la rubrique 23 - Conseil Général de Savoie
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La <strong>rubrique</strong>DES PATRIMOINES <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>Conservation Départementale du Patrimoine . juillet 2009 . n°<strong>23</strong>
le château, <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong>,dix siècles d’histoireexposition dans l’ancienne Chambre <strong>de</strong>s comptesACTUALITÉSPATRIMOINEvisite libreJUILLET-AOÛTtous les jours (sauf mardi) 10h30-18hDU 1 er SEPTEMBRE AU 11 OCTOBREmercredi, jeudi et vendredi, 13h30-18hsamedi et dimanche, 10h30-18hDans le cadre du projet <strong>de</strong> valorisation duchâteau <strong>de</strong>s ducs <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>, le <strong>Conseil</strong> généra<strong>la</strong> inauguré le 13 février <strong>de</strong>rnier l’exposition « Lechâteau, <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong>, dix siècles d’histoire » dans lessalles récemment rénovées <strong>de</strong> l’ancienneChambre <strong>de</strong>s comptes situées au cœur <strong>de</strong> l’Ailedite historique. Cette première manifestationprésente, jusqu’au 11 octobre prochain, au plus<strong>la</strong>rge public, l’histoire même <strong>de</strong> ce monumentemblématique, tour à tour, château-fort seigneurial,pa<strong>la</strong>is rési<strong>de</strong>ntiel princier puis royal, châteaunational, monument historique et siège <strong>de</strong>sadministrations qui s’y sont succédé du MoyenÂge à aujourd’hui.L’enjeu <strong>de</strong> cette première étape <strong>de</strong> valorisationétait <strong>de</strong> redonner au public un accès libre, par<strong>la</strong> Porterie, à cette partie ancienne du château,tout en prenant en compte les exigences <strong>de</strong>sécurité du P<strong>la</strong>n Vigipirate pour les bâtimentsofficiels. La Porte <strong>de</strong> <strong>la</strong> Herse a donc été sécuriséepar un nouveau dispositif à l’emp<strong>la</strong>cement <strong>de</strong><strong>la</strong> herse initiale en accord avec <strong>la</strong> Préfecture et<strong>la</strong> Conservation régionale <strong>de</strong>s Monuments historiques.Il paraissait naturel que l’ouverture <strong>de</strong> cet espaceculturel départemental dédié aux expositionstemporaires thématiques et aux animationsculturelles, au plus près <strong>de</strong> l’actualité <strong>de</strong>s patrimoines<strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>, soit en primeur consacrée à<strong>la</strong> préfiguration d’un centre d’interprétation duchâteau. Cet aménagement permanent dontl’imp<strong>la</strong>ntation est actuellement étudiée dans lecadre <strong>de</strong> l’établissement d’un schéma directeurgénéral pour <strong>la</strong> valorisation du château <strong>de</strong>s ducs<strong>de</strong> <strong>Savoie</strong> confié conjointement par <strong>la</strong> Préfectureet le <strong>Conseil</strong> général à Monsieur Jean-FrançoisGrange-Chavanis, Architecte en chef <strong>de</strong>s Monumentshistoriques, <strong>de</strong>vrait constituer dans lesprochaines années une étape essentielle <strong>de</strong> <strong>la</strong>valorisation <strong>de</strong> l’Aile dite historique du château.Cette première exposition a donc été conçuepar <strong>la</strong> Conservation départementale du patrimoineafin <strong>de</strong> proposer au public <strong>la</strong> découverte<strong>de</strong> <strong>la</strong> longue évolution – pas moins <strong>de</strong> dix siècles– <strong>de</strong> ce monument à l’architecture complexe aucœur <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Chambéry et à l’origine <strong>de</strong>son essor. Son concept, pour tous les publics, àmi-chemin entre exposition <strong>de</strong> musée et centred’interprétation, est celui d’un parcours muséographiqueet didactique s’appuyant sur unesélection significative d’objets <strong>de</strong> collection et<strong>de</strong> documents d’archives originaux ou facsimilésgrâce au concours <strong>de</strong>s Archives départementales<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong>, <strong>de</strong> l’Archivio di Statodi Torino, <strong>de</strong>s Musées et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Médiathèque <strong>de</strong>Chambéry, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Bibliothèque municipale <strong>de</strong>Lyon, du Musée <strong>de</strong> <strong>la</strong> Malmaison, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fondationd’Hautecombe et <strong>de</strong> prêteurs privés.Manuscrits sur parchemin ou sur papier, rouleaux<strong>de</strong> compte ou registres, <strong>de</strong>ssins, aquarelles,estampes, peintures, sceaux, cartes rythment lessix modules chronologiques et thématiquesretenus. Le château médiéval, le châteaumo<strong>de</strong>rne, le château national, <strong>la</strong> Sainte-Chapelle,<strong>la</strong> Maison <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>, <strong>la</strong> Chambre <strong>de</strong>s comptesoffrent aux visiteurs <strong>de</strong>s éléments d’interprétationdu monument, à partir d’une abondanteiconographie et <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux maquettes, l’une représentantle château actuel, l’autre le château à <strong>la</strong>fin du XVI e siècle dans tout son développementmédiéval.4Lors <strong>de</strong> l’inauguration <strong>de</strong> <strong>la</strong> Chambre<strong>de</strong>s comptes, le 13 février 2009.
[ci-contre et en bas] Vues <strong>de</strong> l’exposition,commissariat Conservationdépartementale du patrimoine,scénographie Fabienne Burdin, architecte,réalisation neWaru, conseil en communication.[ci-<strong>de</strong>ssous] Maquette du château actuel,atelier Jay-Gonthier.Les sources historiques et iconographiques,rassemblées ici et mises en valeur par <strong>la</strong> muséographie,invitent à l’observation critique pourmieux appréhen<strong>de</strong>r le développement architecturaldu château au cours <strong>de</strong>s différentespério<strong>de</strong>s, en l’état <strong>de</strong>s connaissances archéologiqueset historiques actuelles. Il reste toutefoisencore à étudier précisément les grands chantiersmédiévaux qui ont complètement modifié<strong>la</strong> Poype initiale et l’ensemble <strong>de</strong>s édificesconstituant son donjon, <strong>de</strong> <strong>la</strong> première moitiédu XIV e siècle au XV e siècle puis l’impact <strong>de</strong>sconstructions mo<strong>de</strong>rnes et contemporaines surles bâtiments médiévaux La muséographie s’estefforcée <strong>de</strong> donner aux visiteurs une vision d’ensembledu château, y compris <strong>de</strong>s parties nonaccessibles au public, leurs permettant <strong>de</strong> serepérer avant ou après sa découverte partiellelors <strong>de</strong>s visites guidées proposées par lesgui<strong>de</strong>s-conférenciers <strong>de</strong> <strong>la</strong> Ville d’art et d’histoire<strong>de</strong> Chambéry. Pour le jeune public, un parcoursspécifique <strong>de</strong> l’exposition avec un livret d’accompagnementa été conçu.Œuvres et documents originaux ou fac-similéssont également autant <strong>de</strong> clefs <strong>de</strong> lecture pourrep<strong>la</strong>cer le monument dans son contexte historiquecomplexe et bien souvent méconnu, à <strong>la</strong>fois alpin et européen, celui <strong>de</strong>s anciens États<strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>, Deçà et Delà-les-monts, mais aussinational et départemental, celui du Rattachement<strong>de</strong> Nice et <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong> à <strong>la</strong> France. Lepublic peut ainsi découvrir ou redécouvrir unélément majeur du patrimoine alpin inscrit<strong>de</strong>puis dix siècles dans l’histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong> et<strong>de</strong> Chambéry.Enfin, l’exposition a fait l’objet d’un partenariatavec le Service animation <strong>de</strong> <strong>la</strong> Ville d’art etd’histoire <strong>de</strong> Chambéry et les gui<strong>de</strong>s-conférenciersdans le cadre <strong>de</strong> l’amélioration <strong>de</strong>s visitesguidées du château et notamment <strong>de</strong> l’accueil<strong>de</strong>s groupes et <strong>de</strong>s ateliers sco<strong>la</strong>ires en <strong>de</strong>venantun point focal au départ du parcours <strong>de</strong> visite.Philippe Raffaelli5
les collections mobilièresdu château <strong>de</strong>s ducs <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>COLLECTIONSDÉPARTEMENTALES[en haut] Dans l’Escalier d’honneur.[ci-<strong>de</strong>ssus] Vue du Salon jauneet <strong>de</strong> son mobilier, Salons d’honneur.[à droite] Deux amants s’unissent à l’autel<strong>de</strong> l’hymen, 1774, Joseph-Marie Vien,dépôt <strong>de</strong> l’État, Musée du Louvre, 26 août 1867,Escalier d’honneur.6Quelle surprise pour le public, pénétrant pour<strong>la</strong> première fois dans les Salons d’honneur et <strong>la</strong>Salle <strong>de</strong>s délibérations, ou dans d’autres espacesplus secrets du château, d’y découvrir un décor etun mobilier historique préservés ! S’y trouve eneffet un curieux mé<strong>la</strong>nge <strong>de</strong> styles accumulés aucours <strong>de</strong> l’histoire mouvementée <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong>, dont<strong>la</strong> constitution, plutôt que <strong>la</strong> rareté, fait <strong>la</strong> valeur,bien qu’il ne subsiste au château presque aucunobjet présent antérieurement à <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> révolutionnaire.Méconnu, peu considéré durant <strong>de</strong>sdécennies, usé par l’intense occupation administrative<strong>de</strong>s lieux, ce mobilier original n’en constituepas moins une richesse patrimoniale, que <strong>la</strong> multiplicité<strong>de</strong>s usagers, propriétaires et statuts rendcomplexe à préserver.Une succession d’inventairesPlusieurs inventaires et rapports, conservés auxArchives nationales et aux Archives départementales,éc<strong>la</strong>irent les mo<strong>de</strong>s d’entrée <strong>de</strong> ce mobilier.Du premier, en 1414, au <strong>de</strong>rnier, réalisé à <strong>la</strong> suite<strong>de</strong> l’incendie du 1 er novembre 1997, ils se sontsuccédé en une longue litanie <strong>de</strong> listes dont <strong>la</strong>disparité corrobore <strong>la</strong> règle d’un renouvellementcontinu <strong>de</strong>s meubles d’usage, pris dans le tourbillon<strong>de</strong>s réaffectations et <strong>de</strong>s chantiers successifs. Lemobilier y est décrit <strong>de</strong> façon sommaire et si leslocalisations mentionnées au sein <strong>de</strong> l’édifice sontparfois très précises, elles n’ont plus cours au récolementsuivant. L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ces documents permet<strong>de</strong> distinguer <strong>de</strong>ux grands ensembles cohérents.L’un constitué <strong>de</strong>s meubles et <strong>de</strong>s œuvres d’art àcaractère historique, comprenant les dépôts.L’autre, constitué <strong>de</strong>s acquisitions auprès d’artistescontemporains, <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> moitié duXX e siècle. Ces oeuvres ont été portées à l’inventairedu Musée Savoisien jusqu’en 1981. Fréquemmentdép<strong>la</strong>cées, elles font l’objet d’un suivi particulier.Si le décret du 19 décembre 1860 concè<strong>de</strong> lechâteau « gratuitement et en toute propriété auDépartement <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong> », celui du 14 février 1861ne précise qu’une courte liste <strong>de</strong> meubles revenantà l’État. Il s’agit du rare mobilier <strong>de</strong> salon signéGeorges Jacob, du lit et <strong>de</strong>s fauteuils cabrioletsignés Jean-Jacques Pothier, <strong>de</strong>s moulures <strong>de</strong> boisdoré encadrant les g<strong>la</strong>ces du Salon jaune et <strong>de</strong>quelques autres éléments. Juliette Nic<strong>la</strong>usse,conseiller technique au Mobilier national, remeten 1959 un rapport d’étu<strong>de</strong> parfaitement documentésur ce mobilier <strong>de</strong> qualité exceptionnelleacquis en 1806, qui conduira au c<strong>la</strong>ssement <strong>de</strong> l’ensembleainsi qu’à l’inscription à <strong>la</strong> liste complémentairedu Mobilier national 1 .Des dépôts d’œuvres d’art <strong>de</strong> qualité sontconsentis par l’Etat, les musées nationaux et lesmusées <strong>de</strong> Chambéry au Préfet ou au Prési<strong>de</strong>nt du<strong>Conseil</strong> général.Le Mobilier national est le déposant <strong>de</strong>s cinq tapisseries<strong>de</strong> <strong>la</strong> Salle <strong>de</strong>s délibérations du <strong>Conseil</strong>général. Le Musée du Louvre a procédé en 2002 aurécolement <strong>de</strong>s cinq peintures déposées à <strong>la</strong>Préfecture le 26 août 1867, trois sont aux murs <strong>de</strong>l’Escalier d’honneur, une gran<strong>de</strong> toile a disparu<strong>de</strong>puis plusieurs décennies et <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière, L’enlèvementd’Orythie par Borée <strong>de</strong> François-André Vincent,a quitté l’appartement <strong>de</strong> <strong>la</strong> Préfecture pourrejoindre le musée <strong>de</strong> Rennes en 2008. Le Centrenational <strong>de</strong>s arts p<strong>la</strong>stiques a procédé au récolement<strong>de</strong>s œuvres p<strong>la</strong>cées sous son autorité ennovembre 2008 : statue <strong>de</strong> Diane en marbredéposée en 1920, statue La Science, au <strong>Conseil</strong>général <strong>de</strong>puis 1936 et provenant du musée duTrocadéro, statue du Prince impérial par FrançoisCarpeaux, <strong>de</strong>puis 1869, peintures <strong>de</strong> Léon Fauche,<strong>de</strong> Louis Petit, <strong>de</strong> Jeanne Thil, en 1920, et malheureusementquelques absences ; enfin, les musées<strong>de</strong> Chambéry, déposants pour <strong>la</strong> g<strong>la</strong>ce et <strong>la</strong> consoleà l’italienne <strong>de</strong> <strong>la</strong> Salle à manger, un guéridon, unplâtre <strong>de</strong> Diane à <strong>la</strong> biche, un autre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Diane <strong>de</strong>Gabiès et l’ensemble <strong>de</strong>s toiles <strong>de</strong>s Salons d’honneur.À noter aussi plusieurs toiles, propriété du<strong>Conseil</strong> général, couchées sur l’inventaire <strong>de</strong> <strong>la</strong>Conservation départementale du patrimoine :œuvres <strong>de</strong> François Cachoud, Anselme Boix-Vives,Johanny Drevet, Emile Godchaux.Les autres collections abritées au château sontconstituées du mobilier <strong>de</strong> <strong>la</strong> Sainte-Chapelle,propriété du <strong>Conseil</strong> général et affecté au culte, enpartie c<strong>la</strong>ssé au titre <strong>de</strong>s Monuments historiqueset du mobilier, propriété <strong>de</strong> l’Académie <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>,installée au château <strong>de</strong>puis 1874.Une base <strong>de</strong> données est en cours d’actualisationpar <strong>la</strong> Conservation départementale du patrimoineà partir <strong>de</strong> l’inventaire établi en 1986 par DominiqueRichard, conservateur du patrimoine. Encore incomplètepuisqu’elle ne recense pas l’ensemble <strong>de</strong>slocalisations du château, elle rassemble plus d’unecentaine <strong>de</strong> meubles, autant d’œuvres d’art ou d’objetsdécoratifs. Plusieurs sont protégés au titre <strong>de</strong>sMonuments historiques, quelques dizaines sont endépôt. Notons aussi 35 armes b<strong>la</strong>nches <strong>de</strong> collection,et environ 250 œuvres d’art contemporain.Une situation complexeSi le propriétaire a été i<strong>de</strong>ntifié par les recherchesmenées sur le mobilier précieux <strong>de</strong>s maîtresébénistesJacob et Pothier, <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> dévolutionreste cependant ouverte pour les autresobjets c<strong>la</strong>ssés au titre <strong>de</strong>s Monuments historiques,dont il n’est évi<strong>de</strong>mment pas fait mention dans le
décret du 14 février 1861. La situation n’a pas étééc<strong>la</strong>ircie lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> Décentralisation, Les arrêtés <strong>de</strong>protection, désignent le château comme « Préfecture», le propriétaire étant en fait le <strong>Conseil</strong> général,alors que du mobilier mentionné « propriété duDépartement » pourrait être propriété <strong>de</strong> l’Etat.Hormis ce décret, les actes anciens ou récents d’affectationne font aucunement mention du mobilier,malgré sa qualité, si ce n’est par extension en <strong>la</strong>issantentendre que appartements et cabinets sontmeublés 2 . Le château est divisé en espaces auxusages distincts : services du <strong>Conseil</strong> général,services <strong>de</strong> <strong>la</strong> Préfecture et parties privativesdu Préfet, Salons d’honneur communs, Sainte-Chapelle, Académie <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>, Tour trésorerie àl’usage <strong>de</strong>s gui<strong>de</strong>s-conférenciers <strong>de</strong> <strong>la</strong> Ville d’artet d’histoire, tous abritent un mobilier historiquequi reste pourtant le grand oublié <strong>de</strong>s conventionsrégissant l’affectation <strong>de</strong>s pièces du château. Saseule protection réelle est <strong>la</strong> tradition et le comportement<strong>de</strong> ses usagers. Que l’immeuble soit c<strong>la</strong>sséMonument historique <strong>de</strong>puis 1881 ne procure pas<strong>de</strong> protection particulière au mobilier : <strong>la</strong> règle <strong>de</strong><strong>la</strong> domanialité publique ne semble pas s’appliquerà ces collections non indispensables à <strong>la</strong> bonnemarche <strong>de</strong>s services. Il paraît néanmoins saugrenu<strong>de</strong> les considérer au même titre que du simplemobilier <strong>de</strong> bureau, mais aucun texte ne protègeces collections <strong>de</strong> manière particulière. Il faut considérerselon l’usage qu’en l’absence <strong>de</strong> documentscontradictoires, le propriétaire <strong>de</strong> l’immeuble estpropriétaire du mobilier. Ainsi, à l’exclusion <strong>de</strong>spropriétés <strong>de</strong> l’Etat, <strong>de</strong>s dépôts et <strong>de</strong>s propriétésprivées, l’ensemble du mobilier historique seraitconstitutif d’une collection départementale indissociabledu château <strong>de</strong>s ducs <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>.La collectionCette collection, comprend <strong>de</strong> très nombreuxmeubles, objets décoratifs et œuvres d’art, acquispour <strong>la</strong> plupart sous le Premier Empire et peu après1860. Dans les Salons d’honneur, plusieurs objets<strong>de</strong> <strong>la</strong> collection départementale retiennent l’attention.Ainsi le piano Erard, qu’une expertise récentedu Musée <strong>de</strong> <strong>la</strong> musique date <strong>de</strong> 1855, les quatorzefauteuils Directoire numérotés en 1814, en cours<strong>de</strong> restauration, les banquettes, consoles en noyeret leurs g<strong>la</strong>ces, les sièges au dauphin ou à <strong>la</strong>palmette, <strong>la</strong> table à jeu en acajou du XVIII e siècle,<strong>la</strong> commo<strong>de</strong> en bois <strong>de</strong> rose, qui tous portent <strong>la</strong>marque au feu « GS », apposée sous <strong>la</strong> Restaurationsar<strong>de</strong>. Mais aussi les luminaires en <strong>la</strong>iton doré,acquis en 1805, quatre buffets et commo<strong>de</strong>s <strong>de</strong>style Boulle, <strong>de</strong>s horloges, <strong>de</strong>s bustes, <strong>de</strong>s statuettes,<strong>de</strong>s g<strong>la</strong>ces, <strong>de</strong>s sièges, dont l’histoire est liée auchâteau. La Tour trésorerie abrite une gran<strong>de</strong>généalogie <strong>de</strong> <strong>la</strong> « Royale Maison <strong>de</strong> Savoye »,inscrite à l’Inventaire supplémentaire <strong>de</strong>s Monumentshistoriques, restaurée en 2007 et unemaquette du château par le marquis <strong>de</strong> Lannoy <strong>de</strong>Bissy, mais aussi un banc-coffre aux armes <strong>de</strong><strong>Savoie</strong>, qu’il faut rapprocher <strong>de</strong>s six chaises p<strong>la</strong>céesen haut <strong>de</strong> l’Escalier d’honneur. Ce mobilier, dont<strong>la</strong> date d’entrée est antérieure à 1876, présente lecaractère remarquable d’être i<strong>de</strong>ntique à celuirécemment inventorié au château <strong>de</strong> Clermont,propriété du <strong>Conseil</strong> général <strong>de</strong> <strong>la</strong> Haute-<strong>Savoie</strong> 3 .Au <strong>Conseil</strong> général, sont conservés une gran<strong>de</strong>banquette Premier Empire restaurée en 2008, unbuffet Second Empire au bar <strong>de</strong>s salles <strong>de</strong> commissions,et <strong>de</strong>s peintures <strong>de</strong> petits maîtres savoyards.Le mobilier mis à disposition <strong>de</strong> <strong>la</strong> Préfectureconstitue <strong>la</strong> majeure partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> collection, citonsplusieurs armoires, lits, consoles, tables, commo<strong>de</strong>s,tapis, sièges, g<strong>la</strong>ces, pendules, luminaires, <strong>de</strong>nombreuses estampes, cartes, aquarelles, unecollection d’armes b<strong>la</strong>nches, etc. Distinguons unbureau double face, à l’usage du Préfet, affecté au« secrétaire <strong>de</strong> SM » sur l’inventaire <strong>de</strong> 1830, <strong>de</strong>uxarmoires XVII e siècle aux portes ornées <strong>de</strong> scènesbibliques, <strong>de</strong>ux aquarelles d’Eugène Boudin, <strong>de</strong>sestampes <strong>de</strong> Jean-Baptiste Isabey, Thomas Suther<strong>la</strong>nd,Henry William Burnbury, Jean-Baptiste Nolin,Nico<strong>la</strong> Sanson d’Abbeville, Jean <strong>de</strong> Ram, Gian-Tomaso Borgonio.Constat d’état et conservationCette collection a souffert du manque <strong>de</strong> considération<strong>de</strong> son intérêt patrimonial. Le suivi <strong>de</strong> conservationen est rendu urgent par le vieillissementmême du mobilier. Conserver est un défi contre letemps, que nous <strong>de</strong>vons relever pour préserver ettransmettre ces richesses qui ont traversé l’Histoire.Le XX e siècle a connu une érosion lente maiscontinue, faite d’usure, <strong>de</strong> casse, <strong>de</strong> pertes, <strong>de</strong> disparitions,souvent par ignorance. L’exemple récent <strong>de</strong>l’incendie du 1 er novembre 1997 en est une autreillustration : on déplore <strong>la</strong> perte d’une quantité indéterminée<strong>de</strong> beaux meubles, brûlés, et <strong>de</strong> plusieurstapis anciens. Les problèmes <strong>de</strong> conservation, liésaux suites <strong>de</strong> cet incendie, ont été multiples. Lesfacteurs <strong>de</strong> vieillissement auxquels ce mobilier estexposé sont, en plus <strong>de</strong> l’excès <strong>de</strong> lumière et <strong>de</strong>svariations climatiques, liés à l’usage : salissures,usures, rayures et décollements, en témoignent. Lespetits acci<strong>de</strong>nts, les fissures, les casses, les réparations<strong>de</strong> fortune ou les nettoyages inadaptés sontautant <strong>de</strong> causes qui en altèrent l’aspect et l’authenticité.Quand il ne s’agit pas d’altération structurelle<strong>de</strong>s matériaux : décoloration, oxydation, fragilisationmécanique. À <strong>la</strong> différence <strong>de</strong>s objets <strong>de</strong>musée, ceux du château ont une vie mouvementéeet certains subissent un usage intensif, malgré leurâge, victimes d’une dégradation rapi<strong>de</strong> que lesentretiens ont peine à contenir. Aussi les opérations<strong>de</strong> conservation-restauration à mettre en œuvres’avèrent souvent <strong>de</strong>s interventions lour<strong>de</strong>s.La gestion <strong>de</strong> cette collection est rendue difficilepar sa dispersion dans <strong>de</strong>s lieux à l’accès réglementé,parfois extérieurs au château, par <strong>de</strong>smouvements assez fréquents et par le nombre <strong>de</strong>stutelles et <strong>de</strong>s usagers. Un récolement et un constatd’état réalisés dans les règles <strong>de</strong> l’art sont ainsi lespremiers chantiers à é<strong>la</strong>borer avec l’ensemble <strong>de</strong>spartenaires. De tels outils serviront à définir unprogramme <strong>de</strong> conservation et <strong>de</strong> restauration,à <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> règles d’intervention c<strong>la</strong>ires,Vue d’une chambre d’honneuret <strong>de</strong> son mobilier XVIII e siècle.à l’é<strong>la</strong>boration d’un p<strong>la</strong>n d’évacuation et <strong>de</strong> miseen sécurité.L’entretien du monument qu’est le château passeaussi par celui <strong>de</strong> son mobilier, et au même titre queles architectes pour le bâtiment, les spécialistes enconservation-restauration sont désormais appelésà être consultés pour <strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong> cette collectionqui n’est pas un dû <strong>de</strong> l’Histoire à notre siècle.Son existence est fragile. Les dépôts <strong>de</strong> collectionspubliques consentis ne sont pas acquis et peuventprendre fin pour défaut <strong>de</strong> conservation, d’entretienou <strong>de</strong> présentation au public.Sans transformer le château en musée, nous considéronsaujourd’hui ce mobilier comme <strong>la</strong> collectiondu château <strong>de</strong>s ducs <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>, un patrimoine historiqueunique. En offrant un statut <strong>de</strong> protection àtout ce qui le mérite, en é<strong>la</strong>borant <strong>de</strong>s procédures<strong>de</strong> gestion, <strong>de</strong> conservation et <strong>de</strong> contrôle, enrég<strong>la</strong>nt l’usage et l’entretien du mobilier parconvention. Ces mesures prendront corps avec <strong>la</strong>coordination <strong>de</strong>s actions et <strong>la</strong> participation <strong>de</strong> tousles partenaires, travail<strong>la</strong>nt en concertation à <strong>la</strong>préservation et à l’enrichissement du patrimoinedu château.Jean-François LaurenceauNotes1. Voir Rubrique n°1, p.3 à 5, article <strong>de</strong> Laurent Hugues.2. Voir Jeannine Fil<strong>la</strong>rd, TER sous <strong>la</strong> direction d’AndréPalluel-Guil<strong>la</strong>rd, Centre universitaire <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>, 1974.3. Voir Rubrique n°22, p.8 et 9, article <strong>de</strong> Sophie Carette.[ci-<strong>de</strong>ssus] Marque au feu du Gouvernement<strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>, Restauration sar<strong>de</strong>, inventaire <strong>de</strong> 1816.[à gauche] Détail d’un canapé Empire,Salons d’honneur.7
hériter d’une histoire 1le cas du musée d’Annecy1842-1933 (première partie)MUSÉES[ci-<strong>de</strong>ssus] Echantillons <strong>de</strong> matières premières,manufacture <strong>de</strong> papier <strong>de</strong> Cran, v. 1870.[ci-<strong>de</strong>ssous] Indienne, manufacture<strong>de</strong> coton Laueffer, v. 1870.[en bas] Caricature <strong>de</strong> Louis Revon,L. Richer, fin XIX e siècle.8Durant près d’un siècle (<strong>de</strong> 1842 à 1945), l’évolution2 du Musée d’Annecy suit les gran<strong>de</strong>s ten -dances <strong>de</strong> l’histoire muséale, passant du cabinet<strong>de</strong> curiosités au musée <strong>de</strong> Jules Ferry vers 1880puis au musée <strong>de</strong> folklore et <strong>de</strong> beaux-arts à partir<strong>de</strong>s années 30.Dès 1953 cependant, avec le transfert <strong>de</strong> l’Hôtel <strong>de</strong>ville au château, s’ouvre une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> rupture, hors<strong>de</strong>s évolutions muséales c<strong>la</strong>ssiques, se traduisantpar une remise en question régulière <strong>de</strong>s orientationsdurant près <strong>de</strong> quarante ans et aboutissant àune impression <strong>de</strong> chantier permanent.Du cabinet <strong>de</strong> curiosités,appendice <strong>de</strong> <strong>la</strong> bibliothèque au musée-écoleLes origines (1798/1842-1851)La première mention d’un musée à Annecyremonte à 1798 (26 Prairial an VI) : il s’agit alors d’unprojet <strong>de</strong> musée <strong>de</strong> peintures à partir <strong>de</strong> collections<strong>de</strong> 133 tableaux regroupés à l’Evêché (provenantselon toute vraisemb<strong>la</strong>nce <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise à disposition<strong>de</strong> biens ecclésiastiques selon les vœux <strong>de</strong> <strong>la</strong>Constituante <strong>de</strong> 1789). 3 Ce projet reste sans suite.Et ce sont a priori les Musées <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Genève,nouvellement française, qui, en 1801, bénéficient<strong>de</strong>s <strong>la</strong>rgesses du Ministère <strong>de</strong> l’Intérieur chargé <strong>de</strong>répartir les prises <strong>de</strong> guerre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Révolution et duConsu<strong>la</strong>t (Loi Chaptal).Il n’est plus question <strong>de</strong> Musée jusqu’en 1842 dateà <strong>la</strong>quelle l’Abbé Favre, professeur au collège Chappuisienet bibliothécaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> bibliothèquepublique d’Annecy (qui existe <strong>de</strong>puis 1748) offreses collections à <strong>la</strong> ville pour former un cabinetd’histoire naturelle et d’archéologie. « Il est c<strong>la</strong>irqu’un semb<strong>la</strong>ble établissement est l’appendice nécessaired’une bibliothèque publique » exprime-t-il dansune note. Le musée est installé provisoirement dans<strong>la</strong> salle <strong>de</strong> <strong>la</strong> bibliothèque en attendant un localdans le nouvel hôtel <strong>de</strong> ville en cours <strong>de</strong> constructiondès 1846.Le Museum <strong>de</strong> 1842 se compose <strong>de</strong> collectionsd’insectes, d’œufs, <strong>de</strong> coquil<strong>la</strong>ges marins et terrestres,<strong>de</strong> fossiles et pétrifications, <strong>de</strong> minéraux, <strong>de</strong>médailles et monnaies diverses, et divers objets <strong>de</strong>curiosités (comme une momie égyptienne). L’objectifdu Musée est « d’exciter et alimenter l’amour<strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> parmi <strong>la</strong> jeunesse ».À ces collections s’adjoignent rapi<strong>de</strong>ment cellesd’Éloi Serand, jeune commerçant, collectionneurd’antiquités et <strong>de</strong> monnaies, passionné d’histoire etd’archéologie : il donne ses collections au Musée en1844. 4 Et pour le remercier <strong>la</strong> Ville le nomme en 1850conservateur honoraire et bibliothécaire adjoint.Outre sa qualité <strong>de</strong> donateur-conservateur, ÉloiSerand crée quelques années plus tard, le 11 juin1851, « l’Académie Florimontane pour le progrès,l’encouragement <strong>de</strong>s sciences, <strong>de</strong>s arts et <strong>de</strong>smétiers ». Cette Académie se veut ouverte à touset souhaite mettre à <strong>la</strong> portée <strong>de</strong> tous « les idéesjustes, raisonnables, utiles et pratiques », « provoquertoutes améliorations possibles dans le domaine <strong>de</strong>l’économie, <strong>de</strong> l’hygiène et <strong>de</strong> <strong>la</strong> salubrité publique,ouvrir <strong>de</strong>s cours pour l’instruction du peuple, aller à<strong>la</strong> recherche <strong>de</strong>s aptitu<strong>de</strong>s diverses… »Dès 1854, l’un <strong>de</strong> ses buts (outre <strong>la</strong> constitutiond’une bibliothèque savoisienne) est <strong>de</strong> recueilliret <strong>de</strong> conserver au Musée <strong>de</strong> <strong>la</strong> Ville d’Annecy <strong>de</strong>s« objets anciens re<strong>la</strong>tifs à l’histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong> :monnaies et médailles, inscriptions, antiquités diverseset collections d’histoire naturelle dans toutes sesbranches » « avec son application à l’industrie » : « c’estun champ vaste et encore peu exploré ».Le Musée à l’Hôtel <strong>de</strong> ville,l’ouverture au public (1849-1856)Le déménagement dans les nouveaux locaux <strong>de</strong>l’Hôtel <strong>de</strong> Ville se déroule à partir <strong>de</strong> 1849 sous <strong>la</strong>houlette <strong>de</strong> Louis Bouvier, docteur (membre fondateur<strong>de</strong> <strong>la</strong> Florimontane), nommé par <strong>la</strong> Ville pourtrois ans. Parmi ses missions (c<strong>la</strong>sser, conserver etaccroître les collections), lui incombe un coursgratuit d’histoire naturelle (on retrouve ici le soucipédagogique <strong>de</strong> <strong>la</strong> Florimontane).Mais le Musée peine à s’installer dans ses nouveauxmurs et <strong>la</strong> présentation <strong>de</strong>s collections au publicse fait à partir <strong>de</strong> 1856 seulement sous <strong>la</strong> directiond’un nouveau conservateur Gabriel <strong>de</strong> Mortillet 5(1854-1857), géologue, anthropologue et conchyliologue,formé au Museum d’histoire naturelle<strong>de</strong> Paris. Il appartient à cette génération d’exiléspolitiques (comme le peintre Gabriel Loppé, oul’écrivain Eugène Sue) contraints à l’exil en Suisseou en <strong>Savoie</strong> après 1848.Il gère le Musée durant trois ans et continue l’enrichissement<strong>de</strong>s collections d’histoire naturelle et<strong>de</strong>s antiquités. C’est l’époque <strong>de</strong>s premières découvertes<strong>la</strong>custres, <strong>de</strong>s premières plongées à Duingt.S’il n’y a pas <strong>de</strong> c<strong>la</strong>ssement dans les trois sallesouvertes au public, les collections sont présentées« <strong>de</strong> <strong>la</strong> façon <strong>la</strong> plus agréable à <strong>la</strong> vue ». La collection<strong>de</strong> <strong>la</strong>pidaires antiques est inaugurée en 1856 à l’occasion<strong>de</strong> <strong>la</strong> réunion à Annecy <strong>de</strong> <strong>la</strong> Société Savoisienned’art et d’archéologie. Ce Musée <strong>la</strong>pidaire,« comme à Turin ou à Lyon », 6 est installé dans <strong>la</strong>cour <strong>de</strong> l’Hôtel <strong>de</strong> Ville.Louis Revon et le Musée-Ecole (1860-1884)« Musée cantonal » ?En 1860, au moment du rattachement <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong>à <strong>la</strong> France, arrive à <strong>la</strong> tête <strong>de</strong> l’institution LouisRevon, que l’on peut considérer comme le véritablecréateur du Musée.Né <strong>de</strong> parents français, formé à Genève, il estrecruté par <strong>la</strong> Florimontane pour être professeur<strong>de</strong> mathématiques et <strong>de</strong> physique dans le premiercours professionnel qui vient d’être fondé par <strong>la</strong>Ville et l’association. Collectionneur, il est aussiarchéologue et ethnographe passionné. Péda-
les outils du patrimoineregard sur les technologiesARCHIVESDÉPARTEMENTALESA <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> <strong>la</strong> petite histoire<strong>de</strong> rats et <strong>de</strong> souris ou <strong>la</strong>bibliothèque change <strong>de</strong> « look »,le second épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> notresérie sur les outils dupatrimoine porte sur <strong>la</strong>numérisation et sestechniques.Episo<strong>de</strong> 2Les archives face à <strong>la</strong> caméraQuelques esprits chagrins pourraient dire qu’enmatière <strong>de</strong> patrimoine, archives et numérisationne sont plus un sujet original, surtout en <strong>Savoie</strong>.Il est vrai qu’en terre savoyar<strong>de</strong> <strong>la</strong> numérisationferait presque partie <strong>de</strong> l’histoire ancienne : ce<strong>la</strong>fait plus d’une décennie que les Archives se sont<strong>la</strong>ncées dans cette aventure. Mais le sujet estd’importance : ce sont aujourd’hui <strong>de</strong>ux millions<strong>de</strong> pages qui sont dématérialisées et accessiblessur les écrans <strong>de</strong> <strong>la</strong> salle <strong>de</strong> lecture ou chez soisur internet !Mais faisons fi <strong>de</strong>s chiffres et penchons-noussur le contenu : <strong>de</strong>ux évolutions majeures sonten cours aux archives départementales <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>Savoie</strong>.Une petite révolution <strong>de</strong> 2 m²Une petite révolution a déjà eu lieu et commen -ce à produire <strong>de</strong>s effets visibles : en décembre2007, les Archives ont reçu une caméra numériquecouleurs format A0 (un Digibook 10 000RGB d’I2S). Outre cette acquisition, le <strong>Conseil</strong>général avait également voté le recrutementd’un opérateur spécialisé pour piloter cette« Rolls ». Les Archives n’étaient cependant pasdémunies en matière d’appareil <strong>de</strong> numérisationpuisque <strong>de</strong>puis 2001, le service était dotéd’un scanner <strong>de</strong> livres niveau <strong>de</strong> gris format A3.Aujourd’hui, les <strong>de</strong>ux appareils fonctionnent <strong>de</strong>concert mais sur <strong>de</strong>s types <strong>de</strong> documents différents.Sur <strong>la</strong> caméra niveau <strong>de</strong> gris (requalifiéeimproprement <strong>de</strong> « noir et b<strong>la</strong>nc »), l’opérateurpoursuit <strong>la</strong> numérisation <strong>de</strong> l’état civil, notamment<strong>de</strong> tables décennales. Cet appareil estréservé à <strong>de</strong>s documents <strong>de</strong> taille mo<strong>de</strong>ste et<strong>de</strong> format régulier, <strong>de</strong>s fonds peu volumineux,en bon état ou pour lesquels <strong>la</strong> couleur n’estpas indispensable. La caméra couleurs permet<strong>de</strong> numériser <strong>de</strong> très gros registres, <strong>de</strong>s documents<strong>de</strong> formats très variés et <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> taille.Cet appareil permettra par exemple <strong>de</strong> traiterles registres du Tabellion en mauvais état quine pourront pas être confiés à un prestataireextérieur. Il a déjà permis <strong>de</strong> numériser unepartie du fonds <strong>de</strong>s affiches conservées auxArchives. La suite du programme est axée, dansun premier temps, sur le Fonds sar<strong>de</strong> (le fonds<strong>de</strong> <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> précédant l’Annexion <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong>en 1860) pour rendre les documents accessibles,dans une double perspective : les travaux historiqueset les expositions pour commémorer le150 e anniversaire <strong>de</strong> cet événement. Pour <strong>la</strong>suite, il est nécessaire <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s choix dans les10Le banc <strong>de</strong><strong>la</strong> nouvelle caméranumérique.
Albens dans l’Antiquitétémoignages <strong>de</strong> <strong>la</strong> générosité <strong>de</strong>s notablespour le bien-être <strong>de</strong> leurs compatriotesANTIQUITÉS &OBJETS D’ART12ILN, Vienne, 721.Au début <strong>de</strong> notre ère, Albens était unepetite ville <strong>de</strong> <strong>la</strong> cité <strong>de</strong> Vienne, l’ancien territoireallobroge. Son nom antique n’est pas attesté ;les inscriptions nous font seulement connaîtrecelui <strong>de</strong> ses habitants : les uicani Albinnenses,ce qui permet <strong>de</strong> penser qu’elle s’appe<strong>la</strong>itAlbinnum. Elle avait rang <strong>de</strong> uicus, c’est-à-direque ses habitants, tous citoyens romains, disposaientd’une certaine autonomie dans l’administration<strong>de</strong>s affaires locales et ne <strong>de</strong>vaient pastoujours en référer à <strong>la</strong> métropole. Comme savoisine Aix-les-Bains, ses notables <strong>de</strong>vaient seréunir en assemblée pour prendre <strong>de</strong>s décisions,dont l’application était assurée par <strong>de</strong>s magistratsélus. <strong>Conseil</strong> et magistrats sont attestés àAix, mais nous n’en avons aucune trace à Albens.Archéologiquement, l’agglomération antiquereste très mal connue (localisation précise,habitat…). Nous savons seulement que les habitantsbénéficiaient d’un certain nombre <strong>de</strong>monuments offerts par <strong>de</strong> riches propriétairesfonciers qui <strong>de</strong>vaient rési<strong>de</strong>r sur leurs domainesau moins une partie <strong>de</strong> l’année. Deux donateurs(ou évergètes) ont <strong>la</strong>issé <strong>de</strong>s inscriptions com -mé morant leurs bienfaits : Caius Sennius Sabi -nus et un quasi anonyme.Dans <strong>la</strong> première moitié du I er siècle ap. J.-C.,Caius Sennius Sabinus était un personnageimportant <strong>de</strong> <strong>la</strong> cité <strong>de</strong> Vienne ; comme tous lescitoyens romains, il portait trois noms (prénom+ nom <strong>de</strong> famille + surnom). Fort riche, il avaitmême réussi à se faire une p<strong>la</strong>ce dans <strong>la</strong> hautesociété <strong>de</strong> l’Empire romain, puisqu’il avait accédéà l’ordre équestre, le second dans <strong>la</strong> hiérarchiesociale. Il <strong>de</strong>vait cet honneur important à sanomination à <strong>la</strong> préfecture <strong>de</strong>s ouvriers : un hautmagistrat romain avait remarqué ses capacitéset lui avait confié <strong>de</strong>s fonctions militaires ouadministratives d’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> camp. Comme il nesemble pas avoir fait ensuite une carrière administrativeéquestre, il faut sans doute en conclureque cette préfecture a récompensé une carrièremunicipale bien remplie. Quoi qu’il en soit,Sabinus était très attaché à sa petite patrie.Quatre inscriptions fragmentaires (ILN, Vienne721-724, <strong>de</strong>ux sont conservées dans les murs<strong>de</strong> l’église) retrouvées au XVI e siècle dans <strong>la</strong>chapelle du hameau <strong>de</strong> Saint-Marcel à Marigny-Saint-Marcel attestent qu’il a dépensé beaucoupd’argent au profit <strong>de</strong> ses compatriotes, ce quiétait d’ailleurs une obligation morale pour lesriches. La découverte à Marigny-Saint-Marceld’inscriptions commémorant <strong>de</strong>s donations auxhabitants d’Albens doit s’expliquer par leurinstal<strong>la</strong>tion dans les murs <strong>de</strong>s captages alimentantles thermes. Une source importante existeencore non loin <strong>de</strong> là, au lieu-dit La Bourbaz. Desinscriptions i<strong>de</strong>ntiques ont dû être p<strong>la</strong>cées àAlbens dans les murs <strong>de</strong>s thermes, mais ellesn’ont pas été retrouvées.La comparaison <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux p<strong>la</strong>ques les mieuxconservées (ILN, Vienne 721, 722) permet <strong>de</strong>proposer le texte suivant, gravé sur quatrelignes :C (aius) Sennius, C (ai) f (ilius), Vol (tinia), Sabinus,praef (ectus) fabr (um), / balineum, campum,porticus, aquas iusque / earum aquarum tuboducendarum (ita ut recte) / perfluere possintuicanis Albinnensibus <strong>de</strong> s (uo) d (edit).« Caius Sennius Sabinus, fils <strong>de</strong> Caius, (<strong>de</strong> <strong>la</strong> tribu)Voltinia, préfet <strong>de</strong>s ouvriers, a offert à ses fraisaux habitants d’Albens <strong>de</strong>s bains, un terrain <strong>de</strong>sport, <strong>de</strong>s portiques, l’adduction <strong>de</strong>s eaux ; ainsique le droit d’amener l’eau par une canalisationsuivant un parcours en droite ligne. »Sabinus a fait construire à Albens <strong>de</strong>s thermes,un terrain <strong>de</strong> sport et <strong>de</strong>s portiques, qui entouraientpeut-être le sta<strong>de</strong>, pour protéger lesflâneurs du soleil ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> pluie. Nous ne savonsrien <strong>de</strong> <strong>la</strong> localisation et <strong>de</strong> l’importance <strong>de</strong>sbâtiments. Prendre <strong>de</strong>s bains n’était pas unetradition indigène, mais l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> fréquenterles thermes s’est très vite répandue en Gaule :c’était une preuve <strong>de</strong> romanisation. Il est donccertain que <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s citadins (hommes etfemmes) se rendaient régulièrement dans lesétablissements balnéaires pour se <strong>la</strong>ver, nageret se faire masser, mais aussi pour retrouver leursami(e)s, bavar<strong>de</strong>r, « draguer », lire dans <strong>la</strong> bibliothèque.À Albens, au moins les hommes pou -vaient pratiquer d’autres exercices physiquessur le terrain <strong>de</strong> sport, mais sur <strong>la</strong> célèbremosaïque <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> uil<strong>la</strong> romaine <strong>de</strong> PiazzaArmerina (Sicile), <strong>de</strong>s jeunes filles « en bikini »se livrent à divers jeux athlétiques (course, jeux<strong>de</strong> ballon…).Sabinus a aussi donné l’autorisation <strong>de</strong> fairepasser les canalisations nécessaires dansses domaines « en droite ligne » ; au vu <strong>de</strong> <strong>la</strong>
ILN, Vienne, 709.distance, une vingtaine <strong>de</strong> kilomètres, séparantSaint-Marcel d’Albens, il a peut-être acquisauprès d’autres propriétaires les servitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ce passage, qui empêchait <strong>de</strong> p<strong>la</strong>nter, <strong>de</strong> semerou <strong>de</strong> faire paître les troupeaux sur <strong>la</strong> ban<strong>de</strong> <strong>de</strong>terrain concernée, encore que nous ignorons <strong>la</strong>taille <strong>de</strong> ses propriétés… À en croire une autreinscription très fragmentaire (ILN, Vienne 7<strong>23</strong>),Sabinus pourrait avoir offert d’autres adductionsd’eau ou un dispositif <strong>de</strong> récupération <strong>de</strong>s eaux<strong>de</strong> pluie. Un <strong>de</strong>rnier texte perdu, très mutilé etsans doute mal copié (ILN, Vienne 724) men -tionne peut-être <strong>la</strong> création d’une fondationpour assurer le fonctionnement <strong>de</strong> sa donation.En 116-117, un riche donateur a offert aux habitantsd’Albens un autre monument. Le prénom,le nom <strong>de</strong> famille et le surnom <strong>de</strong> cet évergèteont disparu dans <strong>la</strong> <strong>la</strong>cune <strong>de</strong> <strong>la</strong> pierre. Resteseulement une partie du nom <strong>de</strong> son père. Onlit sur une gran<strong>de</strong> p<strong>la</strong>que <strong>de</strong> calcaire fragmentaire,découverte au XVIII e siècle, à Albens, lors<strong>de</strong> <strong>la</strong> démolition d’une tour encore mal localisée:[—-]tti Certi filius, / [—-e]t ornamentis uicanis /[—- Tra]iani Parthici VANTESICAE.« Un tel, fils <strong>de</strong>… ttius Certus (a donné)… avectous ses ornements aux habitants d’Albens…<strong>de</strong> Trajan, vainqueur <strong>de</strong>s Parthes ».La muti<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>que (environ un tiers <strong>de</strong>sa longueur) interdit <strong>de</strong> retrouver le nom <strong>de</strong> cethomme et <strong>de</strong> connaître <strong>la</strong> nature <strong>de</strong> <strong>la</strong> construction,mais sa taille (h. : 62,5 ; l. : 130,5 ; ép. : 22cm) et <strong>la</strong> hauteur <strong>de</strong>s lettres (ligne 1 : 10-11 ; l.2 : 7,5-8 ; l. 3 : 6,5-7 cm) font penser à un bâtimentimportant : basilique, portique, temple, théâtre…Nous pouvons seulement exclure un monument<strong>de</strong>s eaux (thermes, bains, aqueducs), puisqueAlbens en était déjà pourvu.Remarquons que le donateur a fait figurer Trajanparmi les dédicataires ; c’était le moyen habitueld’affirmer son attachement à l’empereur et sonloyalisme politique. Le nom <strong>de</strong> Trajan et son titrehonorifique <strong>de</strong> Parthicus au génitif permettentd’envisager une formule du type : [ob uictoriamdiui Tra]iani Part (h)ici ou [in honorem memoriaediui Tra]iani Part (h)ici, « pour <strong>la</strong> victoire (sur lesParthes) du divin Trajan Parthique » ou « enl’honneur <strong>de</strong> <strong>la</strong> mémoire du divin TrajanParthique » qui rendrait hommage à l’empereurrécemment décédé. Enfin, il faut renoncer àexpliquer le <strong>de</strong>rnier mot du texte : VANTESICAE.B ernard RémyRedécouverteUne inscription <strong>la</strong>tine à Montailleur : Épitaphe <strong>de</strong> Lucius Iulius Albinus.Cette inscription <strong>la</strong>tine sur une p<strong>la</strong>que <strong>de</strong> calcaire rectangu<strong>la</strong>ire, <strong>la</strong>rgement ébréchée surtrois côtés et ornée <strong>de</strong> moulures avait été découverte fortuitement, vers 1870, au bord <strong>de</strong><strong>la</strong> route sous le château <strong>de</strong> l’Épigny, puis insérée dans le mur d’une maison « <strong>la</strong> plus prochedu moulin », du hameau <strong>de</strong> Fournieux (A. Allmer, 1875-1876, III, p. <strong>23</strong>2-<strong>23</strong>3, n° 560), avantd’être emportée chez un particulier. Inventoriée dans le Corpus <strong>de</strong>s Inscriptions <strong>la</strong>tines sousle numéro CIL XII <strong>23</strong>38, elle était malheureusement donnée comme disparue dans <strong>la</strong> Cartearchéologique <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule mais a récemment pu être récupérée par <strong>la</strong> commune <strong>de</strong> Montailleurqui a le projet <strong>de</strong> <strong>la</strong> conserver en bonne p<strong>la</strong>ce dans <strong>la</strong> salle du conseil municipal enmairie. La pierre a été inscrite à l’Inventaire supplémentaire <strong>de</strong>s Monuments historiques pararrêté préfectoral du 8 février 2009 sur avis favorable <strong>de</strong> <strong>la</strong> Commission départementale<strong>de</strong>s objets mobiliers qui s’est tenue le 18 décembre 2008 ; elle sera prochainement proposéeau c<strong>la</strong>ssement. CIL XII <strong>23</strong>38, d’après Allmer [non vue par O. Hirschfeld] (M. Hudry, 1982,p. 279 ; CAG 73, p. 180, n° 162). Texte <strong>de</strong> quatre lignes dans un encadrement <strong>de</strong> moulures.H. d. l. : . Pas <strong>de</strong> points <strong>de</strong> séparation. Dimensions : 56,5 x 60 x 13 cm.L IULIO ALBINO DOMETINA4 PATRILe <strong>la</strong>pici<strong>de</strong> a fait un effort globalementréussi <strong>de</strong> mise enpage : trois premières lignesalignées à droite, quatrièmecentrée, coupe syl<strong>la</strong>bique <strong>de</strong>smots. Profondément gravées,les lettres sont <strong>de</strong> belle facture.L. 1 : point dans le O - l. 2 : pointdans le premier O et apex au<strong>de</strong>ssus<strong>de</strong> <strong>la</strong> lettre - l. 4 : I, long.L(ucio) Iulio Albino.Dometina,À Lucius Iulius Albinus. Dometina, pour son père.4 patri.Nous avons ici une famille <strong>de</strong> citoyens romains. Lucius Iulius Albinus, le défunt, portait lestria nomina, associant un gentilice « impérial » très répandu dans <strong>la</strong> cité et <strong>la</strong> province à unsurnom <strong>la</strong>tin (I. Kajanto, 1965, p. 227) qui pourrait être un nom <strong>de</strong> traduction. Il est moinscourant (dix-neuf autres occurrences en Narbonnaise, dont quatre dans <strong>la</strong> cité : ILN, Vienne399, à Grenoble, 515 à Montmélian [où il s’agit d’un nom <strong>la</strong>tin « italien »] ; 606 [bis], à Romagnieu).Dometina était elle aussi une citoyenne romaine, mais elle n’a pas répété le gentilice<strong>de</strong> son père ; elle portait un surnom celtique (X. De<strong>la</strong>marre, 2007, p. 88), qui ne se retrouvepas ailleurs en Occi<strong>de</strong>nt. En Narbonnaise, on connaît seulement un Domitinus, à Aix-les-Bains (ILN, Vienne 680) et un Dometos, potier <strong>de</strong>s Martres-<strong>de</strong>-Veyre (Puy-<strong>de</strong>-Dôme), dontun vase a été découvert à Reims (CIL XIII 10010, 804).L’absence <strong>de</strong> l’invocation aux dieux Mânes et l’emploi du datif, <strong>la</strong> concision du texte et <strong>la</strong>paléographie (points dans les O, apex) incitent à dater cette inscription du I er siècle aprèsJ.-C., plutôt du début <strong>de</strong> <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> moitié.13
sculpture médiévaledans les Alpesune banque <strong>de</strong> données par-<strong>de</strong>là les frontièresBEAUX-ARTSLe patrimoineDepuis le 7 avril 2009, une nouvelle base <strong>de</strong>données dédiée à <strong>la</strong> sculpture médiévale <strong>de</strong>sAlpes occi<strong>de</strong>ntales est disponible sur le sitewww.sculpturealpes.com où sont consultables360 fiches complètes, accompagnées d’imageset d’une bibliographie actualisée. Il est possible<strong>de</strong> faire une recherche en partant <strong>de</strong>s œuvres,ou bien par musée, par sujet ou par matériaux. :<strong>la</strong> base <strong>de</strong> données fournit un cadre comparatifsur un arc chronologique qui court du IX èmeau XVIe siècle et rend possible <strong>de</strong>s confrontationssur le p<strong>la</strong>n stylistique, technique, iconographiqueet muséologique.Le projet est le fruit du travail conjoint <strong>de</strong>smusées et <strong>de</strong>s institutions culturelles concernéspar les anciens territoires <strong>de</strong> <strong>la</strong> Maison <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>,aujourd’hui divisés entre <strong>la</strong> France, <strong>la</strong> Suisse etl’Italie et qui ont longtemps constitué une seuleentité artistique et sociale.Les prémissesles anciens Etats <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>Les gran<strong>de</strong>s abbayes médiévales, les églises, les<strong>de</strong>meures nobiliaires fortifiées constituent unmême ensemble au sein duquel ont circuléartistes, œuvres, hommes et idées. C’est justementau XV e siècle que <strong>la</strong> Maison <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>affirme sa souveraineté et connaît, sous le règnedu duc Amédée VIII (1391-1440), sa plus forteexpansion et <strong>la</strong> prospérité.Les Alpes, barrière naturelle et aujourd’hui lignefrontalière entre états, constituent alors, aucontraire, une charnière reliant ces territoires.Partant <strong>de</strong> ces présupposés, une col<strong>la</strong>borationa vu le jour entre musées à l’origine du projetSculpture médiévale dans les Alpes.Les étapes du projetEn juin 2001, s’est tenue au Pa<strong>la</strong>is Madame l’expositionGothique et Renaissance, Sculpture enPiémont axée sur les collections <strong>de</strong> sculpturemédiévale du Musée Civique d’Art Antique quien présentait le fonds et quelques œuvres enprêt provenant du territoire piémontais. L’expositionfut aussi l’occasion d’une rencontre, enpremier lieu humaine, puis d’étu<strong>de</strong>, avec lesmusées <strong>de</strong> l’aire <strong>de</strong>s anciens Etats <strong>de</strong> <strong>la</strong> Maison<strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>, <strong>de</strong> <strong>la</strong> France à <strong>la</strong> Suisse francophone,à <strong>la</strong> Vallée d’Aoste. Après une phase d’étu<strong>de</strong>, lesétapes se sont concrétisées par <strong>de</strong> nouvellesrencontres entre le Pa<strong>la</strong>is Madame et les musées<strong>de</strong> Chambéry et d’Annecy (qui avaient déjàtravaillé ensemble à un projet d’inventaire <strong>de</strong><strong>la</strong> sculpture – <strong>de</strong> <strong>la</strong> Préhistoire à nos jours – surles territoires <strong>de</strong> l’ancienne <strong>Savoie</strong> dans le cadre<strong>de</strong> l’ARAC, Association <strong>de</strong>s Conservateurs <strong>de</strong>Rhône-Alpes,) qui aboutirent à <strong>la</strong> présentation<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux nouvelles expositions en 2003, à Chambéryet à Annecy, dans les quelles, les œuvres duPa<strong>la</strong>is Madame furent finalement exposées auxcôtés <strong>de</strong> leurs « sœurs » du Deçà-<strong>de</strong>s-monts,mettant en évi <strong>de</strong>nce similitu<strong>de</strong>s et différences.L’année suivante, en 2004, suite à quatre autresrencontres, encore une exposition, cette fois àAoste, signait l’entrée <strong>de</strong> <strong>la</strong> Surintendance valdôtainedans le groupe <strong>de</strong> travail, issu <strong>de</strong> l’expérience<strong>de</strong> terrain, et désormais structuré commeune véritable équipe d’étu<strong>de</strong> sur le thème <strong>de</strong> <strong>la</strong>sculpture cisalpine et transalpine.Les rencontres accueillies, tour à tour, par une14[en haut] Sculpteur bourguignon,sainte Marie-Ma<strong>de</strong>leine, vers 1443Bourg-en-Bresse, Museé <strong>de</strong> Brou[au centre] Maître <strong>de</strong> <strong>la</strong> messe<strong>de</strong> saint Grégoire, Vierge à l’Enfant,1475-1480, diocèse <strong>de</strong> Suse[en bas] Un aperçu <strong>de</strong> l’expositionCours et villes, l’Art du XV e siècle dans les Alpesocci<strong>de</strong>ntales, Turin, 2006.
<strong>de</strong>s institutions partenaires, se sont succédéaussi l’année suivante (à Fribourg puis à Sion età Turin). Très tôt a surgi l’idée <strong>de</strong> créer une base<strong>de</strong> données, à l’exemple <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s bases <strong>de</strong>données françaises, qui contienne les fiches etles photographies <strong>de</strong>s œuvres <strong>de</strong> sculpturemédiévale <strong>de</strong>s différents musées concernés. Encours <strong>de</strong> route, <strong>de</strong> nouveaux établissements ontrejoint le groupe <strong>de</strong> travail apportant nouvellesidées et expérience. L’accord pour un partenariata été formalisé le 31 mai 2005 par les muséesd’Annecy (Musée-château), <strong>de</strong> Bourg-en-Bresse(Musée <strong>de</strong> Brou), <strong>de</strong> Chambéry (Musée savoisien),<strong>la</strong> Conservation départementale <strong>de</strong>s Alpes-Maritimes, les musées <strong>de</strong> Fribourg (Musée d’artet d’histoire), <strong>de</strong> Lausanne (Musée historique),<strong>de</strong> Sion (Musée d’histoire du Va<strong>la</strong>is), <strong>de</strong> Zürich(Musée national suisse), <strong>de</strong> Suse (Musée diocésaind’Art sacré), <strong>de</strong> Turin (Pa<strong>la</strong>is Madame –Musée civique d’Art antique) et <strong>la</strong> Direction <strong>de</strong>sBiens architecturaux, historiques et artistiques<strong>de</strong> <strong>la</strong> Région autonome <strong>de</strong> <strong>la</strong> Vallée d’Aoste.Le travail en communDès 2005, en prévision <strong>de</strong>s Jeux olympiquesd’hiver <strong>de</strong> Turin, le Pa<strong>la</strong>is Madame commençaità é<strong>la</strong>borer une gran<strong>de</strong> exposition illustrant l’histoireet l’art du XVe siècle dans les Alpes occi<strong>de</strong>ntales.Grâce aux re<strong>la</strong>tions renforcées avec les musées<strong>de</strong> l’autre versant <strong>de</strong>s Alpes, <strong>la</strong> FondationMusées <strong>de</strong> Turin présenta au public l’expositionCours et Villes, l’Art du Quinzième siècle dans lesAlpes occi<strong>de</strong>ntales du 7 février au 14 mai 2006.Lors <strong>de</strong> cette exposition, un premier échantillon<strong>de</strong> <strong>la</strong> base <strong>de</strong> données du projet Sculpturemédiévale dans les Alpes a été présenté, contenantenviron 130 fiches, en italien et en français,les <strong>la</strong>ngues officielles du projet.A cours <strong>de</strong> cette pério<strong>de</strong>, se succédèrent 6 autresrencontres <strong>de</strong> travail, accueillies, tour à tour, parl’un <strong>de</strong>s musées partenaires. De nouvelles institutionsont alors pris part au projet, <strong>la</strong> Conservationdépartementale du patrimoine <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>Savoie</strong> (<strong>Conseil</strong> général <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong>) et le Muséed’art et d’histoire <strong>de</strong> Genève.Les nouvelles phases <strong>de</strong> travail ont servi à[à gauche]Vierge en dévotion,vers 1440-50, Fribourg,Museé d’art et d’histoire[à droite]Sculpteur souabeactif au Tyrol,Vierge à l’Enfant,vers 1500,Pa<strong>la</strong>is Madame, Turiné<strong>la</strong>borer une version plus exhaustive <strong>de</strong> <strong>la</strong> base<strong>de</strong> données en retenant une pério<strong>de</strong> plus <strong>la</strong>rge,du IX e au XVI e siècle, et une typologie plusétendue <strong>de</strong>s œuvres (sculpture en bois ou enpierre) à insérer à l’intérieur <strong>de</strong> <strong>la</strong> base ; les questions<strong>de</strong> <strong>la</strong> sécurité et <strong>de</strong> l’opportunité d’enrichir<strong>la</strong> base <strong>de</strong> données avec <strong>de</strong>s œuvres du territoireont été débattues. Puis, et ce n’est pas <strong>la</strong>moindre <strong>de</strong>s tâches, <strong>la</strong> mise au point techniquenécessaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> base <strong>de</strong> données a été réalisée,d’un point <strong>de</strong> vue informatique, par GraffitiMultimedia. Enfin, <strong>la</strong> création du thesaurus <strong>de</strong>stermes techniques a été préparée, comme lestraductions et l’intégration <strong>de</strong>s dates par ElenaRomanello qui assure aussi le secrétariat <strong>de</strong>coordination du projet <strong>de</strong>puis 2005.En point d’orgue à ce parcours, <strong>la</strong> base <strong>de</strong>données vient finalement d’être mise en réseauà <strong>la</strong> disposition <strong>de</strong> tous.Pour le public, par le biais <strong>de</strong> <strong>la</strong> confrontation<strong>de</strong>s images, le <strong>la</strong>ngage commun reliant lesanciens Etats <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>, avec leurs i<strong>de</strong>ntitéspropres et leurs différences, <strong>de</strong>vient ainsiévi<strong>de</strong>nt ; les productions <strong>de</strong>s « centres » et <strong>de</strong>s« périphéries », souvent lieux <strong>de</strong> productionartistique expérimentale, influencent les stylesqui s’entrecroisent ou se rencontrent à <strong>la</strong> croisée<strong>de</strong>s chemins.Les projets pour le futurLa confrontation sur les origines <strong>de</strong> nos territoires,sur leur histoire et sur l’histoire <strong>de</strong> l’art,au gré <strong>de</strong>s parcours pluriels qui ont été entrepris,s’avère être les arguments <strong>de</strong> discussionsur lesquels le groupe du projet Sculpture atravaillé. La prochaine rencontre, fixée pouroctobre 2009, se déroulera à Turin.Les programmes pour l’avenir sont riches etamples ; ils se déclinent sur quelques unes <strong>de</strong>sthématiques <strong>de</strong> discussion : le « collectionisme »et <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tive richesse <strong>de</strong> <strong>la</strong> sculpture sur boisNico<strong>la</strong>s <strong>de</strong> Neufchâteau,Le Massacre <strong>de</strong>s Innocents, vers 1336,Musées d’art et d’histoire <strong>de</strong> Chambérymédiévale, l’inventaire <strong>de</strong>s essences <strong>de</strong> bois et<strong>de</strong>s techniques <strong>de</strong>s sculpteurs, les mouvements<strong>de</strong>s hommes et <strong>de</strong>s œuvres, <strong>la</strong> diffusion <strong>de</strong>certains modèles iconographiques, du culte <strong>de</strong>ssaints, les survivances et les disséminations…Ces thèmes seront développés <strong>de</strong> différentesfaçons : un séminaire international avec auprogramme <strong>de</strong>s rencontres entre historiens <strong>de</strong>l’art, étudiants, restaurateurs, une série <strong>de</strong> petitesexpositions au sein <strong>de</strong>s musées partenaires, avec<strong>de</strong>s thèmes mêmes non étroitement liés à l’histoire<strong>de</strong> l’art, prévoyant le prêt d’une oeuvre ouplus, d’un musée à l’autre. Il y a aura aussi àl’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s conventions entre musées qui favoriseront<strong>de</strong>s stages ou <strong>de</strong>s missions <strong>de</strong> rechercheet les échanges <strong>de</strong> visiteurs à l’intérieur duréseau <strong>de</strong>s musées affiliés.Le but, ambitieux, est <strong>de</strong> partager toujours plusles résultats <strong>de</strong> notre travail avec les collectivités<strong>de</strong> nos territoires et <strong>de</strong> permettre à autant <strong>de</strong>personnes que possible <strong>de</strong> parcourir <strong>de</strong>nouveau les étapes d’une histoire qui nousramène à l’unité <strong>de</strong>s peuples d’un passé sommetoute pas si reculé.Pour le groupe <strong>de</strong> travail,Carlotta Margarone, Elena Romanello(traduit <strong>de</strong> l’italien par Philippe Raffaelli)15
les chartes architecturaleset paysagères <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>DOSSIER[en haut, à gauche]école <strong>de</strong> Challes-les-EauxPatey architectes[en haut, à droite]hôpital <strong>de</strong> ChambéryTectoniques[ci-<strong>de</strong>ssous] habitationsbioclimatiques à Challes-les-EauxVidal architectes16Les chartes architecturales et paysagères <strong>de</strong><strong>Savoie</strong> sont un dispositif original, pour uneapproche qualitative <strong>de</strong> notre cadre <strong>de</strong> vie.Lancées par le Prési<strong>de</strong>nt du <strong>Conseil</strong> général,Hervé Gaymard, en 2002 et confiées au <strong>Conseil</strong>d’Architecture d’Urbanisme et <strong>de</strong> l’Environnement,elle reposent sur <strong>de</strong>ux piliers fondamentaux:• le rapprochement <strong>de</strong> l’architecture et dupaysage <strong>de</strong>s préoccupations <strong>de</strong>s déci<strong>de</strong>urslocaux et <strong>de</strong> leurs concitoyens,• <strong>la</strong> libération <strong>de</strong> l’architecture et <strong>de</strong> l’urbanismed’un carcan administratif et juridique inopérant.Aujourd’hui, <strong>la</strong> décentralisation en matière d’urbanismeest aujourd’hui complète. Les mairessont les déci<strong>de</strong>urs à part entière <strong>de</strong>s projetsd’aménagement dès lors que leur communedispose d’un document d’urbanisme approuvé.L’Etat contrôle <strong>la</strong> légalité a posteriori et préserveles grands équilibres économiques, sociaux etenvironnementaux.Quarante années <strong>de</strong> centralisme en matièred’urbanisme ont <strong>la</strong>issé <strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s perceptiblesdans notre manière <strong>de</strong> gérer le territoire etson architecture. De <strong>la</strong> maison bretonne auchalet basque tout était codifié, réglementépour rendre <strong>la</strong> France belle, attractive et peupléed’habitants <strong>de</strong> maisons individuelles. Certes, lescentres historiques échappaient à cette normalisationsous <strong>la</strong> protection <strong>de</strong>s architectes <strong>de</strong>sBâtiments <strong>de</strong> France et quelques rares territoiresou champs d’innovation (villes nouvelles,stations <strong>de</strong> ski, constructions publiques…) <strong>la</strong>issantcroire à une ému<strong>la</strong>tion architecturaleA ce titre, en <strong>Savoie</strong>, l’usage du bois était toléréau-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> 600 mètres, les toits en <strong>la</strong>uzesquasi obligatoire, et les maçonneries <strong>de</strong> miseen tout lieu !La loi <strong>de</strong> 1977 sur l’architecture, instituant <strong>la</strong>création architecturale d’intérêt public, marqueun tournant politique ambitieux. Le recours obligatoireà l’homme d’art (fait quasi unique enEurope), et <strong>la</strong> création <strong>de</strong>s CAUE dans chaquedépartement vont engager les élus et l’administration,les architectes et les associations dansun débat nouveau, localisé et démocratique enrupture avec notre normalisation nationale. Ilconvient <strong>de</strong> rappeler le rôle confié au CAUE ;d’une part et selon une approche interdisciplinaire,il s’efforce <strong>de</strong> sensibiliser le public auxquestions re<strong>la</strong>tives à l’architecture, l’urbanismeet l’environnement et d’autre part, il dispenseconseils et formations aux élus et maîtres d’ouvragespublics et privés dans leur projet d’aménagement,en étant dégagé <strong>de</strong> toute mission<strong>de</strong> maitrise d’œuvre…
Vanoise,miroirs du tempsDOSSIERDans le mouvement général<strong>de</strong> création d’observatoiresphotographiques <strong>de</strong> paysages,initié en France dans lesannées 1980, et re<strong>la</strong>ncéen 2000 par <strong>la</strong> Conventioneuropéenne <strong>de</strong> Florence surle paysage, le Parc national<strong>de</strong> <strong>la</strong> Vanoise a inauguré en2005 son propre dispositifen vue <strong>de</strong> servir à certainesambitions réformatrices.Lanslevil<strong>la</strong>rd, au début du XX e siècleet en 2007.Ainsi l’Observatoire photographique <strong>de</strong>spaysages <strong>de</strong> Vanoise couvre-t-il les vingt-neufcommunes <strong>de</strong> l’aire optimale d’adhésion duParc national, et comporte un volet prospectifet un rétrospectif conçus pour reconduire <strong>de</strong>sprises <strong>de</strong> vue à pério<strong>de</strong>s régulières avec leconcours <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s-moniteurs du Parc. Lepremier volet s’appuie sur près <strong>de</strong> 120 photographiesoriginales, réalisées entre 2005 et 2007par l’artiste Beatrix von Conta ; le second sefon<strong>de</strong> sur une série <strong>de</strong> <strong>23</strong>0 documents issus d’archives,recueillis par <strong>la</strong> documentaliste VéroniqueRistelhueber et <strong>de</strong>stinés à mesurer etcomprendre les évolutions en cours par référenceà un passé donné.Dans le cadre <strong>de</strong>s Saisons du paysage 2009, séried’événements qu’il organise, le Parc national <strong>de</strong><strong>la</strong> Vanoise a souhaité valoriser le matériauphotographique particulièrement riche récoltépar les <strong>de</strong>ux volets <strong>de</strong> l’Observatoire, en enmontrant au public une partie significative. Ainsiest née, pour l’aspect rétrospectif, l’expositionVanoise ; Miroirs du temps, réalisée conjointementpar le Parc national <strong>de</strong> <strong>la</strong> Vanoise, le<strong>Conseil</strong> d’architecture d’urbanisme et <strong>de</strong> l’environnement<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong> et le Musée savoisien.A travers le jeu <strong>de</strong> miroirs proposé par cinquantecouples photographiques mettant en regardimages anciennes et récentes <strong>de</strong> mêmes points<strong>de</strong> vue, l’exposition donne à voir l’impactpaysager <strong>de</strong>s changements physiques et sociétauxintervenus <strong>de</strong>puis le début du siècle<strong>de</strong>rnier, en poussant à observer l’évolution <strong>de</strong>scauses au-<strong>de</strong>là, ou en-<strong>de</strong>çà, <strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s choses.Sur le p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> <strong>la</strong> connaissance, <strong>de</strong>puis qu’estjuridiquement reconnue <strong>la</strong> double nature dupaysage, naturelle et culturelle, cette observationimplique <strong>de</strong> croiser mesure objective et significationsubjective, dires d’experts et appréciationscollectives, c’est-à-dire ce qui traduit uneévolution non seulement en fait ou en apparencemais en signification, en tant que trace,signal, signe, symbole, emblème ou métaphore.Sur le p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> l’action, cette exposition espèremontrer que le temps capté par chaque couplephotographique, moins chronométrique quemémoriel, n’est ni extérieur ni intérieur aupaysage, mais qu’il en est une qualité qui, pourêtre maîtrisée, si telle est l’utopie <strong>de</strong> <strong>la</strong> collectivitéconcernée, passe moins par le contrôled’événements naturels, que rituels (règles <strong>de</strong>l’art…).Qu’une vingtaine <strong>de</strong> spécialistes aux disciplinesdiverses aient été conviés à commenter lesimages, ne doit pas faire oublier que l’expositionrepose primordialement sur un constat visueldu fait du choix <strong>de</strong> <strong>la</strong> photographie commemédium technique d’observation. Or les clichésprésentés, qu’ils proviennent du Parc national<strong>de</strong> <strong>la</strong> Vanoise, du Musée savoisien, du Servicedépartemental <strong>de</strong> restauration <strong>de</strong> terrains enmontagne <strong>de</strong> l’Office nationale <strong>de</strong>s forêts, d’Officesdu tourisme ou <strong>de</strong> collections privées,conditionnent le regard non seulement endéterminant le pas <strong>de</strong> temps, mais en excluanttoute autre registre d’expression iconographiqueet en introduisant <strong>de</strong>s contraintes instrumentaleset professionnelles non intrinsèquementpaysagères.Passé par ce filtre technique, l’échantillon photographiqueexposé ne peut prétendre donnerune image totalement représentative <strong>de</strong> <strong>la</strong>Vanoise, que ce soit <strong>de</strong> manière réaliste ouimpressionniste. Il répond plutôt à une systématisationdidactique <strong>de</strong>s lieux et <strong>de</strong>s thèmes,qui reflète davantage les préoccupations <strong>de</strong>scollectivités et institutions. Ainsi, <strong>la</strong> sélections’est-elle attachée à établir, autant que le fondsrassemblé le permettait, un équilibre dans <strong>la</strong>représentation <strong>de</strong>s communes et <strong>de</strong>s principalestendances évolutives <strong>de</strong> notre époque.18
Peisey-Nancroix, vers 1910 et en 2007. Aussois, en 1953 et en 2007.Au cours d’une quasi randonnée <strong>de</strong>puis lesfonds <strong>de</strong> vallées jusqu’aux terres <strong>de</strong> haute altitu<strong>de</strong>on lira, par exemple, les évolutions généralesdu climat, <strong>de</strong> <strong>la</strong> démographie, <strong>de</strong> l’économie,<strong>de</strong>s moeurs, <strong>de</strong>s politiques urbanistiques,et on percevra peut-être l’évolution d’influencesmoins lisibles car plus lointaines comme l’internationalisation<strong>de</strong> <strong>la</strong> politique agricole, ou plusdiffuses comme le droit <strong>de</strong> propriété, ou plusimmatérielles comme les schémas culturelsforgés notamment à <strong>la</strong> Renaissance.Ainsi, observer un paysage conduit-il finalementen partie à observer l’observateur même. L’expositionVanoise, Miroirs du temps viserait doncà retar<strong>de</strong>r un peu le jugement d’instinct ou <strong>de</strong>raison qui déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> compréhension et <strong>de</strong>l’évaluation d’un paysage, ainsi que <strong>de</strong> l’actionà mener en conséquence, le temps d’un questionnement<strong>de</strong> nos modèles et <strong>de</strong> nos expériencesesthétiques, éthiques ou logiques entreacteurs, producteurs et consommateurs <strong>de</strong>paysage.Jean-Pierre PetitOnt contribué à l’é<strong>la</strong>boration<strong>de</strong> cette expositionCommissaires d’expositionJean-Pierre Petit, architecte-urbaniste<strong>Conseil</strong> d’architecture, d’urbanisme et<strong>de</strong> l’environnement <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong>Marie-Anne Guérin, conservateur dupatrimoine, Musée Savoisien, Muséesd’art et d’histoire <strong>de</strong> ChambéryCoordinatrice <strong>de</strong>s Saisonsdu paysage 2009Élisabeth Berlioz, chargée <strong>de</strong> mission,Parc national <strong>de</strong> <strong>la</strong> VanoiseRecherche <strong>de</strong> photos anciennesVéronique Ristelhueber,V.O. Communication, ParisReconductions photographiquesgar<strong>de</strong>s-moniteurs du Parc national<strong>de</strong> <strong>la</strong> Vanoise ; Véronique Ristelhueber- V.O. Communication.Conception graphiqueexpositions itinérantes et mobilierJean-Pierre Petit et François Labor<strong>de</strong>,<strong>Conseil</strong> d’architecture, d’urbanisme et<strong>de</strong> l’environnement <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong>exposition au Musée savoisienAtelier Le Cicero Chambéryet Musées d’art et d’histoire<strong>de</strong> Chambérysupports <strong>de</strong> communicationneWaru ChambéryResponsable <strong>de</strong> l’Observatoirephotographique <strong>de</strong>s paysages<strong>de</strong> <strong>la</strong> VanoiseVéronique P<strong>la</strong>ige, chargée <strong>de</strong> missionParc national <strong>de</strong> <strong>la</strong> VanoiseAnimation <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce<strong>de</strong> l’Observatoire photographique<strong>de</strong>s paysages <strong>de</strong> <strong>la</strong> VanoiseCaroline Mollie-StefulescoResponsable photothèque<strong>de</strong> l’Observatoire photographique<strong>de</strong>s paysages <strong>de</strong> <strong>la</strong> VanoisePatrick Folliet, technicien imageParc national <strong>de</strong> <strong>la</strong> VanoiseCofinancementRégion Rhône-AlpesDépartement <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong>Ministère chargé <strong>de</strong> l’environnementContribution aux commentairesYves Belmont,<strong>Conseil</strong>ler d’architecture – DRAC LyonBruno Berthier, Maître <strong>de</strong> conférencesd’histoire du droit – Université <strong>de</strong><strong>Savoie</strong>Jean-Pierre B<strong>la</strong>zin,gui<strong>de</strong>-conférencier du patrimoineBruno Bletton, chargé <strong>de</strong> mission –Chambre d’agriculture <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong>Jean-C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Bompas, ex-chargéd’étu<strong>de</strong>s urbanisme – DDE <strong>Savoie</strong>/ S.A.U.Pascal Bouvier, Professeur agrégé<strong>de</strong> Philosophie – Université <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>Jacques Damez, photographe –Galerie Le Reverbère, LyonA<strong>la</strong>in-C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Debombourg,paysagiste, élève Architecte etUrbaniste d’Etat – ServiceDépartemental <strong>de</strong> l’Architectureet du Patrimoine <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong>Jean-François Dobremez, Professeur<strong>de</strong>s universités honoraire en écologie– Université <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>Jean-Pierre Feuvrier, Ingénieur<strong>de</strong>s eaux et forêts (honoraire) –Office national <strong>de</strong>s forêts / Service<strong>de</strong> Restauration <strong>de</strong>s terrains <strong>de</strong>MontagneFrançois Forray, Prési<strong>de</strong>nt honoraire<strong>de</strong>s Amis du Mont-Cenis, membre<strong>de</strong> l’Académie <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>Benoît Gervaise, chargé <strong>de</strong> missionterritorial – D.D.E.A. <strong>Savoie</strong> / S.P.A.T.Jean-Paul Guérin, Professeur <strong>de</strong>suniversités honoraire – Institut <strong>de</strong>Géographie alpine, Université <strong>de</strong>Grenoble IPierre Ju<strong>de</strong>t, Maître <strong>de</strong> conférenceen histoire contemporaine –Université <strong>de</strong> Grenoble IIA<strong>la</strong>in Marnezy, Maire d’Aussois,Professeur <strong>de</strong>s universités engéographie physique – Université<strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>Isabelle Mauz, Ingénieur-chercheuren sociologie – CEMAGREF, GrenobleBrien A. Meilleur, Professeurassocié en ethnobiologie –Université <strong>de</strong> WashingtonDelphine Six, Physicienne adjoint –Laboratoire <strong>de</strong> G<strong>la</strong>ciologie etGéophysique <strong>de</strong> l’EnvironnementCNRS / Université Grenoble ISources - créditsParc national <strong>de</strong> <strong>la</strong> Vanoise, ChambéryMusées d’Art & d’Histoire <strong>de</strong>ChambéryOffice national <strong>de</strong>s forêts / Servicedépartemental <strong>de</strong> Restauration <strong>de</strong>sterrains en montagne <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong>Office du tourisme <strong>de</strong> Saint-Martin<strong>de</strong> BellevilleCollection V.O. CommunicationCollection Christian GrosCollection Jean-Luc PennaLa <strong>Savoie</strong>, Chambéry, <strong>la</strong> Maurienne,<strong>la</strong> Tarentaise, Léandre Vail<strong>la</strong>t,librairie Dar<strong>de</strong>l, Chambéry, 1913D’Aix-les-Bains à <strong>la</strong> Vanoise,Henri Ferrand, librairie Georg & Cie,Genève, 190719
cathédrale <strong>de</strong> Chambéryle chantier <strong>de</strong> restauration<strong>de</strong> <strong>la</strong> faça<strong>de</strong> occi<strong>de</strong>ntale <strong>de</strong> <strong>la</strong> MétropoleMONUMENTSHISTORIQUESLa faça<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Métropole <strong>de</strong> Chambéry est un bel exemple duraffinement atteint par le style gothique f<strong>la</strong>mboyant qui jetteses <strong>de</strong>rniers feux au début du XVI e siècle. Sur <strong>la</strong> structure trèssobre <strong>de</strong> cette église franciscaine a été appliqué autour d’unegran<strong>de</strong> baie à remp<strong>la</strong>ges un décor extrêmement fouillé <strong>de</strong> dais,pinacles, balustra<strong>de</strong>s dont le <strong>de</strong>ssin général comme les détailsatteignent un haut <strong>de</strong>gré d’élégance et <strong>de</strong> virtuosité.[ci-<strong>de</strong>ssous] arcatures anciennes conservéessous le balcon avant nettoyage.20Cette faça<strong>de</strong> fort bien construite ne poseraitaucun problème si <strong>la</strong> pierre choisie pour <strong>la</strong>plupart <strong>de</strong> ses éléments, une mo<strong>la</strong>sse locale, nes’était avérée là comme ailleurs, fragile etsensible aux intempéries. Ce problème estancien et malgré plusieurs restaurations, <strong>la</strong>faça<strong>de</strong> se trouvait dans un état indigne, <strong>la</strong>plupart <strong>de</strong>s éléments sculptés, originaux ou déjàremp<strong>la</strong>cés ou déposés, ayant littéralementfondu.Les travaux <strong>de</strong> restauration ont donc consisté,sur les bases d’une étu<strong>de</strong> préa<strong>la</strong>ble confiée àmon prédécesseur A<strong>la</strong>in Tillier, puis d’un projetarchitectural et technique mené à bien par messoins, à remp<strong>la</strong>cer un très grand nombre <strong>de</strong>pierres tout en s’appliquant à conserver etconsoli<strong>de</strong>r le maximum d’éléments anciensencore en p<strong>la</strong>ce.La recherche <strong>de</strong> <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> authenticité esten effet un critère essentiel <strong>de</strong> <strong>la</strong> restaurationd’un monument historique (<strong>la</strong> cathédrale Saint-François-<strong>de</strong>-Sales a été c<strong>la</strong>ssée Monumenthistorique le 9 août 1906), à plus forte raison surcette faça<strong>de</strong> déjà reprise plusieurs fois. Cetterecherche s’appuie sur les données historiqueset iconographiques disponibles, mais dans lecas <strong>de</strong> <strong>la</strong> Métropole, les archives anciennes trèsfragmentaires ne permettent pas d’accé<strong>de</strong>r à<strong>de</strong>s renseignements précis avant le début duXIX e siècle, date <strong>de</strong> <strong>la</strong> première représentationexploitable <strong>de</strong> <strong>la</strong> faça<strong>de</strong>. C’est donc par unexamen très approfondi in situ qu’ont pu êtredéterminés les principes appliqués.Les trois portails et les contreforts, bâtis dans<strong>de</strong>s calcaires <strong>de</strong> bonne qualité, ont pu êtresimplement nettoyés. Tout le reste <strong>de</strong> <strong>la</strong> faça<strong>de</strong>,bâti en mo<strong>la</strong>sse, a été l’objet <strong>de</strong> traitementsdifférents et complémentaires selon lesNouveau culot sculptééléments concernés qui avaient été, soit <strong>la</strong>issésdans un état <strong>de</strong> dégradation progressive, soitdéjà remp<strong>la</strong>cés à une ou <strong>de</strong>ux reprises, soit purementet simplement déposés.Des matériaux différents ayant déjà été utilisés(mo<strong>la</strong>sse <strong>de</strong> bonne qualité à l’origine, mais trèsfragile, mo<strong>la</strong>sse <strong>de</strong> très mauvaise qualité à <strong>la</strong> findu XIX e siècle et calcaire b<strong>la</strong>nc <strong>de</strong> substitutionau milieu du XX e siècle) on imagine facilementcombien le choix <strong>de</strong> <strong>la</strong> pierre nouvelle à mettreen œuvre a pu être délicat. Il fal<strong>la</strong>it que cettepierre soit proche par l’aspect, par <strong>la</strong> <strong>de</strong>nsité etpar <strong>la</strong> couleur <strong>de</strong> <strong>la</strong> mo<strong>la</strong>sse d’origine, mais queses qualités techniques soient nettement meilleures.En fonction <strong>de</strong> ces critères, c’est un grèsd’Alsace qui a été choisi, assez soli<strong>de</strong> pour
[<strong>de</strong> haut en bas] nouveau culot sculpté.Nouveaux dais sculptés.Aquarelle <strong>de</strong> Joseph Massotti(Parme 1766-Chambéry 1842),<strong>la</strong> cathédrale au début du XIX e siècle,coll. Musées d’art et d’histoire <strong>de</strong> Chambéry.La faça<strong>de</strong> restaurée.résister aux intempéries et à <strong>la</strong> pollution, asseztendre pour permettre tous les raffinements <strong>de</strong>sculpture, et assez proche <strong>de</strong> <strong>la</strong> couleur gris c<strong>la</strong>ir<strong>de</strong>s parements d’origine.Les lignes architecturales <strong>de</strong> <strong>la</strong> faça<strong>de</strong> sontaujourd’hui beaucoup plus lisibles, le tracécomplexe du jeu d’acco<strong>la</strong><strong>de</strong>s, <strong>de</strong> pinacles, <strong>de</strong>crochets, <strong>de</strong> rinceaux, <strong>de</strong> moulures qui lescompose ayant été ravivé par les tailleurs <strong>de</strong>pierre après examen approfondi <strong>de</strong>s vestigessouvent ténus encore en p<strong>la</strong>ce et <strong>de</strong>s traces <strong>la</strong>isséessur le mur par les éléments déposés.Le décor sculpté a été à proprement parlerressuscité puisqu’il avait en gran<strong>de</strong> partiedisparu. Ne restaient en p<strong>la</strong>ce et en bon état queles arcatures situées <strong>de</strong> part et d’autre du grandportail sous le balcon et les parties hautes <strong>de</strong> <strong>la</strong>frise entourant <strong>la</strong> baie d’axe. Paradoxalementl’état <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong> ces éléments abritésest parfait, et leur nettoyage a consisté en unsimple dépoussiérage pour qu’aucune altérationinutile ne puisse se produire.La qualité <strong>de</strong> cette sculpture atteste du hautniveau atteint à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> l’époque gothique parl’art savoyard et peut être comparée aux meilleursexemples du temps comme <strong>la</strong> Tour <strong>de</strong>Beurre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cathédrale <strong>de</strong> Rouen, <strong>la</strong> Tour Saint-Jacques <strong>de</strong> Paris, Notre-Dame <strong>de</strong>s Marais <strong>de</strong>Villefranche-sur-Saône, <strong>la</strong> chapelle <strong>de</strong>s Bourbons<strong>de</strong> <strong>la</strong> Cathédrale <strong>de</strong> Lyon ou le monastère royal<strong>de</strong> Brou.Ces exemples prestigieux ont inspiré les sculpteursd’aujourd’hui qui ont déployé tout leursavoir-faire dans les pittoresques détailshumains, animaliers ou végétaux qui sont <strong>la</strong> sève<strong>de</strong> cet art virtuose, dérou<strong>la</strong>nt ceps <strong>de</strong> vigne,choux frisés, escargots ou personnages satyriques,b<strong>la</strong>sons et chiffres <strong>de</strong>s donateurs, sansjamais perdre <strong>de</strong> vue <strong>la</strong> composition d’ensemble.L’entreprise Comte chargée <strong>de</strong> l’échafaudage,<strong>de</strong> <strong>la</strong> maçonnerie et <strong>de</strong> <strong>la</strong> pierre <strong>de</strong> taille atravaillé en liaison étroite avec l’atelier Mainpontechargé <strong>de</strong> <strong>la</strong> sculpture <strong>de</strong>s éléments lesplus délicats. Les travaux d’accompagnementont été confiés à l’entreprise Euro Toiture pour<strong>la</strong> charpente <strong>de</strong> l’auvent, à <strong>la</strong> Miroiterie <strong>de</strong>s<strong>Savoie</strong>s pour les vitraux, à l’atelier Thomas pourleur protection et aux Métiers du Bois pour <strong>la</strong>restauration <strong>de</strong>s portes. Isabelle Rosaz, restauratrice<strong>de</strong> peintures murales, a atténué lesdommages du temps apportés au tympan duportail principal.Ce sont ainsi les équipes d’origine <strong>de</strong> <strong>la</strong> conception<strong>de</strong> <strong>la</strong> faça<strong>de</strong> qui ont été reconstituées cinqcents ans plus tard pour transmettre dans lesmeilleures conditions aux générations futuresl’un <strong>de</strong>s chefs d’œuvre <strong>de</strong> l’art savoyard. Sousles feux du soleil couchant, les ombres redonnentvie au relief retrouvé <strong>de</strong>s niches à pinaclesqui encadrent <strong>la</strong> baie centrale dont le remp<strong>la</strong>gea retrouvé toute sa vigueur, et un camaïeu <strong>de</strong>gris al<strong>la</strong>nt du b<strong>la</strong>nc cassé au vert témoigne <strong>de</strong>sdifférentes campagnes <strong>de</strong> restauration sansnuire à l’unité d’ensemble.Seul le tympan du portail principal, qui n’est quel’écorché <strong>de</strong> dispositions anciennes plusieursfois modifiées, semble attendre qu’on luiredonne une peu <strong>de</strong> l’éc<strong>la</strong>t qui fut le sien. LesChambériens comme l’État propriétaire et leclergé affectataire souhaitent unanimementqu’un nouveau décor contemporain viennemettre là un digne point d’orgue à <strong>la</strong> richehistoire artistique <strong>de</strong> <strong>la</strong> Métropole.Jean-François Grange-Chavanis21
l’aventure <strong>de</strong>s tuiliersen Avant-pays savoyardPATRIMOINEINDUSTRIELL’Avant-pays savoyard (Petit-Bugey) est unespace original riche <strong>de</strong> montagnes et d’eau,qui fut longtemps enc<strong>la</strong>vé et cependant frontièreentre France et <strong>Savoie</strong>. Sans doute en raison<strong>de</strong> sa ruralité, ce pays a su conserver un bâtiancestral abondant, parfois prestigieux quitémoigne d’une activité artisanale simple etforte, dont celle <strong>de</strong>s tuiliers locaux et qui se lieavec bonheur aux paysages bocagers, mollementfaçonnés par l’érosion g<strong>la</strong>ciaire. Après cinqans d’enquêtes <strong>de</strong> terrain et <strong>de</strong> recherches d’archives,un ouvrage voit le jour en 2009 présentantl’activité <strong>de</strong>s tuiliers à travers quatre sièclesd’histoire <strong>de</strong> ce pays, et sert <strong>de</strong> fil d’Ariane pourparcourir les gran<strong>de</strong>s étapes <strong>de</strong> son évolution,après les Romains, <strong>de</strong> <strong>la</strong> féodalité à <strong>la</strong> structuration<strong>de</strong> <strong>la</strong> monarchie absolue <strong>de</strong> Piémont-Sardaigne, au divorce qui emmena <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong>dans les bras <strong>de</strong> <strong>la</strong> France – un mariage pour lemeilleur et pour le pire – et <strong>la</strong> confronta à <strong>la</strong>Révolution industrielle.Cet ouvrage <strong>de</strong> 288 pages comporte 102 figures,cartes ou photos étayant les explications techniqueset historiques. De plus, 45 p<strong>la</strong>nches <strong>de</strong>photos hors-texte permettent au lecteur <strong>de</strong>retrouver dans les paysages et habitats actuels<strong>la</strong> troisième dimension : celle du temps. C’est <strong>la</strong>fédération <strong>de</strong>s associations <strong>de</strong> protection du <strong>la</strong>cd’Aiguebelette (FAPLA) qui édite cet ouvrage,avec l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> région, du département, <strong>de</strong> <strong>la</strong>communauté <strong>de</strong> communes du <strong>la</strong>c d’Aiguebelette(CCLA), du programme « Lea<strong>de</strong>r + ». Cecitémoigne <strong>de</strong> sa volonté <strong>de</strong> faire un tout cohérententre préservation d’un patrimoine naturelet connaissance et protection d’un patrimoineculturel. Espérons que cette démarche sauracontribuer à préparer pour les nouvelles générationsun pays serein et durable, respectable.La zone d’étu<strong>de</strong>, centrée sur l’Avant-payssavoyard, conserve <strong>la</strong> mémoire <strong>de</strong> plus <strong>de</strong>30 tuileries qui se sont succédé dans le temps,après le Moyen Âge, en correspondant à <strong>de</strong>stypes nettement différents.Une première pério<strong>de</strong>, énigmatique, est celle <strong>de</strong><strong>la</strong> présence romaine qui a saupoudré <strong>la</strong> régiond’abondants tessons <strong>de</strong> tegu<strong>la</strong>e, en particulierle long <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> voie reliant le col Saint-Michel au pont sur le Guiers et rejoignant finalementVienne. Il se pourrait que <strong>de</strong>s tegu<strong>la</strong>eaient été fabriquées à Aiguebelette, au « GrandP<strong>la</strong>t », où affleure l’argile hauterivienne.Pendant dix siècles environ, <strong>la</strong> fabrication<strong>de</strong>s tuiles sera abandonnée, et même oubliée,surtout au profit du chaume <strong>de</strong> seigle qui étaitun sous-produit bon marché <strong>de</strong> l’agriculture,malheureusement combustible. Dès le XV esiècle, les ducs <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong> ordonnèrent à leurssujets habitant les villes <strong>de</strong> prévenir les incendieset <strong>de</strong> changer <strong>de</strong> type <strong>de</strong> toiture, sans beaucoup<strong>de</strong> résultats.Seuls quelques nobles fortunés se <strong>la</strong>ncèrentdans <strong>la</strong> fabrication <strong>de</strong> tuiles, probablement en22Inauguration du four restauré<strong>de</strong> <strong>la</strong> tuilerie Fontaine,à La Balme, le 13 juin 2009.
faisant venir <strong>de</strong> l’étranger (France, Suisse, Italie),<strong>de</strong>s artisans tuiliers maîtrisant <strong>la</strong> technique. Onretrouve ainsi au château du Vil<strong>la</strong>rd à LaChapelle-Saint-Martin, <strong>de</strong>s tuiles ouvragées trèssimi<strong>la</strong>ires à celles du château d’Yverdon enSuisse (1).Ici, <strong>la</strong> Mappe sar<strong>de</strong> (1730-1738), ordonnée parVictor-Amédée II, mise en oeuvre par Charles-Emmanuel III, fait état <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux tuileries. Ce n’estqu’au milieu du XIX e siècle que les tuileries artisanalesse multiplient, avec une certaine aisancefinancière qu’attestent <strong>la</strong> reconstruction oul’agrandissement <strong>de</strong>s églises.Là où existe <strong>de</strong> <strong>la</strong> bonne argile, se créent <strong>de</strong>petits ateliers tenus par <strong>de</strong>s paysans pluri-actifs,trouvant l’argile dans leurs terres les plushumi<strong>de</strong>s, brû<strong>la</strong>nt leur bois pour chauffer le fourrustique et, sans doute, se copiant les uns lesautres (2). Quelques ateliers abor<strong>de</strong>ront le XX esiècle avec plus <strong>de</strong> force : le four est assez vastepour cuire 20 000 tuiles et briques, il est doublé ;dans <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong> française arrivent <strong>de</strong>s machines<strong>de</strong> ma<strong>la</strong>xage et d’extrusion d’une <strong>la</strong>me d’argile– les étireuses – qui donnent directement<strong>de</strong>s tuiles écailles ou <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ques passées ensuitesous une presse, qui <strong>de</strong>viendront <strong>de</strong>s tuilesmécaniques (3). La clientèle potentielle augmente; marquer ses produits <strong>de</strong>vient unenécessité jusque-là inconnue. Mais, avec lechemin <strong>de</strong> fer, arrive <strong>la</strong> concurrence impitoyable! Les prix baissent, certains, pour y faireface, ont-ils essayé <strong>de</strong> diminuer l’épaisseur <strong>de</strong>stuiles ? Tous ces ateliers restent familiaux, n’employantque <strong>de</strong> <strong>la</strong> main d’œuvre temporaire. Aulen<strong>de</strong>main <strong>de</strong> <strong>la</strong> Première Guerre mondiale,seuls <strong>de</strong>ux établissements se développerontpour donner <strong>de</strong> véritables usines avec une vingtained’ouvriers ou plus et équipées d’un four<strong>de</strong> type « Hoffmann ». Ce sont celles <strong>de</strong>s Gerlierà Champagneux et <strong>de</strong>s Cécillon aux Eteppes,près <strong>de</strong> Pont-<strong>de</strong>-Beauvoisin. L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Avantpaysnous réservait <strong>de</strong>ux autres bonnesfortunes. A Saint-Christophe-<strong>la</strong>-Grotte et à Saint-Jean-<strong>de</strong>-Couz, sont conservés les vestigesimpressionnants d’une fabrique <strong>de</strong> produitsréfractaires, l’entreprise Milloz puis Périnel utilisantun dépôt éocène <strong>de</strong> silice très pure (4). C’estlà un patrimoine industriel <strong>de</strong> très gran<strong>de</strong> valeur.L’autre surprise est aux antipo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>la</strong>première : jusqu’au milieu du XX e siècle, <strong>de</strong>sfours à briques et à tuiles comme celui <strong>de</strong> <strong>la</strong>tuilerie Balmonet à Lucey assurèrent leur survieen ajoutant à leur fabrication habituelle <strong>la</strong>cuisson <strong>de</strong> <strong>la</strong> chaux pour préparer <strong>la</strong> bouilliebor<strong>de</strong><strong>la</strong>ise <strong>de</strong>s vignerons (<strong>la</strong> découverte duciment artificiel avait fait disparaître les traditionnelsfours à chaux). L’exercice était périlleux :1 100° pour <strong>la</strong> chaux, pas plus <strong>de</strong> 850° pour lestuiles, mais le tuilier est astucieux : les tuiles sontdisposées dans le four au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s pierres ;peu réussissent cette prouesse !Cependant notre travail d’investigation al<strong>la</strong>itconnaître plus qu’une « cerise sur le gâteau »,quelque chose que nous avons ressenti commeune harmonieuse adhésion collective à ce quenous aimions. Nous avions étudié en détail <strong>la</strong>tuilerie Fontaine à La Balme, dont <strong>la</strong> ruine,enfouie sous <strong>de</strong>s lierres, cernée d’arbres et <strong>de</strong>broussailles, était au bord du Rhône et <strong>de</strong> <strong>la</strong>toute récente vélo-route. Le généreux RenéFontaine offrait à <strong>la</strong> commune le terrain et lebâti. Dès lors que <strong>la</strong> Conservation départementaledu Patrimoine <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong> apportait sonai<strong>de</strong>, que <strong>la</strong> communauté <strong>de</strong> communes <strong>de</strong>l’Avant-pays savoyard participait à cette entrepriseavec l’intervention efficace <strong>de</strong> M. ChristopheMaurel, <strong>la</strong> commune <strong>de</strong> La Balme sesentait soutenue et s’engageait. Grâce à untravail patient et scrupuleux dirigé par DominiquePerron, Architecte du patrimoine, nousdisposons d’un remarquable four, finementrestauré et couvert d’une très belle charpente,à côté du manège original, <strong>de</strong>stiné au brassage<strong>de</strong> l’argile, exhumé <strong>de</strong>s limons apportés par lescrues du Rhône, et qui témoigne <strong>de</strong> l’ingéniositédu tuilier.Les cyclistes, promeneurs ou canoteurs pourrontfaire halte dans ce très beau lieu, y casser <strong>la</strong>croûte en lisant les panneaux explicatifs qui leurferont découvrir cette page <strong>de</strong> l’artisanat localjusque là oubliée. Voilà, nous semble-t’il, unélément exemp<strong>la</strong>ire d’une démarche d’écotourisme.Il faudrait, dès que possible, offrir au visiteurun exemple <strong>de</strong> maison d’habitation ruraleen pisé, à toit à 4 pans, avec sa grange et sonpuits, très caractéristique <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie traditionnelle<strong>de</strong> cette partie du Haut-Rhône.Avec le problème du réchauffement climatique,dont plus personne ne doute aujourd’hui, unechance nouvelle <strong>de</strong> développement <strong>de</strong> cetourisme à échelle humaine s’offre à ce payspourvu que son terme essentiel – le Rhône –soit utilisable sans réserve pour le canotage, <strong>la</strong>baigna<strong>de</strong> et <strong>la</strong> pêche.Jean MaretMichel TissutBibliographie1. Grote Michèle. Les tuiles anciennes du châteaud’Yverdon. In Daniel <strong>de</strong> Raemy : Châteaux, donjonset gran<strong>de</strong>s tours dans les Etats <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong> (1<strong>23</strong>0-1330).Cahiers d’archéologie roman<strong>de</strong>, 99, 2004.2. Sage René et Marcelle. Un vil<strong>la</strong>ge du bas-Dauphiné : Saint-Jean-d’Ave<strong>la</strong>nne. Le Mon<strong>de</strong> alpinet rhodanien. Grenoble, 1976.3. Cartier C. Briqueteries et tuileries. De <strong>la</strong> brique<strong>de</strong> campagne à <strong>la</strong> brique vernissée. L’archéologieindustrielle en France. N°39.20014. Mermillod F. Les carrières <strong>de</strong> Saint-Jean-<strong>de</strong>-Couz ;in Revue Savoisienne tome 3, 1872.Le four <strong>de</strong> <strong>la</strong> tuilerie Fontaineavant et après restauration,La Balme.<strong>23</strong>
inventaire patrimonial<strong>de</strong> l’eau en pays <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>aux sources d’une étu<strong>de</strong> territoriale thématiquePATRIMOINEINDUSTRIELVue générale <strong>de</strong> l’usine hydroélectriquedu Foulon (Nord, Nord-Ouest),Saint-Pierre-d’Entremont.L’Assemblée <strong>de</strong>s Pays <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>, en février2008, a validé les conclusions <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> préfigurationd’un inventaire sur les prises d’eau àusage industriel et thermal en Pays <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>.La volonté <strong>de</strong> connaissance <strong>de</strong> ces champspatrimoniaux a été suivie par le <strong>la</strong>ncement <strong>de</strong>l’inventaire sur le département <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong> enseptembre 2008, <strong>la</strong> Haute-<strong>Savoie</strong> va s’engagerprochainement dans <strong>la</strong> phase opérationnelle.Un sujet d’étu<strong>de</strong> à délimiterDeux années d’étu<strong>de</strong> vont être consacrées aupatrimoine hydraulique sous les angles industriels,thermaux et artisanaux dans une moindremesure. Deux critères ont été établis pour l’inventaire:– le champ historique est compris entre lesannées 1850-1860 jusqu’à nos jours. Ce choixest principalement orienté en raison <strong>de</strong> <strong>la</strong>thématique industrielle majeure <strong>de</strong> l’inventaire.Ce resserrage temporel n’est cependant pasrigi<strong>de</strong>, <strong>de</strong>s sites artisanaux ayant eu une transitionindustrielle seront inclus.– l’état matériel <strong>de</strong>s sites est le <strong>de</strong>uxième critère,seules les prises d’eau (sites et mobilierscompris) encore en p<strong>la</strong>ce seront inventoriées. Ilétait nécessaire <strong>de</strong> limiter ce facteur pour nepas tomber dans un inventaire sans limite.Au regard <strong>de</strong> <strong>la</strong> thématique, l’échelle <strong>de</strong> travailchoisie est le bassin versant ainsi <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong>comprend quatorze bassins pour 305 commu -nes et 6028 km².Des archives au terrainUne phase d’enquête documentaire a été nécessaireavant d’arpenter le département. La préparationa consisté en <strong>la</strong> recherche d’informationssur les sites hydrauliques dans les archivesdépartementales, notamment <strong>de</strong> <strong>la</strong> série S(Travaux publics et transports, 1860-1940), ainsique dans celles <strong>de</strong>s administrations déconcentrées<strong>de</strong> l’état, telles <strong>la</strong> Direction Départementale<strong>de</strong> l’Equipement et <strong>de</strong> l’Agriculture (ex : DDAF)et <strong>la</strong> Direction Départementale <strong>de</strong>s AffairesSociales et Sanitaires. Ces <strong>de</strong>rnières disposentd’informations sur les aménagements hydroélectriques(DDEA) et sur le thermalisme(DDASS).L’étape suivante fut <strong>de</strong> croiser ces données avecle cadastre afin <strong>de</strong> localiser le parcel<strong>la</strong>ire com -prenant les sites déjà i<strong>de</strong>ntifiés et <strong>de</strong> trouver<strong>de</strong>s zonages s’approchant <strong>de</strong> <strong>la</strong> typologie d’unsite hydraulique (canal d’amenée, <strong>de</strong> fuite, bief).Une fois le corpus <strong>de</strong>s sites établi, <strong>la</strong> phase <strong>de</strong>terrain a pu débuter.Celle-ci finalise l’enquête grâce à une <strong>de</strong>scription(technique, physique et architecturale) in situpermettant <strong>de</strong> modéliser l’espace d’une imp<strong>la</strong>ntationet ses caractéristiques. Des prises <strong>de</strong> vueet <strong>de</strong>s relevés topographiques sont réalisés afin<strong>de</strong> compléter le dossier d’inventaire. De plus, leterrain offre <strong>la</strong> possibilité d’entrer en contactdirect et <strong>de</strong> sensibiliser les propriétaires face àleur patrimoine. Il ne faut pas négliger les informationspouvant être recueillies auprès <strong>de</strong>spropriétaires qui disposent <strong>de</strong> <strong>la</strong> mémoire dulieu.La finalité <strong>de</strong> cette enquête est <strong>de</strong> dresser <strong>de</strong>stypologies d’imp<strong>la</strong>ntations historiques, géographiqueset techniques car les usages <strong>de</strong> l’eauracontent une histoire artisanale, industriellemais aussi une histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine. Le travailsur les <strong>de</strong>ux départements amènera une perspectiveintéressante aux regards <strong>de</strong>s évolutions<strong>de</strong> ceux-ci.Yannick Milleret24Conduite forcée alimentant l’usine du Foulon.La roue hydraulique est un témoin <strong>de</strong>s usagers<strong>de</strong> l’eau sur ce site.
avec vue sur <strong>la</strong>cau Musée-Château et Pa<strong>la</strong>is <strong>de</strong> l’Ile, Annecy«Avec vue sur <strong>la</strong>c », titre un brin provocateurqui emprunte son vocabu<strong>la</strong>ire aux publicitésimmobilières, le public s’interroge sur lesorigines <strong>de</strong> notre admiration esthétique pourles paysages <strong>la</strong>custres. Comment les artistes ontilsprogressivement perçu ces rivages, commentles ont-ils mis en scène ? Au-<strong>de</strong>là d’une déclinaison<strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> l’art, c’est une approcheculturelle et sociétale du sujet qui est proposéeà travers plus <strong>de</strong> 150 œuvres, peintures, carnets<strong>de</strong> croquis, gravures, aquarelles, affiches maiségalement produits manufacturés, <strong>de</strong> <strong>la</strong> montreau papier peint, extraits cinématographiques,étu<strong>de</strong>s d’architectures <strong>de</strong> villégiature, photographieset films <strong>de</strong> famille ou encore déclinaison<strong>de</strong>s discours les plus contemporains du« marketing » <strong>la</strong>custre.L’exposition s’ouvre sur le livre d’Heures à l’usage<strong>de</strong>s Antonins (Bibliothèque du Patrimoine, Clermont-Communauté),enluminé vers 1460,témoignage <strong>de</strong>s premières représentations<strong>la</strong>custres. Mais c’est encore le <strong>la</strong>c utile qui estmis en avant, protecteur, nourricier et source <strong>de</strong>richesse économique. Il faut attendre le XVIII esiècle pour qu’apparaisse véritablement <strong>la</strong>notion mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> « paysage », sous l’influence<strong>de</strong>s théoriciens ang<strong>la</strong>is. Le goût du voyage serépand, l’envie <strong>de</strong> se <strong>la</strong>isser surprendre par <strong>la</strong>découverte d’un point <strong>de</strong> vue « pittoresque » ;les artistes multiplient les « courses <strong>de</strong> paysage »emplissant leurs carnets <strong>de</strong> croquis pris surle vif et réutilisés en atelier à l’arrière-p<strong>la</strong>n <strong>de</strong>stableaux. Le sentiment <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature, cher àRousseau, se retrouve dans les images gravéesou les miniatures, diffusées à travers l’Europequi introduisent dans les intérieurs une naturebucolique et idyllique.Au XIX e siècle, sous l’influence du naturalisme<strong>de</strong> l’Ecole <strong>de</strong> Fontainebleau, les représentationsévoluent. De décor, le <strong>la</strong>c <strong>de</strong>vient sujet. CommeCourbet, Barthélemy Menn peint le <strong>la</strong>c Léman,et choisit un fragment <strong>de</strong> paysage, volontairementnon-spectacu<strong>la</strong>ire, étendue d’eau scintil<strong>la</strong>nteentraperçue entre un ri<strong>de</strong>au d’arbres. C’estbientôt l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> lumière qui domine, lesjeux formels, prémices à l’introspection <strong>de</strong>s peintres<strong>de</strong> <strong>la</strong> mo<strong>de</strong>rnité, comme <strong>la</strong> Russe Mariannevon Werefkin, réfugiée à Ascona sur le <strong>la</strong>cMajeur. Des colonies d’artistes s’installent aubord <strong>de</strong>s <strong>la</strong>cs. Le peintre parisien Albert Besnarddécouvre ainsi les rives <strong>de</strong> Talloires sur le <strong>la</strong>cd’Annecy en 1886 et y fait construite une <strong>de</strong>spremières vil<strong>la</strong>s <strong>de</strong> villégiature, dont l’architecture<strong>la</strong>rgement ouverte témoigne <strong>de</strong> sa volonté<strong>de</strong> vivre avec son environnement.A partir du XX e siècle, le développement touristique,l’évolution <strong>de</strong>s pratiques <strong>de</strong>s vacanciersmodifient considérablement l’image <strong>de</strong>s <strong>la</strong>csalpins. Des premières affiches-réc<strong>la</strong>mes jus qu’auxdépliants mo<strong>de</strong>rnes, on assiste à <strong>la</strong> naissanced’une vision particulière <strong>de</strong>s <strong>la</strong>cs, toujours ensoleillés,toujours bleus, terrains <strong>de</strong> jeux pour <strong>de</strong>svacances actives et sportives. Les <strong>la</strong>cs sont désormaisà vendre, au risque d’y perdre leuri<strong>de</strong>ntité. La photographie contemporaine montrecependant <strong>la</strong> permanence du regard contemp<strong>la</strong>tifsur le paysage <strong>la</strong>custre. Les oeuvres <strong>de</strong>Daniel Challe explorent <strong>la</strong> mémoire <strong>de</strong> l’enfance,celle <strong>de</strong>s vacances heureuses, tandis que PierreCanaguier enregistre subtilement l’espace lémanique,espace silencieux mais où les traces <strong>de</strong>l’homo touristicus ne sont jamais très loin.Loin <strong>de</strong> se vouloir exhaustive, malgré <strong>la</strong> richessedu travail du Comité scientifique constitué àl’occasion, cette exposition, qui p<strong>la</strong>ce l’imageau centre <strong>de</strong> son analyse, reflète <strong>la</strong> pluralité <strong>de</strong>sapproches et <strong>de</strong>s regards qui constituent <strong>la</strong>culture <strong>la</strong>custre européenne. Souhaitons que <strong>la</strong>présentation <strong>de</strong> ces recherches ne soit qu’uneétape et ouvrent <strong>de</strong> nouvelles pistes d’étu<strong>de</strong>.Sophie Marin-DavidACTUALITÉSEXPOSITIONSAlbert Besnard, Vision <strong>de</strong> Charlottesur <strong>la</strong> galerie <strong>de</strong> Talloires, 1928.Collection particulière. © Illustria.Jean-Louis Richter, Aimé-Julien Troll,tabatière, Vue <strong>de</strong> Genève et du Mont-B<strong>la</strong>nc<strong>de</strong>puis Pregny, Genève, vers 1815-1820,Genève Patek Philippe Museum.CatalogueAvec vue sur <strong>la</strong>c. Regards sur les <strong>la</strong>cs alpinsdu XVIII e siècle à nos jours », 168 pages,120 illustrations, Fage éd., Lyon, juin 2009.25
<strong>de</strong> rive en rêvesonges et visions au bord <strong>de</strong> l’eauACTUALITÉSEXPOSITIONSLa ChâtaignièreDomaine <strong>de</strong> RovoréeDomaine départemental d’art et <strong>de</strong> cultureEspace naturel sensible, YvoireExposition réalisée parle <strong>Conseil</strong> général <strong>de</strong> <strong>la</strong> Haute-<strong>Savoie</strong>,Direction <strong>de</strong>s Affaires culturellesdu 6 juin au 30 septembre 2009,tous les jours <strong>de</strong> 10h à 18hVisites libres ou guidées sur réservationRenseignements 04 50 72 26 67« On rêve avant <strong>de</strong> contempler.Avant d’être un spectacleconscient, tout paysage estune expérience onirique. » 126Engagée pour trois ans dans un cycle d’expositionsur les <strong>la</strong>cs, La Châtaignière, domaine<strong>de</strong> Rovorée, présente en 2009 une approchesensible et poétique <strong>de</strong>s paysages <strong>de</strong> <strong>la</strong>cs, àpartir <strong>de</strong> leur dimension symbolique.La réflexion <strong>de</strong> Gaston Bache<strong>la</strong>rd dans L’eau etles rêves est un point <strong>de</strong> départ pertinent. Ellese fon<strong>de</strong> notamment sur le concept d’imaginationmatérielle et prend appui sur les représentations<strong>de</strong> l’eau dans <strong>la</strong> littérature, <strong>la</strong> poésie etles récits <strong>de</strong> mythes.« Nous croyons que <strong>la</strong> psychologie <strong>de</strong>s émotionsesthétiques gagnerait à étudier <strong>la</strong> zone <strong>de</strong>s rêveriesmatérielles qui précè<strong>de</strong>nt <strong>la</strong> contemp<strong>la</strong>tion. […]On ne regar<strong>de</strong> avec une passion esthétique queles paysages que l’on a d’abord vus en rêve.» 2Bache<strong>la</strong>rd étudie comment <strong>la</strong> littératuretransmet <strong>la</strong> puissance poétique <strong>de</strong> l’eau, au-<strong>de</strong>làdu texte, par les images suscitées chez le lecteur.Selon lui, plus que <strong>la</strong> forme <strong>de</strong> ces images, c’est<strong>la</strong> substance évoquée, <strong>la</strong> matière même <strong>de</strong> l’eauqui nous touche comme lecteur. Et ce en raison<strong>de</strong> notre re<strong>la</strong>tion intime avec l’élément : « Il est<strong>de</strong>s heures où le songe du poète créateur est siprofond, si naturel qu’il retrouve sans s’en douterles images <strong>de</strong> sa chair enfantine. » 3Cette exposition propose d’explorer et <strong>de</strong> transposerles théories <strong>de</strong> Bache<strong>la</strong>rd dans le domaine<strong>de</strong> <strong>la</strong> peinture et <strong>de</strong>s représentations <strong>de</strong>s bords<strong>de</strong> l’eau dormante. À partir d’un corpus d’œuvresdatant pour l’essentiel du XIX e et du débutdu XX e siècle, nous avons dégagé sept thématiques: L’eau <strong>de</strong>s origines et <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie, Reflets etjeux <strong>de</strong> forme, Le <strong>la</strong>c <strong>de</strong>s rencontres amoureuses,Contemp<strong>la</strong>tion et mé<strong>la</strong>ncolie, Voyages heureux,Légen<strong>de</strong>s et forces obscures, Eaux menaçantes.Dans cet article nous invitons le lecteur à parta -ger notre démarche autour <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux thèmes :Reflets et jeux <strong>de</strong> forme et Contemp<strong>la</strong>tion etmé<strong>la</strong>ncolie 4 .André-Charles CoppierL’Oratoire du Clos du moinebrou <strong>de</strong> noix – <strong>23</strong>,9 x 15,3 cm<strong>Conseil</strong> général <strong>de</strong> <strong>la</strong> Haute-<strong>Savoie</strong>Acquisition 2008.Reflets et jeux <strong>de</strong> formeNarcisse et le narcissisme cosmique« Comme <strong>la</strong> vie est un rêve dans un rêve,l’univers est un reflet dans un reflet. » 5Ce qui nous intéresse ici, c’est le « <strong>de</strong>stin esthétique» <strong>de</strong> <strong>la</strong> rêverie <strong>de</strong>vant le reflet <strong>de</strong>s eaux.Bache<strong>la</strong>rd introduit le concept <strong>de</strong> narcissismecosmique qui, au <strong>de</strong>là du narcissisme individuel,conduit l’homme à voir dans le reflet <strong>de</strong>s eaux<strong>la</strong> beauté <strong>de</strong> l’univers : « Peu à peu <strong>la</strong> beauté s’encadre.Elle se propage <strong>de</strong> Narcisse au mon<strong>de</strong>[…] » 6Cette notion nous permet d’expliquer <strong>la</strong> fascination<strong>de</strong>s peintres pour <strong>la</strong> représentation <strong>de</strong>spaysages <strong>de</strong> <strong>la</strong>cs et <strong>de</strong>s reflets dans l’eau, « Le<strong>la</strong>c est un grand œil tranquille. Le <strong>la</strong>c prend toute<strong>la</strong> lumière et en fait un mon<strong>de</strong> » 7 . Le propos estillustré dans l’exposition par l’aquarelle <strong>de</strong>Signac, Vue du Mont-B<strong>la</strong>nc <strong>de</strong>puis le <strong>la</strong>c <strong>de</strong>Ched<strong>de</strong> 8 , par Le Lac <strong>de</strong> Ched<strong>de</strong> <strong>de</strong> Joseph Auriolou par les <strong>de</strong>ssins au brou <strong>de</strong> noix d’André-Charles Coppier 9 .Reflets du ciel, <strong>de</strong> <strong>la</strong> lumière, <strong>de</strong>s reliefs environnants<strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, ou même <strong>de</strong> l’espace réservépar un ciel vi<strong>de</strong> : comme un double presqueparfait <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalité. « L’eau donne au mon<strong>de</strong> ainsicréé une solennité p<strong>la</strong>tonicienne.» 10Cette conception est à rapprocher <strong>de</strong>s lois quisous ten<strong>de</strong>nt <strong>la</strong> construction <strong>de</strong> certainspaysages <strong>de</strong> <strong>la</strong>c <strong>de</strong> Ferdinand Hodler, habitéspar une symétrie rigoureuse : le principe <strong>de</strong>répétition, en tant que manifestation <strong>de</strong> l’ordreet <strong>de</strong> <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>rité dans <strong>la</strong> nature, participe <strong>de</strong>cet idéalisme : « L’œuvre révèlera un nouvel ordre<strong>de</strong>s choses et sera belle par l’idée d’ensemblequ’elle dégagera. » 11Ambiguïté psychologique et visuelle« Où est le réel : au ciel ou au fond <strong>de</strong>s eaux ?L’infini, en nos songes, est aussi profond aufirmament que sous les on<strong>de</strong>s. » 12Bache<strong>la</strong>rd met aussi en avant <strong>la</strong> qualité d’ambivalencepsychologique <strong>de</strong> l’eau : « Une matièrequi n’est pas l’occasion d’une ambivalence psychologiquene peut trouver son double poétique quipermet <strong>de</strong>s transpositions sans fin.» 13 Cette ambiguïtéincite à <strong>la</strong> rêverie, comme aussi « <strong>la</strong> déformation<strong>de</strong>s formes qui permet <strong>de</strong> voir <strong>la</strong> matièresous l’objet », <strong>de</strong> là « <strong>la</strong> richesse métaphoriqued’une eau contemplée en même temps dans sesreflets et dans sa profon<strong>de</strong>ur » 14 . La rêverie <strong>de</strong>l’eau ambivalente est donc à l’origine d’uneimage ambivalente, indéterminée.Les peintres <strong>de</strong> bord <strong>de</strong> l’eau ont cultivé cetteindétermination. Quatre étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> François-Auguste Ravier 15 inspiré par Turner, sont présentéesdans l’exposition. Dans un registre monochromatique,les eaux-fortes d’Enrico Vegettifont penser à James Whistler : une limite floue
entre ciel et eau, une surface d’eau brouilléeproche <strong>de</strong> l’abstraction. Parti pictural pour lepeintre, oscil<strong>la</strong>tion entre plusieurs images pourle spectateur, <strong>la</strong> rêverie se transmet <strong>de</strong> l’un àl’autre.Quant à Gustave Moreau, les étu<strong>de</strong>s ont montréqu’il utilisait <strong>de</strong>s paysages <strong>de</strong> montagne d’aprèsnature comme modèles <strong>de</strong> ses compositions.La prédilection pour <strong>la</strong> représentation <strong>de</strong> l’eaudans ses paysages, qu’il s’agisse <strong>de</strong> paysageshistoriques ou mythologiques ou <strong>de</strong> simplesébauches, témoigne cependant <strong>de</strong> l’utilisationavant tout symbolique que l’artiste fait <strong>de</strong> <strong>la</strong>nature (Narcisse, Le Soir ou <strong>la</strong> douleur). Les <strong>de</strong>uxébauches <strong>de</strong> l’exposition, dites aussi Paysagesaux fa<strong>la</strong>ises, <strong>la</strong>issent <strong>de</strong>viner une étendue d’eaudans <strong>la</strong> partie inférieure. Elles s’inscrivent dansune série <strong>de</strong> paysages indéterminés dont <strong>la</strong>composition enserrée entre <strong>de</strong>ux rochers, récurrentechez l’artiste, leur confère une puissancemétaphorique 16 . Dans les <strong>de</strong>ndrites <strong>de</strong> GeorgeSand formant <strong>de</strong>s « paysages imaginaires <strong>de</strong><strong>la</strong>cs » 17 c’est le procédé <strong>de</strong> création qui nousintéresse, association entre le hasard et <strong>la</strong>composition : « Mon imagination aidant, j’y vois<strong>de</strong>s bois, <strong>de</strong>s forêts ou <strong>de</strong>s <strong>la</strong>cs, et j’accentue cesformes vagues produites par le hasard » 18 .A travers cette ambiguïté inhérente à touteconfiguration visuelle, où l’eau joue à <strong>la</strong> foiscomme élément optique et comme élémentsymbolique, se révèlent l’interprétation <strong>de</strong> l’artisteet son processus créatif, mais aussi <strong>la</strong> partactive, plus ou moins consciente, du spectateurdans <strong>la</strong> réception <strong>de</strong> l’œuvre 19 .Contemp<strong>la</strong>tion, Mé<strong>la</strong>ncolieLes figures rêvant au bord <strong>de</strong> l’eau constituent<strong>de</strong>s archétypes <strong>de</strong> <strong>la</strong> méditation et <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>la</strong>ncolie.Gaston Bache<strong>la</strong>rd explore <strong>la</strong> composantemé<strong>la</strong>ncolique <strong>de</strong> <strong>la</strong> méditation au bord <strong>de</strong> l’eauà travers le complexe d’Ophélie, <strong>la</strong> barque <strong>de</strong>Caron, et <strong>la</strong> poésie d’Edgar Poe : « contemplerl’eau, c’est s’écouler, c’est se dissoudre, c’estmourir. » 20Selon Bache<strong>la</strong>rd, c’est principalement <strong>la</strong> notiondu temps qui passe, <strong>la</strong> solitu<strong>de</strong> et <strong>la</strong> mort quiinspirent notre méditation au bord <strong>de</strong> l’eau,celle-ci remplissant « une fonction psychologiqueessentielle : absorber les ombres, offrir une tombequotidienne à tout ce qui, chaque jour, meurt ennous 21 .Lamartine, Bau<strong>de</strong><strong>la</strong>ire, Apollinaire, Ver<strong>la</strong>ine,Mal<strong>la</strong>rmé se font les interprètes <strong>de</strong> ce sentiment,évoquant les heures du jour et les saisons. Lespaysages <strong>de</strong> bord <strong>de</strong> l’eau, exaltant les lumièresdu crépuscule ou les couleurs <strong>de</strong> l’automne,magnifient cette vision.Par ailleurs, « L’iconographie <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>la</strong>ncolie est[…] toujours une iconographie du <strong>de</strong>uil ; ce qu’ellemet en scène est d’abord une absence. » écritCharles Edouard Le Prince, Promena<strong>de</strong> <strong>de</strong> Julie et Saint-Preux sur le <strong>la</strong>c <strong>de</strong> GenèveHuile sur toile, 97,3 x 135 cm, Musée Jean-Jacques Rousseau, MontmorencyHélène Prigent 22 . Solitu<strong>de</strong> d’une poétesse dansle tableau d’Osbert, solitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> cette femmeprès d’une tombe au bord <strong>de</strong> l’eau dans lepaysage <strong>de</strong> Bidauld <strong>23</strong> , solitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Saint-Preuxaussi, dans <strong>la</strong> peinture <strong>de</strong> Leprince 24 .Ces images <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>la</strong>ncolie, mais aussi lespaysages <strong>de</strong> soleils couchants ou les scènesnocturnes éc<strong>la</strong>irées par <strong>la</strong> lune sont dans l’expositioncomme <strong>de</strong>s pendants aux figures <strong>de</strong>sources, <strong>de</strong> baigneuses et aux matinéesradieuses <strong>de</strong> bords <strong>de</strong> <strong>la</strong>c. Elles nous redisent <strong>la</strong>profon<strong>de</strong> ambivalence <strong>de</strong> l’eau qui renvoie à <strong>la</strong>fois à <strong>la</strong> vie et à <strong>la</strong> mort.Lisse et bril<strong>la</strong>nte, l’eau dormante rappelle lemiroir dans lequel se reflètent l’homme et lesformes <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, favorisant l’introspectionet <strong>la</strong> contemp<strong>la</strong>tion. Doucement berçante, ellerecrée l’ambiance du milieu originel maternel.Eminemment changeante, elle suggère l’instabilité<strong>de</strong>s choses <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>, le temps quipasse, et le <strong>de</strong>rnier voyage.Une vision renouveléeLe propos se situe donc aux confins <strong>de</strong> l’histoire<strong>de</strong> l’art, <strong>de</strong> <strong>la</strong> psychologie <strong>de</strong> <strong>la</strong> perception, <strong>de</strong><strong>la</strong> poésie <strong>de</strong>s correspondances. Un tel sujet <strong>de</strong>recherche dépasse le contexte d’une expositiontemporaire. Avec ces songes et ces visions aubord <strong>de</strong> l’eau, nous espérons ouvrir <strong>de</strong>s pistes<strong>de</strong> réflexion, révéler quelques œuvres, et peutêtre contribuer à renouveler le regard sur lepaysage naturel du <strong>la</strong>c, tout proche.Pour être familier à beaucoup, celui-ci n’en gar<strong>de</strong>pas moins son caractère exceptionnel.Corinne ChorierNotes1. G. Bache<strong>la</strong>rd, L’eau et les Rêves, Paris, José Corti, 1942, p. 2.2. Ibid.3. Ibid., p.13.4.Nous prenons appui sur les œuvres exposées mais aussisur <strong>de</strong>s pièces non présentées.5. Gaston Bache<strong>la</strong>rd, op. cit. p. 67.6. Ibid, p.39.7. Gaston Bache<strong>la</strong>rd, op. cit., p.41.8. Paul Signac, Vue du Mont B<strong>la</strong>nc <strong>de</strong>puis le Lac <strong>de</strong> Ched<strong>de</strong>,Musée Alpin, Chamonix.9.Charles Joseph Auriol, Le Lac <strong>de</strong> Ched<strong>de</strong>, collection Payot,lot <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssins d’André-Charles Coppier, collections départementales<strong>de</strong> <strong>la</strong> Haute-<strong>Savoie</strong>, Conservatoire d’Art etd’Histoire, Annecy.10. Gaston Bache<strong>la</strong>rd, op. cit.p.69.11. Ferdinand Hodler, exposé <strong>de</strong> 1897 à <strong>la</strong> société <strong>de</strong>sBeaux Arts <strong>de</strong> Fribourg, cité par O. Bätschmann dans lecatalogue <strong>de</strong> l’exposition Ferdinand Hodler (1853-1918),musée d’Orsay, Paris, éditions <strong>de</strong> <strong>la</strong> R.M. N., 2007, p. 152.12. Gaston Bache<strong>la</strong>rd, op. cit. p.67.13. Gaston Bache<strong>la</strong>rd, op. cit.p.17.14. Ibid., p.73.15. François Auguste Ravier, Quatre étu<strong>de</strong>s sur panneaux,Musée d’art mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> Saint-Etienne.16. Catalogue <strong>de</strong> l’exposition Paysages <strong>de</strong> rêve <strong>de</strong> GustaveMoreau, Musées <strong>de</strong> Bourg-en-Bresse et Reims, EditionsArtlys, Versailles 2004. Ebauches présentées : n°102 et 105,pp.138 et 139.17. George Sand, Série <strong>de</strong> <strong>de</strong>ndrites, Musée <strong>de</strong> <strong>la</strong> VieRomantique, Paris. La technique consiste à développer à<strong>la</strong> plume ou au pinceau <strong>de</strong>s formes imaginaires obtenuespar écrasement <strong>de</strong> pigments sur une feuille <strong>de</strong> papier.18.Henri Amic, George Sand : mes souvenirs, Paris 1893, citépar Ségolène Le Men « L’artiste et les hasards <strong>de</strong> <strong>la</strong> matière,<strong>de</strong> Cornélius à George Sand », in Revue <strong>de</strong> l’Art, n°137/2002/3, p.19-29.19. « A <strong>de</strong>s <strong>de</strong>grés divers, toute configuration visuelle estcapable <strong>de</strong> représenter ou d’évoquer simultanément ousuccessivement plusieurs figures ». Dario Gamboni, « Ambiguïté,dissimu<strong>la</strong>tion et interprétation », introduction dudossier <strong>de</strong> <strong>la</strong> Revue <strong>de</strong> l’Art n°137. 2002/3.20. Gaston Bache<strong>la</strong>rd, op. cit. p.60.21. Ibid., p.77.22. Hélène Prigent, Mé<strong>la</strong>ncolie, les métamorphoses <strong>de</strong> <strong>la</strong>dépression, Paris RMN, Gallimard 2005.<strong>23</strong>.Alphonse Osbert, Solitu<strong>de</strong>, Jean-Joseph Xavier Bidauld,Paysage à <strong>la</strong> rivière et au tombeau, musée d’Art mo<strong>de</strong>rne<strong>de</strong> Saint -Etienne.24.Charles Edouard Leprince, Promena<strong>de</strong> <strong>de</strong> Julie et Saint-Preux sur le <strong>la</strong>c <strong>de</strong> Genève, Musée Jean-Jacques Rousseau,Montmorency. L’épiso<strong>de</strong> représenté est tiré <strong>de</strong> <strong>la</strong> XVII elettre <strong>de</strong> <strong>la</strong> quatrième partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nouvelle Héloïse.27
Aperçus du nouvel espaced’interprétation : un site et<strong>de</strong>s hommes.PratiqueLes nouveaux aménagementsont été rendus possibles grâce aux nombreusesai<strong>de</strong>s financières <strong>de</strong>s différentes institutions.Après l’obtention d’un PER, Pôle d’ExcellenceRural, pour <strong>la</strong> Vallée du Guiers qui a <strong>la</strong>ncé leprojet <strong>de</strong> rénovation du site.La fréquentation du site a étéces quinze <strong>de</strong>rnières années autour<strong>de</strong> 10 000 visiteurs par an.Depuis sa professionnalisation en 2004,grâce au programme d’ai<strong>de</strong> européen, Lea<strong>de</strong>r +,<strong>de</strong> nombreux projets ainsi qu’unecommunication <strong>de</strong> plus en plus importanteont pu être mis en p<strong>la</strong>ce et ont permis uneaugmentation du nombre <strong>de</strong> visiteurs.2005 > 9 400 visiteurs2006 > 9 920 visiteurs2007 > 10 070 visiteurs2008 > 11 000 visiteursOuverture du siteAvril, mai, juin, septembreet vacances <strong>de</strong> ToussaintDu mercredi au samedi : 14h-18hDimanche et jours fériés : 10h-18hJuillet – aoûtTous les jours <strong>de</strong> 10h à 19hOctobreSamedi et Dimanche : 14h-18hAccès : à 20 mn <strong>de</strong> Chambéry par <strong>la</strong> D1006 endirection du Parc naturel régional <strong>de</strong> Chartreuse.www.animgrotte.cominfo@animgrotte.comRéservation billetterie06 79 56 <strong>23</strong> 76 / 04 79 65 75 08dominant Saint-Christophe, il y a 14 000 ans…Dans ce même bâtiment, les visiteurs pourronttrouver également <strong>la</strong> billetterie, un espace <strong>de</strong>convivialité et une boutique en lien avec lesterritoires Chartreuse et Avant Pays Savoyard.Ces aménagements permettent un accueil <strong>de</strong>svisiteurs <strong>de</strong> qualité et répon<strong>de</strong>nt désormais à<strong>la</strong> beauté pittoresque du défilé.L’abri sous roche <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fru,les premiers hommes en ChartreuseDans les années quatre-vingt, plusieurs campa -gnes <strong>de</strong> fouilles archéologiques furent entreprisespar M. Gilbert Pion, archéologue, etDocteur en Préhistoire, sur les sites <strong>de</strong> Gerbaixet <strong>la</strong> Fru, sur le p<strong>la</strong>teau <strong>de</strong> <strong>la</strong> Ravoire dominant<strong>la</strong> commune <strong>de</strong> Saint-Christophe-<strong>la</strong>-Grotte. Lesfouilles ont révélé <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> groupeshumains <strong>de</strong> façon saisonnière sur plus <strong>de</strong> 5 000ans, entre 14 000 et 8 500 BP (before Present).Ces habitats préhistoriques, <strong>de</strong> type habitat <strong>de</strong>plein air et abri sous roche ont accueilli troisfaciès culturels différents (par ordre chronologique: les Magdaléniens <strong>de</strong> –14 000 à 12 000av. J.-C., les Aziliens <strong>de</strong> 11 800 à 9 500 BP, lesMésolithiques <strong>de</strong> 9 500 à 8 500 BP).L’abondance du gibier et l’accès par les valléesont favorisé l’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> ces hommes surles p<strong>la</strong>teaux <strong>de</strong> Saint-Christophe. À cetteépoque, <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière g<strong>la</strong>ciation vient <strong>de</strong> seterminer et <strong>la</strong> région est soumise peu à peu àun réchauffement climatique. Un couvertvégétal et une faune adaptés à ces conditionsnouvelles gagnent le territoire, c’est ainsi queles hommes vont se dép<strong>la</strong>cer jusqu’ici.L’abri sous roche <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fru s’étend sur unecentaine <strong>de</strong> mètre au pied d’une petite fa<strong>la</strong>isecalcaire orientée à l’ouest.Les ossements d’animaux et les objets mis aujour lors <strong>de</strong>s fouilles ont fait avancer <strong>la</strong> connaissancesur <strong>la</strong> pénétration <strong>de</strong> l’homme dans lesAlpes du Nord et sur son adaptation à l’environnement.Les variations climatiques entraînant<strong>de</strong>s changements dans <strong>la</strong> composition <strong>de</strong> <strong>la</strong>flore et <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune ont obligé l’homme àadapter ses techniques <strong>de</strong> chasse et donc sonoutil<strong>la</strong>ge. Ainsi, l’attribution d’un faciès culturelà une couche archéologique repose sur l’analysetypologique du matériel exhumé.L’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s espèces chassées marqueune nette prédominance du cerf, du chevreuilet du bouquetin auxquels viennent s’ajouter<strong>de</strong>s restes <strong>de</strong> chamois, sanglier, loup, marmotte,martre et cheval. L’ensemble du matériel lithi -que est composé essentiellement <strong>de</strong> pointes àdos, <strong>de</strong> grattoirs, <strong>de</strong> <strong>la</strong>mes à dos et <strong>de</strong> burins.Ce patrimoine a été nouvellement valorisé dansl’espace scénographique Un site et <strong>de</strong>s hommesqui vient enrichir le site déjà attractif par <strong>la</strong>majesté du monument dédié au duc CharlesEmmanuel II <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>, <strong>la</strong> riche histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong>Voie sar<strong>de</strong> et <strong>la</strong> visite <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux grottes naturellesaussi étonnantes que différentes.Anne Bozonier29
le sport estcréateur d’art 1ACTUALITÉEXPOSITIONSMaison <strong>de</strong>s Jeux olympiques d’hiver11 rue Pargoud – Albertville (centre ville)Tél. 04 79 37 75 71maisonjeuxolympiques@wanadoo.frExpositionÉtoiles olympiques, le cinéma <strong>de</strong>s championsjusqu’au 10 novembre 2009<strong>de</strong> 9h30 à 12h30 et <strong>de</strong> 14h à 18h,sauf dimanche et jours fériésjuillet et août <strong>de</strong> 9h30 à 19h,dimanche et jours fériés <strong>de</strong> 14h à 19hLorsque l’on visite <strong>la</strong> Maison <strong>de</strong>s Jeux olympiques,on revit évi<strong>de</strong>mment l’aventure <strong>de</strong>s Jeux olympiques<strong>de</strong> 1992 en <strong>Savoie</strong>, on découvre <strong>la</strong> saga <strong>de</strong>s stations<strong>de</strong> ski et on retrouve les grands champions du ski ou<strong>de</strong> <strong>la</strong> g<strong>la</strong>ce. Mais s’attend-on à voir sur les écransVittorio De Sica en conversation avec Jean-C<strong>la</strong>u<strong>de</strong>Killy ? À s’apercevoir que le champion qui disputeune <strong>de</strong>scente olympique n’est autre que David Soul,plus connu sous le nom <strong>de</strong> Hutch dans une célèbresérie policière ? L’exposition Étoiles olympiques, lecinéma <strong>de</strong>s champions entremêle allègrement réalitéet fiction, enjeux <strong>de</strong> <strong>la</strong> compétition et jeux d’acteurs,art <strong>de</strong> <strong>la</strong> glisse et septième art.Les re<strong>la</strong>tions entre sport et cinéma sont une découverteétonnante qui a intrigué trois musées <strong>de</strong> l’arcalpin. Le Musée Olympique à Lausanne, le Muséenational <strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne « Duc <strong>de</strong>s Abruzzes » àTurin et <strong>la</strong> Maison <strong>de</strong>s Jeux olympiques à Albertvillequi se sont <strong>la</strong>ncés à <strong>la</strong> recherche <strong>de</strong>s vieilles bobinesoù les stars <strong>de</strong> <strong>la</strong> neige et <strong>de</strong> <strong>la</strong> g<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>viennent <strong>de</strong>sacteurs sous les feux <strong>de</strong> <strong>la</strong> rampe.Mais l’histoire commence avec <strong>la</strong> mise en scène carc’est <strong>la</strong> réalité qui inspire <strong>la</strong> fiction. Dès les Jeux olympiquesd’hiver <strong>de</strong> 1928, le célèbre réalisateur <strong>de</strong>« Bergfilm » Arnold Franck 2 donne aux compétitionsun relief popu<strong>la</strong>ire et une puissance dramatique. Lesmésaventures <strong>de</strong>s bobeurs Jamaïcains aux Jeuxolympiques <strong>de</strong> Calgary (1988) <strong>de</strong>viennent emblématiques<strong>de</strong> <strong>la</strong> réussite <strong>de</strong> ces apprentis championslorsque le film Rasta Rockett (1993) <strong>de</strong> Jon Turteltaubcrève l’écran <strong>de</strong> <strong>la</strong> notoriété. En 1968 pour les JeuxAffichette du film Sun Valley Serena<strong>de</strong>,<strong>de</strong> H. Bruce Humberstone, 1941.olympiques <strong>de</strong> Grenoble, C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Lelouch réussit avec13 jours en France un film au souffle différent. Caméraà l’épaule, il filme l’émotion <strong>de</strong>s anonymes, <strong>la</strong> transformationd’une ville vers <strong>la</strong> mo<strong>de</strong>rnité, l’atmosphèreélectrique du match mythique <strong>de</strong> hockey-sur-g<strong>la</strong>cequi oppose <strong>la</strong> Tchécoslovaquie (médaille d’argent)à l’URSS (médaille d’or) en plein contexte <strong>de</strong> <strong>la</strong> Guerrefroi<strong>de</strong>. Ses interprètes ont pour nom Jean-C<strong>la</strong>u<strong>de</strong>Killy, Marielle Goitschel, Peggy Flemming, qui <strong>de</strong>viennentacteurs <strong>de</strong> leur propre rôle. Le sport est occasiond’art, selon <strong>la</strong> formule <strong>de</strong> Pierre <strong>de</strong> Coubertin.A<strong>la</strong>in Arvin-Bérod 3 analyse ainsi l’évolution parallèle<strong>de</strong> ces mouvements :« Dès leurs débuts le sportet le cinéma s’inscrivent dans une culture nouvelle,celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> mo<strong>de</strong>rnité qui va fabriquer ses propreshéros, sur le sta<strong>de</strong> et sur l’écran. Le sportif est unenouvelle figure du héros. Il incarne une imageidéale tant sur le p<strong>la</strong>n individuel que collectif.Aujourd’hui avec <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> l’image médiatique,on utilise indifféremment le mot “ star ” pourles <strong>de</strong>ux figures, sportive et cinématographique.La construction d’un genre visuel nouveau, le spectaclesportif, est caractérisée par <strong>la</strong> recherche <strong>de</strong> <strong>la</strong>beauté du geste, par <strong>de</strong>s images fortes et par l’intensitédramatique. Ces <strong>de</strong>ux cultures ont encommun <strong>de</strong> jouer sur les limites du temps et <strong>de</strong>l’espace, <strong>de</strong>ux éléments indispensables au récit(scénario ou match) réel ou imaginaire ». Lorsqu’ilssont au sommet <strong>de</strong> leur art, les champions sontréc<strong>la</strong>més par les studios. Après les J.O. <strong>de</strong> 1936,Hollywood transforme <strong>la</strong> patineuse Sonja Henieen super star <strong>de</strong>s comédies musicales, à l’instar <strong>de</strong><strong>la</strong> nageuse Esther Williams. Le triple championolympique <strong>de</strong> 1956, l’Autrichien Toni Sailer fait unevéritable carrière au cinéma alors que Jean-C<strong>la</strong>u<strong>de</strong>Killy, également triple champion olympique (1968)fait un unique film où il tient le rôle principal. Maisil passe aussi <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> caméra en coécrivant,en 1986 avec le réalisateur Robert Enrico, lescénario du film <strong>de</strong> <strong>la</strong> candidature <strong>de</strong>s Jeux olympiquesd’Albertville et <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong>. De l’art du jeuaux Jeux <strong>de</strong> l’art…C<strong>la</strong>ire GrangéAffiches provenant du fonds du Museo Nazionale<strong>de</strong>l<strong>la</strong> Montagna, Torino.[en haut] Le cinéaste C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Lelouchfilmant les J.O. <strong>de</strong> Grenoble.[ci-<strong>de</strong>ssus] Affiche du film Der Schwarze Blitz(L’éc<strong>la</strong>ir noir), <strong>de</strong> Hans Grimm, 1958.[ci-contre] Affiche du film Snow Job(28’ pour un hold-up), <strong>de</strong> George Englund, 1972.30Notes1. Formule <strong>de</strong> Pierre <strong>de</strong> Coubertin, citée par A. Arvin-Bérod,in « Les neiges <strong>de</strong> Grenoble », éd. 2ponts/coljog, 2008.2. Arnold Franck (1889-1974), le maître <strong>de</strong>s films <strong>de</strong>montagne <strong>de</strong> l’entre-<strong>de</strong>ux guerres, auteur notamment <strong>de</strong>Der Heilige Berg (<strong>la</strong> montagne sacrée) en 1926, avec LéniRiefenstahl, Luis Trenker, Hannes Schnei<strong>de</strong>r.3. In Catalogue Étoiles olympiques, éd. Cahier Museo -montagna, 2008, français et italien.
notes <strong>de</strong> lectureHannibal chez les Allobroges.218 avant Jésus-Christ.La gran<strong>de</strong> traversée <strong>de</strong>s Alpespar Aimé Bocquet,éd. La Fontaine <strong>de</strong> Siloécoll. Lieux <strong>de</strong> mémoire, 2009isbn 978-2-84206-419-8 – 19 eAimé Bocquet retrace avec <strong>la</strong>passion et <strong>la</strong> science qu’on luiconnaît le périple d’Hannibal autravers <strong>de</strong>s Alpes. Loind’avancer une hypothèsesupplémentaire, il veut avanttout réconcilier pragmatismeet érudition en cherchant àexpliquer une situationhistorique. Il ne suffit pas <strong>de</strong>décortiquer les historiens grecset romains, il faut aussi seconfronter au terrain et auxdécouvertes archéologiques,qui peuvent apporter unéc<strong>la</strong>irage nouveau sur les récitsantiques. Cherchant à rep<strong>la</strong>cerle périple d’Hannibal dans lecontexte allobroge, noussommes amenés à découvrirune société obéissant à unsystème très hiérarchisé, aubellicisme omniprésent, etsachant utiliser les ressources<strong>de</strong> son territoire au travers <strong>de</strong>l’agropastoralisme et <strong>de</strong>l’exploitation <strong>de</strong>s ressourcesforestières et minières.L’hypothèse <strong>de</strong> reconstitution<strong>de</strong> <strong>la</strong> route suivie par Hannibalest le résultat <strong>de</strong> <strong>la</strong> perceptiondu « contexte allobroge », d’uneconnaissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> géographie<strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne alpine, ainsique d’une science certaine <strong>de</strong>sdécouvertes archéologiquesliées à <strong>la</strong> pério<strong>de</strong>, le toutconfronté à une lecturerigoureuse <strong>de</strong>s textes antiques(essentiellement Polybe).Nous ne dévoilerons pasl’hypothèse développé parAimé Bocquet par égard aulecteur curieux <strong>de</strong> découvrir parlui-même <strong>la</strong> logique <strong>de</strong> l’auteur.La vil<strong>la</strong> gallo-romaine<strong>de</strong> Gilly-sur-Isère,Combe <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>par Henri Barthélémy, 2008isbn 978-2-7466-0<strong>23</strong>2-8 – 9 eGilly-sur-Isère est l’un <strong>de</strong>s plusriches sites gallo-romains <strong>de</strong>l’Isère. Sa situation, le long <strong>de</strong>gran<strong>de</strong> voie romainetransalpine, près d’un coursd’eau, mais à l’abri <strong>de</strong>s crues <strong>de</strong>l’Isère, <strong>la</strong>issant un <strong>la</strong>rge espaceagricole à disposition, étaitidéal. De plus, <strong>de</strong>rnièreagglomération allobroge avant<strong>la</strong> frontière avec les Ceutrons<strong>de</strong>s Alpes Graies, un sanctuaireroutier s’imposait.Après 13 ans <strong>de</strong> fouillesarchéologiques, <strong>la</strong> vil<strong>la</strong> galloromainedu Grand-Verger a étéentièrement exhumée <strong>de</strong> sagangue d’alluvions et <strong>de</strong>dépôts. Décorée <strong>de</strong> peinturesmurales et <strong>de</strong> mosaïques, elleassurait, malgré samagnificence, une vocationagricole. Rare vil<strong>la</strong> restituée <strong>de</strong>sAlpes du nord, le site se visiteaujourd’hui librement. Quantaux objets trouvés lors <strong>de</strong>sfouilles, ils sont aujourd’huivisibles au Musée <strong>de</strong> Conf<strong>la</strong>nsà Albertville.Les Alpesocci<strong>de</strong>ntales romainespar Maxence Segard, éd. ErranceCentre Camille Jullian, 2009isbn 978-2-8777-<strong>23</strong>87-9 – 39 eCet ouvrage est <strong>la</strong> thèsed’Archéologie que l’auteur asoutenu en 2005 à l’Université<strong>de</strong> Provence, remaniée pour<strong>la</strong> présente édition.Contrairement à l’imagecommunément admise que,durant <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> romaine,les Alpes étaient une barrièredifficile à franchir avec <strong>de</strong>szones <strong>de</strong> vallée romaniséeset <strong>de</strong>s reliefs aux popu<strong>la</strong>tionsautochtones hostiles, l’auteurdémontre que notre massif aconnu un fort développementurbain, ainsi qu’une miseen valeur économique <strong>de</strong>sressources locales (pastoralismeet exploitation <strong>de</strong>s mines).Après une introductionbrossant le panorama<strong>de</strong> <strong>la</strong> recherche historiqueet <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> conquêteromaine dans les Alpes,l’ouvrage s’organise entrois parties :La première s’intéresse auxpeuplements et à l’habitat,<strong>de</strong> <strong>la</strong> casa retica protohistoriqueaux villes alpines et auxétablissements ruraux.La <strong>de</strong>uxième traite <strong>de</strong>l’économie avec un état <strong>de</strong>slieux <strong>de</strong> l’occupationmontagnar<strong>de</strong> et <strong>de</strong>l’exploitation <strong>de</strong>s ressourcesagro-pastorales, puis minérales,au travers <strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong>sdonnées paléoenvironne -mentales. Une troisièmepartie s’attache au paysage<strong>de</strong>s vallées et <strong>de</strong> <strong>la</strong> moyennemontagne, puis <strong>de</strong> <strong>la</strong> hautemontagne, enfin à l’emprisec<strong>la</strong>irsemée <strong>de</strong> <strong>la</strong> sociétésur un paysage encoremajoritairement forestier.Regards sur l’Art Sacréen Pays <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong> à traversles collections du musée d’artet d’histoire d’Albertvillepar Jean-Luc Bourgesisbn 978-2-9529533-1-3 – 14 eCet ouvrage est le catalogue<strong>de</strong>s collections d’art sacrédu musée d’art et d’histoired’Albertville-Conf<strong>la</strong>ns.Parmi l’ensemble <strong>de</strong>scollections du musée,<strong>la</strong> collection d’art religieuxest importante, cohérente etstructurée. Près <strong>de</strong> 200 objets<strong>la</strong> composent : piècesd’ameublement, piècesd’orfèvrerie, ornementsliturgiques, tableaux, ainsi que<strong>de</strong> nombreux objets popu<strong>la</strong>ires.Mais le pilier <strong>de</strong> <strong>la</strong> collection estsans conteste <strong>la</strong> statuaire, tanten terme quantitatif (29 objets)que qualitatif avec <strong>de</strong>s œuvresd’époque et <strong>de</strong> facture variées.Le musée a mené un travailexhaustif <strong>de</strong> reconnaissance<strong>de</strong> ces œuvres au traversd’une fiche techniquenommant, datant et décrivantl’objet et son contexte.Le résultat <strong>de</strong> ce travail estaujourd’hui publié sous <strong>la</strong>forme <strong>de</strong> ce petit ouvrage,bien pratique pendant ou après<strong>la</strong> visite pour appréhen<strong>de</strong>r <strong>la</strong>richesse et <strong>la</strong> variété <strong>de</strong> l’artreligieux en <strong>Savoie</strong>.Souvenirs d’Annecy.Ecrivains et peintrespar A<strong>la</strong>in Bexonet Georgette Chevallieréd. Itinera Alpina, 2008isbn 2-913190-07-3 – 49 eRegards croisés sur Annecy.A<strong>la</strong>in Bexon et GeorgetteChevallier ont eu cettemerveilleuse idée d’associer<strong>de</strong>ux arts majeurs : <strong>la</strong> peintureet <strong>la</strong> littérature pour uneévocation <strong>de</strong> cette ville entre<strong>la</strong>c et montagne. Une visite àpartir <strong>de</strong> regards d’artistes quinous plongent dans le mystère<strong>de</strong> <strong>la</strong> nostalgie annecienne.Cette anthologie estpassionnante et mêle avecbonheur regards littéraireset émotions picturales.Des peintres paysagistes auromantisme délicieux auxartistes du XX e s., sans oublierles représentants <strong>de</strong> <strong>la</strong> peinturemédiévale, tous ont poursuiviavec une talentueuseobstination cette même quête<strong>de</strong> représentation du paysageannecien.Poésies romantiques oulyriques, impressions fugitivesimprégnées <strong>de</strong> nostalgieonirique, brèves notes <strong>de</strong>voyage, é<strong>la</strong>ns p<strong>la</strong>toniques ouenvolées amoureuses,p<strong>la</strong>idoyers ou panégyriques,chroniques légères ounarrations raffinées, quellequ’en soit <strong>la</strong> forme, cetteextraordinaire profusion<strong>de</strong> « souvenirs d’Annecy »compose un florilège qui nemanquera pas nous réjouir.Entre Piémont et France :<strong>la</strong> <strong>Savoie</strong> déroutée,1848-1858par Sylvain Milbachéd. Université <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>, 2008isbn 978-2-915797-50-3 – 18 e1848, année du réveil <strong>de</strong>snations et <strong>de</strong> l’avènement<strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie en Europe…La <strong>Savoie</strong> n’y fait pas exception,puisque c’est à cette datequ’elle entre dans l’èreconstitutionnelle : le roi <strong>de</strong>Sardaigne Charles-Albertgarantit par le Statuto leslibertés fondamentales à sessujets. Sylvain Milbach s’attachedans cet ouvrage à expliquer <strong>la</strong>mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> clivagespolitiques qui perdureront bienaprès le Rattachement <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>Savoie</strong> à <strong>la</strong> France en 1860. Denouvelles élites démocrates etlibérales s’affrontent aux élitessavoyar<strong>de</strong>s conservatrices.De cet affrontement naîtl’idée que <strong>la</strong> <strong>Savoie</strong> n’a plusgrand-chose en communavec le Piémont transalpin.L’idée <strong>de</strong> séparation est alorsune évi<strong>de</strong>nce pour beaucoupet conduit à l’Annexion <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>Savoie</strong> à <strong>la</strong> France, puis àl’Unité italienne.NOTES DE LECTUREL’aventure <strong>de</strong>s tuiliersen Avant-Pays savoyardpar Jean Maret et Michel Tissutéd. FAPLA, 2008isbn 978-2-9533417-0-6 – 20 eCet ouvrage est une découverteen perspective, sur plusieurssiècles, <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie d’unecommunauté humainecaractérisée par une profession,celle <strong>de</strong> tuilier, et par un lieurural, enc<strong>la</strong>vé, porteur <strong>de</strong>mémoire, l’Avant-Pays savoyard,dans <strong>la</strong> zone <strong>de</strong> frontière entre<strong>la</strong> France et les états <strong>de</strong> <strong>Savoie</strong>.Du matériau <strong>de</strong> départ :l’argile, que l’on retrouve enabondance dans l’Avant-Payssavoyard, au produit fini, il fauten passer par toutes les phases<strong>de</strong> fabrication. Le savoir-faire,perdu lors du déclin <strong>de</strong> <strong>la</strong>civilisation romaine, en a étéredécouvert au XVI e siècle,et <strong>la</strong> production s’est faitelocalement dans <strong>de</strong> nombreuxpetits ateliers. Les différentssites <strong>de</strong> production etl’évolution <strong>de</strong>s techniques<strong>de</strong> construction sont évoqués,<strong>de</strong> même que <strong>la</strong> typologie <strong>de</strong>l’habitat, intimement liée aumo<strong>de</strong> <strong>de</strong> recouvrement <strong>de</strong>scharpentes. Cet ouvrage plongeses racines dans un terroir, dontles tuiliers seraient les gui<strong>de</strong>s,afin <strong>de</strong> nous faire découvrir unterritoire profondément rural.Vinciane Neel31
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