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L‘albatros<br />
2 octobre 2009<br />
Ecole des Arts Décoratifs, section Arts Graphiques et Publicité<br />
ToNNERRE :<br />
QUAND L’ALBA ET<br />
L’éCoLE ESTIENNE<br />
S’EN MêLENT…<br />
La célébrissime école Estienne a proposé<br />
aux étudiants en 4ème année d’illustration,<br />
ainsi qu’à Tarek Moukaddem et Sandra<br />
Fayad, de l’école de photo à l’Alba, de<br />
travailler sur l’image de Tonnerre, un petit<br />
village de Bourgogne qui, malgré une<br />
histoire riche, s’est quelque peu endormi<br />
socialement et professionnellement. Après<br />
le lancement du projet à Paris, les étudiants<br />
parisiens et beyrouthins se sont lancés à<br />
l’assaut de leur reportage. Retour à Tonnerre<br />
avec deux illustrateurs, Christelle Halal et<br />
Ralph Doumit…<br />
Quelle impression avez-vous eue de la<br />
ville?<br />
C.H : Tonnerre ne correspond pas aux critères<br />
que j’avais d’une ville actuelle ; elle ressemble à<br />
un village, ou plutôt à une ville du passé. Elle a<br />
beaucoup de charme, un cachet authentique<br />
et la majorité des bâtiments est encore dans son<br />
aspect d’origine. Malheureusement, elle est un<br />
peu morte, elle baigne dans son passé : la<br />
plupart des boutiques sont fermées, et<br />
beaucoup de maisons affichent des panneaux<br />
« à vendre ». La population est essentiellement<br />
composée de vieilles personnes.<br />
R. D : Tonnerre est une ville qui a sans doute plus<br />
de charme pour un visiteur (et peut-être même<br />
un visiteur étranger) que pour un habitant.<br />
Autant visuellement Tonnerre a un aspect<br />
agréable de mi-ville, mi-village accentué par le<br />
fait qu'elle se trouve sur le revers d'un plateau –<br />
on voit les maisons se superposer sur la pente,<br />
ainsi que la grande église Saint-Pierre qui<br />
surplombe le tout… C'est le genre de vision qu'on<br />
dessinerait naturellement, si on devait imaginer<br />
un grand village sans modèle –, autant la vie<br />
quotidienne, sociale, semble terne. Les rues sont<br />
assez vides, il y a pas mal de traînards, de jeunes<br />
un peu sans occupation. Il semblerait que ce soit<br />
une ville qui ait reçu beaucoup de monde qui<br />
n'a trouvé sa place ni à Paris ni en banlieue, et<br />
qui se retranche ici. Pas beaucoup<br />
d'entrepreneurs, donc pas beaucoup de travail.<br />
Comment avez-vous retranscrit<br />
Tonnerre dans vos illustrations ?<br />
C. H : L'école Estienne avait imposé à ses<br />
étudiants deux démarches à suivre. Les<br />
premières années devaient choisir un bâtiment,<br />
le dessiner sous tous ses angles, et puis imaginer<br />
ce qui pourrait se passer à l'intérieur. Quant aux<br />
illustrateurs de deuxième année, ils devaient<br />
chacun suivre un Tonnerrois pendant un jour ou<br />
plus et partager son quotidien, pour pouvoir faire<br />
un portrait de cette personne au sein de la ville.<br />
L'illustration qui en résulte devait avoir un format<br />
de 75x105 cm, ce qui était vraiment intimidant<br />
par rapport au travail que ça nécessite.<br />
Alors que nous, on avait la liberté de suivre des<br />
démarches personnelles, on avait carte<br />
blanche. Les deux photographes ont travaillé sur<br />
des thèmes très différents : Sandra a visité<br />
plusieurs maisons pour y faire des portraits de<br />
famille, et Tarek a travaillé sur des cadrages qui<br />
permettaient de voir la ville à travers des<br />
transparences d'une part, et sur des vitrines qu'il<br />
avait trouvées très kitsch d'autre part. Les<br />
illustrateurs, Ralph et Sophie, ont choisi d'écrire<br />
des fictions illustrées qui seraient ancrées dans la<br />
ville.<br />
J'ai choisi l’une des démarches proposées aux<br />
étudiants d'Estienne. C'était une bonne<br />
approche pour découvrir la ville et ça me<br />
permettait de tirer un maximum de cette<br />
expérience. J’ai donc suivi une femme, Myriam,<br />
qui habitait Tonnerre depuis six mois à cause d'un<br />
boulot trouvé par son mari dans la charpenterie,<br />
et qui dans son quotidien aimait se promener<br />
avec sa fille et observer tout ce qui l'entourait. Le<br />
portrait qui en a résulté était une représentation<br />
de son parcours à travers la ville, qui s'achève sur<br />
son départ vers une autre ville qu'elle prévoit<br />
dans l'année à venir. L'illustration est en couleurs,<br />
des couleurs froides surtout, comme le climat de<br />
Tonnerre auquel Myriam, qui vient de Toulouse, a<br />
du mal à s'habituer.<br />
R.D : Je suis personnellement allé vers une fiction<br />
qui prend pour base l'idée que Tonnerre est une<br />
ville qui ne fonctionne socialement pas très bien,<br />
mais sous un angle un peu légendaire. Les<br />
Tonnerrois, il y a des siècles, croyaient que la<br />
statue de Saint Pierre qui est devant l'église<br />
protégeait tout ce qui se trouvait face à elle. Le<br />
descendant du sculpteur de la statue a hérité<br />
des pouvoirs de cette dernière. Lorsqu'il marche<br />
dans les rues de la ville, tout ce qui se trouve face<br />
à lui est protégé. Tout ce qui se trouve derrière lui<br />
ne l'est pas. L'atmosphère à Tonnerre n'est pas<br />
bien rose, sauf devant ce vagabond ! Dans mes<br />
illustrations, les représentations de Tonnerre sont<br />
fidèles à la ville, mais avec un traitement un peu<br />
vieilli, « vieux papier », pour dire qu’on est dans le<br />
registre de la légende.<br />
Avez-vous eu un contact enrichissant<br />
pour votre travail avec les habitants?<br />
C. H : Vu que j’ai suivi une habitante de la ville<br />
pendant une journée, j’ai pu faire connaissance<br />
avec les gens qu’elle rencontrait, et beaucoup<br />
d’autres qui, par curiosité, n’ont pas hésité à venir<br />
demander de quelle ville on venait et quelle était<br />
la raison de notre séjour. Les habitants sont très<br />
accueillants et chaleureux. Ils contrastent<br />
beaucoup avec les Parisiens.<br />
R. D : J’ai plutôt observé…<br />
Pensez-vous que ce genre de projet<br />
peut répondre à la demande initiale, à<br />
savoir la réhabilitation de l'image<br />
urbaine?<br />
C. H : Je ne sais pas à quel point ce projet<br />
pourrait être efficace. En cherchant sur Internet à<br />
propos de l’exposition, je n’y ai trouvé de trace<br />
que sur le site même de la ville, donc si<br />
l’évènement n’est pas médiatisé, je me<br />
demande comment les gens pourraient être<br />
poussés à visiter et découvrir Tonnerre. Par contre,<br />
je pense que ce projet est bénéfique pour les<br />
Tonnerrois. À travers le regard posé par des<br />
étudiants étrangers sur leur ville, cela leur permet<br />
d’apprécier ce qu’ils possèdent. La majorité ont<br />
perdu espoir en elle et ne voient plus que son<br />
mauvais côté. J’espère que ce projet permettra<br />
à Tonnerre de se réveiller…<br />
R.D : Je dirais que le projet peut donner un petit<br />
sentiment aux Tonnerrois qu'il est possible<br />
d'organiser des choses positives dans la ville et<br />
autour du thème même de la ville. C'est plutôt<br />
une manière de donner l'exemple, sans doute.<br />
Mais je ne crois pas que cette exposition peut<br />
réhabiliter elle-même l'image urbaine de<br />
Tonnerre. Elle peut être positive dans les esprits<br />
tonnerrois, et c'est déjà ça ! Nous n'avons pas eu<br />
l'occasion de voir l'exposition et les réactions des<br />
gens, donc je ne m'avance pas trop non plus làdessus.<br />
En plus du voyage même, l'expérience<br />
avec l’école Estienne a été intéressante. Celle-ci<br />
a un système de fonctionnement différent, et qui<br />
est plus lié à ce qui attend les étudiants dans le<br />
monde du travail parisien.