agissant d’un modè<strong>le</strong><br />
très compliqué. Ce sont, dans <strong>le</strong>s seize länder<br />
al<strong>le</strong>mands, plus de 180 ministres, sans par<strong>le</strong>r des<br />
arrondissements ruraux. Le mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> al<strong>le</strong>mand est au<br />
moins aussi comp<strong>le</strong>xe, sinon plus que mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong><br />
français.<br />
Par ail<strong>le</strong>urs, nous avons en France <strong>le</strong> plus vaste espace<br />
rural d’Europe. En guise de comparaison, l’Al<strong>le</strong>magne<br />
fait 200 000 kilomètres carrés de moins que la<br />
France, avec un nombre d’habitants d’une vingtaine de<br />
millions de plus. Le territoire français, par sa situation<br />
géographique, sa diversité et sa densité de population,<br />
est donc effectivement une richesse que,<br />
probab<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong>s politiques ne prennent pas<br />
suffisamment en compte.<br />
Concernant cette réforme territoria<strong>le</strong> et la dis<strong>pari</strong>tion<br />
annoncée du département, je reviens sur ce qui a été<br />
dit sur <strong>le</strong> fait que ceux qui vont défendre <strong>le</strong><br />
département et donc la ruralité sont des conservateurs.<br />
Il faut gagner <strong>le</strong> débat idéologique et la réforme qui<br />
nous est proposée ne va pas de l’avant : c’est une<br />
réforme conservatrice et même ultralibéra<strong>le</strong>. De mon<br />
point de vue de simp<strong>le</strong> citoyen, je suis désolé que ce<br />
soit un gouvernement de gauche qui <strong>le</strong> propose.<br />
Que sont ces faribo<strong>le</strong>s consistant à dire que la France<br />
serait trop petite pour peser à l’échel<strong>le</strong> mondia<strong>le</strong> ou<br />
européenne, mais qu’en revanche, une région<br />
regroupant <strong>le</strong> Centre, <strong>le</strong> Limousin et Poitou-Charentes<br />
pèserait au niveau mondial ou aurait une influence au<br />
niveau européen ?»<br />
«Oui, mais peu importe puisque c’est aussi <strong>le</strong> cas<br />
d’autres régions !<br />
Je ne sais pas, tout en regrettant qu’el<strong>le</strong> nous ait<br />
quittés, si la ministre a apaisé <strong>le</strong>s inquiétudes des élus<br />
dans sa réponse… En tout cas, el<strong>le</strong> n’a pas apaisé <strong>le</strong>s<br />
miennes et <strong>le</strong>s aurait plutôt aggravées. Quant au fait<br />
de vouloir donner de nouveaux outils, de constituer de<br />
nouveaux comités, de nouveaux commissariats et que<br />
sais-je encore, il existe précisément déjà un outil qui a<br />
fait ses preuves depuis plus de 200 ans : c’est <strong>le</strong><br />
département et on va <strong>le</strong> supprimer !<br />
Y compris sur <strong>le</strong> plan symbolique, <strong>le</strong> département<br />
ayant structuré l’histoire de la République depuis plus<br />
de 250 ans, c’est, en termes de repère, une partie de<br />
l’héritage de la Révolution que l’on brade. Au nom de<br />
quoi ? Au nom de cette idéologie européenne qui veut<br />
que la France soit intégrée absolument dans l’Europe !<br />
Je conclus donc en disant aux Présidents que c’est un<br />
mauvais coup porté à la ruralité. (Applaudissements)»<br />
Merci, monsieur. Nous avons bien compris <strong>le</strong> sens<br />
de votre intervention et de votre discours<br />
départementaliste tout à fait intéressant. Nous<br />
prenons une autre question.<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE
«Je suis nouveau maire de Saint-Hilaire-Fontaine, une<br />
commune de 205 habitants dans la Nièvre. Parmi tous<br />
<strong>le</strong>s propos bien évidemment très intéressants, je n’ai<br />
pas entendu par<strong>le</strong>r de fraternité, mot apposé aux côtés<br />
de ceux de liberté et égalité sur <strong>le</strong> fronton de certains<br />
édifices publics. Rien n’a été prononcé à ce sujet-là.»<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Maire de Saint-Hilaire-<br />
Fontaine<br />
Sans vouloir vous contredire, Hélène Combe de la Funte<br />
Martinez a abordé <strong>le</strong> thème, en évoquant l’aspect humain et<br />
fraternel et en parlant de ressources humaines. Merci, en<br />
tout cas, de souligner l’importance du mot fraternité, au<br />
même titre que ceux de liberté et d’égalité.<br />
Une dernière question ?<br />
Président de la Fédération Auvergnate-Forez<br />
des buralistes et de la Chambre syndica<strong>le</strong><br />
des buralistes<br />
«Aujourd’hui, 45 % des buralistes exercent dans des<br />
communes de moins de 3 500 habitants. Ce sont<br />
environ 12 000 points de vente sur une base de 6 000<br />
commerces dans des communes de moins de 1 000<br />
habitants. Nous sommes <strong>le</strong> premier réseau de proximité<br />
en France et un acteur du développement de la ruralité.<br />
C’est donc un sujet qui nous touche au quotidien, avec<br />
<strong>le</strong>s difficultés de nos commerçants.<br />
«Les buralistes sont <strong>le</strong> premier<br />
réseau de proximité en France<br />
et un acteur du développement<br />
de la ruralité»<br />
Les buralistes sont, la plupart du temps, des points<br />
multiservices et ils ont largement investi dans <strong>le</strong>urs<br />
affaires sur des produits informatiques afin de pouvoir<br />
bénéficier de tout ce qui est aménagement et activité<br />
économique dans <strong>le</strong> domaine du service public. Mme la<br />
ministre Sylvia Pinel a rappelé el<strong>le</strong>-même qu’el<strong>le</strong><br />
cherchait des points d’ancrage. Nous faisons partie de ces<br />
points et nous avons la possibilité technique et<br />
technologique d’apporter un service public dans <strong>le</strong>s<br />
communes <strong>le</strong>s plus reculées. C’est la raison pour laquel<strong>le</strong><br />
nous souhaitons, et nous avons lancé un appel au travers<br />
des contrats d’avenir qui ont été signés, un développement<br />
des services publics au sein des petites ruralités.<br />
Nous lançons donc un nouvel appel au Gouvernement<br />
pour qu’il tienne compte de nos efforts.»<br />
Merci, messieurs <strong>le</strong>s buralistes, pour votre<br />
contribution aux services publics !<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
51
Si cel<strong>le</strong>s et ceux qui ont participé à notre tab<strong>le</strong><br />
ronde souhaitent intervenir, c’est bien volontiers<br />
que je <strong>le</strong>ur donne la paro<strong>le</strong>.<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
«Suite à l’intervention notamment de Pascal Jardin, je<br />
tenais à évoquer <strong>le</strong> mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong>. Il se trouve que c’est une<br />
pâtisserie que j’apprécie assez, mais ce mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> a été<br />
jeté en pâture à l’opinion publique comme si c’était<br />
quelque chose de dramatique ! De surcroît, il est assez<br />
étonnant que ceux qui <strong>le</strong> critiquent <strong>le</strong> plus sont souvent<br />
ceux qui, ces dernière années, ont contribué à y ajouter<br />
de la mauvaise graisse ou de la mauvaise sauce.<br />
(Applaudissements)<br />
Parmi <strong>le</strong>s mauvaises sauces dont je veux par<strong>le</strong>r, c’est,<br />
par exemp<strong>le</strong>, <strong>le</strong> mot « métropo<strong>le</strong> » qui a été ajouté dans<br />
<strong>le</strong>s institutions, sans que cela serve à quoi que ce soit,<br />
sauf pour dire : « Maintenant, je suis <strong>grand</strong> parce que je<br />
suis une métropo<strong>le</strong> ! ». Cela n’a rien changé à<br />
l’attractivité de la vil<strong>le</strong> qui n’est d’ail<strong>le</strong>urs pas dans une<br />
bonne situation. Qui plus est, dans tous <strong>le</strong>s pays du<br />
monde, il y a des mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong>s tout simp<strong>le</strong>ment parce que<br />
<strong>le</strong> niveau de décision uti<strong>le</strong> n’est pas <strong>le</strong> même selon <strong>le</strong><br />
type de problème à rég<strong>le</strong>r. Lorsqu’il s’agit de choisir la<br />
localisation d’une éco<strong>le</strong> maternel<strong>le</strong> ou la localisation<br />
d’une gare TGV, ce n’est pas au même niveau<br />
géographique qu’il faut réfléchir à ce genre de<br />
décision.<br />
Hier, étant auditionné à l’Assemblée nationa<strong>le</strong> sur ce<br />
sujet, j’ai voulu <strong>le</strong>ur présenter un pays qui devrait être<br />
organisé d’une façon tota<strong>le</strong>ment rationnel<strong>le</strong> : c’est <strong>le</strong><br />
cas de la Chine, avec un parti communiste unique qui,<br />
a priori, est évidemment hyper rationnel ! (Sourires)<br />
Je <strong>le</strong>ur ai donc montré l’organisation territoria<strong>le</strong> en<br />
Chine : ce sont cinq niveaux, avec, à chacun d’eux, des<br />
différenciations institutionnel<strong>le</strong>s. Par conséquent, <strong>le</strong><br />
mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> est général, même si nous devions devenir<br />
un parti communiste unique en France !<br />
«Dans tous <strong>le</strong>s pays du monde, il<br />
y a des mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong>s tout<br />
simp<strong>le</strong>ment parce que <strong>le</strong> niveau<br />
de décision uti<strong>le</strong> n’est pas <strong>le</strong><br />
même selon <strong>le</strong> type de problème<br />
à rég<strong>le</strong>r»<br />
J’en viens à ma deuxième remarque. Toutes <strong>le</strong>s cartes<br />
qui nous ont été projetées sont évidemment<br />
stimulantes et intéressantes, même s’il ne faut pas <strong>le</strong>s<br />
M. Gérard-François<br />
DUMONT<br />
Professeur de géographie à<br />
l’Université Paris IV Sorbonne,<br />
Président de la revue Population et<br />
Avenir<br />
52
prendre pour vérités de l’Evangi<strong>le</strong>. En particulier, la<br />
première, cel<strong>le</strong> des aires urbaines, est dramatique : el<strong>le</strong><br />
fait de la métropolisation effectivement une idéologie,<br />
mais, en même temps, il faudrait la mettre à la<br />
poubel<strong>le</strong> ! D’ail<strong>le</strong>urs, l’INSEE a mis la ruralité à la<br />
poubel<strong>le</strong> : <strong>le</strong> mot « rural » dans la carte des aires<br />
urbaines n’existe plus du tout. Les communes,<br />
appelées autrefois « rura<strong>le</strong>s », sont dénommées dans<br />
<strong>le</strong> langage de l’INSEE : « communes isolées en dehors<br />
des pô<strong>le</strong>s ». Certains d’entre vous ne <strong>le</strong> savaient sans<br />
doute pas et j’espère que vous appréciez cette logique<br />
poétique ! (Sourires)<br />
«L’INSEE a mis la<br />
ruralité à la poubel<strong>le</strong>»<br />
Une autre carte est très intéressante, cel<strong>le</strong> des<br />
fragilités. Dans cette carte, vous n’avez pas vu une<br />
vil<strong>le</strong> comme Rennes et pourtant, Rennes vient de<br />
passer à côté d’une catastrophe. Je vous rappel<strong>le</strong> en<br />
effet que, parmi <strong>le</strong>s usines que Peugeot possédait en<br />
France, citons cel<strong>le</strong> d’Aulnay-sous-Bois dont vous avez<br />
sans doute entendu par<strong>le</strong>r, mais aussi cel<strong>le</strong> de Rennes.<br />
L’usine et surtout tous <strong>le</strong>s emplois induits par la<br />
présence de cette <strong>grand</strong>e usine Peugeot à Rennes<br />
représentent plus du tiers de l’économie de cette vil<strong>le</strong>.<br />
Supposez que Peugeot, au lieu de fermer son usine<br />
d’Aulnay-sous-Bois, ait fermé cel<strong>le</strong> de Rennes, c’eût été<br />
une catastrophe économique pour tout <strong>le</strong> bassin<br />
rennais.<br />
Par conséquent, entre ces fragilités étudiées sur des<br />
chiffres statistiques et la réalité économique, ce n’est<br />
pas nécessairement la même chose. Je tenais à attirer<br />
votre attention sur ce point parce que <strong>le</strong> calcul<br />
statistique conduit inévitab<strong>le</strong>ment à certaines<br />
approches un peu macroéconomiques, alors que la<br />
réalité géographique peut être fondamenta<strong>le</strong>ment<br />
différente.<br />
Je sais que vous saurez continuer à développer votre<br />
sens critique par rapport à tout ce qui nous est<br />
présenté tous <strong>le</strong>s jours, y compris quand cela vient du<br />
Président de la République !<br />
(Sourires et applaudissements)»<br />
Merci, Gérard-François DUMONT,<br />
pour votre humour !<br />
Je vous donne la paro<strong>le</strong>,<br />
madame Bechtel.<br />
M me . Marie-Françoise<br />
BECHTEL<br />
Directrice de l’ENA de 2000 à 2002,<br />
députée de l’Aisne<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
«D’abord, ce que vous dites sur la carte, c’est la<br />
différence entre la photographie et <strong>le</strong> potentiel. Il suffit<br />
simp<strong>le</strong>ment de savoir à quoi se rapporte la carte,<br />
laquel<strong>le</strong> donne tout de même une idée au moins<br />
photographique d’une situation à un moment donné.<br />
Si l’on veut projeter <strong>le</strong>s fragilités potentiel<strong>le</strong>s, il s’agit<br />
alors, me semb<strong>le</strong>-t-il, de procéder autrement et on<br />
l’affiche.<br />
«Je fais simp<strong>le</strong>ment remarquer<br />
que <strong>le</strong> mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> permet <strong>le</strong>s<br />
financements croisés»<br />
Sur <strong>le</strong> mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong>, je pense que ce qui a été dit est<br />
marqué au coin d’une très <strong>grand</strong>e sagesse. J’ai<br />
d’ail<strong>le</strong>urs apprécié <strong>le</strong> propos du premier intervenant<br />
dans <strong>le</strong> cadre du débat avec l’assistance. Je suis<br />
d’accord avec lui. Je fais simp<strong>le</strong>ment remarquer que <strong>le</strong><br />
mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> permet <strong>le</strong>s financements croisés. Nombreux<br />
sont <strong>le</strong>s élus qui nous disent que sans <strong>le</strong>s financements<br />
croisés, ils ne s’en tirent pas, ne pouvant pas réaliser<br />
<strong>le</strong>ur projet communal ou autre.<br />
Il faut donc bien réfléchir lorsque l’on par<strong>le</strong> du<br />
mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong>, et ce d’autant plus que <strong>le</strong> mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> nocif<br />
est, non pas <strong>le</strong> mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> administratif ou territorial,<br />
mais <strong>le</strong> mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> que j’avais appelé institutionnel. En<br />
France, <strong>le</strong>s départements et <strong>le</strong>s communes, issus de<br />
vieil<strong>le</strong>s lois de la République, 1871 pour <strong>le</strong> département<br />
et 1884 pour la commune, sont des col<strong>le</strong>ctivités<br />
qui s’administrent librement par des Conseils élus. En<br />
1982, soit 100 ans après, lorsque la région a été<br />
instituée, a été recopié ce modè<strong>le</strong> qui déjà ne<br />
s’appliquait plus à une circonscription d’une tel<strong>le</strong> tail<strong>le</strong>.<br />
Nous ne pouvons pas soutenir aujourd’hui, trente ans<br />
après avoir institué <strong>le</strong>s régions en 1982 en tant que<br />
53
54<br />
col<strong>le</strong>ctivités territoria<strong>le</strong>s, que la région est <strong>le</strong> lieu<br />
d’exercice de la démocratie.<br />
Que va donc devenir cette même démocratie qui<br />
n’existe déjà pas au niveau régional d’ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong>s élus<br />
ne connaissent pas <strong>le</strong>urs élus régionaux – lorsque nous<br />
aurons de <strong>grand</strong>es régions dont on a d’ail<strong>le</strong>urs montré<br />
que l’intérêt était très relatif ? Il n’y aura plus de<br />
démocratie du tout !<br />
Quel<strong>le</strong> est donc la logique ? Le Gouvernement n’est<br />
manifestement pas allé au bout de sa réf<strong>le</strong>xion ou<br />
alors peut-être ne l’ai-je pas encore comprise ! Si l’on<br />
dessine de très vastes régions, ce sont alors des Länder<br />
avec un gouvernement. Nous voyons d’ail<strong>le</strong>urs des<br />
chefs de région – et non des moindres – demander <strong>le</strong><br />
pouvoir rég<strong>le</strong>mentaire. Ce n’est pas la tradition<br />
française. Jamais <strong>le</strong>s Français n’accepteront d’avoir en<br />
France des Länder ! C’est complètement contraire à<br />
l’unité républicaine que <strong>le</strong>s Français ont tout de même<br />
en tête depuis plus de 200 ans. Il est alors<br />
envisageab<strong>le</strong> de concevoir, sans que ce ne soit plus<br />
une col<strong>le</strong>ctivité territoria<strong>le</strong>, un <strong>grand</strong> espace de<br />
concertation, sans même donner un exécutif à la<br />
«Que va donc devenir cette même<br />
démocratie qui n’existe déjà pas<br />
au niveau régional. Il n’y aura<br />
plus de démocratie du tout !»<br />
région, ni peut-être même une assemblée élue, dans<br />
<strong>le</strong>quel <strong>le</strong>s élus, en lien et en dialogue avec l’Etat et <strong>le</strong>s<br />
échelons territoriaux de moindre <strong>grand</strong>e tail<strong>le</strong>,<br />
prévoient, définissent et agissent pour l’avenir d’un<br />
territoire. Pour ma part, je milite en faveur des<br />
interdépartementalités dont la région serait la<br />
résultante, de même que l’intercommunalité devient<br />
de plus en plus la résultante des communes. Ainsi,<br />
seraient conservés <strong>le</strong>s départements, fût-ce peut-être<br />
en <strong>le</strong>s restructurant, et cette proximité avec <strong>le</strong>s<br />
citoyens, dont la région serait la résultante. Ce serait<br />
bien plus préférab<strong>le</strong> que de créer une sorte de vaste<br />
échelon qui va coiffer sans aucun lien démocratique un<br />
territoire extrêmement vaste et certainement regarder,<br />
en effet, vers une Europe où l’on veut maintenant<br />
nommer des super-Commissaires. Ce sera alors un<br />
dialogue entre des super-Présidents de région et des<br />
super-Commissaires européens. C’est un scénario ; je ne<br />
dis pas que c’est forcément ce qui se produira, mais il<br />
faut y penser. Pendant ce temps, un certain nombre de<br />
Français attendront d’un département réduit à la portion<br />
congrue, d’intercommunalités dont ils ne saisissent pas<br />
toujours la réalité, de communes devenues exsangues et<br />
pour finir, comme toujours, de l’Etat que l’on s’occupe<br />
vraiment d’eux. Mais entre-temps, ce qui aura été perdu,<br />
c’est <strong>le</strong> lien démocratique qui, encore une fois, est<br />
extrêmement ténu sur <strong>le</strong> plan régional et je ne crois pas<br />
que tout cela renforce la démocratie<br />
»<br />
politique dans notre<br />
pays. (Applaudissements)<br />
Je vous donne la paro<strong>le</strong>, Hélène<br />
Combe de la Funte Martinez.<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
M me . Hélène COMBE DE LA<br />
FUNTE MARTINEZ<br />
Observatoire de la décision publique,<br />
déléguée généra<strong>le</strong><br />
de la chaire partenaria<strong>le</strong><br />
« Développement humain durab<strong>le</strong><br />
et territoires »<br />
«Dans cette démarche des nouvel<strong>le</strong>s ruralités, je n’ai pas<br />
entendu par<strong>le</strong>r jusqu’à présent du choix du modè<strong>le</strong> de<br />
développement dont on par<strong>le</strong>. Il me semb<strong>le</strong> qu’il ne faut<br />
pas rater cette marche-là visant à savoir si l’on reste<br />
effectivement sur un modè<strong>le</strong> de développement<br />
constant, notamment sur la question économique.<br />
«Sommes-nous décidés à<br />
sortir petit à petit de cette<br />
hypocrisie ou non ?»<br />
Gardons-nous <strong>le</strong> même schéma économique que celui<br />
qui s’est développé au cours des dernières décennies ?<br />
Ou justement, à partir des territoires et de la<br />
réinterrogation de la proximité, cherchons-nous à revenir<br />
à des activités et à une logique économique remise à sa<br />
juste place, c’est-à-dire au service de la société et non<br />
pas avec une vision du monde à travers <strong>le</strong> PIB ?<br />
Force est de reconnaître que nous sommes dans une<br />
hypocrisie tota<strong>le</strong> : il est de bon ton aujourd’hui de dire
que <strong>le</strong> PIB n’est plus notre repère, sauf qu’il continue à<br />
être <strong>le</strong> repère de toutes <strong>le</strong>s décisions prises en termes<br />
de politiques publiques et de grosses logiques<br />
financières ! Sommes-nous décidés à sortir petit à petit<br />
de cette hypocrisie ou non ? Nous nous sommes fait<br />
embarquer dans une démesure de la consommation en<br />
deux ou trois générations. Il ne doit pas être impossib<strong>le</strong><br />
de pouvoir remettre <strong>le</strong>s pendu<strong>le</strong>s à l’heure. Prenons <strong>le</strong><br />
temps de la réalité, mais faisons des choix forts !<br />
«Nous devons reconnaître<br />
à va<strong>le</strong>ur éga<strong>le</strong><br />
l’expertise scientifique,<br />
politique, technique et<br />
l’expertise du vécu»<br />
C’est la raison pour laquel<strong>le</strong> je disais tout à l’heure que<br />
la démocratie participative ne suffira pas. Quel<strong>le</strong> est la<br />
part que chacun a à faire ? Dans ce nouveau schéma,<br />
que doivent assurer en termes de régulation et de<br />
répartition des richesses, <strong>le</strong>s politiques publiques ?<br />
Tel<strong>le</strong>s sont <strong>le</strong>s questions ! C’est pourquoi j’aurais bien<br />
aimé que, dans l’étude qui nous a été présentée, il soit<br />
demandé aussi aux interviewés, prolongeant la<br />
question de <strong>le</strong>ur attente des politiques publiques : « Et<br />
vous, considérez-vous que dans tout cela, vous avez un<br />
rô<strong>le</strong> à jouer ? » Cela nécessite des changements de<br />
posture radicaux. Moi, je n’admets pas <strong>le</strong> fait que ce<br />
monsieur intervenu dans <strong>le</strong> débat ait eu besoin de dire<br />
à plusieurs reprises, alors qu’il a tenu par ail<strong>le</strong>urs un<br />
propos intéressant, qu’il était un citoyen lambda<br />
ordinaire, juste un citoyen. Non ! Chacun est citoyen, y<br />
compris <strong>le</strong>s élus.<br />
Nous sommes aussi des citoyens multifacettes.<br />
Sachons regarder, en fonction de la facette, ce que<br />
nous avons à faire. Cela nécessite un nouveau rapport<br />
à l’expertise et nous revenons là à la question de<br />
l’élite évoquée initia<strong>le</strong>ment dans <strong>le</strong> débat. Aujourd’hui,<br />
nous devons reconnaître à va<strong>le</strong>ur éga<strong>le</strong> l’expertise<br />
scientifique, politique, technique – j’en passe et des<br />
meil<strong>le</strong>urs ! – et l’expertise du vécu qui n’est pas<br />
seu<strong>le</strong>ment l’expertise d’usage. Dans <strong>le</strong>s politiques<br />
publiques et, par exemp<strong>le</strong>, dans <strong>le</strong> domaine de l’eau,<br />
référence est faite tantôt aux « usagers des services de<br />
l’eau », tantôt aux « usagers d’un système de gestion de<br />
l’eau ». Mais nous sommes d’abord dans la vie des<br />
citoyens de l’eau. Nous avons une responsabilité,<br />
s’agissant d’un bien commun, cel<strong>le</strong> de la préservation de<br />
l’eau.<br />
Il s’agit donc de bien savoir manier ces expertises. Des<br />
expériences très intéressantes en France et à travers <strong>le</strong><br />
monde visent même à faire reconnaître ce genre<br />
d’expertises au niveau universitaire. C’est <strong>le</strong> cas de notre<br />
démarche à Nantes. La perspective est, d’une part, de<br />
faire reconnaître ces savoirs sur <strong>le</strong> plan universitaire,<br />
c’est-à-dire en termes de diplôme, et, d’autre part, de<br />
permettre à ces personnes de venir témoigner et apporter<br />
<strong>le</strong>ur savoir dans <strong>le</strong>s lieux académiques.<br />
Selon <strong>le</strong> dramaturge brésilien Augusto Boal, « Nous<br />
sommes tous acteurs : être citoyen, ce n’est pas vivre en<br />
société, c’est la changer ». Il me semb<strong>le</strong> que c’est <strong>le</strong> défi<br />
qui vous est lancé, notamment dans <strong>le</strong> cadre de cette<br />
démarche des nouvel<strong>le</strong>s ruralités. Cela nous permettrait,<br />
de là où l’on est, d’être ce que Augusto<br />
»<br />
Boal appelait <strong>le</strong>s<br />
« avant-courriers d’un monde meil<strong>le</strong>ur ».<br />
(Applaudissements)<br />
Voilà une nouvel<strong>le</strong> phrase du jour : « Etre<br />
citoyen, ce n’est pas vivre en société, c’est<br />
la changer. » Nous la retenons, n’est-ce<br />
pas, Gérard Peltre ?<br />
M me . Gérard PELTRE<br />
Président de l’association internationa<strong>le</strong><br />
Ruralité, Environnement et<br />
Développement, RED,<br />
et du Mouvement européen<br />
de la ruralité<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
«J’y adhère tout à fait, mais je dirai<br />
que, depuis longtemps déjà, <strong>le</strong>s<br />
territoires ruraux inventent <strong>le</strong>ur futur<br />
et changent la société, en<br />
apprenant à travail<strong>le</strong>r ensemb<strong>le</strong>.»<br />
55
56<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Vous nous dites justement, Gérard Peltre, que<br />
l’on ne regarde pas assez ce que font <strong>le</strong>s<br />
territoires ruraux. En fait, nous ne nous servons<br />
pas assez de ces exemplarités et nous n’allons<br />
pas assez loin dans <strong>le</strong> croisement des regards.<br />
«Tout à fait et <strong>le</strong>s territoires ruraux eux-mêmes n’osent<br />
pas en par<strong>le</strong>r et échanger sur ces questions.<br />
Il faut savoir, et c’est la raison pour laquel<strong>le</strong> j’ai été<br />
très critique à l’égard de la réforme territoria<strong>le</strong> en<br />
termes d’agenda, que, dans <strong>le</strong>s six années à venir, il<br />
va falloir construire <strong>le</strong> développement des territoires<br />
ruraux. Nous oublions toujours que dans <strong>le</strong> Traité de<br />
Lisbonne, la Charte des droits fondamentaux, reconnaît<br />
la diversité des cultures qui s’inscrit dans la diversité<br />
des territoires. Mais pour qu’el<strong>le</strong> s’exprime, il faut des<br />
politiques publiques qui permettent d’organiser <strong>le</strong><br />
développement et de donner une opportunité à la<br />
diversité des acteurs qui sont dans <strong>le</strong>s territoires. Cette<br />
opportunité est cel<strong>le</strong> d’échanger ensemb<strong>le</strong> et de<br />
construire ensemb<strong>le</strong> <strong>le</strong>ur développement en s’étant<br />
choisis un cap commun que l’on a envie de partager<br />
avec l’ensemb<strong>le</strong> des autres territoires de l’Union<br />
européenne.<br />
Les pays de l’Est attendent cet éclairage de la France<br />
qui, ne l’apportant pas, est considérée comme<br />
arrogante, non pas qu’el<strong>le</strong> soit p<strong>le</strong>ine de certitudes,<br />
mais parce qu’el<strong>le</strong> se croit l’Europe et oublie de<br />
partager et d’apporter ces expériences en travaillant<br />
avec <strong>le</strong>s uns et <strong>le</strong>s autres.<br />
Alors que s’ouvre une nouvel<strong>le</strong> période de programmation,<br />
ce sont <strong>le</strong>s régions – et non plus l’Etat – qui<br />
seront chargées de mettre en œuvre cette interface<br />
avec l’option européenne et donc <strong>le</strong>s propositions et la<br />
stratégie 2020 de l’Union européenne. Or, c’est en ce<br />
moment que la décision a été prise de réformer <strong>le</strong>s<br />
régions.<br />
Dans <strong>le</strong> cadre de la plateforme de réforme sur la<br />
coopération intercommuna<strong>le</strong> au niveau départemental,<br />
j’ai bien vu que, lorsque l’on a fait évoluer <strong>le</strong>s<br />
intercommunalités, nous n’avons pas parlé de projets,<br />
alors qu’une communauté de communes a pour objet,<br />
«Dans <strong>le</strong>s six années à<br />
venir, il va falloir<br />
construire <strong>le</strong><br />
développement des<br />
territoires ruraux»<br />
sur un territoire de solidarité, la mise en œuvre d’un<br />
projet de développement et d’aménagement de l’espace<br />
! Nous avons parlé de masse critique, de fusion de<br />
structures, de financement mais pas de projets. Si nous<br />
en avions parlé, toutes ces réformes territoria<strong>le</strong>s<br />
auraient permis de progresser. Je crains fort qu’avec <strong>le</strong>s<br />
régions, il en soit encore ainsi !<br />
Alors, comment allons-nous avoir accès à ces moyens<br />
financiers de l’Europe et à quoi allons-nous <strong>le</strong>s affecter ?<br />
Comment allons-nous re<strong>le</strong>ver <strong>le</strong> chal<strong>le</strong>nge européen<br />
dans <strong>le</strong> cadre de la stratégie 2020 que tous <strong>le</strong>s Etats<br />
membres ont acceptée et qui fait référence au social, à<br />
l’inclusion socia<strong>le</strong>, à l’inclusion territoria<strong>le</strong> et autre, et<br />
pas seu<strong>le</strong>ment à l’innovation économique et au<br />
développement durab<strong>le</strong> ? Comment <strong>le</strong> tout se fera-t-il ?<br />
Or, c’est maintenant !<br />
Moi, je demande aux départements de re<strong>le</strong>ver <strong>le</strong><br />
chal<strong>le</strong>nge parce que ce sont eux aujourd’hui qui<br />
portent toutes ces politiques publiques et qui sont<br />
proches des citoyens. Il est donc urgent de s’en<br />
emparer ; sinon, dans six ans, nous allons nous<br />
retrouver en ayant oublié six années et peut-être bien<br />
que l’on ne nous servira pas de nouveau <strong>le</strong>s plats de si<br />
tôt au niveau européen, qui offrent véritab<strong>le</strong>ment une<br />
place pour <strong>le</strong>s territoires ruraux, mais il nous faut nous<br />
en saisir.<br />
Une autre possibilité nous est éga<strong>le</strong>ment offerte :<br />
coopérer entre nous et coopérer avec <strong>le</strong>s autres<br />
territoires de l’Union européenne. Il faut avancer dans<br />
ces logiques-là, mais il nous faut apporter du sens, de<br />
l’humanité et de la construction socia<strong>le</strong> dans toutes ces<br />
affaires. Nous avons la capacité de <strong>le</strong> faire. Si nous ne<br />
<strong>le</strong> faisons pas, nous oublierons qui nous sommes, mais<br />
nous oublierons surtout d’avoir exister aujourd’hui pour<br />
construire demain.<br />
«Il convient de rappe<strong>le</strong>r aux<br />
pô<strong>le</strong>s urbains que nous<br />
n’avons pas besoin d’eux<br />
pour exister»<br />
C’est un vrai chal<strong>le</strong>nge et là est mon inquiétude, alors<br />
que, par ail<strong>le</strong>urs, je suis vraiment optimiste. Si nous<br />
nous en emparons, nous <strong>le</strong>s ruraux, je pense que <strong>le</strong>s<br />
choses iront. Nous avons beaucoup de choses à faire<br />
avec <strong>le</strong>s pô<strong>le</strong>s urbains, mais il convient de <strong>le</strong>ur rappe<strong>le</strong>r<br />
que nous n’avons pas que besoin d’eux pour exister.<br />
Nous avons une énergie et une ressource propre, mais<br />
nous savons, nous, collaborer avec <strong>le</strong>s urbains parce<br />
que nous en comprenons la va<strong>le</strong>ur ajoutée. Il faut<br />
»<br />
qu’ils s’en souviennent, surtout <strong>le</strong>s métropo<strong>le</strong>s !<br />
(Applaudissements)
Denis Muzet, dans un contexte où, comme vous <strong>le</strong><br />
disiez, <strong>le</strong> rural est devenu <strong>le</strong> local, vous vous<br />
retrouvez avec ces interventions sur la nouvel<strong>le</strong><br />
relation à établir et à définir. Vous parliez, me<br />
semb<strong>le</strong>-t-il, du « contrat de relation ».<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
«Mil<strong>le</strong> et une initiatives<br />
sont prises en milieu<br />
rural. Il faut <strong>le</strong>s faire<br />
connaître»<br />
M. Denis<br />
MUZET<br />
Sociologue et président<br />
de l’Institut Médiascopie<br />
mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> territorial, c’est risquer de la briser, comme<br />
de fracturer <strong>le</strong> dernier lien pour <strong>le</strong>s usagers/citoyens<br />
avec <strong>le</strong>s services publics. C’est donc d’une extrême<br />
importance.<br />
«Si vous n’êtes pas<br />
capab<strong>le</strong>s de narrer votre<br />
projet il n’existe pas»<br />
Pourtant, dans un esprit positif, il est clair que mil<strong>le</strong> et<br />
une initiatives sont prises en milieu rural. Il faut <strong>le</strong>s<br />
faire connaître et donc <strong>le</strong>s mettre en récit ; d’où<br />
l’importance de diffuser, notamment par <strong>le</strong>s réseaux<br />
sociaux, <strong>le</strong>s récits gagnants des nouvel<strong>le</strong>s ruralités.<br />
En conclusion, il faut avoir un projet et c’est celui des<br />
«Oui, non seu<strong>le</strong>ment je m’y retrouve, mais je suis nouvel<strong>le</strong>s ruralité. Il faut l’affiner et <strong>le</strong> démultiplier. Au<br />
optimiste comme <strong>le</strong>s précédents intervenants.<br />
fond, <strong>le</strong> récit est <strong>le</strong> projet narré. Aujourd’hui, si vous<br />
Je tiens à formu<strong>le</strong>r une réf<strong>le</strong>xion sur <strong>le</strong> mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> n’êtes pas capab<strong>le</strong>s de narrer votre projet, c’est-à-dire<br />
territorial. Il faut sans doute <strong>le</strong> réduire, mais il faut de <strong>le</strong> raconter, il n’existe pas parce que dans une<br />
faire attention à ne pas briser la « pâte territoria<strong>le</strong> » société médiatique, <strong>grand</strong>e est la consommation de<br />
qui est une pâte feuil<strong>le</strong>tée extrêmement délicate. Le narration. Si vous ne racontez pas votre projet, si vous<br />
pays est en crise et la France est fragi<strong>le</strong> sur différents ne <strong>le</strong> mettez pas en récit, <strong>le</strong>s médias vont vous col<strong>le</strong>r<br />
plans et, notamment sur <strong>le</strong> plan économique et social. aux basques un récit que vous n’aurez pas choisi et qui<br />
Il faut donc veil<strong>le</strong>r à ne pas manipu<strong>le</strong>r maladroitement sera un récit catastrophe. Il vous appartient donc de <strong>le</strong><br />
la pâte feuil<strong>le</strong>tée du mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> territorial. C’est produire et il appartient aux médias et, en particulier, à<br />
pourtant ce qui semb<strong>le</strong> être aujourd’hui un peu <strong>le</strong> cas la presse régiona<strong>le</strong> de porter <strong>le</strong><br />
»<br />
récit des nouvel<strong>le</strong>s<br />
dans <strong>le</strong> cadre d’un système de vente à la découpe ! ruralités. (Applaudissements)<br />
Manipu<strong>le</strong>r maladroitement la pâte feuil<strong>le</strong>tée du<br />
57
M. Jean-Yves VIF<br />
Rédacteur en chef de La Montagne,<br />
Groupe Centre-France,<br />
animateur de la journée.<br />
«Dans la suite de nos travaux, nous accueil<strong>le</strong>rons dans<br />
un instant M. <strong>le</strong> Secrétaire d’Etat à la Réforme<br />
territoria<strong>le</strong>, M. André Vallini.<br />
La matinée a porté plus sur l’aspect gouvernance et sur<br />
l’aspect institutionnel, sans que <strong>le</strong>s débats se<br />
cantonnent uniquement à la réforme territoria<strong>le</strong>. Nous<br />
avons éga<strong>le</strong>ment bénéficié de la présence d’un<br />
représentant du Gouvernement. Les débats ont été<br />
riches et fructueux, sans concession – tel<strong>le</strong> est la règ<strong>le</strong><br />
du jeu ! – mais toujours courtois. Et c’est donc un<br />
après-midi tout aussi riche qui s’annonce, monsieur <strong>le</strong><br />
Secrétaire d’Etat, dans une semaine qui ne doit pas<br />
être de tout repos pour vous. Merci donc de votre<br />
présence et merci d’avoir maintenu votre rendez-vous<br />
avec ces Etats Généraux des Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités !<br />
M’ont rejoint à la tribune ceux qui ont été baptisés «<br />
<strong>le</strong>s quatre mousquetaires », ainsi que <strong>le</strong> représentant<br />
de l’ADF. Les Conseils généraux sont donc représentés<br />
et bien représentés. Je précise, mesdames, messieurs,<br />
que nous profitons de la présence d’un sixième<br />
Président de Conseil général, André Vallini étant<br />
Président du Conseil général de l’Isère depuis une<br />
douzaine d’années. Il quittera son poste <strong>le</strong> 20 juin<br />
prochain. Autant dire qu’au-delà de la réforme, il<br />
connaît parfaitement la problématique des Conseils<br />
généraux !»<br />
58
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Dans un premier temps, Patrice Joly<br />
souhaite dire un mot.<br />
M. Patrice JOLY<br />
Président du Conseil général<br />
de la Nièvre.<br />
«Je tiens à remercier André Vallini d’avoir accepté d’être<br />
présent à cette rencontre sur <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s ruralités<br />
dont <strong>le</strong>s enjeux, comme il a été évoqué dans la<br />
matinée, dépassent <strong>le</strong> cadre institutionnel. Il s’agit<br />
pour nous de démontrer ce que représentent <strong>le</strong>s<br />
espaces ruraux français sur <strong>le</strong> plan économique, social<br />
et, bien évidemment, environnemental, mais aussi sur<br />
<strong>le</strong> plan culturel et identitaire. Autant d’enjeux<br />
importants !<br />
André Vallini sait que <strong>le</strong>s Présidents de Conseils<br />
généraux, avec <strong>le</strong>squels nous venons d’ail<strong>le</strong>urs d’avoir<br />
un déjeuner de travail, considèrent que la réforme<br />
aujourd’hui proposée présente un réel risque pour nos<br />
territoires ruraux.<br />
C’est un risque de représentation politique : comment,<br />
de Nevers et, a fortiori, du centre de la Nièvre ou du<br />
Morvan, peser politiquement face à ce que seront <strong>le</strong>s<br />
présidents de régions et <strong>le</strong>s présidents<br />
d’agglomérations de Dijon ou de Besançon ? Comment<br />
peser, avec des régions dont <strong>le</strong>s centres de gravité vont<br />
être déplacés, pas simp<strong>le</strong>ment géographiquement,<br />
mais par rapport aux enjeux industriels, urbains, aux<br />
enjeux globa<strong>le</strong>ment d’aménagement du territoire, si<br />
nous ne disposons de col<strong>le</strong>ctivités capab<strong>le</strong>s de penser<br />
<strong>le</strong> territoire et de <strong>le</strong> porter politiquement et donc<br />
légitimement?<br />
«L’enjeu de la réforme territoria<strong>le</strong><br />
est important mais ce n’est pas <strong>le</strong><br />
seul message que nous voulons<br />
dispenser et faire partager»<br />
Malgré ce contexte connu, et je remercie André Vallini<br />
d’avoir accepté d’en débattre avec nous, je souhaite<br />
que dans nos échanges à la suite de son intervention,<br />
échanges qui seront nécessairement circonscrits dans <strong>le</strong><br />
temps, soit évité un risque : celui que cette journée ne<br />
soit commentée qu’à travers la question de la réforme<br />
institutionnel<strong>le</strong> loca<strong>le</strong>. L’enjeu est important et c’est<br />
une réalité, mais ce n’est pas <strong>le</strong> seul message que<br />
nous voulons dispenser et faire partager.<br />
Je laisse la paro<strong>le</strong> au Secrétaire<br />
»<br />
d’Etat à la Réforme<br />
territoria<strong>le</strong>, André Vallini.<br />
(Applaudissements)<br />
59
60<br />
«Madame la Préfète ; Mesdames, messieurs <strong>le</strong>s<br />
par<strong>le</strong>mentaires de la Nièvre, Martine Carillon-Couvreur<br />
que je retrouve avec plaisir, ayant siégé à ses côtés à<br />
l’Assemblée nationa<strong>le</strong>, Gaëtan Gorce, un ami de<br />
toujours, avec qui j’ai éga<strong>le</strong>ment siégé à l’Assemblée<br />
nationa<strong>le</strong> et, encore récemment, au Sénat, Anne<br />
Emery-Dumas, Sénatrice de la Nièvre, la députée<br />
Marie-Françoise Bechtel que je salue aussi ; Monsieur<br />
<strong>le</strong> Maire de Nevers, Président d’agglomération ;<br />
Monsieur <strong>le</strong> Président du Conseil général de la Nièvre,<br />
cher Patrice ; Mesdames, messieurs <strong>le</strong>s Présidents de<br />
Conseils généraux ; Mesdames, messieurs <strong>le</strong>s élus ;<br />
Mesdames, messieurs,<br />
M. André<br />
VALLINI<br />
Secrétaire d’Etat à la<br />
Réforme territoria<strong>le</strong><br />
Je suis heureux de me retrouver parmi vous cet<br />
après-midi, d’abord pour dissiper un ma<strong>le</strong>ntendu,<br />
réparer une maladresse et vous dire, m’adressant aux<br />
Conseil<strong>le</strong>rs généraux, que je regrette <strong>le</strong> mot qui a pu<br />
vous choquer. Au détour d’une interview de radio, il<br />
peut arriver de se laisser al<strong>le</strong>r à se tromper de<br />
vocabulaire. Il est évident qu’il n’est question de<br />
« dévitaliser » personne ni aucune institution, mais de<br />
faire évoluer <strong>le</strong>s Conseils généraux de notre pays et<br />
j’aurai l’occasion d’y revenir.<br />
«Il n’est question de<br />
dévitaliser personne ni aucune<br />
institution, mais de faire<br />
évoluer <strong>le</strong>s Conseils généraux»<br />
J’ai été d’autant plus désolé de cette maladresse que<br />
je suis des vôtres, comme vient de <strong>le</strong> rappe<strong>le</strong>r notre<br />
animateur. Conseil<strong>le</strong>r général depuis 22 ans<br />
maintenant, je suis de la « cuvée » 1992 et je préside<br />
<strong>le</strong> Conseil général de l’Isère depuis 2001, soit depuis<br />
13 ans. Je laisserai la présidence lors de la prochaine<br />
séance publique, consacrée à la DM 1 – nous sommes<br />
entre spécialistes –, qui aura lieu <strong>le</strong>s 19 et 20 juin<br />
prochains.<br />
Je suis des vôtres aussi parce que, avant d’être<br />
Conseil<strong>le</strong>r général et Président du Conseil général, j’ai<br />
été maire, comme nombre d’entre vous ici. J’ai été<br />
maire de ma petite vil<strong>le</strong> nata<strong>le</strong>, Tullins qui se situe<br />
entre Voiron et Saint-Marcellin, dans la vallée de<br />
l’Isère, entre la Chartreuse, la Voiron et <strong>le</strong> fromage de<br />
Saint-Marcellin. J’ai administré cette petite vil<strong>le</strong> avec<br />
des équipes municipa<strong>le</strong>s successives pendant 15 ans et<br />
j’y ai connu sans doute <strong>le</strong>s plus beaux moments de ma<br />
vie publique.<br />
Sincèrement, je suis donc vraiment heureux, même si<br />
je m’attends à un débat animé, de participer à vos<br />
Etats généraux, succédant à Sylvia Pinel qui était avec<br />
vous ce matin, ce qui montre d’ail<strong>le</strong>urs l’importance<br />
que <strong>le</strong> Gouvernement accorde aux problèmes dont vous<br />
débattez et qu’il est attentif aux solutions – je dis bien<br />
aux solutions – positives que vous présentez.<br />
Cela me donne l’occasion de saluer l’initiative de<br />
Patrice Joly, Jean-Paul Dufrègne, Jean-Jacques Lozach<br />
et Jean-Pierre Saulnier qui ont eu l’intelligence, avec<br />
beaucoup d’entre vous, de forger ce concept novateur<br />
de « nouvel<strong>le</strong>s ruralités », même si <strong>le</strong> mot « concept »<br />
est d’ail<strong>le</strong>urs bien trop abstrait pour rendre compte du<br />
caractère concret des réalités que vous décrivez. Votre<br />
initiative des nouvel<strong>le</strong>s ruralités est en fait une<br />
invitation à porter un regard nouveau sur des espaces,<br />
ceux que vous animez avec vos équipes, autant qu’el<strong>le</strong><br />
est <strong>le</strong> témoignage d’une lucidité de l’avenir de ces<br />
espaces, sur <strong>le</strong>urs difficultés, bien sûr – il y en a et je<br />
<strong>le</strong>s connais –, mais aussi sur <strong>le</strong>urs atouts, des atouts<br />
que vous vous attachez, jour après jour, à valoriser<br />
dans un contexte dont je reconnais qu’il est très<br />
diffici<strong>le</strong>. Je suis venu vous dire aujourd’hui que <strong>le</strong><br />
Gouvernement souhaite vous aider dans ce combat<br />
diffici<strong>le</strong>, mais qui vous passionne, je <strong>le</strong> sais, avec la<br />
réforme territoria<strong>le</strong> que nous avons lancée voilà<br />
quelques semaines.<br />
D’abord, pourquoi une réforme territoria<strong>le</strong> ?<br />
Depuis des sièc<strong>le</strong>s, c’est toujours en réformant son<br />
organisation que la France a avancé. Pour raffermir la<br />
monarchie contre <strong>le</strong>s féodalités, el<strong>le</strong> a créé l’Etat<br />
centralisé. Pour instal<strong>le</strong>r la République, à la fin du<br />
XIXème sièc<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> a inventé la démocratie loca<strong>le</strong>. A<br />
l’émergence de l’Europe, el<strong>le</strong> a lancé la
décentralisation. C’est une nouvel<strong>le</strong> page de notre<br />
histoire qu’il nous revient d’écrire aujourd'hui.<br />
En effet, avec 36 700 communes, 2 100<br />
intercommunalités, 13 400 syndicats<br />
intercommunaux, SIVOM et SIVU, 100 départements<br />
et 22 régions métropolitaines, la France totalise à el<strong>le</strong><br />
seu<strong>le</strong> 41 % des col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s de toute l’Union<br />
européenne à 28 pays.<br />
Cette organisation a vieilli. El<strong>le</strong> a vieilli d’abord parce<br />
que notre pays a changé. Depuis vingt ans, <strong>le</strong>s moyens<br />
de communication ont beaucoup évolué. La circulation<br />
des données, <strong>le</strong>s modes de vie et la mondialisation<br />
économique ont refaçonné la géographie de notre vie<br />
quotidienne, familia<strong>le</strong> autant que professionnel<strong>le</strong>.<br />
Notre organisation territoria<strong>le</strong> a vieilli aussi parce qu’au<br />
fil des réformes, depuis une trentaines d’années nous<br />
avons multiplié <strong>le</strong>s structures, additionné <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s,<br />
empilé <strong>le</strong>s procédures et souvent laissé chaque<br />
«Les élus ne sont pas en cause<br />
dans ce qui s’est passé depuis<br />
trente ans, nous <strong>le</strong> devons au<br />
législateur»<br />
col<strong>le</strong>ctivité loca<strong>le</strong> intervenir en tout domaine. Au fil du<br />
temps, <strong>le</strong>s communes, <strong>le</strong>s départements et <strong>le</strong>s régions,<br />
mais aussi <strong>le</strong>s intercommunalités, <strong>le</strong>s pays et <strong>le</strong>s<br />
syndicats de communes ont mis en œuvre des<br />
politiques souvent complémentaires – heureusement !<br />
– mais parfois redondantes, voire parfois, rarement<br />
mais cela arrive, concurrentes.<br />
Je tiens à <strong>le</strong> souligner devant vous et avec force, <strong>le</strong>s<br />
élus ne sont pas en cause dans ce qui s’est passé<br />
depuis trente ans. Avec ces centaines de milliers d’élus<br />
locaux, mobilisés 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365<br />
jours par an, dont la plupart sont des bénévo<strong>le</strong>s, la<br />
France dispose d’une vraie richesse. C’est à <strong>le</strong>ur<br />
dévouement, à votre dévouement, à notre dévouement<br />
que la France doit la vivacité de notre démocratie<br />
loca<strong>le</strong>.<br />
Ce qui s’est passé depuis trente ans, nous <strong>le</strong> devons au<br />
législateur, et je suis par ail<strong>le</strong>urs législateur. Les<br />
gouvernements de droite comme de gauche, <strong>le</strong>s<br />
majorités par<strong>le</strong>mentaires de droite comme de gauche<br />
ont, je <strong>le</strong> disais à l’instant, multiplié <strong>le</strong>s structures,<br />
additionné <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s procédures, comp<strong>le</strong>xifié <strong>le</strong><br />
paysage administratif territorial. Je sais que,<br />
notamment dans <strong>le</strong>s communes <strong>le</strong>s plus petites, <strong>le</strong>s<br />
élus se sentent souvent démunis face à un système<br />
devenu trop comp<strong>le</strong>xe. L’un des symptômes en est<br />
d’ail<strong>le</strong>urs la difficulté croissante à susciter des<br />
candidatures à chaque renouvel<strong>le</strong>ment des équipes<br />
municipa<strong>le</strong>s ; nous l’avons vu encore ces derniers mois.<br />
Notre organisation territoria<strong>le</strong> est donc devenue<br />
comp<strong>le</strong>xe. Vous <strong>le</strong> pensez, <strong>le</strong>s Français <strong>le</strong> pensent<br />
aussi, et il faut remédier à cette comp<strong>le</strong>xité, d’autant<br />
que la question pourrait se poser : la comp<strong>le</strong>xité,<br />
certes, mais l’efficacité est-el<strong>le</strong> au rendez-vous ? Pour<br />
autant, tout en étant devenue très comp<strong>le</strong>xe, notre<br />
organisation est-el<strong>le</strong> devenue plus efficace ? Hélas, la<br />
réponse n’est pas positive puisque nous peinons<br />
col<strong>le</strong>ctivement, l’Etat et <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s, à<br />
répondre aux attentes de nos concitoyens qui se<br />
sentent même parfois, notamment sur <strong>le</strong>s territoires<br />
dont vous avez la charge, oubliés, voire abandonnés.<br />
C’est une réalité, vous êtes là pour en témoigner :<br />
notre organisation territoria<strong>le</strong> ne réussit plus à résorber<br />
la ou plutôt <strong>le</strong>s fractures territoria<strong>le</strong>s. Avec<br />
l’aggravation des déséquilibres entre <strong>le</strong>s espaces<br />
prospères et d’autres qui <strong>le</strong> sont moins, la France court<br />
<strong>le</strong> risque de se disloquer entre, d’une part, une France<br />
urbaine et compétitive, autour de l’I<strong>le</strong>-de-France et des<br />
<strong>grand</strong>s espaces urbains, et, d’autre part, une France<br />
paupérisée, du chômage et de l’exclusion, à la<br />
périphérie des <strong>grand</strong>es agglomérations et dans <strong>le</strong>s<br />
zones rura<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s plus isolées.<br />
Pour autant, ayons aussi la lucidité de reconnaître que<br />
la frontière entre monde urbain et monde rural n’est<br />
plus aussi nette qu’il y a quelques années. Excepté<br />
quelques territoires très isolés de <strong>campagne</strong> ou de<br />
montagne – j’ai dans mon département des<br />
montagnes, comme Augustin Bonrepaux en a dans son<br />
département de l’Ariège –, on assiste à un<br />
rapprochement des modes de vie. Avec<br />
l’agroforesterie, l’agritourisme et surtout la<br />
périurbanisation des agglomérations, on sait bien que<br />
<strong>le</strong> rural et l’urbain s’interpénètrent de plus en plus. Il<br />
est donc stéri<strong>le</strong> aujourd’hui d’opposer de façon parfois<br />
systématique et caricatura<strong>le</strong> <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s <strong>campagne</strong>s<br />
car, comme vous l’écrivez très justement dans votre<br />
rapport, s’opposer aux métropo<strong>le</strong>s desservirait <strong>le</strong> rural.<br />
C’est donc à juste titre que vous plaidez pour des<br />
coopérations entre <strong>le</strong>s territoires. Le Gouvernement<br />
s’inscrit résolument dans votre démarche, cel<strong>le</strong> d’une<br />
complémentarité entre <strong>le</strong>s territoires urbains, ruraux et<br />
<strong>le</strong>s territoires intermédiaires, si vous me permettez<br />
l’expression.<br />
C’est un impératif pour <strong>le</strong> Gouvernement, dont je suis<br />
sûr qu’il est aussi <strong>le</strong> vôtre, celui de réconcilier, j’allais<br />
dire de « recoudre » nos territoires entre eux. Les<br />
métropo<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s moyennes et <strong>le</strong>s zones à faib<strong>le</strong><br />
densité n’auront d’avenir que si nous <strong>le</strong>s articulons<br />
entre el<strong>le</strong>s, que si nous rapprochons <strong>le</strong>s espaces ruraux<br />
et <strong>le</strong>s espaces périurbains des métropo<strong>le</strong>s.<br />
Quels sont <strong>le</strong>s objectifs de notre réforme après ce<br />
constat ?<br />
Premier objectif : simplifier l’organisation<br />
administrative de la République, pour la rendre plus<br />
claire, plus visib<strong>le</strong> par <strong>le</strong>s citoyens, mais aussi par <strong>le</strong>s<br />
élus locaux qui, je <strong>le</strong> répète, ont parfois du mal<br />
61
62<br />
– c’est, en tout cas, ce qu’ils me disent en Isère – à<br />
s’y retrouver devant l’empi<strong>le</strong>ment des structures<br />
territoria<strong>le</strong>s et l’enchevêtrement de <strong>le</strong>urs compétences.<br />
La clause de compétence généra<strong>le</strong>, qui permettait<br />
jusqu’à présent aux régions et aux départements<br />
d’intervenir en dehors de <strong>le</strong>urs missions principa<strong>le</strong>s,<br />
parfois de manière concurrente, souvent de façon<br />
redondante, aboutit à affaiblir la lisibilité de nos<br />
actions. El<strong>le</strong> aboutit aussi à diluer <strong>le</strong>s responsabilités<br />
dans <strong>le</strong> succès comme dans l’échec. Notre organisation<br />
territoria<strong>le</strong> doit donc gagner en clarté et la clause de<br />
compétence généra<strong>le</strong> sera supprimée. S’y substitueront<br />
des compétences précises, confiées par la loi à chaque<br />
niveau de col<strong>le</strong>ctivités.<br />
Notre deuxième objectif est celui de l’efficacité. En<br />
clarifiant <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de chaque col<strong>le</strong>ctivité, en supprimant<br />
<strong>le</strong>s chevauchements de compétences, en réalisant des<br />
économies d’échel<strong>le</strong> grâce à l’a<strong>grand</strong>issement des<br />
régions comme des intercommunalités, nous rendrons<br />
plus efficaces encore nos col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s.<br />
Le troisième objectif décou<strong>le</strong> directement des deux<br />
précédents : <strong>le</strong> redressement des finances publiques.<br />
L’Etat – vous <strong>le</strong> savez hélas ! – vous demande depuis<br />
quelques années un effort important en termes<br />
financiers. Nous en avons conscience et vous savez<br />
que la DGF, la fameuse dotation globa<strong>le</strong> de<br />
fonctionnement, va encore diminuer dans <strong>le</strong>s années à<br />
venir. L’Etat qui vous impose cet effort se doit, en<br />
contrepartie, d’alléger vos contraintes et de vous<br />
permettre de réaliser des économies dans <strong>le</strong><br />
fonctionnement de vos col<strong>le</strong>ctivités.<br />
«Dans ce nouveau maillage<br />
territorial, <strong>le</strong>s régions joueront<br />
un rô<strong>le</strong> de premier plan»<br />
Certes, <strong>le</strong>s économies budgétaires d’une réforme<br />
territoria<strong>le</strong> globa<strong>le</strong> qui prendra du temps n’apparaîtront<br />
pas en six mois, mais el<strong>le</strong>s n’en sont pas moins<br />
indispensab<strong>le</strong>s. Nous dénonçons tous suffisamment <strong>le</strong><br />
court termisme, la vision à courte vue de la vie<br />
politique et des médias qui relaient la vie politique,<br />
pour ne pas soutenir une réforme de structure dont <strong>le</strong>s<br />
effets se joueront, c’est vrai, à un horizon de cinq à dix<br />
ans.<br />
Je <strong>le</strong> redis, la gestion des élus, votre gestion n’est pas<br />
en cause. Dévoués à l’intérêt général, vous êtes<br />
souvent prisonniers d’un système devenu trop<br />
comp<strong>le</strong>xe et donc trop coûteux. Avec un nouveau<br />
maillage territorial de la République, plus clair et plus<br />
efficace, vous serez mieux à même encore de remplir<br />
votre mission au service des Français.<br />
Dans ce nouveau maillage territorial, <strong>le</strong>s régions<br />
joueront un rô<strong>le</strong> de premier plan. Depuis vingt ans,<br />
el<strong>le</strong>s se sont imposées comme des acteurs majeurs de<br />
l’aménagement du territoire et du développement<br />
économique, mais el<strong>le</strong>s se sentent à l’étroit dans des<br />
espaces hérités de découpages administratifs<br />
remontant aux années 60. Leurs ressources financières<br />
ne correspondent plus à <strong>le</strong>urs compétences qui,<br />
el<strong>le</strong>s-mêmes, ne sont plus adaptées au développement<br />
économique dans la mondialisation. Nous proposons<br />
donc de diminuer <strong>le</strong>ur nombre. El<strong>le</strong>s seront ainsi de<br />
tail<strong>le</strong> européenne, capab<strong>le</strong>s de bâtir des stratégies<br />
territoria<strong>le</strong>s. La carte présentée cette semaine a été<br />
définie avec <strong>le</strong> souci, bien sûr, de la cohérence et de<br />
l’équilibre entre <strong>le</strong>s régions, mais aussi <strong>le</strong> souci de <strong>le</strong>ur<br />
donner <strong>le</strong>s moyens d’affronter la compétition<br />
internationa<strong>le</strong> entre <strong>le</strong>s territoires à l’échel<strong>le</strong><br />
européenne, voire à l’échel<strong>le</strong> mondia<strong>le</strong>. Cette carte ne<br />
fait pas l’unanimité et c’est un euphémisme ! Quel<strong>le</strong><br />
carte aurait pu faire l’unanimité ? Qui connaît la carte<br />
idéa<strong>le</strong> ? Qui a <strong>le</strong> schéma idéal à proposer au<br />
Gouvernement ? Toute carte suscite des approbations<br />
– il y en a eues sur cel<strong>le</strong> que nous avons proposée –<br />
et aussi des réprobations.<br />
Moi, je me souviens de la carte de Rhône-Alpes en<br />
1972, lors de la création des établissements publics<br />
régionaux, <strong>le</strong>s EPR, auxquels ont succédé <strong>le</strong>s régions<br />
en 1990. Cette carte, lorsqu’el<strong>le</strong> est apparue, a été<br />
contestée de toute part. « Quoi de commun, disaient<br />
<strong>le</strong>s habitants de mon département par exemp<strong>le</strong>, entre<br />
Annemasse et <strong>le</strong> nord de la Haute-Savoie au bord du<br />
Lac Léman et la Drôme provença<strong>le</strong> aux portes<br />
d’Avignon ? » Pour autant, Rhône Alpes est devenue<br />
une vraie région cohérente, solide et dynamique sur <strong>le</strong><br />
plan économique, à laquel<strong>le</strong> nous allons ajouter<br />
l’Auvergne. Ce sera une région encore plus <strong>grand</strong>e, et<br />
je sais que <strong>le</strong> Président du Cantal s’inquiète de<br />
l’éloignement entre <strong>le</strong> Cantal et Lyon. Mais si nous<br />
voulons vraiment des régions à tail<strong>le</strong> géographique,<br />
démographique et économique capab<strong>le</strong>s de lutter dans<br />
la compétition internationa<strong>le</strong>, il faut a<strong>grand</strong>ir nos<br />
régions françaises.<br />
Demain, ces <strong>grand</strong>es régions auront davantage de<br />
responsabilités. El<strong>le</strong>s seront <strong>le</strong>s seu<strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités<br />
compétentes pour soutenir <strong>le</strong>s entreprises, coordonner<br />
<strong>le</strong>s politiques de formation et d’emploi, intervenir en<br />
matière de transport avec <strong>le</strong>s trains régionaux dont<br />
el<strong>le</strong>s ont déjà la charge, <strong>le</strong>s transports scolaires, <strong>le</strong>s<br />
transports interurbains, <strong>le</strong>s routes, <strong>le</strong>s ports et <strong>le</strong>s<br />
aéroports, soit un bloc économique accompagné d’un<br />
bloc mobilité et déplacements, et <strong>le</strong>s deux vont<br />
ensemb<strong>le</strong>. El<strong>le</strong>s devront, de plus, gérer <strong>le</strong>s lycées et <strong>le</strong>s<br />
collèges et assurer, bien sûr, l’aménagement et la<br />
construction des <strong>grand</strong>es infrastructures. Pour remplir<br />
<strong>le</strong>ur rô<strong>le</strong>, el<strong>le</strong>s disposeront de moyens financiers<br />
propres et dynamiques et el<strong>le</strong>s seront gérées par des<br />
assemblées de tail<strong>le</strong> raisonnab<strong>le</strong>.<br />
Après la région, l’intercommunalité sera l’autre pilier<br />
de la nouvel<strong>le</strong> architecture territoria<strong>le</strong> de la France.<br />
L’ensemb<strong>le</strong> du pays, la Nièvre comme tous <strong>le</strong>s<br />
départements, est aujourd’hui couvert par des<br />
intercommunalités, mais el<strong>le</strong>s sont de tail<strong>le</strong> différente<br />
et avec souvent des moyens trop faib<strong>le</strong>s pour porter
des projets structurants à l’échel<strong>le</strong> de <strong>le</strong>ur territoire.<br />
Ce processus d’intégration intercommuna<strong>le</strong> doit se<br />
poursuivre et s’amplifier. Les intercommunalités vont<br />
changer d’échel<strong>le</strong>. Chacune d’entre el<strong>le</strong>s devra<br />
regrouper au moins 20 000 habitants, contre 5 000<br />
aujourd’hui, avec des adaptations et des dérogations,<br />
cher Augustin Bonrepaux, pour <strong>le</strong>s zones de montagne<br />
et <strong>le</strong>s territoires faib<strong>le</strong>ment peuplés. L’intercommunalité<br />
deviendra donc, dans <strong>le</strong> respect de l’identité<br />
communa<strong>le</strong>, la structure de proximité et d’efficacité de<br />
l’action loca<strong>le</strong>.<br />
Quant aux communes, el<strong>le</strong>s vont, bien sûr, demeurer la<br />
cellu<strong>le</strong> de base de notre démocratie.<br />
Le maire que François Mitterrand a été aussi dans la<br />
Nièvre, à Château-Chinon, sans oublier qu’il présidait <strong>le</strong><br />
Conseil général de ce département, et qu’il qualifiait<br />
« d’instituteur de la démocratie » est et doit rester<br />
l’interlocuteur privilégié de nos concitoyens,<br />
particulièrement en milieu rural. Les communes<br />
rassemblées autour de <strong>le</strong>ur maire sont et resteront <strong>le</strong><br />
lieu auquel chaque Français est indéfectib<strong>le</strong>ment<br />
attaché. Lieu de la naissance, de la famil<strong>le</strong>, de la<br />
mémoire, de la maison, la commune reste en France<br />
consubstantiel<strong>le</strong> à la République. Mais sauf pour <strong>le</strong>s<br />
plus <strong>grand</strong>es d’entre el<strong>le</strong>s, nos 36 700 communes ne<br />
peuvent plus re<strong>le</strong>ver de manière isolée <strong>le</strong>s défis<br />
nombreux que pose la gestion des services de la vie<br />
quotidienne. Ce sont <strong>le</strong>s intercommunalités, nous <strong>le</strong><br />
savons tous, qui vont donc devoir continuer à monter<br />
en puissance, en prenant appui sur <strong>le</strong>s communes, des<br />
intercommunalités plus <strong>grand</strong>es, plus fortes et qui<br />
pourraient à terme être démocratiquement élues au<br />
suffrage universel direct. Rien n’est tranché, <strong>le</strong> débat<br />
est ouvert.<br />
Il y a des avantages à ce système et des risques aussi<br />
en termes de concurrence de légitimité. Mais, je <strong>le</strong><br />
répète, <strong>le</strong> débat est ouvert et <strong>le</strong> Gouvernement a<br />
devant lui évidemment quelques mois, voire quelques<br />
années de débat puisque l’é<strong>le</strong>ction au suffrage<br />
universel direct ne figurera pas dans <strong>le</strong> texte qui sera<br />
prochainement soumis au Par<strong>le</strong>ment.<br />
«Rien n’est tranché,<br />
<strong>le</strong> débat est ouvert»<br />
Enfin, j’en viens aux départements. Comment ne pas<br />
en par<strong>le</strong>r aujourd’hui devant vous ?<br />
Je <strong>le</strong> répète, Conseil<strong>le</strong>r général de l’Isère depuis<br />
22 ans, je sais à quel point, depuis la décentralisation<br />
de Pierre Mauroy et Gaston Defferre, <strong>le</strong>s Conseils<br />
généraux ont accompli un travail considérab<strong>le</strong> pour<br />
assumer <strong>le</strong>s compétences que <strong>le</strong>ur avait transférées<br />
l’Etat.<br />
Nous pouvons être fiers col<strong>le</strong>ctivement de ce que nous<br />
avons réussi en Isère comme dans chaque<br />
département : <strong>le</strong>s routes, <strong>le</strong>s collèges, <strong>le</strong>s transports<br />
scolaires et aussi, j’allais dire surtout et d’abord la<br />
solidarité socia<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s handicapés, <strong>le</strong>s personnes âgées,<br />
l’enfance maltraitée.<br />
Pierre Mauroy, Gaston Defferre que je viens de citer et<br />
Jean-Pierre Raffarin ensuite nous ont confié de lourdes<br />
mais de bel<strong>le</strong>s missions, de lourdes mais de bel<strong>le</strong>s<br />
compétences, et nous <strong>le</strong>s assumons avec beaucoup<br />
d’investissement des uns et des autres. Je sais à quel<br />
point, dans toute la France, chaque Président de<br />
Conseil général – je <strong>le</strong>s connais presque tous – fait <strong>le</strong><br />
maximum dans son canton pour être digne de la<br />
confiance de ses concitoyens, avec un dévouement<br />
formidab<strong>le</strong> et même parfois avec de la passion. Je sais<br />
la peine que peuvent ressentir mes collègues<br />
Conseil<strong>le</strong>rs généraux de l’Isère quand ils entendent<br />
par<strong>le</strong>r de la suppression des Conseils généraux. Je<br />
mesure la dou<strong>le</strong>ur – <strong>le</strong> mot est fort et je dois faire<br />
attention avec vous au vocabulaire que j’emploie… –,<br />
la peine, <strong>le</strong> chagrin parfois que cela peut susciter chez<br />
des élus départementaux investis depuis longtemps<br />
dans <strong>le</strong>ur mission.<br />
Mesdames, messieurs et, si vous <strong>le</strong> permettez, mes<br />
chers collègues, depuis trente ans, depuis la<br />
décentralisation de François Mitterrand et <strong>le</strong>s années<br />
80, <strong>le</strong>s choses ont changé. Ce qui a changé surtout<br />
dans <strong>le</strong> paysage territorial, ce sont <strong>le</strong>s<br />
intercommunalités qui ont modifié la donne, la création,<br />
bien sûr, avec <strong>le</strong>s lois Joxe et Chevènement, des<br />
communautés de communes et d’agglomération et<br />
surtout <strong>le</strong>ur montée en puissance à laquel<strong>le</strong> on assiste<br />
depuis quelques années.<br />
Le Conseil général doit donc évoluer, prendre en compte<br />
la montée en puissance de ces groupements de<br />
communes, dans la mesure où <strong>le</strong>s <strong>grand</strong>es régions,<br />
demain, comme <strong>le</strong> renforcement des intercommunalités<br />
se présentent pour absorber une large part des<br />
attributions départementa<strong>le</strong>s, et ce de façon progressive<br />
car <strong>le</strong> Conseil général joue un rô<strong>le</strong> essentiel. Cela a été<br />
souligné par nombre d’entre vous lors du déjeuner. Le<br />
Conseil général joue, dans chaque département, un rô<strong>le</strong><br />
essentiel dans la solidarité de proximité, notamment en<br />
direction des personnes <strong>le</strong>s plus fragi<strong>le</strong>s. Il ne saurait<br />
être question de remettre en cause ces politiques. Du<br />
temps est nécessaire et de la soup<strong>le</strong>sse est<br />
indispensab<strong>le</strong>.<br />
Jean-Pierre Bel, <strong>le</strong> Président ariégeois du Sénat, disait<br />
avant-hier : « Attention à ne pas créer un vide ! Il est<br />
sans doute souhaitab<strong>le</strong> de supprimer <strong>le</strong>s Conseils<br />
»<br />
généraux, mais pas pour <strong>le</strong>s remplacer par rien.<br />
63
Président du Conseil<br />
général de l’Ariège<br />
»<br />
«Voilà une bel<strong>le</strong> paro<strong>le</strong> ariégeoise !<br />
(Sourires)<br />
«<br />
Eh oui ! Je l’ai d’ail<strong>le</strong>urs citée parce que je savais que<br />
tu serais là, Augustin !<br />
Le risque, en effet, serait de casser des politiques<br />
territoria<strong>le</strong>s et de cohésion socia<strong>le</strong>, notamment dans la<br />
période de crise que nous vivons. Or, ces politiques<br />
territoria<strong>le</strong>s de solidarité et de cohésion socia<strong>le</strong> seront<br />
plus nécessaires que jamais pour lutter contre la<br />
pauvreté, l’exclusion et <strong>le</strong> sentiment d’abandon que<br />
vous relayez lors des travaux de ce jour et que je<br />
connais aussi dans certains territoires de mon<br />
département.<br />
Vous <strong>le</strong>s élus, mesdames, messieurs <strong>le</strong>s élus<br />
départementaux, al<strong>le</strong>z disposer de quatre ans pour<br />
préparer cette transition et <strong>le</strong>s transmissions des<br />
compétences socia<strong>le</strong>s du Conseil général, futur Conseil<br />
départemental, aux intercommunalités, pour certaines<br />
prestations. Ce peut être <strong>le</strong> cas – pourquoi pas ? –, et<br />
<strong>le</strong> débat, là encore, est ouvert, du RSA à la CAF, la<br />
caisse d’allocations familia<strong>le</strong>s. C’est une proposition<br />
qui existe ; mettons-la sur la tab<strong>le</strong> et débattons-en !<br />
Par ail<strong>le</strong>urs, il est évident que dans <strong>le</strong>s métropo<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s<br />
choses seront plus simp<strong>le</strong>s puisqu’il est prévu que <strong>le</strong>s<br />
métropo<strong>le</strong>s à Lyon, Grenob<strong>le</strong>, Marseil<strong>le</strong>, Toulouse,<br />
Bordeaux et ail<strong>le</strong>urs absorbent <strong>le</strong>s compétences des<br />
Conseils généraux à plus brève échéance.<br />
Un mot sur <strong>le</strong>s personnels départementaux que je veux<br />
rassurer.<br />
Ils trouveront, bien sûr, <strong>le</strong>ur place dans cette nouvel<strong>le</strong><br />
organisation et il faudra évidemment ouvrir avec <strong>le</strong>urs<br />
représentants syndicaux <strong>le</strong>s négociations préalab<strong>le</strong>s à<br />
<strong>le</strong>ur transfert. Mesdames, messieurs, et je m’adresse là<br />
aux personnels départementaux, mais aussi aux élus<br />
vers qui je reviens, certains préconisent à terme, pour<br />
ne pas remplacer <strong>le</strong>s Conseils généraux « par rien »,<br />
selon la formu<strong>le</strong> de Jean-Pierre Bel, la mise en place de<br />
fédérations d’intercommunalités à l’échel<strong>le</strong> des bassins<br />
de vie, pour qu’en 2020, lors du prochain rendez-vous<br />
municipal, <strong>le</strong>s Conseil<strong>le</strong>rs départementaux s’effacent<br />
devant <strong>le</strong> collège des Présidents d’intercommunalités si<br />
<strong>le</strong>s intercommunalités étaient élues au suffrage<br />
universel direct, ce qui résoudrait <strong>le</strong> problème de <strong>le</strong>ur<br />
légitimité démocratique.<br />
« Fédérations d’intercommunalités », « Conseil<br />
départemental des communautés de communes », là<br />
encore, je livre devant vous des propositions que vous<br />
avez entendues et lues dans la presse. Le débat est<br />
ouvert ; <strong>le</strong> Gouvernement est prêt à tout entendre et à<br />
tout prendre en compte.<br />
64
Un mot, enfin, sur <strong>le</strong> département en tant que<br />
circonscription administrative de l’Etat. Le département<br />
restera un cadre essentiel de l’action publique, de<br />
l’action de l’Etat autour des Préfets et des Préfètes,<br />
chère madame, et des administrations déconcentrées<br />
pour assurer <strong>le</strong> respect de la loi, bien sûr, et protéger<br />
<strong>le</strong>s citoyens en <strong>le</strong>ur permettant d’avoir accès aux<br />
services publics où qu’ils se trouvent.<br />
«Le département restera un cadre<br />
essentiel de l’action publique, de<br />
l’action de l’Etat autour des<br />
Préfets et des Préfètes»<br />
L’Etat devra donc plus que jamais jouer son rô<strong>le</strong><br />
essentiel de garant de l’égalité, l’égalité des citoyens<br />
et l’égalité des territoires. Vous <strong>le</strong> savez, Thierry<br />
Mandon a été nommé cette semaine Secrétaire d’Etat<br />
auprès du Premier ministre, chargé de la Réforme de<br />
l’Etat. C’est une réforme importante. On ne peut pas<br />
demander seu<strong>le</strong>ment aux territoires de se réformer. La<br />
réforme doit être globa<strong>le</strong> : réforme des territoires et<br />
réforme de l’Etat sur <strong>le</strong>s territoires. La simplification qui<br />
doit aussi être un objectif de cette réforme est prise en<br />
compte par la nouvel<strong>le</strong> nomination intervenue cette<br />
semaine, Thierry Mandon étant Secrétaire d’Etat à la<br />
Réforme de l’Etat et à la Simplification.<br />
Je crois que l’Etat doit moins s’engager et s’investir<br />
dans l’application tatillonne d’une rég<strong>le</strong>mentation de<br />
plus en plus comp<strong>le</strong>xe. Je crois aussi, et c’est l’élu<br />
local que je suis qui vous <strong>le</strong> dit, que l’Etat doit se<br />
mettre en mode projet. Je sais qu’ici, dans la Nièvre,<br />
avec Mme Kirry, vous avez une Préfète qui met en<br />
œuvre chaque jour cette nouvel<strong>le</strong> façon de représenter<br />
un Etat actif, j’allais dire proactif sur <strong>le</strong> plan<br />
économique.<br />
Mesdames, messieurs, j’en ai terminé et, dans un<br />
instant, je vais me livrer, si j’ose dire, à vos questions<br />
et à vos interventions. Je resterai <strong>le</strong> temps qu’il faudra<br />
pour vous écouter et, si possib<strong>le</strong>, pour vous répondre.<br />
Je veux dire en conclusion que l’organisation<br />
territoria<strong>le</strong> de la France est aujourd’hui trop souvent<br />
illisib<strong>le</strong> et qu’el<strong>le</strong> participe à la défiance de nos<br />
concitoyens à l’égard de la chose publique, de la res<br />
publica. Face à ce constat, <strong>le</strong> Président de la<br />
République a fait <strong>le</strong> choix du mouvement et <strong>le</strong><br />
Gouvernement a donc décidé de lancer une réforme<br />
territoria<strong>le</strong> qui transformera, pour plusieurs décennies,<br />
l’architecture de la République. El<strong>le</strong> s’inscrit dans la<br />
volonté de moderniser notre pays et de <strong>le</strong> rendre plus<br />
fort. El<strong>le</strong> est tournée vers <strong>le</strong>s citoyens car il s’agit de<br />
simplifier notre vie publique, de la rendre plus efficace,<br />
plus claire et surtout de la rendre toujours plus<br />
soucieuse du développement économique et de la<br />
cohésion socia<strong>le</strong> dont a besoin notre pays.<br />
La France compte sur ses élus. Le Gouvernement<br />
compte aussi sur <strong>le</strong>s élus de la République pour<br />
alimenter sa réf<strong>le</strong>xion. Cel<strong>le</strong> des nouvel<strong>le</strong>s ruralités que<br />
vous menez depuis un an est importante. Je <strong>le</strong> répète,<br />
<strong>le</strong>s propositions constructives que vous faites seront<br />
prises en compte. C’est pourquoi il est uti<strong>le</strong> et<br />
important de vous impliquer dans ce chantier majeur<br />
pour l’avenir de la France, et<br />
»<br />
au nom du Gouvernement,<br />
je vous en remercie.<br />
(Applaudissements)<br />
Merci, monsieur Vallini, pour la clarté et la<br />
franchise de vos propos, avec de l’information<br />
et du « lourd » !<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
65
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Monsieur Augustin Bonrepaux, vous êtes <strong>le</strong><br />
Président du Conseil général de l’Ariège et vous<br />
avez manifesté <strong>le</strong> souhait de prendre la paro<strong>le</strong>.<br />
Président du Conseil<br />
général de l’Ariège<br />
«Merci, monsieur <strong>le</strong> Secrétaire d’Etat, d’avoir cité<br />
l’Ariège comme exemp<strong>le</strong> de modernité !<br />
En entendant la déclaration de politique généra<strong>le</strong> du<br />
Premier ministre, nous avons compris qu’il y avait une<br />
possibilité de réforme parce que c’était clair. Il y avait<br />
<strong>le</strong>s régions, <strong>le</strong>s intercommunalités et <strong>le</strong>s départements.<br />
Effectivement, il y a une possibilité de réforme et si<br />
Jean-Pierre Bel, Président du Sénat, en a fait état, c’est<br />
parce que notre première décision au Conseil général<br />
de l’Ariège a été de faire une proposition constructive,<br />
en disant : « Oui, il peut y avoir une assemblée<br />
émanant des communautés de communes ».<br />
Ce n’est pas une fédération qu’il faut pour gérer <strong>le</strong><br />
département et <strong>le</strong>s services. C’est une simplification et<br />
nous l’avons proposée. C’est dire que nous sommes,<br />
non pas en retrait, mais même en avance, sauf que<br />
nous n’avons pas l’air d’être compris. Depuis que j’ai<br />
transmis ce projet, voici la réaction : en 2020, on<br />
considère que <strong>le</strong> département est pour l’Etat une<br />
référence, avec un Préfet, des services de l’Etat<br />
chargés, non pas d’organiser <strong>le</strong>s services, mais de<br />
veil<strong>le</strong>r à ce que ces services exercés par <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités<br />
soient bien réalisés et donc à contrô<strong>le</strong>r, à imposer et à<br />
imposer des normes qui coûtent chers, qui retardent <strong>le</strong>s<br />
travaux et qui paralysent aujourd’hui notre pays. Tel<strong>le</strong><br />
est la perspective qui nous attend et ce n’est pas dans<br />
quatre ans ! Non, c’est dans quinze jours puisque une<br />
proposition de loi et un projet de loi, soumis au Conseil<br />
des ministres, commencent à transférer <strong>le</strong>s routes.<br />
«Il faut revenir à la réalité du<br />
terrain, et <strong>le</strong> terrain est là<br />
pour vous dire : Attention !»<br />
Pourquoi <strong>le</strong>s routes ? Nous <strong>le</strong>s gérons depuis toujours !<br />
Gérerions-nous mal ? S’agit-il de faire des économies ?<br />
Si oui, ce sera sur <strong>le</strong> dos des zones rura<strong>le</strong>s et surtout<br />
des zones de montagne ! (Applaudissements)<br />
Est-ce ainsi que l’on entend réduire <strong>le</strong> déficit de l’Etat ?<br />
Si la région fait des économies, vous n’al<strong>le</strong>z tout de<br />
même pas lui « piquer » des crédits, d’autant que nous<br />
contribuons, nous, à la réduction de ce déficit ! Depuis<br />
dix ans, nous assumons <strong>le</strong>s transferts de compétences,<br />
ce qui, comme je l’ai entendu ce matin, représentent<br />
40 Mds€ pour l’ensemb<strong>le</strong> des départements, en tout<br />
cas 4 Mds€ de déficit. Pour mon département, cela<br />
représente 10 % de mon budget de fonctionnement,<br />
en l’occurrence parce que la charge du RSA est mal<br />
compensée, vous <strong>le</strong> savez bien ! Ce sont donc 4 Mds€<br />
de déficit pour l’ensemb<strong>le</strong> des départements !<br />
Vous nous avez parlé à l’instant d’un éventuel transfert<br />
du RSA à la CAF. Est-ce ainsi que vous comptez réduire<br />
<strong>le</strong> déficit de la CAF ? Qui va assumer ce déficit de 40<br />
Mds€ ? Qui va <strong>le</strong> payer ? (Applaudissements)<br />
Voilà quelques exemp<strong>le</strong>s qui montrent que vous faites<br />
complètement fausse route ! Il faut revenir à la réalité<br />
du terrain, et <strong>le</strong> terrain est là pour vous dire :<br />
« Attention ! ».<br />
Oui, il y a de bonnes idées dans cette réforme et nous,<br />
nous sommes prêts à y souscrire. Cette organisation<br />
des communautés de communes élues au suffrage<br />
universel est indispensab<strong>le</strong> pour al<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong> sens que<br />
nous souhaitons : une Assemblée émanant des<br />
communautés de communes. Tel<strong>le</strong> est la proposition de<br />
l’Ariège ! Si vous y souscrivez, <strong>le</strong> monde rural est<br />
sauvé ! (Applaudissements)»<br />
66
«Fédération d’intercommunalités », <strong>le</strong> mot ne me plaît<br />
pas non plus. Pour moi, une fédération est socialiste ou<br />
sportive ! Je préfère celui de Conseil départemental<br />
des communautés qui sonne bien.<br />
C’est une idée qui vient de l’Ariège et de l’Isère<br />
quasiment <strong>le</strong> même jour. En tout cas, Augustin, tu as<br />
été dans <strong>le</strong>s premiers, c’est vrai, à réagir positivement<br />
au discours de Manuel Valls quand il a annoncé la<br />
suppression des Conseils généraux dans son discours<br />
de politique généra<strong>le</strong>. Dans la semaine qui a suivi, tu<br />
as envoyé un courrier au Gouvernement. Je l’ai lu et je<br />
l’ai toujours d’ail<strong>le</strong>urs. Il est intéressant, mais nous<br />
sommes plusieurs à avoir cette idée, cel<strong>le</strong> d’un Conseil<br />
départemental des intercommunalités qui ne serait<br />
d’ail<strong>le</strong>urs pas dépourvu de compétences.<br />
«Le Gouvernement donne<br />
quatre ans à la réf<strong>le</strong>xion<br />
col<strong>le</strong>ctive»<br />
Même si <strong>le</strong>s communautés de communes sont<br />
a<strong>grand</strong>ies, d’abord, toutes ne seront pas très <strong>grand</strong>es.<br />
Cel<strong>le</strong>s de montagne et de <strong>campagne</strong>s peu peuplées<br />
seront toujours de tail<strong>le</strong> modeste. Ce seuil de 20 000<br />
habitants ne sera pas possib<strong>le</strong> pour toutes. Ensuite, il y<br />
aura toujours des communautés plus riches et d’autres<br />
moins riches. Il y aura donc un minimum de solidarité<br />
à faire jouer entre el<strong>le</strong>s, de péréquation à faire<br />
fonctionner et – pourquoi pas ? – de compétences à<br />
exercer ensemb<strong>le</strong>. Deux ou trois communautés voisines<br />
pourraient décider de mener ensemb<strong>le</strong> tel ou tel projet<br />
structurant ou de prendre ensemb<strong>le</strong> tel<strong>le</strong> ou tel<strong>le</strong><br />
compétence.<br />
Là encore, <strong>le</strong> Gouvernement donne quatre ans à la<br />
réf<strong>le</strong>xion col<strong>le</strong>ctive, à l’intelligence col<strong>le</strong>ctive des élus<br />
nationaux et des par<strong>le</strong>mentaires parce que ce sont tout<br />
de même eux qui votent la loi in fine, mais d’abord<br />
aux élus départementaux pour faire évidemment<br />
remonter toutes <strong>le</strong>s suggestions aussi constructives que<br />
cel<strong>le</strong> que tu viens d’évoquer, Augustin.<br />
Quant aux routes, el<strong>le</strong>s ont été longtemps nationa<strong>le</strong>s<br />
pour certaines. El<strong>le</strong>s nous ont été transférées en 2004.<br />
Il a fallu trois ans pour absorber <strong>le</strong> transfert des<br />
personnels, des équipements, des véhicu<strong>le</strong>s et des<br />
bâtiments. Je l’ai vécu en Isère, comme vous tous dans<br />
vos départements. Il est vrai qu’aujourd’hui, nous<br />
voyons bien la différence entre <strong>le</strong>s routes<br />
départementa<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s routes nationa<strong>le</strong>s dont<br />
quelques-unes existent encore. J’en ai une centaine de<br />
kilomètres dans mon département.<br />
Les routes départementa<strong>le</strong>s sont bien mieux<br />
entretenues, beaucoup plus bel<strong>le</strong>s, presque trop<br />
parfois, recouvertes souvent de goudron. Les<br />
départements soignent <strong>le</strong>urs routes. (Exclamations et<br />
siff<strong>le</strong>ts dans l’assistance) Ecoutez, franchement, par<br />
rapport à nombre de pays d’Europe, nous avons <strong>le</strong>s<br />
plus bel<strong>le</strong>s routes. Je ne dis pas que c’est forcément<br />
mal. Je dis qu’en période de crise économique, il est<br />
possib<strong>le</strong> de restreindre un peu <strong>le</strong> budget des routes.<br />
Voilà, il y a des choix à faire ! (Protestations et<br />
nouveaux siff<strong>le</strong>ts) Dans <strong>le</strong> département de l’Isère, je<br />
restreins <strong>le</strong> budget des routes et j’assume, et ce au<br />
profit du budget social. C’est ainsi et l’unanimité du<br />
Conseil général est d’accord avec moi.<br />
J’en reviens donc aux routes pour dire qu’el<strong>le</strong>s sont<br />
bien mieux entretenues par <strong>le</strong>s départements qu’el<strong>le</strong>s<br />
ne l’étaient par l’Etat. Qui dit que <strong>le</strong>s régions ne<br />
sauront pas s’en occuper aussi bien que <strong>le</strong>s<br />
départements ? L’idée est d’avoir un bloc de<br />
compétences cohérent : <strong>le</strong>s transports, <strong>le</strong>s<br />
déplacements, <strong>le</strong>s mobilités. Routes, aéroports et ports<br />
en cas de bord de mer, cela va avec l’attractivité<br />
économique. C’est ce qui nous a conduits à proposer <strong>le</strong><br />
transfert des routes aux Régions.<br />
Moi-même, je n’ai pas de certitudes sur ces sujets.<br />
Comme vous, je réfléchis, j’écoute, j’ai des convictions<br />
– tout <strong>le</strong> monde <strong>le</strong>s connaît –, mais je m’imprègne<br />
aussi de ce que j’entends. Certains pensaient que des<br />
communautés de communes ou d’agglomération assez<br />
<strong>grand</strong>es et puissantes pouvaient prendre la compétence<br />
« routes ». Au final, ce sont plutôt <strong>le</strong>s régions qui ont<br />
été retenues. Les choses peuvent bouger. Les régions<br />
peuvent aussi demain décider de déléguer par<br />
convention l’entretien des routes aux communautés de<br />
communes. Pourquoi pas ? (Murmures dans<br />
l’assistance)<br />
Je vous livre des propositions, essayant d’être<br />
constructif dans la proposition et dans l’écoute.<br />
Concernant <strong>le</strong> RSA, c’est une suggestion faite par<br />
certains. Moi, je sais que la solution existe aussi de <strong>le</strong><br />
faire gérer par <strong>le</strong>s communautés de communes.<br />
(Exclamations) Cette perspective me paraissait diffici<strong>le</strong><br />
jusqu’à cette semaine où j’ai rencontré Philippe<br />
Plisson, député de la Gironde, qui préside une<br />
communauté de communes de tail<strong>le</strong> modeste, 13 000<br />
habitants. Il gère déjà <strong>le</strong> RSA par convention avec <strong>le</strong><br />
Conseil général. Il me dit que l’APA et la PCH peuvent<br />
aussi être gérées par sa communauté de communes.<br />
Le problème du financement, des déficits, de l’argent<br />
public, Augustin, ne se pose pas aux CAF, aux<br />
départements, à l’Etat ou aux communautés<br />
»<br />
de<br />
communes ! Il se pose à la nation !<br />
67
«Vous dites vouloir réduire <strong>le</strong><br />
déficit…mais vous l’aggravez !»<br />
«Justement ! Nous n’aggravons pas <strong>le</strong> déficit du RSA en<br />
transférant sa compétence à tel<strong>le</strong> ou tel<strong>le</strong> col<strong>le</strong>ctivité.<br />
Le problème financier du RSA réside dans <strong>le</strong> nombre de<br />
plus en plus croissant d’allocataires à cause de la crise.<br />
Quelqu’un doit bien supporter <strong>le</strong> déficit et, au final,<br />
c’est évidemment <strong>le</strong> contribuab<strong>le</strong> !<br />
»<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Merci de cette réponse !<br />
Le Président de l’Association des maires<br />
ruraux de France, Vanik Berberian,<br />
souhaite prendre la paro<strong>le</strong>.<br />
Président de l’association<br />
des maires ruraux de France<br />
«Je suis désolé, mais il est diffici<strong>le</strong> de passer à côté du<br />
sujet du moment, contrairement à ce qui avait été<br />
proposé en début de séance.<br />
Ce matin, nous avons entendu pour la énième fois <strong>le</strong><br />
constat selon <strong>le</strong>quel il y aurait trop de communes en<br />
France, en comparaison avec <strong>le</strong>s autres pays européens.<br />
Ne pourrions-nous pas changer cette question par une<br />
autre : la commune est-el<strong>le</strong> uti<strong>le</strong>, oui ou non ?<br />
Que nombreuses soient <strong>le</strong>s communes, tel n’est pas <strong>le</strong><br />
sujet ! C’est son utilité qui pose question. Si el<strong>le</strong> n’est<br />
pas uti<strong>le</strong>, supprimons-la ! Si el<strong>le</strong> est uti<strong>le</strong>, conservons-là !<br />
Tel<strong>le</strong> est ma première remarque.<br />
Deuxième remarque, j’ai tout de même <strong>le</strong> sentiment que<br />
l’on marche sur la tête. La carte qui vient de sortir a été<br />
élaborée dans une première version un soir, dans une<br />
autre <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain. Pardon, je vais être désobligeant,<br />
mais nous avons un peu l’impression que l’on a joué à la<br />
conférence de Yalta où chacun a dessiné des contours en<br />
fonction d’intérêts particuliers. Je suis désolé, mais c’est<br />
trop grave pour fonctionner de la sorte. Je peux vous dire<br />
aussi que <strong>le</strong>s élus ont aujourd’hui du mal à comprendre<br />
ce qui est en train de se passer.<br />
Nous nous souvenons tous des Etats généraux au Sénat<br />
et à la Sorbonne. Nous avons entendu <strong>le</strong> discours du<br />
Président de la République sur sa perception, sa<br />
conception, <strong>le</strong> sens qu’il comptait donner à notre<br />
organisation territoria<strong>le</strong>. Qu’en reste-t-il deux ans après ?<br />
Rien !<br />
Nous avons entendu aussi, au moment des vœux à la<br />
Nation ou, en tout cas, en Corrèze, <strong>le</strong> sens qu’il donnait<br />
aux Conseils généraux. Qu’en reste-t-il ? Rien !<br />
Je suis donc quelque peu étonné que des choses aussi<br />
importantes se décident ainsi, de manière rapide et dans<br />
une concertation restant tout de même très sommaire.<br />
Je voudrais attirer votre attention sur l’importance<br />
éga<strong>le</strong>ment de ne pas continuer à tromper nos concitoyens<br />
avec des formu<strong>le</strong>s du type « mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> territorial » ou<br />
« trop de communes en France » parce que l’on est en<br />
train, dans <strong>le</strong> contexte que l’on connaît, de monter <strong>le</strong>s<br />
concitoyens contre <strong>le</strong>s élus. C’est vraiment dramatique.<br />
Nous avons vécu des é<strong>le</strong>ctions municipa<strong>le</strong>s récemment.<br />
Dans certains cas, s’est exprimée une forme de vio<strong>le</strong>nce<br />
que je trouve sincèrement tout à fait inquiétante.<br />
Il faut donc au contraire expliquer comment <strong>le</strong>s choses<br />
fonctionnent. Cela ne veut pas dire qu’il fail<strong>le</strong> <strong>le</strong>s laisser<br />
«Le contexte évoluant,<br />
nous pouvons donc<br />
comprendre que nos<br />
structures changent. Mais<br />
il ne s’agit pas de<br />
changer pour changer»<br />
en l’état. Nous, <strong>le</strong>s maires ruraux, nous n’avons jamais<br />
été partisans du statu quo. Les choses peuvent se<br />
travail<strong>le</strong>r. Une structure est là, non pas pour se suffire à<br />
el<strong>le</strong>-même, mais pour rendre un service. Je suis d’accord<br />
avec votre analyse, monsieur Vallini : <strong>le</strong> contexte<br />
évoluant, nous pouvons donc comprendre que nos<br />
structures changent. Mais il ne s’agit pas de changer<br />
pour changer. Il ne s’agit pas de supprimer pour<br />
supprimer et faire des économies. Les économies sont à<br />
faire, non pas à ce niveau-là, mais dans la simplification.<br />
Il était question tout à l’heure à juste titre des normes.<br />
68
Quant aux chevauchements de compétences, je suis<br />
d’accord avec vous, la fin de la clause de compétence<br />
généra<strong>le</strong> peut permettre une simplification de notre<br />
organisation et c’est là une source d’économies.<br />
Enfin, et je conclus sur ce point, <strong>le</strong>s communes rura<strong>le</strong>s sont<br />
viscéra<strong>le</strong>ment attachées à la dimension départementa<strong>le</strong>. Je<br />
<strong>le</strong> dis d’autant plus faci<strong>le</strong>ment que je ne suis pas Conseil<strong>le</strong>r<br />
général et que je n’ai pas l’intention de l’être. Mais pour <strong>le</strong><br />
maire de petite commune ou d’une plus <strong>grand</strong>e, <strong>le</strong> Conseil<br />
général est <strong>le</strong> partenaire naturel, non pas seu<strong>le</strong>ment pour<br />
<strong>le</strong>s élus d’ail<strong>le</strong>urs, mais de même pour <strong>le</strong>s associations. Je<br />
ne vois donc pas où est l’intérêt de supprimer un échelon<br />
de proximité avec <strong>le</strong>quel nous travaillons depuis des années<br />
et des années et que nous connaissons bien, pour avoir<br />
comme nouveau correspondant une structure émanant d’un<br />
périmètre dont nous ne savons plus très bien quels sont <strong>le</strong>s<br />
contours. Sincèrement, nous n’y gagnons absolument pas ;<br />
nous y perdons et c’est clair !<br />
«Les communes rura<strong>le</strong>s sont<br />
viscéra<strong>le</strong>ment attachées à la<br />
dimension départementa<strong>le</strong>»<br />
Par conséquent, je <strong>le</strong> dis ici très so<strong>le</strong>nnel<strong>le</strong>ment et avec<br />
beaucoup d’émotion, non seu<strong>le</strong>ment nous tenons au<br />
Conseil général, mais nous ferons tout pour vous empêcher<br />
de <strong>le</strong> supprimer. (Applaudissements)<br />
Enfin, permettez-moi une explication par rapport à la notion<br />
de région. Entendant <strong>le</strong>s débats de ces derniers jours dans<br />
<strong>le</strong>s médias, nous nous rendons compte qu’il est sans doute<br />
aussi nécessaire de préciser <strong>le</strong> sens du mot « région ».<br />
D’après des sondages présentés sur <strong>le</strong> sujet, 55 % des<br />
Français sont attachés à la région. A quel<strong>le</strong> région sont-ils<br />
attachés ? Est-ce un attachement à la région dans son<br />
acception que nous connaissons tous, cel<strong>le</strong> qui nous relie à<br />
nos racines, à l’histoire, à la culture, à l’identité régiona<strong>le</strong> ?<br />
Ou est-ce un attachement à la région en tant que structure<br />
mécanique d’organisation territoria<strong>le</strong> ? Je suis désolé,<br />
mais ils sont plus attachés à la dimension identitaire qu’à<br />
l’autre !<br />
Je redis ce que j’ai dit hier auprès du Premier ministre : <strong>le</strong><br />
fait de fusionner <strong>le</strong>s régions va nous emmener, je <strong>le</strong><br />
crains, vers des conflits qui seront extrêmement diffici<strong>le</strong>s<br />
à arbitrer. Les pô<strong>le</strong>s métropolitains vont se lancer dans<br />
des surenchères de <strong>le</strong>adership pour conserver <strong>le</strong>ur poids.<br />
C’est mortifère !<br />
«On pourrait imaginer une autre<br />
forme d’organisation où <strong>le</strong>s<br />
régions seraient peut-être six ou<br />
sept, mais avec seu<strong>le</strong>ment<br />
quelques compétences<br />
structurel<strong>le</strong>s d’organisation et<br />
de développement»<br />
Je crois que l’on pourrait imaginer une autre forme<br />
d’organisation où <strong>le</strong>s régions seraient moins nombreuses<br />
que <strong>le</strong>s quatorze qui nous sont proposées, peut-être six<br />
ou sept, mais avec seu<strong>le</strong>ment quelques compétences<br />
structurel<strong>le</strong>s d’organisation et de développement : la<br />
recherche, <strong>le</strong> développement du très haut débit, la<br />
transition énergétique, la macroéconomie. Toutes ces<br />
compétences qui nécessitent des moyens importants<br />
pourraient être de la compétence de la région dans une<br />
nouvel<strong>le</strong> dimension. D’ail<strong>le</strong>urs, observez <strong>le</strong>s cartes des<br />
<strong>grand</strong>s opérateurs du service public, tels que EDF, ERDF, la<br />
SNCF, et y compris des banques. Tous ont une<br />
organisation de cette nature. La carte qui nous a amenés<br />
à nous prononcer lors des récentes é<strong>le</strong>ctions européennes<br />
est aussi dans ce schéma-là. Il est vrai que régions et<br />
départements ont fini, au fil du temps, par se ressemb<strong>le</strong>r.<br />
Les contours ne sont pas <strong>le</strong>s mêmes, mais <strong>le</strong>s compétences<br />
se chevauchent parfois. C’est sur ce sujet qu’il faut<br />
travail<strong>le</strong>r.<br />
Enfin, je crois vraiment que l’on ne par<strong>le</strong> pas du vrai sujet »:<br />
l’aménagement du territoire et <strong>le</strong> partage des richesses.<br />
(Vifs applaudissements – Bravo ! dans l’assistance)<br />
«Monsieur <strong>le</strong> Président, décidément nous nous voyons<br />
tous <strong>le</strong>s jours puisque vous étiez, en effet, reçu hier à<br />
Matignon par <strong>le</strong> Premier ministre. (Sourires)<br />
Je formu<strong>le</strong> deux ou trois éléments de réponse à vos<br />
propos.<br />
D’abord, s’agissant des communes, vous avez raison<br />
et il n’est pas question de <strong>le</strong>s supprimer. J’ai dit<br />
moi-même à quel point el<strong>le</strong>s étaient consubstantiel<strong>le</strong>s à<br />
la République. Les Français sont attachés à <strong>le</strong>ur<br />
commune, mais au-delà de cet attachement<br />
sentimental au bon sens du terme et de cet<br />
attachement républicain et citoyen, la commune joue<br />
un rô<strong>le</strong> de proximité essentiel. Même, et je dirai a<br />
fortiori avec la montée en puissance des<br />
intercommunalités, la commune devra rester l’échelon<br />
de base pour informer <strong>le</strong> citoyen, faire remonter à<br />
l’intercommunalité <strong>le</strong>s aspirations des citoyens et faire<br />
redescendre aussi tout ce qui se décide à<br />
l’intercommunalité.<br />
69
Nous souhaitons tous, je <strong>le</strong> répète, ne l’ayant pas<br />
éludé dans mon discours, que la démocratie loca<strong>le</strong> soit<br />
la plus vivante possib<strong>le</strong> et nous savons qu’à la base de<br />
la démocratie, loca<strong>le</strong> ou nationa<strong>le</strong> d’ail<strong>le</strong>urs, il y a<br />
l’é<strong>le</strong>ction au suffrage universel.<br />
«S’orienter vers l’é<strong>le</strong>ction au<br />
suffrage universel direct des<br />
intercommunalités pourquoi pas ?<br />
Mais attention au conflit de<br />
S’orienter vers l’é<strong>le</strong>ction au suffrage universel direct<br />
des intercommunalités – pourquoi pas ? – serait<br />
satisfaisant sur <strong>le</strong> plan intel<strong>le</strong>ctuel au regard de la<br />
démocratie, mais attention au conflit de légitimité !<br />
A titre personnel et sans engager <strong>le</strong> Gouvernement, j’y<br />
suis plutôt favorab<strong>le</strong>. J’entendais dernièrement Martin<br />
Malvy, Président de la Région Midi-Pyrénées, expliquer<br />
dans un débat que cela pouvait compliquer <strong>le</strong>s choses.<br />
Il y a déjà actuel<strong>le</strong>ment un problème parce que, dans<br />
mon département en tout cas, à deux ou trois reprises<br />
des élus battus au suffrage universel dans <strong>le</strong>ur<br />
commune se sont malgré tout retrouvés présidents<br />
d’intercommunalité. Cela pose question. Il faut bien<br />
réfléchir à ce que l’on fait dans ce domaine parce que<br />
<strong>le</strong>s choses ne sont pas simp<strong>le</strong>s.<br />
Chaque commune doit rester ce qu’el<strong>le</strong> est. Cela dit, si<br />
<strong>le</strong>s fusions de communes sont encouragées par la loi et<br />
si el<strong>le</strong>s ont lieu sur la base du volontariat, nous ne<br />
pouvons que nous en réjouir. Vous savez que, de ce<br />
point de vue, <strong>le</strong> Président de l’association des maires<br />
de France, Jacques Pélissard, député du Jura, est<br />
l’auteur d’une proposition de loi visant à favoriser et à<br />
encourager <strong>le</strong>s fusions de communes. Cela ne<br />
provoquera pas, à mon avis, des dizaines de milliers de<br />
fusions, même pas des milliers, mais <strong>le</strong> cas peut se<br />
produire.<br />
Les intercommunalités, je <strong>le</strong> répète, vont monter en<br />
puissance, s’a<strong>grand</strong>ir et c’est, à mes yeux, la seu<strong>le</strong><br />
façon de sauver <strong>le</strong>s communes. C’est avec des<br />
intercommunalités prenant appui sur <strong>le</strong>s communes<br />
que l’on garantira l’avenir des communes et qu’el<strong>le</strong>s<br />
resteront ce qu’el<strong>le</strong>s sont : l’échelon de base de la<br />
démocratie.<br />
Vous avez raison, il faut stopper l’inflation normative<br />
et c’est en cours puisque <strong>le</strong> Gouvernement, je <strong>le</strong><br />
répète, vient de prendre une décision en ce sens. Un<br />
Conseil national d’évaluation des normes a été créé en<br />
Conseil des ministres.<br />
»<br />
seront responsab<strong>le</strong>s demain.<br />
légitimité !»<br />
«Aucune norme nouvel<strong>le</strong><br />
sans la suppression<br />
d’une norme ancienne»<br />
C’est Alain Lambert, ancien Ministre du Budget,<br />
Président du Conseil général de l’Orne, qui va en<br />
assurer la présidence. Voici la règ<strong>le</strong> : aucune norme<br />
nouvel<strong>le</strong> sans la suppression d’une norme ancienne,<br />
déjà pour stabiliser <strong>le</strong> nombre de normes. Aujourd’hui,<br />
400 000 normes rég<strong>le</strong>mentaires s’imposent à nous<br />
tous ! Il faut savoir qu’en cinq ans, <strong>le</strong> coût financier<br />
pour nous, <strong>le</strong>s élus locaux, de ces normes a représenté<br />
1,85 Mds€ en 2013, soit quatre fois plus qu’il y a<br />
cinq ans.<br />
Enfin, concernant <strong>le</strong>s régions, <strong>le</strong>s <strong>grand</strong>es régions dont<br />
vous par<strong>le</strong>z, <strong>le</strong>s régions téléphoniques, <strong>le</strong>s zones<br />
militaires, <strong>le</strong>s régions européennes, cel<strong>le</strong>s dans<br />
<strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s on vote, pourquoi pas ? Mais là, il serait<br />
encore plus diffici<strong>le</strong>, voire quasiment impossib<strong>le</strong> de<br />
faire une carte idéa<strong>le</strong> ! En tout cas, pour ce qui est des<br />
compétences, cel<strong>le</strong>s que vous avez énumérées seront<br />
justement cel<strong>le</strong>s que nous allons donner aux nouvel<strong>le</strong>s<br />
<strong>grand</strong>es régions. Tout ce qui tourne autour du<br />
développement économique sera de la compétence<br />
exclusive des Régions, avec, pour l’intercommunalité,<br />
l’aide à l’immobilier d’entreprises. Tout ce qui est<br />
construction d’usines et viabilisation de terrains<br />
nécessite plus de proximité, mais s’agissant des<br />
<strong>grand</strong>es stratégies économiques, seu<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s régions en<br />
«<br />
Vice-Présidente du Conseil général<br />
du Cher et Secrétaire généra<strong>le</strong> de la<br />
FNESR, Fédération nationa<strong>le</strong> des élus<br />
socialistes et républicains<br />
Monsieur <strong>le</strong> Secrétaire d’Etat, cher André Vallini,<br />
permettez-moi de formu<strong>le</strong>r quelques mots sur cette<br />
réforme.<br />
Je fais partie de cel<strong>le</strong>s et ceux qui considèrent<br />
qu’aucune organisation ne doit se penser comme<br />
définitivement figée. Je fais donc partie de cel<strong>le</strong>s et<br />
ceux qui, depuis des années, réfléchissent sur <strong>le</strong>s<br />
évolutions possib<strong>le</strong>s de notre organisation territoria<strong>le</strong> et<br />
sur la façon de mieux répondre aux besoins de nos<br />
concitoyens, avec une action publique forte, une action<br />
publique solidaire et une action publique innovante.<br />
Mais alors, pourquoi avoir tout fait à l’envers ? On<br />
nous dit qu’il faut des <strong>grand</strong>es régions qui seraient<br />
portées par <strong>le</strong>s phénomènes de métropolisation. Mais<br />
alors, pourquoi avoir commencé par retirer aux régions,<br />
comme aux départements d’ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong>ur capacité<br />
d’action sur <strong>le</strong>s territoires métropolitains et donc <strong>le</strong>s<br />
avoir privés du pouvoir d’entraînement et de la richesse<br />
des métropo<strong>le</strong>s ?<br />
70
On nous dit qu’il faudrait faire des économies. Mais alors,<br />
pourquoi prévoir autant d’administrations départementa<strong>le</strong>s<br />
qu’il y aurait d’intercommunalités si <strong>le</strong>s intercommunalités<br />
prennent en charge nos responsabilités ?<br />
Dans <strong>le</strong> département du Cher, situé juste de l’autre côté de<br />
la Loire et comptant 300 000 habitants, nous avons sept<br />
médecins de PMI, la protection maternel<strong>le</strong> et infanti<strong>le</strong>, cinq<br />
encadrants techniques pour l’aide socia<strong>le</strong> à l’enfance et six<br />
instructeurs de l’APA. Comment <strong>le</strong>s répartissons-nous dans<br />
<strong>le</strong>s 27 intercommunalités départementa<strong>le</strong>s ? Et comment<br />
assurons-nous, à l’échel<strong>le</strong> des intercommunalités,<br />
l’expertise que nous pouvons avoir au niveau<br />
départemental ?<br />
«Il faut que l’intercommunalité<br />
procède toujours de la commune et<br />
ne soit pas une nouvel<strong>le</strong> institution<br />
complémentaire»<br />
On nous par<strong>le</strong> aussi de démocratie. Mais alors, comment<br />
peut-on sérieusement soutenir <strong>le</strong> transfert aux caisses<br />
d’allocations familia<strong>le</strong>s d’une partie de nos compétences ?<br />
Les caisses d’allocations familia<strong>le</strong>s relèvent, certes, de la<br />
démocratie socia<strong>le</strong> – encore que, avec des rythmes<br />
d’é<strong>le</strong>ction quand même discutab<strong>le</strong>s –, mais el<strong>le</strong>s n’ont pas<br />
la légitimité démocratique pour gérer une politique qui<br />
dépend aujourd’hui de financements à la fois nationaux et,<br />
je <strong>le</strong> rappel<strong>le</strong>, locaux.<br />
On nous par<strong>le</strong> de proximité et de besoin de reconnaissance,<br />
besoin de reconnaissance qui s’exprime parfois vio<strong>le</strong>mment<br />
dans des prises de position é<strong>le</strong>ctives. On nous propose des<br />
régions plus <strong>grand</strong>es, avec une réf<strong>le</strong>xion qui ne me semb<strong>le</strong><br />
pas aboutie sur <strong>le</strong>s modalités d’exercice de la démocratie<br />
dans ces instances que sont <strong>le</strong>s régions. On <strong>le</strong> voit déjà un<br />
peu aujourd’hui et je crains qu’on ne <strong>le</strong> voie plus largement<br />
ensuite.<br />
Puis, on s’interroge : la politique a-t-el<strong>le</strong> encore un pouvoir ?<br />
Autrement dit, la démocratie a-t-el<strong>le</strong> encore un pouvoir ?<br />
Comment lutte-t-on contre ce pouvoir de l’argent, <strong>le</strong> pouvoir<br />
de la finance ? Cela faisait partie des <strong>grand</strong>es questions, des<br />
<strong>grand</strong>es interpellations de la dernière <strong>campagne</strong><br />
présidentiel<strong>le</strong>. On redessine des territoires – c’est notre<br />
ultime capitulation face à la finance – sur des arguments,<br />
des process et des réf<strong>le</strong>xions de nature économique, alors<br />
que c’est une réf<strong>le</strong>xion citoyenne à laquel<strong>le</strong> il faudrait<br />
s’attacher.<br />
On s’inquiète du vote FN et dans <strong>le</strong>s discours dans <strong>le</strong>squels<br />
on ne par<strong>le</strong> pas simp<strong>le</strong>ment de « dévitalisation », mais<br />
parfois, d’autres maladresses sont dites – j’allais dire pas<br />
seu<strong>le</strong>ment par vous ! – on a une concession au populisme<br />
consistant à dire : « Il faut moins d’élus. » Mais c’est une<br />
doub<strong>le</strong> faute ! C’est une faute parce que c’est une<br />
concession au populisme et c’est une erreur stratégique parce<br />
que, dès lors que l’on ne touche pas aux communes, et je ne<br />
préconise surtout pas que l’on touche aux communes, la<br />
réduction du nombre d’élus à l’issue de la réforme sera<br />
margina<strong>le</strong>. On s’expose donc à un jugement critique, à une<br />
évaluation critique sur ce point de vue. Par conséquent, c’est<br />
une faute mora<strong>le</strong> et c’est une erreur stratégique.<br />
Seul un point me semb<strong>le</strong> intéressant dans ce qui est proposé<br />
et peut-être serais-je encline à faire <strong>le</strong> même <strong>pari</strong> que vous à<br />
cet égard. Je veux par<strong>le</strong>r du fait que des intercommunalités<br />
plus fortes soient, en réalité, l’outil des communes pour<br />
garder un sens et un ancrage<br />
communal. Mais pour cela, il faut que l’intercommunalité<br />
procède toujours de la commune et ne soit pas une nouvel<strong>le</strong><br />
institution complémentaire.<br />
Je conclus sur un seul point. Jusqu’à présent, rien ne nous a<br />
été dit – je dis bien rien ! – sur <strong>le</strong> financement de<br />
l’ensemb<strong>le</strong> et sur <strong>le</strong>s péréquations à tous <strong>le</strong>s niveaux. Tant<br />
que rien ne nous est dit sur ce point, permettez-nous d’avoir<br />
<strong>le</strong>s plus vives inquiétudes et de penser que là encore, on<br />
est bien dans la concession à l’opinion du moment plus<br />
que dans la construction d’une égalité républicaine qui<br />
nous est particulièrement chère.<br />
Par conséquent, il y a un peu de travail, monsieur <strong>le</strong><br />
Secrétaire d’Etat ! (Vifs applaudissements – Bravo !<br />
dans l’assistance)»<br />
Merci, madame Félix. Je prends l’intervention<br />
d’Eric Gautier, Président du Conseil général des<br />
Deux-Sèvres, et, ensuite, André Vallini répondra<br />
à ces deux intervenants.<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
71
«<br />
Président du Conseil général<br />
des Deux-Sèvres<br />
Monsieur <strong>le</strong> Secrétaire d’Etat, j’ai bien compris que<br />
cette réforme avait comme objectif premier de faire un<br />
certain nombre d’économies. Par parenthèse, <strong>le</strong> sens<br />
politique de la réforme n’a jamais été énoncé par<br />
aucune des personnalités qui la portent.<br />
Alors, faire des économies, soit. Vous avez annoncé un<br />
certain nombre de chiffres, sans préciser, du reste, <strong>le</strong><br />
détail de ces économies, ni où <strong>le</strong>s trouver. Hier, dans<br />
un artic<strong>le</strong> de presse, votre collègue M. Sapin évoquait<br />
une possibilité d’économies : la masse salaria<strong>le</strong> de nos<br />
col<strong>le</strong>ctivités.<br />
Depuis l’acte II de la décentralisation, nous avons<br />
repris <strong>le</strong>s personnels de l’Etat et, sur mon<br />
département, nous avons doublé <strong>le</strong> nombre de<br />
fonctionnaires du Conseil général.<br />
Je vais rencontrer prochainement <strong>le</strong>s syndicats qui<br />
s’inquiètent. Monsieur <strong>le</strong> Secrétaire d’Etat, je vous<br />
demande so<strong>le</strong>nnel<strong>le</strong>ment : que dois-je <strong>le</strong>ur dire ? Il<br />
faut que vous compreniez aussi que derrière ceux qui<br />
travail<strong>le</strong>nt, ce sont des femmes et des hommes qui<br />
s’inquiètent.<br />
Moi, je souhaite, quand on porte l’étiquette d’un<br />
Gouvernement socialiste auquel on a contribué à<br />
l’é<strong>le</strong>ction, qu’au moins <strong>le</strong>s femmes et <strong>le</strong>s hommes qui<br />
appliquent nos politiques soient respectés.<br />
(Vifs applaudissements)<br />
»<br />
«<br />
S’agissant<br />
des personnels départementaux, j’en ai<br />
parlé dans mon intervention liminaire. C’est un souci<br />
que j’ai et que <strong>le</strong> Gouvernement a, évidemment.<br />
A mon niveau, dans <strong>le</strong> département de l’Isère, je vais<br />
<strong>le</strong>s inviter tous à venir me rencontrer, en tant que<br />
Président du Conseil général pour encore quelques<br />
jours encore, mais surtout en tant que Secrétaire<br />
d’Etat, et ce afin de <strong>le</strong>ur expliquer comment se feront<br />
<strong>le</strong>s transferts, si transferts il doit y avoir et il y en aura.<br />
En général, <strong>le</strong>s transferts se font dans de bonnes<br />
conditions financières. Regardez ce qui s’est passé<br />
pour <strong>le</strong>s TOS des collèges lorsque l’Etat nous <strong>le</strong>s a<br />
transférés. L’harmonisation se fait souvent par <strong>le</strong> haut.<br />
Cela a d’ail<strong>le</strong>urs conduit Alain Rousset, Président de<br />
l’association des régions de France, à dire que la<br />
réforme coûtera, dans un premier temps, un peu<br />
«Les transferts se font dans<br />
de bonnes conditions<br />
financières. L’harmonisation<br />
se fait souvent par <strong>le</strong> haut»<br />
d’argent parce que, et c’est tout à fait légitime, <strong>le</strong>s<br />
fonctionnaires territoriaux ont des acquis qu’il faut<br />
garantir et maintenir. Tout cela sera fait dans la plus<br />
<strong>grand</strong>e concertation. Et <strong>le</strong>s organisations syndica<strong>le</strong>s<br />
seront reçues autant que nécessaire.<br />
Sur <strong>le</strong>s économies à réaliser, nous disposons de<br />
nombreux chiffrages d’économies potentiel<strong>le</strong>s. Des<br />
rapports ont été faits. MM. Martin Malvy et Alain<br />
Lambert en ont rendu récemment un au Gouvernement,<br />
qui est éclairant sur <strong>le</strong>s gisements d’économies<br />
potentiel<strong>le</strong>s. Plusieurs rapports de la Cour des Comptes<br />
montrent que des économies potentiel<strong>le</strong>s sont à<br />
réaliser, notamment dans <strong>le</strong> bloc communal en<br />
mutualisant <strong>le</strong>s services communes / intercommunalités.<br />
Ne serait-ce que sur la question des personnels,<br />
sans par<strong>le</strong>r de diminution des effectifs car ce n’est pas<br />
du tout ce qui est envisagé, mais une simp<strong>le</strong><br />
perspective de stabilisation des effectifs de la fonction<br />
publique territoria<strong>le</strong> permettrait de gagner un peu<br />
d’argent. Il faut savoir que ce sont aujourd’hui 1,9<br />
million de fonctionnaires territoriaux et que, depuis<br />
quelques années, l’augmentation est en moyenne,<br />
chaque année, de 1,6 % pour répondre à des besoins<br />
et être uti<strong>le</strong> aux populations. Une seu<strong>le</strong> stabilisation<br />
permettrait de rapporter 7 Mds€ sur dix ans, mais ce<br />
n’est pas gagné d’avance parce que <strong>le</strong>s besoins de la<br />
population augmentent.<br />
Ayons l’honnêteté de reconnaître que si <strong>le</strong>s budgets ont<br />
augmenté dans <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s, si <strong>le</strong>s<br />
personnels sont aujourd’hui nombreux dans certaines<br />
intercommunalités, c’est aussi parce que <strong>le</strong>s besoins de<br />
nos concitoyens ont changé et qu’ils ont eux-mêmes<br />
augmenté.<br />
Ayons aussi l’honnêteté de reconnaître – et je ne suis<br />
pas là pour défendre <strong>le</strong>s présidents d’intercommunalité<br />
– que voilà vingt ans, la petite enfance et la protection<br />
de l’environnement, tout ce qui tourne autour du tri et<br />
du recyclage des déchets n’étaient pas pris en compte<br />
par <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s. Nous avons assisté à une<br />
72
explosion des dépenses dans ces domaines parce que<br />
nos concitoyens <strong>le</strong> souhaitent : ils veu<strong>le</strong>nt à juste titre<br />
plus de crèches, de haltes-garderies et ils veu<strong>le</strong>nt que<br />
l’on s’occupe davantage des déchets ménagers. Ce<br />
sont des compétences que n’exerçaient pas beaucoup<br />
<strong>le</strong>s communes et qu’exercent <strong>le</strong>s intercommunalités, ce<br />
qui explique cette augmentation de la sphère<br />
communa<strong>le</strong>/intercommuna<strong>le</strong> aussi en termes<br />
financiers.<br />
Sur <strong>le</strong>s interpellations amica<strong>le</strong>s…»<br />
«Si <strong>le</strong>s budgets ont<br />
augmenté dans <strong>le</strong>s<br />
col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s, si <strong>le</strong>s<br />
personnels sont<br />
aujourd’hui nombreux<br />
dans certaines<br />
intercommunalités, c’est<br />
aussi parce que <strong>le</strong>s besoins<br />
de nos concitoyens ont<br />
changé»<br />
«<br />
«<br />
Quid de la réponse à la question<br />
»<br />
concernant nos personnels ?<br />
Président du Conseil général<br />
de l’Ariège<br />
Nous <strong>le</strong>ur disons calmement – comme tu sais si bien <strong>le</strong><br />
faire, Augustin ! (Sourires) – de ne pas s’inquiéter. Les<br />
transferts se feront dans <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>ures conditions socia<strong>le</strong>s,<br />
ainsi que dans <strong>le</strong> plus <strong>grand</strong> respect de <strong>le</strong>urs acquis sociaux<br />
»<br />
et dans <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>ures conditions financières.<br />
« »<br />
Afin de réaliser des économies !<br />
« »<br />
Non, ce n’est pas là réaliser des économies…<br />
«<br />
C’est pourtant une possibilité<br />
»<br />
d’économies<br />
évoquée par Michel Sapin !<br />
Non, ce n’est pas ce qu’a dit Michel Sapin et je ne sais<br />
d’ail<strong>le</strong>urs pas de quel<strong>le</strong> déclaration vous par<strong>le</strong>z. En tout<br />
cas, moi je dis que <strong>le</strong>s transferts de personnels se<br />
feront dans <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>ures conditions socia<strong>le</strong>s et<br />
financières possib<strong>le</strong>s.<br />
«<br />
»<br />
«<br />
Irène Felix, je suis comme toi très attaché à la<br />
démocratie. Nous nous connaissons bien depuis<br />
longtemps parce que nous avons siégé dans <strong>le</strong>s mêmes<br />
instances politiques et démocratiques.<br />
«Les compétences socia<strong>le</strong>s<br />
sont <strong>le</strong>s plus diffici<strong>le</strong>s à<br />
transférer»<br />
Avant de terminer sur ce point de l’attachement à la<br />
démocratie, je voudrais revenir sur <strong>le</strong>s compétences<br />
socia<strong>le</strong>s qui sont <strong>le</strong>s compétences <strong>le</strong>s plus diffici<strong>le</strong>s à<br />
transférer. Quand je vous dis aujourd’hui que je suis<br />
preneur de vos suggestions, et que <strong>le</strong> Gouvernement<br />
veut savoir comment faire en écoutant <strong>le</strong>s élus, sachez<br />
que nous sommes vraiment à l’écoute de vos<br />
propositions.<br />
La PCH et l’APA sont des prestations que l’on<br />
accompagne, avec des parcours, en fonction de GIR,<br />
etc. On peut l’envisager sur de <strong>grand</strong>es communautés<br />
de communes ou d’agglomération. Sur <strong>le</strong>s petites<br />
communautés de communes, ce sera plus compliqué,<br />
73
74<br />
sauf peut-être si el<strong>le</strong>s se rassemb<strong>le</strong>nt à plusieurs.<br />
Quant au RSA, ce n’est pas moi qui ai proposé de <strong>le</strong><br />
transférer aux CAF. Je lis cette proposition, comme<br />
vous la lisez aujourd’hui. El<strong>le</strong> existe. Il peut y en avoir<br />
d’autres.<br />
«Sachez que nous sommes<br />
vraiment à l’écoute de vos<br />
propositions»<br />
En revanche, il est un sujet que nous n’avons pas<br />
évoqué, mais dont je tiens à par<strong>le</strong>r parce qu’il<br />
m’intéresse vivement, et pour cause ! Je pense que <strong>le</strong>s<br />
SDIS doivent être renationalisés. (Murmures dans<br />
l’assistance) Je connais un proverbe en France : « Qui<br />
paye commande ! ». Or, pour <strong>le</strong> SDIS, <strong>le</strong> Conseil<br />
général ne sert qu’à payer et n’est responsab<strong>le</strong><br />
d’aucune décision. C’est <strong>le</strong> Préfet qui commande. La<br />
question des SDIS me paraît assez simp<strong>le</strong> à rég<strong>le</strong>r.<br />
S’agissant des compétences socia<strong>le</strong>s, notamment<br />
cel<strong>le</strong>s de l’enfance en danger et de l’enfance<br />
maltraitée, c’est très compliqué. Je vois mal une<br />
communauté de communes, a fortiori si el<strong>le</strong> ne compte<br />
que 20 000 ou 30 000 habitants, s’occuper de cette<br />
compétence énorme, très lourde financièrement mais<br />
aussi humainement, et qui demande beaucoup de<br />
professionnalisme. Souvenez-vous déjà des débats<br />
compliqués qui ont eu lieu lorsque l’Etat, en<br />
l’occurrence la DDASS à l’époque, a transféré l’ASE<br />
aux Conseils généraux. D’ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong>s personnels<br />
l’avaient alors mal vécu, pensant que l’Etat était<br />
garant d’une égalité de traitement et de plus de<br />
professionnalisme. J’estime que <strong>le</strong>s Conseils généraux<br />
n’ont pas démérité. Aujourd’hui, chaque département<br />
fait <strong>le</strong> maximum pour ces enfants maltraités et ces<br />
enfants en danger. C’est une compétence qu’il est<br />
diffici<strong>le</strong> de transférer, et là encore, je ne suis preneur<br />
de vos propositions.<br />
Concernant <strong>le</strong>s élus, Irène, moi je n’ai jamais fait de<br />
démagogie « anti-élus ». Je prends soin au contraire,<br />
chaque fois que la question m’est posée, de dire que<br />
<strong>le</strong>s élus sont uti<strong>le</strong>s évidemment et irremplaçab<strong>le</strong>s,<br />
notamment en milieu rural. Soyons honnêtes, je me<br />
pose parfois la question de savoir s’il n’y a pas, dans<br />
certaines communes, un effectif municipal trop<br />
nombreux par rapport aux candidatures que l’on<br />
n’arrive pas à susciter. Ce n’est pas <strong>le</strong> cas partout. Je<br />
connais des villages où il y a trois listes et des villages<br />
où l’on ne trouve personne pour être candidat.<br />
Je me dis qu’au fond, avec ces 500 000 élus<br />
municipaux – c’est ainsi, en tout cas, que je <strong>le</strong> vois en<br />
Isère –, nous avons là des bénévo<strong>le</strong>s et que si nous<br />
devions <strong>le</strong>s remplacer par des fonctionnaires, ce serait<br />
prohibitif pour <strong>le</strong>s finances publiques.<br />
Dans <strong>le</strong>s <strong>campagne</strong>s et <strong>le</strong>s montagnes, c’est<br />
irremplaçab<strong>le</strong> ! Par conséquent, non, il n’y a pas trop<br />
d’élus, surtout que ceux-là sont bénévo<strong>le</strong>s. Quant aux<br />
Conseil<strong>le</strong>rs généraux et régionaux, je l’ai encore dit<br />
cette semaine sur une chaîne de télévision, <strong>le</strong> coût ne<br />
représente vraiment qu’une somme infinitésima<strong>le</strong> :<br />
c’est 0,1 %. Beaucoup de démagogie est alimentée<br />
par une certaine presse sur <strong>le</strong>s élus, <strong>le</strong>urs indemnités et<br />
<strong>le</strong>urs avantages. Je suis <strong>le</strong> premier à m’en insurger et à<br />
m’inscrire en faux contre ce populisme anti-élus.<br />
Enfin, sur la péréquation et la solidarité entre <strong>le</strong>s<br />
col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s, nous tenons en ce moment,<br />
Marylise Lebranchu, Christian Eckert et moi-même, une<br />
réunion par semaine pour mettre au point une réforme<br />
fisca<strong>le</strong> loca<strong>le</strong>, pour rendre la péréquation plus efficace,<br />
pour faire jouer davantage la péréquation vertica<strong>le</strong> et<br />
horizonta<strong>le</strong> et pour rendre la fiscalité plus<br />
»<br />
juste entre<br />
<strong>le</strong>s contribuab<strong>le</strong>s et entre <strong>le</strong>s territoires.<br />
«Il n’y a pas trop d’élus. Le<br />
coût c’est 0,1 %. Beaucoup<br />
de démagogie est<br />
alimentée par une certaine<br />
presse sur <strong>le</strong>s élus»<br />
«<br />
Le Sénateur Gaëtan Gorce fait <strong>le</strong> forcing, comme<br />
d’habitude, pour intervenir ! C’est vraiment l’ultime<br />
question que nous prenons.<br />
Sénateur<br />
de la Nièvre<br />
Jean-Yves VIF<br />
Mon intervention sera très brève.<br />
J’ai beaucoup entendu par<strong>le</strong>r à juste titre des<br />
problèmes institutionnels, de la mécanique juridique et<br />
administrative, ce qui revêt évidemment une <strong>grand</strong>e<br />
importance. Mais si une réforme se fait, sa seu<strong>le</strong><br />
justification, me semb<strong>le</strong>-t-il, est de répondre aux enjeux<br />
auxquels <strong>le</strong> pays est confronté et qui, sur <strong>le</strong> territoire,<br />
sont d’abord, nous <strong>le</strong> savons bien, économiques et<br />
sociaux.<br />
Nous assistons à l’affaissement des économies dans<br />
nombre de nos territoires, et d’abord dans <strong>le</strong>s<br />
territoires ruraux. C’est à cela qu’il faut répondre pour<br />
ce qui nous concerne.<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE
L’Etat serait-il prêt, dans <strong>le</strong> cadre de la réforme qu’il<br />
met en place, à encourager <strong>le</strong>s formes<br />
d’expérimentations à travers <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s il serait dit à<br />
ces territoires : « Trouvez l’organisation qui vous paraît<br />
la plus adéquate pour répondre aux défis auxquels<br />
vous avez à répondre, c’est-à-dire <strong>le</strong>s défis<br />
«L’Etat serait-il<br />
prêt à encourager <strong>le</strong>s formes<br />
d’expérimentations ?»<br />
d’administration et de développement. En contrepartie<br />
de quoi, l’Etat consacrera des moyens<br />
supplémentaires. Déjà, il fera un moratoire de la baisse<br />
des dotations et il soutiendra <strong>le</strong>s projets prioritaires<br />
contribuant à l’avenir de ces départements ». Si vous<br />
nous teniez ce propos, cela pourrait peut-être valoir la<br />
peine pour nous de travail<strong>le</strong>r dans un autre état<br />
d’esprit, moins pour regretter ce que nous pourrions<br />
faire que pour imaginer ce que nous pourrions<br />
construire si l’Etat nous en donnait naturel<strong>le</strong>ment<br />
l’initiative et la liberté. (Applaudissements)<br />
C’était bref, n’est-ce pas ?»<br />
Oui, parfait et merci, Gaëtan<br />
Gorce !<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
«<br />
Ma réponse sera très brève aussi !<br />
Oui, bien sûr, ce projet, et tu as raison Gaëtan, s’inscrit<br />
dans une volonté réformatrice du pays. Il s’agit, non<br />
pas de réformer pour réformer. Il s’agit aussi d’alléger<br />
la fiscalité qui pèse sur nos concitoyens et donc de faire<br />
des économies budgétaires, mais d’abord de rendre la<br />
France plus forte, plus attractive, avec de <strong>grand</strong>es<br />
championnes d’Europe : <strong>le</strong>s régions. L’essentiel de la<br />
réforme, cel<strong>le</strong> présentée avec cette fameuse carte, vise<br />
à rendre <strong>le</strong>s régions plus fortes et mieux armées dans<br />
la compétition économique.<br />
Quant à ta proposition d’expérimentations, oui, <strong>le</strong><br />
Gouvernement est prêt à encourager <strong>le</strong>s<br />
expérimentations et <strong>le</strong>s initiatives loca<strong>le</strong>s !<br />
Michel Mercier, Président du département du Rhône, a<br />
fait avec Gérard Collomb, vous <strong>le</strong> savez, cette<br />
métropo<strong>le</strong> qui va absorber <strong>le</strong>s compétences du Conseil<br />
général. Il souhaite lancer une expérimentation dans <strong>le</strong><br />
département « résiduel » du Rhône, si j’ose dire,<br />
s’agissant de ce qui n’est pas compris dans la<br />
métropo<strong>le</strong> lyonnaise, où il reste 400 000 habitants.<br />
Michel Mercier a des idées qui s’apparentent un peu,<br />
Augustin, à ce que nous proposons tous <strong>le</strong>s deux : un<br />
Conseil départemental des communautés.<br />
Nous l’encourageons dans cette direction, de la même<br />
façon qu’en Alsace, certains repar<strong>le</strong>nt de fusionner la<br />
région et <strong>le</strong>s départements. Mais maintenant que l’on<br />
va marier l’Alsace et la Lorraine, <strong>le</strong>s choses vont<br />
peut-être prendre un peu plus de temps, encore que<br />
l’on m’a dit que <strong>le</strong> Président de la Lorraine était ouvert<br />
lui aussi à cette idée. Les Bretons ont des idées<br />
concernant la région et <strong>le</strong>s départements et, sur <strong>le</strong><br />
terrain, plus loca<strong>le</strong>ment, sur <strong>le</strong>s communautés de<br />
communes et <strong>le</strong>s Pays.<br />
Des expérimentations sont à lancer. Vous êtes inventifs<br />
dans la Nièvre. L’Etat sera là pour vous aider, non pas<br />
par plus de subventions, mais par moins de<br />
diminutions de l’aide de l’Etat. (Exclamations) Je suis<br />
honnête avec vous, il n’y aura pas de bonus ! Ce n’est<br />
pas possib<strong>le</strong> car c’est devenu hors de portée.<br />
Merci, en tout cas, de m’avoir<br />
»<br />
écouté et de m’avoir accueilli !<br />
(Applaudissements)<br />
«Le Gouvernement est prêt à<br />
encourager <strong>le</strong>s<br />
expérimentations et <strong>le</strong>s<br />
initiatives loca<strong>le</strong>s ! Non pas par<br />
plus de subventions, mais par<br />
moins de diminutions de l’aide<br />
de l’Etat»<br />
Merci, monsieur <strong>le</strong> Secrétaire d’Etat, d’avoir joué<br />
<strong>le</strong> jeu des questions-réponses !<br />
Patrice Joly, il ne faut pas qu’André Vallini reparte<br />
ainsi, sans être destinataire et porteur d’un<br />
message, n’est-ce pas ?<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
75
Président du Conseil<br />
général de la Nièvre<br />
«J’invite <strong>le</strong>s Présidents de Conseils généraux à me<br />
rejoindre à la tribune pour que nous puissions<br />
ensemb<strong>le</strong> remettre au Secrétaire d’Etat une déclaration<br />
que nous avons co-rédigée.<br />
Pendant qu’ils me rejoignent, je tiens à porter à la<br />
connaissance de l’ensemb<strong>le</strong> de l’assemblée cette<br />
déclaration pour une reconnaissance des territoires<br />
ruraux et du rô<strong>le</strong> des départements.<br />
»<br />
(Entouré de ses pairs d’autres départements, Patrice<br />
Joly, Président du Conseil général de la Nièvre, donne<br />
<strong>le</strong>cture dudit texte qui sera remis à M. André Vallini,<br />
Secrétaire d’Etat à la Réforme territoria<strong>le</strong>)<br />
76
« Conscients du besoin de réponse concret à apporter<br />
aux habitants, aux entreprises, aux territoires ruraux,<br />
durement touchés par la crise et souffrant aujourd'hui<br />
d’un sentiment de relégation ;<br />
« Conscients de l’enjeu national prioritaire de<br />
contribuer à la relance de l’emploi et au maintien du<br />
tissu productif dans <strong>le</strong>s espaces ruraux ;<br />
« Considérant que <strong>le</strong>s espaces ruraux rassemb<strong>le</strong>nt des<br />
ressources et des forces représentant un potentiel de<br />
développement pour <strong>le</strong> renouveau de la France ;<br />
« Inquiets face à un projet de réforme territoria<strong>le</strong><br />
portant <strong>le</strong> risque de priver <strong>le</strong>s territoires ruraux de <strong>le</strong>ur<br />
représentation politique affaiblissant notre République ;<br />
« Considérant la nécessité de politiques publiques de<br />
proximité contribuant au développement des territoires,<br />
à l’égalité entre citoyens et au renforcement des<br />
solidarités territoria<strong>le</strong>s et socia<strong>le</strong>s ;<br />
« Affirmant que <strong>le</strong>s Départements jouent un rô<strong>le</strong> décisif<br />
dans <strong>le</strong> développement économique, la cohésion des<br />
territoires et agissent comme fédérateurs des<br />
institutions loca<strong>le</strong>s ;<br />
« Nous, Présidents de Conseils généraux,<br />
« Demandons au Président de la République de faire<br />
connaître son projet en matière d’aménagement du<br />
territoire national et la place donnée aux territoires<br />
ruraux dans cet ensemb<strong>le</strong> ;<br />
« Nous, Présidents de Conseils généraux,<br />
« Demandons un diagnostic précis de la situation des<br />
Départements afin, s’il y a lieu, d’adapter et<br />
d’améliorer nos organisations pour ne pas créer, à<br />
travers cette réforme à la hussarde, des territoires de<br />
gestion technocratique et des lieux de relégation des<br />
populations ;<br />
« Nous, Présidents de Conseils généraux,<br />
« Encourageons <strong>le</strong>s Départements à se saisir de cette<br />
question en engageant des audits d’évaluation de<br />
l’efficacité de <strong>le</strong>urs politiques de proximité sur <strong>le</strong>ur<br />
territoire ;<br />
« Nous, Présidents de Conseils généraux,<br />
« Appelons l’ensemb<strong>le</strong> des Conseils généraux et des<br />
forces vives des territoires ruraux à se mobiliser, à<br />
participer aux débats, à agir pour revitaliser <strong>le</strong>s<br />
territoires et ne pas céder à la pensée unique qui vise à<br />
<strong>le</strong>s priver de <strong>le</strong>ur vitalité ;<br />
« Nous, Présidents de Conseils généraux,<br />
« Refusons la dis<strong>pari</strong>tion des Départements sous couvert<br />
d’économies substantiel<strong>le</strong>s à réaliser mais non<br />
démontrées, ayant pour conséquence une régression du<br />
service public ;<br />
« Nous, Présidents de Conseils généraux,<br />
« Exigeons un débat national consacré à cette réforme et<br />
rappelons <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> majeur et indispensab<strong>le</strong> que jouent <strong>le</strong>s<br />
Départements, notamment ruraux, en termes de cohésion<br />
socia<strong>le</strong> et d’équilibre du territoire ;<br />
« Nous, Présidents de Conseils généraux,<br />
« Exprimons avec force : "Non à la dévitalisation des<br />
départements, oui à la revitalisation de nos territoires". »<br />
(Vifs applaudissements)<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
Il s’agissait de « l’appel de Nevers », monsieur <strong>le</strong> Secrétaire d’Etat. Merci d’en<br />
avoir pris bonne note et merci pour ce moment de démocratie intéressant !<br />
Mesdames, messieurs, ce fut une semaine chargée, avec l’annonce d’une réforme<br />
que nombre d’entre vous critiquent, contestent ou dénoncent. El<strong>le</strong> a été présentée<br />
par un ministre de la République, devant une assistance qui, sans concession, a<br />
continué à formu<strong>le</strong>r ses critiques, mais respecté <strong>le</strong> débat. Merci, mesdames,<br />
messieurs, pour votre courtoisie et votre esprit démocratique !<br />
(M. André Vallini, Secrétaire d’Etat à la Réforme territoria<strong>le</strong>,<br />
quitte ces Etats Généraux)<br />
77
78<br />
J’appel<strong>le</strong> à nous rejoindre Dominique Vol<strong>le</strong>t,<br />
économiste, qui sera l’animateur de notre tab<strong>le</strong><br />
ronde « Avenir économique et social des<br />
<strong>campagne</strong>s : quel<strong>le</strong> valorisation opérationnel<strong>le</strong> de<br />
<strong>le</strong>urs atouts ? »<br />
M. Dominique VOLLET<br />
Economiste, directeur de l’Unité de<br />
Recherche à l’IRSTEA<br />
de C<strong>le</strong>rmont-Ferrand, animateur<br />
de la Tab<strong>le</strong> Ronde<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
«Un terme est révélateur de l’état d’esprit de<br />
l’ensemb<strong>le</strong> de la journée, celui d’atouts. Nous ne<br />
sommes pas du tout dans une vision misérabiliste de<br />
l’espace rural. Les intervenants de la matinée y ont<br />
largement insisté, parlant de renouveau des<br />
<strong>campagne</strong>s pour Gérard Dumont et de territoires<br />
porteurs de récits pour Denis Muzet. Cette dimension<br />
de la valorisation des atouts de l’espace rural est donc<br />
vraiment la marque de fabrique de toute cette journée<br />
et de notre tab<strong>le</strong> ronde, en particulier.<br />
«Nous ne sommes pas du tout<br />
dans une vision misérabiliste<br />
de l’espace rural»<br />
« Avenir économique et social des <strong>campagne</strong>s : quel<strong>le</strong>s<br />
valorisation opérationnel<strong>le</strong> de <strong>le</strong>urs atouts ? ». Deux<br />
termes constituent véritab<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s objectifs que nous<br />
ont assignés <strong>le</strong>s organisateurs à la tab<strong>le</strong> ronde. Le<br />
premier est l’avenir en dressant des perspectives, bien<br />
au-delà d’un certain nombre d’éléments déjà évoqués<br />
précédemment. Et <strong>le</strong> second est la question de la<br />
valorisation opérationnel<strong>le</strong> en proposant des outils à<br />
destination des acteurs publics et privés présents dans<br />
la sal<strong>le</strong>.<br />
«Cette dimension de la<br />
valorisation des atouts est donc<br />
vraiment la marque de fabrique<br />
de toute cette journée»<br />
Première question : dans quel<strong>le</strong> mesure<br />
l’environnement naturel n’est plus une contrainte à<br />
intégrer mais, au contraire, un véritab<strong>le</strong> vecteur de<br />
développement des territoires ?<br />
Hervé Guyomard, l’INRA, Institut national de la<br />
Recherche agronomique, travail<strong>le</strong> déjà depuis de<br />
nombreuses années sur la valorisation des ressources<br />
»<br />
environnementa<strong>le</strong>s.
M. Hervé<br />
GUYOMARD<br />
Directeur scientifique<br />
« Agriculture » de l’INRA<br />
«L’’INRA travail<strong>le</strong> sur l’agriculture, l’alimentation et<br />
l’environnement et, évidemment, sur l’interface entre<br />
agriculture, alimentation et environnement.<br />
La question de la valorisation de l’environnement<br />
revient à dire qu’il faut, dans <strong>le</strong> monde de la recherche<br />
et ses applications, partir d’une conception corrigée des<br />
effets environnementaux négatifs, en particulier ceux<br />
de l’agriculture et de l’agroalimentaire pour ce qui nous<br />
concerne, et ce dans une vision tendant à valoriser <strong>le</strong>s<br />
atouts environnementaux. En ce qui concerne<br />
l’agriculture, pour prendre un exemp<strong>le</strong> concret, c’est<br />
aujourd’hui ce que l’on appel<strong>le</strong> l’agroécologie,<br />
s’agissant de concilier ce qui relève de l’agriculture, de<br />
l’agronomie, de l’é<strong>le</strong>vage ou de l’agrotechnique et des<br />
principes écologiques, de tel<strong>le</strong> façon que vous arriviez<br />
à la fois à tirer un revenu agrico<strong>le</strong> et une production,<br />
tout en respectant l’environnement.<br />
Premier point qu’il faut chercher à viser : ne plus<br />
considérer l’environnement uniquement comme une<br />
contrainte, ce qu’il peut être encore, mais surtout<br />
comme un atout que l’on cherche à valoriser.<br />
Deuxième point par rapport à la question de façon<br />
généra<strong>le</strong> : comment valoriser l’environnement, au sens<br />
large ?<br />
Ce sont, non pas mil<strong>le</strong> manières, mais deux : la<br />
valorisation par des marchés et la valorisation par la<br />
mise en place d’une certaine rég<strong>le</strong>mentation, quel<strong>le</strong><br />
qu’el<strong>le</strong> soit.<br />
Ce sont deux types de marché par rapport à la<br />
valorisation des ressources environnementa<strong>le</strong>s.<br />
D’une part, c’est la valorisation par des marchés de<br />
produits. Cela renvoie à ce que <strong>le</strong>s consommateurs,<br />
quels qu’ils soient, y compris <strong>le</strong>s consommateurs dans<br />
<strong>le</strong>s territoires ruraux, sont prêts à payer pour des<br />
produits qui respectent mieux l’environnement. C’est<br />
très variab<strong>le</strong> selon <strong>le</strong>s territoires.<br />
D’autre part, et là nous sommes encore un peu<br />
hésitants, c’est la création de marchés<br />
environnementaux. Ce n’est pas parce que <strong>le</strong> marché<br />
du carbone n’est pas aujourd’hui dans une forme<br />
olympique, si je puis dire, qu’il ne faut pas al<strong>le</strong>r vers la<br />
création de marchés environnementaux pour <strong>le</strong><br />
carbone, l’eau, la biodiversité. Parce que <strong>le</strong>s ressources<br />
budgétaires seront insuffisantes, il faut trouver des<br />
marchés, voire suppléer par des aides qui peuvent être<br />
attribuées par <strong>le</strong> contribuab<strong>le</strong>, ce qui suppose des<br />
transferts. Ce point rejoint celui de transfert de fiscalité<br />
évoqué précédemment.<br />
«Ne plus considérer<br />
l’environnement uniquement<br />
comme une contrainte mais<br />
surtout comme un atout que<br />
l’on cherche à valoriser»<br />
Ce dont donc deux optiques : la première, une aide<br />
pour instal<strong>le</strong>r des entreprises, des industries, des<br />
activités qui valorisent l’environnement et qui ne<br />
« trouvent » par <strong>le</strong>ur marché ; la seconde, une<br />
meil<strong>le</strong>ure intégration des problèmes environnementaux<br />
dans la comptabilité de tous, des activités privées<br />
comme des activités publiques, donnant ainsi une<br />
légitimité à l’obtention<br />
»<br />
de ces aides au titre de<br />
l’environnement.<br />
79
80<br />
M. Pierre<br />
MARTIN<br />
Président de la Chambre de Métiers<br />
et de l’Artisanat de Bourgogne<br />
Nous parlions de valorisation par<br />
<strong>le</strong> marché des atouts<br />
environnementaux. Auriez-vous,<br />
Pierre Martin, quelques éléments<br />
concernant <strong>le</strong> tourisme ?<br />
Dominique VOLLET<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
TABLE RONDE<br />
«Bien évidemment, nous avons une richesse formidab<strong>le</strong>.<br />
Un Conseil avec <strong>le</strong>quel je travaillais avait l’habitude de<br />
dire : « Un si beau pays ne restera pas vide ! »<br />
Nous avons ces potentialités, mais il nous faut une<br />
politique beaucoup plus volontariste. Nos territoires, en<br />
particulier en Bourgogne, sont très fréquentés, mais<br />
avec un passage court. Nous n’avons pas suffisamment<br />
de résidents qui restent très longtemps, sauf pour ce<br />
qui est des résidences secondaires et j’y reviendrai.<br />
Mais il nous faut être très attentifs à cette industrie du<br />
tourisme en préservant la qualité à la fois de l’accueil<br />
et de notre environnement, sans nous orienter<br />
«Nous avons ces<br />
potentialités, mais il nous<br />
faut une politique beaucoup<br />
plus volontariste»<br />
justement vers ce mode industriel. L’industrie du<br />
tourisme est une activité économique en tant que tel<strong>le</strong>.<br />
N’oublions jamais que nous avons, autour de nous et<br />
même plus loin, nombre de pays d’Europe ou d’Asie<br />
qui ont cette appétence pour découvrir <strong>le</strong> nôtre. Je vous<br />
cite un chiffre : 80 millions de Chinois sont en capacité<br />
de voyager. En 2050, ils seront 400 millions ! Bien<br />
entendu, ils ne viendront pas tous chez nous, mais<br />
nous avons, encore une fois, un potentiel extrêmement<br />
important et, avec nos paysages,<br />
»<br />
l’agroalimentaire et<br />
<strong>le</strong> vin, la Bourgogne est riche.<br />
Jean-Pierre Aubert, selon vous, par quoi<br />
passe la valorisation des atouts<br />
touristiques ?<br />
M. Jean-Pierre<br />
AUBERT<br />
Président de la mission<br />
« Anticipation et accompagnement<br />
des mutations économiques »<br />
auprès du Premier ministre,<br />
Président de SNCF Développement et<br />
Secrétaire général de la<br />
Chaire « Mutations – Anticipations –<br />
Innovations »<br />
Dominique VOLLET<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
TABLE RONDE<br />
«Pour ma part, je puis dire simp<strong>le</strong>ment que, au total, il<br />
serait bien que l’on commence à faire connaître ce qui<br />
se passe dans ces territoires. Ayant l’habitude de<br />
« tourner » partout en France depuis des années, je<br />
considère que l’on sous estime <strong>le</strong>s initiatives et <strong>le</strong>s<br />
capacités déjà existantes dans ces territoires.<br />
On sous-estime que ces territoires sont aussi porteurs<br />
d’un développement industriel. Vous avez raison<br />
d’évoquer <strong>le</strong> tourisme et il ne s’agit pas du tout de <strong>le</strong><br />
dénigrer. Toutefois, l’industrie continue à exister et à<br />
représenter dans ces territoires un élément important.<br />
Car il convient d’appréhender tous <strong>le</strong>s atouts de ces<br />
territoires et, en particulier, <strong>le</strong>s qualités des différents<br />
acteurs qui ont déjà cette ingéniosité et cette capacité<br />
à faire indéniab<strong>le</strong>s.<br />
«Je considère que l’on sous<br />
estime <strong>le</strong>s initiatives et <strong>le</strong>s<br />
capacités déjà existantes dans<br />
ces territoires»<br />
Ce point est d’autant plus important que nous sommes<br />
dans une période de mutations généra<strong>le</strong>s qui touchent<br />
tout <strong>le</strong> monde et pas seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s territoires ruraux.<br />
Les métropo<strong>le</strong>s peuvent aussi être confrontées à des<br />
évolutions. Par exemp<strong>le</strong>, une métropo<strong>le</strong> comme Détroit<br />
aux Etats-Unis a quasiment été mise à bas parce que<br />
l’automobi<strong>le</strong> a évolué.
Dès lors, une question se pose pour <strong>le</strong>s différentes<br />
activités : dans ces moments où toutes <strong>le</strong>s cartes sont<br />
rebattues, <strong>le</strong>s territoires ruraux ont-ils du fait de<br />
l’ingéniosité préexistante une capacité à rebondir et à<br />
utiliser au mieux <strong>le</strong>urs capacités, certes, naturel<strong>le</strong>s,<br />
mais aussi humaines ? Cette<br />
»<br />
question me paraît<br />
extrêmement importante.<br />
M. Asko PELTOLA<br />
Président du Conseil régional<br />
d’Ostrobothnie du Sud (Finlande)<br />
«Mesdames, messieurs, je m’excuse, ne parlant pas<br />
français, de m’exprimer en anglais, mais mon<br />
interprète va rendre compte de mes propos.<br />
(Interprète)<br />
Je viens d’un « pays » rural en Finlande où je réside<br />
depuis toujours. Comme dans <strong>le</strong>s zones rura<strong>le</strong>s<br />
européennes, nous assistons à une demande croissante<br />
pour une vie plus proche de la nature et, nul doute,<br />
que <strong>le</strong> phénomène s’accentuera dans <strong>le</strong>s années<br />
futures.<br />
L’un des éléments clés pour <strong>le</strong> développement des<br />
territoires ruraux réside dans une bonne connexion très<br />
haut débit, en particulier fibre optique. Il nous faudra<br />
ensemb<strong>le</strong> avec <strong>le</strong>s autres régions européennes, dont la<br />
Nièvre, créer <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>ures solutions pour une bonne<br />
Dominique VOLLET<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
TABLE RONDE<br />
Permettez-moi, mesdames, messieurs, une mention<br />
particulière pour notre invité, Asko Peltola, qui nous<br />
arrive de Finlande, étant Président du Conseil régional<br />
d’Ostrobothnie du Sud, une région finlandaise du<br />
centre ouest de la Finlande qui se caractérise par une<br />
densité de population de l’ordre de 15 habitants au<br />
kilomètre carré, avec 200 000 habitants. Pouvez-vous,<br />
monsieur Peltola, nous donner quelques exemp<strong>le</strong>s<br />
« venus du froid », et ce pour valoriser <strong>le</strong>s atouts<br />
environnementaux de nos espaces ruraux ?<br />
«L’un des éléments clés pour <strong>le</strong><br />
développement des territoires<br />
ruraux réside dans une bonne<br />
connexion très haut débit»<br />
connexion à très haut débit, en particulier pour inciter<br />
<strong>le</strong>s jeunes à vivre en <strong>campagne</strong>.<br />
Il convient de mobiliser <strong>le</strong>s habitants des villages à<br />
coopérer ensemb<strong>le</strong> pour être créatifs, y compris pour<br />
trouver eux-mêmes des solutions, sachant que ne<br />
prévaut pas une solution unique en Europe pour <strong>le</strong>s<br />
zones rura<strong>le</strong>s.<br />
Il est absolument essentiel de créer de la solidarité<br />
entre <strong>le</strong>s zones rura<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s zones métropolitaines,<br />
mais aussi entre <strong>le</strong>s différents pays et régions rura<strong>le</strong>s<br />
en Europe. De même, il est vrai que certaines<br />
réticences sont parfois observées dans <strong>le</strong>s zones rura<strong>le</strong>s<br />
pour accepter <strong>le</strong>s nouveaux arrivants. Il est néanmoins<br />
essentiel de se concentrer sur une vraie politique<br />
»<br />
d’accueil de nouvel<strong>le</strong>s populations.<br />
(Applaudissements)<br />
81
82<br />
Dominique VOLLET<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
TABLE RONDE<br />
Nous abordons maintenant notre deuxième<br />
question, s’agissant de l’avantage<br />
concurrentiel pour l’industrie. Jean-Pierre<br />
Aubert, en tant que Président de la mission<br />
« Anticipation et accompagnement des<br />
mutations économiques » auprès du Premier<br />
ministre, pouvez-vous en dire plus sur <strong>le</strong>s<br />
facteurs c<strong>le</strong>fs des processus de localisation ou<br />
de relocalisation des activités ?<br />
M. Jean-Pierre<br />
AUBERT<br />
Président de la mission<br />
« Anticipation et accompagnement<br />
des mutations économiques »<br />
auprès du Premier ministre,<br />
Président de SNCF Développement et<br />
Secrétaire général de la<br />
Chaire « Mutations – Anticipations –<br />
Innovations »<br />
«Il ne faut surtout pas perdre de vue cette stratégie de<br />
rebondissement de ces PME industriel<strong>le</strong>s qui restent<br />
des vecteurs très importants du tissu rural. Pour ma<br />
part, je porte une très <strong>grand</strong>e attention à ces capacités<br />
de rebondissement qui passent par des coopérations à<br />
monter notamment entre <strong>grand</strong>es et petites<br />
entreprises. Comme vous <strong>le</strong> savez, j’ai toujours prôné<br />
<strong>le</strong>s avantages des clusters, c’est-à-dire <strong>le</strong>s regroupements<br />
d’entreprises qui me semb<strong>le</strong>nt indispensab<strong>le</strong>s, y<br />
compris éventuel<strong>le</strong>ment en <strong>le</strong>s liant à des centres<br />
techniques existants. Il sera intéressant de considérer<br />
l’apport d’un pô<strong>le</strong> de compétitivité sous cet ang<strong>le</strong>.<br />
Ne sous-estimons pas toutefois l’accompagnement de<br />
stratégies de rebondissement de PME. Notons en<br />
particulier <strong>le</strong> problème de la succession du chef<br />
d’entreprise, avec <strong>le</strong> coup de fouet que peut donner<br />
une bonne succession. Cette problématique est très<br />
importante pour <strong>le</strong> tissu économique et pour l’industrie.<br />
Une politique appropriée doit être de mise entre <strong>le</strong>s<br />
<strong>grand</strong>s groupes et des entreprises, souvent des<br />
sous-traitants partiels ou des équipementiers sur des<br />
niches particulières, pour permettre aux premiers de<br />
soutenir ces stratégies de rebondissement ou de<br />
consolidation par rapprochement entre entreprises. Il<br />
est vrai que j’ai une inquiétude sous cet ang<strong>le</strong> : nous<br />
ne sommes pas un pays qui a l’habitude de favoriser<br />
ces coopérations en tant que tel<strong>le</strong>s. Je <strong>le</strong> dis et j’espère<br />
que <strong>le</strong> représentant de l’entreprise Le<strong>grand</strong> pourra me<br />
démentir. En tout cas, c’est à mon sens une donnée<br />
capita<strong>le</strong>, s’agissant de faire évoluer un tissu<br />
économique dans son ensemb<strong>le</strong> et pas seu<strong>le</strong>ment de<br />
façon séparée.<br />
«La <strong>grand</strong>e entreprise peut apporter<br />
des éléments positifs que si toutes<br />
<strong>le</strong>s PME, existantes ou à venir,<br />
viennent s’agglutiner autour d’un<br />
tel projet»<br />
Un exemp<strong>le</strong> me permettra de terminer mon propos sur<br />
ce point. Dans un territoire plutôt à dominante rura<strong>le</strong>,<br />
celui de Culmont-Chalindrey en Haute-Marne, nous<br />
avions un <strong>grand</strong> centre ferroviaire, mais qui était en<br />
déclin relatif. Nous avons proposé de faire un centre de<br />
démantè<strong>le</strong>ment de tous nos équipements roulants,<br />
notamment <strong>le</strong>s voitures en tant que tel<strong>le</strong>s, ce qui a été<br />
une innovation y compris pour <strong>le</strong> groupe SNCF. Cet<br />
investissement est assuré d’un marché de très long<br />
terme, plus de 15 ans, mais nous voyons bien qu’il<br />
n’aura d’intérêt que si <strong>le</strong> tissu économique local et si<br />
<strong>le</strong>s acteurs locaux s’emparent de cet apport pour en<br />
faire éventuel<strong>le</strong>ment une filière plus généralisée du<br />
démantè<strong>le</strong>ment et passer par <strong>le</strong> recyclage, en étendant<br />
<strong>le</strong>s compétences qui peuvent éventuel<strong>le</strong>ment s’y<br />
greffer.<br />
Nous partons de compétences existantes dans <strong>le</strong> cadre<br />
d’un patrimoine ancien existant en <strong>le</strong> renouvelant<br />
profondément. De ce point de vue, la <strong>grand</strong>e entreprise<br />
peut apporter des éléments positifs, mais el<strong>le</strong> ne<br />
trouvera son développement que si toutes <strong>le</strong>s PME,<br />
existantes ou à venir, viennent s’agglutiner autour d’un<br />
tel projet. C’est là <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> du territoire au niveau local,<br />
»<br />
ne s’agissant pas d’une approche sur <strong>le</strong> plan national.
Patrice Soudan, quels atouts et quel<br />
déterminant représente la localisation dans <strong>le</strong>s<br />
espaces régionaux d’un <strong>grand</strong> groupe<br />
industriel tel que Le<strong>grand</strong> ?<br />
Dominique VOLLET<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
TABLE RONDE<br />
M. Patrice<br />
SOUDAN<br />
Directeur général adjoint<br />
du Groupe Le<strong>grand</strong><br />
«En effet, Le<strong>grand</strong> est un <strong>grand</strong> groupe international :<br />
4,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires dont près de<br />
80 % réalisé hors de France, avec plus de 35 000<br />
personnes dans <strong>le</strong> monde. Avec Michelin, c’est la seu<strong>le</strong><br />
entreprise du CAC 40 à avoir son siège social en<br />
province, ce dont nous sommes fiers. Cette présence<br />
n’est pas un point caractéristique ou déterminant de<br />
notre stratégie industriel<strong>le</strong>. Nous essayons plutôt de<br />
capitaliser sur <strong>le</strong>s avantages et de compenser <strong>le</strong>s<br />
quelques inconvénients que nous pouvons avoir en<br />
région.<br />
Parmi <strong>le</strong>s avantages, nous avons un personnel plutôt<br />
fidè<strong>le</strong> et très engagé vis-à-vis de la société puisque<br />
Le<strong>grand</strong> sur Limoges était vite une grosse entreprise<br />
très lisib<strong>le</strong> ; d’où un certain attachement à la marque.<br />
Le turn over est donc faib<strong>le</strong>, ce qui est un point<br />
important.<br />
Une certaine qualité de la vie se retrouve tant vis-à-vis<br />
du personnel de Le<strong>grand</strong> que globa<strong>le</strong>ment au niveau<br />
de l’entreprise.<br />
Autre atout important, c’est <strong>le</strong> coût de la vie et, en<br />
particulier, <strong>le</strong> coût du foncier. A cet égard, je dois vous<br />
avouer qu’il est plus faci<strong>le</strong> de procéder à une mutation<br />
d’un cadre de l’usine d’Antibes vers Limoges que<br />
l’inverse, tant il est vrai que <strong>le</strong> coût du foncier n’est<br />
pas <strong>le</strong> même. Nous capitalisons donc sur ces avantages<br />
et nous essayons de pallier <strong>le</strong>s quelques inconvénients<br />
parmi <strong>le</strong>squels j’en mets deux en exergue.<br />
D’une part, la région Limousin peut sans doute<br />
manquer d’attractivité pour certaines populations<br />
d’experts que nous souhaitons recruter, par exemp<strong>le</strong><br />
des é<strong>le</strong>ctroniciens ou des spécialistes en logiciels.<br />
D’autre part, c’est l’accès à la région et à Limoges.<br />
«Nous essayons plutôt de<br />
capitaliser sur <strong>le</strong>s avantages et<br />
de compenser <strong>le</strong>s quelques<br />
inconvénients que nous pouvons<br />
avoir en région»<br />
Certes, cet inconvénient n’est pas complètement<br />
structurel, mais il faut quand même y être très attentif.<br />
Exemp<strong>le</strong> récent, Air France envisageait voilà quelques<br />
mois la suppression de la ligne aérienne entre Limoges<br />
et Lyon, perspective qui, je <strong>le</strong> dis honnêtement, était<br />
pour nous un point très critique. En effet, l’aéroport de<br />
Lyon nous ouvre de multip<strong>le</strong>s destinations, que ce soit<br />
sur l’Europe centra<strong>le</strong>, l’Europe de l’Est, éventuel<strong>le</strong>ment<br />
l’Europe du Sud, et <strong>le</strong> sud de la France. C’est donc un<br />
sujet sur <strong>le</strong>quel nous devons être tout à fait attentifs.<br />
Sur cette question de l’accès, je puis évoquer un autre<br />
aspect qui n’est pas complètement accessoire,<br />
s’agissant d’un point de compétitivité. Prenons <strong>le</strong> cas<br />
d’un cadre de Le<strong>grand</strong> devant se rendre en Espagne<br />
pour une journée. S’il est basé en I<strong>le</strong>-de-France, il fera<br />
l’al<strong>le</strong>r-retour dans la journée, alors que s’il est basé à<br />
Limoges, il va « consommer » deux jours, devant<br />
passer par Paris tant à l’al<strong>le</strong>r qu’au retour. La facilité<br />
d’accès est donc bien un point déterminant.<br />
Pour faire <strong>le</strong> tour comp<strong>le</strong>t du sujet, je dirai que ces<br />
avantages et ces inconvénients sont peut-être plus<br />
prégnants pour <strong>le</strong>s activités et <strong>le</strong>s personnels qui<br />
travail<strong>le</strong>nt au niveau du siège social, s’agissant sans<br />
doute de populations plus mobi<strong>le</strong>s. Sur <strong>le</strong>s ateliers de<br />
production situés dans <strong>le</strong> Limousin et à d’autres<br />
endroits, <strong>le</strong>s populations sont moins mobi<strong>le</strong>s et<br />
engendrent moins de soucis sous l’ang<strong>le</strong> des avantages<br />
et des inconvénients.<br />
La localisation industriel<strong>le</strong> n’est pas un problème<br />
régional, mais plutôt un problème national de<br />
compétitivité de nos usines françaises par rapport à des<br />
marchés de destination sur<br />
»<br />
<strong>le</strong>squels nous devons nous<br />
positionner correctement.<br />
83
84<br />
M. Hervé<br />
GUYOMARD<br />
Directeur scientifique<br />
« Agriculture » de l’INRA<br />
Dominique VOLLET<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
TABLE RONDE<br />
Ce matin, Gérard-François Dumont nous rappelait que la<br />
métropolisation était un processus et pas simp<strong>le</strong>ment une idéologie.<br />
Pour essayer de décomposer <strong>le</strong> processus, un certain nombre de<br />
modè<strong>le</strong>s ont été mis en œuvre pour expliciter cette métropolisation.<br />
Hervé Guyomard, une tel<strong>le</strong> démarche peut nous être très uti<strong>le</strong> en<br />
termes d’action publique ?<br />
«<br />
M. Soudan a dressé une certaine liste d’avantages et<br />
d’inconvénients vus du côté de l’entreprise, ce que <strong>le</strong>s<br />
économistes en recherche appel<strong>le</strong>nt ce qui concourt à<br />
l’agglomération, versus à la dispersion.<br />
Je souligne que nombreuses sont <strong>le</strong>s forces<br />
économiques qui concourent, qu’on <strong>le</strong> veuil<strong>le</strong> ou non, à<br />
agglomérer <strong>le</strong>s choses et à ce que vous ayez plutôt<br />
tendance à préférer l’agglomération. Cela conduit au<br />
phénomène économique de métropolisation, quel<strong>le</strong><br />
que soit l’appellation utilisée. En tout cas, il s’agit bien<br />
de cela, avec des gains et des économies d’échel<strong>le</strong>.<br />
Je prends cet exemp<strong>le</strong> qui touche même <strong>le</strong> secteur<br />
agrico<strong>le</strong>. L’une des premières choses que regardent <strong>le</strong>s<br />
candidats à l’installation en agriculture, c’est de savoir<br />
s’ils pourront avoir <strong>le</strong>ur habitation en dehors de<br />
l’exploitation agrico<strong>le</strong>, dans un centre urbain à part,<br />
qu’il soit de tail<strong>le</strong> modeste ou plus <strong>grand</strong>e. C’est un<br />
critère de choix puisqu’ils veu<strong>le</strong>nt en fait l’accès aux<br />
mêmes services. Ce souhait concourt donc à<br />
l’agglomération.<br />
Mon propos vient ainsi en écho aux deux interventions.<br />
Comment attirer de l’activité en zone rura<strong>le</strong> ? Au-delà<br />
de ce que j’ai entendu sur la possibilité de jouer sur <strong>le</strong>s<br />
politiques publiques et donc sur la répartition du<br />
« gâteau », phénomène très important, il faut quand<br />
même créer de la richesse à un moment donné.<br />
Aujourd’hui, de façon généra<strong>le</strong> <strong>le</strong>s entreprises ne<br />
mettent pas un poids très fort sur <strong>le</strong> territoire et la<br />
localisation.<br />
Nous avons mené avec l’IRSTEA et d’autres instituts un<br />
programme de recherche sur <strong>le</strong> développement local.<br />
Nous nous sommes aperçus que <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités<br />
territoria<strong>le</strong>s se soucient largement de l’entreprise, quels<br />
que soient son domaine d’activité, sa localisation et<br />
des conséquences, mais que l’inverse est nettement<br />
moins vrai de façon généra<strong>le</strong>. D’où des difficultés. Je<br />
pense donc que la première question à travail<strong>le</strong>r porte<br />
sur ce que demandent <strong>le</strong>s entreprises de façon<br />
généra<strong>le</strong> et la deuxième sur ce que l’on est capab<strong>le</strong><br />
d’offrir pour contrer ce phénomène d’agglomération et<br />
de métropolisation que nous avons décrit. En fait, la<br />
question est de savoir sur quels avantages vous vous<br />
basez.<br />
«Nombreuses sont <strong>le</strong>s forces<br />
économiques qui concourent à<br />
agglomérer <strong>le</strong>s choses. Cela<br />
conduit au phénomène<br />
économique de métropolisation»<br />
Je termine mon propos par un exemp<strong>le</strong>. Breton, je suis<br />
d’une région qui bouge peu pour l’instant, mais qui a<br />
été en ébullition à un moment donné... Pourquoi <strong>le</strong><br />
couverc<strong>le</strong> a-t-il quelque peu explosé voilà quelques<br />
mois ? En raison des problèmes dans <strong>le</strong>s entreprises<br />
agroalimentaires de première transformation !<br />
Quel<strong>le</strong>s sont cel<strong>le</strong>s qui s’en sont un peu mieux sorties<br />
face à l’énorme crise de la volail<strong>le</strong> et du porc en<br />
Bretagne ? Cel<strong>le</strong>s qui avaient une stratégie beaucoup<br />
plus forte de liens entre la production, la première, la<br />
deuxième transformation et la consommation par<br />
rapport à un ensemb<strong>le</strong> qui était resté éclaté.<br />
Je veux dire par là qu’il faut avoir aussi une stratégie<br />
territoria<strong>le</strong> plus claire, en prenant <strong>le</strong>s avantages et <strong>le</strong>s<br />
inconvénients, sachant que l’on ne peut avoir « de tout<br />
partout », si je puis dire,<br />
»<br />
ce qui concourt en fait à une<br />
certaine spécialisation.
Pour terminer ce tour de tab<strong>le</strong> de ronde sur<br />
l’économie productive, quelques exemp<strong>le</strong>s<br />
finlandais dans la métallurgie ?<br />
Dominique VOLLET<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
TABLE RONDE<br />
M. Asko<br />
PELTOLA<br />
Président du Conseil régional<br />
d’Ostrobothnie du Sud (Finlande)<br />
«<br />
(Interprète)<br />
Il faut savoir que même la présence de <strong>grand</strong>es<br />
entreprises industriel<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong>s zones rura<strong>le</strong>s<br />
n’empêche pas que certaines faib<strong>le</strong>sses rendent<br />
cel<strong>le</strong>s-ci très vulnérab<strong>le</strong>s. Si l’entreprise décide de se<br />
localiser, l’impact sur <strong>le</strong> chômage est alors<br />
considérab<strong>le</strong>.<br />
«Dans notre région, nous<br />
essayons d’encourager des PME<br />
à devenir plus importantes»<br />
Dans notre région, nous essayons d’encourager des<br />
PME à devenir plus importantes, sachant que <strong>le</strong> lien<br />
entre ces entrepreneurs et <strong>le</strong>ur région est très fort. Par<br />
exemp<strong>le</strong>, l’une des plus <strong>grand</strong>es fonderies d’aluminium<br />
de toute la Finlande est située dans notre région. El<strong>le</strong> a<br />
commencé son activité voilà près de 70 ans avec un<br />
seul entrepreneur qui, depuis, a créé 200 emplois dans<br />
la région. Point très important de la politique de cette<br />
entreprise, c’est son investissement dans <strong>le</strong>s villages,<br />
<strong>le</strong>urs activités culturel<strong>le</strong>s et économiques, ainsi que la<br />
volonté d’améliorer la qualité de vie de ses employés.<br />
A mon avis, il est préférab<strong>le</strong> de mener une politique<br />
d’investissement auprès des entrepreneurs locaux<br />
existants plutôt que d’essayer d’attirer des<br />
entrepreneurs plus éloignés.<br />
Enfin, il convient de souligner que <strong>le</strong>s régions rura<strong>le</strong>s<br />
ont aussi des atouts et présentent de vrais avantages<br />
en termes d’attractivité : des ouvriers qualifiés et bien<br />
formés, <strong>le</strong> paysage, <strong>le</strong>s possibilités de pratiques<br />
sportives et différentes activités.<br />
Il faut éga<strong>le</strong>ment insister sur <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de l’approche<br />
LEADER, programme qui a été en quelque sorte conçu<br />
et inventé par un Français et il convient de vous en<br />
remercier ! (Sourires) Ce programme a été d’une<br />
importance essentiel<strong>le</strong>, permettant à de petits<br />
entrepreneurs de s’a<strong>grand</strong>ir en créant de nouvel<strong>le</strong>s<br />
activités dans <strong>le</strong>s zones rura<strong>le</strong>s.»<br />
Dominique VOLLET<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
TABLE RONDE<br />
Tout à fait ! Ce matin, Gérard Peltre nous a parlé du<br />
développement local par <strong>le</strong>s acteurs, thème mis en avant dans la<br />
nouvel<strong>le</strong> programmation 2014/2020, « kit » de développement<br />
mis en place dans <strong>le</strong> cadre des groupes d’action locaux LEADER et<br />
dont <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s régions devront se saisir.<br />
Merci, monsieur Peltola, d’attirer notre attention sur ce sujet.<br />
85
Nous abordons maintenant la troisième question particulièrement<br />
importante : la localisation des services et l’attractivité des<br />
territoires. Ce matin, M. Denis MUZET nous a proposé une<br />
interprétation intéressante. Nous avons vu ainsi que<br />
l’implantation des <strong>grand</strong>es surfaces était notée négativement par<br />
la population sollicitée.<br />
Monsieur Martin, pouvez-vous nous aider à mieux comprendre<br />
<strong>le</strong>s facteurs en jeu dans l’attractivité des territoires, en particulier<br />
en matière de services.<br />
M. Pierre<br />
MARTIN<br />
Président de la Chambre de Métiers<br />
et de l’Artisanat de Bourgogne<br />
Dominique VOLLET<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
TABLE RONDE<br />
«L’artisanat, c’est un million d’entreprises sur<br />
l’ensemb<strong>le</strong> du territoire et 26 000 entreprises en<br />
Bourgogne. Effectivement, nous avons un ancrage au<br />
territoire extrêmement fort. Il est essentiel et<br />
correspond à un thème sur <strong>le</strong>quel j’ai travaillé et que<br />
beaucoup revendiquent aujourd’hui : l’économie de<br />
proximité.<br />
L’économie de proximité, c’est l’offre de services<br />
essentiels à la population. Nous voyons bien ce retour<br />
en arrière qui est en train de s’opérer. Certes, il est<br />
<strong>le</strong>nt, mais nous avons besoin de reconquérir <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s,<br />
<strong>le</strong>s centres-vil<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s quartiers périphériques qui ont été<br />
désertés. Quand ces endroits sont désertés, ils<br />
deviennent diffici<strong>le</strong>s et <strong>le</strong> lien social n’existe plus. Cela<br />
renvoie d’ail<strong>le</strong>urs aux discussions et aux interventions<br />
que nous avons entendues sur ce besoin de « refaire<br />
société » dans ce pays, notamment à travers la<br />
ruralité, comme il est proposé dans <strong>le</strong> projet.<br />
Pour nous, cette démarche est essentiel<strong>le</strong> car notre<br />
marché est déjà là. M. Muzet faisait allusion à la<br />
<strong>grand</strong>e distribution. Je n’ai pas l’intention aujourd’hui<br />
de jeter l’opprobre sur ce mode de distribution, mais<br />
force est de reconnaître que nous avons quand même<br />
été trop loin dans ce pays : nous avons <strong>le</strong> privilège en<br />
quelque sorte d’être recordmen du monde en termes<br />
de mètres carrés de <strong>grand</strong>s distributeurs présents pour<br />
la consommation. Ce faisant, nous avons détruit de<br />
nombreux commerces ou activités artisana<strong>le</strong>s, soit<br />
dans <strong>le</strong>s centres-bourgs, soit dans <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s. Mon<br />
collègue, Président de la section de la Chambre de<br />
Métiers de la Nièvre, me disait qu’à Nevers même,<br />
plus de 60 commerces sont fermés. De même, c’est<br />
quasiment <strong>le</strong> quart des commerces qui est fermé<br />
aujourd’hui dans ma bonne vil<strong>le</strong> de Tonnerre qui, pour<br />
5 800 habitants, compte deux <strong>grand</strong>s distributeurs<br />
périphériques : on a tué <strong>le</strong> centre vil<strong>le</strong>.<br />
Aujourd’hui, il faut consacrer de l’argent public à<br />
travers des dispositifs bien connus, de type FISAC ou<br />
OPARCA, et, en même temps, avoir des politiques plus<br />
incitatives pour reconquérir ces centres-bourgs ou ces<br />
quartiers en déshérence. Là, <strong>le</strong>s élus ont une<br />
responsabilité particulière, cel<strong>le</strong> de veil<strong>le</strong>r à ce que<br />
j’appel<strong>le</strong> « l’état d’équilibre ». En effet, la <strong>grand</strong>e<br />
distribution est une forme de commerce moderne que<br />
l’on ne peut pas éluder. J’ajoute que, pour avoir un de<br />
mes magasins dans une ga<strong>le</strong>rie marchande, il serait<br />
malvenu que je critique ce mode de distribution. Mais,<br />
encore une fois, veillons à l’équilibre !<br />
Or, nous n’avons pas veillé à l’équilibre ! A partir du<br />
moment où une vil<strong>le</strong> avait une implantation de <strong>grand</strong><br />
distributeur, cel<strong>le</strong> d’à-côté en voulait une pour garder la<br />
clientè<strong>le</strong>. Cette espèce de course a toujours été<br />
pratiquée et el<strong>le</strong> nous a conduit très loin. Dans ces<br />
conditions, il est urgent de devenir raisonnab<strong>le</strong>s et de<br />
veil<strong>le</strong>r à ce que nous puissions garder des activités<br />
indépendantes et cette offre de services aux<br />
populations. Cette approche fait partie aussi de<br />
l’économie<br />
»<br />
des territoires et de l’aménagement du<br />
territoire.<br />
86
Membre de la section Economie régiona<strong>le</strong> et<br />
Aménagement du territoire au Conseil<br />
économique et social, vous avez travaillé sur ces<br />
questions d’économie résidentiel<strong>le</strong> et<br />
d’articulation entre économie résidentiel<strong>le</strong> et<br />
économie productive ?<br />
Dominique VOLLET<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
TABLE RONDE<br />
«<br />
L’économie<br />
«Nous n’avons pas dans ce pays<br />
la pratique suffisamment<br />
développée de cette<br />
complémentarité entre <strong>le</strong>s<br />
activités productives et <strong>le</strong><br />
monde de la sous-traitance avec<br />
toute l’économie induite par la<br />
présence de <strong>grand</strong>es<br />
entreprises»<br />
productive est essentiel<strong>le</strong> pour nous. Dans<br />
l’ouvrage que j’ai produit en 2008 sur l’économie de<br />
proximité, il n’était pas question d’opposer la<br />
mondialisation avec <strong>le</strong>s activités industriel<strong>le</strong>s qui<br />
délocalisaient beaucoup et l’économie de proximité.<br />
Nous avons besoin de deux !<br />
Je partage <strong>le</strong> propos de Jean-Pierre Aubert sur <strong>le</strong> fait<br />
que nous n’avons pas dans ce pays la pratique<br />
suffisamment développée de cette complémentarité<br />
entre <strong>le</strong>s activités productives et <strong>le</strong> monde de la<br />
sous-traitance avec toute l’économie induite par la<br />
présence de <strong>grand</strong>es entreprises. Nous avons donc<br />
encore beaucoup de chemin à faire. Il a cité <strong>le</strong>s clusters<br />
et <strong>le</strong>s grappes entreprises, la Plastics Vallée ou la<br />
Cosmetic Val<strong>le</strong>y. Il faut tendre vers cela car nous avons<br />
besoin de ces synergies entre <strong>le</strong>s plus <strong>grand</strong>es et <strong>le</strong>s<br />
plus petites activités.<br />
J’en viens à votre question sur l’économie résidentiel<strong>le</strong>,<br />
chère à Laurent Davezies qui a beaucoup travaillé sur<br />
cette thématique. Il la remet d’ail<strong>le</strong>urs un peu en<br />
»<br />
question aujourd’hui par rapport à la métropolisation.<br />
En effet, dans son dernier ouvrage, il est<br />
extrêmement critique par rapport à l’économie<br />
résidentiel<strong>le</strong>.<br />
Dominique VOLLET<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
TABLE RONDE<br />
«Absolument ! C’est tout de même curieux de sa part,<br />
lui qui en a été <strong>le</strong> chantre. Ce point mériterait un débat<br />
avec lui, débat qui serait certainement très intéressant.<br />
Je veux vous donner un exemp<strong>le</strong> très concret de<br />
l’économie résidentiel<strong>le</strong>. Au nord du département de<br />
l’Yonne, c’est-à-dire aux franges de l’I<strong>le</strong>-de-France,<br />
3 500 personnes prennent <strong>le</strong> train tous <strong>le</strong>s jours pour<br />
al<strong>le</strong>r travail<strong>le</strong>r sur Paris ou en banlieue <strong>pari</strong>sienne. Ces<br />
personnes consomment, non pas sur Paris ou<br />
l’I<strong>le</strong>-de-France qui est <strong>le</strong>ur lieu de travail, mais bien sur<br />
<strong>le</strong>ur lieu de résidence, c’est-à-dire <strong>le</strong> Sénonais. Il est<br />
donc tout à fait intéressant de considérer aussi ce type<br />
d’économie que nous retrouvons par ail<strong>le</strong>urs avec la<br />
forte présence de résidences secondaires sur nos<br />
territoires, y compris ceux de la Nièvre et du Morvan.<br />
C’est là une source d’économie intéressante qui,<br />
induisant des revenus supérieurs à ceux de la moyenne<br />
de nos départements plutôt ruraux, nous permet de<br />
pallier ce manque de présence de PME parfois ou<br />
d’entreprises plus importantes.<br />
»<br />
87
88<br />
M. Jean-Pierre<br />
AUBERT<br />
Président de la mission<br />
« Anticipation et accompagnement<br />
des mutations économiques »<br />
auprès du Premier ministre,<br />
Président de SNCF Développement et<br />
Secrétaire général de la<br />
Chaire « Mutations – Anticipations –<br />
Innovations »<br />
«J’ai écouté avec une <strong>grand</strong>e attention ce qui a été dit<br />
sur ce point car ces services peuvent être très<br />
importants en complément de l’activité productive<br />
classique.<br />
«Je pense que <strong>le</strong> rural peut<br />
apporter quelque chose dans<br />
l’invention de nouveaux services»<br />
Je veux insister toutefois sur un aspect de la question<br />
qui me paraît fondamental : <strong>le</strong>s territoires ruraux<br />
apportent-ils quelque chose en termes d’innovation par<br />
rapport aux territoires métropolitains ? Il est vrai que<br />
l’on ne refera pas <strong>le</strong> passé ! Autrement dit, on ne<br />
refera pas <strong>le</strong>s services du passé et on invente de<br />
nouveaux services. Je pense que <strong>le</strong> rural peut apporter<br />
quelque chose dans l’invention de nouveaux services.<br />
Ne nous inscrivons pas seu<strong>le</strong>ment dans la défense d’un<br />
certain nombre de services qui préexistaient contre<br />
d’autres qui <strong>le</strong>s ont détruits ou qui <strong>le</strong>s attaquent !<br />
Inscrivons-nous éga<strong>le</strong>ment dans l’innovation !<br />
Sous l’ang<strong>le</strong> du service à la personne et considérant<br />
une situation où <strong>le</strong>s habitants sont éloignés <strong>le</strong>s uns des<br />
autres, il y a certainement à développer des technologies,<br />
à inventer des natures de prestations de services<br />
partagés, par exemp<strong>le</strong> en termes de surveillance des<br />
personnes âgées à domici<strong>le</strong>. Je pense qu’il y a, sur ce<br />
plan-là, tout un secteur d’activités à développer. Une<br />
maison de retraite est un objet économique important<br />
et un pô<strong>le</strong> de services sur un territoire donné peut aussi<br />
être un atout.<br />
De là, mon interrogation fondamenta<strong>le</strong> vis-à-vis des<br />
territoires ruraux. A cause de <strong>le</strong>urs caractéristiques, ne<br />
sont-ils pas en opposition avec l’idée d’agglomération<br />
comme un facteur décisif ? Mais ne sont-ils pas aussi<br />
un lieu d’innovation important sur <strong>le</strong> secteur productif<br />
comme sur <strong>le</strong> secteur des services ?<br />
Je prends ici un exemp<strong>le</strong> tota<strong>le</strong>ment différent, mais qui<br />
rejoint quand même <strong>le</strong> service à la personne. En<br />
Meurthe-et-Mosel<strong>le</strong>, sur <strong>le</strong> bassin de Pompey, une<br />
entreprise industriel<strong>le</strong> a inventé une machine à cuire <strong>le</strong><br />
pain ! Des boulangers ont mis ainsi en place une<br />
distribution de <strong>le</strong>ur pain. De la sorte, ceux-ci alimentent<br />
cette machine, permettant <strong>le</strong> maintien d’un contact<br />
direct avec <strong>le</strong> client sans avoir à passer par la baguette<br />
industriel<strong>le</strong> de la <strong>grand</strong>e surface ! Du coup, l’activité<br />
des boulangers a pu être maintenue. C’est toujours un<br />
artisan boulanger qui fait sa pâte à sa façon et<br />
distribue son pain grâce à un moyen technique<br />
nouveau qui a d’ail<strong>le</strong>urs été inventé sur place.<br />
Cette question des services à la personne va devenir<br />
crucia<strong>le</strong> et ce sont peut-être <strong>le</strong>s territoires ruraux qui<br />
vont nous apprendre à passer à une nouvel<strong>le</strong> ère, à un<br />
moment où la population vieillit et alors que la<br />
question de la dépendance se pose de plus en plus.<br />
Pour moi, cette question reste ouverte, mais je crois<br />
qu’il y a sous cet ang<strong>le</strong> un potentiel réel d’innovation.»
Hervé Guyomard, pouvez-vous nous en dire<br />
davantage sur ce qui fonde l’attractivité des<br />
territoires et, notamment, sur un aspect qui a été<br />
peu évoqué : la question du foncier.<br />
Dominique VOLLET<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
TABLE RONDE<br />
M. Hervé<br />
GUYOMARD<br />
Directeur scientifique<br />
« Agriculture » de l’INRA<br />
«Je dois dire d’abord que si nous avions la recette<br />
mirac<strong>le</strong>, nous l’appliquerions !<br />
La question des services, quels qu’ils soient, est<br />
fondamenta<strong>le</strong>. Les populations, résidentes ou<br />
passagères, demandent des services, et ce quel que<br />
soit l’organisme, l’institution ou <strong>le</strong> dispositif qui <strong>le</strong>s<br />
offrent. C’est d’abord peut-être sur cette question de la<br />
demande des services qu’il faut réfléchir.<br />
La question de l’innovation est évidemment très<br />
importante. Question incidente à la vôtre, en quoi<br />
serez-vous plutôt incité à innover dans ces territoires<br />
ruraux ? Qu’al<strong>le</strong>z-vous y valoriser davantage plutôt<br />
qu’ail<strong>le</strong>urs ?<br />
Il faut essayer de valoriser <strong>le</strong>s ressources de ces<br />
territoires ruraux qui ne sont pas délocalisab<strong>le</strong>s, mais<br />
fixes en quelque sorte. Compte tenu des avantages<br />
comparatifs, certaines ressources doivent être<br />
améliorées dans certains cas, considérant des effets<br />
négatifs qui ont pu être observés dans <strong>le</strong> cadre de<br />
l’agriculture ou sous l’ang<strong>le</strong> d’une utilisation intensive<br />
de la forêt. En fait, il faut lutter aussi contre <strong>le</strong>s<br />
inconvénients que vous avez mentionnés, l’objectif<br />
étant que <strong>le</strong>s avantages puissent l’emporter sur <strong>le</strong>s<br />
inconvénients.<br />
«Il faut essayer de valoriser <strong>le</strong>s<br />
ressources de ces territoires<br />
ruraux qui ne sont pas<br />
délocalisab<strong>le</strong>s»<br />
Dans cette perspective, se pose la question très<br />
importante du foncier.<br />
Pour revenir sur <strong>le</strong> point évoqué par Dominique Vol<strong>le</strong>t,<br />
l’une des forces principa<strong>le</strong>s qui va à l’encontre de<br />
l’agglomération et qui induit donc une certaine<br />
dispersion, c’est bien la question foncière. Le prix du<br />
foncier et l’accès au foncier sont des problématiques<br />
qui se posent dans de nombreuses métropo<strong>le</strong>s et pas<br />
seu<strong>le</strong>ment à Paris.<br />
Une question se pose donc aujourd’hui : comment<br />
arriver à valoriser <strong>le</strong> foncier, au delà de tout ce qui a<br />
déjà été fait en la matière ? Je ne par<strong>le</strong> pas de<br />
mil<strong>le</strong>feuil<strong>le</strong> territorial sur <strong>le</strong> plan foncier, mais je pense<br />
que la marge de progrès est <strong>grand</strong>e de tel<strong>le</strong> façon que<br />
<strong>le</strong>s territoires valorisent mieux <strong>le</strong> foncier qu’ils ne <strong>le</strong><br />
font aujourd’hui, évidemment pour des usages<br />
agrico<strong>le</strong>s, point qui m’intéresse en premier lieu, mais<br />
pas seu<strong>le</strong>ment. Dans ce cadre-là, cette problématique<br />
rejoint la question des aménités ou des effets positifs<br />
associés à des usages ouverts du foncier, notamment<br />
en termes de paysage, aujourd’hui insuffisamment<br />
»<br />
valorisés. La solution passe par la création de marchés<br />
ou de marchés liés, comme ceux afférents au tourisme.<br />
89
M. Asko<br />
PELTOLA<br />
Président du Conseil régional<br />
d’Ostrobothnie du Sud (Finlande)<br />
«<br />
(Interprète)<br />
Il est éga<strong>le</strong>ment essentiel de bénéficier des mêmes<br />
infrastructures numériques et technologiques que dans<br />
<strong>le</strong>s <strong>grand</strong>es zones métropolitaines. La possibilité d’offrir<br />
aux entreprises et aux citoyens exactement <strong>le</strong>s mêmes<br />
services que dans ces zones est vraiment pour nous un<br />
élément stratégique. C’est la<br />
»<br />
clé fondamenta<strong>le</strong> pour <strong>le</strong><br />
développement de la région.<br />
Comment <strong>le</strong>s territoires peuvent-ils tirer parti de<br />
collaborations avec <strong>le</strong> monde de la recherche, en<br />
particulier sur la question de l’économie verte ?<br />
Patrice Soudan, en tant que Président du pô<strong>le</strong><br />
Elopsys basé à Limoges, pouvez-vous nous éclairer<br />
sur toutes ces perfusions que nous appelons de nos<br />
vœux entre recherche et territoires ?<br />
M. Patrice<br />
SOUDAN<br />
Directeur général adjoint<br />
du Groupe Le<strong>grand</strong><br />
Dominique VOLLET<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
TABLE RONDE<br />
«<br />
Je vais vous répondre, d’abord, en mettant ma<br />
casquette pô<strong>le</strong> de compétitivité et, ensuite, en vous<br />
donnant un exemp<strong>le</strong> avec ma casquette Le<strong>grand</strong>.<br />
Point essentiel d’ail<strong>le</strong>urs évoqué précédemment, il faut<br />
que <strong>le</strong>s synergies d’intérêts existantes entre <strong>le</strong>s<br />
différents acteurs privés, publics, économiques et <strong>le</strong>s<br />
col<strong>le</strong>ctivités territoria<strong>le</strong>s fonctionnent bien. En cas de<br />
déséquilibre, automatiquement el<strong>le</strong>s ne fonctionneront<br />
pas bien : soit <strong>le</strong> tissu industriel est faib<strong>le</strong> ; soit il n’y a<br />
pas de recherche et développement dans la région ;<br />
soit c’est un problème d’innovation. Autrement dit,<br />
différents éléments doivent contribuer au dynamisme<br />
de la région.<br />
Le pô<strong>le</strong> de compétitivité Elopsys est adossé à un<br />
laboratoire de recherche très important, XLIM, basé à<br />
Limoges, à Poitiers et à Brive, et qui compte à peu près<br />
480 chercheurs. Depuis la création du pô<strong>le</strong> en 2006,<br />
nous avons vu passer environ 350 projets dont 140<br />
ont été financés, chiffre assez significatif.<br />
Toutefois, la difficulté est liée au fait que <strong>le</strong> tissu<br />
industriel de la région Limousin est relativement faib<strong>le</strong>.<br />
En conséquence, un certain nombre de projets, au lieu<br />
de contribuer à la vie économique loca<strong>le</strong>, ont dû «<br />
s’expatrier », si je puis m’exprimer ainsi, en allant<br />
dans d’autres régions ou dans des métropo<strong>le</strong>s où ils<br />
ont pu trouver des acteurs industriels en mesure de<br />
porter <strong>le</strong>s projets avec <strong>le</strong> laboratoire XLIM.<br />
90
Une trentaine de start-up ont été créées dans <strong>le</strong> même<br />
interval<strong>le</strong>, ce qui n’est pas négligeab<strong>le</strong>. Ce sont des<br />
sociétés plutôt jeunes, mais avec des effectifs<br />
relativement réduits, même si des emplois ont été<br />
créés.<br />
«Un tiers des Limousins a plus de<br />
60 ans ! Tout <strong>le</strong> monde a<br />
maintenant compris que ce<br />
déséquilibre démographique peut<br />
devenir un avantage compétitif»<br />
J’insiste donc sur <strong>le</strong> fait que, pour que <strong>le</strong>s synergies<br />
fonctionnent, il faut que la recherche, l’industrie et tout<br />
l’environnement social, économique et local puissent<br />
contribuer à ce qu’un projet puisse devenir générateur<br />
d’emplois et de richesses.<br />
Quittant ma casquette pô<strong>le</strong> de compétitivité pour<br />
prendre ma casquette Le<strong>grand</strong>, je vous donne un<br />
exemp<strong>le</strong> porteur puisqu’il faut plutôt mettre en avant<br />
<strong>le</strong>s réalisations positives. C’est <strong>le</strong> sujet de la Silver<br />
Economie dans <strong>le</strong> cadre de laquel<strong>le</strong> il y a effectivement<br />
une bonne synergie d’intérêts entre l’industriel – à<br />
savoir Le<strong>grand</strong> – et toute la col<strong>le</strong>ctivité socia<strong>le</strong> et<br />
sociéta<strong>le</strong>.<br />
Un tiers des Limousins a plus de 60 ans ! Tout <strong>le</strong><br />
monde a maintenant compris que ce déséquilibre<br />
démographique peut devenir un avantage compétitif<br />
dans cet environnement. En conséquence, il s’est créé<br />
un écosystème qui a permis de mettre en place un<br />
certain nombre d’initiatives en Creuse et en Corrèze<br />
pour l’assistance et <strong>le</strong> maintien à domici<strong>le</strong> des<br />
personnes âgées ou des personnes dépendantes. Nous<br />
rejoignons là <strong>le</strong>s sujets d’innovation évoqués<br />
précédemment. La ruralité peut donc contribuer<br />
effectivement à l’innovation, mais encore faut-il que <strong>le</strong>s<br />
différents « morceaux » du puzz<strong>le</strong> puissent contribuer<br />
à cette innovation pour qu’ensuite el<strong>le</strong> se transforme<br />
en économie et en richesses.»<br />
Après la vue de l’entreprise, cel<strong>le</strong><br />
complémentaire de la recherche, Hervé<br />
Guyomard ?<br />
M. Hervé<br />
GUYOMARD<br />
Directeur scientifique<br />
« Agriculture » de l’INRA<br />
Dominique VOLLET<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
TABLE RONDE<br />
«L’INRA est un institut de recherche finalisée et donc<br />
avec une volonté d’impacts et de solutions. Il est<br />
implanté dans de nombreuses régions et nous<br />
travaillons donc beaucoup avec différents pô<strong>le</strong>s de<br />
compétitivité, notamment concernant <strong>le</strong> domaine<br />
agrico<strong>le</strong> et agroalimentaire.<br />
Que peuvent faire <strong>le</strong> monde de la recherche et<br />
l’ensemb<strong>le</strong> des acteurs par rapport au développement<br />
des territoires ? Pour notre part, en tant que recherche<br />
publique, nous devons essayer de valoriser ce que<br />
j’appel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s ressources spécifiques des territoires de<br />
tel<strong>le</strong> façon que la va<strong>le</strong>ur ajoutée créée par <strong>le</strong>s activités<br />
soit gardées dans <strong>le</strong>sdites régions. Dans ce cadre là,<br />
nombreux sont <strong>le</strong>s gisements et j’en citerai deux.<br />
Le premier est relatif aux déchets et sous-produits dans<br />
«On fonctionne de façon<br />
encore un peu trop<br />
cloisonnée par filière»<br />
<strong>le</strong>s territoires. Qu’ils soient d’origine ménagère,<br />
industriel<strong>le</strong>, agrico<strong>le</strong>, forestière ou autre, il s’agit en<br />
fait, dans ce concept d’économie verte ou d’économie<br />
circulaire, de prendre en compte simultanément<br />
l’ensemb<strong>le</strong> des ressources de la biomasse, que ce soit<br />
pour produire de la cha<strong>le</strong>ur, faire de la méthanisation,<br />
par exemp<strong>le</strong>, mais peu importe car <strong>le</strong> problème n’est<br />
91
92<br />
pas là ! En fait, il s’agit de raisonner à une échel<strong>le</strong><br />
supérieure à un seul secteur – pour ce qui me concerne<br />
<strong>le</strong> secteur agrico<strong>le</strong> – de tel<strong>le</strong> façon à obtenir des<br />
économies d’échel<strong>le</strong> en développant <strong>le</strong>s possibilités<br />
d’accès à une biomasse.<br />
Le second a trait au recours aux technologies de pointe<br />
sur <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s il ne faut pas non plus avoir peur d’al<strong>le</strong>r<br />
aussi, y compris en profitant d’autres filières. Les<br />
services à la personne et, notamment, aux personnes<br />
âgées ont été évoqués précédemment. Prenez un<br />
secteur tota<strong>le</strong>ment différent, celui de l’agriculture de<br />
précision et, plus précisément, des porcheries de<br />
précision. En termes de technologies d’informations, de<br />
statistiques, de traitement des données, ce sont <strong>le</strong>s<br />
mêmes dispositifs et <strong>le</strong>s mêmes logiciels qui<br />
s’appliquent. Evidemment, des adaptations sont<br />
nécessaires. En fait, <strong>le</strong> défi est de trouver des<br />
dispositifs appropriés et de s’assurer qu’il existe un<br />
marché suffisant, qu’il relève du domaine de l’aide aux<br />
personnes âgées et à la petite enfance ou d’un secteur<br />
très différent comme l’agriculture. L’approche n’est pas<br />
si simp<strong>le</strong>, sachant que l’on fonctionne<br />
»<br />
de façon encore<br />
un peu trop cloisonnée par filière.<br />
Dominique VOLLET<br />
Jean-Pierre Aubert, dans quel<strong>le</strong> autre<br />
exemp<strong>le</strong> de filière <strong>le</strong> lien entre recherche et<br />
développement est-il particulièrement<br />
stratégique ?<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
TABLE RONDE<br />
M. Jean-Pierre<br />
AUBERT<br />
Président de la mission<br />
« Anticipation et accompagnement<br />
des mutations économiques »<br />
auprès du Premier ministre,<br />
Président de SNCF Développement et<br />
Secrétaire général de la<br />
Chaire « Mutations – Anticipations –<br />
Innovations »<br />
«Celui de la filière équine en Normandie. Les Jeux<br />
Equestres Mondiaux qui se préparent en ce moment et<br />
doivent s’y dérou<strong>le</strong>r font l’image !<br />
La Normandie fait un très gros investissement en<br />
essayant de développer cet écosystème pour <strong>le</strong> cheval<br />
autour de l’idée de maîtrise de l’ensemb<strong>le</strong> des aspects<br />
de la filière, y compris en termes de développement.<br />
C’est <strong>le</strong> seul pô<strong>le</strong> de compétitivité existant sur la filière<br />
équine et il s’inscrit dans un lien très étroit entre <strong>le</strong>s<br />
é<strong>le</strong>veurs dans toutes <strong>le</strong>urs composantes et la<br />
recherche.<br />
Cet exemp<strong>le</strong> me permet d’illustrer <strong>le</strong> fait rapporté par<br />
<strong>le</strong>s deux intervenants précédant. On peut peut-être<br />
combattre <strong>le</strong>s effets d’agglomération par l’intensité des<br />
relations qui se situent à tous <strong>le</strong>s niveaux de ces<br />
composantes. Cette intensité passe par la possibilité<br />
d’avoir des connaissances transversa<strong>le</strong>s. Sans<br />
nécessairement se traduire par une invention dans<br />
chaque filière ou dans chaque secteur, el<strong>le</strong> se<br />
concrétise par la possibilité de transférer des<br />
connaissances acquises dans d’autres secteurs vers <strong>le</strong><br />
secteur considéré. Cette approche me paraît<br />
extrêmement importante. A mon sens, par cette<br />
intensité et par cet entretien des relations sur <strong>le</strong>squels<br />
ils peuvent avoir une responsabilité, <strong>le</strong>s territoires<br />
ruraux peuvent avoir une place pour combattre et peut<br />
être même trouver des voies alternatives à<br />
l’agglomération.<br />
«On peut peut-être combattre <strong>le</strong>s<br />
effets d’agglomération par la<br />
possibilité de transférer des<br />
connaissances acquises dans<br />
d’autres secteurs vers <strong>le</strong> secteur<br />
considéré»<br />
Si cette dernière est un avantage à certains égards,<br />
el<strong>le</strong> crée aussi des obstac<strong>le</strong>s. Nous savons très bien<br />
que <strong>le</strong>s difficultés de communication sont réel<strong>le</strong>s dans<br />
certaines agglomérations ou métropo<strong>le</strong>s, avec des<br />
cloisonnements.<br />
Peut-on trouver d’autres voies alternatives pour avoir<br />
l’intensité et la synergie nécessaires ? Je crois que oui.<br />
Mais c’est un <strong>pari</strong> et je pense que c’est <strong>le</strong> <strong>pari</strong> de<br />
l’avenir des territoires ruraux.»
M. Asko PELTOLA<br />
Président du Conseil régional<br />
d’Ostrobothnie du Sud (Finlande)<br />
«<br />
(Interprète)<br />
A mon sens, <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de la recherche est absolument<br />
fondamental pour donner de la vitalité aux zones<br />
rura<strong>le</strong>s. Tout <strong>le</strong> monde <strong>le</strong> sait, nous nous orientons<br />
aujourd’hui vers une économie plus « verte » qui est,<br />
en principe, l’apanage plus des zones rura<strong>le</strong>s, alors que<br />
tout ce qui est recherche – développement est surtout<br />
celui des vil<strong>le</strong>s et des zones métropolitaines. Toutefois,<br />
des initiatives peuvent être prises, comme je vais<br />
l’illustrer.<br />
«En incitant des<br />
universitaires à faire de<br />
la recherche au service<br />
de la région»<br />
La région d’Ostrobothnie ne compte pas d’université<br />
technique et scientifique. Toutefois, voilà une quinzaine<br />
d’années, il a été décidé de créer une équipe<br />
universitaire de recherche pour aider au développement<br />
de la région. Un réseau d’universitaires et de<br />
chercheurs a ainsi été créé – ils sont au nombre de 15<br />
aujourd’hui – travaillant sur différents secteurs liés plus<br />
spécia<strong>le</strong>ment au développement économique territorial.<br />
Trois catégories d’acteurs ont pris part à ce projet de<br />
recherche – développement : des universités en<br />
incitant des universitaires à faire de la recherche au<br />
service de la région, <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s et l’Union<br />
européenne par <strong>le</strong> biais de financements et de<br />
nombreuses entreprises qui investissent el<strong>le</strong>s-mêmes<br />
aussi au profit de la recherche, à raison de quelque<br />
10 000 € ou 20 000 €. Cette équipe de 15 à 20<br />
universitaires et chercheurs est au service des<br />
entrepreneurs de la région pour répondre à <strong>le</strong>urs<br />
besoins et contribue ainsi au développement des zones<br />
rura<strong>le</strong>s, ce qui nous paraît absolument fondamental.<br />
Je tiens à préciser que cette initiative est née dans la<br />
région el<strong>le</strong>-même. El<strong>le</strong> n’est ni <strong>le</strong> fait du gouvernement<br />
central ni des universités. Ce sont <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités<br />
el<strong>le</strong>s-mêmes qui ont entrepris cette démarche auprès<br />
des universités, sollicitant <strong>le</strong> concours de chercheurs,<br />
»<br />
une recherche vraiment menée au service du territoire.<br />
Je vous propose maintenant d’engager <strong>le</strong> débat<br />
avec l’assistance.<br />
Dominique VOLLET<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
TABLE RONDE<br />
93
94<br />
«<br />
Ingénieur forestier<br />
Ingénieur forestier et représentant un cabinet<br />
d’expertise basé à Vichy, Arborea, je souhaite évoquer<br />
un secteur qui représente tout de même 30 % du<br />
territoire français, plaçant la France au troisième rang<br />
européen, après la Finlande : la forêt. La forêt ou du<br />
moins l’espace vert dans ce milieu rural m’apparaît<br />
trop souvent évoqué comme un espace« passif ». C’est<br />
un espace qui accueil<strong>le</strong> des activités sportives et que<br />
l’on a plaisir à observer pour <strong>le</strong>s animaux, <strong>le</strong> paysage,<br />
l’eau. Mais il n’en est jamais parlé comme un espace<br />
« actif », un espace économique. C’est pourtant un<br />
espace de production avec des acteurs et une filière.<br />
En Auvergne, un petit cabinet a essayé d’innover avec<br />
des moyens technologiques simp<strong>le</strong>s et de réveil<strong>le</strong>r la<br />
conscience des propriétaires forestiers car ils sont <strong>le</strong><br />
premier maillon de la filière bois, en <strong>le</strong>ur proposant des<br />
services par internet. Le propos était de <strong>le</strong>ur faire<br />
prendre conscience qu’ils n’avaient pas que quelques<br />
hectares à gérer mais un véritab<strong>le</strong> patrimoine.<br />
Dans cette démarche des nouvel<strong>le</strong>s ruralités, quel<br />
appui concret al<strong>le</strong>z-vous apporter à ces entreprises<br />
loca<strong>le</strong>s qui essayent de dynamiser<br />
cet espace rural ?»<br />
En effet, <strong>le</strong> cas de la filière bois a été rapidement évoqué<br />
sur la question des aménités. Si l’agriculture est<br />
pourvoyeuse d’aménités et source d’agrément du<br />
paysage, la forêt l’est aussi, étant largement fréquentée et<br />
pas seu<strong>le</strong>ment dans <strong>le</strong> <strong>grand</strong> bassin <strong>pari</strong>sien.<br />
Concernant l’industrie du bois, l’INRA a travaillé sur un<br />
certain nombre d’éléments ?<br />
«<br />
L’INRA travail<strong>le</strong> sur la forêt non seu<strong>le</strong>ment à Nancy,<br />
mais aussi à Orléans et Bordeaux.<br />
La filière française du bois souffre sans doute au niveau<br />
de la production et c’est donc la première question<br />
qu’il faut travail<strong>le</strong>r.<br />
La deuxième question tient au fait que nombre de<br />
travaux et de recherches vont jusqu’à la mise en œuvre<br />
d’expérimentations tendant à valoriser <strong>le</strong>s différentes<br />
aménités forestières, c’est-à-dire <strong>le</strong>s différents services<br />
environnementaux et territoriaux rendus par la forêt. La<br />
démarche n’est pas si simp<strong>le</strong> parce que ces services ne<br />
vont pas toujours tous dans <strong>le</strong> même sens et il<br />
convient de faire attention à la façon dont peuvent se<br />
concilier <strong>le</strong>s différents services rendus. Sous cet ang<strong>le</strong>,<br />
il faut être attentif à ceux que vous privilégiez.<br />
La troisième question qui se dégage d’après ce que je<br />
sais des recherches qui peuvent être menées est cel<strong>le</strong><br />
de la propriété forestière en France. Vous devez<br />
d’ail<strong>le</strong>urs, madame, être plus experte que moi en la<br />
matière. La problématique est cel<strong>le</strong> de la capacité des<br />
différents acteurs, publics mais surtout privés,<br />
nombreux étant <strong>le</strong>s propriétaires privés, à pouvoir<br />
Dominique VOLLET<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
TABLE RONDE<br />
mettre en œuvre l’ensemb<strong>le</strong> des services que vous<br />
mentionnez et sur <strong>le</strong>squels vous travail<strong>le</strong>z. La<br />
démarche suppose <strong>le</strong> même effort que pour <strong>le</strong>s<br />
territoires.<br />
Enfin, j’aurais tendance à dire qu’il y a, certes, des<br />
spécificités forestières, mais sans doute faut-il inscrire<br />
l’approche dans la démarche<br />
»<br />
transversa<strong>le</strong> dont nous<br />
parlions tout à l’heure.<br />
Asko Peltola, pouvez-vous nous éclairer sur<br />
<strong>le</strong>s facteurs de la dimension productive<br />
forestière en Finlande ?<br />
Dominique VOLLET<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
TABLE RONDE<br />
«<br />
(Interprète)<br />
La filière bois est très importante pour notre région en<br />
termes économiques. Plusieurs entreprises s’occupent<br />
de la préfabrication de maisons en bois. Avec notre<br />
réseau de chercheurs que j’évoquais précédemment,<br />
nous sommes, par exemp<strong>le</strong>, en train de développer de<br />
nouvel<strong>le</strong>s technologies pour mettre au point de<br />
nouvel<strong>le</strong>s formes de maisons et de bâtiments. C’est <strong>le</strong><br />
cas actuel<strong>le</strong>ment pour de nouveaux modè<strong>le</strong>s de<br />
»<br />
bâtiments en bois comprenant jusqu’à huit étages.
«Je suis utilisateur d’espace rural en <strong>grand</strong>e quantité et<br />
ma question concerne précisément <strong>le</strong> foncier. Non, ce<br />
beau pays n’est pas vide. Il a des habitants, et ce<br />
encore pour un moment, du moins je l’espère, car cela<br />
peut toujours changer… Depuis <strong>le</strong> début de cette<br />
journée, nous avons entendu tout <strong>le</strong> bien qu’il est<br />
possib<strong>le</strong> de retirer d’une vie simp<strong>le</strong> et saine à la<br />
<strong>campagne</strong>, mais au-delà des <strong>grand</strong>es envolées<br />
lyriques, encore faut-il pouvoir y vivre.<br />
La dernière loi SRU a sanctuarisé <strong>le</strong>s terres agrico<strong>le</strong>s. Si<br />
cette volonté peut être concevab<strong>le</strong> en zone<br />
périurbaine, il faut tenir compte de l’interdiction de<br />
construire en ZA – zone agrico<strong>le</strong> – même si <strong>le</strong>s<br />
parcel<strong>le</strong>s ne sont pas des terres agrico<strong>le</strong>s. Par exemp<strong>le</strong>,<br />
un artisan ne pourra pas construire son atelier ou un<br />
propriétaire de chevaux un abri de pâture. Cette<br />
interdiction fait de notre espace local un sanctuaire. Or,<br />
un sanctuaire n’est certainement pas un lieu dédié à<br />
l’innovation et au développement. L’esprit d’entreprise<br />
se brise sur cet obstac<strong>le</strong> administratif et chaque<br />
initiative rejetée est définitivement perdue pour <strong>le</strong>s<br />
<strong>campagne</strong>s, alors qu’el<strong>le</strong>s en ont bien besoin.<br />
«L’interdiction de construire<br />
en ZA fait de notre espace<br />
local un sanctuaire»<br />
De là ma question ! Al<strong>le</strong>z-vous œuvrer – enfin ! – à la<br />
liberté de vivre à la <strong>campagne</strong> comme à la vil<strong>le</strong>, en<br />
redonnant par exemp<strong>le</strong> la possibilité de juger de<br />
l’opportunité des constructions, alors que, jusqu’à<br />
présent, ce sont <strong>le</strong>s préfets qui ont <strong>le</strong> dernier mot ?<br />
Merci au<br />
»<br />
nom des 30 millions d’utilisateurs de l’espace<br />
rural !<br />
Dominique VOLLET<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
TABLE RONDE<br />
La question du foncier a été évoquée tout à<br />
l’heure. El<strong>le</strong> relève typiquement d’une fonction<br />
régalienne de l’Etat, s’agissant de<br />
l’administration de la surface. La démarche des<br />
nouvel<strong>le</strong>s ruralités n’ignore bien évidemment pas<br />
<strong>le</strong>s questions liées à la gestion du foncier.<br />
Je ne suis pas un spécialiste de la rég<strong>le</strong>mentation du<br />
foncier, mais je suis plutôt sensib<strong>le</strong> à ce qui vient d’être<br />
dit sur l’impossibilité d’entreprendre et sur <strong>le</strong>s marges<br />
de soup<strong>le</strong>sse que l’on peut essayer d’obtenir.<br />
Il a été suffisamment évoqué au cours de cette journée<br />
<strong>le</strong> fait que <strong>le</strong>s rég<strong>le</strong>mentations peuvent être<br />
quelquefois des obstac<strong>le</strong>s. Mais sur <strong>le</strong> foncier, il y a<br />
sans doute un dialogue à mener avec <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités<br />
loca<strong>le</strong>s. En tout cas, c’est ce que j’ai souvent vu sur <strong>le</strong><br />
plan industriel. El<strong>le</strong>s ont quand même un rô<strong>le</strong> à jouer<br />
sur la dévolution du foncier et son traitement en<br />
termes de protection et de sécurité. Un tel rô<strong>le</strong><br />
s’impose.<br />
Nous serons tous d’accord pour reconnaître <strong>le</strong> caractère<br />
peut-être excessif de rég<strong>le</strong>mentations dans certains<br />
domaines, mais aussi la nécessité de protections.<br />
Dans cet équilibre, je suis sensib<strong>le</strong> au fait que doit<br />
prévaloir <strong>le</strong> plus possib<strong>le</strong>, dans <strong>le</strong> respect de la sécurité,<br />
la possibilité d’entreprendre dans l’esprit de ce qui a<br />
été dit précédemment. Cette possibilité a des limites,<br />
compte tenu des problèmes de protection précités.<br />
C’est <strong>le</strong> cas en Bretagne, compte tenu des pollutions<br />
qui peuvent naître d’une certaine liberté de production.<br />
Des protections sont par exemp<strong>le</strong> prévues pour l’eau,<br />
entre autres.<br />
« «Des enjeux du foncier vont<br />
devenir cruciaux, y compris dans<br />
des zones où l’espace existe»<br />
Je ne suis pas suffisamment spécialiste pour apporter<br />
des éléments de réponse très précis, mais il est certain<br />
que la question de l’utilisation et de la dévolution du<br />
foncier deviendra de plus en plus crucia<strong>le</strong>, même en<br />
territoire rural.<br />
Je reviens sur l’exemp<strong>le</strong> de la Normandie pour la filière<br />
équine : il y a un conflit de dévolution entre cette filière<br />
et d’autres filières agrico<strong>le</strong>s, dont la filière bovine.<br />
D’autres utilisations sont, en effet, envisageab<strong>le</strong>s et<br />
l’alimentation du bétail peut être contradictoire avec<br />
l’utilisation du pâturage. Je prends cet exemp<strong>le</strong> pour<br />
souligner que des enjeux du foncier vont devenir<br />
cruciaux, y compris dans des zones où, théoriquement,<br />
l’espace existe.<br />
Cette question du foncier tout à fait importante n’est<br />
pas seu<strong>le</strong>ment d’ordre rég<strong>le</strong>mentaire, mais el<strong>le</strong> est<br />
relative à<br />
»<br />
des priorités qui vont devoir traiter de conflits<br />
d’intérêts. 95
Mesdames, messieurs, nous étions l’an dernier à Vichy<br />
pour <strong>le</strong> premier colloque national sur <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s<br />
ruralités. Avec ces Etats Généraux des Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités<br />
« Campagnes, <strong>le</strong> <strong>grand</strong> <strong>pari</strong> », nous n’avons peut-être<br />
pas gagné l’ensemb<strong>le</strong> du « <strong>grand</strong> <strong>pari</strong> », mais il me<br />
semb<strong>le</strong> que <strong>le</strong> <strong>pari</strong> des Etats Généraux, lui, est gagné.<br />
Marquée par la réforme territoria<strong>le</strong>, cette journée a<br />
permis de faire passer <strong>le</strong> message des <strong>campagne</strong>s au<br />
travers de celui de la réforme territoria<strong>le</strong>. Je laisse <strong>le</strong> soin<br />
aux « quatre mousquetaires » de la conclure.<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
96
«<br />
L’année<br />
M. Jean-Paul<br />
DUFREGNE<br />
Président du Conseil<br />
général de l’Allier<br />
«<br />
dernière, nous étions à Vichy dans <strong>le</strong> cadre de ce<br />
colloque d’installation d’une démarche et, aujourd’hui,<br />
nous sommes dans une journée d’action. Cette journée a<br />
été possib<strong>le</strong> parce que nous avons pris l’initiative avec<br />
mes collègues de lancer cette mission de réf<strong>le</strong>xion sur <strong>le</strong>s<br />
nouvel<strong>le</strong>s ruralités et sur <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s fonctions de ces<br />
territoires. Nous avons pu ainsi réagir directement à<br />
l’actualité qui pointe aujourd’hui notamment la<br />
dis<strong>pari</strong>tion des départements.<br />
«L’année dernière, nous étions dans<br />
l’installation d’une démarche et<br />
aujourd’hui, nous sommes dans une<br />
journée d’action qui nous permet<br />
d’interpel<strong>le</strong>r directement cel<strong>le</strong>s et<br />
ceux qui ont <strong>le</strong>s commandes<br />
de la France» »<br />
Je pense que la démarche que nous avons engagée<br />
devient maintenant particulièrement uti<strong>le</strong> au débat qui<br />
s’ouvre. Nous ne souhaitions, et pas nous ne<br />
souhaitons pas, que cette démarche soit exclusivement<br />
cel<strong>le</strong> des départements ou des Conseils généraux. La<br />
suite que nous voulions y donner s’impose aujourd’hui,<br />
à savoir cel<strong>le</strong> d’une réf<strong>le</strong>xion intégra<strong>le</strong>ment ouverte sur<br />
l’ensemb<strong>le</strong> des territoires ruraux. Vanik Berberian avec<br />
qui j’en avais discuté ce matin a donné ce signe :<br />
travail<strong>le</strong>r avec <strong>le</strong>s communes et <strong>le</strong>s intercommunalités,<br />
mais aussi avec l’ensemb<strong>le</strong> des partenaires<br />
directement concernés aujourd’hui par cette question<br />
sociéta<strong>le</strong> autour de ces espaces ruraux.<br />
Oui, pour moi, c’est une journée qui compte et qui ne<br />
sera pas pour rien ! El<strong>le</strong> nous permet, au-delà de<br />
l’installation de plus en plus forte de cette réf<strong>le</strong>xion,<br />
d’interpel<strong>le</strong>r directement cel<strong>le</strong>s et ceux qui ont <strong>le</strong>s<br />
commandes de la France aujourd’hui, de <strong>le</strong>ur dire que<br />
nous sommes là et que nous existons, que notre<br />
démarche de valorisation des ruralités dans ces<br />
nouvel<strong>le</strong>s fonctions est uti<strong>le</strong> à la réf<strong>le</strong>xion de notre<br />
pays.<br />
97
M. Jean-Pierre<br />
SAULNIER<br />
Président du Conseil<br />
général du Cher<br />
Jean-Pierre Saulnier, nous aurions pu avoir un débat et des<br />
discussions entre spécialistes et entre élus que vous êtes.<br />
Fina<strong>le</strong>ment, notre débat a été ouvert. C’est ainsi que Mme<br />
Irène Félix, Vice-présidente du Conseil général du Cher, a<br />
abordé <strong>le</strong> dossier de la démocratie de proximité et de la<br />
gouvernance.<br />
Nous nous apercevons que <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s ruralités se<br />
gagneront si nous inventons et partageons aussi d’autres<br />
modes de gouvernance et de montage de projets, discours<br />
que Jean Paul Dufrègne et Patrice Joly tiennent souvent.<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
«Oui, comme vous l’avez vu aujourd’hui, <strong>le</strong>s Nouvel<strong>le</strong>s<br />
Ruralités sont un espace de débats et un espace de<br />
combats, de propositions concrètes pour l’avenir. Je crois<br />
que c’est dans cet esprit que nous travaillons. Le<br />
courage, la créativité, l’innovation, l’ingéniosité existent<br />
dans nos territoires ruraux.<br />
Les débats de ce matin et de cet après-midi en ont<br />
témoigné. En témoigne aussi <strong>le</strong> rapport que nous avons<br />
remis à l’Assemblée des Départements de France et qui<br />
a été adopté à l’unanimité du bureau.<br />
«Les Nouvel<strong>le</strong>s Ruralités sont un<br />
espace de débats et de combats,<br />
de propositions concrètes pour<br />
l’avenir»<br />
C’est dire que, même si nos départements ont des<br />
différences, <strong>le</strong>s problématiques sont <strong>le</strong>s mêmes et nous<br />
voulons y répondre col<strong>le</strong>ctivement avec l’ensemb<strong>le</strong> des<br />
acteurs et l’ensemb<strong>le</strong> des citoyens. Nous voulons oser !<br />
Nous osons, nous agissons ensemb<strong>le</strong> et nous voulons<br />
poursuivre dans cette logique pour l’avenir.<br />
Merci à vous toutes et à vous tous de votre présence et<br />
de vos contributions, en particulier à ceux qui ont amené<br />
des éléments supplémentaires dans <strong>le</strong>s tab<strong>le</strong>s rondes.<br />
Le combat continue ! « Le printemps des territoires »,<br />
comme aime à <strong>le</strong> dire Patrice Joly, est lancé et ne<br />
s’arrêtera pas. Vous pouvez être assurés de notre<br />
détermination. Merci !<br />
(Applaudissements)<br />
»<br />
98
M. Jean-Jacques<br />
LOZACH<br />
Président du Conseil<br />
général de la Creuse<br />
Vous parliez ensemb<strong>le</strong>, messieurs <strong>le</strong>s Présidents, de trois<br />
<strong>pari</strong>s : rassemb<strong>le</strong>ment, influence, développement.<br />
Jean-Jacques Lozach, il reste à gagner <strong>le</strong> <strong>pari</strong> du<br />
développement, <strong>pari</strong> qui nous dépasse sans doute ici. En<br />
revanche, <strong>le</strong> <strong>pari</strong> du rassemb<strong>le</strong>ment, lui, est gagné. Je me<br />
demande aussi si aujourd’hui nous n’avons pas commencé<br />
éga<strong>le</strong>ment à gagner <strong>le</strong> <strong>pari</strong> de l’influence.<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
«S’agissant du <strong>pari</strong> de l’influence, attendons encore<br />
quelques jours ou quelques mois pour savoir si notre<br />
pouvoir d’influence aura été pris en compte ou pas. En<br />
tout cas, à travers ce type de rassemb<strong>le</strong>ment et d’Etats<br />
Généraux nous mettons <strong>le</strong> doigt, me semb<strong>le</strong>-t-il, sur la<br />
gravité de la situation actuel<strong>le</strong>, à travers, certes, la<br />
situation de la ruralité, mais éga<strong>le</strong>ment cette réforme<br />
territoria<strong>le</strong>.<br />
Je crois effectivement que nous sommes à un tournant<br />
historique. On n’a de cesse de dire que, sur <strong>le</strong> plan<br />
démographique, par exemp<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s espaces ruraux ont<br />
gagné des habitants au cours de ces vingt dernières<br />
années et même que l’exode rural est stoppé. Il est<br />
vrai que ce constat est clair, considérant notamment <strong>le</strong><br />
recensement de 1999 de l’INSEE : un renversement<br />
de tendance s’est produit. Par exemp<strong>le</strong>, mon<br />
département, celui de la Creuse, qui a connu une<br />
véritab<strong>le</strong> hémorragie démographique depuis la fin du<br />
XIXème sièc<strong>le</strong> enregistre désormais un solde migratoire<br />
positif depuis 1999.<br />
Nous disons que cette situation est très fragi<strong>le</strong> et il ne<br />
faudrait pas que nous soyons confrontés à une réalité<br />
absolument incompréhensib<strong>le</strong>, pour ne pas dire<br />
inexcusab<strong>le</strong> de la part des acteurs de la politique<br />
publique dans ce pays. Ainsi, au moment où jamais <strong>le</strong><br />
désir de <strong>campagne</strong> n’a été aussi fort et aussi prégnant,<br />
comme l’indiquent tous <strong>le</strong>s sondages et toutes <strong>le</strong>s<br />
études d’opinion, il ne faudrait pas que nous assistions<br />
à une reprise de l’exode rural.<br />
«La ruralité n’est une chance<br />
pour la France que si un<br />
certain nombre de conditions<br />
sont remplies»<br />
Pour ma part, je suis intimement convaincu que cette<br />
reprise démographique reste très fragi<strong>le</strong>. De très<br />
nombreux rapports ont été publiés sur <strong>le</strong> thème : « La<br />
ruralité, une chance pour la France ». Non ! La ruralité<br />
n’est une chance pour la France que si un certain<br />
nombre de conditions sont remplies. C’est la raison<br />
pour laquel<strong>le</strong>, nous, de manière positive et constructive<br />
à travers des propositions, nous entendons participer<br />
précisément à cet effort de construction tant il est vrai<br />
que l’espace rural du XXIème sièc<strong>le</strong> reste encore en<br />
<strong>grand</strong>e partie à construire. (Applaudissements)<br />
»<br />
99
M. Patrice JOLY<br />
Président du Conseil général<br />
de la Nièvre.<br />
Merci, messieurs <strong>le</strong>s Présidents, d’avoir dépassé, même s’il est<br />
important, <strong>le</strong> stade de la gestion et de vos contraintes.<br />
Monsieur Patrice Joly, vous avez <strong>le</strong> mot de la fin.<br />
« Nous, Présidents de Conseil généraux… », disiez-vous en<br />
parlant au nom de vous quatre mais aussi de tous <strong>le</strong>s autres !<br />
« Nous, Présidents de Conseils généraux, nous lançons l’appel<br />
de Nevers et nous vous remettons cet appel… », disiez-vous<br />
en vous adressant au Secrétaire d’Etat André Vallini, dans un<br />
moment de démocratie mais sans concession.<br />
Jean-Yves VIF<br />
ANIMATEUR<br />
DE LA<br />
JOURNÉE<br />
«<br />
Tel<strong>le</strong> est notre stratégie d’influence ! Nous avons ainsi<br />
franchi un cran cette année. Au départ, nous étions<br />
quatre et nous sommes maintenant 34 départements.<br />
L’année dernière à Vichy, nous étions 400 et nous<br />
comptions aujourd’hui 600 inscrits. Si nous n’avions<br />
pas clos <strong>le</strong>s inscriptions pour des raisons de capacités<br />
d’accueil, nous serions peut-être 700 ou 800.<br />
Une démarche est engagée. Deux ministres sont venus<br />
pour une journée et cela n’est pas banal. C’est bien la<br />
preuve qu’il se passe quelque chose !<br />
Puis, il y a cette déclaration commune que vous venez<br />
de rappe<strong>le</strong>r. 34 départements représentant 20 millions<br />
de Français, soit un tiers de la population, s’expriment<br />
à travers nous et disent que cette réforme n’est pas<br />
satisfaisante.<br />
«Au départ, nous étions quatre<br />
et nous sommes maintenant<br />
34 départements»<br />
Les départements témoignent de <strong>le</strong>ur impertinence,<br />
disent certains, quitte à se poser des interrogations sur<br />
<strong>le</strong>ur pertinence. Pour ma part, je n’ai pas<br />
d’interrogation sur <strong>le</strong>ur capacité à être impertinents.<br />
L’enjeu d’avenir de la société, c’est précisément d’être<br />
impertinent et de requestionner tout ce qui paraît<br />
évident. L’avenir de la France ne passe pas que par <strong>le</strong>s<br />
métropo<strong>le</strong>s.<br />
Cette journée, notre démarche « Campagnes, <strong>le</strong> <strong>grand</strong><br />
<strong>pari</strong> », c’est de l’impertinence ! Nous sommes<br />
impertinents en Bourgogne quand, par exemp<strong>le</strong>, nous<br />
disons que, dans <strong>le</strong> schéma régional d’aménagement<br />
du territoire qui nous est présenté, Dijon n’est pas une<br />
métropo<strong>le</strong> et ne <strong>le</strong> sera jamais. Dijon n’est pas<br />
Shanghai, Mexico ou Paris ! C’est une capita<strong>le</strong><br />
régiona<strong>le</strong> dont nous sommes fiers et nous voulons<br />
qu’el<strong>le</strong> se développe. Non, nous ne sommes pas des<br />
« franges » de la région dans <strong>le</strong> Val de Loire, des<br />
« franges urbaines », comme <strong>le</strong>s choses nous ont été<br />
présentées ! Il se trouve que l’organisation du territoire<br />
bourguignon est une organisation périphérique urbaine.<br />
Il y a un réseau à construire et peut-être que cette<br />
organisation en réseau est précisément en résonance<br />
avec l’organisation à venir de la société.<br />
Non, il n’y a pas un « croissant ferti<strong>le</strong> » Dijon –<br />
Beaune – Mâcon ! Que serait <strong>le</strong> reste ?<br />
Oui, nous sommes impertinents parce que nous<br />
éclairons sous un autre ang<strong>le</strong> ce que représente <strong>le</strong><br />
potentiel de nos territoires.<br />
Mais nous ne gommons pas non plus nos difficultés et<br />
<strong>le</strong>s quelques handicaps. A entendre André Vallini, nous<br />
sommes sur d’autres planètes ! Je l’entendais dire que<br />
trop de financements sont affectés aux routes… Il<br />
nous manque 50 % de budget ! Aujourd’hui, nous<br />
assurons tous <strong>le</strong>s 18 ans <strong>le</strong> renouvel<strong>le</strong>ment des routes.<br />
Pourtant, tout <strong>le</strong> monde reconnaît qu’une douzaine<br />
d’années est vraiment <strong>le</strong> minimum. Il nous manque<br />
50 %... N’étant pas dans <strong>le</strong> même département, nous<br />
ne parlons donc pas des mêmes choses.<br />
Reprenant l’une de mes interviews hier, un<br />
hebdomadaire écrit : « François Hollande, élu <strong>pari</strong>sien<br />
en circonscription rura<strong>le</strong>. » Il n’a pas trahi mon propos.<br />
Je ne sais comment François Hollande exerçait ses<br />
fonctions de Président de Conseil général. Mais, très<br />
honnêtement, j’ai quelque inquiétude s’il n’a pas<br />
compris qu’il était nécessaire qu’une institution<br />
représente <strong>le</strong>s territoires ruraux pour, en tout cas à<br />
légitimité équiva<strong>le</strong>nte, pouvoir discuter avec <strong>le</strong>s<br />
présidents d’agglomération. Nous allons devoir discuter<br />
avec <strong>le</strong>s présidents des agglomérations de Dijon et de<br />
Besançon, <strong>le</strong>s maires des vil<strong>le</strong>s de Dô<strong>le</strong>, de Mâcon et<br />
autres. Or, si nos territoires ruraux ne sont pas portés<br />
par des élus légitimes, ils n’existent plus. Dans ces<br />
conditions et comme il a été dit, nous perdons tout <strong>le</strong><br />
bénéfice que cet espace peut apporter si on lui prête<br />
100
une attention particulière. Tel<strong>le</strong> est notre interprétation<br />
sur <strong>le</strong>s responsab<strong>le</strong>s, quel que soit <strong>le</strong>ur secteur<br />
d’activité.<br />
«Si nos territoires ruraux<br />
ne sont pas portés par des<br />
élus légitimes, ils<br />
n’existent plus»<br />
En conclusion, puisqu’il m’incombe de conclure cette<br />
journée, je tiens tous à vous remercier, mesdames et<br />
messieurs, pour votre présence. Bravo pour l’intérêt<br />
que vous avez porté à nos débats, tant il est vrai qu’il<br />
y a des suites à y donner. Il nous faut continuer à<br />
travail<strong>le</strong>r sur <strong>le</strong> combat idéologique pour bouscu<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s<br />
idées reçues. Aujourd’hui, sur la réforme institutionnel<strong>le</strong>,<br />
mais aussi sur d’autres domaines, l’idée prévaut<br />
que tout se passe entre treize régions et <strong>le</strong>s<br />
métropo<strong>le</strong>s. Non ! C’est une erreur ! C’est une erreur,<br />
pas seu<strong>le</strong>ment pour nous, mais pour <strong>le</strong> pays<br />
éga<strong>le</strong>ment.<br />
Il nous faut donc continuer à travail<strong>le</strong>r et à mobiliser<br />
tous <strong>le</strong>s intel<strong>le</strong>ctuels pour nous accompagner dans cette<br />
démarche. D’ail<strong>le</strong>urs, ils ont bien compris l’importance<br />
qui s’y attache pour l’avenir de notre pays. Poursuivons<br />
éga<strong>le</strong>ment en progressant dans ce mouvement des<br />
nouvel<strong>le</strong>s ruralités. L’exercice sera compliqué car il<br />
suppose des moyens.<br />
Pendant cette rencontre, j’ai reçu quelques messages<br />
d’encouragement de socioprofessionnels. Il est vrai que<br />
<strong>le</strong> combat que nous menons n’est pas seu<strong>le</strong>ment celui<br />
des élus. Il faut que <strong>le</strong>s représentants du secteur privé<br />
nous accompagnent et soient présents. Nous savons<br />
qu’ils souffrent aussi d’être méprisés par certains, ne<br />
serait-ce que parce qu’ils n’ont pas <strong>le</strong>ur siège social à<br />
Paris ou parce que <strong>le</strong>urs entreprises ne comptent que<br />
100 à 150 salariés. Eh bien, non ! Ils se trouvent<br />
aussi qu’ils représentent un potentiel de<br />
développement, qu’ils sont créatifs, imaginatifs et<br />
innovants. Dois-je rappe<strong>le</strong>r que des éléments de la<br />
voiture de demain sont construits sur ce département ?<br />
Il faudra aussi nous faire accompagner par <strong>le</strong> secteur<br />
associatif qui risque éga<strong>le</strong>ment de souffrir avec cette<br />
réforme territoria<strong>le</strong> et, à travers lui, par nos<br />
concitoyens.<br />
Enfin, comme l’ont dit plusieurs intervenants, la<br />
question de la ruralité est un enjeu européen. El<strong>le</strong> a été<br />
évoquée en termes de population, d’espace, mais<br />
aussi de richesses créées. Nous devons porter cette<br />
problématique à l’échel<strong>le</strong> européenne, tant il est vrai<br />
que l’on peut par<strong>le</strong>r de « ruralités nouvel<strong>le</strong>s sans<br />
frontières » !<br />
Notre difficulté tient au fait que nous représentons de<br />
petits départements. Les moyens que nous mettons en<br />
commun restent relativement limités et nous avons<br />
beaucoup de peine à bouc<strong>le</strong>r nos budgets. Il n’en<br />
demeure pas moins qu’il nous faudra avancer à la fois<br />
sur <strong>le</strong> plan des idées, sur l’élargissement de ceux qui<br />
doivent nous accompagner et, c’est d’ail<strong>le</strong>urs la raison<br />
pour laquel<strong>le</strong> nous avons invité notre collègue de<br />
Finlande, sur la prise de conscience de cet enjeu à<br />
l’échel<strong>le</strong> européenne.<br />
Il nous faut donc exiger des politiques rura<strong>le</strong>s à<br />
l’échel<strong>le</strong> européenne, en allant au-delà des<br />
programmes LEADER, parfois de quelques milliers<br />
d’euros, même si la démarche peut être intéressante.<br />
Il nous faut exiger une politique de développement<br />
rural à l’échel<strong>le</strong> nationa<strong>le</strong>, comme il y a une politique<br />
de la vil<strong>le</strong>.<br />
Il nous faut aussi exiger que, dans nos régions, tel<strong>le</strong>s<br />
qu’el<strong>le</strong>s sont ou qu’el<strong>le</strong>s soient élargies, une vraie<br />
attention soit portée aux espaces ruraux par la mise en<br />
place de vraies politiques régiona<strong>le</strong>s. C’est<br />
indispensab<strong>le</strong>.<br />
«Ce n’est pas que notre affaire !<br />
C’est l’affaire de l’Etat qui a la<br />
responsabilité de ces territoires<br />
en partage avec nous»<br />
Nous sommes prêts à y travail<strong>le</strong>r et nous l’avons dit.<br />
Ce n’est pas que « notre » affaire ! C’est l’affaire de<br />
l’Etat qui a la responsabilité de ces territoires en<br />
partage avec nous. Nous sommes prêts à signer des<br />
contrats sur la base d’un engagement de<br />
responsabilité, avec des contreparties en termes de<br />
développement économique et en termes d’emploi, ce<br />
que refusent certains, avec <strong>le</strong>squels nous voulons<br />
signer des contrats. Pour notre part, nous sommes<br />
prêts à nous y engager de manière sérieuse et précise.<br />
Une nouvel<strong>le</strong> fois, je remercie <strong>le</strong>s intervenants, <strong>le</strong>s<br />
animateurs et vous tous ici présents. Je crois que nous<br />
avons marqué aujourd’hui un temps important dans<br />
cette reconquête à la fois de l’opinion<br />
»<br />
et des politiques<br />
publiques nécessaires au pays.<br />
(Applaudissements)<br />
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