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EXPOSITION L’HISTOIRE DESAFRO-ANTILLAIS EN FRANCE... AU CŒUR DE NOS DIVERSITÉS


1685-2011 L’HISTOIREDES AFRO-ANTILLAISEN FRANCELa France noire est une longue histoire qui commence auXVII e siècle au moment du Co<strong>de</strong> noir et traverse troissiècles d’histoire <strong>de</strong> France, trois siècles <strong>de</strong> présencescaribéennes, africaines — issues <strong>de</strong>s États-Unis ou <strong>de</strong>l’océan Indien — dans l’hexagone. Ces présences ontcontribué à bâtir l’histoire politique, culturelle, militaire, artistiqueet économique <strong>de</strong> ce pays et <strong>de</strong> la République. Cette <strong>expo</strong>sitionen raconte l’histoire oubliée, en montre les traces et lesnombreuses images ; elle en souligne toutes les contradictions, dutemps <strong>de</strong>s esclaves à celui <strong>de</strong> la citoyenneté.L’<strong>expo</strong>sition traverse les différentes générations et met en exergueles moments <strong>de</strong> ruptures et <strong>de</strong> basculements dans l’histoire <strong>de</strong> cesprésences. Les <strong>de</strong>ux premières étapes s’attachent aux présencesanciennes et au moment charnière que constitue la Révolutionfrançaise (1789), ainsi que l’abolition définitive <strong>de</strong> l’esclavage en1848. Commencent alors le « temps <strong>de</strong>s pionniers » et celui <strong>de</strong> laconstitution <strong>de</strong> l’empire colonial français — le second au mon<strong>de</strong>— qui voient arriver en France étudiants, élus politiques,personnalités artistiques ou sportives, ainsi que <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong>figurants <strong>de</strong>s « zoos humains ». Avec la Première Guerre mondiale(1914-1918) et les années 20, on entre dans une nouvelle dynamique.Les Afro-Antillais répon<strong>de</strong>nt à l’appel <strong>de</strong> l’Empire lors du conflitet déci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> s’installer en France à la sortie <strong>de</strong> celui-ci, aux côtés<strong>de</strong> nombreux Afro-Américains. Alors que la crise économique estmondiale et que les crises politiques frappent l’Europe, les années 30verront émerger une nouvelle génération d’intellectuels noirs. Lors<strong>de</strong> la Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale, les troupes africaines contribuentà libérer la France et nombre <strong>de</strong> travailleurs participent dans lesannées 50-60 à la reconstruction du pays. Une nouvelle générationémerge avec les indépendances africaines et la mise en place duBumidom dans les départements d’outre-mer, préfigurant unecroissance démographique sans précé<strong>de</strong>nt. Les trois <strong>de</strong>rnièresdécennies (1980-2010) vont voir émerger la « question noire » etles débats autour <strong>de</strong> la place <strong>de</strong>s Afro-Antillais dans la sociétéfrançaise, dont la marche <strong>de</strong> 1998 reste un moment majeur.Être « Noir » en France, quel que soit le pays, la colonie ou ledépartement d’origine, c’est s’inscrire dans un récit peuplé <strong>de</strong>héros, <strong>de</strong> lieux <strong>de</strong> mémoire, <strong>de</strong> mythes, <strong>de</strong> combats, <strong>de</strong> rêves etd’échecs, mais c’est aussi s’inscrire dans ces i<strong>de</strong>ntités multiples quisont parties intégrantes <strong>de</strong> la France du XXI e siècle. Cette<strong>expo</strong>sition accompagne l’ouvrage La France noire et la série <strong>de</strong>trois films documentaires Noirs <strong>de</strong> France offrant un panoramacomplet sur une histoire toujours en mouvement.2... AU CŒUR DE NOS DIVERSITÉS


1685-1785LE TEMPSDES ESCLAVES ETDES AFFRANCHISDès la fin du XVII e siècle, on trouve en France une présencesignificative <strong>de</strong> Noirs, notamment à la cour, où le jeuneindigène Anniaba, par exemple, est officier mousquetaireaux ordres <strong>de</strong> Louis XIV. Ce sont majoritairement <strong>de</strong>saffranchis, mais aussi <strong>de</strong>s esclaves, malgré l’édit <strong>de</strong> 1315interdisant l’esclavage sur le sol français. Leur accroissementdémographique fait naître progressivement une législationspécifique. Les pouvoirs publics manifestent <strong>de</strong> plus en plus unevolonté ferme <strong>de</strong> contrôler, surveiller et compter ces premiersNoirs <strong>de</strong> France. Dès 1685, le Co<strong>de</strong> noir fixe législativement lestatut <strong>de</strong>s esclaves dans les îles et les droits <strong>de</strong>s affranchis : les« hommes <strong>de</strong> couleur » sont alors au plus bas <strong>de</strong> l’échelle. Enparallèle, en métropole, <strong>de</strong>s lois et <strong>de</strong>s édits structurent etencadrent progressivement la vie <strong>de</strong>s Noirs. En peinture, leurprésence <strong>de</strong>vient également visible mais le corps noir ne sert enréalité qu’à mettre en valeur la « beauté blanche » <strong>de</strong>s maîtres.Possé<strong>de</strong>r un esclave est ainsi un signe ostentatoire <strong>de</strong> réussitefinancière et sociale, mais aussi une preuve <strong>de</strong> « bon goût », àl’image du célèbre Zamor. Le XVIII e siècle marque le premierapogée d’une « présence noire » en France (ils sont quatre à cinqmille en 1738), conséquence directe du négoce et <strong>de</strong> la traite. Unepeur croissante du métissage s’installe alors et se traduit par unepolitique ségrégationniste <strong>de</strong> plus en plus stricte, allant jusqu’àessayer d’interdire la venue <strong>de</strong>s Noirs en métropole à l’issue durecensement, en 1777: leur place est, dans les colonies, confinéeau statut d’esclave, comme le recomman<strong>de</strong> le lobby <strong>de</strong>s colons.C’est dans ce contexte que les idéaux <strong>de</strong>s philosophes <strong>de</strong>sLumières, affirmant que le droit naturel fon<strong>de</strong> l’égalité entre leshommes, donnent ses premières armes au mouvement antiesclavagiste.Enfin, on estime, qu’à la veille <strong>de</strong> la Révolution française,vingt à vingt-cinq mille Noirs, libres ou esclaves, auraient vécu surle sol <strong>de</strong> France <strong>de</strong>puis l’instauration du Co<strong>de</strong> noir : une présenceancienne en métropole qui reste minorée, ou tout simplementinconnue, dans l’historiographie française.4L’HISTOIREDES AFRO-ANTILLAISEN FRANCE… AU CŒUR DE NOS DIVERSITÉS


1786-1848D’UNE RÉVOLUTIONÀ L’AUTREBien que l’Assemblée nationale adopte la Déclaration <strong>de</strong>sdroits <strong>de</strong> l’Homme et du Citoyen en 1789, il faut attendre1794 pour qu’elle soit étendue « aux hommes <strong>de</strong>couleur ». Combattants <strong>de</strong>s armées révolutionnaires, àl’image du Gua<strong>de</strong>loupéen le « Chevalier <strong>de</strong> Saint-George »à la tête <strong>de</strong> la Légion noire, <strong>de</strong> nombreux Noirs et Métis participentdirectement au combat pour l’abolition <strong>de</strong> l’esclavage et l’acquisition<strong>de</strong> droits politiques égaux. Ces engagements prennent cependantplusieurs formes : alors que les « libres <strong>de</strong> couleur » luttent pourl’égalité <strong>de</strong>s droits et <strong>de</strong>s dignités, les esclaves réclament pluslargement la liberté pour tous. Par ailleurs, au sein <strong>de</strong>s « libres <strong>de</strong>couleur », <strong>de</strong>ux tendances s’opposent. Les indépendantistes, menéspar Toussaint Louverture, considèrent la liberté comme le cimentd’un nouveau <strong>de</strong>stin national sans lien avec la métropole. Lesnationalistes, conduits par le député Jean-Baptiste Belley,revendiquent cette liberté pour une « société multiraciale », enmétropole comme dans les colonies. Mais la prise <strong>de</strong> pouvoir <strong>de</strong>Napoléon Bonaparte met un terme à ce mouvement d’émancipationet écrase la plupart <strong>de</strong>s figures noires <strong>de</strong> la fin du XVIII e siècle.Le Premier Empire revient progressivement à <strong>de</strong>s mesuresexplicitement ségrégationnistes et fait <strong>de</strong>s Noirs <strong>de</strong>s « indésirablesen métropole », allant jusqu’à rétablir l’esclavage en 1802. Aumême moment, les révoltes <strong>de</strong>s esclaves <strong>de</strong> Saint-Dominguemettent en déroute l’armée française. L’île fait sécession et lapremière République noire d’Haïti est proclamée le 1 er janvier1804. C’est dans ce climat <strong>de</strong> « chasse aux Noirs » en France quesera exhibée la Vénus hottentote en 1814 : le Noir, « objet <strong>de</strong>spectacle », fascine non seulement le public, mais ces exhibitionsfixent les préjugés racistes dans l’opinion. Après trois décennies<strong>de</strong> mise à la marge <strong>de</strong>s populations noires en France, le 27 avril1848, la II e République ouvre une ère nouvelle : l’esclavage est aboli.Les esclaves libérés <strong>de</strong>viennent <strong>de</strong> « nouveaux citoyens » pouvantélire leurs représentants aux Antilles, en Guyane et à la Réunion.De nouveaux élus noirs entrent ainsi au Parlement en 1848 et 1849.6L’HISTOIREDES AFRO-ANTILLAISEN FRANCE… AU CŒUR DE NOS DIVERSITÉS


1849-1889LE TEMPSDES PIONNIERSLe Second Empire met fin aux libertés octroyées par laII e République : les « élus <strong>de</strong> couleur », Louisy Mathieu,François-Auguste Perrinon et Cyrille Bissette sont démis<strong>de</strong> leurs fonctions par Napoléon III et éloignés <strong>de</strong> lamétropole. Les droits <strong>de</strong>s Noirs et <strong>de</strong>s Métis marquentun net recul et une politique très stricte <strong>de</strong> surveillance est miseen place. Néanmoins, les étu<strong>de</strong>s permettant <strong>de</strong> venir en métropole,une poignée d’Afro-Antillais suit un cursus dans <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s écoles,tel Roger Descemet, premier Saint-Cyrien métis sénégalais <strong>de</strong>l’armée française. Par ailleurs, la venue <strong>de</strong> bourgeois et d’artistesnoirs <strong>de</strong>s États-Unis, bénéficiant en France d’une plus gran<strong>de</strong> libertéque dans leur pays, contribue à alimenter le mythe d’une « Francebienveillante ». Mais, c’est essentiellement par le fait militaire quela présence noire re<strong>de</strong>vient visible en métropole. Le corps <strong>de</strong>stirailleurs sénégalais, créé en 1857, et les turcos (troupes composées<strong>de</strong> Noirs, <strong>de</strong> Kabyles et d’Arabes) venus combattre les Prussiensen France en 1870 attisent la curiosité <strong>de</strong>s Français et <strong>de</strong>viennent<strong>de</strong>s héros <strong>de</strong> la littérature populaire. Les Expositions universelles(1855, 1867 et 1878) et les exhibitions d’Africains au Jardinzoologique d’Acclimatation remportent un très grand succèsauprès du public. Pour les gouvernants, ces moments privilégiéspermettent <strong>de</strong> mettre en valeur la politique coloniale <strong>de</strong> la France.Un imaginaire dual se construit autour <strong>de</strong>s Noirs oscillant entrel’image du guerrier valeureux et celle du « sauvage » à civiliser.Parallèlement, <strong>de</strong> 1850 à 1870, la science se passionne pour les« races » et leur classification. Ces postulats placent les Noirs touten bas <strong>de</strong> l’échelle <strong>de</strong> l’Humanité et se diffusent très rapi<strong>de</strong>mentdans l’opinion. En 1889, à l’occasion du centenaire <strong>de</strong> la Révolutionfrançaise, l’Exposition universelle <strong>de</strong> Paris regroupe <strong>de</strong> nombreuxpavillons représentant les différentes colonies françaises et leurspopulations respectives. Au même moment, se met en place uneinégalité juridique qui fixe pour un <strong>de</strong>mi-siècle le <strong>de</strong>stin <strong>de</strong>s Noirs<strong>de</strong> France : indigènes, citoyens et étrangers occupent désormais,chacun, un espace juridique défini.8L’HISTOIREDES AFRO-ANTILLAISEN FRANCE… AU CŒUR DE NOS DIVERSITÉS


1890-1913LES TEMPSDES COLONIESEntre 1890 et 1913, la France continue son expansioncoloniale en Afrique <strong>de</strong> l’Ouest, conquiert Madagascar,<strong>de</strong>venant ainsi le second empire colonial mondial. En 1898,cette expansion <strong>de</strong> « l’empire noir » français est freinéepar les Anglais à Fachoda. Malgré cet échec, les tirailleurssénégalais défilant <strong>de</strong>rrière le colonel Marchand sont acclamés àParis et s’inscrivent désormais comme <strong>de</strong>s éléments familiers <strong>de</strong>la mythologie coloniale. Dans le même temps, la France veutpromouvoir cet empire dans le cadre <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s <strong>expo</strong>sitionsspectaculaires : <strong>de</strong>s millions <strong>de</strong> Français découvrent les habitantscoloniaux dans <strong>de</strong>s « villages exotiques », créant ainsi un imaginairespécifique concernant ces lointaines populations africaines. Toutesles gran<strong>de</strong>s villes <strong>de</strong> métropole rencontrent ces indigènes-figurants :Lyon en 1894 et 1914, Bor<strong>de</strong>aux en 1895, Rouen en 1896, Le Mansen 1904, Marseille en 1906, Paris en 1907, Roubaix en 1911 et biend’autres. Le mon<strong>de</strong> noir pénètre les imaginaires car sa présences’impose dans le mon<strong>de</strong> du sport, <strong>de</strong>s arts et <strong>de</strong>s spectacles. Desboxeurs afro-américains, comme Jack Johnson, s’installent en France,où ils peuvent se battre contre <strong>de</strong>s Blancs et conquérir <strong>de</strong>s titresinternationaux. Des artistes noirs, comme le clown Chocolat,émergent et <strong>de</strong> nombreux récits dans le théâtre, la littérature, lecinéma ou la chanson se nourrissent <strong>de</strong> représentations coloniales,bien que les thèmes récurrents restent l’invasion, le métissage etla sauvagerie <strong>de</strong>s populations noires. Le grand succès littéraire <strong>de</strong>ces années est d’ailleurs L’invasion noire du capitaine Danrit, où <strong>de</strong>sArabes musulmans lèvent <strong>de</strong>s « hor<strong>de</strong>s africaines » pour se lancer,en vain, à la conquête <strong>de</strong> Paris. Dans le même temps, quelqueshommes politiques noirs parviennent à s’imposer, comme lesGua<strong>de</strong>loupéens Gaston Gerville-Réache, Hégésippe Jean Légitimusou Gratien Candace.Précurseurs, ils proposent une ligne politiqueforte pour l’instauration d’une meilleure égalité sociale. Mais, à laveille <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong> Guerre, la « présence noire » en France selimite encore à quelques individus dans les ports ou à Paris,essentiellement <strong>de</strong>s domestiques, <strong>de</strong>s marins ou les figurants <strong>de</strong>s<strong>expo</strong>sitions coloniales.10L’HISTOIREDES AFRO-ANTILLAISEN FRANCE… AU CŒUR DE NOS DIVERSITÉS


1914-1918LES FORCESNOIRESPendant la Première Guerre mondiale, cent vingt-six milleAfricains, les célèbres « tirailleurs sénégalais », ainsi quequarante mille combattants <strong>de</strong>s anciennes colonies etvingt-neuf mille soldats malgaches montent au front auxcôtés <strong>de</strong>s métropolitains, <strong>de</strong>s Indochinois, <strong>de</strong>s Maghrébinset <strong>de</strong>s coloniaux. Présentés comme <strong>de</strong>s « troupes d’assaut », ilssont également utilisés à l’arrière et <strong>de</strong>viennent une main-d’œuvreindispensable à l’économie <strong>de</strong> guerre. Malgré l’intervention dudéputé sénégalais Blaise Diagne, le recrutement <strong>de</strong> la « Forcenoire » mené par Charles Mangin provoque <strong>de</strong>s révoltes en Afrique,<strong>de</strong>s désertions ainsi que <strong>de</strong>s exemptions dans les vieilles colonies.Néanmoins leur loyauté au combat est reconnue et ils participentaux batailles les plus âpres : à Verdun en 1916, sur le front <strong>de</strong> l’Aisneen 1917, à Reims en 1918. Des combattants s’illustrent par leurfait d’armes comme le Gua<strong>de</strong>loupéen Sosthène Mortenol qui<strong>de</strong>vient un héros <strong>de</strong> la défense aérienne <strong>de</strong> Paris. De 1914 à 1918,<strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> mala<strong>de</strong>s et blessés afro-antillais sont soignés dans<strong>de</strong>s hôpitaux qui leur sont réservés comme celui du Jardin colonialdu bois <strong>de</strong> Vincennes. Dans les camps, comme à Fréjus ou Saint-Raphaël, les mois d’hivernage constituent, pour tous ces soldats,une occasion <strong>de</strong> côtoyer <strong>de</strong>s Français <strong>de</strong> tous milieux. Cependant,les soldats noirs restent prisonniers du discours patriotique et <strong>de</strong>ses stéréotypes, fixant l’image du « bon Noir » dans l’opinionfrançaise. Lors <strong>de</strong> l’entrée en guerre <strong>de</strong>s États-Unis, l’état-majoraméricain envoie <strong>de</strong>s troupes afro-américaines en Europe.Contrairement à l’armée française la ségrégation y est structurelle.Ainsi les Noirs sont employés pour les services logistiques, maison refuse <strong>de</strong> les armer. C’est sous comman<strong>de</strong>ment français etrevêtus <strong>de</strong> l’uniforme <strong>de</strong>s « poilus » que les premiers d’entre euxmontent au front. Tout au long <strong>de</strong> ces années, la propagan<strong>de</strong> utilisele tirailleur sénégalais pour stigmatiser les Allemands, présentéscomme <strong>de</strong>s barbares plus « sauvages » encore que ceux qu’onleur oppose. Au regard raciste succè<strong>de</strong> un intérêt paternalistemême si l’autorité militaire exerce une surveillance permanentesur les activités et loisirs <strong>de</strong>s soldats afro-antillais.12L’HISTOIREDES AFRO-ANTILLAISEN FRANCE… AU CŒUR DE NOS DIVERSITÉS


1919-1929LES CULTURESNOIRESAprès-guerre, le mouvement noir est marqué par la tenueà Paris du second Congrès panafricain, en 1919. Réponsedirecte à l’absence <strong>de</strong> voix noires à la conférence <strong>de</strong>Versailles, il rassemble <strong>de</strong> nombreux parlementairesafro-antillais français comme Gratien Candace, JosephLagrosillière et Achille-René Boisneuf, ainsi que <strong>de</strong>s responsablesnoirs du mon<strong>de</strong> entier. L’Afro-Américain William E. Burghardt DuBois, co-prési<strong>de</strong>nt du Congrès, veut faire reconnaître les droitsinter nationaux <strong>de</strong>s « Nègres » et obtenir <strong>de</strong>s puissances colonialesune reconnaissance <strong>de</strong> leurs sacrifices pendant la guerre. En France,dans le champ culturel, les Noirs gagnent en visibilité : au théâtre,les artistes afro-antillais sont désormais dirigés par <strong>de</strong>s metteursen scène d’avant-gar<strong>de</strong>. Habib Benglia, le premier comédien noir,est, dès 1913, la ve<strong>de</strong>tte <strong>de</strong> plusieurs spectacles. Dans le domaine<strong>de</strong> la musique, le jazz, introduit en France par les troupesaméricaines, séduit immédiatement et durablement le public. Maisc’est la Revue Nègre et sa ve<strong>de</strong>tte, Joséphine Baker, au Théâtre <strong>de</strong>sChamps-Élysées, qui suscitent le plus fort engouement. Le sportjoue également un rôle majeur : le boxeur Battling Siki marque lesesprits en étant le premier Africain à remporter un titre <strong>de</strong>champion du mon<strong>de</strong> en 1922. Des romanciers comme René Maran,commencent à critiquer le système colonial, et rencontrent unréel écho dans la société française. Les colonisés, malgré leursacrifice pendant la Gran<strong>de</strong> Guerre, sont toujours exclus <strong>de</strong>s loissur l’extension <strong>de</strong> la nationalité aux étrangers. Les députés GratienCandace, Alci<strong>de</strong> Delmont et Blaise Diagne réclament, en vain, lacitoyenneté pour tous les « indigènes » en 1927. Cette profon<strong>de</strong>humiliation favorise les mouvements anti colonialistes, tels la Ligue<strong>de</strong> défense <strong>de</strong> la race nègre — créée en 1927 par Lamine Senghor,Tiémoko Garan Kouyaté et Camille Sainte-Rose —, le Comité <strong>de</strong>défense <strong>de</strong>s intérêts <strong>de</strong> la race noire (CDIRN) ou encore l’Union<strong>de</strong>s travailleurs nègres. Ces positions sont relayées par <strong>de</strong>s revuescomme La Race Nègre, organe <strong>de</strong> la Ligue <strong>de</strong> défense <strong>de</strong> la racenoire (LDRN), Les Continents, La Revue du Mon<strong>de</strong> Noir, Le Cri <strong>de</strong>sNègres…, et par <strong>de</strong>s journaux tels que La Dépêche africaine.14L’HISTOIREDES AFRO-ANTILLAISEN FRANCE… AU CŒUR DE NOS DIVERSITÉS


1930-1939LE TEMPSDES NÉGRITUDESEn 1931, s’ouvre à Vincennes l’Exposition colonialeinternationale. Plus <strong>de</strong> cinq cents Africains et une centaine<strong>de</strong> Caribéens y participent. Trente-quatre millions <strong>de</strong>tickets sont vendus, ce qui en fait la plus importantemanifestation <strong>de</strong> l’entre-<strong>de</strong>ux-guerres en Europe. Enopposition, les surréalistes organisent avec la CGTU une contre<strong>expo</strong>sitionLa vérité sur les colonies et rédigent un tract appelantau boycott — « Ne visitez pas l’Exposition coloniale » — afin <strong>de</strong>protester contre les massacres coloniaux. Cependant, la culturenoire trouve d’autres moyens <strong>de</strong> s’affirmer. Paris <strong>de</strong>vient ainsi lelieu <strong>de</strong> la « pensée noire » avec la création <strong>de</strong> revues et salonscomme celui <strong>de</strong> Paulette Nardal, première femme martiniquaiseà étudier à la Sorbonne. Simultanément, le jazz, la biguine et lesrythmes afro-cubains s’imposent dans les cabarets <strong>de</strong> la capitaleet en régions. Cette « présence exotique » déclenche unenégrophobie alimentée par la presse. Le mon<strong>de</strong> du sport ne sembletoutefois pas touché par ce phénomène. Le boxeur afro-américainPanama Al Brown <strong>de</strong>vient, en effet, une figure populaire et RaoulDiagne est le premier Afro-Guyanais à être sélectionné en équipenationale <strong>de</strong> football en 1931. Dès 1935, à Paris, la valorisation <strong>de</strong>la culture noire marque la naissance d’un discours autour <strong>de</strong> laNégritu<strong>de</strong>. Par ailleurs, après Henry Lémery, sous-secrétaire d’Étataux Transports maritimes pendant la Gran<strong>de</strong> Guerre, les années 30voient plusieurs hommes politiques afro-antillais occuper le poste<strong>de</strong> sous-secrétaire d’État aux Colonies : Alci<strong>de</strong> Delmont (1929),Auguste Brunet et Blaise Diagne (1931) ou Gratien Candace (1932).Par la suite, un rapprochement se fait entre les élites noires et lespartis <strong>de</strong> gauche, les unissant au Front Populaire en 1936. GastonMonnerville <strong>de</strong>vient sous-secrétaire d’État aux Colonies en 1937et l’Antillais Gratien Candace est élu vice-prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Chambre<strong>de</strong>s députés en 1938, signes d’une « intégration » visible dans lesstructures <strong>de</strong> la République. Toutefois, face à la menace grandissanted’une nouvelle guerre, ni l’intelligentsia parisienne ni l’opinionpublique ne sont disposées à écouter les revendications d’unenouvelle pensée noire et la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’égalité politique.16L’HISTOIREDES AFRO-ANTILLAISEN FRANCE… AU CŒUR DE NOS DIVERSITÉS


1940-1945L’ARMÉED’AFRIQUEDepuis septembre 1939, la France est en guerre. Plus <strong>de</strong>trente-huit mille soldats <strong>de</strong>s colonies africaines sontprésents en métropole pour soutenir l’effort <strong>de</strong> guerreà l’arrière et sur les fronts. Les Nazis, empreints dusouvenir <strong>de</strong> la propagan<strong>de</strong> contre les troupes noires <strong>de</strong>la Première Guerre mondiale, entretiennent une propagan<strong>de</strong>intense et massacrent <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> combattants afro-antillais.Le 22 juin 1940, l’Armistice met fin aux exactions les pluscriminelles, mais elle annonce aussi une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> ségrégationpour les troupes noires présentes en France : exclues <strong>de</strong> l’arméefrançaise, elles sont obligées à rester dans leurs casernes au sud<strong>de</strong> la France, où les prisonniers <strong>de</strong> guerre ont <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong>captivité difficile. Le régime <strong>de</strong> Vichy s’engage alors dans un discoursdual et complexe. D’une part, on note une promotion impériale,avec la nomination <strong>de</strong> l’Antillais Henry Lémery comme ministre<strong>de</strong>s Colonies en 1940. De l’autre, <strong>de</strong>s mesures ségrégatives et <strong>de</strong>sinterdictions à l’encontre <strong>de</strong>s Noirs se multiplient dès les premiersjours du régime. En outre, les Allemands refusent <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s« hommes <strong>de</strong> couleur » sur leur sol et exigent <strong>de</strong>s autoritésfrançaises l’ouverture <strong>de</strong> Frontstalags en France pour leurs« prisonniers indigènes ». Nombre <strong>de</strong> soldats noirs ou <strong>de</strong>prisonniers évadés rejoignent la Résistance, comme le GuinéenAddi Bâ ou le gouverneur du Tchad, Félix Éboué, qui rallie la causedu général <strong>de</strong> Gaulle dès le 18 juin 1940 et donne ainsi « le signal<strong>de</strong> redressement <strong>de</strong> l’empire tout entier ». En août 1943, les Forcesfrançaises libres fusionnent avec l’Armée d’Afrique. Ellesreprésentent le cœur <strong>de</strong>s forces gaullistes, qui libèrent le sud <strong>de</strong>la France lors <strong>de</strong> l’été 1944. Mais cédant à la pression <strong>de</strong>s États-Unis, le pouvoir politique déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> « blanchir » les troupes quidéfileront lors <strong>de</strong> la Libération <strong>de</strong> Paris. La présence <strong>de</strong> cescombattants et travailleurs noirs en métropole bouleverse l’ordre<strong>de</strong>s choses et dès l’été 1944, les autorités prennent <strong>de</strong> premièresmesures drastiques pour limiter le métissage et organiser le retour<strong>de</strong>s combattants en Afrique. Les conditions précaires et les problèmes<strong>de</strong> régularisation <strong>de</strong> sol<strong>de</strong>s créent <strong>de</strong>s rancœurs ainsi que <strong>de</strong>nombreuses révoltes, aussitôt réprimées par les autorités françaises.18L’HISTOIREDES AFRO-ANTILLAISEN FRANCE… AU CŒUR DE NOS DIVERSITÉS


1946-1956LES PRÉSENCESNOIRESL’immédiat après-guerre voit Paris se transformer encapitale culturelle, connue pour le jazz et pour l’accueilréservé aux Afro-Américains qui veulent fuir la ségrégationraciale <strong>de</strong> leur pays. Dans les années 50, les caves <strong>de</strong> Saint-Germain-<strong>de</strong>s-Prés sont <strong>de</strong>s lieux en vogue, fréquentéspar <strong>de</strong>s jeunes gens qui viennent s’y divertir voire discuter politiqueou littérature. Le temps <strong>de</strong>s colonies laisse peu à peu la place àcelui <strong>de</strong>s luttes pour les indépendances. Dans cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong>basculement politique, quatre élus s’imposent : Léopold SédarSenghor, Gaston Monnerville, Aimé Césaire et Félix Houphouët-Boigny. Ils symbolisent la nouvelle génération politique. Les réformesse succè<strong>de</strong>nt avec la création <strong>de</strong> l’Union française et la loi du19 mars 1946 concernant la départementalisation <strong>de</strong>s anciennescolonies — Gua<strong>de</strong>loupe, Guyane, Martinique et Réunion —, quimet fin au régime discriminant <strong>de</strong> l’indigénat. Mais l’heure est aussià la répression brutale, aux guerres coloniales, aux atteintes auxdroits et aux inégalités <strong>de</strong> traitement pour les anciens combattants.La plupart <strong>de</strong>s partis politiques revendiquent le maintien <strong>de</strong> l’empireet se positionnent contre les indépendances en Afrique. La critiqueenvers le colonialisme se radicalise, comme l’illustrent la productionlittéraire et les débats en milieu universitaire. Depuis la fin <strong>de</strong> laguerre, les étudiants afro-antillais présents en France, toujoursplus nombreux, constituent un vivier pour les mouvementsindépendantistes. En 1950, <strong>de</strong> nombreuses associations étudiantesse regroupent sous l’égi<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Fédération <strong>de</strong>s étudiants d’Afriquenoire en France (FÉANF), dirigée par Solange Faladé, qui parvientà rassembler plus <strong>de</strong> mille trois cents étudiants. Son objectif <strong>de</strong>vientrapi<strong>de</strong>ment l’indépendance <strong>de</strong>s pays africains et elle ne tar<strong>de</strong> pasà se heurter à la répression policière. Une maison d’édition irriguela pensée politique et littéraire <strong>de</strong> ces années d’après-guerre,c’est Présence Africaine, qui souhaite régénérer la « pensée nègre ».Elle organise ainsi, le 19 septembre 1956, un Congrès <strong>de</strong>s écrivainset artistes noirs à la Sorbonne afin <strong>de</strong> valoriser les cultures noires,mais aussi dénoncer le racisme et le colonialisme.20L’HISTOIREDES AFRO-ANTILLAISEN FRANCE… AU CŒUR DE NOS DIVERSITÉS


1957-1974LA NOUVELLEGÉNÉRATIONAvec les indépendances, l’empire disparaît progressi -vement du quotidien <strong>de</strong>s Français, le ministère <strong>de</strong> laFrance d’Outre-mer <strong>de</strong>vient celui <strong>de</strong> la Coopération.Commence alors l’histoire <strong>de</strong>s immigrations post -coloniales en provenance d’Afrique et <strong>de</strong>s Dom-Tom.En 1963, le Bumidom, agence d’État chargée d’organiser l’immigrationen provenance <strong>de</strong>s Antilles, recrute <strong>de</strong>s personnes peu qualifiéeset les oblige à se former dans <strong>de</strong>s centres qui organisent <strong>de</strong>s cours« d’adaptation à la vie métro politaine ». L’immigration africaine — Mali,Sénégal et Mauritanie principalement — permet aux industries<strong>de</strong> combler un manque <strong>de</strong> main-d’œuvre pendant cette pério<strong>de</strong><strong>de</strong> croissance. Face à cette nouvelle présence, la France passe d’unracisme latent et colonial à une xénophobie manifeste, alors mêmeque le poste <strong>de</strong> prési<strong>de</strong>nt du Sénat est offert à un Guyanais, GastonMonnerville. Simultanément, les premiers exilés politiques fuyantles régimes autoritaires africains arrivent en France où ils trouventun espace <strong>de</strong> liberté. S’y ajoute une nouvelle élite noire issue <strong>de</strong>smilieux étudiants, artistiques et littéraires, symbolisée par le romand’Édouard Glissant, La Lézar<strong>de</strong>, qui reçoit le prix Renaudot en1958. Une génération également incarnée par la pièce <strong>de</strong> JeanGenet, Les Nègres, interprétée par <strong>de</strong>s comédiens africains etantillais, notamment Robert Liensol. La musique reste le moyend’expression privilégié <strong>de</strong> la culture noire, et <strong>de</strong>s artistes commeSerge Gainsbourg utilisent désormais <strong>de</strong>s rythmes afro-antillaisdans leur composition. Le magazine Pulsations fait alors découvrirtoute une génération musicale via le petit écran, aux côtés <strong>de</strong>figures majeures <strong>de</strong> la musique caribéenne comme Henri Salvador.Les années 54-74 sont aussi marquées par la lutte sociale axéeautour <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> travail et <strong>de</strong>s logements déplorables. Lesprotestations contre la politique d’immigration et les conditions<strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s travailleurs immigrés s’amorcent après le mouvement<strong>de</strong> Mai 68. Avec <strong>de</strong>s nouvelles mobilisations et contestations dansles foyers, sont révélées à l’opinion publique les conditions <strong>de</strong> vie<strong>de</strong> ces travailleurs immigrés.22L’HISTOIREDES AFRO-ANTILLAISEN FRANCE… AU CŒUR DE NOS DIVERSITÉS


1975-1986LES IMMIGRATIONSAFRO-ANTILLAISESDès 1975, le clivage qui prévalait entre le travailleur <strong>de</strong>passage et l’étudiant tend à s’estomper. En effet, le chocpétrolier <strong>de</strong> 1973 et la crise qui s’ensuit provoquent unarrêt officiel <strong>de</strong> l’immigration <strong>de</strong> travail en France et laisseprogressivement place au regroupement familial. Lestravailleurs et étudiants afro-antillais se sé<strong>de</strong>ntarisent, provoquant<strong>de</strong>s réactions xénophobes. En favorisant les ai<strong>de</strong>s au retour (1977),en remettant progressivement en cause le regroupement familial(1979), tout en accentuant la politique <strong>de</strong> migrations <strong>de</strong>s Antilles,<strong>de</strong> Guyane et <strong>de</strong> la Réunion via le Bumidom, le contexte politiquedurcit graduellement les lois sur l’immigration au cours <strong>de</strong> cettedécennie. Toutefois, au début <strong>de</strong>s années 80, la gauche socialistemet fin au Bumidom et régularise <strong>de</strong> nombreux sans-papiers. Mais,en 1986, le ministre <strong>de</strong> l’Intérieur Charles Pasqua affrète, à grandrenfort <strong>de</strong> publicité, un charter qui reconduit symboliquement àBamako une centaine <strong>de</strong> Maliens. Cette expulsion se veut un signalfort : tous les candidats à l’émigration (en priorité les Africains)sont désormais « indésirables » en France. Cette décennie voitd’ailleurs l’association entre immigration et insécurité <strong>de</strong>venir unponcif permanent, comme le démontre la montée du Front nationalaux élections municipales (1983), législatives (1986), prési<strong>de</strong>ntielles(1988) et européennes (1989). Parallèlement, les immigrés acceptent<strong>de</strong> moins en moins d’être privés <strong>de</strong>s droits accordés aux autrestravailleurs et revendiquent leur citoyenneté. Les mouvements <strong>de</strong>luttes <strong>de</strong>s « sans-papiers », pour le droit à l’asile et au logementse multiplient et sollicitent l’intérêt <strong>de</strong>s médias. Ces années sontaussi marquées par l’émergence <strong>de</strong> musiciens et surtout <strong>de</strong> sportifsafro-antillais sur la scène médiatique. Ces enfants <strong>de</strong>s premièresgénérations, comme Marius Trésor, Jean Tigana ou Yannick Noah<strong>de</strong>viennent les « héros » d’une France en quête <strong>de</strong> succès. L’imagedu Noir n’est donc pas toujours rejetée et un fort mouvement<strong>de</strong> solidarité antiraciste existe (surtout chez les jeunes), commele prouve le succès <strong>de</strong> la manifestation, Marche pour l’égalité etcontre le racisme, en 1983 ou la création <strong>de</strong> SOS Racisme en 1984,présidé par Harlem Désir.24L’HISTOIREDES AFRO-ANTILLAISEN FRANCE… AU CŒUR DE NOS DIVERSITÉS


1987-1998LE TEMPSDES REVENDICATIONSLe <strong>de</strong>rnier quart du XX e siècle est marqué par la fortevisibilité dans l’espace public <strong>de</strong> discriminations multiplesà l’encontre <strong>de</strong>s migrants afro-antillais et <strong>de</strong> leurs<strong>de</strong>scendants. En 1988, la loi Joxe assure une protectioncontre les expulsions mais, dès 1993, toute une série <strong>de</strong>mesures sont prises pour limiter l’immigration et restreindrel’accès à la nationalité française. Dans les rues <strong>de</strong> la capitales’esquissent alors les premiers « quartiers noirs ». Simultanément,on constate une certaine banalisation <strong>de</strong> la présence <strong>de</strong>s Noirsau sein <strong>de</strong>s gouvernements successifs, à l’image <strong>de</strong> Kofi Yamgnane,ainsi que dans le mon<strong>de</strong> culturel. La France redécouvre égalementles arts et les cultures du continent noir, entre <strong>expo</strong>sitions, biennaleset records d’enchères pour les arts nègres. Les Afro-Antillaisinstallés à Paris rencontrent ainsi <strong>de</strong>s succès dans <strong>de</strong>s domainesles plus divers : en littérature avec le prix Goncourt <strong>de</strong> 1992décerné à l’écrivain antillais Patrick Chamoiseau ; dans l’univers<strong>de</strong> la mo<strong>de</strong> avec le créateur malien Xuly Bët ; au cinéma où DarlingLégitimus, dans Rue Cases-nègres, remporte le prix d’interprétationféminine à la Mostra <strong>de</strong> Venise. Parallèlement, la musique « noire »est plus présente que jamais : Manu Dibango triomphe à l’Olympiaen 1991, tandis que le chanteur sénégalais Youssou N’Dour,sénégalais d’origine, compose l’hymne officiel <strong>de</strong> la Coupe dumon<strong>de</strong> <strong>de</strong> football en 1998. Dans les années 90, <strong>de</strong>s artistescomme MC Solaar, IAM ou Suprême NTM révolutionnent lasociété avec l’arrivée du mouvement hip-hop en France. Cetteculture black contribue à modifier sensiblement l’image <strong>de</strong>s Noirsdans l’opinion publique, ils s’inscrivent dorénavant dans ce quel’on appelle les « cultures urbaines ». La visibilité <strong>de</strong> la populationnoire passe aussi par la question <strong>de</strong> la mémoire <strong>de</strong> l’esclavageavec la Marche <strong>de</strong> mai 1998 commémorant le cent cinquantenaire<strong>de</strong> l’abolition <strong>de</strong> l’esclavage. Mais l’autre temps fort <strong>de</strong> cette année1998 <strong>de</strong>meure la Coupe du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> football où s’illustre l’équipe<strong>de</strong> France « Black-Blanc-Beur » avec Marcel Desailly, Lilian Thuram,Thierry Henry…26L’HISTOIREDES AFRO-ANTILLAISEN FRANCE… AU CŒUR DE NOS DIVERSITÉS


1999-2011LA CITOYENNETÉNOIREDe 1999 à aujourd’hui, la France est dans une situationparadoxale, bousculée entre les questions liées à l’immi -gration et à la présence historique <strong>de</strong>s Afro-Antillaisdans la société. Une mosaïque <strong>de</strong> nationalités africaines,caribéennes et originaires <strong>de</strong> l’océan Indien est installée<strong>de</strong>puis plusieurs décennies dans l’hexagone. Les cultures métissess’imposent et les Noirs <strong>de</strong> France revendiquent leur citoyennetéet leurs droits. Mais la présence du Front national au second tour<strong>de</strong>s élections prési<strong>de</strong>ntielles <strong>de</strong> 2002 annonce une fracture, qualifiéepar beaucoup <strong>de</strong> « repli communautaire ». Dans le même temps,la diversité reste peu valorisée dans les médias et l’espace politique,sauf dans le domaine du sport, avec l’équipe <strong>de</strong> football, victorieuseen 1998, symbole d’une France métissée. Mais le mythe s’effondreen 2002 et l’équipe <strong>de</strong> France subit dès lors <strong>de</strong> vives critiques.Dans le même temps, le combat pour la mémoire prend un nouveautournant : le 10 mai 2001, l’Assemblée nationale reconnaît la traitenégrière et l’esclavage comme crime contre l’humanité. En réaction,la loi <strong>de</strong> 2005, instituant la reconnaissance <strong>de</strong>s « aspects positifs »<strong>de</strong> la présence française outre-mer, renvoie la société à son passécolonial. La rupture est consommée lors <strong>de</strong>s émeutes <strong>de</strong>s banlieues<strong>de</strong> 2005, qui s’accompagnent d’une réaction brutale <strong>de</strong> l’État etd’un rejet progressif d’une « société multiculturelle ». Toutefois,la vie culturelle valorise les cultures et les mémoires noires : <strong>de</strong>sauteurs d’origine afro-antillaise multiplient les publications évoquantleur i<strong>de</strong>ntité entre l’Afrique, les Antilles et la France et la musiquereste un espace d’expression privilégié <strong>de</strong>s jeunes issus <strong>de</strong>l’immigration. Le paradoxe français se creuse, car malgré les discoursd’exclusion, les violences urbaines et la crise sociale, les Noirfrançaiss’installent dans l’hexagone <strong>de</strong> manière explicite et multiple. Denos jours, le thème <strong>de</strong> l’immigration est toujours au cœur <strong>de</strong>sdébats politiques. Les questions <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité nationale, <strong>de</strong> la place<strong>de</strong> l’islam dans la société et <strong>de</strong>s quotas en équipe <strong>de</strong> France reflètentune société déstabilisée. Cependant, les Noirs installés en Francefont partie intégrante <strong>de</strong> notre histoire, <strong>de</strong> nos cultures, du territoireet <strong>de</strong> l’économie <strong>de</strong>puis maintenant plusieurs générations.28L’HISTOIREDES AFRO-ANTILLAISEN FRANCE… AU CŒUR DE NOS DIVERSITÉS


LE TEMPSDES MÉMOIRESCROISÉESDepuis <strong>de</strong>ux décennies, on assiste à une multiplication <strong>de</strong>publications et <strong>de</strong> célébrations sur le thème <strong>de</strong> ce passécommun entre la France, l’Afrique et les outre-mer. Desmusées portant sur la connaissance <strong>de</strong>s cultures et <strong>de</strong>l’histoire <strong>de</strong>s migrations comme le musée du quai Branlyou la Cité nationale <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> l’immigration suscitent <strong>de</strong>nombreux débats sur leur localisation ou leur contenu, touten offrant une nouvelle visibilité à ces questions <strong>de</strong> mémoire.Les manifestations se multiplient, comme la Journée du souvenir<strong>de</strong> l’esclavage et <strong>de</strong> son abolition, la commémoration du75 e anniversaire <strong>de</strong> l’Exposition coloniale dans le bois <strong>de</strong> Vincennes,l’<strong>expo</strong>sition Kréyol Factory à la Villette, la sortie du film La VénusNoire ou la célébration <strong>de</strong> l’année <strong>de</strong>s outre-mer en 2011. Unevéritable dynamique culturelle se développe autour <strong>de</strong>s questions<strong>de</strong> la « diversité » et <strong>de</strong> la rencontre <strong>de</strong>s cultures <strong>de</strong>s Suds danstoute la France, comme en témoignent les nombreux festivals etévénements organisés chaque année : les Ren<strong>de</strong>z-vous <strong>de</strong> l’Histoire<strong>de</strong> Blois, le collectif <strong>de</strong>s Anneaux <strong>de</strong> la Mémoire à Nantes ou encorele festival <strong>de</strong>s Étonnants Voyageurs <strong>de</strong> Saint-Malo. Un maillageculturel et mémoriel se met en place pour inscrire durablementla connaissance du passé dans le présent. Les commémorationset colloques encouragent les populations à ne pas taire le rôle<strong>de</strong>s immigrés dans l’Histoire et permettent d’associer le travail<strong>de</strong>s mémoires au travail d’histoire, même si ces thématiques ontdu mal à toucher un large public. Toutefois, les débats sur l’« i<strong>de</strong>ntiténationale » reflètent l’anxiété d’une nation face à son histoire etaux mémoires qui la construisent dont la création en 2007 duministère <strong>de</strong> l’Immigration, <strong>de</strong> l’Intégration, <strong>de</strong> l’I<strong>de</strong>ntité nationaleet du Développement solidaire est symptomatique. Malgré lesmultiples événements pour la connaissance <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong>s Sudsen France, les hommes et les femmes qui en sont issus restentrelativement méconnus <strong>de</strong>s autres Français et restent finalement<strong>de</strong>s « étrangers <strong>de</strong> l’intérieur ». Les médias sont encore tropminoritaires ou communautarisés et surtout les grands festivalsou les scènes nationales atten<strong>de</strong>nt souvent d’avoir un thèmespécifique pour programmer les créations d’artistes noirs.Néanmoins, le domaine audiovisuel, ainsi que la littérature et lamusique, imposent un nouveau regard sur ces présences, dontle film Case Départ est une <strong>de</strong>s expressions les plus récentes.30L’HISTOIREDES AFRO-ANTILLAISEN FRANCE… AU CŒUR DE NOS DIVERSITÉS


1 I L’histoire <strong>de</strong>s Afro-Antillais en France… au cœur <strong>de</strong> nos diversités2 I Le temps <strong>de</strong>s esclaves et <strong>de</strong>s affranchis (1685–1785)3 I D’une révolution à l’autre (1786–1848)4 I Le temps <strong>de</strong>s pionniers (1849–1889)5 I Le temps <strong>de</strong>s colonies (1890–1913)6 I Les forces noires (1914–1918)7 I Les cultures noires (1919–1929)8 I Le temps <strong>de</strong>s négritu<strong>de</strong>s (1930–1939)9 I L’armée d’Afrique (1940–1945)10 I Les présences noires (1946–1956)11 I La nouvelle génération (1957–1974)12 I Les immigrations afro-antillaises (1975–1986)13 I Le temps <strong>de</strong>s revendications (1987–1998)14 I La citoyenneté noire (1999–2011)15 I Le temps <strong>de</strong>s mémoires croisées<strong>Groupe</strong> <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> <strong>Achac</strong>80 rue laugier - 75017 Pariswww.achac.comavec le soutien <strong>de</strong> l’Acsé(Agence nationale pour la cohésion socialeet l’égalité <strong>de</strong>s chances)

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